Compl Chaos

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Le chaos

l
Le chaos, en physique, n'est pas synonyme de désordre absolu : des structures géométri-
ques élégantes décriyent le comportement des systèmes chaotiques. Le chaos limite la pré-
yisibilité, mais fait aussi apparaître des relations causales là où nous n'en imaginions pas.

par James Crutchfield, Doyne Farmer, Norman Packard et Robert Shaw

a puissance de la science naît de quand ils battent les cartes ou les robots phénomène aléatoire, le mouvement

L sa faculté à relier les e1fets et les


causes. À partir des lois de la
gravitation, nous sommes capables de
électre-ménagers quand ils pétrissent de
la pâte.
Avec le chaos sont apparus de nou-
brownien, qui apparaît par exemple
quand on observe au microscope un
grain de poussière en suspension dans
prévoir les éclipses, par exemple, plu- veaux concepts de modélisation scienti- l'eau: les mouvements incessants et en
sieurs milliers d'années avant qu'elles se fique. D'un côté, nous voyons que la toutes directions du grain de poussière
produisent. Tous les phénomènes natu- prévisibilité de ces systèmes est fonda- sont dus il l'agitation thermique des
rels ne sont pourtant pas aussi prévisi- mentalement limitée, mais, de l'autre, molécules d'eau; comme les molécules
bles. Ainsi les mouvements de l'atmos- la reconnaissance du détenninisme pro- d'eau sont invisibles et en nombre
phère, qui obéissent aux mêmes lois pre au chaos nous ouvre de nouvelles considérable dans tout système macro-
physiques que les mouvements des perspectives; de nombreux phénomènes scopique, il est absolument impossible
planètes. ne sont exprimés qu'en tennes aléatoires ont une structure et sont en de prévoir la trajectoire précise du grain
probabilisl<:S. li y a de l'imprévisible réalité plus prévisibles qu'on ne le de poussière. Le caractère quasi-aléa-
dans le temps qu'il fera, l'écoulement supposait : ils sont simplement chaoti- toire du phénomène résulte, dans
de l'eau ou le lancer des dés : pour tous ques. En conséquence, on sait au- cet exemple, des innombrables interac-
les phénomènes de ce type. aucune jourd'hui interpréter, avec des lois sim- tions entre tous les constituants du
relation n'apparaît immédiatement en· ples, d'innombrables données accumu- système.
tre une cause et un effet, et l'on dit qu'ils lées que l'on avait perdu espoir d'ana_ Au contraire, le chaos, auquel cet
sont aléatoires. Ce caractère aléatoire ne lyser faute d'un fil directeur. La struc- article est consacré, apparaît même dans
décourageait pourtant pas les pbysi- ture du chaos conÎere un ordonnance- des systèmes constitués d'un nombre
ciens. et l'on croyait encore récemment ment à des phénomènes extrêmement limité d'éléments, tous observables; que
qu'il suffirait d'accumuler et de traita variés : la circulation atmosphérique, de tels systèmes présentent déjà un
une quantité plus importante d'informa- j'écoulement des gouttes d'un robinet comportement aléatoire nous amène à
tions pour prévoir le comportement de qui fuit, le fonctionnement du cœur, etc. réviser nos idées sur l'origine du
ces systèmes. De ce fait, une révolution bouleverse de comportement aléatoire des systèmes
Une découverte étonnante a remis en nombreuses branches de la science. plus complexes, comme l'atmosphère
cause cette hypothèse : des systèmes par exemple.
déterministes constitués de très peu Pourquoi les mouvements de l'atmos-
d'éléments ont aussi des comportements Le déterminisme phère sont-ils plus difficiles à prévoir
aléatoires. De plus, ce caractère aléa- que les éclipses de Soleil? L'atmosphère
toire est fondamental, et !1 ne disparaît Pourquoi le comportement d'un sys- et le Système solaire sont tous deux
pas, même quand on améliore le sys- tème est-il aléatoire? Étudions cette constitués de nombreux éléments, dont
tème de mesure. On qualifie aujourd'hui question sur un exemple classique de la même loi simple - la relation fonda-
de chaotiques ces systèmes dont l'étude
est en plein essor (voir Déterminisme et
chaos, par Vincent Croquette, Pour la 1. ON PEUT SE REPRÉSE!''TER LE CHAOS comme le résultat d'opération. géométriques
Science nO 62). successive5 d'étirement et de repliement. On a pratiqué ce type d'opérations sur une peinture
Soulignons un point paradoxal : le du mathématicien français Henri Poincaré, le fondateur de la théorie des systèmes
dynamiques. On a d'abord numérisé J'image (~n Mut à gaucJl~) afin de la traiter par
chaos découvert est déterminis~ car il
ordinateur. Puis on a appliqué un « étirement-repliement» dont le résultat est analogue
est régi par un ensemble de règles à celui que J'on aurait obtenu en plaçant l'image sur une bande de caoutchouc, en l'étirant,
précises qui ne font elles-mêmes interve>- puis en coupant les parties de l'image qui débordent du cadre et en les réintroduisant sur
nir aucun élément aléatoire; en prin- le côté opposé j le résultat de cette première opération est représenté sur J'image 1 (u nombn
cipe, le futur d'un tel système est pf"innl au-dessui d~ cha'lu~ imoge indi'lu~ l~ nombre d'opiroliollS eifec/um). Quand on
complètement déterminé par son passé, effectue cette transformation plusieun fois, le visage se brouille (images 2 à ~, les couleurs
mais, en pratique, les incertitudes sur se mélangent et l'image tout entière prend une teinte homogène (images 10 n 18). Certains
les conditions initiales sont amplifiées, points reviennent cependant, parfois, au voisinage de leur position originale, et l'on voit alors
de sorte que si le court terme est réapparaître brièvement l'image originale (imag~ 47 ~t 48, el 239 à 2(1). La transformation
illustrée sur cette figure présente une particularité : la fréquence du phénomène de
prévisible, l'évolution à long terme ne CC" récurrence de Poincaré ", ou réapparition de l'image initiale (phénomène baptisé ainsi
l'est plus. En outre, il existe de l'ordre en mécanique statistique) est bien supérieure à ce qu'elle est en général: dans les systèmes
dans le chaos : les comportements chaotiques, ce type de récurrence est très rare, de l'ordre d'une seule fois lors d'une évolution
chaotiques sont régis par des structures durant un temps égal à l'âge de l'Univers i dès que de petites fluctuations se font sentir,
géométriques élégantes qui engendrent le temps qui s'écoule entre deux réapparitioD5 est hahituellement si long que toute information
de l'aléatoire, tout comme les joueurs sur l'image originale est perdue.

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la 18

47 48 237

239 240 241

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mentale de la dynamique - décrit Un peu d'algèbre et quelques consid~ et, au XVIIIe siècle, Pierre Simon de
le comportement individuel. Comme rations élémentaires de dynamique Laplace l'exprima sous sa forme la plus
toutes les lois, cette loi fondamentale de indiquent alors que, si l'on connaît extrême : selon Laplace, il suffisait de
la dynamique est un ouùl de prévision: (par une mesure) la position et la vitesse connaître la position et la vitesse de
si l'on désigne par F la force appliquée d'un objet à un instant donné, la loi toutes les particules de l'Univers, à un
à un corps et par m la masse de ce corp~, permet de déterminer ces deux variables instant donné, pour calculer l'intégralité
on détermine l'accélération a commum- à n'importe quel autre instant. Cette de son évolution ultérieure. On conçoit
quée par la force par l'égalité F = ma. idée joue en science un rôle fondamental facilement la difficulté d'un tel pro-
. gramme, mais, pendant plus de 100 ans,
on a tenu l'idée de Laplace pour fondée,
au moins dans son principe, L'applica-
tion immédiate de l'idée de Laplace au
comportement humain eut des conse>
~, Laplace.. Essai philosophique sur les probabilités (1776)
quences philosophiques retentissantes :
le comportement humain est prédéter-
cc L'état présent du système de la ature est évidemment une
miné et le libre arbitre n'est qu'une
suite de ce qu'il était au moment préoédent, et. si nous concevons
illusion.
une intelligence qui, pour un instant donné, embrasse tous les
Au xx e siècle, le détenninisme lapla-
rapports des êtres de cet Univers, elle pourra déterminer pour un
cien s'est effondré pour deux raisons
temps quelconque pris dans le passé ou dans l'avenir la position
différentes, l'une microscopique et l'au-
respective, les mouvements, et généralement les affections de tous
tre macroscopique. La première est
ces êtres. apparue au début du siècle avec la
L'Astronomie physique, celle de toutes nos connaissances qui fait
mécanique quantique: selon le principe
le prus honneur à l'esprit humain, nous offre une idée, quoique d'incertitude d'Heisenberg - un dogme
, imparfaite, de ce que serait une semblable intelligence. La simplicité
central de la héorie quantique -, il est
de la loi qui fait mouvoir les corps célestes, res rapports de leurs impossible de déterminer simu1tan~
masses et de leurs distances, permenent à l'Analyse de suivre,
ment, avec une précision absolue, la
jusqu'à un certain point, leurs mouvements; et, pour' déterminer vitesse et la position d'une particule.
l'état du système de ces grands corps dans les siècles passés ou Cette relation fondamentale permet
futurs, il suffît au géomètre que l'observation lui donne I.eur position d'interpréter correctement certains phe>
et leur vitesse pour un instant quelconque: "homme dOit alors cet
nomènes aléatoires comme la désintfr
avantage à la puissance de nnstrument Qu'il emploie, et au petit gration radioactive, car les noyaux sont
nombre de rapports qu'il embrasse dans ses calculs; mais si petits que, selon le principe d'Heisen-
/'ig'norance des différentes causes Qui concourent à la production
berg, il est impossible de déterminer
des événements, et leur complication, jointe à J'imperfection de
précisément leurs mouvements; de ce
l'~nalyse, l'empêohent de pronon~er avec la m~me certit~de sur le
fait, il est également impossible de
'. plus grand nombre des phénomènes; il y a donc pour lUI des' prévoir quand ils se désintégreront.
." '. choses incertaines, il y en a de plus ou moins probables. Dans
À l'échelle macroscopique, l'origine
• l'impossibilité de les connaître, il a cherché à s'en dédommager en
de l'imprévisibilité est autre. Certains
déterminant leurs différents degrés de vraisemblance, en sorte Que phénomènes à grande échelle sont prévi-
nous devons à la faiblesse de l'esprit humain une des théories les
sibles, tandis que d'autres ne le sont pas,
plus délicates et les plus ingénieuses des Mathématiques, savoir la mais cette différence n'a aucun lien avec
science des hasards ou des probabilités. n la mécanique quantique. La trajectoire
d'un ballon de football, par exemple, est
prévisible, et les gardiens de but savent
Poincaré. Science et méthode (1903) exactement où ils doivent chercher le
ballon quand un tir est effectué d'assez
.. Une cause très petite, Qui nous échappe, détermine un effet loin. En revanche, la trajectoire d'un
. considérable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous ballon de baudruche qui se dégonfle est
disons que cet effet est dO au hasard. Si nous connaissions parfaitement imprévisible : le ballon
exactement les lois de la nature et la situation de l'Univers à tournoie et effectue des soubresauts
"instant initial, nous pourrions prédire exactement la situation d~ ce imprévisibles. Pourtant les deux ballons
même Univers à un instant ultérieur. Mais, lors même Que les lOIS obéissent à la relation fondamentale de
," naturelles n'auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrions
la dynamique. Pourquoi la trajectoire
connai"tre la situation initiale qu'approximativement Si cela nous du ballon de football est-e11e prévisible,
, . permet de prévoir la situation ultérieure avec la même tandis que celle du ballon de baudruche
-.. approximation, c'est tout ce qu'il nous faut, nous disons Que le ne l'est pas?
" phénomène a été prévu,qu'il est régi par d~s loi~; mais il n'en est
" pas toujours ainsi, il peut arriver Que de petItes différences dans les
conditions initiales en engendrent de très grandes dans les La transition
phénomènes finaux; une petite erreur sur les premières produirait
une erreur énorme sur les demiers. La prédiction devient impossible vers la turbulence
et nous avons le phénomène fortuit. " L'écoulement d'un fluide est, selon les
conditions, prévisible ou imprévisible.
Quand la vitesse du fluide est très lente,
l'écoulement est « laminaire», c'est-à-
2. LES IDÉES SUT le basard et les probabilités ont beaucoup évolué depuis les déb~ts de dire calme, régulier, stationnaire, et l'on
la physique moderne. Le mathématicien Pierre Simon de LaplJlce (1749-18~~~enslUt que peut calculer le comportement du fluide
notre Univers était strictement déterministe, et donc complètement pre~lbl~! seule
à l'aide des équations de la mécanique
l'imperfection de nos méthodes expérimentales nous obligeait, pensait. Lapla~: a utiliser des
tbéories probabilistes. Henri Poincaré (1854-1912), en revancbe, avait une Idee p~us p.~e des fluides. Dans d'autres circonstances,
de celle des pbysiciens modernes: il reconnaissait que d'infimes .in~tudes sur l'etat ~ti~ en revanche, l écoulement est moins
des systèmes sont amplifiées au cours du temps, de sorte qU'II est Impossible de prevoir prévisible : il est irrégulier, agité et
l'évolution des ~stèmes à long terme. inégal; c'est le régime turbulent. La

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sensation que procure l'entrée soudaine il suffit de négliger. dans les calculs, des Les systèmes dynamiques
d'un avion dans un orage, au cours effets aussi minimes que l'attraction
d'une traversée sans histoire. illustre gravitationnelle exercée par un électron Le chaos est apparu lors de l'étude
bien la différence entre les régimes situé à l'extrême limite de notre galaxie de ce que l'on appelle les systèmes
laminaires et les régimes turbulents. pour que la durée de prévision soit dynamiques. Un système dynamique
Quelle est la raison fondamentale de la limitée à une minute! comporte deux aspects : son état (les
différence entre ces deux régimes? D8ll5 un système comme le billard, informations qui le caractérisent) et sa
Pour comprendre toute la portée de la croissance très rapide des incertitudes dynamique (la loi qui caractérise l'évo-
cette question, imaginons un instant que tient au fait que les boules de billard ont lution de l'état du système en fonction
nous contemplions l'eau d'un torrent à une surface courbe et que chaque du temps). On peut représenter l'état
partir de la rive: l'eau tourbillonne et collision amplifie l'effet d'irrégularités d'un système par un point dans un
jaillit, mais, dans le lit du torrent, les minimes des surfaces qui entrent en espace que l'on appelle l'espace des
rochers sont immobiles et les affiuents collision. La croissance de ces incerti- phases, un espace abstrait dont les
du torrent s'y jettent assez régulière- tudes est exponentielle en fonction du coordonnées sont les composantes de
ment. Pourquoi le mouvement de l'eau nombre de collisions. c'est-à-dire que les l'état. La nature des coordonnées de
est-il aléatoire? incertitudes croissent de la même façon l'espace des phases varie selon le
Le physicien soviétique Lev Landau que le nombre de bactéries placées dans contexte: pour un système mécanique,
a donné de ce phénomène une interpré- un milieu illimité renfermant des ré- par exemple, ces coordonnées pourront
tation qui prévalut pendant de nom- serves de nourriture inépuisables. C'est être la position et la vitesse de certains
breuses années : le mouvement des ainsi l'une des caractéristiques fonda- éléments; pour un système écologique,
fluides turbulents serait la résultante de mentales du chaos que tout effet, aussi on pourrait choisir les populations de
très nombreuses oscillations, ou petit soit-il, a rapidement des consé- différentes espèces.
« modes » indépendants; lorsque la quences macroscopiques. Le pendule simple (1'01r la figure 3)
vitesse du fluide augmente,l'écoulement Ce processus d'amplification expo- est un bon exemple de système dynami-
devient turbulent. car ces modes appa- nentielle des erreurs. caractéristique de que dont l'état, à un instant donné. est
raitraient successivement. Chaque mode la dynamique des systèmes chaotiques, complètement déterminé dès que l'on
est simple, mais leur composition pro- est le second coup porté à l'affirmation connaît deux paramètres seulement: la
duirait un mouvement complexe, et la de Laplace; le coup est fatal, car. un, position et la vitesse. Pour ce système.
nature imprévisible de l'écoulement au- la mécanique quantique stipule que l'espace des phases est un plan où l'état
rait résultée de l'incohérence des diffé- toute mesure est entachée d'erreurs et. du système est représenté par un point:
rents modes entre eux. deux, la dynamique du chaos enseigne l'abscisse est la position du pendu1e et
On sait aujourd'hui que la théorie de que ces erreurs croîtront si rapidement l'ordonnée, sa vitesse. L'état du système
Landau est inexacte. et l'on connaît des que toute prévision est impossible. Si le évolue conformément à la relation fon-
systèmes très simples où n'interviennent chaos n'avait pas existé. on aurait pu damentale de la dynamique. dont
ni combinaisons complexes ni incerti- espérer que les erreurs resteraient limi- l'expression mathématique est une
tudes. mais dont le comportement est tées ou ne croîtraient que lentement, de équation différentielle, et le mouvement
aléatoire. Ainsi, au début du siècle, le sorte que l'on aurait pu faire des de va-et-vient du pendule est décrit,
mathématicien français Henri Poincaré prévisions à moyen. voire à long terme. dans l'espace des phases, par le déplace-
remarqua que des phénomènes imprévi- Or le chaos existe et toute prévision à ment du point sur une courbe appelée
sibles, « fortuits », disait-il, se produi- court terme est vouée à l'échec. trajectoire. Dans le cas idéal d'un
sent dans des systèmes où de petites
différences dans les conditions initiales
engendrent des résultats très différents.
Cette caractéristique apparaît nettement .. " .t'

~b
dans l'exemple d'un caillou lâché du
sommet d'une colline : il roulera selon
des trajectoires très différentes selon la
direction de la poussée initiale, et des
trajectoires différant au départ d'un
angle infime peuvent entraîner, au bas
de la colline, des positioll5 finales
distantes de plusieurs dizaines de kilo-
mètres. Cet exemple ne décrit qu'impar- VITESSE VITESSE
faitement le phénomène auquel Poin-
caré faisait référence, car le caillou n'est
sensible aux très petites causes qu'au
sommet de la colline; en revanche. les
systèmes chaotiques réagissent aux per- POsmON posmON
turbations minimes en tout point de leur
mouvement.
L'exemple suivant illustre à quel
point certains systèmes physiques sont
sensibles aux influences extérieures.
Imaginons un billard américain 3. L'ESPACE DES PHASES sert à représenter l'évolution des systèmes dynamiques: les
« idéal » (avec 21 billes) où les billes axes de coordonnées de cet espace correspondent aux différents degrés de liberté caractérisant
rouleraient sans frottement et où aucune les mouvements du système. Ainsi le mouvement d'un pendule (ltn haut) est complètement
énergie ne serait dissipée lors des chocs. défini par sa position et sa vitesse initiale, et l'on représente l'état du pendule par un point
d'un plan j les coordonnées de ce point sont la vitesse et la position du pendule (ltn bas).
Avec une seule bille. le joueur peut Le mouvement de va-et-vient du pendule correspond, dans l'espace des phases, au déplacement
provoquer de nombreuses collisions, du point représentatif de l'état, qui décrit une trajectoire dans cet espace. Pour un pendule
mais quel en sera l'effet? Pendant idéal ne perdant aucune énergie sous forme de frottements, la trajectoi~ est UDe courbe
combien de temps les billes effectueront- fermée (ltn bas à gauche) i pour un pendule réel, où les frottements diminuent l'amplitude
elles des mouvements correspondant à des osciHations, la trajectoire est une spirale dont le point central représente la position
ce que le joueur prévoyait? Bien peu : finale du pendule (en bas à droitlt).

