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Raude IUG2015

Nouveau dispositif phare de la politique de la ville française, le thème de la participation des habitants des quartiers populaires revient sur le devant de la scène, dans un contexte marqué par une crise du système démocratique, et par un constat d’impuissance et d’inefficacité de la politique de la ville, depuis ses prémices il y a presque quarante ans. Si la participation des habitants est reconnue de manière quasi unanime comme bénéfique et indispensable aux projets dans les quartiers.

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Raude IUG2015

Nouveau dispositif phare de la politique de la ville française, le thème de la participation des habitants des quartiers populaires revient sur le devant de la scène, dans un contexte marqué par une crise du système démocratique, et par un constat d’impuissance et d’inefficacité de la politique de la ville, depuis ses prémices il y a presque quarante ans. Si la participation des habitants est reconnue de manière quasi unanime comme bénéfique et indispensable aux projets dans les quartiers.

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La participation des habitants dans le cadre de la

politique de la ville et des projets de renouvellement


urbain. Étude comparée des processus participatifs à
partir de l’exemple des quartiers strasbourgeois
Julien Raude

To cite this version:


Julien Raude. La participation des habitants dans le cadre de la politique de la ville et des projets de
renouvellement urbain. Étude comparée des processus participatifs à partir de l’exemple des quartiers
strasbourgeois. Sciences de l’Homme et Société. 2015. �dumas-01266744�

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Projet de fin d’études
Master Sciences du territoire
Urbanisme, Habitat et Coopération Internationale

Julien Raude
Septembre 2015

La participation des habitants dans le


cadre de la politique de la ville et
des projets de renouvellement urbain

Etude comparée des


processus participatifs à
partir de l’exemple des
quartiers strasbourgeois

Crédit photo : Philippe Schalck, Ville et Eurométropole de Strasbourg

Tuteur de stage : François Husson


Directeur de PFE : Emmanuel Matteudi
Notice analytique
Projet de fin d’études

Nom et prénom de l’auteur : Résumé :


RAUDE Julien En cette période marquée par la signature des Contrats de ville,
nouveau dispositif phare de la politique de la ville française, le thème
Titre du projet de fin d’études : de la participation des habitants des quartiers populaires revient sur le
devant de la scène, dans un contexte marqué par une crise du système
La participation des habitants dans le démocratique, et par un constat d’impuissance et d’inefficacité de la
cadre de la politique de la ville et des politique de la ville, depuis ses prémices il y a presque quarante ans.
projets de renouvellement urbain Si la participation des habitants est reconnue de manière quasi unanime
Etude comparée des processus comme bénéfique et indispensable aux projets dans les quartiers
participatifs à partir de l’exemple populaires, celle-ci s’est dans la plupart des cas résumée à des dispositifs
des quartiers strasbourgeois d’information, de consultation, voire de concertation. Plusieurs exemples
à l’international, avec notamment le concept de l’empowerment, la
Date de soutenance : méthode du community organizing, et le recours aux budgets participatifs,
laissent néanmoins entrevoir des opportunités d’évolution intéressantes
11 Septembre 2015 pour la participation des habitants en France.
L’exemple strasbourgeois est intéressant car depuis 2008, l’accent a
Organisme d’affiliation : été mis sur la démocratie participative et l’association des habitants,
notamment dans le cadre du Programme National de Rénovation Urbaine
Institut d’Urbanisme de Grenoble - (PNRU). Dans ce contexte, la stratégie participative menée sur les
Université Pierre Mendès France quartiers strasbourgeois de Hautepierre et de Cronenbourg dans le cadre
de l’élaboration du Contrat de ville et du Nouveau Programme National de
Renouvellement Urbain (NPNRU) entre avril et juillet dernier a permis de
Organisme dans lequel le stage a
tirer plusieurs enseignements en vue de la future association des habitants
été effectué : dans la mise en oeuvre des Contrats de ville, avec un objectif revendiqué
de co-élaboration des projets.
Ville et Eurométropole de Strasbourg Ainsi, plusieurs préconisations peuvent être émises, concernant
notamment la gouvernance de la politique de la ville et les possibilités
Directeur du projet de fin pour développer le “pouvoir d’agir” des habitants, afin de leur donner
d’études : la place qu’il mérite dans les processus de projets et de reconnaître leur
qualité d’expert d’usages au sein de ces quartiers.
Emmanuel Matteudi
Abstract :
Collation : In these times characterized by the signature of the “Contrats de ville”,
the new instruments of the french public policy called “Politique de la
Nombre de pages : 97
ville” (a policy which deals with problems in deprived neighbourhoods),
Nombre d’annexes : 0 the theme of inhabitants participation in these neighbourhoods has been
Nombre de références brought back to the forefront, in a context of democratic system’s crisis,
bibliographiques : 43 and by the fact that the “Politique de la ville” has proved its ineffectiveness
and its powerlessness since its inception 40 years ago.
Mots clés analytiques : If the participation of the inhabitants is well known as benefic and
essential for the projects in deprived neighbourhoods,in most cases, only
Participation devices of information, plebiscite or dialogue were implemented. Several
Politique de la ville international examples, like the concept of empowerment, the method
Renouvellement urbain of community organizing, or the participative budgets show interesting
Renovation urbaine opportunities of evolution for the local involvement in France.
Démocratie participative The example of Strasburg is intersesting because since 2008, emphasis was
Quartiers placed on participative democracy and on the inhabitants’ participation, in
Empowerment particular through the National Urban Renewal Programme (PNRU). In this
context, the participative strategy implemented in the neighbourhoods
Contrat de ville
of Hautepierre and Cronenbourg from Strasburg, for the elaboration of
the “Contrat de ville” and the New National Urban Renewal Programme
Mots clés géographiques : (NPNRU), between april and july 2015, allowed to learn different elements
from these practices, espacially in a few months with the implementation
Ville de Strasbourg
of the “Contrats de ville”, with a claimed objectif of co-elaboration of the
Eurométropole de Strasbourg projects.
Hautepierre Thus, several preconisations can be done, about the french governance
Cronenbourg of the “Politique de la ville” and about the possibilities to empower the
inhabitants, in order to give their right place in the projects’ processes
2014 - 2015 and to recognize the statute of experts in these neighbourhoods.
1

Remerciements

Mes premières pensées vont vers Etienne Jost, mon directeur sur le quartier de Hautepierre, avec
qui j’avais déjà eu la chance de travailler deux ans auparavant sur le projet de rénovation urbaine du
quartier de la Meinau-Canardière, et que j’ai retrouvé dans le cadre de ce stage sur Hautepierre. Je
tiens à le remercier pour son soutien, sa gentillesse, son investissement, son ouverture et sa conscience
professionnelle, et pour m’avoir guidé tout au long de ces expériences au sein de la collectivité. Il constitue
pour moi un modèle en tant que professionnel, mais plus généralement en tant que personne.
Je tiens ensuite à faire part de ma gratitude à François Husson, mon maître de stage et directeur
sur le quartier de Cronenbourg, pour son suivi, son soutien, et tous ses conseils qui m’ont permis d’avancer
et de me familiariser rapidement avec les quartiers ouest et leurs problématiques. De même, je remercie
toutes mes collègues de la Direction du Projet de Rénovation Urbaine de Hautepierre-Cronenbourg, Halima
Hamoussa, Angélique Paulus et Violaine Riehl-Huth, pour leur appui, leur bienveillance, et pour la bonne
humeur ambiante qui règne au sein de nos locaux et bureaux.

J’en profite également pour remercier une personne que l’Institut d’Urbanisme de Grenoble
n’est pas prêt d’oublier, à savoir Emmanuel Matteudi, responsable du master UHCI, et qui a également
accepté d’être mon tuteur universitaire dans le cadre de ce stage. Il me semble important de saluer
son investissement pour le Master et pour les étudiants, de même que sa capacité d’écoute, sa volonté
perpétuelle de faire évoluer ce cursus et ses qualités humaines. L’expérience de l’atelier international
d’urbanisme dans la ville de Sfax est quelque chose qui a marqué énormément d’étudiants de la promotion,
et qui nous a à tous énormément apporté. Un grand merci à cet enseignant-chercheur, expert, consultant,
à qui je souhaite le meilleur pour la suite de sa carrière, et qui aura marqué mon cursus universitaire.
Je remercie également Monsieur Jean-Michel Roux pour avoir accepté de faire partie de mon jury de
soutenance dans le cadre du présent travail.

Je tiens ensuite à remercier l’ensemble de mes collègues, de la Direction de l’Urbanisme, de


l’Aménagement et de l’Habitat (DUAH), avec qui j’ai été amené à travailler pendant la durée de ce stage,
et qui m’ont été d’une grande aide, tant pour mes missions que pour la réalisation de mon mémoire. Je
pense tout particulièrement à Bénédicte Chevalier, Elise Dietrich, Evelyne Jenny, Nassera Machtoune, Julie
Wicky, Benjamin Soulet et André Untersinger, avec lesquels j’ai été à de multiples reprises en contact.
Je pense également aux collègues des autres services, telles que la Direction de la Démocratie
Locale et de le Proximité (DDLP) et de la mission Contrat de ville, avec entre autres Annie Broglio, Anne-
Flore Migeon,, Céline Tergau, Marianne Panel, Annie Schmitter, Christian Cugney, Franck Cimbaro, et les
remercie pour le travail et les actions que nous avons pu accomplir de manière transversale entre les
services.

Je remercie également Sylvie Jaecklé, qui a anciennement travaillé au sein de la collectivité sur le
suivi transversal des PRU à l’époque de leur élaboration, pour le temps qu’elle a pu m’accorder et pour la
richesse des informations et des éléments qui m’ont été présentés.
Je suis également reconnaissant envers tous mes proches, ma petite amie Federica, mes amis de
longue date Kioumars, Jules, Farzam, Frédéric, Quentin, et ma famille pour leur soutien et leur appui au
cours de ces semaines intenses de rédaction, avec une mention particulière pour François Perrin, mon
colocataire, diplômé de Géographie et des Sciences de l’environnement, pour tout son travail de relecture
sur mon PFE et pour ses bons petits plats, de même que pour Andrea Anjollini, avec qui la notion de
“charrette” revêt un sens bien plus doux et agréable.

Je tiens aussi à remercier l’ensemble des acteurs locaux engagés et des habitants de Hautepierre
et Cronenbourg avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger tout au long de ce stage, et qui m’ont énormément
appris sur ces quartiers, leurs fonctionnement et leurs dynamiques. Merci pour ces riches moments
d’échanges et de partage.

Une pensée enfin envers l’ensemble de mes camarades de promotion UHCI 2014-2015, avec lesquels
j’ai passé de superbes moments au cours du premier semestre.

2
3

Table des matières

Remerciements 1

Avant-propos 7

Introduction 8

I. Politique de la ville et renouvellement urbain : genèse et historique 9


A. La naissance des grands ensembles : contexte et ambitions d’une révolution dans la production
des formes urbaines 9
1. Le contexte d’après-guerre, entre destructions et baby-boom 9
L’impératif de reconstruction 9
Des essors démographique, économique et migratoire 10

2. Présentation et essai de définition des grands ensembles 10


Une définition et une caractérisation marquées par un certain flou 10
L’habitat de masse et la création des ZUP 11

3. Les grands ensembles, solution à la crise du logement ? 12


Une crise quantitative et qualitative du logement 12
Des progrès impressionnants dans la production 12

4. Le grand ensemble, antidote des maux urbains de la ville ancienne ? 13


Une solution consensuelle 13
Premiers témoignages, premières controverses ? 14

B. Les années 1970, décennie charnière pour les grands ensembles 14


1. La critique de la sociologie urbaine et les Chalandonnettes 14
L’apport de la sociologie urbaine 14
Albin Chalandon, pour une politique du logement revisitée 15

2. Olivier Guichard, ou l’arrêt de mort des grands ensembles 16


Une politique dans la continuité de son prédécesseur 16
Vers une production de logements à taille plus humaine 16

3. Un contexte socio-économique singulier 16


Choc pétrolier et crise économique 17
La mise en place du regroupement familial 17

C. De Valéry Giscard d’Estaing à François Hollande, près de 40 ans de politique(s) de la ville


18
1. VGE et les HVS, ou les prémices de la politique de la ville 18
Un premier dispositif : les opérations Habitat et Vie Sociale (HVS) 18
Un premier bilan mitigé 19
2. Les années Mitterrand, ou la longue expérimentation de la politique de la ville 19
Quelle(s) réponse(s) à “l’été chaud des Minguettes” ? 19
Une multiplication des expérimentations 20
L’institutionnalisation de la politique de la ville 20

3. Jacques Chirac, de la fracture sociale aux émeutes de 2005 21


Pacte de relance pour la ville et mesures contre l’insécurité 21
La préparation des contrats de ville 2000 - 2006 et le renforcement de leur caractère partenarial 22
Loi SRU et accroissement du budget politique de la ville 23
Le tournant de la rénovaiton urbaine 23
Les émeutes de 2005 et les réajustements opérés 24
Un nouveau cadre contractuel pour la politique de la ville : les CUCS 24

4. De Sarkozy à Hollande et du PNRU au NPNRU 25


Le quinquennat Sarkozy, entre dynamique espoir banlieues et plan de relance 25
François Hollande, le Contrat de la ville et la réforme de la géographie prioritaire 25
Rénovation urbaine et renouvellement urbain, des synonymes ? 26

II. Les processus participatifs : quelle place et quelle évolution dans le cadre de la politique

de la ville en France et à l’international ? 28


A. Essai de définition de la notion de participation citoyenne dans la politique de la ville en

France 28
1. Fondements, enjeux et modèles de la participation citoyenne dans la politique de
la ville 28
Quels fondements pour la participation citoyenne ? 28
De multiples enjeux 29
Des modèles participatifs contrastés 30

2. Les approches de la participation, ses niveaux et ses dispositifs 31


Quelles approches de la participation ? 31
Les niveaux et les dispositifs de la participation 33

3. Les jalons réglementaires et législatifs de la participation 35


Les années 1970 - 1980, où les prémices de l’institutionnalisation de la participation des habitants 35
Les années 1990 et 2000, une montée en puissance de la participation ? 36

B. Les enseignements des expériences à l’international 37

1. Un concept et une méthode en vogue : empowerment et community organizing 38


Naissance et présentation du concept d’empowerment 38
Saul Alinsky et Barack Obama, deux grands noms du community organizing 39

2. Des exemples de développement du “pouvoir d’agir” des habitants 41


Le programme “Ville sociale” en Allemagne 41
Citizens UK et London Citizens, l’exemple britannique 41

3. Un autre dispositif : les budgets participatifs 43

4
5

C. Retours d’expérience au lendemain du PNRU et à la veille du NPNRU 44

1. La participation dans le cadre du PNRU 44


Des exemples remarquables de participation et de mobilisation habitantes 44
Les obstacles à la participation des habitants 45

2. La participation dans le cadre du NPNRU 47


Le rapport Bacqué-Mechcmache 47
La coformation par le croisement des savoirs et des pratiques 48

III. Le cas strasbourgeois : de l’ensemble des Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville


aux exemples des quartiers de Hautepierre et de Cronenbourg 49
A. Participation dans le cadre de l’élaboration des PRU de l’agglomération strasbourgeoise 49

1. Les ZUS et les PRU de l’agglomération strasbourgeoise 49


Les ZUS de la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) 49
Les PRU de la CUS 50

2. Présentation des PRU 52


Le PRU du Neuhof 52
Le PRU de la Meinau-Canardière 54
Le PRU de Hautepierre 55
Le PRU de Cronenbourg 57
Le PRU des Hirondelles à Lingolsheim 58

3. Quelle place pour les habitants dans le cadre des projets ? 60


Lingolsheim, un exemple à part 60
Les PRU du Neuhof et de la Meinau, des exemples à suivre ? 61
Hautepierre et Cronenbourg, quelles leçons à tirer ? 62
Les différents types d’outils et de dispositifs 64

B. L’association des habitants de l’Eurométropole dans le cadre du Contrat de ville et du

NPNRU : 66

1. Présentation du Contrat de ville de l’Eurométropole et du NPNRU 66


Le Contrat de ville de l’Eurométropole 66
Le NPNRU et son intégration au Contrat de ville 67
Les réorganisations induites au sein de la collectivité 68

2. La participation des habitants dans le cadre de l’élaboration des conventions


d’application territoriale du Contrat de ville et du du protocole de préfiguration pour le
NPNRU 69
Contextualisation de la mission 69
Organisation et méthodologie 71
Mise en oeuvre de la stratégie de participation 72
L’ATP Politique de la ville 75
Les balades urbaines 75
Les concertations in situ 77
Le forum Contrat de ville et rénovation urbaine 79
C. Bilan et préconisations 83