Pour la Science. Février 1987 29


pendule qui oscille sans frottements, la chaque année dans une région donnée. l'état. Avec une telle solution, le calcul
trajectoire du pendule dans l'espace des Comment déterminer l'évolution nécessaire pour déterminer l'état à
phases est une courbe fermée, mais pour d'un système à partir d'un état initial n'importe quel instant est toujours le
un pendule réel dont le mouvement donné? On peut utiliser les équations même et c'est ainsi, par exemple, que
s'amortit progressivement, la trajectoire du mouvement et calculer les points l'on prévoit les éclipses : il suffit de
est une spirale dont le centre représente successifs représentant l'état du système connaître les équations du mouvement
l'état du système au moment où le sur la trajectoire dans l'espace des des planètes et de leur.; satellites pour
pendule s'immobilise. phases; la quantiu; de calculs néces- déterminer les positions de ces objets à
L'évolution temporelle d'un système saires est alors directement proportion- un instant particulier.
dynamique peut être décrite par une nelle à la durée pendant laquelle on C'est parce que J'on avait trouvé des
courbe continue ou discrète, selon la désire suivre l'évolution du système. solutions analytiques aux problèmes de
nature du système. Pour le pendule, par Certains systèmes simples, comme le physique classique que l'on espérait
exemple, la trajectoire est continue: le pendule sans frottement, se prêtent qu'il en existerait pour tous les systèmes
pendule passe en effet d'une position à cependant à un autre type de descrip- mécaniques. On sait aujourd'hui que cet
la suivante en continu. D'autres sys- tion, bien plus rapide: les équations du espoir est vain : il n'existe pas de
tèmes, en revanche, évoluent de façon mouvement de tels systèmes ont une solution analytique aux équations du
discontinue au cours du temps, et l'on solution analytique, c'est-à-dire que l'on mouvement des systèmes dynamiques
doit notamment utiliser une représenta- peut exprimer directement, par une chaotiques et, pour ces systèmes, il n'est
tion discrète pour décrire l'écoulement formule, l'état du système à n'importe pas possible de faire l'économie du
goutte à goutte de l'eau d'un robinet qui quel instant en fonction de l'état initial calcul « itératif », c'est-à-dire pas
fuit ou le nombre d'insectes qui naissent et du temps auquel on veut déterminer à pas.

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4. LES ATTRACTEURS sont des formes géométriques qui caractéri- mouvement oscillatoire périodique, comme les horloges à balancier
sent l'évolution à long terme des systèmes, dans l'espace des phases : ou le cœur. Les systèmes quasi-périodiques, où le mounment résulte
ils correspondent schématiquement à la trajectoire que décrit le de la composition de deux oscillations indépendantes, sont représentés:
système quand il est stabilisé ou à une tnjectoire limite ,ers laquelle par des attracteurs toriques (en haut à droite). Les trois attracteurs
la tnjectoire tend. Sur cette figure., l'état initial des systèmes est précédents correspondent aux systèmes parfaitement prévisibles: on
représenté en rouge; leur trajectoire, en vert, tend vers l'attracteur, peut en calculer l'état aussi précisément qu'on le désire. Les
représenté en bleu. L'attracteur Je plus simple est Je point fixe (en haut attracteurs étranges, en re'Vauche, sont des objets géométriques bien
à gauch~): il correspond, par exemple, à l'évolution des pendules réels, plus complexes, associés à des systèmes dont l'évolution est imprévisi-
soumis à des forea de frottement. La position d'équilibre de ce type ble. Tl"Ois exemples d'attracteurs étra.nges apparaissent dans la partie
de pendiJJe est toujours la même: elle est indépendante de sa position inférieure de la figure; ils ont été respectivement découverts par
et de sa vitesse initiales (voir la parti~ droite de la figun 3). Le cycle Edward Lorenz, Otto Réissler et l'un des auteurs de l'article (R. Shaw).
limite (Pu milieu d en haut de la /Jgun), l'attracteur le plus simple Ces représentations correspondent à des systèmes d'équations diffé.-
après le point fixe, est une boucle fermée dans l'espace des phases ; rentielles simples pour lesquels l'espace des phases est à trois
il intervient dans la description des systèmes caractérisés par un dimensions.

30 Pour la Science. Févriu 1987


A'
Les attracteurs
L'espace des phases est un outil très
efficace pour prévoir le comportement
des systèmes chaotiques, car cette repré-
sentation fait apparaître le comporte-
ment des systèmes sous une forme
A~---~
géométrique. En ce qui concerne, par ------------------7) B'
exemple, un pendule qui oscille en
perdant de l'énergie. le mouvement est
représenté, dans l'espace des phases. par
une spirale. Quelle que soit l'énergie
initialement communiquée au pendule,
celui-ci finira toujours par s'arrêter, et
l'on appelle « point fixe » le point final
de la trajectoire dans l'espace des
phases; comme, en outre, toutes les
spirales décrivant les mouvements du
pendule convergent vers ce point, on dit
que ce point fixe est un attracteur. Le
pendule est représentatif de tout une
B A'
classe de systèmes; tous les systèmes qui
évoluent vers une position d'équilibrè
stationnaire peuvent être représentés
par un point fixe dans l'espace des
phases. Plus généralement, pour tous les
systèmes réels où interviennent des
frottements ou des phénomènes de
viscosité, la trajectoire dans l'espace des
phases tend vers une petite région de
dimension inférieure à celle de l'espace
des phases complet, un point dans un
plan par exemple; cette région de
l'espace des phases est un attracteur.
Autrement dit, un attracteur est ce vers
quoi tend l'état d'un système.
Certains systèmes ne s'immobilisent
jamais, et leur évolution est cyclique et
périodique. Par exemple. le pendule
d'une horloge dont les poids seraient
régulièrement remon,tés effectue indéfi-
niment le même mouvement de va-et-
vient; dans l'espace des phases, la
trajectoire de tels systèmes est un cycle,
c'est-à-dire une courbe fennée que le
point caractérisant l'état du système
décrit de façon périodique. Ainsi,
pourvu que l'énergie initialement
communiquée à un balancier d'horloge
soit suffisante, le balancier effectue
toujours, à la longue, le même mouve-
ment; autrement dit, dans l'espace des
phases, un ensemble de trajectoires qui
ne débutent pas au centre de coordon-
nées (le point fixe) tendent vers le même
cycle; ce dernier est un type d'attrac-
teur particulier, appelé cycle limite. Le
fonctionnement du cœur humain tend
également vers un cycle limite.
Certains systèmes ont plusieurs at-
tracteurs différents et les trajectoires
sont attirées par l'un ou l'autre de ces
attracteurs selon les conditions ini-
tiales ; on appelle alors bassin d'attrac-
tion d'un attracteur l'ensemble des S. LES AlTRACTEIJRS ÉTRANGES sont bien plus complexes que les attracteurs
points de l'espace des phases qui don- préTisibles comme les points fixes, les cycles limites ou les tores. À grande échelle, un
nent une trajectoire évoluant vers l'at- attracteur étrange n'est pas une surface lisse, mais une surface repliée plusieurs fois sur
tracteur considéré. L'espace des phases elle-même. Cette figure illustre les différentes étapes de la construction de l'attracteur étrange
le plus simple: l'attracteur de Rossier (~n bas). Dans un premier temps, les trajectoires
de l'horloge à balancier comporte ainsi voisines divergent de façon exponentielle, ce qui cornspond à un étirement latéral (en haut) ;
deux bassins d'attraction: si l'on n'im- ici cette opération double presque la distance entre les trajectoires. Dans un second temps,
prime qu'une petite poussée au balan- l'objet "est « replié» sur lui-même, de sorte qu'il reste limité à long terme (au milieu) i ici
cier, il revient rapidement au repos, la surface se replie sur elle-même de telle sorte que les deux extrémités coïncident.
mais si on le pousse assez fort, c'est-à- L'attracteur de Riissler représente l'évolution de systèmes très variés.

Pour la Science. Février 1987 31


dire si on l'écarte assez de sa position l'attracteur le plus simple est le tore, l'on appelle parfois des mouvements
d'équilibre, l'horloge se met en marche c'est-à-dire une surface en forme de quasi-périodiques (on réalise, par exem-
et le balancier adopte le mouvement chambre à air. Ce type d'attracteur ple, des systèmes présentant ce type de
régulier de va-et-vient. représente les mouvements résultant de comportement avec des oscillateurs
Après le point fixe et le cycle limite, deux oscillations indépendantes, que électriques). Quand un système possède

600

6000

6. LA DIVERG&"IiCE au cours du temps de trajectoires initialement presque ponctuel Lorsque le système évolue et que le point
't'oisines est à l'origine de l'imprhùibilité caractéristique des représentatif de J'état du système se déplace conformément
systèmes chaotiques. S'il était possible d'effectuer une mesure au équations du mouvement, le nuage s'étire en un long filament
parfaitement précise de l'état initial d'un système, la représentation très fin ( figure en haut à droit~) qui se replie plnsieurs fois sur
de cet état, dans l'espace des phases, serait un point, mais, en lui~même. Les points sont alors dispersés dans tout l'attracteur, de
pratique, les déterminations expérimentales sont toujours entachées sorte qu'il est impossible de prévoir l'holution du système :
d'UJ1e certaine incertitude, et l'état des systèmes doit être représenté l'état final peut se trouver n'importe où sur l'attracteur (Il!'n bas à
par un nuage de points d'autant plus étendu que la mesure est droite). Sur un attracteur prévisible, en revanche, tous les points du
imprécise. Cette divergence apparait nettement sur l'attracteur de nuage restent proches les uns des autres jusqu'à l'état final. Les
Lorenz: (figure rrpirû par le chiffre 0, en haut à gauche) : un nuage valeurs indiquées iur cette figure ont pour unité le deux·centième
constitué de 1000 points représenté en rouge est si petit qu'il semble de seconde.

32 Pour la Science. Février 1987


un attracteur torique, les trajectoires, a b
dans l'espace des phases, s'enroulent en r------------,
spirale autour du tore, et le rapport des
fréquences d'oscillation détermine
l'écartement des spires autour du tore.
Dans les systèmes où le mouvement
résulte de la combinaison de plus de
deux oscillations, les attracteurs sont
parfois des tores de dimension supé-
rieure, dans des espaces de phase de
dimension également supérfeure.
Les mouvements quasi-périodiques,
bien que fort complexes, sont prévisi-
bles : bien qu'une trajectoire puisse ne
jamais se recouper - si les fréquences
des deux oscillations n'ont pas de
diviseur commun - le mouvement est
régulier; de plus, les trajectoires qui c d
commencent en des points proches l'un
de l'autre, sur le tore, restent indéfini-
ment voisines. On sait prévoir l'évolu-
tion à long tenne de ces systèmes.

Attracteurs et chaos
Encore récemment, les seuls attrac~
teurs connus étaient les points fixes, les
cycles limite et les tores, mais, en 1963,
Edward Lorenz, de l'Institut de techno-
logie du Massachusetts, découvrit un
exemple concret d'un système à peu de
dimensions présentan t un comporte-
ment complexe. Cherchant à compren-
dre pourquoi il est si difficile de faire
des prévisions météorologiques fiables,
E. Lorenz avait entrepris l'analyse des
équations du mouvement d'un fluide (en
première approximation, l'atmosphère
est un fluide) et, en simplifiant ces
équations, il avait obtenu un système à
trois degrés de liberté seulement. Mal-
gré cette simplicité, le comportement du
système était apparemment aléatoire et
aucun des trois attracteurs connus à
l'époque ne permettait de le décrire.
E. Lorenz avait ainsi découvert le
premier attracteur chaotique - on dit
aussi attracteur étrange - auquel on a
donné son nom.
En simulant l'évolution du système
par ordinateur, E. Lorenz détermina
l'origine du comportement aléatoire :
des perturbations microscopiques
étaient amplifiées et produisaient rapi-
dement des changements macroscopi-
ques ; deux trajectoires issues de points
voisins divergeaient de façon exponen-
tielle et ne restaient proches l'une de
l'autre que pendant très peu de temps.
Cette caractéristique était nouvelle, car, 7. LES ATIRACTEURS ÉIRA."l'GES sont des fractals, c'est~à~dire des oltiets dont la
autour des attracteurs non chaotiques, structure apparB.l" d'autant plus détaillée, mais cc identique 1), que le grossissement est plus
les trajectoires voisines restent, au important. Le chaos engendre naturellement des fractaIs, car les trajectoires initialement
contraire, proches l'une de l'autre, les ....oisines di....ergent, mais se replient et se rapprochent ensuite Ges caractéristiques du
erreurs de faible importance restent mouvement telles que la vitesse et la position ne peuvent prendre, en effet, que des ....aleurs
limitées et le comportement des sys.- finies). La répétition des opérations d'étirement et de repliement fait apparaître des plis à
tèmes est prévisible. l'intérieur des plis, etc. L'attracteur étrange représenté sur cette figure a été conçu par Michel
Hénon j ce dernier a conçu un modèle, c'est-à~dire un système d'équations itératives très
Une opération simple de repliement simple d'étirements et de repliements du plan, qui amène chaque point à une nouvelle position.
et d'étirement, dans l'espace de phases, Tous les points de l'attracteur (a) sont obtenus à partir d'un seul point initial auquel on
permet de comprendre le principe du a appliqué le modèle de Hénon de très nombreuses fois. Le petit carré rouge est grossi dix
comportement chaotique. La divergence fois sur la figure b et la répétition de ce processus (c et cf) permet de révéler la structure
exponentielle des trajectoires est un microscopique de l'attracteur. Un « bassin d'attraction" de l'attracteur de Hénon est
phénomène local : comme les attrac- représenté dans la partie inférieure de la figure.

Pour la Science. Février 1987 33


8. LA TRA~SITIOS VERS LE CHAOS est schématisée sur ce
<c diagramme de bifurcation ) : on a porté (en ordonnée) les
attracteurs d'un système en fonction d'un paramètre de contrôle k
(en abscisse). Le: système d}"'"Damique utilisé pour réaliser cette image
est ce que l'on appelle une transformation du cercle, définie par
l'équation itérative X"'~I égal à cu + x,., + k12;r sin U;rx..,). Ce modèle
permet d'étudier la transition vers le chaos d'un système caractérisé
par deux fréquences dont le rapport est égal à w. Lorsque ce rapport
est un nombre irrationnel, on obtient un diagramme du même type
que celui représenté ici. Les différentes couleurs correspondent aux
probabilités de répartition des points x,., entre les différents
attracteurs: une forte proportion de points tombe dans les régions
rouges, une proportion inférieure dans les régions vertes et une
proportion encore inférieure dans les régions bleues j aucun point
ne tombe dans les parties noires. Lorsque le paramètre k, qui définit
les interactions non linéaires entre les deux fréquences, est nul ou
petit (partie gauche de la figure), tous les points compris entre 0
et 1 (en ordonnée) appartiennent à un même attracteur (couleur 'l--Y!rle).
Pour les valeurs de k supérieures, cette propriété n'existe plus et
des points sont atteints beaucoup plus souvent que les autres (en
rouge); l'attracteur est alt.ernativement étrange et non cbaotique,
quand k augmente. Le: diagramme montre qu'il existe deux scénarios
1 1.A 1,6 2
menant au cbaos (bandes l'trticales nains), lorsque le paramètre k
PARAM~TAE DE CONTRÔlE (k)
croît de 0 à 2 (voir le schima de droite) : une voie quasi-périodique
entre les valeurs 0 et 1 du paramètre (la région l'erte de la figure
supin·eure) et une voie de doublement de période entre les valeurs
l, 4 et 2. La voie quasi-périodique est mathématiquement équivalente
à la trajectoire traversant un attracteur torique. Dans la voie de ne prennent que trois valeurs; aux grandes valeurs de k, cette ct orbite
dédoublement de fréquence, associée à un cycle limite, les brancbes de période trois" se dédouble et les points se répartissent selon six
sont appariées et en nombre égal à une puissance de deux; le valeurs, puis, après un nouveau dédoublement, les points se
dédoublement survient ici à partir de trois branches initiales. Les répartissent scion 12 valeurs, etc.). Après de nombreux dédouble.--
points successifs se placent alternativement sur les paires de branches ments, la structure est si ramifiée qu'une bande continue apparaît:
(pour la valeur du paramètre k égale à 1,4, par exemple, les points c'est le chaos.

34 Pour la Science. F~vrier J 987


teurs ont des dimensions finies, il est Du microscopique
impossible que deux trajectoires diver- au macroscopique
gent indéfiniment de façon exponen-
tielle; par conséquent, l'attracteur doit Quand un observateur effectue une
se replier sur lui-même et des trajec- mesure et localise l'état d'un système
toires divergentes l1nissent toujours par dans une petite région de l'espace des
se rapprocher à un moment ou à un phases, il dispose d'une certaine quan-
autre. Les trajectoires qui se dirigent tité d'informations sur le système;
vers un attracteur chaotique subissent naturellement la connaissance de l'état
ainsi une sorte de mélange, fort sembla- du système est d'autant meilleure que
ble à celui d'un jeu de cartes que l'on la mesure est précise et que la région
bat, et ce mélange est à l'origine du localisée dans l'espace des phases est
caractère aléatoire des trajectoires: le petite. Or comme la proximité de deux
processus de repliement et d'étirement points voisins est préservée lors de
se répète à l'infini et fait apparaître un l'évolution d'un système non chaotique, b
nombre infini de plis imbriqués les uns l'infonnation inhérente à une mesure
dans les autres. En d'autres termes, un expérimentale est préservée au cours du
attracteur étrange est un fractal, c'est-à- temps, dans ce type de système. C'est
dire un objet dont la complexité appa- en ce sens que certains systèmes sont
raît à mesure qu'on l'observe avec un prévisibles : les mesures initiales effec-
grossissement croissant (voir lafigure 7). tuées sur ces systèmes renfennent des
Le chaos mélange les trajectoires dans informations que l'on peut utiliser pour
l'espace des phases exactement comme prévoir leur évolution ou, autrement dit,
un boulanger pétrit sa pâte, et l'on peut les systèmes dynamiques prévisibles
se représenter le sort réservé à des sont peu sensibles aux erreurs de mesure
trajectoires voisines, dans un attracteur des conditions initiales.
étrange, en imaginant ce qui arrive à une Les opérations d'étirement et de
goutte de colorant placée dans une repliement des attracteurs étranges sup-
boule de pâte que l'on pétrit: quand on priment les infonnations initiales et les c
aplatit la pâte pour la première fois, la remplacent par d'autres infonnations :
goutte de colorant s'allonge; puis, l'opération d'étirement augmente les
quand on replie la pâte sur elle-même, incertitudes à petite échelle et l'opéra-
deux rones colorées se replient l'une sur tion de repliement, en rapprochant des
l'autre. On imagine aisément le résultat trajectoires initialement très éloignées
final obtenu quand on répète de nom- l'une de l'autre, supprime toutes les
breuses fois les opérations d'étirement infonnations à grande échelle. Au total,
et de repliement : un feuilleté où les attracteurs étranges sont comme des
alternent les couches colorées et les pompes qui « gonfleraient ) les fluctua-
couches non colorées. On calcule, par tions microscopiques pour en faire des
exemple, qu'il suffit de répéter les deux variations macroscopiques. Pourquoi
opérations une vingtaine de fois pour n'existe-t-il pas de solution analytique
que la goutte initiale s'allonge d'un aux équations des systèmes chaotiques?
facteur égal à un million et que son Pourquoi ne peut-on utiliser de rac-
épaisseur soit réduite aux dimensions courci afin de prévoir l'évolution de ces
moléculaires; à ce stade, on peut dire systèmes? Parce qu'il suffit d'un très
que le colorant est intimement mêlé à court laps de temps pour que l'erreur
la pâte. Le chaos agit de façon analogue expérimentale sur la mesure initiale se
avec les trajectoires, en « pétrissant )) répercute à tout l'attracteur; il est
l'espace des phases. Inspiré par cette impossible de prévoir quoi que ce soit,
idée de mélange, Otto Rëssler, de car il n'existe absolument aucun lien de
l'Université de Tübingen, a découvert cause à effet entre le passé et le futur.
l'exemple le plus simple d'attracteur Localement les attracteurs étranges
étrange décrivant l'écoulement d'un jouent le rôle d'amplificateurs de bruit:
fluide (voir la figure 5). une petite fluctuation résultant par
Quand on étudie un système physi- exemple d'un bruit thermique entraîne
que, on ne peut détenniner son état avec rapidement une déviation importante de 9. CERTAI'ŒS EXPÉRIENCES indiquent
une précision absolue, car les instru- la trajectoire. Il existe cependant une que les mouvements aléatoires, dans un écou-
ments de mesure sont toujours impar- différence fondamentale entre un attrac- lement hydrodynamique, peuvent être décrits
faits. De ce fait, l'état du système ne teur étrange et un banal amplificateur par un attracteur étrange. On voit sur ces
photographies les phases successives de l'ins-
peut être représenté par un seul point de bruit : du fait de la répétition tabilité de Couette. Sur cette figun!, les
de l'espace des phases, et l'on peut ininterrompue des opérations d'étire- structures sont celles de l'eau qui remplit
seulement supposer qu'il est compris ment et de repliement, ce sont des l'espace situé entre les deux cylindres co~
dans une petite région; certes les fluctuations d'importance minime qui axiaux d'une cellule de Couette. On étudie la
dimensions minimales théoriques de dominent finalement le système tout vitesse de l'eau en fonction de la vitesse de
cette région sont fixées par les principes entier, et l'évolution qualitative du rotation imposée au cylindre intérieur; à
d'incertitude de la théorie quantique, système sera indépendante de l'impor- faible vitesse de rotation, l'écoulement, visua-
mais, dans la réalité, l'imprécision des tance du bruit. Voilà pourquoi on ne lisé par des écailles de poissons en suspension
mesures est supérieure à l'incertitude peut « calmer ) directement un sys- dans l'eau, forme des rouleaux (a). Un ac-
croissement de la vitesse de rotation du
d'origine quantique et les dimensions de tème chaotique en abaissant sa tempéra- cylindre provoque l'apparition d'un écoule-
la région sont supérieures au minimum ture, par exemple: les systèmes chaoti- ment aux caractéristiques complexes (h);
quantique. Imaginons que cette petite ques engendrent leur propre bruit. Le lorsque la vitesse du cylindre continue d'aug-
région soit la goutte de colorant intro- compoitement aléatoire a des causes menter, cet écoulement devient ensuite irré-
duite dans la pâte... plus profondes que la simple amplifica- gulier (c), puis chaotique (d).

Pour la Science. Février 1987 35


tian des erreurs et l'imprévisibilité : il expérience devait initialement départa- complexe, par exemple, on perd trop
résulte de la complexité des trajectoires ger deux théories décrivant le comporte- d'information et la tâche est impossible,
engendrées par les étirements et les ment du fluide en fonction de la vitesse mais dans certains cas on peut reconsti-
repliements successifs. de rotation. Selon le modèle de Landau, tuer la dynamique du système à partir
Remarquons que les deux types de l'augmentation de la vitesse de rotation d'un nombre limité de données.
comportement, chaotique ou non chao- du fluide devait s'accompagner de l'in· Nous avons imaginé une méthode,
tique, existent même dans les systêmes tervention d'un nombre croissant formalisée par F. Takens, qui pennet
non dissipatifs où l'énergie est conser· d'oscillations indépendantes, et l'attrac- de reconstituer un espace des phases et
vée. Dans ce cas, les trajectoires ne teur associé devait être un tore de haute de découvrir des attracteurs étranges.
convergent pas vers des attracteurs, dimensionnalité. Cependant David L'idée de base est que l'évolution d'une
mais son t confinées sur des surfaces Ruelle, de l'Institut des hautes études composaote d'un système dépend de ses
d'égale énergie. Toutefois la plupart des scientifiques, à Gif-sur-Yvette, et F10ris interactions éventuelles avec les autres
systèmes réels sont dissipatifs et l'on Takens, de l'Université de Groningen, composantes du système i de ce fait,
peut raisonnablement en déduire que les avaient contesté ce modèle et calculé l'histoire d'une composante unique
attracteurs joueront un rôle fondamen- que les attracteurs toriques associés au contient implicitement des informations
tal en physique. modèle de Landau avaient peu de sur les composantes auxquelles on s'in-
chance d'être présents; ils avaient, au téresse et, pour reconstituer un espace
contraire, prévu l'existence d'attrac- des phases « équivalent », il suffit
Transition vers la turbulence teurs étranges, comme celui qu'avait d'étudier une seule composante du
et attracteurs originellement proposé E. Lorenz. système dont les variations incluent
J. Gollub et H. Swinney découvrirent l'action des autres composantes. Dans
La découverte des attracteurs que la vitesse du fluide était constante cette optique, on considère les valeurs
étranges de basse dimensionnalité ouvre aux faibles vitesses de rotation: l'attrac- mesurées à des intervalles de temps
certainement de nouvelles perspectives teur représentatif était un point fixe. donnés, une seconde, deux secondes,
en théorie des systèmes dynamiques, Quand ils augmentaient la vitesse de ete. comme des dimensions nouvelles,
mais ces attracteurs permettent-ils vrai- rotation, le fluide se mettait à osciller et un point représentatif, dans l'espace
ment de rendre compte du caractère à une fréquence bien définie, correspon- des phases, à l'instant l, a alors pour
aléatoire des phénomènes physiques? dant à un attracteur cyclique (et à une composantes mo, ml, m2, ..., les diffé>-
C'est par une voie indirecte que l'on a trajecwire périodique dans l'espace des rents nombres correspondant aux me-
supputé la présence du premier attrac- phases), et quand la vitesse de rotation sures effectuées respectivement aux ins-
teur étrange en physique: en1974, Jerry augmentait encore, deux fréquences tants lOI II, (2, •••
Gollub, du Collège Haverford, et Harry d'oscillation indépendantes apparais- En considérant les résultats des me-
Swinney, de l'Université d'Austin, étu- saient au sein du liquide, ce qui corres- sures antérieures comme les valeurs de
dièrent le comportement d'un fluide pondait à leur représentation dans un nouvelles coordonnées, OD définit un
dans ce que l'on appelle une cellule de attracteur torique bidimensionnel. Et point dans un espace des phases à
Couette. et ils découvrirent que les aux vitesses de rotation encore supé- plusieurs dimensions. On obtient alors
mouvements aléatoires du fluide corres- rieures ? Selon le modèle de Landau, de une famille de points, dans cet espace,
pondaient à une trajectoire sur un nouvelles oscillations auraient dû s'in_ en répétant le procédé à partir d'un
attracteur étrange dans l'espace des troduire progressivement... mais les certain nombre d'instants différents et
phases; leur observation était cepen- chercheurs observèrent un phénomène l'on vérifie (à l'aide d'une autre techni-
dant indirecte, car ils étudiaient sunout complètement différent : une gamme que) si la famille de points que l'on a
les propriétés statistiques de l'attracteur continue de fréquences d'oscillation ap- obtenue appartient à un attracteur
plutôt que l'attracteur lui-même. parut soudainement à une vitesse criti- étrange. Cette représentation est arbi-
Une cellule de Couette est un disposi- que de rotation. Cette observation était traire à plus d'un titre, mais elle
tif constitué de deux cylindres concen· en accord avec le modèle d'écoulement présente l'avantage de respecter les
triques; l'espace entre les deux cylin- « non périodique et détenniniste » de propriétés essentielles d'un attracteur,
dres est rempli d'un fluide; le cylindre D. Ruelle et F. Takens, et il semblait qui ne dépendent pas de la manière dont
intérieur est mobile autour de son axe bien établi que la transition vers la on effectue la reconstitution.
et on peut lui conférer une vitesse de turbulence hydrodynamique était asso- La description précédente est un peu
rotation constante. Expérimentalement ciée à des attracteurs étranges. abstraite. et nous l'illustrerons par un
on constate que le comportement hydro- exemple, hélas, familier. Quiconque a
dynamique du fluide et l'évolution de subi le supplice du robinet qui fuit a sans
ce comportement au cours du temps Le robinet qui goutte doute remarqué que les gouttes d'eau
sont d'autant plus complexes que la tombent à intervalles égaux. Avez-vous
vitesse de rotation du cylindre est élevée L'expérience de J. Gollub et H. Swin- cependant écouté un robinet qui laisse
(voir la figure 8). Au cou", de leu", ney montrait que des attracteurs filtrer l'eau très lentement, goutte à
expériences, J. Gollub et H. Swinney étranges décrivaient l'écoulement turbu- goutte? Faites l'expérience et vous
avaient surtout mesuré la vitesse du lent des fluides, mais elle n'était pas découvrirez qu'il existe un débit criti-
liquide en un endroit donné en fonction absolument concluante. Comment dé- que, où les gouttes sont wujoUrll dis-
de la vitesse de rotation du cylindre : montrer explicitement l'existence d'un tinctes, mais ne tombent plus régulière-
aux faibles vitesses de rotation, la vitesse attracteur étrange simple? C'est une ment : leur rythme est d'une infinie
du fluide était constante; quand ils affaire délicate, car on n'enregistre variété, comme si ce rythme était joué
augmentaient la vitesse de rotation, la généralement jamais tous les aspects par un percussionniste de génie Oes
vitesse du fluide variait de façon périodi- d'un système au cours d'une expérience. robinets qui ne sont pas munis d'une
que, et, aux vitesses de rotation très J. Gollub et H. Swinney, par exemple, petite grille donnent les meilleurs résul-
aevées, la vitesse du fluide variait de ne pouvaient enregistrer simultanément tats). Le changement de rythme des
façon non périodique. le mouvement du fluide dans tout le gouttes qui, de régulier devient appa-
J. Gollub et H. Swinney avaient volume compris entre les deux cylin- remment aléatoire, ressemble à la transi-
conçu leur système afin d'étudier la dres; ils ne détenninaient la vitesse du tion entre le régime laminaire et le
transition entre le moment où les liquide qu'en un seul point. Comment régime turbulent de l'écoulement d'un
variations de la vitesse du fluide sont « reconstituer » l'attracteur à partir fluide. Un attracteur étrange est-il asso-
encore périodiques et le moment où elles d'un nombre limité de données expéri- cié à la chute aléatoire des gouttes?
deviennent non périodiques, et cette mentales? Quand l'attracteur est trop L'un d'entre nous (R. Shaw) a étudié

36 Pour la Science. Février 1987


ce phénomène, à l'Université de Santa- figure 9. En portant sur un graphique que l'on pourrait représenter par un
Cruz, avec Peter Scott, Stephen Pope l'intervalle de temps séparant deux cycle limite, dans l'espace des phases.
et Philip Martein. Initialement ils fai· gouttes en fonction de l'intervalle de Cependant il est impossible de déduire
saient tomber les gouttes d'eau sur un temps précédent, on obtient une coupe ce mouvement des données obtenues par
microphone relié à un enregistreur et transversale de l'attracteur associé au l'enregistrement, celui-ci ne fournissant
ils enregistraient la variation de tension système. En régime périodique. par que les intervalles de temps séparant les
électrique créée par la chute des exemple, la position du ménisque d'où gouttes. L'analyse que l'on effectue ainsi
gouttes; ce dispositif un peu modifié se détachent les gouttes effectue un est analogue à l'analyse en lumière
donna les résultats présentés sur la mouvement de va-et-vient très régulier stroboscopique : si l'on ajuste correcte-

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la. LES ROBllIolIT5 QUI FUIE1'iT IOnl des systèmes donl le ment à des coupes d'attracteurs étranges. Pour tracer cbacun de
comportement peut être chaotique. On reeoostruit l'attracteur ces graphiques, on • ut:ili.sé la méthode de représentation suinnte :
associé en portant lUI" un graphique les durées sépara.nt des tll , l'abscisse, est l'intena1Je de temps entre la goutte qui tombe au
gouttes suceesahes. Cette méthode de reconstruction est illustrée temps n et celle qui est tombée au temps n - 1; t~" l'ordonnée,
à deux dimensions, danJ la partie supérieure de la figure. Les corrupond ll'intena1Je de temps entre la chute de la goutte tombant
attracteurs aiDsi recoDJtruits, l trois dimel1JÏoDJ cette fois. Ut et c) au temps n + 1 et la chute de la goutte tombant au temps n j
à partir d'un robinet fuyard, IOnt comparables l cerblins attracteurs sur le troisième axe, on indique le temps t ll .],. Chaque point est
que l'on obtient en ut:iliJa.nt une Tariante du modèle de Rénon (b ainsi défini par trois nombres. Sur chaque figure, on a porti 4094
el à). Les représentations e et/sont obtenues à partir d'expériences points. En outre, on • simulé l'action du bruit sur les figures b
où le débit de l'eau était lup&i.eur et correspondent l'T'8ÏSemblable-- et d.

Pour la Science. Février 1987 37


ment la fréquence, un objet qui tourne mesures d'entropie et de dimension ont
UN "EXPERT·WEKA" paraît fixe, et l'image d'un point qui montré que le mouvement irrégulier de
, EN PERMANENCE décrit un cercle est un point immobile. l'eau, il la transition entre le régime
L'expérience du robinet qui fuit est laminaire et le régime turbulent dans la
AVOTRE SERVICE très intéressante, car on a ainsi démon- cellule de Couette, correspondait effecti-
TOUTES L!S tré que des attracteurs étranges corres- vement à des attracteurs étranges. Plus
UTIUSATIONS pondent à l'écoulement des gouttes en la vitesse de rotation du cylindre aug-
PROFESSION- régime non périodique. Était-ce prévisi- mentait, plus l'entropie et la dimension
NEWS ble? Pas tout à fait, car le caractère de l'attracteur du système augmentait
DE L'IBM-l'C aléatoire de l'écoulement aurait pu également, Depuis quelques années, on
el de ses résulter de facteurs extérieurs, comme découvre que le comportement aléatoire
compatibles de petites vibrations ou des courants de nombreux systèmes familiers est
d'air; il n'aurait alors existé aucune associé il des attracteurs étranges
Connaissez-YOUS
vraiment toutes les
relation entre les intervalles de temps simples; citons, par exemple, les
possibirni' de _ IB\\l'C successifs, et la représentation graphi. mouvements de convection d'un li-
as compa1;b!e ? Savez""'" quels que des intervalles de temps enm les quide chauffé dans une petite enceinte,
seMeeS 1 peul vous rendre ? gouttes successives ne serait qu'une les variations de concentration en ré-

r_
Gel "''1'age réunil, pour 'iOUS : tache infonne. L'apparition d'une stru(>. actifs dans les réactions oscillantes,
- des tableilUI pour appr;eier les perfamanœs "'11es ture caractéristique sur le graphique des les battements du cœur et de nom-
des ~_ malér'els el pèriphériques, pour mie<o
acquèri ou dévelcWer votre système.
intervalles de temps est une preuve du breux systèmes électriques ou mécani-
-des ~ ~iées de pelSalrOI: caractère déterministe de l'écoulement ques,
1rIile_ de t!Xll!, gestion des données, r:ompta!liIlé, des gouttes; plus précisément, on re- De surcroît, on s'est aperçu que
adlal, "'~~, pe!SOIIneI, linanœs, sllx:I<s.., trouve sur la représentation graphique divers phénomènes, dont on avait
- des applications spécifiques: gestion de de plusieurs ensembles de données la construit des modèles informatiques,
prod:.dion, deYis, échéa'lCiels, CIO, llACL structure en fer à cheval caractéristique possèdent un caractère aléatoire très
- des rlesaipIials de logiciels esserniels. du processus d'étirement et de replie- simple du même type: l'activité é1e<r
1 Vlliume 1 feuillels mobil.. (450 pages) fllnnot 20 x ment précédemment décrite. Cette trique d'une cellule nerveuse, les oscilla-
23 cm, 195 F TTC (.u n", d.~
0IJre v&labl!l ~.IJ 31.3.87 forme caractéristique est en quelque tions des étoiles, les épidémies. Au-
sorte un instantané du processus de jourd'hui on cherche même le chaos
EXTRAITS DU SOMMAIRE repliement et correspond à une coupe dans les ondes émises par le cerveau,
• SureaufiqiJE! • ApprJCatîoos gènêrales • Ges500 transversale partielle de l'attracteur de en économie, ete.
conJllOltiaJe • Dé'leloppemem: CAO, DAO,..,
• Appr:Msionnement, acha! et gestion des sllx:I<s
Rëssler, représenté sur la figure 5. La théorie du chaos n'est pas une
• Prod'Jdial et 1 _ • Gestion du pel>onnei D'autres séries de données, plus panacée, et certains systèmes pour les-
• Geslion complabI. el finar<iére - 1 _ complexes, correspondent peut-être à quels le nombre de degrés de liberté est
• Ap;;œafioro po"""""O.. • Logicie!s ~.andan!s des coupes transversales d'attracteurs important présentent des mouvements
• EquÇ>emerrts el systémOs • Bases de demies de plus grande dimension, mais on ne complexes réellement aléatoires. D'au-
• Glossaire • Adresses utiles connaît pas encore les caractéristiques tre part, le fait de savoir qu'un système
Une actualisation permanente géométriques des attracteurs à plus de donné est chaotique n'est pas nécessaif'e..
Pour vous garantir une information fiable. cet trois dimensions. ment d'une valeur informative considb-
ouvrage est automatiquement aetua6sé 3 foisa': rable : les gaz, par exemple, avec leurs
par an par des compléments el mises â purs de
180 pages enVIron facturés au prix de 2.50 F ta molécules en collisions incessantes, pré--
page. Vous pouvez interro pre ce service â tout
moment.
La mesure du chaos sentent un comportement chaotique,
mais leur évolution est imprévisible en
Une consultation pratique Existe-t-il des systèmes plus chaoti- raison du très grand nombre de molé-
et fonctionnelle ques que d'autres? On mesure générale- cules présentes dans tout système ma-
Les feuillets mobiles sont adaptés à la consulta- ment le chaos d'un système par l'entro- croscopique. La seule description possi-
tion inélViduel1e.
ptusieurs services peuvenl ainsi consutter le pie de son mouvement, qui correspond ble est de type statistique, et les pro-
même ouvrage. Il leur suffit de prendre les leui~ approximativement à la vitesse d'étire- priétés que l'on dégage par cette mé-
lels dom ils onl besoin. De plus, la photocopie ment et de repliement de l'espace des thode ne font pas intervenir l'attracteur
est laci1itëe.
phases, c'est-à-dire à la vitesse à laquelle associé.
La Garanti. WEKA : "Salisfail o~ Remboursé" de l'infonnation apparaît dans le sys- Il existe enfin un certain nombre de
• Si cet ouvrage ne répondait pas à \lOtIe attente, tème. De plus, pour quantifier le chaos, systèmes où l'on ignore le rôle du chaos.
vous n'auriez qu'à le renvoyer sous 15 jours pour
étre immédiatement remboursé. on peut utiliser aussi la dimension de Qu'en est-il, par exemple, des mouve-
• Il en est de même pour les compléments et l'attracteur correspondant: l'évolution ments à grande échelle comme le
mises â jour; vous pouvez: les retourner dans les des systèmes simples est en effet repfb. déplacement des dunes dans Je désert
'5 jours après réception, sans rien nous devoir, sentée dans l'espace des phases par l'un du Sahara, ou comme le mouvement des
ou rêsiflel' votre service â tout moment, sur sim-

--------
ple demande.