1. Quelles leçons tirer de cette démarche participative ? 83


Une réussite en demi-teinte 83
Conseils citoyens, maisons de projet, des notions encore floues ? 84

2. Analyse des résultats 85


La contrainte temps : un obstacle de taille 85
La question de la communication 86
La multiplication des démarches et des discours 87

3. Préconisations 87
Une nécessaire reconfiguration des modes de gouvernance de la politique de la ville 87
La question des moyens donnés à la participation, un enjeu crucial 88
Donner l’opportunité aux habitants de développer leur pouvoir d’agir 89

Conclusion 91

bibliographie 94

Ouvrages 94

Articles 94

Rapports, notes, dossiers 95

Mémoires et thèses universitaires 96

Sites internet 96

Documents audiovisuels 97

Documents produits par la collectivité 97

6
7

Avant-propos

Ce projet de fin d’études (PFE) s’inscrit dans le cadre du Master Urbanisme, Habitat et Coopération
Internationale (UHCI), dispensé au sein de l’Institut d’Urbanisme de Grenoble (IUG), rattaché à l’Université
Pierre Mendès-France (UPMF).
Il fait suite à la réalisation d’un stage à la Direction du Projet de Rénovation Urbaine de Hautepierre-
Cronenbourg, au sein de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg.
Ce travail vise, dans le cadre de la mission réalisée, à dresser un état des lieux de la participation des
habitants dans le cadre de la politique de la ville et des projets de renouvellement urbain, tout en essayant
de fournir des préconisations, sur la base d’un travail de benchmarking, réalisé sur le territoire français
comme à l’international, et sur la base de l’expérience passée au sein de la collectivité. Il s’alimente en
grande partie de travaux de chercheurs, de divers rapports et publications, mais également de documents
produits en interne au sein de la collectivité.
Ce PFE n’a bien entendu pas la prétention de révolutionner la participation des habitants aux
projets dans les quartiers, mais il tâche d’apporter sa petite pierre à l’édifice, avec l’ambition de pouvoir
être utile à la collectivité dans la conduite de ses démarches participatives ultérieures.
Introduction

La politique de la ville fêtera d’ici quelques temps un triste anniversaire, celui de ses 40 ans. Triste,
car cette politique publique, qui se voulait temporaire, n’est jamais totalement parvenue à répondre
de manière efficace et transversale, à ce qu’on a pu appeler «le problème des banlieues», touchant les
questions urbaines, mais également sociales, économiques et d’intégration.
Parallèlement, la société française fait face depuis maintenant plusieurs années à une crise de son système
démocratique, marquée par une abstention toujours plus forte aux rendez-vous électoraux, de même
que par un déficit de confiance des citoyens envers les institutions et les hommes politiques, sur fond de
montée des extrémismes et de fragilisation de l’idéal républicain. Et dans les quartiers, parfois qualifiés
de populaires, de défavorisés, de senisbles ou encore d’habitat social, cette crise de la démocratie
représentative, doublée d’un sentiment toujours plus fort de relégation, d’abandon, et de traitement
différencié par rapport aux quartiers « normaux », semble d’autant plus prégnante, (re)plaçant sur
le devant de la scène les thématiques de la participation citoyenne et de la modernisation de l’action
publique.

Dans ce cadre, on peut se demander en quoi l’évolution des processus participatifs dans le cadre
de la politique de la ville et des projets de renouvellement urbain reflète-t-elle une reconfiguration des
relations entre habitants et pouvoirs publics ainsi qu’une plus grande prise en compte de leur parole et
de leur expertise ? A partir de cette problématique générale, plusieurs sous-questions se posent : qu’est-
ce que la notion de participation recouvre pour le politique, et pour quelles raisons est-il important,
voire primordial, de prendre en compte l’expertise et la parole des habitants ? Qu’entend-on par une
reconfiguration des relations entre habitants et pouvoirs publics, et suivant quels objectifs, quels moyens,
et pour quels effets ? De même, la participation des habitants permet-elle de garantir des projets plus
adaptés ainsi qu’un meilleur impact sur la qualité de vie des quartiers ? Et si oui, de quelle manière, par
quels processus, et avec quels résultats ?

Pour tâcher de répondre à l’ensemble de ces questions, il conviendra dans un premier temps de
revenir sur la naissance de la politique de la ville et des opérations de renouvellement urbain, permettant de
comprendre l’évolution des quartiers populaires, de même que l’ensemble des problématiques auxquelles
cette politique tente de répondre depuis plusieurs décennies. Ensuite, nous nous intéresserons plus
précisément aux processus participatifs, en vue de définir ce qu’on entend par la notion de participation,
en analysant des expériences significatives à l’international, puis en se focalisant sur la période
contemporaine, marquée par le passage du Programme National de Rénovation Urbaine à la nouvelle
génération des Contrats de ville. Enfin, et en nous alimentant de ces différents apports théoriques, il
s’agira d’étudier la participation des habitants dans les quartiers ciblés par la politique de la ville au sein
du territoire de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg.

8
9

I. Politique de la ville et renouvellement urbain : genèse et historique

Il n’est pas aisé de définir précisément et de façon unanime ce qu’est la politique de la ville. La
documentation française, en s’inspirant de la Cour des comptes dans un rapport sur la politique de la
ville datant de 2002, en rappelle ses principales caractéristiques : “Depuis une vingtaine d’années, l’Etat
a engagé des actions visant à lutter contre la dégradation de quartiers situés en général à la périphérie
des grandes villes et contre l’exclusion des populations qui y habitent. Regroupées à l’origine sous le nom
«d’actions pour le Développement Social des Quartiers (DSQ)», ces opérations constituent, depuis la fin des
années 80, les composantes de la «politique de la ville [...] La politique de la ville peut être considérée
comme une politique de lutte contre l’exclusion, conduite dans un cadre territorial, en faveur de zones
urbaines où la précarité sociale est forte, menée par l’Etat en partenariat contractuel avec les collectivités
locales”1.
Le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports en propose également une définition générale :
“La politique de la ville désigne la politique mise en place par les pouvoirs publics afin de revaloriser les
zones urbaines en difficulté et de réduire les inégalités entre les territoires”2.
Ainsi, la politique de la ville ne s’applique pas au sein de toutes les villes, de la même manière
qu’elle ne s’applique à la ville dans son ensemble, mais bien à des secteurs identifiés.
Cette expression est donc marquée à la fois par une certaine ambiguïté, mais également par une multiplicité
de définitions et d’interprétations, révélant d’importantes questions, tant sur son contenu que sur ses
objectifs ou ses finalités.

Mais revenons dans un premier temps sur les diverses mutations qui ont conduit à la naissance de
la politique de la ville. Ces dernières sont étroitement liées à un concept, celui des grands ensembles.

A. La naissance des grands ensembles : contexte et ambitions d’une révolution dans


la production des formes urbaines

1. Le contexte d’après-guerre, entre destructions et baby-boom

L’impératif de reconstruction

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la France, comme beaucoup de ses voisins européens,
a dressé le bilan de ce sombre épisode de l’histoire. Ainsi, les pertes humaines s’élèvent à 530 000 personnes
(220 000 militaires et 310 000 civils)3, et l’impact psychologique a été d’une ampleur sans précédent. Le

1
La politique de la ville : rapport au président de la République suivi des réponses des administrations et des organismes inté-
ressés. Rapport de la Cour des comptes. Février 2002
2
Ville.gouv.fr : Qu’est-ce que la politique de la ville ? http://www.ville.gouv.fr/?l-essentiel-de-la-politique-de-la
3
http://www.memorial-caen.fr/musee/histoire-seconde-guerre-mondiale-fin-seconde-guerre-mondiale
bilan matériel impressionne également par son importance : 74 départements sur 90 ont été touchés par
des dommages importants, si bien qu’en 1945, près d’un million de ménages français se retrouvent sans
logement suite aux destructions causées par le conflit. On compte ainsi 2 100 000 bâtiments endommagés,
dont 462 000 entièrement détruits4.

Des essors démographique, économique et migratoire

De plus, à la même période, le pays se retrouve à devoir gérer une forte dynamique démographique.
Le baby boom, un ”phénomène qui désigne l’augmentation de la natalité après 1945 et a duré jusqu’au
milieu des années 70”5 débute en effet dès 1945 en France. L’INSEE indique que pendant cette période,
l’indicateur conjoncturel de fécondité a été compris entre 2,6 et 3 enfants par femme, ce qui a fait du
pays l’un des plus “féconds” d’Europe occidentale d’après-guerre.
Mais l’essor du pays au sortir de la guerre n’est pas que démographique, et se traduit également
dans le domaine économique, avec ce qu’on appelle “les trente glorieuses”, une expression de l’économiste
Jean Fourastié (1979), qui désigne la “période historique comprise entre 1946 et 1975 pendant laquelle la
France et la plupart des économies occidentales connurent une croissance exceptionnelle et régulière et
à l’issue de laquelle elles sont entrées dans l’ère de la société de consommation”6.
Ainsi, les destructions occasionnées par la guerre, conjuguées à la forte natalité du pays ainsi
qu’au développement rapide et important de l’économie, ont eu pour principale conséquence de relancer
le processus d’immigration sur le sol français, en raison des importants besoins en main d’oeuvre que
représentaient le chantier de la reconstruction et les Trente Glorieuses. Et de la même manière que les
baby boomers, la puissance publique se devait également de loger cette vague de travailleurs étrangers
nouvellement arrivée sur le territoire. Il fallait donc construire très rapidement, et pour le plus grand
nombre.

2. Présentation et essai de définition des grands ensembles

Une définition et une caractérisation marquées par un certain flou

C’est donc en réponse à l’impératif de création de logements d’après-guerre que les pouvoirs
politiques ont entamé la création de nouveaux quartiers d’habitation, très souvent en périphérie des
villes, et que l’on a nommé les grands ensembles, terme l’emportant sur d’autres dénominations utilisées
pendant un temps telles que les grandes opérations, les villes nouvelles, les unités de voisinage, les
nouveaux ensembles d’habitation, les nouveaux ensembles urbains, les cités neuves, les grands blocs
ou les cités7. Le géographe Yves Lacoste et le sociologue René Kaës ont tenté de délimiter ce terme.

4
Wikipédia. Bilan de la seconde guerre mondiale, https://fr.wikipedia.org/wiki/Bilan_de_la_Seconde_Guerre_mondiale#France
5
https://www.ined.fr/fr/lexique/baby-boom/
6
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Trente_Glorieuses/185974
7
Christine Mengin, La solution des grands ensembles. In : Vingtième siècle. Revue d’histoire. N°64, octobre-décembre 1999. pp.
105-111

10
11

Yves Lacoste définit le grand ensemble comme “une unité d’habitat relativement autonome formée de
bâtiments collectifs, édifiés en un assez bref laps de temps, en fonction d’un plan global qui comprend
plus de 1000 logements”, avec une organisation qui “repose sur la présence d’équipements collectifs
(écoles, commerces, centre socioculturels)”8. Le sociologue a repris cette délimitation en y ajoutant deux
éléments. Cet “habitat collectif entièrement nouveau répond à une situation économique, technique et
démographique nouvelle” tout en bouleversant de manière radicale la vie quotidienne9.
Dans les formes urbaines, les grands ensembles sont à distinguer des cités ouvrières du 19ème
siècle ou des cités-jardins de l’entre-deux guerres. Sur un plan architectural, ils répondent davantage au
courant des architectes modernes et fonctionnalistes (avec Le Corbusier et la charte d’Athènes de 1933 en
tête) prônant la tabula rasa pendant l’entre deux guerres, à savoir la remise à plat complète de la façon de
“faire la ville”, de l’organiser et de la pratiquer. On pourra néanmoins affirmer que les grands ensembles
sont le résultat de différents courants, associant les cités ouvrières ou les cités-jardins (qui constituent les
prémices du logement social) mais également l’hygiénisme, le modernisme et le fonctionnalisme.
Et si Yves Lacoste et René Kaës ont tenté de délimiter cette notion de grand ensemble, on la voit
apparaître pour la première fois en 1935, sous la plume de Maurice Rotival (architecte ayant utilisé le terme
“grand ensemble” pour la première fois en juin 1935), dans un article traitant des groupes d’habitations
bon marché (HBM, les ancêtres des HLM), dont la cité de la Muette, à Drancy. Ainsi, les avis divergent
également quant à la désignation du “premier grand ensemble français”. Pour certains, il s’agit de la cité
de la Muette à Drancy, édifiée au début des années 1930, et pour d’autres, il s’agit de la cité Rotterdam
strasbourgeoise, construite en 1954 à la suite d’un concours national d’architecture. Si la cité de la Muette
répond aux caractéristiques de classification des grands ensembles, la cité Rotterdam, édifiée près de 20
ans après son homologue, est davantage inscrite dans ce processus de planification d’après-guerre mené
par l’État, avec notamment le plan Courant de 1953. Le débat reste donc ouvert...
Contrairement à certaines idées reçues, cette forme urbaine ne relève pas obligatoirement de l’habitat
social, puisque des grands ensembles composés de copropriétés ont été conçus et réalisés, sans aide ni
participation de l’État. Mais dans les faits et dans les représentations, cette forme urbaine est clairement
associée au logement social. Il semble important de noter que le grand ensemble ne possède pas de définition
juridique et qu’il n’a jamais été inscrit dans un catégorie précise du ministère de la Construction10.

L’habitat de masse et la création des ZUP

Il est essentiel de mentionner également qu’au delà de l’impératif de reconstruction d’après-


guerre, on voit se créer en 1952 un secteur industrialisé propre à la production de grands ensembles, et
qui ouvre en France l’ère de l’habitat de masse. Ainsi, dès 1953, le plan Courant (le successeur d’Eugène
Claudius-Petit au ministère de la Construction) délimite un objectif de production de 240 000 logements
par an sur le territoire. Cet objectif sera d’ailleurs atteint en 1956, pendant que parallèlement, en 1954,
le gouvernement français met en place un dispositif qui voit doubler les prêts accordés par l’État pour
la construction de logements sociaux, avec l’ambition d’une production de 350 000 unités annuelles. De

8
Yves Lacoste, Un problème complexe et débattu : Les grands ensembles, Bulletin de l’association des géographes français,
318-319 novembre-décembre 1963, p.37-46
9
René Kaës, 1963, Vivre dans les grands ensembles, Paris, Editions ouvrières, pp 38-39
10
F. Dufaux, A. Fourcaut, 2004, Le monde des grands ensembles, Paris : Éditions Créaphis.
même, toujours en 1954, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), crée la Société Centrale Immobilière
(SCIC), une filiale immobilière, qui a permis le lancement de l’opération emblématique du grand ensemble
de Sarcelles, totalisant 13 000 logements. Et en 1957, une loi (la “Loi-cadre construction”) marque la
création des Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP), avec un objectif de correction des faiblesses ou des
insuffisances des grands ensembles, afin d’optimiser les investissements de la puissance publique, ces
derniers étant concentrés sur des opérations d’au moins 500 logements, et permettant des économies
d’échelle sur de multiples postes de dépenses (équipements publics, commerciaux, desserte...). De la
création des ZUP en 1958, à l’année 1969 qui marque les dernières mises en chantier de ces opérations,
on totalise 195 ZUP, représentant 803 000 logements, avec en moyenne 4000 logements par opération. On
notera néanmoins que pendant les années 1950, tous les grands ensembles n’ont pas été réalisés dans le
cadre de ce type de dispositif11.

3. Les grands ensembles, solution à la crise du logement ?

Christine Mengin, maître de conférence en histoire de l’architecture à l’université Paris 1 Panthéon


Sorbonne et conseillère scientifique à l’INHA, pose à juste titre différentes questions sur les grands
ensembles dans l’introduction d’un de ses articles, telles que “le grand ensemble est-il un produit de
l’urgence ou une solution mûrement réfléchie ? Quelle crise ambitionne-t-on de résoudre par cette formule
: la seule crise du logement, ou au delà, le problème de la croissance urbaine ?”12

Une crise quantitative et qualitative du logement

Si cette forme urbaine traduit le développement de l’industrialisation du bâti tout en répondant


à un objectif de densification et de concentration foncière, elle a également été un outil aux mains de la
puissance pour lutter contre la crise du logement en France. Car outre les aspects quantitatifs de cette
crise qui a perduré après 1945, relatifs au manque de logements (on estime par exemple la pénurie de
logements à 4 millions en 1954) , à la vétusté des anciens logements, ou à la faible surface allouée par
habitant, se posent aux autorités d’importants problèmes qualitatifs. Un recensement de 1954 permet
d’avoir une idée du constat dressé : 90 % des logements enquêtés ne possèdent ni douche ni baignoire, 73
% d’entre eux ne disposent pas de toilettes, et 42 % ne sont pas reliées à l’eau courante13.