BON DE COMMANDE
ou l'autre des attracteurs de basse
dimensionnalité évoqués au cours de cet
article, mais les systèmes plus
fluides en régime complètement turbu-
lent? Peut-on utiliser un attracteur
unique dans un seul espace des phases
1 A"."""", .c::omp.gne de .ooe i!9- .co: 1
Ed>.ilm WEXA, 11 Cool ND, 75011 Peris
complexes doivent parfois être caracté- pour étudier ces systèmes complexes?
1=0UI,""'l"'<TlOifo:M1lge'70lrttsIesufiflSllioropll> 1 risés par plus d'une variable et sont
associés à des attracteurs de plus haute
On espère que l'expérience acquise par
J'étude des systèmes représentés par
lessionnelles d.I1BM-I'C"l """'" i leu/Ie'. """"
1 l'50 pages)lonnat 10 x 13 "" lU pnx de 195F~rx:s 1 dimensionnalité. les attracteurs les plus simples permet-
".-_ TTC (au iIU de~ j.r:œp:e de ree:miT l'.<rn& 1 À l'aide de notre méthode de re- tra d'étudier des problèmes plus
1~· etM:on.
quemen! les complëmerr.s el mises apur ae 180 pages
pnx de 1.50 F ~ page. J. """"" la IJOS'Q. 1
constitution et de mesures de l'entropie complexes; la solution de ces problèmes
et de la dimension de l'attracteur passera peut~être par la conception
1 ~ t'té d'arrêter ce serviœ â tooI moment.
associé, des chercheurs de l'équipe de d'édifices complexes de structures déter-
l:ms
1N" "" - - - - - -
:~~ H. Swinney et deux d'entre nous
(1, Crutehfield et J, Fanner) ont analysé
l'écoulement du fluide dans la cellule de
ministes mobiles, semblables aux attrac-
teurs étranges.
L'existence du chaos remet en cause
111lli
c::DE llCSi.tJ. T~
_1 Couette. La représentation graphique de la méthode scientifique, car on teste
l'attracteur n'était pas aussi nette que généralement les théories en les utilisant
LJn__ .:~ .. dans le cas du robinet fuyard, mais les pour faire des prévisions, puis en

38 Pour la Science. Février 1987


confrontant ces dernières aux observa- breuses disciplines scientifiques, de la à la prévisibilité, mais la Nature utilise
tions expérimentales; or, dans le cas des physique microscopique à la modélisa- peut-être le chaos de façon construc-
phénomènes chaotiques, l'évolution à tion du fonctionnement macroscopique tive : grâce au chaos, qui amplifie des
long terme est imprévisible. C'est un d'organismes vivants. Les extraordi- fiuctuations d'importance minime, les
point dont il faut désormais tenir naires progrès récents de la science nous systèmes naturels peuvent se renouveler.
compte avant de se prononcer sur la permettent d'acquérir une connaissance Pourquoi une proie n'utiliserait-elle pas
validité d'une nouvelle théorie. En détaillée de la structure de systèmes très une stratégie de fuite chaotique pour
raison du chaos, la vérification d'une variés, mais pour intégrer toutes les échapper à un prédateur? L'effet de
théorie devient une entreprise délicate, connaissances obtenues, il nous manque surprise est parfois décisif. D'autre part,
fondée sur l'étude de propriétés géomé- un cadre conceptuel décrivant le la variabilité génétique est l'une des
triques et statistiques, bien plus que sur comportement qualitatif des systèmes. conditions nécessaires à l'évolution des
des prévisions détaillées. Ainsi Sidney Brenner, de l'Université de organismes vivants, et le chaos, qui est
Cambridge, a réalisé une carte complète un outil de structuration des change-
du système nerveux d'un nématode Oes ments aléatoires, met peut-êtr~ la varia-
Le chaos et la science nématodes sont des vers cylindriques au bilité sous le contrôle de l'Evolution.
corps allongé et non segmenté), mais il Enfin le progrès intellectuel lui-même
L'existence du chaos remet également est impossible d'en tirer aucune conclu- résulte de l'introduction de nouvelles
en cause le vieux concept réductionniste sion sur le comportement de cet orga- idées, d'une part, et d'une réinterpréta-
qui consiste à analyser le comportement nisme. Pour la même raison, il est tion des anciens concepts, d'autre part.
d'un système en fonction de celui des illusoire de croire qu'une description La créativité est peut-être le résultat
éléments qui le constituent. Cette mé- détaillée des différentes forces fonda- d'un processus chaotique amplifiant de
thode s'est imposée, en science, parce mentales permettra de comprendre tou- toutes petites fluctuations inconscientes
que de nombreux systèmes se compor- te la physique. L'interaction de compo- et les assemblant ensuite sous une forme
tent effectivement comme la somme de sants, à une échelle donnée, se traduit macroscopique cohérente que nous ap-
leurs constituants, mais la découverte parfois, à l'échelle supérieure, par un pelons « pensée ). Dans certains cas,
du chaos fait comprendre qu'il existe comportement global complexe qu'il est ces pensées sont des décisions, ou bien
des systèmes dont le comportement impossible de prévoir à partir de la ce que nous percevons comme l'exercice
complexe résulte d'interactions non li- connaissance des composants indivi- de notre libre arbitre. De ce point de
néaires simples entre un nombre très duels. vue, le chaos serait alors un mécanisme
faible de constituants. Nous sommes tentés de ne voir que nous permettant d'exercer notre libre
Le rôle épistémologique du chaos est les conséquences indésirables du chaos arbitre dans un monde régi par des lois
aujourd'hui critique pour de nom- et, notamment, les limites qu'il impose détenninistes. •

COMMENTAIRE - .:"

Au début du siècle, le mathématicien d'un composé chimique dans l'expé- des bouffées chaotiques augmentant au
français Poincaré fut le premier à rience de Belousov-Zabodinski (voir fur et à mesure que le système devient
comprendre qu'un système mécanique Comment naît la turbulence. par plus chaotique.
simple et déterministe pouvait avoir des C. Vidal et J. Roux, Pour la Science Plus récemment, B. Malraison et
solutions extrêmement complexes, que nO 39). P. Atten, P. Hergé et M. Dubois ont
l'on reconnaît maintenant comme chao- Le chaos déterministe fut aussi rapi- déterminé la dimension de l'attracteur
tiques. Toutefois ce concept a mis à peu dement pressenti comme un modèle étrange survenant dans des expériences
près un demi-siècle pour être admis par dans la transition vers la turbulence. de convection de Rayleigh-Bénard.
la communauté scientifique internatio- D. Ruelle et F. Takens ont montré les Cette dimension est de 2,8; ce petit
nale. Les chercheurs français ont joué raisons pour lesquelles le modèle de nombre infirme bien le modèle de
un rôle important dans la divulgation Landau, examiné dans l'article, était Landau et soutient les thèses de
et la mise en œuvre des idées de inapplicable et ils ont suggéré de re- D. Ruelle et F. Takens.
Poincaré. construire un attracteur étrange dans Néanmoins il faut distinguer « tran-
Tout d'abord il a fallu comprendre des expériences d'hydrodynamique. sition vers la turbulence )) et « turbu-
que des équations différentielles très Avant de caractériser un attracteur lence développée )). En effet, si on peut
simples, mais non linéaires pouvaient étrange, deux équipes françaises ont mis décrire l'expérience du robinet qui fuit
avoir des solutions chaotiques. Parallè- en évidence deux routes vers le chaos : par un attracteur étrange, il semble que
lement au système de Lorenz, le modèle à j'École normale supérieure, A. Lib- si l'on ouvre en grand le robinet, la
de Hénon a constitué une illustration chaber et J. Maurer observaient la turbulence du jet est nettement plus
remarquable de l'existence des solutions cascade de dédoublements de période complexe et la caractérisation d'un
chaotiques et de leur représentation (au cours d'expériences de convection attracteur est sinon impossible, du
dans l'espace des phases, {( l'attracteur dans l'hélium liquide), tandis que moins sans objet dans ce cas. Le chaos
étrange ». T. Bergé et M. Dubois, au Commissa- déterministe est incontestablement une
Rapidement les chercheurs ont riat à l'énergie atomique, observaient le étape décisive dans le problème de la
compris que l'on pouvait trouver des phénomène dit « d'intennittence ». Ce transition vers la turbulence et, bien
solutions chaotiques dans toute une dernier scénario n'est pas examiné dans qu'il ne permette pas de comprendre
série de domaines comme la mécanique, l'article, il fut prédit par les chercheurs encore celui de la turbulence dévelop-
la cinétique chimique ou l'écologie. En français Y. Pomeaux et P. Manneville; pée, il ouvre une nouvelle voie d'appro-
particulier, L-C. Roux et C. Vidal ont il consiste en un dérèglement intermit- che dans ce domaine.
été parmi les premiers à reconstruire tent d'un oscillateur, qui présente ainsi
un attracteur étrange à partir des une oscillation régulière entrecoupée de Vincent CROQUETTE
données obtenues sur des oscillations bouffées chaotiques; la durée relative CNRS-CEA

Pour la Science. Février 1987 39


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 217
· • 741

La bille qui rebondit:


une expérience simple pour aborder
la physique du chaos
par Pierre BOISSEL
Enseignant à l'Université Pierre et Marie Curie (Paris VI)
Laboratoire de Photophysique Moléculaire
Bâtiment 213, Université Paris Sud-Orsay, 91405 Orsay Cedex

RÉSUMÉ

L'étude d'un dispositif mécanique très simple, une bille rebondis-


sant sur un plateau vibrant, pl';rmet d'illustrer de façon pédagogique et
progressive les principaux concepts utilisés dans la physique des
systèmes chaotiques. Cette expérience peut en outre fournir un thème
de travail motivant pour des projets de travaux pratiques ou de calcul
numérique sur ordinateur.

1. INTRODUCTION

La science du chaos est une des avancées importante de la physique


actuelle. Jusqu'à ces dernières années, l'attitude habituelle du physicien
obtenant un comportement erratique au cours d'une expérience était de
jeter les résultats au panier en soupçonnant l'intervention d'une
quelconque perturbation extérieure. Ce n'est que récemment que l'on
s'est rendu compte, d'une part que des comportements chaotiques
pouvaient apparaître de façon intrinsèque, même dans des systèmes
comportant un petit nombre de degrés de liberté, d'autre part. que
l'étude de ces comportements sur des cas simples permettait de dégager
des concepts utiles pour la compréhension de systèmes plus complexes.

Dans le cadre d'une série de projets de Travaux Pratiques de


Licence de Physique à l'Université Pierre et Marie Curie (Paris' VI),
nous avions choisi d'étudier l'apparition du chaos dans un système
mécanique: une bille rebondissant sur un plateau oscillant. Ce thème,
prévu au départ essentiellement pour pratiquer l'acquisition et le
traitement de données expérimentales sur microordinateur, s'est révélé
en fait beaucoup plus riche. En effet, ce système permet d'aborder de

Vol. 86 - Février 1992


218 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

façon pratique les idées essentielles de la physique du chaos, De plus,


en raison de particularités mathématiques sur lesquelles nous revien-
drons, l'approche expérimentale peut être menée en parallèle avec une
simulation purement numérique qui la complète et la prolonge.

Cet exposé ne vise pas à refaire une étude générale de la physique


du chaos. Son but est plutôt d'illustrer les concepts importants
(soulignés typographiquement dans le texte) par des exemples concrets
pris sur l'expérience, renvoyant le lecteur aux ouvrages généraux
(références [1-3] par exemple) pour une étude plus approfondie. Le
détail de l'expérience et la méthode de simulation sur ordinateur sont
présentés en section 2. La section 3 décrit ensuite la transition vers le
chaos et le régime chaotique lui-même, en mettant l'accent sur les
points qui ont un caractère d'universalité. La stabilité des différents
régimes est discutée dans la section 4, d'un point de vue intuitif, puis
dans une comparaison quantitative avec l'expérience. Enfin, la section
5 aborde la notion de bistabilité, une autre caractéristique fréquemment
rencontrée dans les systèmes non-linéaires.

2. PRÉSENTATION DE L'EXPÉRIENCE

2.1. Dispositif expérimental


La description de l'expérience peut tenir en une phrase: il s'agit
d'étudier les rebondissements d'une bille sur un plateau horizontal
animé d'un mouvement alternatif dans la direction verticale. Cepen-
dant, quelques astuces techniques sont nécessaires pour que le système
réel corresponde effectivement à ce modèle simple.

2.1.1. Partie mécanique (Figure 1)

/support souple

cdromique C>
plaleau C>

vibreur ----{>:l_~~~_
Figure 1 : Dispositif expérimental, partie mécanique.

B.U.P. n" 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 219

Pour que les chocs de la bille ne perturbent pas le mouvement


sinusoïdal vertical du plateau, la différence des masses doit être
importante. La bille d'acier ayant une masse de l'ordre du gramme, le
plateau est constitué d'un bloc de laiton d'une centaine de grammes. Il
est mis en mouvement par un vibreur électromagnétique (type V lul
de Linear Dynamic Systems) alimenté par un générateur basse fré-
quence.

La détection du choc est effectué au moyen d'un disque en


céramique piézoélectrique (P 1-60 de Quartz et Silice) collé sur le bloc
de laiton. Le choc de la bille sur cette céramique produit une impulsion
électrique permettant de déterminer l'instant et l'intensité de l'impact.

La dissipation d'énergie, indispensable pour observer correctement


la transition vers le chaos, est fournie par un simple morceau d'adhésif
(adhésif plastique du type isolant électrique) collé sur la céramique pour
àmortir le rebond de la bille.

Le point le plus délicat est la fixation de la bille. Le support souple,


en papier ou en plastique. n'est pas seulement destiné à éviter de
retrouver la bille sous la table. Il permet d'obtenir des conditions
strictement reproductibles d'un choc à l'autre, en particulier d'avoir
toujours le même point d'impact sur la céramique. En revanche, il ne
doit pas intervenir dans le mouvement, ni par un effet de ressort, ni par
d'éventuelles fréquences propres de vi bration.

Enfin, le support de l'expérience elle-même ne doit pas être


quelconque. Une table ordinaire a généralement des fréquences de
résonance au voisinage de la fréquence d'excitation du vibreur
(- 30 Hz) qui peuvent perturber notablement les résultats. Une paillasse
de Travaux Pratiques convient très bien. A défaut, un découplage des
vibrations peut être obtenu avec un bloc de béton posé sur un feutre
amortisseur.

2.1.2. Acquisition de données

Une fois la partie mécaniqüe mise au point, une première approche


de l'expérience consiste simplement à observer, à l'œil et à l'oreille, le
mouvement de la bille pour différentes amplitudes de vibration du
plateau. La deuxième étape, plus quantitative, est l'observation simul-
tanée sur l'oscilloscope de l'impulsion correspondant à l'irripact de la
bille et de la tension d'alimentation du vibreur.

Vol. 86· Février 1992


220 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

Cependant, l'exploitation' des résultats expérimentaux peut être


faite de façon plus approfondie en couplant l'expérience à un microor-
dinateur par l'intermédiaire d'une carte d'interface multifonctions,
N'importe quel type de carte, disposant de deux entrées avec conver-
tisseur analogique-numérique, d'une entrée numérique et d'une horloge
chronomètre peut convenir. Nous avons utilisé une carte PCL 712
(Advantech) ou PC-MES2.

Avant d'être exploités, les signaux électriques provenant de


I~expérience doivent être mis en forme dans une interface électronique
externe, Cette électronique, largement inspirée de.la référence 4b, a été
mise au point au cours des projets, Le schéma de principe est présenté
sur la figure 2.

,..
Oscilloscope vOie 1

Cé ramlque Fb.pl1f!Caleu"-
DrtectelJr de

pl ézo~ crête
- -
Entr ee AnaloCJlque 1
R,A.l,

Entr ee Numé ri que 1


- "1se en forae

Oscilloscope vOie 2

Ex Cl tatlon Ent ré e Numérique 2


Oéphaseur Ml5e en fonlE'

,
,
En.t r ee AnaloCJlque 2
- t'\.Jl tll1Dètre

Figure 2 : Représentation schématique de l'électronique.

L'impulsion aux bornes de la céramique piézoélectrique passe tout


d'abord dans un premier amplificateur permettant un découplage et une
adaptation de niveau, La sortie de cet amplificateur est dirigée d'une
part sur un étage détecteur de crête qui permet de garder en mémoire

B.U.P. n' 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 221

la valeur maximum, d'autre part sur un circuit de mise en forme


fournissant un· signal rectangulaire entre 0 et 5 V, de largeur fixe. Le
flanc de montée de ce signal sert à déterminer l'instant de l'impact par
l'intermédiaire de l'entrée numérique de la carte d'interface. Le flanc
de descente déclenche la remise à zéro du détecteur de crête après un
délai suffisant pour que la conversion analogique numérique soit
effectuée.

Parallèlement, une fraction de la tension d'alimentation du vibreur,


après passage dans un circuit déphaseur, est transformée en signal carré
(0 V -5 V) et envoyée sur un autre bit de l'entrée numérique pour être
utilisée comme référence de temps. Le circuit d'entrée est destiné à
compenser l'écart de phase entre' la tension électrique et le mouvement.
La détection des évènements est effectuée par l'intermédiaire des bits
de l'entrée numérique plutôt que par l'entrée analogique car l'interro-
gation d'un port d'entrée-sortie est beaucoup plus rapide que la
conversion d'une tension analogique qui peut prendre plusieurs dizaines
de' microsecondes..

Enfin, l'amplitude de la tension d'alimentation est mesurée par un


multimètre (Keithley 177) dont la sortie analogique est envoyée sur la
deuxième entrée analogique de la carte d'interface.

2.2. Simulation numérique

Un système simple expérimentalement ne l'est pas forcément du


point de vue du calcul. La plupart des systèmes mécaniques analogues
sur lesquels on peut étudier le chaos (boussole, pendules couplés... )
nécessitent l'intégration dans le temps d'équations différentielles non
linéaires, ce qui ne peut se faire que numériquement, par des méthodes
plus ou moins complexes, avec des problèmes de propagation d'erreurs
dès que l'on veut tin temps un peu long. Le point important est qu'ici,
la seule équation différentielle intervenant est celle de la chute libre.
La non-linéarité du problème réside uniquement dans l'intersection
d'une parabole et d'une sinusoïde. Cette intersection étant le seul calcul
numérique à effectuer, la simulation du mouvement peut être effectuée
sans difficulté sur un microordinateur avec une très bonne précision et
une grande rapidité.

La structure du calcul est relativement simple. Après le choc


numéro n, la bille, arrivée avec une vitesse finale vfn' repart à l'instant
~, avec une vitesse initiale Vin' d'une altitude zn qui est celle du plateau
à cet instant. Elle poursuit alors sa trajectoire suivant les équations de

Vol. 86 - Février 1992


222 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS
,
la chute libre, jusqu'à ce qu'elle rencontre à nouveau le plateau.
L'amortissement est pris en compte par le coefficient de restitution ~
donnant le rapport entre les vitesses relati ves avant et après le choc:

{1}

V(~) étant la vitesse du plateau à l'instant du choc tn .

Cependant la bille ne rebondit pas toujours sur le plateau. Elle peut,


par moments, atterrir dessus, rester collée un certain temps, et repartir
seulement lorsque le plateau redescend assez vite pour que son
accélération dépasse l'accélération de la pesanteur. Il est donc néces-
saire, du point de vue de la programmation, de distinguer les périodes
où la bille est en vol libre de celles où elle est collée sur le plateau, de
traiter les évènements de rebond et de décollage et enfin, à l'atterris-
sage, de fixer un seuil de vitesse en dessous duquel la bille ne rebondit
plus pour éviter une série "infinie" de rebonds de hauteur décroissante.

Pour des valeurs fixées de l'amplitude du mouvement du plateau


Ac et du coefficient de restitution ~ le calcul permet donc de suivre le
mouvement de la bille au cours du temps à partir de conditions initiales
vil ", arbitraires. On peut alors, soit laisser passer quelques rebonds
pour éliminer les transitoires et étudier les trajectoires dans les
différents régimes permanents (section 4), soit au contraire s'intéresser
aux régimes transitoires eux-mêmes (section 5).

La simulation proprement dite est faite en extrayant du calcul les


données correspondant au choc, pour différentes valeurs de l'amplitude
d'excitation. La variation de cette amplitude peut être programmée
(rampes, valeurs discrètes...)", mais la comparaison avec l'expérience est
encore plus parlante en utilisant un potentiomètre relié à l'entrée
destinée aux manettes de jeu. La rotation du bouton de ce potentiomètre
devient alors l'équivalent exact de la rotation du bouton de niveau du
générateur B. F ..

2.3. Analyse des données expérimentales

Sans entrer dans le détail de leur signification pour l'instant, un


simple coup d'oeil aux figures 3, 5d et 6 montre un bon accord qualitatif
entre les résultats expérimentaux et le calcul. Pour aller au-delà, il faut
analyser la signification exacte des signaux issus de l'expérience.

B.U.P. n" 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 223

Le mouvement du plateau est repéré au moyen de la tension


électrique d'alimentation du vibreur. On admet que l'amplitude de ce
mouvement, notée Ao et exprimée en mm dans le calcul, est proportion-
nelle à la tension efficace lue par le multimètre.

Le déphasage Ln est l'intervalle de temps entre l'instant du choc t,


et l'instant Tn-I où le plateau passe à son point haut après le choc n-l.
Ln peut donc être supérieur à la période T. Expérimentalement, le
déphasage entre l'excitation électrique et le mouvement n'est pas
mesuré directement, l'origine de L est donc arbitraire, par contre la
mesure du temps étant rapportée à une période, la calibration de l'axe
est exacte.

L'intensité du choc se traduit expérimentalement par une impulsion


de tension dont l'intégrale dans le temps est proportionnelle à la
quantité de mouvement fournie à la céramique, donc à la variation de
la quantité !le mouvement de la bille M(v in - v fn ). La forme temporelle
de l'impulsion étant fixe, la valeur crête est une mesure de cette
intégrale. La quantité équivalente au niveau du calcul est donc la
différence algébrique des vitesses vin - V fn avec là aussi un coefficient
de proportionalité qui ne sera pas explicité.

En dehors de ces coefficients multiplicatifs et de la valeur du


déphasage, le seul paramètre ajustable dans le calcul est le coefficient
de restitution Jl. Une détermination expérimentale directe de ce
paramètre est possible avec le même appareillage. En effet, lorsque la
bille est lâchée d'une certaine hauteur au dessus du plateau immobile,
la suite des intervalles de temps entre les chocs successifs décroit
exponentiellement selon la loi:

Cette mesure conduit à des valeurs de Jl de l'ordre de 0.5 dépendant


du type d'adhésif utilisé et du nombre d'épaisseurs. On note au passage
que, contrairement à l'intuition, le coefficient de restitution augmente
avec le nombre d'épaisseurs.

La fréquence utilisée tout au long de l'étude est de 30 Hz. Les


variations de fréquence et d'amplitude de l'excitation se combinant au
sein du paramètre sans dimensions Aool-/g, une modification de la
fréquence introduit simplement une homotétie sur les valeurs de A o' ce
qui a été vérifié expérimentalement.

Vol. 86 . Février 1992


224 BULLETIN DE L'UNIO ' DES PHYSICIENS

2.4. Versions simplifiées de l'expérience

Les deux points onéreux du montage, en dehors de l'ordinateur,


sont le vibreur (~ 4 000 F) et la carte d'interface (~ 3 000 F). Sur le
premier point, dans une version simplifiée de l'expérience, il doit être
possible d'utiliser une masse moins importante, qui pourrait alors être
mise en mouvement par u" simple haut-parleur. L'accord quantitatif
avec le modèle serait sans doute moins bon mais le comportement
qualitatif doit être très semblable. Par ailleurs, la détection du choc peut
être faite au moyen des pastilles de céramiques piézoélectriques
utilisées pour la sonnerie dans toutes les montres à quartz.

En ce qui concerne la carte d'interface, une grande partie des


résultats peuvent être obtenus sans couplage à l'ordinateur. En effet, les
mesures de temps peuvent être faites point par point sur l'écran de
l'oscilloscope. Le début du diagramme de bifurcations (partie 3.1) peut
être obtenu de cette façon.

En se limitant toujours aux mesures de temps, l'interface parallèle


dont disposent tous les micro-ordinateurs (communication avec l'impri-
mante) permet de disposer d'une ligne d'entrée numérique (indication
de fin de papier). Moyennant une mise en forme du signal de la
céramique, il est possible de mesurer avec cette entrée unique l'écart
entre chocs successifs. On peut alors obtenir une représentation de
l'attracteur en portant l'écart tn + I - tn en fonction de tn - t n _1 (voir
références [1 -3]).

3. LE CHAOS

Lorsqu'on pense au système dans l'abstrait, on imagine en général


que la bille va rebondir régulièrement une fois par période lorsque le
plateau remonte, comme une balle que l'on fait rebondir sur une
raquette. Ce régime de fonctionnement est effectivement obtenu dans
certaines conditions, mais si l'amplitude du mouvement du plateau (A o)
est trop grande, le mouvement de la bille peut devenir complètement
désordonné.

3.1. Transition vers le chaos, la cascade de bifurcations

Pour étudier la façon dont le système va passer du régime de


fonctionnement simple au régime chaotique, nous allons suivre l'évo-
lution de l'une des grandeurs caractérisant le choc. l'iI).stant du choc (la
phase), 't n avec l'amplitude d'excitation Ao' Si la fréquence est

B.U.P. n" 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 225

maintenue constante, cette amplitude, réglable par la tension envoyée


sur le vibreur, est le seul paramètre qui détermine le régime de
fonctionnement, c'est ce qu'on appelle le paramètre de controle.

La figure 3 présente les résultats de cette étude. résultats expéri-


mentaux (3a) et résultats du calcul (3b). Nous ne nous intéresserons pas,
pour l'instant à la partie inférieure de ces figures ('trr < 0.6) qui sera
étudiée dans la section 5. En ce qui concerne la branche supérieure, la
partie gauche, pour des valeurs expérimentales de Ao comprises entre
0.18 et 0.27 V (0.27 et 0.40 mm par le calcul), correspond au régime
du rebond simple: pour une valeur donnée de A o' le choc a lieu toujours
au même instant 'tn . Les trajectoires de la bille et du plateau, calculées
pour une valeur de Ao de 0.38 mm, sont représentées sur la figure 4a.
Le mouvement de la bille est périodique, avec la même période que
l'excitation. Au dessous d'une amplitude critique A e (0.18 V ou
0.27 mm), le mouvement du plateau n'est plus suffisant pour entretenir
les rebonds et la bille retombe..

Plus intéressante est la limite de ce régime dans l'autre sens: au


delà de 0.27 V (0.40 mm), deux instants d'impacts différents apparais-
sent. L'analyse des trajectoires calculées pour Ao = 0.42 mm (figure 4b)
montre que la bille rebondit alternativement, une fois plus haut, une
fois plus bas et qu'elle arrive tantôt près du sommet de la sinusoïde,
tantôt plus en avance. Le mouvement de la bille reste périodique, mais
il faut attendre deux périodes de l'excitation pour retrouver la même
trajectoire: c'est le doublement de période. ExpérimenWement, en
dehors de la représentation un peu abstraite de la figure 3, ce
changement de régime est observé de façon plus directe: à l'oreille, on
constate une modification du rythme des chocs ; sur l'écran de
l'oscilloscope, les instants de l'impact sont alternativement décalés par
rapport à la sinusoïde de la tension d'alimentation.

Cette transition est réversible : en diminuant l'amplitude, on


retrouve le régime périodique simple. Si les variations sont très lentes,
le seuil d'apparition et de disparition du doublement de période est tout
à fait reproductible. Pour des variations plus rapides, on peut observer
un régime transitoire. Ce point sera approfondi dans la section 4.

Lorsque l'amplitude continue à augmenter, un nouveau seuil


apparaît, au-delà duquel on obtient quatre points d'impact. Sur la
figure 4c, la trajectoire correspondante (A o = 0.444 mm) ressemble à
la précédente, avec de grands sauts et de petits sauts, mais, en regardant

Vol. 86 - Février 1992


226 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

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3

"
~

C

~


C
~

/
o. 2\Jl:looo!Yi,..L'0'.-flnoon....L'0;-.-;2;;0;;0• ..L'0'•.;3~ono-.L-;0;-.-;4;;0;;0. ...L,,0""'.s~oo=----'L--;0•.-:6-;;0:;;0,--.L.""'0~.
700
ArlPl itude d' excltat Ion (n",)

b - Simulation numérique (Jl = 0.53).

Figure 3 : Diagramme de bifurcation.

B.U.P. n' 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 227

a..

'llQ.OO

,..,11u... 0,....«.4_

c.
1'
.
o
~

lOD.OO OQQ.OCl
TUlIPli t-l

d
.
.
s
•~

Figure 4: Trajectoires de la bille et du plaleau pour différentes valeurs de l'amplitude


AO (Il = 0.53).

Vol. 86 - Février 1992


228 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

de plus près, on constate que les petits sauts sont eux-même alternati-
vement plus grands et plus petits et qu'il faut maintenant attendre quatre
périodes pour retrouver le même comportement. II y a quadruplement
de période.

Le phénomène continue ensuite: les quatres branches se subdivi-


sent pour donner la période 8 puis 16 et ainsi de suite à l'infini c'est la
cascade de bifurcations. Expérimentalement, le bruit électronique et la
résolution limitée du convertisseur rendent difficile l'observation au
delà du quadruplement, mais sur la simulation. on peut suivre la cascade
aussi loin que la précision des calculs le permet.

Le point important est que cette cascade de bifurcations a un


caractère tout à fait universel. C'est une des façons de passer de l'ordre
au chaos que l'on peut retrouver sur des systèmes aussi différents qu'un
oscillateur électronique [5], les oscillations acoustiques entretenues
dans une clarinette [6] ou la simulation de l'évolution d'une popula-
tion [2] ...

Cette universalité n'est pas seulement qualitative: en appelant Aq


le seuil d'apparition, de la bifurcation d'ordre q, on peut calculer le
rapport :

Ag+1-A q
Aq-Aq _ t

Ce rapport tend vers un nombre 8 = 1/4.6692016... , aussi universel que


7t ou e, indépendant du système physique (ou purement mathématique)
étudié.

3.2 Le régime chaotique, ('attracteur étrange

La cascade de bifurcation est donc en principe infinie, mais la suite


Aq des valeurs critiques du paramètre de contrôle converge vers une
valeur finie A~. Pour une valeur de A o supérieure à A~, on entre dans
le régime chaotique. Le mouvement de la bille devient complètement
désordonné. Le calcul des trajectoires montre une succession de sauts
irréguliers (figure 4d).

B.U.P. n' 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSIOENS 229

Pour étudier ce régime, la représentation adoptée pour le dia-


gramme de bifurcations n'est plus adaptée puisque, pour une valeur de
Ao, on ne voit plus qu'une succession de points sur une verticale, qui
finissent par couvrir peu à peu toute la ligne. On va donc porter, pour
une amplitude donnée, deux grandeurs caractérisant le choc: toujours
l'instant 1:n, mais cette fois en fonction de l'intensité du choc In' In est
l'amplitude de l'impulsion électrique sur la céramique pour le diagrame
expérimental, la différence des vitesses vin - VIn pour le calcul. En
termes savants celle représentation est une section de Poincaré de
l'espace des phases (voir annexe 1).

Pour le régime périodique simple, cette section se réduit à un point


(figure 5a), les valeurs de 1:n et In étant identiques à chaque choc. Pour
le doublement et le quadruplement, on obtient deux. puis quatre points
(figure 5b, c), on peut suivre ainsi la cascade de bifurcations.

Lorsque le régime est chaotique, on voit apparaitre progressive-


ment un nuage de points (figure 5d). Alors que, pour une valeur fixée
de A o dans la cascade de bifurcations le nombre de points était fixe, ici,
tant que l'on n'est pas limité par la résolution de l'affichage, de
nouveaux points apparaissent sans cesse, chaque impact ayant des
caractéristiques différentes de tous les précédents. Ce nuage de points
n'est pourtant pas quelconque, il reste limité dans une région du plan
et possède un certain nombre de propriétés caractéristiques. Ce nuage
est une section de Poincaré de l'al/racteur étrange. La figure 6 montre
l'attracteur obtenu expérimentalement. On constate là encore que
l'accord est bon, tant pour la forme générale que pour les détails.
L'attracteur expérimental est cependant un peu plus étalé.

Sur les figures 5d et 6 apparaît l'aspect feuilleté qui est une des
caractéristiques de l'attracteur étrange. Cette caractéristique s'ac-
compagne d'une propriété curieuse: à n'importe quelle échelle d'ob-
servation l'attracteur conserve la même structure, chaque branche se
divisant en deux à l'infini, c'est l'autosimiiarité. Celle propriété
apparaît nettement sur la figure 7, caculée, qui n'est pas entachée du
bruit expérimental. D'autres propriétés intéressantes, comme la dimen-
sion fractionnaire liée à la nature fractale peuvent être étudiées, on se
reportera pour cela aux références [1-3J.

3.3. Le cœur du problème: déterminisme et imprédictibilité

Les aspects mathématiques inhabituels rencontrés dans l'étude de


l'attracteur étrange intéresseront surtout le scientifique. Cependant, un

Vol. 86 . Février 1992


230 BULLETI DE L'UNION DES PHYSICIENS

... ,-----------------------,
a.
...
· ...
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··
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L

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...

B.U.P. n" 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSIGENS 231
1.'.----------------------,

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,. B14. <=""~.,=",!".,'"'"~,".1F";,~.",~~,;,l."" '"'\,o!..",
llPc l ., d'OC: (t\f\ l,I)

Figure 6 : Sections de Poincaré de j'attracteur étrange, résultat expérimental.

..--r-----------------,

"':-.:..: ......
-~.

-1
l --'-. 0;----
..........
"."

'.,,:~
-,:".

. -+------_....:..~------~
••
Figure 7: Agrandissements successifs d'une section de j'attracteur étrange. Simula-
tion numérique (Il = 0.25, Ao = il.73 mm).

Vol. 86 - Février t992


232 BULLETIN DEL'UNION DES PHYSIOENS

autre point qui peut être abordé avec ce système a une portée beaucoup
plus générale puisqu'il s'agit du problème du déterminisme.

La question est de savoir si, à partir de mesures effectuées à un


instant donné, il est possible de prédire le comportement de la bille à
n'importe quel instant dans l'avenir. En théorie, la réponse semble être
oui. De fait, au niveau du calcul, pour des conditions initiales (vitesse
et position de la bille) fixées à un instant donné, la trajectoire est
entièrement déterminée. Le système est bien déterministe. Mais avec
quelle précision peut-on fixer les conditions initiales? La figure 8a
montre la comparaison de deux trajectoires en régime chaotique,
commencées apparemment dans les mêmes conditions, mais avec un
écart relatif de 10-5 sur les vitesses initiales. Pendant une quinzaine de
rebonds, les trajectoires sont confondues, puis elles se séparent très
rapidement et n'ont plus rien en commun après une vingtaine de
rebonds. Si l'écart initial avait été plus faible. les trajectoires auraient
été confondues un peu plus longtemps mais le résultat final aurait été
le même, on constate là la sensibilité aux conditions initiales.

Le problème apparaît plus nettement encore sur la figure 8b où l'on


a porté, en ordonnées logarithmiques. l'écart sur l'altitude à l'instant
du choc. L'écart initial, d'une fraction de micron, croît inexorablement
avec le temps. L'obtention d'une droite sur la première partie de la
figure montre que la divergence des trajectoires est une divergence
exponentielle ce qui est aussi une caractéristique générale des systèmes
chaotiques. La croissance s'arrête seulement lorsque l'écart devient de
l'ordre du mm, c'est à dire de l'ordre de grandeur du mouvement de la
bille.

Ainsi, à une précision donnée sur les conditions initiales, corres-


pond un horizon de prédictibilité, temps au delà duquel l'incertitude
sur la prédiction du mouvement devient de l'ordre de grandeur du
mouvement lui-même. Pour repousser plus loin cet horizon, il faut
connaître avec une précision plus grande les conditions initiales. Mais,
celles-ci ne pouvant être précisées au-delà de l'échelle atomique et des
limitations de la mécanique quantique (principe d'incertitude), l'hori-
zon de prédiction sera toujours limité.

Pour illustrer ce phénomène de sensibilité aux conditions initiales


dans la vie courante, on prend souvent l'exemple des prévisions
météorologiques : les progrès dans le nombre de jours de prévision
suivent les progrès dans la précision et surtout le nombre de points.de

B.U.P. n' 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 233

a
E
.§ 2

~
"0

-...
..,
~

..,
~

o 400 BOO
Temps (ms)
a - Deux t'rajectoires débutant avec un écart relatif 6.vi/vi de 10.5

.c
0
c
<0000

HlOO
b
~ /
.§ .00
/
/

N
c
~ \0
•c
~

c
c
UJ
0.100

0.010

0.001 +-~--~-~---.----~-~----r--~-~-~---'
o '00 BOO
Temps (ms)

b - Écarts en z au moment des chocs pour ces deux trajectoires.


Figure 8 : Sensibilité aux conditions initiales.

mesures atmosphériques sur l'ensemble du globe. Mais, dans ce cas, le


problème étant beaucoup plus complexe, la limitation tient aussi au
volume du calcul nécessaire. Le cas de la bille fait mieux apparaître le
caractère fondamental de l'imprédictibilité à long terme.

3.4. Fenêtres d'ordre dans le chaos

On peut remarquer sur la figure 3 que dans la zone correspondant


aux régimes chaotiques l'accord expérience-simulation est moins bon.

Vol. 86 . Février 1992


234 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

Comme on vient de le voir, le comportement de la bille est alors très


sensible aux faibles perturbations. Les imperfections de l'expérience
ont donc une influence plus grande. Un point critique à ce point de vue
est la stabilité en amplitude du générateur.

Malgré ce brouillage, la figure 3a laisse cependant entrevoir une


particularité, plus apparente sur la figure 3b : au cœur de la zone
chaotique, une certaine régularité se manifeste parl'apparition de traits
sous-jacents au nuage de points. Sur les attracteurs, cette régularité se
traduit par des accumulations de points: certains types de chocs sont
beaucoup plus fréquents que les autres. Le point surprenant est que,
pour certains domaines de valeurs du paramètre de 'contrôle, on obtient
à nouveau un régime strictement périodique, centré sur ces points
d'accumulation. On peut observer une telle fenêtre d'ordre pour les
valeurs de An autour de 0, 52mm. La zone correspondante est brouillée
dans le diagramme expérimental mais la régularité s'entend très bien à
l'oreille. Une 'deuxième fenêtre apparaît, cette fois dans les deux
diagrammes, pour An - 0.44 V (0.62 mm).

L'existence de fenêtres d'ordre dans le chaos est encore un


phénomène assez général, commun à tous les systèmes n0t:l-linéaires.
Cependant, ces fenêtres sont généralement très étroites et difficilement
visibles. L'existence, ici, d'une grande plage de variation du paramètre
de contrôle peut s'expliquer en observant la trajectoire. La figure 9
représente cette trajectoire en régime permanent, calculée pour une
valeur de An de 0.515 mm. La période de base du mouvement est ST.
Le point important est que, après le saut le plus élevé, là bille tombant
sur le plateau au moment où celui-ci descend, les rebonds suivants sont
amortis très vite et la bille finit par rester sur le plateau, en suivant le
mouvement de celui-ci. Après un nouveau décollage, ayant perdu la
mémoire des rebonds antérieurs, la trajectoire recommence avec des
conditions initiales identiques.

Dans le cas général, la fenêtre d'ordre retourne au régime chaotique


par la même cascade de bifurcations sous-harmoniques. Ici, en étudiant
en détail la zone concernée. on peut effectivement mettre en évidence
un doublement de période pour Ao = O. 52365 mm.