Des progrès impressionnants dans la production

L’appel de l’abbé Pierre du 1er février 1954 marque une nouvelle phase pour les pouvoirs publics,
qui vont tenter de traiter la crise du logement selon ses deux volets, à savoir quantitatif et qualitatif. Les
améliorations qualitatives sont d’ailleurs à cet égard impressionnantes. Quand en 1955, on estimait à 3600

11
Christine Mengin, op. cit.
12
Christine Mengin, op. cit.
13
Christine Mengin, op. cit.

12
13

heures le temps nécessaire de travail pour la production d’un logement familial moyen, on passe à 1200
heures au début des années 1960 (soit 3 fois moins de temps en quelques années). Cette augmentation de
la productivité a bien sûr eu un prix, bien qu’elle permette de réaliser des économies, et s’est réalisée par
l’intermédiaire de la concentration des chantiers, de la standardisation des matériaux et des méthodes de
construction ou encore de la répétition des plans d’urbanisme. Mais lors du recensement de 1975, les efforts
des pouvoirs publics sont salués et se traduisent dans les chiffres, “la quasi-totalité des logements ont l’eau
courante, les trois-quarts l’eau chaude, 75 % des logements ont une installation sanitaire complète, W-C
intérieurs compris et moins de 5 % des logements sont désormais en état de surpeuplement accentué”14.

4. Le grand ensemble, antidote des maux urbains de la ville ancienne ?

Une solution consensuelle

Les chiffres du recensement de 1975 le montrent bien, le développement en France des grands
ensembles a permis une nette amélioration des conditions sanitaires et de confort dans l’habitat pour la
majorité des ménages, tout en permettant de lutter contre la crise du logement.
Le grand ensemble repose notamment sur l’idée du brassage social. Ainsi, “en rapprochant sur un
même lieu des catégories autrefois séparées (les populations pauvres, les classes populaires et les nouvelles
couches moyennes), il est censé fonctionner comme un ascenseur social et favoriser une “moyennisation”
de la société”15. Cela fait de la mixité sociale, bien que cela constitue un terme sujet au débat et à
la controverse dans les quartiers aujourd’hui qualifiés de “sensibles”, un des principes directeurs de
l’émergence des grands ensembles.
Mais le grand ensemble participe également à la politique d’aménagement du territoire français,
peu de temps après le pavé jeté dans la mare par Jean-François Gravier et son ouvrage Paris et le désert
français en 1947, et qui constituera le point de départ des réflexions et des actions visant à limiter
le “poids” de la capitale au profit d’une politique d’aménagement nationale davantage orientée vers
la province. A une période où on estime la création d’emplois industriels à près de 150 000 par an, la
construction de grands ensembles peut attirer les chefs d’entreprises soucieux de s’implanter à proximité
d’un important bassin de recrutement. Le général de Gaulle lui même déclarait en conférence de presse le
22 décembre 1958 que la politique de construction, d’urbanisme et d’aménagement du territoire occupait
le premier rang de ses préoccupations16. La création de la délégation à l’aménagement du territoire et à
l’action régionale (DATAR) en 1963 va d’ailleurs dans ce sens.
Ensuite, les grands ensembles semblaient répondre, tant pour les pouvoirs publics que pour les
français dans leur ensemble, à un rejet profond pour ce qu’on appelait la ville ancienne, et des autres
formes urbaines telles que les lotissements ou les cités-jardins. Il s’agissait donc de lutter contre les taudis
des centres anciens, de régénérer la France dans un objectif d’amélioration du cadre et des conditions de

14
Christine Mengin, op. cit.
15
Cyprien Avenel, La mixité dans la ville et dans les grands ensembles. Entre mythe social et instrument politique, Informations
sociales 2005/5 (n° 125), p. 62-71.
16
Christine Mengin, op. cit.
vie.
C’est donc bien une solution consensuelle qui fut adoptée avec le développement des grands
ensembles, marquée par des idéaux de vivre-ensemble, de modernisation de l’économie et des modes
de vie, tout en luttant contre la pénurie et l’inconfort des logements pré-existants, et en faisant l’objet
d’importants moyens financiers.

Premiers témoignages, premières controverses ?

Il est à ce titre intéressant de regarder un document audiovisuel disponible sur le site de l’INA,
intitulé 40 000 voisins17, tourné en 1960. Si les habitants et les journalistes s’accordent sur les avantages
et les avancées que constituent les grands ensembles, en termes de confort, d’hygiène et de conditions
de vie, déjà on peut ressentir les maux des grands ensembles, tels que les montants des loyers trop élevés
pour certains ménages, la faible isolation et la trop grande promiscuité, la mauvaise conception de certains
logements ou encore la question de l’accès aux transports depuis la “ville-dortoir”. L’interview d’une
femme habitant le quartier préfigure déjà les questions controversées de la mixité sociale dans l’habitat
de masse, lorsqu’elle affirme “ils ne font pas assez le tri dans les catégories sociales des habitants”. On
y apprend également qu’en 1960, la moyenne d’âge des habitants du grand ensemble de Sarcelles est de
12 ans. Ceci pose la question de l’encadrement et des activités des jeunes dès la naissance des grands
ensembles, qui constitueront pour certains d’entre eux la première génération à grandir et à évoluer dans
un tel cadre urbain. Quand un jeune sarcellois est interrogé sur l’importance de la maison des jeunes, il
répond au journaliste, sur le ton de l’humour : “S’il n’y avait pas la maison des jeunes, je pense que les
trois quarts d’entre nous finiraient en prison”.

B. Les années 1970, décennie charnière pour les grands ensembles

1. La critique de la sociologie urbaine et les Chalandonnettes

Si les grands ensembles apparaissaient comme une solution consensuelle au cours des années
1950 et 1960, les années 1970 marquent effectivement un tournant dans leur représentation et dans leur
promotion par la classe politique.

L’apport de la sociologie urbaine

Alors qu’on pouvait voir et entendre la classe politique faire la promotion des grands ensembles tout
au long des années 1960, plusieurs travaux de sociologie urbaine commençaient déjà à mettre en avant
les mutations radicales et les effets néfastes conduits par l’urbanisme fonctionnel et sa matérialisation
concrète dans l’espace, à savoir les ZUP et les grands ensembles. On attribue à ce titre les premiers travaux
menés au sociologue Paul Henry Chombart de Lauwe, qui dans son étude des mécanismes de ségrégation

17
http://www.ina.fr/video/CAF89007746

14
15

(Famille et habitation, 1960) interroge déjà la possibilité d’une vie sociale dans les grands ensembles. A
noter également que certains médias, à la même époque, commencent à produire certaines critiques de
cette forme urbaine et de ses conséquences sur la vie de ses habitants.
Henri Lefebvre, philosophe, géographe et sociologue, a par exemple porté cette critique de
l’urbanisme fonctionnel dans son ouvrage Le droit à la ville, paru en 1968, insistant sur l’émergence d’une
réalité nouvelle, celle de l’urbain, dans les périphéries des villes, étroitement liée à une mise en place
progressive de la planification urbaine et à l’avènement du pouvoir des technocrates. Pour lui, l’industrie
s’est peu à peu emparée de la ville, et cette dernière s’en retrouve réduite à un espace où la valeur
d’échange est privilégiée, et où l’habitat (dans le sens d’une pensée rationnelle des opérateurs de la
ville) l’emporte sur l’habité (les pratiques, le vécu et la dimension sociale des villes). Il y dénonçait déjà
l’absence de neutralité sociale et politique des espaces qui étaient créés, et émettait des craintes en
terme de ségrégation et d’évolutions sociales18. On notera qu’outre Henri Lefebvre, d’autres sociologues
de l’urbain, tels Manuel Castells ou encore Raymond Ledrut, ont pu mené des travaux de sociologie urbaine
rejoignant à plusieurs égards ceux d’Henry Lefebvre, notamment sur la dénonciation de cette conciliation
croissante entre urbanisme et industrialisation, dont on avait pu voir les prémices avec les cités ouvrières
et les cités-jardins et qui a atteint son avènement avec le développement des grands ensembles.

Albin Chalandon, pour une politique du logement revisitée

Néanmoins, les travaux de sociologie urbaine, souvent ancrés dans une pensée “de gauche”,
semblent bien étrangers au revirement politique sur la question des grands ensembles et de la politique
du logement réalisé par le président Georges Pompidou (en poste de 1969 à 1974) et son ministre de
l’Equipement et du Logement, Albin Chalandon (de 1969 à 1972). Si ce dernier est connu pour les grands
chantiers qu’il a lancés sur le territoire français en termes d’équipements autoroutiers, il l’est surtout pour
sa révision complète de la politique nationale du logement. Ainsi, son action s’inscrivait dans la substitution
des ZUP par les zones d’aménagement concerté (ZAC), dans le cadre de la loi d’orientation foncière en
décembre 1967, et destinées à faciliter la concertation entre pouvoirs publics et opérateurs privés dans le
cadre d’opérations de telles envergures. Le ministre lui-même parlait d’ailleurs de la nécessité de “libérer
l’urbanisme” pour favoriser la participation des investisseurs privés. Les grands ensembles ne sont alors
plus d’actualité, l’accent étant mis sur l’habitat individuel et sur sa promotion. Parmi les outils visant
à promouvoir l’habitat individuel, on peut parler de la dynamisation du plan d’épargne-logement, mais
également du Concours International de la Maison Individuelle (que l’on appelle le Concours Chalandon),
véritable vitrine de ce revirement dans la politique du logement. Ce concours, lancé en 1968, et destiné
à développer une offre d’habitat pavillonnaire pour des ménages à bas salaires, conduira à la construction
de 70 000 pavillons individuels, que l’on surnomme les “chalandonnettes”19.

18
Laurence Costes, Le Droit à la ville de Henri Lefebvre : quel héritage politique et scientifique ? Espaces et sociétés 2010/1
(n° 140-141), p. 177-191
19
Wikipédia. Albin Chalandon. https://fr.wikipedia.org/wiki/Albin_Chalandon
2. Olivier Guichard, ou l’arrêt de mort des grands ensembles

Une politique dans la continuité de son prédécesseur

Albin Chalandon et son fameux concours ont donc porté un premier coup aux grands ensembles
français. Mais le coup de grâce sera porté par son successeur au ministère de l’Aménagement du Territoire,
de l’Equipement et des Transports, Olivier Guichard (en poste de 1972 à 1974) avec la circulaire Guichard
de 1973. Le ministre, reprenant les premières critiques esquissées sur les grands ensemble dès les années
1960, est convaincu que cette forme urbaine a répondu aux exigences de l’après-guerre, mais qu’elle n’est
désormais plus adaptée aux aspirations et aux besoins des français, notamment du point de vue de leur
taille, qu’il juge démesurée. Sa circulaire a pour but de promouvoir une plus grande diversité architecturale
pour les logements sociaux. Il va même plus loin, en énonçant lors d’une allocution radiodiffusée suite à
la signature de sa circulaire, le terme de “ségrégation sociale”, comme une des conséquences des grands
ensembles.

Vers une production de logements à taille plus humaine

Cette circulaire de 1973 a donc pour ambition de fournir un apport “qualitatif” à la production
des logements, en imposant des critères quantitatifs, dans la lignée de la circulaire du 30 novembre 1971
“relative aux formes d’urbanisation adaptées aux villes moyennes”. Ainsi, concernant les villes moyennes,
les agglomérations de moins de 20 000 habitants doivent désormais maintenir une part de logements
individuels à hauteur de 50 % (30 % pour les agglomérations de moins de 50 000 habitants). De même, il
devient interdit avec la circulaire du 21 mars 1973 d’édifier plus de 500 logements d’un seul tenant, et les
ensembles d’habitat collectif social ne doivent plus dépasser le seuil des 2 000 logements. Parmi les autres
critères quantitatifs remarquables de cette circulaire, on peut mentionner le fait que dorénavant, les cités
HLM ne doivent pas dépasser le seuil des 4 000 logements (au sein des ZUP pré-existantes), ainsi que pour
les ZAC, le nombre de logements y est limité à 1 000 ou 2 000 en fonction de la population du territoire
environnant20.
Avec cette confirmation du rejet de l’urbanisme fonctionnel et des grands ensembles tels qu’ils étaient
conçus et pensés jusqu’alors, il s’agit donc de rechercher davantage de mixité fonctionnelle dans les
formes urbaines, de construire davantage à taille humaine, tout en créant des espaces qualité ainsi qu’un
environnement et un cadre de vie plaisants. Certaines critiques font néanmoins état que le caractère peu
contraignant de ces textes sur le plan juridique n’aura eu qu’un impact modeste.

3. Un contexte socio-économique singulier

Ces orientations politiques visant à promouvoir davantage la maison individuelle aux grands

20
Caroline Levron, La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d’application. Université Paris X-Nanterre - Science
sociale, sociologie-économie 2007

16
17

ensembles, et à corriger les maux identifiés sur ces dernier, ont eu notamment comme conséquence de
permettre à un grand nombre de ménages français (qui constituaient la classe moyenne) de bénéficier d’un
parcours résidentiel ascendant, dans lequel le passage par les grands ensembles ne constituait qu’une étape
avant l’accession à la propriété. Mais d’autres éléments déterminants sont à mentionner pour comprendre
l’évolution de ces formes urbaines et des habitants les occupant.

Choc pétrolier et crise économique

Mais parallèlement à cette dynamique, la France, et plus particulièrement son économie, doit faire
face en 1973 au premier choc pétrolier. Ce dernier aura pour conséquences de mettre fin à la période faste
de croissance des Trente glorieuses, ainsi que de changer les orientations énergétiques du pays (qui se
lance à cette époque dans la construction de centrales nucléaires), mais également une importante hausse
des prix de l’essence à la pompe, hausse qui se répercutera tout d’abord sur les dépenses quotidiennes
des ménages français (on pense tout particulièrement aux ménages les plus fragiles) mais également par
voie de conséquences sur l’accroissement du chômage, qui touche en priorité les jeunes, les populations
immigrées, les femmes et les personnes non diplômées.

La mise en place du regroupement familial

Dans ce contexte des années 1970, un autre élément primordial est à prendre en compte, il s’agit
du décret du 29 avril 1976, qui rend légal et institutionnalise le regroupement familial en France. Ce
décret s’inscrit dans un ensemble de mesures migratoires dans un contexte de crise économique et de
récession, telles que la fermeture des frontières, le maintien du nombre d’étrangers sur le territoire et
l’expulsion des clandestins. Ainsi, le regroupement familial vise à l’intégration des étrangers autorisés
à rester sur le territoire et dans la société française, dans des conditions semblables aux citoyens et
travailleurs français21.
Dans ce cadre, le logement social s’ouvre fortement aux populations immigrées, afin de leur
permettre d’occuper un logement correspond aux normes de vie urbaine des français. Peu à peu, c’est
l’ensemble du profil type des habitants des grands ensembles qui va se modifier. Ces secteurs constituant
une étape dans le parcours résidentiel des ménages de la classe moyenne française et une fixation pour
les ménages les plus fragiles ainsi que pour la plupart des familles étrangères. Sans que ces dynamiques ne
soient anticipées ni pensées, on assiste à des logiques de regroupement communautaires au sein des grands
ensembles et qui conduiront, quelques années plus tard, à l’ensemble des problèmes sociaux recensés et
décriés22.

En superposant le contexte socio-économique de l’époque aux différentes mesures prises par les
pouvoirs politiques, on comprend assez aisément la préfiguration de l’émergence de la politique de la ville,
et de tous les maux qu’elle tâche de “guérir” au sein des grands ensembles.

21 Annie Fourcaut, Les grands ensembles, symbole de la crise urbaine ?, Temps croisés I, pp. 197-209, Éditions de la Maison des
sciences de l’homme, Paris, 2010
22
Annie Fourcaut, op. cit.
C. De Valéry Giscard d’Estaing à François Hollande, près de 40 ans de politique(s)
de la ville

Retracer l’équivalent de quatre décennies de politique(s) de la ville n’est pas une mince
affaire. Le recensement des dispositifs, des réformes et des évolutions législatives et réglementaires
n’est bien entendu pas exhaustif, mais il a pour vocation de donner un aperçu de la multiplicité des
expérimentations, des revirements et des tentatives, malheureusement vaines dans la plupart des cas, des
différents gouvernements successifs pour régler les problématiques des quartiers populaires. Sauf mention
spécifique ou citation directe, l’ensemble des renseignements mentionnés dans cet historique provient de
deux documents distincts, à savoir une chronologie produite par la délégation interministérielle à la ville
(DIV)23, et un article de la “Revue française des affaires sociales”24.

1. VGE et les HVS, ou les prémices de la politique de la ville

Un premier dispositif : les opérations Habitat et Vie Sociale (HVS)

C’est sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing qu’on attribue la naissance de la politique de la
ville. Conscient des dysfonctionnements et des limites des grands ensembles, ainsi que de leur mutation,
tout particulièrement au cours de la décennie de 1970, le gouvernement souhaite réagir dans 50 secteurs
jugés prioritaires. La circulaire du 3 mars 1977, émise par le secrétaire d’État au logement, Jacques
Barrot, crée ainsi ce que certains définissent comme les “ancêtres de la politique de la ville”25, à savoir
les opérations Habitat et Vie Sociale (HVS), de même qu’un groupe interministériel du même nom. Cette
circulaire précise ses intentions et ses domaines d’intervention de la manière suivante : “Dans cinquante
zones urbaines situées le plus souvent à la périphérie des grandes agglomérations et qui présentent des
signes de dégradation et de pauvreté sociale et culturelle, des opérations coordonnées d’amélioration du
logement et des services collectifs seront conduites avec l’aide de l’État. Ces opérations comprendront
des interventions dans de nombreux domaines et porteront à la fois sur le confort du logement, sur la
construction d’équipements et sur les moyens d’un meilleur fonctionnement des services publics ”. A la
lecture de ces éléments, on voit bien que dès 1977, la plupart des thèmes abordés sont toujours d’actualité
dans le domaine de la politique de la ville.
Les financements de ces opérations sont assurés grâce au Fonds d’Aménagement Urbain (FAU),
institué par l’arrêté du 24 août 1976 et ayant comme objectif l’aménagement des centres et des quartiers
urbains existants. Ce programme HVS présentait une triple particularité, en raison de son caractère global,
transversal, et citoyen (il prévoyait déjà la participation des habitants).

23
Les politiques de la ville depuis 1977 - Chronologie des dispositifs, Délégation interministérielle à la ville

24
Jérôme David, Politique de la ville : chronologie, Revue française des affaires sociales 2001 /3 (n°3), p.15-22

25
Jérôme David, op. cit.

18
19

Un premier bilan mitigé

Néanmoins, le bilan de ces opérations était déjà contrasté. Dans le rapport d’Hubert Dubedout de
1983 adressé au premier ministre, plusieurs des limites de la procédure habitat et vie sociales sont mises
en lumières. Nous pouvons, entre autres, parler du fait que les opérations ont été trop orientées vers la
réhabilitation des logements et sur leur confort interne au détriment de l’environnement de ces derniers.
De plus, les équipements d’accompagnement mais également la globalité de l’action revendiquée semblent
peu visibles dans les faits. En outre, la participation des habitants apparaît comme peu effective, de même
que l’action interministérielle animée par le ministère de l’Equipement26.

2. Les années Mitterrand, ou la longue expérimentation de la politique de la


ville

L’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en mai 1981 coïncide avec la première année de réel
“embrasement” au sein des grands ensembles. On pense tout particulièrement à ce qu’on a appelé “l’été
chaud des Minguettes”, quartier situé à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise. Ces premières émeutes
urbaines en France, largement médiatisées (des malaises, des tensions et des débordements d’une
moindre importance ont été recensés préalablement à ces événements, mais n’ont pas fait l’objet d’un tel
traitement médiatique), vont rendre encore plus forte la prise de conscience des français et des autorités
face à ce malaise et à cet abandon des banlieues et vont accélérer les expérimentations dans le champ de
la politique de la ville.

Quelle(s) réponse(s) à “l’été chaud des Minguettes” ?

En réaction à ces débordements, on voit se créer, dès octobre 1981, la Commission nationale
pour le développement social des quartiers (CNDSQ), présidée par Hubert Dubedout, reprenant les idées
du programme HVS, et les expérimentant sur 16 quartiers-test par l’intermédiaire des opérations DSQ
(Développement Social des Quartiers).
Ces événements et cette nécessité encore plus pressante d’intervenir sur ces quartiers sensibles
sont à mettre en parallèle avec une autre réforme emblématique menée au cours du premier septennat de
François Mitterrand, à savoir les lois de décentralisation. Cette dynamique de transfert de compétences de
l’état vers les collectivités locales fera de la politique définie par la CNDSQ la première “vraie” politique
de la ville, en ce sens qu’elle repose sur le partenariat entre l’état et les collectivités locales.
Toujours en 1981, la circulaire du 28 décembre crée les zones d’éducation prioritaires (ZEP), se
veut lutter contre les inégalités sociales en intervenant davantage dans le domaine de l’éducation. A leur
création, les ZEP seront au nombre de 170 (elles atteindront le nombre de 563 en 1997).
Par la suite, différentes mesures sont à mentionner, telles qu’en 1982, la mise en place des
premières missions locales, des premières OPE (opérations prévention été, suite à l’été 1981), de la
commission des maires de France sur la prévention de la délinquance, ou en 1983, avec la création de

26
Jérôme David, op. cit.
la mission “Banlieue 89” (116 réalisations financées dans le cadre d’un appel à projet national), pour
arriver en 1984 à la création d’un Comité interministériel des villes (CIV) ainsi qu’au remplacement du
FAU par le Fonds social urbain (FSU). Ces mutations dans les dispositifs sont étroitement liés aux lois de
décentralisation et à la redistribution des compétences vers les collectivités locales. Cette même année
1984, après l’expérimentation sur les 16 quartiers-test, 148 conventions DSQ seront signées dans le cadre
des contrats de plan État-Région.

Une multiplication des expérimentations

A partir de 1985, on note la création et la mise en place des contrats d’action de prévention pour
la sécurité dans la ville (CAPS, 1985) du “programme d’expérimentation du dispositif régie de quartier” en
1986, mais surtout le lancement en 1988 du premier programme de la CDC visant les quartiers difficiles,
le “Programme développement solidarité” cette même année ainsi que la création du Conseil national des
villes (CNV, une instance de proposition), du Comité interministériel des villes (instance de décision) ainsi
que de la Délégation interministérielle à la ville (DIV, instance d’animation et d’exécution). Toujours en
1988, on remplace les opérations DSQ par l’appellation développement social urbain (DSU), qui marque
un changement d’approche dans la politique de la ville : “il ne s’agit plus de traiter le quartier sur lui-
même, mais dans son rapport à la ville, sinon à l’agglomération”27. L’année 1988 verra enfin également
l’apparition du revenu minimum d’insertion (RMI).
En 1989, on voit l’inscription de 296 conventions de DSQ au sein du Xème plan pour la période 1989-
1993 (contre 148 pour la période 1984-1988). La même année, la circulaire Rocard (Premier ministre de
l’époque), énonce deux principes quant aux orientations de la politique de la ville. Celle-ci sera menée
selon une pluralité des échelles géographiques (quartier, commune, agglomération), mais également
de domaines d’intervention (social, éducation, culture, économie, sports...) et 13 contrats de ville
expérimentaux seront signés dans ce cadre.

L’institutionnalisation de la politique de la ville

La période allant de 1990 à 1993 se caractérise par le “développement institutionnel”28 de la


politique de la ville. L’année 1990 sera tout d’abord marquée par la création du label “Banlieues 89” qui
permettra à 91 projets de voir le jour dans les quartiers, puis par loi du 31 mai ayant pour objectif la mise
en oeuvre du droit au logement (loi Besson), mais surtout par la nomination, le 21 décembre, d’un ministre
d’État chargé de la politique de la ville (le premier titulaire de ce poste sera Michel Delebarre). On notera
qu’en octobre 1990, de nouvelles émeutes urbaines remarquables auront lieu dans la cité dortoir de Vaulx
en Velin, dans la banlieue de Lyon, ravivant encore une fois les tensions entre habitants (spécifiquement
les jeunes) et les autorités.
1991 constitue également une année riche pour la politique de la ville sous François Mitterrand.
Dès janvier, treize sous-préfets chargés de mission “politique de la ville” sont nommés sur le territoire
(on en comptera trente et un en 2001) et plusieurs rapports seront édités sur différents champs de la

27
Jérôme David, op. cit.
28
Jérôme David, op. cit.

20
21

politique de la ville (service public, entreprises, mouvements collectifs, violence...). En mars 1991 est
créé le Comité d’évaluation de la politique de la ville, qui commandera à son tour différents rapports. La
loi sur la solidarité financière du 13 mai 1991 est également importante à mentionner, car elle instaure
une dotation de solidarité urbaine (DSU), permettant le financement des communes les plus défavorisées
par les communes les plus favorisées, de même que la loi d’orientation pour la ville (LOV), du 13 juillet
1991, visant à atténuer les phénomènes de ségrégation et à favoriser la cohésion sociale en intervenant sur
les conditions de vie et d’habitat dans les secteurs en difficulté. Enfin, juillet 1991 marque la désignation
par le CIV des quatre premiers grands projets urbains (GPU), visant à retrouver un nouvel élan dans les
quartiers ciblés, dans les domaines du social, du culturel, mais aussi de l’économique et de l’urbain et ce
grâce à un effort exceptionnel de l’État (on dénombrera au total 15 GPU).
Si plusieurs programmes ou conventions d’une importance moindre seront lancés en 1992, l’année
1993 débutera en janvier par la circulaire relative aux plans locaux d’insertion par l’emploi (PLIE), et
continuera en février par une première sélection des sites pour les contrats de ville. De même, en juillet
de cette même année, 5 milliards de francs seront investis pour les quartiers de la politique de la ville
dans le cadre du plan de relance pour la ville (plan porté par Simone Veil, alors ministre d’État chargé des
Affaires sociales, de la Santé et de la Ville dans le gouvernement Balladur).
Les deux dernières années du second mandat de François Mitterrand seront marquées, entre autres,
par des essais de simplification des dispositifs de la politique, tout en étoffant ses moyens. En juin 1994, 214
contrats de ville auront été signés pour la période 1994-2000, et la loi d’orientation pour l’aménagement
et le développement du territoire instituera les zones de redynamisation urbaine (ZRU), en même temps
que les zones de redynamisation rurale (ZRR), accompagnées d’exonérations fiscales (on note que cette loi
sera modifiée en 1996).
Ainsi, si on doit la “naissance” de la politique de la ville à François Mitterrand, on remarque que ses
14 ans passés à la tête de l’État, et l’étendue des dispositifs sensés rétablir l’égalité entre les territoires et
la cohésion sociale dans les quartiers sensibles n’ont malheureusement pas permis de régler les multiples
maux des grands ensembles et le malaise croissant d’une société française de plus en plus contrastée et
sous tensions.

3. Jacques Chirac, de la fracture sociale aux émeutes de 2005

Dès l’arrivée de Jacques Chirac au pouvoir, en mai 1995, ce dernier doit immédiatement faire face à
de multiples situations de crises dans les banlieues françaises, avec des émeutes qui éclatent notamment
au Havre, à Noisy-le-grand, à Nanterre ou encore à Laval, le plus souvent à la suite d’affrontements ou de
courses-poursuites entre jeunes des cités et policiers, conduisant au décès de plusieurs jeunes. Et si l’on
se souvient bien de son expression utilisée dans son discours fondateur pour la campagne présidentielle,
en février 1995, dénonçant la “fracture sociale”, Jacques Chirac va tâcher au cours d’un septennat et d’un
quinquennat, de “guérir” cette fracture.

Pacte de relance pour la ville et mesures contre l’insécurité


Dès janvier 1996, le premier ministre Alain Juppé annonce un Pacte de relance pour la ville (PRV),
mettant désormais l’accent sur l’emploi et le développement économique. C’est en mai de la même année
que seront créés les “emplois ville”, destinés aux jeunes (entre 18 et 25 ans) des quartiers en difficulté
et qu’on définit une nouvelle “géographie prioritaire” pour les banlieues. La loi du 14 novembre 1996
sur la mise en oeuvre du Pacte de relance pour la ville concrétise cette nouvelle géographie prioritaire
en instituant 750 zones urbaines sensibles (ZUS), se déclinant en zones de redynamisation urbaine (ZRU,
modification de la loi de février 1995) et en zones franches urbaines (ZFU). L’intérêt de ces zonages
réside dans le fait que ZFU et ZRU bénéficient d’exonérations fiscales et sociales visant à accroître leur
attractivité afin de maintenir et de développer l’activité économique dans ces secteurs.
En 1997, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur dans le gouvernement Jospin,
annonce lors d’un colloque consacré à l’insécurité la création d’une police de proximité visant à canaliser
et endiguer le développement des émeutes urbaines. Dans la lignée de ce discours, une circulaire viendra
quelques jours plus tard instaurer les contrats locaux de sécurité (CLS), renforçant à la fois la prévention
mais aussi la répression dans les quartiers sensibles, mais les émeutes et affrontements entre jeunes et
forces de l’ordre ne désempliront pas pour autant. La loi du 16 octobre institue enfin les “emplois jeunes”,
qui remplacent les “emplois ville” créés l’année précédente.

La préparation des contrats de ville 2000 - 2006 et le renforcement de leur caractère partenarial

L’année 1998 débute par l’organisation des Rencontres des acteurs de la ville dans différentes villes
de France, en vue de dresser un bilan de la politique de la ville sur les 15 dernières années. En juin, lors
des assises des ZEP, le CIV consacre la politique de la ville comme une des priorités du gouvernement, en
mettant notamment l’accent sur les notions de cohésion sociale, de pacte républicain, de projet collectif
et de construction d’un nouvel espace démocratique avec les habitants. En juillet, soit 3 mois après la
nomination de Claude Bartolone comme ministre délégué à la ville, la loi d’orientation relative à la lutte
contre les exclusions est votée, visant à garantir le droit à l’emploi, au logement, à la santé (droits considérés
comme des droits fondamentaux) ainsi qu’à prévenir les phénomènes d’exclusion par une meilleure action
commune. Septembre 1998 marque la publication de la liste des “15 sites pilotes pour la ville de demain”
en préfiguration des contrats de ville à venir pour la période 2000-2006, et dont la préparation débutera
de manière effective suite à la tenue d’un second CIV en décembre de la même année. La circulaire du
31 décembre 1998 relative aux contrats de ville viendra réaffirmer la nécessité du principe de partenariat
avec les conseils généraux et régionaux, tout en entérinant les nouvelles compétences des préfets définies
lors du premier CIV de 1998, qui auront notamment la mission du choix des sites appelés à bénéficier d’un
contrat de ville.
Ces nouveaux contrats de ville ont notamment la particularité de s’articuler avec deux textes
législatifs remarquables votés en 1999, à savoir la loi Voynet de juin 1999 sur l’aménagement durable
des territoires (qui affirme le principe que les contrats de ville pourront être intégrés aux contrats
d’agglomération signés entre l’État et les établissements publics de coopération inter-communale (EPCI),
de manière à ce qu’ils y déclinent le volet social), mais également la loi Chevènement de juillet 1999,
relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dotant les commuauités
d’agglomération de la compétence “politique de la ville”. On notera que cette même loi Chevènement

22
23

instaurera également la création de la couverture médicale universelle (CMU) dans le domaine de l’accès
à la santé.
Le premier contrat de ville sera signé pour la période 2000-2006 sera signé en octobre 1999 (au total
1300 sites sont concernés), et 50 grands projets de ville (GPV) ainsi que 30 opérations de renouvellement
urbain (ORU), des dispositifs s’intégrant aux contrats de ville, sont programmés et engagées suite au CIV
du 14 décembre 1999. Ce CIV voit également l’adoption de nouvelles mesures, telles que la création des
postes d’adultes-relais, des équipes emploi insertion ainsi que des délégués de proximité du Médiateur de
la République.

Loi SRU et accroissement du budget politique de la ville

L’année 2000 est principalement marquée par l’adoption de la loi solidarité et renouvellement
urbain (SRU), reprenant les principes de mixité et de cohésion sociale de la LOV votée en 1991, qui oblige
les communes des grandes agglomérations de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux, sous peine de
sanctions financières en cas de non-respect de la loi. De même, une nouvelle circulaire de décembre vient
créer un fonds de revitalisation économique (FRE), visant à ré-impulser le développement de l’activité
économique dans les quartiers.
Au niveau des budgets, il est essentiel de mentionner que de 1999 à 2000, le budget de la politique
de la ville augmente de 40 %, et il augmentera même de 70 % entre 2000 et 2001. Cette année 2001 sera
par ailleurs marquée par une réaffirmation de l’importance des CLS, par la loi relative à la lutte contre
les discriminations, et par la circulaire dite “Education-ville” concernant la mise en oeuvre de la veille
éducative, pour une meilleure construction de la personnalité et de l’insertion sociale d’un enfant ou d’un
jeune en difficulté.
2002 marque la réélection de Jacques Chirac, vainqueur au second tour face au candidat Front
National Jean-Marie Le Pen, élément révélateur d’un accroissement du malaise et des tensions au sein
de la société française. A la suite de cette réélection, Jean-Louis Borloo est nommé ministre délégué à la
ville et à la rénovation urbaine dans le gouvernement Raffarin fraîchement formé. On ressent également
cette même année 2002 l’accent mis sur la sécurité, avec le remplacement des conseils communaux de
prévention de la délinquance (CCPD) par les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance
(CLSPD), de même que la loi d’orientation et de programmation pour la justice (loi Perben) de septembre.