4. ANALYSE DE STABILITÉ, RÉGIMES TRANSITOIRES

En dehors de l'étude expérimentale et du calcul purement numéri-


que, une autre façon d'aborder le système est de chercher, directement

B.U.P. n' 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 235

'.-------------------------------,
_3
E

o 100 200 300.00 400 soo


Temps (ms)

Figure 9 : Trajectoire de période 5Tcorrespondant à une fenetre d'ordre dans le chaos


<il =D,53, A = 0.515 mm).

à partir des équations du mouvement, quels sont les reglmes de


fonctionnements possibles et quels sont les critères de stabilité de ces
régimes.

4.1. Recherche des régimes périodiques

Le mouvement vertical du plateau. Z(t) = Ao cos(wt), fixe le repère


temporel. Dans le cas d'un régime de rebond périodique, les conditions
initiales de la trajectoire libre de la bille sont les mêmes après chaque
choc. En particulier, la hauteur du plateau Zn = Z('tn) étant invariante,
la vitesse finale v rn doit être l'opposée de la vitesse initiale:

vin=-vfn= vp=gT/2 {2 }

g étant l'accélération de la pesanteur et T =2rr./w la période de vibration,


l'indice P caractérisant les grandeurs en régime périodique. Cette
équation, combinée à l'équation du choc {I}, donne une condition sur
la vitesse du plateau à l 'instant ~ :

V (ln) =vp l..=J!


I+Jl
{3}

Vol. 86 - Février 1992


236 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

Ceci impose une relation entre A o et 1: p' 1: p étant la phase commune à


tous les chocs:

,
Ao W.SIn(W1:p)=-vp·I+
~
=- 2'
1Œ 1-
{41
Jl I+Jl

ce qui, en introduisant l'amplitude critique Ac = 2 . ~ s'écrit:


gT
W I+Jl

AO = - Ac/sin(W1:p) {5 }

La courbe correspondant à cette relation est tracée sur la figure 10,


superposée au diagramme de bifurcations calculé pour les mêmes
valeurs de Jl et de la période T. Celte courbe décrit bien l'ensemble du
régime de période simple, mais elle se poursuit au delà par des branches
qui ne sont pas observées, ni expérimentalement, ni dans les résultats
du calcul numérique. II faut donc rechercher dans les critères de stabIlité
pourquoi ces branches ne sont pas obtenues.
1.000--. --,

.'"
.' "-
c:i~
:-~-<;:
.."
." -
".",..-

:':r~ ~
u
o 1
.-...... .'
.c
u o~
'~'; ~ .
"
' 0 0.800
. :-'-."-
.'.; .
....

0.500

o.• oo+~~~~~.._~~~~~...._,~~~~~~ .... ~~~~~__j


0.-=00 0.500 0.600 0.700 0.600
AmplHude d'excitation (m".)

Figure 10 : Analyse de stabilité: courbe des régimes périodiques (~ = 0.25).

Avant de passer à cette analyse, il faut remarquer que, dans


l'équation {2], on a considéré que la durée du vol libre de la bille était
égale à la période de la table T. D'autres régimes périodiques simples

B.U.P. n' 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 237

sont possibles pour lesquels cette durée est un multiple de T. L'équation


{2} devient alors, m étant un nombre entier:

vin = - V fn = vPm = m.gT/2 {6 )

On obtient ainsi toute une famille de courbes. La portion stable de


la courbe m = 2 est effectivement observée, expérimentalement et dans
la simulation. Elle se termine par la même cascade de bifurcation. Ce
régime, pour lequel la période du mouvement de la bille est double de
celle du mouvement de la table, ne doit cependant pas être confondu
avec le régime issu de la première bifurcation décrit plus haut.

4.2. Étude qualitative de la stabilité

Pour comprendre l'analyse de la stabilité du cycle, on peut


raisonner sur un analogue mécanique: une bille au fond d'une sphère
creuse est en équilibre, une bille posée sur le sommet d'une sphère est
théoriquement en équilibre aussi, mais cette position instable n'a
aucune chance d'être observée dans des conditions normales. En effet,
dans ce cas, un petit déplacement dû à une perturbation a tendance à
être amplifié, alors que dans le premier cas il est source d'une force de
rappel vers l'équilibre.

De la même façon, ICl, il faut étudier comment une petite


perturbation de la trajectoire correspondant au régime périodique est
amplifiée ou atténuée. Pour cela, on peut se contenter de prendre un
échantillon de la trajectoire à chaque période, c'est à dire de regarder
ce qui se passe au moment du choc.

On peut voir, sur la figure II, à quoi correspondent les deux


branches de la courbe des régimes périodiques. La périodicité impose
simplement une condition sur la vitesse ascensionnelle du plateau au
moment du choc (équation {3)), mais la même vitesse peut être obtenue
pour deux valeurs de T : Tp (trajectoire A), et 3T/2-Tp (trajectoire B).
Dans le cas de la trajectoire A, si, à la suite d'une perturbation, la vitesse
initiale après le choc, Vin' est un peu trop forte, la bille retombera plus
tard, à un moment où la vitesse du plateau est plus faible, ce qui aura
tendance à corriger l'écart. Dans le cas de la trajectoire B aJ.! contraire,
la vitesse du plateau au choc suivant sera plus grande et l'écart aura
tendance à augmenter: le régime est instable. Le même raisonnement
amène une conclusion identique dans le cas où la perturbation
correspond à une diminution de Vin' L'amplitude critique est celle pour

Vol. 86 - Février 1992


238 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

laquelle la vitesse nécessaire à l'entretien du rebond est la vitesse


maximum du plateau pour 't p = 3T/4.
2 -,-------------------,

A
Ê

o +---'\----/----\:-.--f--

o '00
Temps (ms)

2,-----------------------,
B
Ë

.,
....
u
::>
~

O+-\----j----\----''<-j------'\----'r-I----+

-, +-~-~-~-~-~--~-~-~-~--j
o '00
Temps (ms)

---Trajectoire périodique
- Trajectoire commencée avec un écart initial ôV i

Figure 11 : Comparaison des trajectoires slables (A) et inslables (B).

Toujours qualitativement, on peut comprendre pourquoi il y a


doublement de période. Au delà d'une certaine valeur de Ao' l'effet de
correction devient trop grand et, au lieu d'un retour vers le régime

B.U.P. n' 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 239

périodique simple, on obtient oscillation de part et d'autre de celui-ci.


Mais ce raisonnement ne permet pas de déterminer pour quelle valeur
de Ao la bifurcation se produit.

4.3. Analyse de stabilité linéaire

Pour cette analyse, nous allons encore utiliser une section de


Poincaré de la trajectoire, mais ici, l'intensité du choc sera remplacée
par la vitesse initiale après le choc Vi' Pour. travailler avec des unités
homogènes, on exprimera cette vitesse par la grandeur u j = Vi /g ayant
la dimension d'un temps.

Dans le plan 't-u i ' un point ('tn , uin ) correspond à un choc. Pour
~plifier les notations, on représentera ce point par le vecteur associé
Wn' de composantes 'tn ' uin . Les équations du mouvement de la bille
et du rebond se résument alors, pour une valeur déterminée des
paramètres ül, Il et du param~e de contrôle Ao, à une application qui
fait correspondre au vecteur Wn ('tn , uin) le vecteur
Wn + 1 ('tn + l ' uin+ 1) :

P}

Un régime périodique simple est possible pour les vecteurs Wp qui


sont inchangés dans cette application, et donc solutions de :

{8}

On retrouve ici, de façon plus formel~e, les résultats du para-


graphe 5. I. : les composantes des vecteurs Wp sont en fait données par
les équations {2} et {4}, mais ce formalisme va nous permettre
d'aborder plus simplement le critère de stabilité.

Supposons qu'au choc ,le vecteur Wn diffère de 8Wn du vecteur


~, le vecteur caractérisant le choc suivant Wn + 1 diffèrera de
8Wn + l' Le régime sera stable si, en l'absence de perturbation
ultérieure, les écarts successifs 8W
n + l' 8W
n + 2 ... tendent vers 0, il sera
instable si cet écart s'amplifie.

Vol. 86 - Février 1992


240 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

Comme on s'intéresse aux écarts faibles autour de Wp , l'applica-


tion:J' peut être linéarisée autour de ce point. Le n vecteur 8W + 1
s'obtient alors en faisant simplement le produit de 8W
n par une matrice
[F].

{9 }

Cette méthode s'appelle /' analyse de stabilité linéaire, la matrice


[F] est une matrice de Floquet. Le régime sera stable tant que les deux
valeurs propres À,I et À.z de ~ matrice de Floquet auront un module
inférieur à l, le module-de 8W n + 1 étant alors inférieur au module de
8W n
, Les valeurs critiques du paramètre de contrôle seront celles pour
lesquelles le module de l'une des valeurs propres devient supérieur à
1. Dans le cas qui nous intéresse, pour le régime de période T,
l'équation {9} sécrit:

n 1
Ô't + ] ( 1
[ lOI
( ÔUn + 1 = lt (l - ~J . cotg (CJl'tpJ
L'équation aux valeurs propres correspondante est:

Le paramètre de contrôle A o semble avoir disparu de ces relations,


mais il est en fait lié à 't p (pour T/2 < 't p < T) par la relation {5}
exprimant la condition de périodicité.

L'analyse des solutions de l'équation {Il} montre tout d'abord


que, pour cotg(o:>'t p ) > 0 (T/2 < 't p < 3T/4), une des valeurs propres est
toujours supérieure à 1. La branche inférieure est donc bien instable,
La limite de stabilité À, = 1 est obtenue pour 'tp = 3T/4 correspondant à
l'amplitude critique Ac'

Dans l'autre sens, la valeur propre À, = -1 est obtenue pour

{ 12}

B.U.P. n' 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSIOENS 241

d'où l'on peut déduire l'amplitude correspondant au seuil de double-


ment de période:

{I3 }

Les relations (12} et (13) montrent que le rapport A 2/A c ne dépend


que de ~. Ce rapport permet donc une détermination expérimentale de
ce paramètre sans connaître le coefficient de proportionnalité entre la
tension d'alimentation et l'amplitude de vibration. La valeur trouvée.
~ = 0.53, est en accord avec la détermination directe par la méthode
exposée plus haut. C'est cette valeur qui a été utilisée dans le calcul
des figures 3 et 5.

Il serait possible de gmtinuer et d'étudier la stabilité du régime de


période 2. Les vecteurs W2 caractéristiques de ce régime sont ceux qui
sont inchangés dans l'application ;;:2= g:-o:F: Les v~urs propres de
la matrice [F2] linéarisant cette application autour de W2 permettent de
déterminer les portions stables ou instables de ce régime. Mais les
calculs deviennent beaucoup plus complexes. En effet la matrice [F2 ]
n'est pas le simple produit [F] . [F] m~s le produit des matrices Ge
linéarisation autour des deux vecteurs W2. On peut remarquer cepen-
dant qu'au point de bifurcation, on a [F2 ] = [F] . [F] et donc qu'une
valeur propre de [F21 est égale à (_1)2 = 1.

4.4 Vecteurs propres, transitoires

Ayant déterminé les valeurs critiques du paramètre de contrôle


correspondant aux changements de régimes, on peut s'intéresser
maintenant à ce qui se passe au voisinage de ces changements.

On notera a. et p les deux valeurs propres réelles de la matrice de


Floquet*, w:.
et ~, les vecteurs propres correspondants. Si a. est la
valeur propre dont le module est égal à 1 au changement de régime, le
module de l'autre valeur propre, p, sera voisin de 112 d;après l'équation
{ Il }.

* Vers le milieu de la zone de stabilité, la matrice de Floquet n'a pas de


valeurs propres réelles. On montre cependant dans ce cas que le régime est
stable si le module des deux valeurs propres reste inférieur à 1 (voir
référence 1 Annexe).

Vol. 86 - Février 1992


242 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

Un vecteur d'écart quelconque 8vln peut s'exprimer comme


combinaison linéaire de ~ et wp :
8Wn=a.~+b.wp
au choc suivant, on a~a: _
8w n+ 1 - a. a. Wu + b. ~ . W~
puis, après m chocs:
8Wn + m = a , am . Wu + b . ~m . %
La composante selon wp, diminue tres vite, comme 112m , L'ap-
proche ou le départ d'un régime se feront toujours le long du vecteur
~
propre wu'

Si l'o,n s'intéresse à la premlere bifurcation, on peut poser


a =- (1 + E). Un écart initial au régime périodique simple grandira
comme (- (1 + E)]m. Un exemple est donné sur la figure 12 : à partir
d'un point A, situé sur la courbe du régime périodique simple, un écart,
selon viau départ, croît le long .~ pour aller rejoindre le régime de
période 2 (points D,D' ). On peut vérifier sur la figure que la pente de
la droite correspond bien aux composantes de ~ données par {1O} en
unités réduites: 2 + E et - Cl + Il), On peut voir de la même façon qu'à
partir du point B, pour A o légèrement inférieur à Ac (a = 1 + E), le
départ se fait selon la direction (1, 0).
1.000

,:: D·
';:t .~ <>l:-(i·'1
o.g
~.

..'"
'">
~

M 0.800 0
"

"
<-
B
ou
~. oC. ': -L.L
al

'"
s=
0.
0.7
:-\

o.•

0,5 +~~~~-,--
,~~~~.,.-~~~~,~~~~..--~~~..--j ...
a 50 100 150 200 250
Vi (m../s)
Figure 12 : Régimes transitoires et vecteurs propres dans le plan T, Vi.

B.U.P. n' 741



BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 243

On peut expliquer ainsi le mécanisme de retard à la bifurcation.


Losrque l'amplitude J\> franchit la valeur A 2 par valeurs croissantes, le
système reste un moment en régime périodique simple. En effet, e étant
petit juste après la transition, l'écart à ce régime, en [- (1 + e)]m,
n'augmente que lentement. Inversement, lorsqu'on franchit le seuil par
valeurs décroissantes, l'approche du régime périodique ne se fait que
comme [_(l-e)]m, qui tend vers 0 d'autant plus lentement que Ao est
proche de A 2 . La bifurcation, au lieu d'une allure parabolique, prend
alors un aspect pointu. Ceci est particul ièrement visible sur la
figure 13.
1.000,- --,

.;... -
u
0
c i
u .1."

:> /;~
u 0.600
~
c:
e
~
e '<Z::
c:
H

r i
c'~
0.600 ;';'~:- .
: ~

c.• oo+~~~~~"..~~~~~"..~~~~~"..~~~~....,...;
0.400 0.500 0.600 0.700 0.800
Amplitude d'excitation (mm)

Figure 13 Bistabililé el hystérésis. Les flèches indiquent le sens de parcours


(~= 0.25).

5. BISTABILlTÉ, BASSINS D'ATTRACTION

5.1. Le régime décollage-atterrissage

Jusque là, dans un but de simplification, nous n'avons pas étudié


la branche inférieure des diagrammes de bifurcations. Expérimentale-
ment, c'est pourtant le régime correspondant à cette branche qui
apparaît en premier. Lorsque, la bille étant posée sur le plateau
immobile, on augmente progressivement l'amplitude de vibration, la
bille suit tout d'abord le mouvement. A partir d'un certain seuil,lorsque
l'accélération du plateau à son point haut (-J\>c02) devient supérieure à

Vol. 86 - Février 1992


244 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSIOENS

g, on entre dans un régime de décollage-atterrissage: la bille décolle,


puis retombe et. après éventuellement un certain nombre de rebonds de
hauteur décroissante, accompagne à nouveau le mouvement du plateau
jusqu'au prochain décollage. On a donc encore un mouvement périodi-
que, ayant la périodicité de l'excitation, ce qui se traduit par une ligne
sur le diagramme de bifurcation.

Lorsque l'amplitude continue à augmenter, le reglme devient


irrégulier. La bille retombant plus tard et d'une plus grande hauteur, les
rebonds suivant le premier choc n'ont plus le temps de s'atténuer et la
bille ne suit plus vraiment le mouvement du plateau à l'instant qui
correspondrait au décollage. On retrouve l'analyse faite à propos de
l'étude de la fenêtre d'ordre dans le chaos (section 3.4) : l'ordre
provient de la perte de mémoire des rebonds précédents pendant que la
bille est collée sur le plateau. Un point intéressant serait de voir si ce
régime irrégulier est bien un régime chaotique, caractérisé par un
attracteur étrange avec toutes ses propriétés.... ou s'il s'agit seulement
d'un régime périodique ayant une périodicité très longue. La façon dont
il apparaît est en tout cas assez inhabituelle.

5.2. Bistabilité, hystérésis


La figure 13 a été calculée, pour une valeur ~ = 0.25 du coefficient
de restitution. avec une vitesse de variation du paramètre de contrôle
Ao constante, d'abord en augmentant, jusqu'à 0.72 mm, puis en
dirriinuant. Le point représentatif du système décrit d'abord la branche
du bas, régime périodique, puis régime irrégulier. Pour une valeur
déterminée de Ao' il y a alors un saut brusque sur la branche
correspondant au régime périodique de rebond. On peut noter au
passage le comportement transitoire à l'arrivée dans ce régime (écart
en [- (1 - E)Jrn). En continuant, on observe la première bifurcation,
avec le phénomène de retard décrit précédemment, puis le passage au
régime chaotique. En revenant en arrière, après la dernière bifurcation.
le régime reste le régime de rebond de période T jusqu'à l'amplitude
critique Ac en dessous de laquelle la bille retombe dans le régime de
décoII age-a tterri ssage.

Il existe ainsi toute une plage de valeurs du paramètre de contrôle


pour lesquelles deux régimes de fonctionnement différents peuvent être
obtenus. Le système est bistable ; son fonctionnement dépend non
seulement de la valeur de Ao mais aussi de la façon dont on a établi
cette valeur. On a. un phénomène d'hystérésis. Sur la figure 10, qui
donne une vue d'ensemble des états du système, on voit apparaître. avec

B.U.P. n" 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 245

la branche instable rejoignant les deux branches stables, la courbe en S


caractéristique des systèmes bistables.

La valeur ~ = 0.25 a été choisie pour le tracé de la figure 13 car, le


basculement vers le haut aboutissant au régime périodique, le cycle
d'hystérésis est plus simple. Pour la valeur expérimentale ~ = 0.53
(figure 3), le basculement conduit directement au régime chaotique et
il faut revenir en arrière pour observer la cascade de bifurcations:

5.3. Bassins d'attraction

Pour une valeur fixée du paramètre de contrôle dans la zone de


bistabilité, la bille, lâchée avec des conditions initiales quelconques,
finira toujours, après un transitoire plus ou moins long, dans l'un ou
l'autre des régimes. La figure 14 montre l'exemple de deux trajectoires,
commencées avec la même phase 't 1 = 3T/4, la bille étant sur le plateau,
mais avec deux vitesses initiales vil différentes.

On peut ainsi séparer l'espace des phases en deux bassins


d'attraction correspondant chacun à l'ensemble des points pour les-
quels l'évolution aboutit à un des deux régimes. Pour se ramener à une
représentation à deux dimensions de ces bassins, on peut faire à
nouveau une section de Poincaré de l'espace des phases. Comme pour
l'attracteur, on choisit de faire la coupe au moment du choc pour obtenir
une représentation dans le plan vi - 1:. Mais, pour tenir compte du
caractère périodique de l'excitation, comme expliqué en annexe, on
utilise les coordonnées polaires: la vitesse initiale après le choc, vi est
portée dans la direction définie par l'angle Cll't.