Le tournant de la rénovaiton urbaine

C’est en 2003 que la politique de la ville telle qu’on la connaissait jusqu’alors prend un nouveau
tournant considérable, avec en août, la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation
urbaine, dite “Loi Borloo”, visant à lutter contre et à réduire les inégalités sociales et territoriales, et
créant parallèlement l’observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS). Dans la lignée directe
de cette loi, sont créés puis lancés en novembre 2003 le programme national de rénovation urbaine
(PNRU), ainsi que l’agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). La création du PNRU et de l’ANRU
fait notamment suite à un rapport de la cour des comptes de 2002 faisant état de vives critiques quant
à la politique des villes, mettant notamment en avant son manque de lisibilité, de coordination, sur son
efficacité, et sur la grande difficulté (quasi impossibilité) pour l’évaluer. Ainsi l’ANRU doit devenir le
guichet unique de la politique de la ville, permettant une plus grande lisibilité de l’action mais également
une plus grande efficacité, et ce notamment avec des investissements massifs, jusque-là jamais atteints.
Dans ce cadre, 41 nouvelles ZFU viennent s’ajouter aux 44 pré-existantes au 1er janvier 2004, et
l’ANRU tiendra son premier conseil d’administration le 7 juin. En octobre 2004, on note l’installation de
l’ONZUS au sein de la DIV.

Les émeutes de 2005 et les réajustements opérés

C’est donc dans la période de contractualisation entre l’ANRU, les collectivités locales, les co-
financeurs et autres partenaires des conventions de rénovation urbaine (490 quartiers sur l’ensemble
du territoire auront fait l’objet d’une rénovation par l’intermédiaire de l’ANRU, pour un total de 398
conventions signées, et ce pour un montant global à hauteur de 46,5 milliards d’euros), à la suite de
l’appel à projet national lancé par l’agence pour la sélection des quartiers bénéficiant des projets de
rénovation urbaine (PRU), que vont éclater en 2005 les plus importantes émeutes urbaines dans les
quartiers sensibles, déclenchées par la mort polémique de deux adolescents à Clichy-sous-bois dans un
transformateur EDF pour fuir la police. C’est également en 2005 que s’est fait remarqué le ministre de
l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, par l’emploi de ses fameuses formules comme “nettoyer les
cités au Kärcher”, ou encore la qualification de jeunes le prenant à parti de “racaille” et de “gangrène”.
Ces trois semaines d’affrontements intenses entre forces de l’ordre et jeunes des quartiers, qui ont eu
notamment pour conséquence le décret de l’État d’urgence ou de couvre-feu, ont pu à nouveau souligner
les challenges de taille auxquels allaient se confronter l’ANRU et le PNRU. A la suite de ces émeutes, les
dispositifs et les moyens du plan Borloo se verront largement intensifiés. L’ANRU recevra ainsi 25 % de
moyens en plus et 15 nouvelles ZFU seront créées, et 100 millions d’euros supplémentaires seront alloués à
destination des associations de quartier. De même, on note la création en 2006 de l’agence nationale pour
la cohésion sociale et l’égalité des chances (l’Acsé), ainsi que des postes de préfets délégués à l’égalité
des chances.

Un nouveau cadre contractuel pour la politique de la ville : les CUCS

Enfin, les contrats de ville arrivant à leur fin en 2006, le gouvernement a choisi de mettre en place
un nouveau type de dispositif, à savoir les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Leurs orientations
ainsi que leur cadre général a été décidé lors du CIV du 9 mars 2006. La grande nouveauté des CUCS est
qu’ils permettent de manière progressive d’être financés par les crédits de “droit commun” et non plus
par les crédits “politiques de la ville”, crédits qui étaient à la fois provisoires et expérimentaux, mais qui
marquaient également une inégalité de traitement entre les quartiers, et donc une certaine discrimination
ou stigmatisation envers les quartiers en difficulté. Les CUCS ont également pour objectif d’assurer la
cohérence des dispositifs à l’oeuvre dans les quartiers avec les politiques structurelles menées à l’échelle
communale ou intercommunale (type PLU, PLH, PRU, PLIE etc...)

24
25

4. De Sarkozy à Hollande et du PNRU au NPNRU

Le quinquennat Sarkozy, entre dynamique espoir banlieues et plan de relance

Dès juillet 2007, soit deux mois après l’élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l’État, son premier
ministre, François Fillon, annonce le lancement d’un plan “Respect et égalité des chances”, visant tout
d’abord à désenclaver les quartiers sensibles, ainsi qu’à intervenir sur l’éducation et sur l’emploi pour
favoriser l’égalité des chances et lutter contre le chômage. C’est ensuite après une phase de concertation,
que le 8 février 2008, Nicolas Sarkozy présente à l’Elysée ce même plan, rebaptisé entre temps le plan
“Espoir banlieues, une dynamique pour la France”. Cette dynamique “Espoir Banlieues” vise ainsi 215
quartiers faisant tous l’objet d’interventions dans le cadre du PNRU. Ce plan, très ambitieux, avait été
qualifié pendant la campagne présidentielle de nouveau “Plan Marshall pour les banlieues” par le candidat
Sarkozy, qui souhaitait rompre avec les pratiques “anciennes” de la politique de la ville pour en améliorer
son efficacité et sa lisibilité.
On notera qu’en 2009, le plan de relance engagé par le gouvernement sera d’un soutien important
au PNRU, permettant notamment de faire repartir des opérations qui avaient été bloquées et ciblant près
de 270 quartiers pour près de 3 millions d’habitants concernés.
Mais un nouveau rapport de la cour des comptes sur la politique de la ville, rendu public le 12 juillet
2012, fait état d’un plan “Espoir banlieues” progressivement abandonné pour ne se résumer finalement
qu’aux seuls contrats d’autonomie, tout en observant que les écarts de développement entre quartiers
politiques de la ville et autres quartiers ne se sont pas réduits. Ce rapport très critique pointe notamment
le fait que la répartition des interventions s’est opérée sur un nombre bien trop important de quartiers,
limitant considérablement leur efficacité et leurs effets, de même qu’un manque de gouvernance, de
coordination entre le volet urbain des opérations et l’accompagnement social ou encore une mobilisation
bien en deçà des attentes des politiques publiques de droit commun29.

François Hollande, le Contrat de la ville et la réforme de la géographie prioritaire

Fort du constat et des limites pointés par le rapport de la cour des comptes de 2012 sur la politique
de la ville, le gouvernement Ayrault s’est attelé à repenser le cadre de la politique de la ville française.
Ainsi, une vaste concertation nationale s’est engagée dès octobre 2012, aboutissant sur un total de 27
propositions (le “plan Ayrault”), présentées par le premier ministre lors du CIV du 19 février 2013. Ces 27
propositions se déclinent autour de 4 axes, à savoir :
• construire ensemble la politique de la ville
• territorialiser les politiques de droit commun
• rénover et améliorer le cadre de vie
• lutter contre les discriminations

29
Linda Daovannary. Le plan “Espoir banlieues” n’a pas atteint son objectif. Tsa - L’actualité de l’action sociale,
http://www.tsa-quotidien.fr/action-sociale/politique-de-la-ville/a-204137/le-plan-espoir-banlieues-n-a-pas-atteint-son-but.
html
L’ensemble de ces propositions aboutira sur la loi du 21 février 2014 sur la programmation urbaine et la
cohésion sociale, dite “loi Lamy”. Cette loi, dans son article 1, resitue ce qu’est la politique de la ville.
Il s’agit “une politique de cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale, envers les quartiers
défavorisés et leurs habitants”. Cette politique se traduit par la création et la mise en oeuvre des contrats
de ville.
La mise en place du contrat de ville permet tout d’abord une révision de la géographie prioritaire, avec
la création des quartiers prioritaires de la ville (QPV), mettant fin à l’existence des ZUS, et donc des ZRU
et des ZFU. Cette approche prônée dans le contrat de ville vise à prendre à la fois en compte le territoire
mais également ses habitants. Le contrat de ville vise également à renforcer le caractère partenarial et
intercommunal de la politique de la ville, tout en adoptant une approche intégrée (prenant en compte tous
les aspects de la vie quotidienne) s’articulant autour de 3 piliers :
• cohésion sociale
• cadre de vie et renouvellement urbain
• développement de l’activité économique et de l’emploi
On notera qu’en dehors de ces 3 piliers, les contrats de ville ont aussi pour objectif de réduire l’ensemble
des inégalités de même que les phénomènes de concentration de la pauvreté ainsi que les fractures,
qu’elle soient sociales, territoriales, économiques, numériques...
Cette loi Lamy ambitionne également de poursuivre les transformations et les dynamiques engagées dans
le cadre du PNRU en lancant le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) dans le
cadre du second pilier des contrats de ville. Ainsi, une enveloppe de 5 milliards d’euros sur 10 ans est
prévue pour le NPNRU, à destination en priorité de 200 QPV dans lesquels auront lieu des “opérations
d’intérêt national”. Néanmoins, 20 % de l’enveloppe globale sera allouée à des “projets d’intérêt local”
qui se verront inscrits dans les contrats de plan État-région.
Enfin, le contrat de ville prévoit une participation accrue et renforcée des habitants, mais cela fera
l’objet de développements plus poussés étudiés et analysés ultérieurement dans le cadre de ce travail.

Rénovation urbaine et renouvellement urbain, des synonymes ?

Le choix des mots peut dans bien des situations apparaître comme un détail, ou comme quelque
chose d’anodin. Néanmoins, il convient de s’interroger sur l’usage et le choix des termes utilisés, notamment
dans le cadre de la politique de la ville. Ainsi, comment est-on passé du programme national de rénovation
urbaine (PNRU) au nouveau programme national de renouvellement urbain, alors que le NPNRU est sensé
se placer dans la continuité du PNRU ?
La plupart des définitions permettent de comprendre la nuance qu’il existe entre rénovation
urbaine et renouvellement urbain. La rénovation urbaine est définie comme un processus lourd, impliquant
la démolition de bâtiments, pour une reconstruction planifiée sur le secteur concerné. Le renouvellement
urbain, quant à lui, est davantage perçu comme un processus qui certes intervient sur le bâti, mais avec
la particularité d’y intégrer d’autres dimensions de la vie quotidienne des habitants, telles que l’emploi,
l’éducation, l’accès à la santé et au droit...30 Néanmoins, le programme national de rénovation urbaine,
même s’il a pu impressionner par l’ampleur de ses démolitions (environ 250 000 logements démolis) n’était

30
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/rehabilitation-restauration-renovation-urbaine

26
27

de loin pas un programme uniquement focalisé sur la rénovation, puisqu’il intégrait déjà entre autres les
dimensions sociale, culturelle ou économique, en cohérence et en articulation avec les contrats urbains de
cohésion sociale. Ainsi, on pourrait éventuellement admettre que les opérations lancées dans le cadre du
NPNRU, étant intégrées dans les contrats de ville, se prêtent davantage à la définition de renouvellement
urbain, mais cela est-il suffisant ?
Si on analyse cette question d’un autre oeil, on se rend compte que historiquement, les gouvernements
de gauche ont utilisé préférentiellement le terme de renouvellement urbain (depuis l’apparition de la
notion sous le gouvernement Jospin en 1999 jusqu’à sa reprise dans les gouvernements Ayrault et Valls),
alors que le gouvernement Raffarin a préféré utilisé le terme de rénovation urbaine lors de la création de
l’ANRU et du PNRU. La question reste ouverte quant à savoir si ce glissement sémantique tient davantage
au fond des sujets et des dossiers plutôt qu’à des rivalités politiques et à une utilisation des termes pour
se démarquer de ses prédécesseurs.

C’est donc à nouveau remplis de grandes ambitions pour solutionner la question des quartiers
sensibles que les responsables politiques ont créé un nouveau cadre, de nouveaux dispositifs, et de
nouvelles réglementations pour la politique de la ville, une politique initialement conçue comme provisoire
et exceptionnelle, mais qui ne s’est jamais effacée du débat public et des priorités gouvernementales
depuis maintenant plus de 40 ans. Si les contrats de ville et le NPNRU visent à lutter contre “l’apartheid
social, ethnique, territorial” (expression utilisée en janvier 2015 par Manuel Valls), les expériences passées
permettent de douter de la réussite de cet énième “plan banlieues”.
Pourtant, on ne peut pas reprocher aux différents responsables politiques d’avoir tenté leur
chance, en multipliant les expérimentations, en impulsant de nouvelles méthodes de travail, en changeant
d’approches, en augmentant les budgets. Et si bien heureusement, quelques points positifs ressortent de
ces différentes tentatives, on a malheureusement davantage l’impression que peu à peu, un fossé s’est
creusé entre le pouvoir politique et les habitants des quartiers en difficulté, dans lesquels on ressent
plus qu’ailleurs cette crise de confiance, voire cette défiance des autorités (représentée notamment par
l’abstention ou par les affrontements entre jeunes et bras armé du pouvoir, à savoir les services de police).
Ainsi, la participation des habitants, jusqu’alors assez peu mobilisée dans la politique de la ville,
semble constituer l’une des clés pour parvenir à résoudre “la fracture sociale”, “l’apartheid social,
ethnique, territorial”, “la ségrégation sociale”, ou quelconque autre terme que l’on pourrait associer à
ce problème symptomatique de la France, remettant en cause les principe de cohésion sociale ainsi que
d’égalité républicaine, tant pour les habitants que pour les territoires.
II. Les processus participatifs : quelle place et quelle évolution dans le
cadre de la politique de la ville en France et à l’international ?

Si la participation des habitants semble avoir été dans l’ensemble peu mobilisée au sein des
différents dispositifs de la politique de la ville, il faut néanmoins reconnaître qu’elle y apparaissait comme
une nécessité dès les origines de cette politique publique, et que différentes expériences enrichissantes
méritent d’être analysées et approfondies. Mais malgré ces ambitions affichées, la participation des
habitants s’est bien souvent limitée à des dispositifs d’information ou de consultation, et un certain
essoufflement des pratiques est pointée, tant par les professionnels que par le monde de la recherche.
Mais qu’est-ce que la participation dans le cadre de la politique de la ville ? Le terme de participation,
en lui-même, est marqué une certaine polyvocité, renvoyant à une multiplicité d’interprétations et
d’approches, que ce soit par exemple dans les champs économique ou politique31. On peut ensuite se
demander quel public est ciblé par la participation ? Il s’agit bien évidemment du public visé par la
politique de la ville. Alors, la question est de savoir si l’on s’adresse à l’habitant, au citoyen, à l’usager, ou
bien à l’ensemble ?
Ainsi, si “de manière générale, le terme «participation» désigne des tentatives de donner un rôle
aux individus dans une prise de décision affectant une communauté”32, on a néanmoins à faire à un
concept flou, qu’il conviendra dans un premier temps d’éclaircir, tant dans ses fondements, ses enjeux,
ses modèles que dans son évolution ou dans ses déclinaisons dans le cadre de la politique de la ville, afin
d’en proposer une définition. Nous nous intéresserons ensuite aux expériences internationales en matière
de participation des habitants, porteuses de nombreux enseignements à tirer, pour enfin dresser un bilan
de la participation en France suite au programme national de renouvellement urbain.

A. Essai de définition de la notion de participation citoyenne dans la politique de la


ville en France

1. Fondements, enjeux et modèles de la participation citoyenne dans la poli-


tique de la ville

Quels fondements pour la participation citoyenne ?