Un point du plan (Vi' Cll't) définit donc les conditions initiales pour
une trajectoire, la hauteur initiale étant celle du plateau à l'instant 't.
Pour tracer les limites des bassins, il sufffit alors, pour tous les points
du plan, de déterminer quel est le régim~ final auquel on aboutit et de
classer le point dans un bassin ou dans l'autre. Mais la méthode retenue
pour le calcul de la figure 15 est un peu différente. A partir d'un point
(Vi' W't) pris au hasard dans le plan, on suit l'évolution en gardant en
mémoire les points intermédiaires, et l'ensemble des points est porté
sur le bassin correspondant à l'état d'arrivée. Cette méthode permet
d'accélérer le calcul, plusieurs points étant trouvés pour une même
trajectoire, mais surtout elle donne une indication sur les chemins les
plus fréquemment empruntés pour parvenir au régime stable. La densité
des points représentatifs permet ainsi d'avoir une idée de la "profon-
deur" dans le bassin.

Vol. 86 - Février 1992


246 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

Vi: 147 mm/a; Amplitude: 0.56 mm

3.-------------------------,

E
5 2

QJ
TI
::J
....
~

....
.....
<

o 500 1000
Temps (ms)

Vi: 148 ruAIs: ~l1tUdl!J: 0.56 .l!UU

3....----------------------------,

Ê
52

o 500 1000
Temps (ms)

Figure 14 : Trajectoires pour des conditions initiales appartenant à deux bassins d'at-
tractions différents.

B.U.P. n" 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 247

a.

:: -.
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-:'. --'.~.::t.. ";
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. :..:i"· - •.

. '. .. '
'.~ ;~.
'.'

a - Régime de décollage-atterrissage.

b - Régime de rebond,

Figure IS Bassins d'allraction des deux régimes périodiques.


Représentation polaire Vi. (0"[.

Vol. 86 - Février 1992


248 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

Deux remarques peuvent être faites à l'examen de la figure 15.


D'une part, si l'on réunit les deux bassins, on reconstitue bien entendu
le plan entier, mais dans cette reconstitution, les zones de plus grande
densité ont une forme similaire à celle de l'attracteur étrange obtenu
pour une valeur plus élevée du paramètre de contrôle (figure l7b).
D'autre part, la séparation des deux bassins coupe ces zones selon une
direction que rien ne laissait prévoir. Si le premier point peut se
comprendre de façon plus ou moins intuitive, nous n'avons aucune
interprétation concernant le second; le problème reste ouvert.

Un autre point à étudier sur ce système est le comportement pour


une valeur plus élevée du paramètre de contrôle dans le cas d'un
coefficient de restitution de 0.53. Pour Ao = 0.44 mm par exemple, les
deux régimes permanents sont des régimes chaotiques. Il serait
intéressant de déterminer les bassins d'attraction respectifs de deu"x
attracteurs étranges.

Ce dernier point peut être abordé expérimentalement et fournit


matière à réflexion sur les facultés d'analyse du cerveau humain.
Lorsque, débutant loin dans le régime chaotique, on fait décroitre
l'amplitude de vibration en agissant sur le bouton de niveau du
générateur B.F., les deux bassins d'attraction sont si intimement liés
que l'obtention de l'un ou l'autre des régimes après la séparation est
pratiquement aléatoire. Cependant. avec un peu d'expérience, il est
possible de distinguer à j'oreille de subtiles différences de rythme et
d'obtenir à volonté le régime périodique stable.

6. CONCLUSION

Présentée au congrès de la S.F.P. à Caen au cours de l'opération


"Physique dans la Ville", celte expérience a suscité de l'intérêt auprès
d'un public de tous niveaux. D'un point de vue général, elle est
intéressante par son aspect démonstratif. Les notions de seuil, de
bifurcation. d'attracteur étrange... sont directement illustrées, par le
comportement de la bille et sur l'écran de l'ordinateur.

Une approche plus quantitative ne nécessite que des outils mathé-


matiques à la portée d'élèves de lycée: équations de la chute libre.
calcul numérique de l'intersection de deux courbes. Ceci est important
d'un point de vue conceptuel: le calcul ne présentant pas de difficulté,
le caractère fondamental de la sensibilité aux conditions initiales, par
exemple, apparait beaucoup plus nettement.

B.U.P. n" 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 249

Du point de vue de l'enseignant, la physique du chaos ne fait pas


partie des programmes, ou du moins pas encore. Mais le choix de ce
thème, aussi bien pour des travaux pratiques que pour un projet
d'informatique, fournit aux étudiants ou aux élèves une motivation
supplémentaire. Il est en effet stimulant de sentir que l'on peut aborder,
avec des outils connus et maîtrisés, un domaine nouveau et encore peu
étudié de la physique.

Pour le physicien qui désire approfondir la question, le grand


intérêt de ce système est la rapidité de l'acquisition de données. Ceci
est vrai du point de vue expérimental, une fréquence de 30 Hz donnant
en moyenne un point toutes les 33 ms, mais aussi du point de vue de
la simulation numérique. Il est ainsi possible, en quelques minutes de
calcul sur un microordinateur, de mettre en évidence 1'autosimilarité de
l'attracteur étrange pour un système physique réel alors que les
exemples que l'on trouve dans les ouvrages sur le chaos sont en général
calculés à partir d'équations mathématiques de récurrence n'ayant pas
de lien vraiment direct avec un système physique.

Enfin, il n'est pas interdit de penser que, simplement avec un


micro-ordinateur sur un coin de bureau, il est possible d'explorer
soi-même des aspects encore mal connus de cette physique du chaos et
peut-être de contribuer à son avancement. Les questions ouvertes à
propos des bassins d'attraction dans la section 5 en donnent un exemple.

Je tiens à remercier ici les groupes d'étudiants qui, au cours des


trois dernières années, ont contribué à l'approfondissement de cette
expérience. Je remercie aussi E. RESSA YRE pour des discussions
fructueuses sur les problèmes de stabilité.

Annexe - Espaces des phases


Le mouvement d'une bille libre le long d'une direction verticale
est entièrement déterminé si on connait son altitude z et sa vitesse v à
un instant donné 1. L'espace des phases est à deux dimensions.

Le mouvement périodique du plateau rajoute une troisième coor-


donnée. En effet, l'évolution du système est conditionnée aussi par la
position du plateau à l'instant t ou, inversement, si l'excitation sert de
référence de temps, il faut connaître z, v et 1:, le temps compté dans ce
repère pour déterminer la trajectoire. On a ainsi les trois degrés de
liberté minimum nécessaires à l'apparition du chaos llJ . La figure 16

Vol. 86 - Fé vrier 1992


250 BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS

présente un essai de représenlation de la trajectoire périodique de la


bille dans un tel espace, en coordonnées cartésiennes 1:, v, Z .

.,~'~'

".

Figure 16: Représenlation en coordonnées carlésiennes de la trajectoire dans l'espace


des phases.

Une telle représentation ne prend cependant pas en compte le


caractère périodique de l'excitation: le temps 1: n'est défini que modulo
T. La représentation correcte de l'espace des phases serait donc une
représentation en coordonnées cylindriques, z étant l'altitude, v le rayon
vecteur et W1: l'angle polaire, Sur un écran d'ordinateur, on peut suivre
au cours du temps la trajectoire dans une telle représentation, mais une
figure imprimée devient tout de suite difficilement lisible.

On se ramène à une étude à deux dimensions en effectuant une


section de l'espace des phases par une surface cà'~pant la trajectoire,
Celle-ci se réduit alors à une série de points. Les possibilités de coupes
sont multiples. On peut par exemple fixer une altitude z et noter les
temps 1: et les vitesses v de passage à cette altitude, ou encore relever
à chaque période l'altitude el la vitesse pour un instant 1: fixé.

La section utilisée ici celle qui apparaît naturellement dans


l'expérience puisqu'elle correspond aux chocs, Il s'agit de la projection
sur le plan 1:,V d'une coupe par la surface sinusoïdale z = A o cos (W1:),
Cette coupe donne deux valeurs de v : Vi et v f' l'une ou l'autre pouvant

B.U.P. n' 741


BULLETIN DE L'UNION DES PHYSICIENS 251

être retenues. L'expérience mélangeant ces deux valeurs sous la forme


vi - v r ne fournit pas à proprement parler une coupe, mais les propriétés
du diagramme restent les mêmes.
500,----- ---,
Q

'"3

-
9"
c

, a
~
'">
; :
; ;
!

//

-500 +----~----._---~---___i
-500 a 500
(Vi-V/cOS (u"t)
300 -j-------------------,
b

;:;

-"
>
*
0

-300 -j-----~----._.---~---___1
-300 0 300
Vi-cos (u1 J

a - intensité du choc (vi - vI) en fonction de Cll't.

b - vitesse initiale Vi en fonction de C1)"[.

Figure 17: Représentations de l'attracteur de la figure 5d en coordonnées polaires.

Vol. 86 - Février 1992


252 BULLETI DE L'U '10 DES PHYSICIENS

Dans un souci pédagogique, ces coupes ont été présentées en


représentation cartésienne sur les figures 5, 6, 7 et 12 mais la
représentation logique est la représentation polaire, projection sur le
plan z = 0 de l'espace des phases décrit plus haut. La figure 17 montre
le même attracteur que sur la figure 5b dans cette représentation, le
rayon veCleur étant vi-vr sur la figurel7a et vi sur la figure 17b. Sur
cette dernière, la vitesse du plateau a été reporlée à la même échelle, Il
faut noter que, dans celte représentation, les vitesses étant algébriques,
les points (v,w't) et (-v,w1:+n) sont confondus. Le cercle représentant la
vitesse du plateau est ainsi parcouru deux fois en une· période.

RÉFÉRENCES

[1 J L'ordre dans le ehaos P. BERGÉ, Y. POMEAU, Ch. VIDAL


Éditions Hermann, (1984 el 1988).
[2 J La physique du désordre La Recherche, uméro spécial 232,
(Mai 1991).
[3J Le ehaos J. CRUTCHFIELD, D. FARMER, N. PACKARD et
R. SHAW Pour la Science, (Février 1987).
[4] a Charllie dynamics of a houneing hall N.B. Tuffilaro and A.M.
Albano American Journal of Physics. vol 54, p. 93~, (Octo-
bre 1986).
b STRANGE ATTRACTOR of a houneing hall T.M. MELLO and
'.B. TUFFILARO American Journal of Physics, vol 55, P 316,
(Avril 1987).
c Comment on "Charl/ie dynamies of a hOlllleing hall" R.L. ZIM-
MERMA American Journal of Physics, vol 56. p. 1147,
(Décembre 1988).
[5] Simple experiments in chaotic dynamies K. BRIGGS American
Journal of Physics, vol 55, p. 1083, (Décembre 1987).
[6] Du silence au chaos acoustiqtie C. MAZANGA La Recherche,
vol. 173, p. 100 (Janvier 1986).

B.U.P. n' 741


':Unlm;;l lJ":m~#'::~mmtlmm'" "l7\"1:'>[;'

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~~'i;ii!I;it~mi:~l!m;~;!~I!fmliHSlm~hftmü~'fil!;j~ji!~ll;:;N1i;:~I!gjJ!i;~'liilli~;gli!1fIli1iWITH:, ~~iv.~:il'Ijgmm;!.m ,.
"V"""'"
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(t:~t!\@~ chaos_1. dvg


câblage e::terne ordinateur (face arrièrel
T. P. 1. G. Drocco
ang.u1ar velocities n and!l + sn (assuming S!l<fl) is two Killing vectors in the special coordinatcs conncctcd
t with (AI) have the form:
80 = fl(aR 'Iar) 8fl, (A4)
'1 , (l-fl'R') TJ'=8;(I) , s;=8;(t$) ,
-'Ç
\ where R == -
g6d /g". We sec that the acceleralion is the with 8; (k) being the Kronecker delta.
1 same for ail the observers (with flj>6 ± IIR) on a given The formulas far angular momentum and angular velac-
1 orbit ifand only if aR lar = Oon this orbit. Note, that on a ity read:
J free photon orbit we have uiu,- = 0 and Qj = O. Therefore
1= _ (S'u;) fl = _ 1(7/;7/,) ,
fi = ± IIR and aR lar = 0 there. Thus, we have formally
proved that observers (e.g., spacecraft) moving on a circu- (7/'u,) , (S'S,)
lar phonon orbit with different angular velocities have ex- and the acceleration formulas take the form:
actly the same acceleration. It is no! equal ta the accelera-
lion of the photons (which is zero) because of the o;=u'''1,u, =...!.- "1,(7/'TJ,) + n'''1,(S'S,)
assumption flj>6 ± !IR one must make to derive formulas 2 (rT7/j) + n'(sjSj)
(3) and (4). n"1;R'
In the special case of the nonrotating black hole with the 80; = R '"" - (s's,)/(7/'7/,).
(1 - n'R ')
massM:
On the photon orbit one has "1;R = 0 and the aceeleration
gu = [1 - (lGM là) )r', g.. =,:I sin' e (AS)
ISCUSS
and the condition aR lar = 0 reduces to the formula forthe
l "1,(S'S.1
o· =--'-.:.:.'-;=':'"
mder· radius of the photon orbit quoted in the paper: , 2 <tis j
)
ity by
re are '< =3GM /c'. daes not depend on the anguJar velocity. This proves our
lr"~"- point.
The aceeleration formula (3) gives
r. ..e
n, the
0, =c'/6GM, _1 Permanent address: l)(;panement d'Astrophysique Fondamentale, Ob-
servatoire de Paris-Meudon, 92195 Meudon Principal Cedex and Insti-
,ed by which is independent of the angular veloeity.
tut d'Astrophysique de Paris, 98 bis Bd. Arago, 75014 Paris, France.
oxical One could have the impression that Ihe.se results are not
lA. Einstein, RelDliuüy, the Special D'Id lM Gentrol T1ltory (Methuen,
based covariant, that they are an artifact of the special coordinate London, 19(4).
atufe. system used. This is not the case. It is easy to express ail the ~H. Cohn, Am. J. Phys. 4S, 239 (1977).
formulas presen1.ed here in terms of two Killing vector 'D. S. Koltun, Am. J. Phys. SO, 527 (1982).
fields, TJ' and t,', which exist in the space-time with the ·S. Weinberg, Grauitotion and Casmology (Wiley, New York, 1972).
metrie (A 1) because of time and axial symmetries. These ~M. A. Abramowicz and 1. P. Lasola, Acta Phys. Pol. B S, 327 (1974).

1com-

ativity
1.5
·ic ten·
~ndent
rc (see Chaotic dynamics of a bouncing bail
N. B. Tufillaro and A. M. Albano
DeparlmclII of Physics. Bryn Mawr College, Bryn :\!owr, PennsyllX1nia J90JO
(AI) (Received 13 June 1985; aecepted for publication Il November 1985)
ldition An undergraduate experiment is described that illustrates the period doubling route ta chaos in a
lishing simple dissipative mechanical system, a bouncing baIl subject to repeated impacts with a vibrating
(or u, table.
ngular

(Al)
l. INTRODUCTION illustrates many of the ideas and methods used in deserib-
ing nonlinear dissipative dynamical systems. The experi-
The period doubling route to chaos has now been ob- ment consists of twa parts. In the first part the students
served in an impressive number of ex perimentaI systems, explore the "quadratic map"l) on a microcomputer. Many
Electrical, 1-6 optical,' hydrodynamic,8 chemical, Band bio- aspects of the quadratic map are common to a large c1ass of
logical systems can ail exhibi! period doubling instabilities. systems showing ehaotic behavior. By studying the qua-
(A3) A few rceent articles in this Journal deal with the chaotic dratic map, the studenls are introduced ta the basic notions
dynamics of nonlinear systems. II . ll but recent discoveries ofdetenninistic randomness (i.e., chaos), subharrnonic bi-
zero if in nonlinear dynamics are still not weIl known at the under- furcations, strange allractors, and the like.
.; oftwo graduate leve!. These ideas are immediately applied to a simple mechan-
ifferent We have developed an undergraduate experiment that ical system in the second part of the lab. The students ex-

939 Am. J. Phys. 54 (l 0). OClober 1986 @ 1986 Arn~rican As~illlion of Physics T~ach(:rs 939
• bail Table heighl

A
f-----'ir--,L----' lime
-A

lable

Fig. 1. Bouncing baIl. A bail is free 10 bounce on a tabk which mayes


sinusoidally up and down.

penmentally study the dynamies of a bail that is free ta


bounce on a table which moves sinusoidally up and down
-:f------'---.L-----L--++,
(Fig. 1). The dynamics of a bouncing bail subjeet ta repeat-
ed impacts with a sinusoidally vibrating table appears ta •
have been studied tirs! by Holmes [.e who showed the exis-
tence of periodic and chaotic motions (i.e., strange attrac- Fig. 2. Tht: quadralic map. Tht: first ft:w itt:ratt:S of.%(1 art: sho'llt.'n.
tors) for sui table parameter values and initial conditions.
The bouncing baIl apparat us described here is simple, ine,,-
pensive, and exhibits period doubling. The sludents obtain
an estimate of the Feigenbaum delta 1.5 from bôth the qua- the solutions of the quadratic map can he astonishingl}
dratic map and the bouncing ball experiment. The Feigen- campI ex. In fact, sorne aspects of the asymplotic orbits ar~
baum delta measured from the latter consistently falls still not fully understood.
between four and five. We can think of the quadratic map as a very idealized
model of sorne dynamical process. It ha s, in fact, been used
II. QUADRATIC MAP ta model the temporal evolutian of insect populations.I3·I~
Nonlinear dynamical systems are studied in two comple- The parameter J.. in this case may be: a measure of the abun·
mentary ways by mathemalicians and physicists. The dance and availability of food supplies whieh affects ho.
mathematical goal of dynamical systems theory is to un- large the nexl generation x ..... 1 will he given that the pres-
derstand the asymptotic behavior of a dynamical process. ent population is x ... In the bouncing bail experiment. i.
The set of asymptotic solutions is called an ·'atrractor.·' might be the amplitude of the platform's oscillations, in
Attr~cting sets corne in rnany varieties: fixed points, limit hydrodyamic experimems. it might be the Reynolds num·
cyclcs, and strange atrractors, [0 name a few. In physics, a ber. \
dynamîcal process is oftened modeled by a differential or a Much is learned about the quadratic map by examinin~
differenœ equation, 50 the task before the mathematician is the behavior of x .. slaning [rom sorne arbitrary Xn. (In thf
ta tind where ail the orbits go aner a long rime. Physicists following, we only examine the case where À > 1.) A pai-
ask a more subtle (and ambiguous) question. One of the ticulariy simple graphieal method for iterating Eg. (1) i,
physiâst '5 goals in nonlinear dynamics is to identify what illustrated in Fig. 2 (see Ref. 19) in whieh
such systems have in common. irrespe.ctive ofdifferences in 1,(x)=).x(I-x) (4)
the underlying physics. A physicist seeks ta discover thase
properties that are experimentally measureable and com- is plotled against x. Starting from somexc» the value of.x 1 i!
monly realized in physical phenomena. This is the queS! for obtained by drawing a line segment parallel ta the l, (xl
universality. A farniliar result is that a ~riod doubling cas- axis [rom X u and extending it until il intersects the graph al
cade can cuiminate in chaos. Moreover. this doubling cas- A. The length Oflhis line segment gives the value of x ,. Th,
cade possesses certain universal, and experimentally real- value of X 1 =fJ. (XI) is obtained by drawing a li ne segmenl
iz.able, scaling properties. These scaling laws were tirst parallel ta lhe x axis from A until it intersects the dia!!onal
noticc:d by studying the "quadratic map." For an eminent- .r.. (x) = x, at Band then drawing the line Be. The heigh·
Iy readable introduction ta this, and related tapies, sec R. af C above the x axis gives Xl. Ali ether future iterales
D. Hofstadter's "Metamagical Themas" in the November x:!o •.•. "x k •••• may be similarly obtained.
1981 issueofScienlijicAmericon (Ref.19). The first thing ta notice is that l, (0) = o. Thul j
The difference equation. x o = 0, aIl future iterates remain at a and X = 0 is a trivia
fi.ed point of the map. Ne", if X o < 0 or X o > l, th en th'
x .. , =}.x.(l-x.) (1)
future iterates of X o run away to negative infinity. There
is called the "quadratic map." It is the simplest nonline.ar fore. the interesting dynamics of the quadratic map afl
one dimensianal map imaginable. Unlike the analagous confined ta the unit inteIVal, [0,1). Lastly, a nontrivi!
differential equatian, tixed point exists whenever /;. Cx) = x, i.e., whene ve
dx lÀ (x) intersects the45'line. Note that whenJ. < 2, no sud
-;h=J.x(l-x), (2)
intersections occur and aIl initial conditions on the uni
inte['\·al converge toward x = 0 (x = 0 in this case is a 510
whose solution is sim ply ble fixed point) while for J. > 2, initial conditions ne!
XCI) =x"e"/[I-x,,(I-e")J. (3 ) x = 0 diverge from it (x = 0 be:cames an unstable fixe!