La question des fondements nous renvoie au pourquoi de la participation? En effet, il convient de


s’interroger sur la légitimité des citoyens / habitants / usagers à participer dans le cadre de la politique
de la ville. Cette légitimité nous renvoie à des fondements de diverses natures.
Pour commencer, on peut mentionner un fondement philosophique. Quand on s’intéresse au
préambule de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1989, on y décèle plusieurs éléments

31
Marie-Hélène Bacqué, Mohamed Mechmache, Pour une réforme radicale de la politique de la ville - Ça ne se fera plus sans
nous - Rapport au ministre délégué chargé de la Ville, Juillet 2013
32
http://www.cnle.gouv.fr/Definition-generale.html

28
29

conférant une légitimité à la participation citoyenne, notamment dans la reconnaissance du droit des
personnes ou des groupes à participer à l’élaboration de la loi ou des décisions publiques. Ainsi, tous les
citoyens doivent être égaux en droit, et doivent pouvoir participer à la vie politique, soit par leur action,
soit par celle de leurs représentants33. Cela implique également qu’il faut donner les moyens de participer
à tous les citoyens, y compris ceux touchés par des “handicaps”, tels que le niveau de formation ou la
langue, entre autres.
Dans la lignée du fondement philosophique, il convient d’aborder le fondement social de la
participation, en lien notamment avec les questions d’éducation populaire. En effet, il est socialement
intéressant d’amener des personnes “éloignées” de la vie publique et politique, souvent défavorisées, à
participer à la vie du quartier, à son animation, à sa gestion et aux prises de décisions qui font naître des
formes de responsabilités, le tout participant à l’épanouissement social des individus34.
Le fondement économique est également à prendre en compte. Il peut être effectivement plus
rentable de faire participer les citoyens / habitants / usagers à des décisions, des projets, qui vont modifier
leur cadre de vie, en ce sens que la participation effective des habitants garantit généralement une
meilleure pérennisation des investissements, et parfois même des économies en terme de gestion35.
Aussi, il convient de s’intéresser au fondement technique, lié notamment aux pratiques
professionnelles du travail social et du développement local, dont les objectifs sont, via des dispositifs
d’animation, d’accompagnement, de sensibilisation ou de suivi, l’émergence d’initiatives ou de projets,
qu’ils soient personnels ou collectifs36.
Enfin, le fondement stratégique peut être vu comme à double tranchant pour les habitants. Si ceux-
ci disposent d’une légitimité certaine à participer aux décisions politiques ainsi qu’aux décisions relatives
à leur cadre de vie, et ainsi avancer selon une vision et des orientations communes, ils peuvent néanmoins
s’exposer au risque de devenir des “victimes” de la participation. En effet, de quelle légitimité disposent-
ils pour critiquer une décision ou une action dans la mesure où ils ont contribué à son élaboration et à sa
mise en oeuvre ?37

De multiples enjeux

Il convient de s’intéresser dans un premier temps à l’enjeu démocratique de la participation. En


effet, si le thème de la participation des habitants revient sur le devant de la scène (alors qu’elle était
déjà préconisée dans le rapport Dubedout de 1983), c’est bien pour pallier à la crise de la démocratie
représentative par un recours plus accru à la démocratie participative. Il s’agit bien dans ce cas là
d’évoluer d’une dynamique historiquement et culturellement top-down (du haut vers le bas) vers une
dynamique bottom up, dans laquelle le pouvoir de décision se nourrit des éléments de réflexion et du
travail provenant des citoyens. En effet, pour beaucoup de chercheurs et de professionnels, la promotion
des pratiques et des processus participatifs pourrait constituer une sorte de remède pour rétablir cette

33
Guy Poquet, Démocratie de proximité et participation des habitants à la politique de la ville - De la promiscuité des cages
d’escalier à la reconnaissance du citoyen-usager, Cahier de recherche n°156, CREDOC, Juillet 2001
34
Guy Poquet, op. cit.
35
Guy Poquet, op. cit.
36
Guy Poquet, op. cit.
37
Guy Poquet, op. cit.
confiance endommagée, voire rompue, entre les citoyens et les classes dirigeantes.
Il est à cet égard important de rassurer les “esprits inquiets” de la démocratie représentative.
La démocratie participative n’a pas pour vocation de se substituer à la démocratie élective, il s’agit
davantage de fournir un plus grand nombre d’éléments de décisions aux élus, dans l’objectif de projets
mieux adaptés et mieux acceptés.
Quand on observe la participation des habitants (et tout particulièrement dans les quartiers
sensibles) aux différentes élections, on voit une nette chute, qui perdure et qui s’intensifie dans le temps,
représentative de la crise démocratique et institutionnelle de notre système politique. Ainsi, le recours à la
participation s’inscrit dans une dynamique de tentative de relance du débat public sur le(s) territoire(s)38.
On rappellera également que pour les élus, promouvoir la démocratie participative, c’est
communiquer et donner l’image d’une gouvernance moderne, ouverte et proche des habitants, ce qui est
généralement récompensé lors du passage des citoyens aux urnes39.

La politique de la ville, par essence, est une politique transversale, nécessitant l’action et la
coordination et l’interaction de multiples acteurs. Ce constat nous permet de mettre en lumière l’enjeu
partenarial de la participation, nous interrogeant sur la place donnée aux habitants dans le jeu d’acteurs à
l’oeuvre au sein de ces territoires. Car en effet, les habitants constituent un acteur parmi d’autres dans la
politique de la ville40. Dans le cadre notamment des processus de décentralisation, il convient de clarifier
la place respective du pouvoir central, des collectivités locales et des habitants dans le jeu d’acteurs.
La participation ayant également des implications sur la gestion publique locale, cela nous questionne
parallèlement sur l’avenir du service public dans les quartiers, et sur la place donnée aux opérateurs
privés.

Enfin, la participation renvoie à un enjeu décisionnel, en lien étroit avec la notion de pouvoir. C’est
effectivement des luttes de pouvoir qui sont à l’oeuvre, dans une tradition politique de la démocratie
représentative, où le pouvoir appartient aux personnalités politiques démocratiquement élues. Mais pour
parler de participation, cela nécessite, d’une manière ou d’une autre, une forme de partage du pouvoir avec
les habitants ou leurs représentants (très souvent les associations). Un tel parti pris repose essentiellement
sur la volonté des élus, et doit les interroger : désirent-ils que les habitants deviennent des citoyens actifs
? Leur reconnaissent-ils une qualité de maîtres d’usages, ou plutôt d’experts profanes ?

Des modèles participatifs contrastés

L’observation et l’analyse des différents modes d’exercice et d’expression de la participation


citoyenne permet de dégager trois modèles que l’on retrouve fréquemment.
On retrouve tout d’abord le modèle de la participation / caution, dans lequel la participation
des habitants se limite le plus souvent au recueil de leur avis ou de leur accord, dans le cadre de projets
imaginés et pensés préalablement par les professionnels ou les politiques. Ce modèle correspond donc à

38
http://www.ddrhonealpesraee.org/dump/RAEEGuideConcertatio_56.pdf
39
Guy Poquet, op. cit.
40
Guy Poquet, op. cit.

30
31

une forme de citoyenneté passive, dans laquelle les élus vont recherche vont rechercher une plus grande
légitimité dans leurs choix et leurs actions par ce type de recours aux habitants. C’est également le
modèle qui correspond au fonctionnement de la démocratie représentative, système le plus représenté
dans les démocraties contemporaines. Les élus étant élus par le vote, il ne s’agirait pas pour eux de limiter
leur pouvoir de décision, conféré par l’élection41.
Ensuite, on distingue de ce premier modèle celui de la satisfaction habitant / usager, dans lequel les
habitants sont davantage assimilés à des clients, sollicités par des sondages d’opinion pour exprimer leur
degré de satisfaction, dans le cadre d’une gestion municipale apparentée à la gestion d’une entreprise.
Ce modèle s’inscrit donc dans une logique libérale (avec un recours accru au secteur privé), de réduction
des coûts, et dans une philosophie consumériste, avec des exemples tels que des enquêtes menées dans
certaines municipalités quant à la gestion des déchets ou à l’efficacité des différents services de propreté42.
Enfin, un troisième et dernier modèle, la citoyenneté de substitution, se caractérise par l’émergence
d’initiatives issues des habitants, bien souvent lorsque les pouvoirs publics font preuve de plus ou moins
grandes défaillances. C’est ainsi en réponse aux lacunes des pouvoirs et services publics que les citoyens
s’auto-organisent, dans l’objectif d’une amélioration du cadre de vie en fonction des besoins collectifs.
Ce modèle constitue une alternative à la logique économique consumériste, et permet l’émergence de
nouvelles pratiques et de nouveaux acteurs (tels que des médiateurs ou des défenseurs du peuple), tout
en adaptant les dispositifs de participation aux différents contextes et aux spécificités locales. L’exemple
de l’Amérique latine, où les pouvoirs publics ont longtemps été marqués par une relative faiblesse, est
représentatif du développement de ce modèle43.

Ainsi, si on peut rattacher de rares exemples français au modèle de la satisfaction habitant / usager,
il apparaît que la “culture” de la participation française se situe davantage entre le premier modèle,
représentatif de la démocratie représentative, et le troisième, visant à encourager et à développer les
initiatives issues des habitants.

2. Les approches de la participation, ses niveaux et ses dispositifs

Quelles approches de la participation ?

La participation a pu, au cours de ses différentes expérimentations, prendre différentes formes,


renvoyant à une diversité des contextes, des acteurs et des structures. Ainsi, quatre approches peuvent
être distinguées.

Tout d’abord, dans la lignée des écrits de Henri Lefebvre et plus généralement de la sociologie
urbaine des années 1970 marquée par l’influence marxiste, on peut approcher la participation par le
prisme des luttes urbaines locales. Dans ce courant de la sociologie urbaine, la ville est considérée comme

41
Guy Poquet, op. cit.
42
Guy Poquet, op. cit.
43
Guy Poquet, op. cit.
un objet répondant aux logiques capitalistes, et donc comme projection spatiale des rapports de forces
économiques et sociaux, notamment via la spéculation foncière. Ces luttes, qui très souvent se sont
concentrées sur les questions du logement, recherchent un rapport de force avec les autorités en charge de
la gestion locative (élus, bailleurs sociaux), et rappellent des actions ou des méthodes issues des pratiques
syndicales, tout en revendiquant un droit de participation des habitants à la politique de la ville44.

D’autre part, la participation peut également s’approcher par le biais du lien social. Cela nous
renvoie notamment à la sociologie comportementaliste, qui analyse et étudie la ville en termes de
consommation (et non en termes de production comme la sociologie urbaine marxiste), en cherchant à
décrire le fonctionnement social des quartiers ainsi que les usages observés, et qui a fortement marqué
le milieu des travailleurs sociaux. Cette approche vise à faire évoluer les bénéficiaires des interventions
sociales, en les faisant passer du statut “d’assistés”, à celui de citoyens conscients de leurs droits, par
l’intermédiaire de micro-projets vus comme des tremplins vers l’élaboration de projets communs de plus
grande importance. Elle se décline au travers d’une méthodologie construite pour s’adapter à des groupes
divers (femmes, jeunes, immigrés...), et faisant appel à des processus d’animation et de mobilisation
sociale. Eu égard aux difficultés rencontrées pour faire évoluer des micro projets vers des initiatives plus
importantes ou des projets globaux (tels que les projets de renouvellement urbain), cette dynamique doit
nécessairement s’inscrire sur le temps long45.

La troisième approche aborde la participation en lien avec le jeu d’acteurs, dans les champs
de l’analyse institutionnelle et de la sociologie des organisations. De la même manière que l’évoquent
Michel Crozier et Ehrard Friedberg dans leur ouvrage L’acteur et le système, les habitants, intégrés au jeu
d’acteurs de la politique de la ville, pourront se caractériser entre autres par leurs réseaux, les alliances
qu’ils réaliseront, leurs moyens de pression et / ou de négociation, et on remarquera dans certains cas un
décalage entre le discours tenu par des habitants ou des groupes d’habitants et leurs réelles intentions.
Cette approche permet donc de rentrer dans des considérations plus précises, relatives aux caractéristiques
des habitants ou des groupes d’habitants impliqués, à leur positionnement social, ou encore à leur projet,
qu’il soit individuel ou collectif46.

Enfin, une quatrième approche fait appel à une analyse socio-politique des mouvements sociaux,
dans lesquels la participation tient une place importante. Dans ce cadre, les revendications portées par
des groupes sociaux ou des militants concernent davantage des débats nationaux, voire internationaux,
tels que les droits de l’homme ou le droit au logement, mais y intégrant des problématiques locales47. On
comprend donc que pour de tels sujets, la politique de la ville puisse être interpellée par ces mouvements
sociaux, étant donné que les contrastes et les inégalités sont généralement plus visibles au sein des
quartiers sensibles. Dans cette approche, la citoyenneté ne s’exprime pas seulement qu’à l’échelle locale,
mais également au global et à l’international.

44
Guy Poquet, op. cit.
45
Guy Poquet, op. cit.
46
Guy Poquet, op. cit.
47
Guy Poquet, op. cit.

32
33

Les niveaux et les dispositifs de la participation

Dès 1969, la sociologue américaine Sherry R. Arnstein a distingué, dans son ouvrage A Ladder of Citizen
Participation, une typologie composée de 8 niveaux de participation, classés selon différents “barreaux”,
dans l’objectif de rendre compte du pouvoir des citoyens dans leur participation à la décision finale,
comme le montre le schéma ci-dessous. Il faut pour mieux comprendre le pourquoi de ces travaux, les
remettre dans leur contexte. La publication de cette échelle de la participation intervient à la suite des
émeutes noires des années 1960 aux États-Unis, qui ont pris racines, entre autres, dans la politique de
renouvellement urbain, l’Urban Renewal Act, voté en 1969, et qui insistait notamment sur la participation
des minorités ethniques (les populations noir-américaines), qui en fin de compte, se sont retrouvés en
partie évincés des quartiers centraux américians (les inner cities)48.

Figure 1 : Schéma de la participation d’Arnstein (source: cairn info)

Un premier niveau est dégagé des deux premiers barreaux de l’échelle (manipulation et thérapie),
celui de la non-participation, dont l’objectif est de guérir les pathologies (responsables des problématiques
observées) ou d’éduquer les habitants. Le parti pris y est que la décision ou le projet retenus sont les
meilleurs pour ces populations, et on aura alors recours à des techniques issues de la publicité ou des
relations publiques, pour légitimer en quelques sortes les décisions politiques. Dans ce cas de participation
illusoire, les habitants ont bien souvent été clairement manipulés et instrumentalisés par les autorités,
notamment dans les exemples évoqués aux États-Unis dans cette période. On peut même interpréter le
degré de la thérapie comme une démarche insultante envers les habitants, puisqu’elle vise à les guérir de
leur pathologie, alors qu’elle devrait s’attaquer à guérir les causes de ces pathologies.
Le second niveau présenté par Arnstein, celui de la coopération symbolique (tokenism), comprend
trois degrés. Vient tout d’abord celui de l’information, qui vient poser les bases de la participation des
habitants, mais qui par son fonctionnement “en sens unique”, sans possible retour (feed back) de ces
derniers, est de loin insuffisant pour constituer une participation effective. Vient ensuite le degré de
la consultation, qui intègre le recueil des attentes et des propositions des habitants, mais sans aucune
garantie que ces éléments soient pris en compte dans le processus. Ce degré est alors davantage perçu
comme un rituel sans conséquences dans la plupart des cas. Le troisième degré de la coopération symbolique

48
Jacques Donzelot, Renaud Epstein, Démocratie et participation : l’exemple de la rénovation urbaine, publié dans Esprit (dos-
sier “forces et faiblesses de la participation”), n°326, 2006, pp. 5-34.
est celui de la réassurance (placation), dans lequel on va jusqu’à inviter les habitants pour donner leur
avis et émettre des propositions et si la prise en compte de ces éléments sera plus importante que dans
le cas de la consultation, les décideurs resteront les seuls maîtres quant à l’évaluation de la légitimité
ou de la pertinence des éléments provenant des habitants. Et si la participation y reste symbolique, c’est
néanmoins à ce niveau que les habitants commencent tout juste à disposer d’une forme d’influence sur les
décisions finales.
Enfin, le pouvoir effectif des citoyens, troisième et ultime niveau de l’échelle d’Arnstein, comprend
lui aussi trois degrés distincts de participation des habitants. Le sixième barreau de l’échelle est ainsi
occupé par le partenariat, qui se concrétise par un processus de négociation entre citoyens et détenteurs
du pouvoir, afin de le redistribuer, puis de former des structures (telles que des comités associant les
habitants) responsables des prises de décisions et des modalités de mise en oeuvre de ces dernières.
Le degré supérieur, celui la délégation du pouvoir, va un peu plus loin que le précédent, puisque les
citoyens occupent une position majoritaire dans la démarche, peuvent même disposer d’un droit de véto,
et possèdent donc une réelle autorité ainsi qu’une responsabilité relatives au programme retenu et mis
en oeuvre. Le troisième et dernier degré du pouvoir effectif des citoyens, prenant la dénomination
de contrôle citoyen, est celui dans lequel l’ensemble des étapes et tâches du programme (conception,
planification, gestion, suivi, évaluation) relèvent directement des citoyens, sans quelconque intermédiaire
entre ces derniers ainsi que les autorités ou les financeurs.

En France, d’autres classifications limitent à 4 ou 5 les niveaux de la participation, répartis de la


manière suivante49 :
• information : le pouvoir politique communique, soit en organisant des réunions publiques, soit
par l’intermédiaire des médias, pour informer les habitants d’une situation, d’une analyse et des
partis pris sur un dossier spécifique. Il s’agit du niveau minimum (les notions de manipulation ou
de thérapie ne figurent pas dans ces classifications)
• consultation : démarche permettant de recueillir des avis, ou d’entendre certains besoins sur un
projet, ou par exemple sur le fonctionnement d’un service ou d’un équipement. Elle peut viser
des collectifs informels (les habitants dans leur ensemble), ou organisés (associations, forces
vives), et peut prendre différentes formes. Et si les autorités ne sont pas tenus d’utiliser les
éléments recueillis au cours de la démarche, cela marque au moins déjà une volonté de recueillir
le point de vue des habitants (reste ensuite à savoir dans quel objectif)
• concertation : ce niveau permet l’intervention de non-décideurs, tout au long de la formalisation
d’un projet, et ce dans différents types de structures. On reconnaît dans le cadre de la concertation
le pouvoir d’expertise des habitants, et on leur confère déjà un niveau d’engagement élevé
• implication (pouvant être décliné en deux niveaux : co-production / co-décision) : les habitants
(ou une partie d’entre eux) participent directement à la prise de décision et / ou au portage
de l’action. Ce niveau repose notamment sur la mise en oeuvre de projets dans différentes
structures (associations, ateliers, commissions, comités...), ainsi que des dispositifs de délégation
de services publics.

49
Guy Poquet, op. cit.

34
35

Une fois passés en revue les différents niveaux de la participation, il convient de s’intéresser
aux différents dispositifs dans lesquels sont amenés à prendre forme les processus participatifs. Dans le
cadre du cours dispensé par Madame Gaëlle Watel à l’Institut d’Urbanisme de Grenoble, sur la Formation
Démarche participative, quatre dispositifs distincts sont identifiés, à savoir :
• dispositif de projet
• dispositif thématique
• dispositif territorial
• dispositif d’acteurs

On peut ensuite formaliser un tableau récapitulatif pour ces quatre dispositifs, présentant leurs
caractéristiques, les contextes dans lesquels ils peuvent être mis en oeuvre, les niveaux de participation
pour lesquels ils sont adaptés ainsi que les outils mobilisables, comme exposé ci-dessous.

Figure 2 : Tableau récapitulatif des dispositifs participatifs (source: cours de Gaëlle Watel)

3. Les jalons réglementaires et législatifs de la participation

Les années 1970 - 1980, où les prémices de l’institutionnalisation de la participation des habitants

L’introduction de la directive du 14 mai 1976, relative à l’information du public et à l’organisation


des enquêtes publiques résume bien la prise de conscience de la classe politique quant à la nécessité
d’associer les habitants dans le cadre d’opérations d’urbanisme ou en lien avec l’environnement :

Au cours des dernières années, l’intérêt porté par le public pour tout ce qui concerne
l’aménagement du cadre de vie et la protection de l’environnement, s’est considérablement
développé. L’administration doit prendre conscience de cette évolution, et attacher une plus
grande importance à l’information du public. Elle doit désormais consacrer davantage son
attention et ses moyens à cette tâche. Il s’agit d’une orientation essentielle adoptée par le
Gouvernement pour accroître effectivement la participation des Français à l’aménagement du
cadre de vie
On peut donc voir que l’institutionnalisation de la participation débute par “le bas de l’échelle”,
qu’est l’information. La loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes et à la protection
de l’environnement viendra compléter et repréciser la directive de 1976.
On peut également citer l’article L300-2 du code de l’urbanisme, issu de la loi du 18 juillet 1985,
relative à la concertation préalable aux opérations d’aménagements :

Le conseil municipal délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d’une concertation
associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations
locales et les autres personnes concernées avant :
• a) Toute modification ou révision du plan d’occupation des sols qui ouvre à l’urbanisation
tout ou partie d’une urbanisation future ;
• b) Toute création, à son initiative, d’une zone d’aménagement concerté ;
• c) Toute opération d’aménagement réalisée par la commune ou pour son compte lorsque,
par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre
de vie ou l’activité économique de la commune et qu’elle n’est pas située dans un secteur
qui a déjà fait l’objet de cette délibération au titre du a) ou du b) ci-dessus. [...]. A l’issue
de cette concertation, le maire en présente le bilan devant le conseil municipal qui en
délibère.

Les années 1990 et 2000, une montée en puissance de la participation ?

Si l’article 4 de la loi d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991 reprend les articles du code de
l’urbanisme de 1985 pour rappeler l’importance de l’organisation d’une concertation préalable dans le cas
d’actions ou d’opérations susceptibles de modifier le cadre de vie des habitants, la loi du 06 février 1992
relative à l’administration territoriale de la République, dite loi Joxe, inscrite à l’article L2141-1 du code
général des collectivités territoriales (CGCT), énonce les éléments suivant :

Le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci et à être consultés
sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités
territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale. Il s’exerce sans préjudice des
dispositions en vigueur relatives notamment à la publicité des actes des autorités territoriales
ainsi qu’à la liberté d’accès aux documents administratifs.

La loi du 04 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire énonce


quant à elle que la politique nationale d’aménagement et de développement, développée localement, doit
associer les habitants, à son élaboration, à sa mise en oeuvre et à son évaluation.
De même, la circulaire du 31 décembre 1998 relative aux contrats de ville 2000-2006 réaffirme la priorité
donnée à la participation des habitants et l’incite à franchir une nouvelle étape, en les associant “à
l’élaboration, à la mise en oeuvre, et à l’évaluation en continu des actions qui seront décidées par les
partenaires du contrat de ville”. La circulaire précise ensuite :

36
37

A cet effet, devront être fortement soutenues, dès 1999, les initiatives visant à favoriser
l’exercice de la citoyenneté, à faire participer les usagers au fonctionnement des services
publics, les procédures de gestion participative, les actions visant à favoriser la prise de
parole et l’expression collective des habitants.

La circulaire du 6 janvier 1999 relative à la mise en oeuvre des décisions du comité interministériel
des villes du 30 juin 1998 sur les services publics dans la géographie d’intervention de la politique de la
ville énonce les modalités de consultation des habitants et des acteurs locaux :

Les modalités de consultation que vous choisirez devront permettre d’associer les habitants
des quartiers en difficulté à l’élaboration des diagnostics. Cette consultation permettra au
moins de recueillir l’avis des associations de quartiers, des associations d’usagers ou de parents
d’élèves. [...]. Vous veillerez à multiplier les lieux de débats et à y associer les différents
acteurs locaux, institutions, collectivités locales, partenaires sociaux et usagers de services
publics, notamment dans le cadre des commissions locales de concertation de la politique de
la ville.

Il convient ensuite de mentionner la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre


2000, qui généralise l’obligation d’organisation d’une concertation avant l’élaboration ou la modification
d’un Schéma de COhérence Territoriale (SCOT) et d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU). Mais la principale
évolution législative de ce début de troisième millénaire réside dans la loi du 27 février 2002 relative à la
démocratie de quartier, par laquelle on a créé les conseils de quartier, tout en renforçant la commission
nationale du débat public (CNDP, créée en 1995 dans le cadre de la loi Barnier du février), notamment en
élargissant les champs du débat public.

Ainsi, on peut voir qu’au fil des années, les autorités ont cherché à accompagner et à répondre
l’évolution des demandes et des besoins de la société civile, en procédant à différentes évolutions
législatives et réglementaires, dans l’objectif de garantir un cadre à la participation des citoyens / habitants
/ usagers. Néanmoins, une des impressions qui peut ressortir de ce recensement est que bien souvent,
les orientations et les ambitions étaient proches, voire similaires, sans réelle impression que les pratiques
et la dynamique démocratique aient réellement évolué dans l’ensemble. A partir de ce constat, il est
intéressant de se tourner vers nos voisins, en Europe ou à l’international, et d’y analyser les expériences
en termes de participation citoyenne.

B. Les enseignements des expériences à l’international

Près de 40 ans d’échecs ou de réussites en demi-teinte (les succès sont trop malheureusement
trop peu nombreux) quant aux dispositifs mis en oeuvre dans le cadre de la politique de la ville amènent
décideurs et professionnels à réinterroger leurs modes d’intervention dans les quartiers populaires. Et
si cinq présidents de la république, plusieurs gouvernements et décideurs politiques locaux ne sont pas
parvenus à trouver “la” ou “les” solutions au sein du territoire français, il convient de s’intéresser à ce qui
a pu être entrepris en dehors de l’hexagone.

1. Un concept et une méthode en vogue : empowerment et community


organizing

Naissance et présentation du concept d’empowerment

Voilà un mot, un concept très en vogue depuis quelques années, utilisé à de multiples reprises
depuis les années 1970 dans les pays anglo-saxons dans divers champs d’études et d’actions. Ce concept
fait preuve d’un tel engouement au sein des pays anglophones qu’on a par exemple vu publier un livre sur
le self-empowerment des chiens aux États-Unis50.
Historiquement, la notion d’empowerment provient des États-Unis, et sa première utilisation semble
remonter au début du XXème siècle dans le cadre d’un mouvement militant pour la reconnaissance du
droit des femmes. On le retrouvera utilisé dans les méthodes développées par Saul Alinsky dans les années
1930 (nous reviendrons sur Saul Alinsky par la suite), puis dans les années dans le cadre de mouvements
pour les droits civiques ou de développement communautaire51.
La politique de la ville n’a évidemment pas fait exception à la règle, et il existe également une
littérature abondante sur le sujet, avec un succès important en France depuis quelques années.
Littéralement, on pourrait traduire la notion d’”empowerment” “renforcer ou acquérir du pouvoir”,
et on retrouve de multiples tentatives de traduction en français, telles que “capacitation” (terme provenant
du Québec), “autonomisation”, “responsabilisation”, “émancipation”, “empouvoir”52, ou plus récemment
comme “pouvoir d’agir” (aussi le nom d’un collectif créé en 2010), avec comme limite le fait que cette
expression n’est pas en mesure de restituer totalement la dualité du concept, compris comme un processus
mais également comme résultat. Pour pallier à ce manque, Yann Le Bossé, psychosociologue à l’Université
Laval au Québec (à qui l’on doit cette expression), propose de parler de “développement du pouvoir
d’agir”53. Néanmoins, beaucoup s’accordent sur le fait que cette notion est intraduisible dans la langue
française.
Marie-Hélène Bacqué, sociologue, urbaniste, et spécialiste de l’empowerment, définit ce concept
comme le “processus par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer sa capacité
d’action, de s’émanciper”.
Selon Bernard Jouve, directeur de recherche au laboratoire RIVES de l’École Nationale des Travaux
Publics de l’État, l’empowerment “vise à modifier l’asymétrie classique des relations entre la société civile

50
Anne-Emmanuelle Calvès, « Empowerment » : généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement,
Revue Tiers Monde 2009/4 (n°200), p.735-749.
51
https://fr.wikipedia.org/wiki/Empowerment
52
https://fr.wikipedia.org/wiki/Empowerment
53
Thomas Kirszbaum, Vers un empowerment à la française ? - A propos du rapport Bacqué-Mechmache, la vie des idées.fr

38
39

- et principalement les groupes sociaux défavorisés - et les pouvoirs publics. Il s’agit de renforcer, par le
biais de transferts de ressources, de moyens d’action, d’expertise, les capacités d’organisation d’acteurs
issus de la société civile ; pour dire autrement, de transférer du pouvoir.”
De l’autre côté de l’Atlantique, Paulo Freire, un pédagogue brésilien, définit en 1974 l’empowerment,
et sa traduction brésilienne, la “conscientisation”, comme un “processus qui permet aux opprimés de
prendre conscience de leurs problèmes, de leur condition personnelle, tout en leur offrant “les instruments
qui leur permettront des choix” et feront “qu’ils se politiseront eux-mêmes”54
De même, Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener, dans leur ouvrage, L’empowerment, une pratique
émancipatrice, présentent 3 types d’approches relatives à cette notion :
• une approche radicale : l’empowerment comme un processus d’émancipation qui conduit à
la transformation de la société. Une approche notamment utilisée par différents mouvements
féministes
• une approche sociale-libérale : à la manière des expériences qui ont pu être menées par Bill
Clinton ou Tony Blair, dans lesquelles on retrouve l’idée d’un développement de la démocratie,
visant à aplanir le terrain des inégalités, mais sans modifier radicalement ni structurellement la
société
• une approche néo-libérale : qui repose sur l’intégration de valeurs marchandes et de la concurrence,
et dans laquelle les individus trouvent les capacités pour s’en sortir par eux-mêmes.

Saul Alinsky et Barack Obama, deux grands noms du community organizing

La notion de community organizing, de la même manière que l’empowerment, fait l’objet d’un fort
engouement en France depuis plusieurs années, mais est utilisée trop souvent de façon floue ou imprécise.
Pour Julien Talpin, chargé de recherches au Centre d’Etudes et de Recherches Administratives, Politiques
et Sociales (CERAPS), le community organizing “est avant tout un ensemble de pratiques militantes
spécifiques, un répertoire d’action et un style organisationnel, qui le rendent particulièrement efficace
pour mobiliser les habitants des quartiers paupérisés”55.
Ainsi, ce courant incarne en quelques sortes la frange radicale de l’empowerment, et on doit
naissance, à un homme, Saul Alinsky, activiste et militant états-unien, dans les années 1930.
Alinsky, qui a étudié tour à tour la sociologie, puis la criminologie (réalisation d’une thèse sur les gangs
urbains de Chicago), en était arrivé à la conclusion que les mauvaises conditions de vie, les discriminations,
et plus généralement le système capitaliste étaient déterminantes pour la criminalité. Et au fil du temps,
il a imaginé une stratégie, visant à aider les opprimés à s’organiser, et à mettre en place des luttes
radicales et efficaces, par la création de la fonction d’organizer, des “animateurs politiques” chargés de
l’organisation populaire dans les quartiers défavorisés de Chicago. C’est ensuite grâce à un important
travail de terrain qu’Alinsky a pu multiplier des succès de mobilisation et d’organisation populaires, en
encourageant fortement les “propositions d’actions directes non violentes et ludiques”. Il sillonnera les

54
Hélène Balazard, L’engagement de “citoyens ordinaires” dans London Citizens, entre construction de relations et participa-
tion politique. Premières journées doctorales sur la participation du public et la démocratie participative organisées par le GIS
Participation du public, décision, démocratie participative. ENS-LSH, Lyon, 27-28 novembre 2009
55
Julien Talpin, Mobiliser les quartiers populaires - Vertus et ambiguïtés du community organizing vu de France, Laviedesidées.
fr
Etats-Unis pendant plus de trente ans, pour trouver et former des organizers ainsi que pour diffuser
sa méthode, et ce pour différentes communautés (ouvriers, saisonniers mexicains et populations noires
entre autres). Il publiera en 1971, Rules for radicals, un méthode destinée aux jeunes révolutionnaires,
avec comme objectif d’accompagner l’émergence d’organisations populaires et de luttes, au bénéfice des
populations opprimées et contre le système capitaliste, indépendantes des pouvoirs publics56.
Après sa mort en 1972, ses idées et pratiques seront reprises, mais peu visibles, voire qualifiées
de désuètes. Il faudra attendre l’élection de Barack Obama, en 2008, et la large valorisation de son
expérience de community organizer tout au long de sa campagne pour donner un souffle nouveau à cet
ensemble de pratiques, et marquer le point de départ de l’engouement français57.
Il apparaît alors important, toujours d’après Julien Talpin, de distinguer le community organizing
du développement communautaire, le second incarnant pour le premier le “versant néo-libéral de
l’empowerment”. Le développement communautaire prend par exemple la forme des Community
Development Corporations, structures créees sous l’administration Johnson dans les années 1960, et qui
reçoivent des fonds fédéraux dans l’objectif de prendre en charge la rénovation du patrimoine immobilier
ou le développement économique des quartiers défavorisés. En ce sens, une des grandes différences
séparant le community organizing développement communautaire tient dans l’autonomie du premier,
notamment par ses modes de financement, issus de cotisations ou de contributions de fondations. De même,
si le développement communautaire se veut davantage consensuelle (mettre tout le monde autour de la
table pour trouver une solution), le community organizing ne rejoint la table des négociations qu’après
avoir instauré un rapport de forces par des actions collectives et autogérées, faisant valoir le nombre par
rapport à l’argent et au pouvoir pour se faire reconnaître et entendre58.
Enfin, le community organizing se distingue également des courants d’advocacy (qui cherchent à
parler au nom des habitants, tels des avocats), car un des principes du community organizing est “qu’il ne
faut pas faire pour les gens ce qu’ils peuvent faire eux-mêmes”.
On l’aura alors compris, le community organizing, implique un important travail, à la fois de
recrutement des habitants pour les fédérer, mais également de formation. La mobilisation des habitants
peut se réaliser soit dans la tradition alinskienne, c’est à dire en rassemblant des collectifs (notamment
des églises, des écoles, des syndicats, associations et autres) dans le cadre de campagnes spécifiques et
partagées par les collectifs, soit dans la tradition parfois qualifiée de post-alinskienne, pour mobiliser les
personnes n’appartenant pas à aucun collectif particulier, et qui demande donc un travail organisationnel
bien plus important que dans la première approche59.