9'0 Am. J. Phys., Vol. 54, No. la, Octobc.r 1986 N. B. Tufillaro and A. M. Albano 9'
10 X!'l.AX - 250: YJ'f,AX - 179 Now that their curiosity is aroused, the slUdenls are
guided la investigate systematically the dynamics of the
20 !N?Ur "Enter 10'01t1r' lac:t>da:
quadralic map by c0l1s1ructÎng a "bifurcation diagram_"
30 INPUT "Enter up;>er lambda: luppe:- This is a plot of x. (for large values of Il) versus).. The
lO ltiPU! "Enter ste;> si:z.e for la:'lbda: u; lstep
program lisl<d in Fig. 3 will run on any Apple II computer.
(If hardcopy graphical output is desired, sorne graphical
50 HGR: HCOLO~ - 3 screc:n dump capability is requiroo.) The graphical output
is shown in Fig.4. The horizontal axis shows values of ).
60 FOR l - llower TC lupper STE? lstep
between 2.8 and 4. The vertical axis shows the attracting set
70 xplO't - )(MAX-Cl - llower)/(lup;ler - llowe:-) on the unit interval for a given À. The diagram was con-
structoo by discarding the first two hundred iterates of X o
60 x-C.S
(the transient solution) and th en plo!ting the subsequent
90 FOR i - l TC 200 two hundred points. The bifurcation diagram displays how
the attractor changes as À încreases.
100 x - l·x(l-x)
Figure 4 illustrates the "period-doubling route to chaos"
no NEXT i via a series of "pitchfork" bifurcations. For each value of
). <)." the high-n limit set ofthesolution consist ofa single
120 FOR i - 1 ra 200
point, called a pe.riod one solution: there is only one a!tract-
ing fixed point. When).1 <). <À 2 , a "period two orbit" ex-
ists, the solution hops back and fonh between the upper
and lower branches of the pitchfork. For)., <)_ </." a "pe-
150 HPLOT(xplot. yplo~) riod four" solution exists. This period doubling continues
indefinitely, but the interval of a given periodic motion,
160 NEXT i
/. .. <)~ <J.. .. + l' rapidJy becomes more compact.). .. soon
.gl·
170 NEXT l converges to a value ;~c that marks the onsel of chaotic
a.
behavior, at which point the iterates appear to randomly
1 IBO SND hop around on a subser of the unit interval. As À is further
zed
J Fig. 3. Bifurcation diagram program. The user inputs a minimum and increased, windows of periodic motion can reappear. In
:s«f
13,[9 ! llluimum as weil as a step siu: for lambda. Ihis regime, chaotic and periodic motion exist side by side.
! Feigenbaum 1;5,20 discovered that the dimensionless num-
lun·
10W j ber defined by
'res· 1 point) and aIl initial conditions seem to be attracted to
.r, À j other points. OF = lim [(/..+1 -/..J/()..+2 -)..+1)] =4.6692...
'-e
" in ! Aner similar introductory remarks, the students are en- (5)
um- ~ couraged ta explore the dynamics of the quadratic map on is independenl oflhe details of the quadratic map. Funher-
1 their own using a microcomputer. For instance, for various
more, the convergence rate of Eq. (5) is quite rapid (qua-
llng ! values of X o between zero and one, and À between one and
dratic, in fact J. Hence, OF is weil approximatoo by the first
llhe , four, the students can watch the future iterates of Eg. (1 )
few values of )~ ... The students can obtain 8 F close to that
par- . bounce around on the unit intervaJ. They soon discover
: that if). is bet~een one and three th en there exists only one
given by Eg. (5) by using only the first few values of),.
I J is
2tiracting (stable) fixed point inside the unit interval and (e.g., /.,,/,,,J.,) found in the quadratic map.
One repelling (unstable) fixed point at zero. Thal is, no A remarkable feature ofFeigenbaum's delta is ils univer-
(4) solily. Il seems 10 characterize evcry dynamicaJ problem
mallerwhat X o they pick, future iterates al ways go to where
AIlS 1;. fx) = x. However, a more exciting result is obtained if that displays the period-doubling route 10 chaotic behav-
( =
i. 3.9, say_ ior. This is illustrated by Ihe bouncing bail experiment
which yields a value of OF tha! agrees with Eq. (5) to with-
,h ca
The in roughly 10%.
nenI
Jnal,
eighl
oates,
_ _ _ tall ~:SllJcn

us if
:iviaJ _T_
n the
here·
pare
n\'ial
'lever
such
: unit
a sto· L _ _-'--L ~L --''-''-_ _ lime
n<ar fig. 4. Bifurcation diagram for quadratic rnap. The. fi~l pilCh fork be.g.ins
fix«f Il ~l' The second pitch fork (period 4n
starts al..{~. Fig. 5. Ball and table position. Pc:riodic motion of period T is depicted.

" 1 Am.J. Phys., Vol. 54, No. 10, OClobe.r 1986 N. B. Tufillaro and A. M. Albano 9'1
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Fig_ 6_ Periodic mOlion orperiod 2T_

III. QUALITATlVE DESCRIPTlO:-: OF A FIt:. F. E\pcrim\'IlI~I"lllrtll rrclillinl' MUlll'lilF h,,)1 m.l.II:' ", -. Ï'\'
BOU:-:CI:-:C BALL I~ll' llrhll " .. Ill)\< n Tb,' Uilrx" Ir:,,'," ;" 1. C drl\ m~ ''':l''l!'- 1· li':;; 'j'i:.:l,
The lll\;'{"f '!l'''pLI~ ,ho\\ .. lhl' dln'cl ,llltpul fwn; 1hl' r '·'t'Clro'ln..- fllrlll:I.,
Imagine dropping a bail on top of a table thal is o5.cillal- lmpaC!:- Vonh tilt" rnHlllCïI1.!! tMII
ing in the vertical direction wilh a frequency (:) and ampli·
tudeA (Fig, J). In the bouncing ball cxperimenl wc \\anl
ta siudy how varying the table amplitude A affecis the
ball"s dynamics. The system is dissipati\e 5.ince Ihe colli· orbl! i!' iIlU'-lr;IlI'd: lh~ b:1Jl bnUlh':C" I1lgh. 111::1' Int"li
sions are inelastic. \Ve therefore expeci the table and the hig.h again,
ball ta move in unison when Ais small enaugh; no bouncing Stlldyillg lh~ <.jll::ldralic Illap ~h()\"cd U" 111;:::b ,·h.\\lO,
occurs, However, for a fixed (v and a large enough A. the ~oJUl iOll:-' \'-l'rr.: rr~ccdcd by a ",eqIlClll"r.: (If j'l'rh·u:.i dnubh·J
bail will begill ta bounce. As IVe shall sec, the bail initially ~olulion"', Rl'a:-.oning by all:I!()gy, wc might gues!-lh;l1 ;:"l \\1'
bounces periodically until we rcach a critical value of the iJlcreas~ the tJhlc amrlitllrJC A-which i~ al1alog(lu~ 10 il1~'
amplitude Ar at which point the ball bounces in a ehamie paramclcr/. in the quaoratic m:lp-\\ C \\ ill "'ce a (,1'qUl'nù
manncr. New pcriodic and chaotie motions can appear if of pcriodic orhi,,, (lf r~n(ld ... r. 2/-, -41". 8 T. 1(, j _ .1(1,'1
the amplitude increases further. whieh 1he ba IIm("" c... d1iWI jC;JJI~ _ :" Olll:C tl1.l1 1(; j, _. ;d.,~~
One way 10 visualize the baJrs morion is ln graph both is correct wc wlilnot ~t'c orhil'" ofrcricld... _; 1-. ~ f. l -/:
the baJrs hcight and the tablc's morion on the Sl:Ime plnt. in this . . cquclll:e. ~1orc(lva. \\ c t.:i.ln qUilllti;,!:!\, . . ,1 ih.
Figure 5 shows the simplesl pcriodic motion wc can ima- clnalogy b)' c;J!t.:u\;lting Ih~ Ft.:'lgt.:'llhaulll th:li;, ;-l'i Iht" n·
gine. The bail e>.ecules pcriodic motion with a period T rcrimt.:'l1lal ,~<..Il'Ill
equal to thal of the forcing periad. III Fig. 6.? lTporiodlc
IV. IlOL:-:Cl:-:(; IlA!.!. Al'PARATLS
A 'C!JCIll:IIIl" dl:l~r:IJll 0(;1 ,·t·!t)Ulll-lng h;dl 'li "-;1: .~
,hO\ll1 ill FIg_ 7_:\ 'Pl';lhl'rdn\l'll b):1 (lllll'I:" _!.:i.'!
~;."'r\ l:' :1'" 1IlL' \ lhr:ltillg t:lhle..-_ A 'l11all 'In'; : .. ::,'~
va 1tmeter ~- ---- ag:li Il~\ a COnl';1 \ e !cil' gluùl l" 1he "'PC:1 ~a" -, lh _.' :1I. J ", . : :

o( 1hl" ICIl~ hd r~ 1t\ kl','p 1Ill' b.llr, mol iOll \ l'lï h::l! F.1'! ,'11,\:
10 1he \{'r uf \ he !cn'" i", :1 t hill (~S If Ill) riczl1l..'kt't ri.: AlJ~l
Evcr) lime thr: h:!ll hil" thr.' ICil'. !he film gc-Ill'T;lh.":l \ll!

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'"'"'"
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speaker
1--------'
Funct ion Generatar

I-:!=- Il .\' ~ 1 -- p'"I1< .. lL. llb:\


Type of Molicn (Periodl

No OOUnclng

,.

Period "\T

pt:ri. MF la. A "4 T" periodic orbit. The: lowe:r trace: r~pe:ats ilse1fal four time:s Choos
~::'i'll..er. the.' forcing pe:riod.
1.;; du~
."
•:1
o
~
-.,
12ge, which is readily detected by an oscilloscope. The oth-
er channel of the oscilloscope shows the voltage driving the
speaker. Al impact, a sharp click is heard. The acaustical Period 2T'
p2tiems of difierent periodic and chaatic motions are easily
.1~otic
di:,!inguisherl by the listener. The function generator is also
·"hled Choos
connecled ta a voltmeter sa that the driving voltage al a
a~we
bifurcation value can be recorded.
lO the
luence Fig.. Il. Bifurcalion diagram for bouncing bail e);pe:rime:nt. Typical value:s
. afler =
are Al = 0.149 V. A: 0.226 V, A, = 0.244 V.
lalogy V. BOUNCIl\G BALL EXPERIMEl'T
. 7 T, ... With a frequency around 60 Hz, the students are asked
;:!'t the ta slowly increase and decrease the driving voltage while
ne c,:x- th~y practice Iistening for different periodic and chaotic VI. FUTURE WORK
motions. Once lhey hear a periodic pattern, the oscillo- A detailed analytic and numerical study of the bouncing
scopes is adjusted ta trigger properly off the periodic signal. baIl system is in progress. 5uch a realistic model is not
For smail voltages, it helps ta tap the speaker ta stan the presented here in arder ta emphasiz.e how much can be
inc" is bail bouncing. The students should note that the system learned about the system by studying ilS analogies with the
lerator displays hysteresis. The bifurcation points can differ for quadratic map. The more realistic model gives risc not ta
mnces increasing and decreasing sweeps through A. an interval map, but ralher ta a cenain two-dimensional
Actual experimental data of periodic mOI ions of periods
':!lUrt' annular mar.
,d T 2T, and 4Tare shawn in Figs. 8-10, respectively. The In addition, we are currently engaged in a number of
!Î1~n. '" u;'per trace displays the driving voltage fed ta the speaker. experimentaJ studies. For instance, we are collecting data
.a \'01- Ihe lower trace shows the signal generated by the piezoe- la calculale the fraclal dimensionaliti 7 and distribution
lectric film due 10 collisions with the bouncing bail. Presu- function afmatian in lhe chaotic regime. The experimental
mably, the pulse height is proportion al ta the force of im- result will be compared ta those ablained from computer
pact. simulations. The bouncing baIl system aiso provides a con-
Once the students are familiar with the apparatus they venient system for testing new nanlinear phenomena such
are asked 10 construct a "bifurcation. diagram" for the
as noisy precursors of bifurcations discussed by Weisen-
bouncing bail system simiJar to [hat shawn in Fig. Il by
feld. "
p: lcing th~ functien g~nerator near its maximum value and
then decreasing the amplitude neting for what voltages
ACK;-';OWLEDGME1'<lS
(read from the voltmeter) chaolic and periodic motions
appear and disapp~ar. The Feigcnbaum delta cal1 1l0W be We thank the Physics 33 1 c1ass of 1984-85 at Dryn Mawr
calcuJated and compared ta the quadratic map result. College, especially Tina Mello and Lauree Shampine, for
Typieal values (Fig. Il) give the testing of the original version of this experiment.
8,:::; (A, -A,l/(A, -A,) = 4.3. (6)

The Jab conc1udes with a few questions. For ex ample, the IP. S. Linsay, Phys. Rev. un. 47. 1344 (1981).
Students are asked ta estimale the maximum separation :J. S. Tesla. J. Perez.. and C. Jdrries. Phys. Rev. Len. 48. 714 (1982).
betwecn the baIl and the lens by elementary considerations 'O. O·Humie:res. M. R. Busley, B. A. Hube:rman, and A. Libchabe:r.
of projectile motion. Aiso they are asked ta explain why Phys. Re:v. A 26. 3438 (1982).
long (ST, 16T... ) periodic orbils are not secn in the experi- ·S. No\:ak and R. G. Fre:hlich. Phys. R~v. A 26. 3660 (1982).
mental selup. i.e.. why there is a trunction of the cascade. OK. Aoki. K. Mirame:. T. Kobayashi. and K. Yamamoto. Physica il

_.sitt.... 9.: :1 Am. J Phy~. '·nl ~.:. So la. Octohc=r 191'./\ N. B. TufilluCl and A. :-'1. AlbanCl

_
~70
-, ~
117&JJ8. (IQRJ).
*'5. w. Tcüs,,"orth. R. M. Wel'tervcll. 4I.nd E. E. l-blkr. Phys. Rev.
S!, 82l (1983).
uu. l·~~~~~~f~~~~~~ndVibration 84(2).173-189 (1982).
I~M. J. Feigenbaum, Los Alamos Science 1,4 (1980).
1
~
lSee N. B. Abraham. in Fluctuation and Sensitiuity in Nonequilibrium ""The K YNAR piezoc:lectic film is availab!e from Pennwalt Conv- . .1.
. . -r-.• !klt., ~
(Springer. Berlin, 1984), p. 152, and rt=rerenœ therein. 900 Firsl Avenue, P.O. Box C. Kmg o.f Pru~sla, Pennsylvania, 1~ ':1
~See H. L Swinney. Physica 47, 7D (1983), and refetences therein. 0018. A 10 cm X 20 cm sheet 28 p.m thlck wlIh standard r:ickd_IJu .!
qM. Guerara, L Glass.. 2nd A. Shner, Scienœ 214, 350 (1981). num coating COSts 535. The KYNAR Technical Manull is avail': :i
IOL Glass, M. R. Guerara, and A. Shrier, Physica 89, 7D (1983). from Pennwalt for SIO and IÎsts suppliers for conducting adhesiVn. .
liT. Mishina, T. KohmoLa, and T. Hashi, Am. J. of Phys. 53(4). 332 IIp. Grusberger and 1. Procaccia, Phys. Rcv. Ut!. 50, 34{l Cl983).
( 1981). '·K. Wisenfcld, J. Stal. Phys. 38, ]071 (1985).
DE. V. Mielcurelc,J. Turner, D. Leiter, and L. Da"is, Am. J. ofPhys. 51, l'iD. R. Hofstadter, "Melamagica1 Themas'" Scientific A:Tltrican (1\0-
32 (J983). vember, ]981) 22-43.
DR. M. May, Nature 261, 459 (1976). The quadralic map is also known ~"M. Fiegenbaum, J. Stat. Phys.ll, 669 (1979).

Derivation of the potential energy for the inverse square force-


Without calculus
Jeffry V. Mal10w
Deparlmenl 01 Physics. Loyola University 01 Chicago. Chicago. Illinois 60626

(Received 4 October 1985; accepled for publication 19 December 1985)


A derivalion is presented for the potential energy using the assumption of ellipticaI orbits for a
mass under the influence of a II? force. This eliminates the need for a calcuJus-based derivation,
and is therefore, appropriate for a wide range of nonmajors' introduclory physics courses.

For the undergraduate who knows calcul us, the deriva- "Iength of string" between foci is 2a). Thus
tian of the l/r patential from the II? force is exceedingly b = (r 1r 1 ) 112
simple: A single integration of II? betwe.en distances ri
and r 1 yields llr l - I/r:!._ For the students in non-calculus- and
based introductory physics courses, this simple derivation a = (r, + r,)/2 . (1b)
is inaccessible, and most texts eilher sUU the result, or We. choose to investigate the motion of ln at the tuming
implicitly or explicitly invoke calculus as part of a "deriva-
points, because: al these positions, velocitie:s L'l' L'1 are per·
tion. HI
pendicuJar 10 distances rI' r"J.' and the: motion is lherefare
ln this paper, 1 denve the expression for I1PE from ex-
centripetaJ.
amination of the properties of the elliptical orbit of a parti-
Writing I1PE = - I1KE,
cie (charge or mass) subjeci ta a Il? attractive force. The
only prerequisites are high school algebra and geometry, I1PE=PE(r,) -PEer,) =m("~ - u~)/2. (1)
and the concepts of angular momentum and energy.
Consider a mass m arbiting a fixed mass M. The gravita- Now al Tl and T 2 , ln may be considered to be in a circul.ar
tional forceF= GMmir produces an elliptical orbit, wilh orbit of radius T, subject to the gravitational force (see Flg.
Mat one focus, as shown in Fig. 1. The semimajor axis is a, 1):
the semiminor axis is b, the eccentricity is e and the dis-
tances from M lotheturningpointsarer l andr2 ("perigee" if, fT = GM Ir,
and "apogee," respectively). Since gravit y is a conservative and
central force, any conclusions we draw about the energies ';'IT = GM Ir, . (3)
of m at rI and r 2 is true about any positions, not just the
tuming points, antl for any motion of m, notjust ellipticaJ. (Note that ris the same for bath positions, since lilr\ = li:':
Note from the geometry that from angular momentum conservation.)
Thus, from (2) and (3)
r, =a(1-e),
(4)
r,=a(1 +e), ME = (GMm/2)T( II?, - 1Ir, ) .
and Il now remains ta determine r. This can be done b)' cam-
b=a(l-e')'I2. (la) pa ring the expression for the circle of radius r centered al
(a - T,O) ta thal for Ihe ellipse, as (x,)') (a,O):
(The distance from the focus ta the intersection of the
(51
ellipse with they axis is also equal to a, because the constant [x - (a - T)]' + y' = r'

Am. J. Phys. 54 (10). Oc lober 1986 Cf ]986 Amcrican Anoci8lion of Ph~~jc~ T(,I'::"'"

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