56
Les renseignements généreux, La méthode Alinsky - Synthèse du livre “Rules for radicals” de Saul Alinsky, un manuel pour les
révolutionnaires “made in USA”, La traverse, numéro 1 pp 24-33
57
Julien Talpin, op. cit.
58
Julien Talpin, op. cit.
59
Julien Talpin, op. cit.

40
41

2. Des exemples de développement du “pouvoir d’agir” des habitants

Le programme “Ville sociale” en Allemagne

Le programme SozialeStadt (ville sociale), un programme mis en place suites aux expérimentations
menées dans les années 1990 de rénovation urbaine, die Sannierung (qu’on traduirait littéralement
en français par “assainir’, a été lancé nationalement en 1999 et pour une durée de 11 ans dans plus
de 600 quartiers, pour lutter contre le décrochage de ces quartiers, sur la base de différents critères
sociodémographiques60.
Il est important, pour comprendre ce programme de rappeler tout d’abord le fonctionnement
fédéral de l’Allemagne, qui confère une autonomie généralement plus importante aux collectivités,
ainsi que qu’une vision différente du métier de “chef de projet”, car dans ce programme, les équipes
intervenant sur le terrain, les Quartiersmanagement, sont choisies suite à une sélection dans le cadre d’un
appel à projet européen. Le rôle d’un chef de projet puise dans les méthodes et le métier d’un community
organizer, comme expliqué précédemment. Ces équipes font ainsi de la mise en réseau le coeur de leur
métier61.
Dans ce cadre, et au vu du fort développement de différentes formes de contre-pouvoirs en
Allemagne suite à l’expérience du totalitarisme, la participation des habitants observée dans le cadre de
ce programme semble vraiment marquée par la volonté de faire “avec” les habitants plutôt que “pour” ces
derniers. Et si la participation sous toutes ses formes est encouragée (la langue allemande dispose d’ailleurs
d’un vocabulaire permettant de différencier ces différentes formes), les habitants sont reconnus en tant
qu’experts, mais surtout en tant que citoyens, avec l’ambition qu’ils deviennent des ressources pour la
communauté du quartier. Dans ce cadre, les citoyens sont formés (tâches administratives, expression
en public...), et on reconnaît les compétences acquises par ces derniers, qui pourront ensuite venir en
aide aux autres citoyens du quartier. Ainsi, la participation implique la transmission, la réciprocité et la
dimension collective, et ce dans un processus inscrit sur le temps long, et qui intervient de manière globale
sur la vie quotidienne des habitants. Il est alors primordial d’instaurer une véritable relation de confiance
entre habitants et autorités, tout en reconnaissant, en encourageant et en valorisant l’engagement des
citoyens62.

Citizens UK et London Citizens, l’exemple britannique

Citizens UK est une organisation citoyenne britannique , se présentant comme “la maison du
community organizing au Royaume-Uni. Cette organisation se veut être un contre-pouvoir aux autorités
(car totalement indépendante du gouvernement et des municipalités), et fédère différentes structures,
constituant des émanations locales dans différentes villes du pays.
La capitale, Londres, est ainsi prise en charge par London Citizens, avec des équipes réparties

60
Rénovation douce et ville sociale en Allemagne, des enseignements pour la politique de la ville en France, Note de capitalisa-
tion des visites à Berlin et à Freiburg réalisée par l’Observatoire Régional d’Intégration à la Ville (ORIV) - Ocotbre 2013
61
ORIV, op. cit.
62
ORIV, op. cit.
sur différents secteurs de la ville. London Citizens regroupe près de 150 institutions, telles que des
congrégations religieuses, des universités, des écoles, des associations, des syndicats... représentant la
“société civile”63. Elle est financée à hauteur de 20 % par les cotisations de ses membres, et le reste par
des fonds caritatifs.
Reprenant les idées et les méthodes du community organizing de Saul Alinsky, ainsi que del’Industrial
Areas Foundation (community organisation fondée par Saul Alinsky) moderne, London Citizens se donne
comme objectif d’organiser et de renforcer les différentes communautés de la ville pour qu’elles oeuvrent
ensemble dans un idéal de justice sociale. Une vingtaine d’employés, les organisers, travaillent donc à
temps plein, plus dans le cadre d’une stratégie de mobilisation que dans une “véritable ingénierie de la
prise de décision par le peuple”64.
Au sein de l’organisation, la coexistence de deux types d’intérêts, les intérêts personnels directs
(tirer profit de telle ou telle campagne ou action) et les intérêts indirects (une forme d’intérêt personnel
mais qui se traduit par un dévouement envers l’autre, les autres), est vue comme fédératrice, les personnes
ayant un intérêt direct permettant d’inspirer les autres. Et si ce sont les valeurs des religions abrahamiques
qui sont le plus mises en avant (amour, paix, égalité, justice), l’organisation a pour but de représenter
l’ensemble de la ville de Londres, et les organisers s’attellent à mobiliser de nouvelles communautés
ethniques et religieuses65.
La “construction de relations” apparaît comme un thème central au sein de London citizens, et
constitue “le processus central des stratégies de mobilisation des organisations. En effet, par l’intermédiaire
des one to one’s (des entretiens en face), les organisers, par la construction d’une relation privilégiée basée
sur l’écoute et la confiance, vont tenter de recruter des good people, qui s’investiront pour l’organisation
ainsi que dans leur institution d’origine. Parmi ces good people, certains deviendront des leaders (des
intermédiaires entre le bureau de Londonc Citizens et leurs institutions d’appartenance), chargés de lancer
et de mener des campagnes. C’est donc “une stratégie de mobilisation en cascade où les leaders décuplent
le travail des organisers”. Dans ce cadre, la “construction de relations” constitue à la fois un moyen de
mobilisation, mais également de fidélisation au mouvement et à l’organisation, et de plus, cela permet
de lutter contre “le Marché et le Gouvernement” à armes égales, par la construction et le développement
d’un réseau.
De même, une importance toute particulière est accordée à la reconnaissance de tous les individus,
et notamment les plus marginalisés, pour tâcher de les mobiliser et de les intégrer à l’organisation. Pour
toutes ces communautés aux intérêts, origines, classes sociales, cultures et niveaux de formation divers
(entre autres), l’objectif est de créer “un espace dans lequel les différentes traditions trouvent ce qu’elles
ont en commun et non ce qui les divisent”, à la recherche d’un consensus entre tous les individus. En ce
sens, les organisers construisent quotidiennement “un bien commun”.
En 2014, ce sont environ 15 000 personnes qui ont pris part à des actions de Citizens UK, sur
l’ensemble du Royaume-Uni, militant pour des sujets tels que le niveau du salaire minimum à Londres,
la régularisation de populations immigrées, et plus généralement dans différentes campagnes visant à
améliorer les conditions de vie dans les différentes villes et quartiers. On peut donc se réjouir d’une telle

63
Hélène Balazard, op. cit.
64
Hélène Balazard, op. cit.
65
Hélène Balazard, op. cit.

42
43

dynamique, qui a priori n’est pas prête de s’essouffler.

3. Un autre dispositif : les budgets participatifs

Un budget participatif suit un double objectif. Tout d’abord, il ambitionne de recueillir des éléments
sur les besoins et les attentes prioritaires des habitants, afin de mettre en place les solutions pertinentes
et adéquates, le tout en utilisant les moyens financiers disponible. Jusque là, peu de différences avec les
formes de participation “classiques” contemporaines, et ce même en France. Mais le budget participatif
va plus loin, car il permet aux habitants de se voir confier la responsabilité de déterminer l’affectation
du budget alloué dans le cadre dispositif, de même qu’un rôle de suivi et de contrôle des actions et des
affectations réalisées.
Si on doit la naissance du budget participatif à la municipalité brésilienne de Porto Alegre en
1989, ce dispositif s’est rapidement essaimé à travers le monde entier, dans des contextes variés et sous
diverses formes. Dans ce cadre, une étude transnationale a été menée sur les budgets participatifs dans
le monde, pour être publiée en décembre 2014. Les auteurs de cette étude commencent par fournir deux
caractéristiques générales du budget participatif :
Premièrement, à l’instar des conseils de quartiers ou d’autres dispositifs de participation citoyenne
traditionnelle (qui réunissent des gens d’un quartier ou d’un secteur défini), le budget participatif permet
une communication “horizontale” des habitants, et donc une vision, des réflexions, qui dépassent la simple
échelle d’un quartier
Ensuite, et à la base, les budgets participatifs offrent la possibilité à tous les citoyens “de participer
à la définition et/ou à l’allocation de fonds publics”.
Mais ces deux caractéristiques ne suffisent pas selon eux pour définir précisément ce qu’est un budget
participatif, tout particulièrement en raison du fait que de multiples expérimentations se revendiquant
des budgets participatifs ont été observées à l’échelle du globe, parfois à tord. Les auteurs ajoutent donc
cinq critères permettant d’identifier, à leurs yeux, un réel budget participatif :
• il implique la discussion des dispositifs financiers ou budgétaires. Toutefois, le processus participatif
concerne la plupart du temps la façon dont un budget limité doit être alloué
• l’échelle d’un seul quartier n’est pas suffisante pour un budget participatif. Il doit impliquer soit
l’échelle de la ville, soit celle d’un autre secteur décentralisé, comportant sa propre assemblée
élue et ses propres compétences administratives et budgétaires
• il doit être pérenne dans le temps, et donc se répéter d’année en année, pour ne pas constituer
un événement unique et ponctuel
• il doit reposer sur n’importe quelle forme de délibération publique, dans le cadre de temps
spécifiques (types forums / rencontres...), et ce même si la délibération dans le cadre d’un
budget participatif n’aboutit pas obligatoirement sur une prise de décision
• il repose sur un minimum de transparence, et des comptes doivent être rendus par les différents
protagonistes. Les organisateurs ont par exemple comme tâche d’informer les participants
sur la mise en oeuvre des propositions, par l’intermédiaire de réunions, ou de documents de
communication
On comprend, vu le foisonnement de projets à travers le monde se réclamant des budgets
participatifs, l’énoncé de ces différents critères par les auteurs, ce qui leur permet d’y voir plus clair
dans leur typologie et leur classification. Néanmoins, plusieurs conseils de quartier, ou autres offres de
participation institutionnelle, agissant sur des secteurs limités et définis, ont pu mettre en place des budgets
participatifs, avec le plus souvent comme résultat un investissement plus important des populations.
On conclura sur le budget participatif en énonçant que ce dispositif a le mérite d’offrir un large panel de
possibilités d’innovations dans la prise de décisions, et que bien souvent, il permet de produire in fine des
projets mieux acceptés et davantage pérennes, tout en renforçant la citoyenneté des habitants participant
au processus.

C. Retours d’expérience au lendemain du PNRU et à la veille du NPNRU

1. La participation dans le cadre du PNRU

Si dans le cadre le lancement du PNRU, la participation des habitants était obligatoire, on peut
reprocher à la loi de n’avoir pas précisément défini les modalités de cette participation, laissant libre
les porteurs de projets (les municipalités) de la mise en oeuvre de la participation dans le cadre des
projets, tant sur les niveaux de participation que sur les contenus et les processus. Partons d’un constat
du sociologue Renaud Epstein, au sujet de la concertation :

Tout se passe en réalité comme si la concertation promue par l’ANRU et développée par les
élus locaux et les bailleurs n’avait qu’un objectif : obtenir le consentement des habitants à
une politique qui prétend améliorer leur situation, mais qui a été définie sans eux et qu’ils
risqueraient de percevoir –parfois non sans raisons– comme tournée contre eux66.

En effet, dans bien des projets de rénovation urbaine (PRU), la participation des habitants s’est
bien souvent limitée à des actions d’information, de consultation ou de concertation, avec des projets
déjà pensés et décidés par les autorités, et dans lesquels les habitants n’avaient que très peu, voire pas
du tout de prise sur les décisions. Néanmoins, on a pu observer dans certains quartiers des initiatives
intéressantes et encourageantes en termes de participation, que ce soit à l’initiative des pouvoirs publics
ou des habitants.

Des exemples remarquables de participation et de mobilisation habitantes

SI la participation dans le cadre du PNRU fait l’objet de nombreuses critiques, il est important de
mentionner certains cas où les habitants ont eu une réelle implication sur les projets.
Commençons notre tour de France dans la ville de Poissy (une commune de l’ouest parisien), et plus

66
Renaud Epstein, ANRU : Mission accomplie ? A quoi sert la rénovation urbaine ?, PUF, pp 43-97, 2012, La ville en débat

44
45

précisément dans le quartier de la Coudraie, qui a fait l’objet d’un PRU. Dans ce petit quartier dégradé,
le projet du maire était simplement de le rayer de la carte, permettant la libération de foncier pour la
construction d’un hôpital et d’un gigantesque centre commercial.
Mais les habitants restants (une grande part des logements étaient devenus vacants au vu des
projets de l’époque) ne voyaient pas les choses du même oeil, et ont commencé à s’organiser, à étudier les
dispositifs ANRU, et ont pu bénéficier de l’aide d’élus de l’opposition de gauche, de l’association du Droit
Au Logement (DAL) ou encore d’étudiants en architecture de l’école de la Vilette afin de réfléchir sur un
projet urbain pour le quartier. C’est ainsi qu’en 2008, après la victoire d’une coalition PS-Modem contre le
maire sortant, que le projet est reparti à zéro mais cette fois-ci “avec” les habitants67.
Les habitants de la Coudraie sont donc les précurseurs d’une nouvelle pratique, alors unique
en France, puisque ces derniers ont été officiellement intégrés au comité de pilotage, en charge des
orientations et des décisions sur le projet. La rénovation du quartier suit actuellement son cours, et si tout
n’est pas réglé, les habitants auront au moins, par leur mobilisation, pu sauver leur quartier, auxquels ils
sont attachés, et s’imposer comme un acteur à part entière dans la prise de décision et les orientations du
PRU, dans ce qu’on pourrait appeler de la co-élaboration de projet.
Plus généralement, on a vu naître au cours du PNRU la “coordination anti-démolitions”, composée
aujourd’hui de différents collectifs d’habitants disséminés sur l’ensemble du territoire français. Cette
émergence est révélatrice de projets de rénovation trop souvent perçus comme imposés aux populations
par les autorités, sans un réel travail “main dans la main”.

Sur le thème de l’empowerment, on peut mentionner dans l’hexagone la naissance et la croissance


de l’Alliance citoyenne grenobloise. S’inspirant des méthodes et de la philosophie du community organizing,
cette organisation, créée en 2010 par trois organisateurs formés à Londres (rappel au London Citizens),
deviendra en 2012 l’Alliance citoyenne grenobloise, la première community organisation française.
Différentes campagnes ont ainsi été menées, sur le niveau de charges dans les HLM, sur l’accueil des
étrangers ou encore concernant les horaires de travail des femmes de ménage.
De la même manière que pour London Citizens, l’Alliance citoyenne grenobloise est indépendante
de la municipalité, et son budget repose sur des dons, ainsi que des financements de partenaires privés
(fondations, associations) mais également publics (avec des financements de la Région Rhône-Alpes).
En lien direct avec la politique de la ville, l’Alliance citoyenne grenobloise a débuté un travail
au sein du quartier Teisseire, avec l’organisation de temps d’échanges, visant à connaître les différentes
difficultés rencontrées par les habitats, mais aussi la mise en place d’un calendrier pour définir les actions
à mettre en oeuvre, et enfin l’élection d’un comité d’organisation permettant d’assurer la coordination
des actions menées par l’Alliance.

Les obstacles à la participation des habitants

L’ORIV, dans le cadre de ses travaux, a identifié trois freins majeurs à la participation des habitants.
Ces freins sont “les dysfonctionnements des structures de participation, la dimension personnelle et la

67
http://www.liberation.fr/evenements-libe/2012/12/06/a-poissy-la-coudraie-cite-rehabilitee_865689
non-reconnaissance sociale”68.
Concernant les dysfonctionnements des structures de participation, il semble important de
mentionner les lacunes dans les moyens d’information et de communication, qu’ils soient écrits ou oraux,
et qui restent à diversifier. Si l’on attend la participation des habitants, ces derniers doivent être en
mesure de savoir ce qu’il se fait, ce qui leur est proposé dans leur territoire de vie. Certains habitants
habitués des dispositifs participatifs font également ressortir le ressenti d’une certaine ingratitude venant
des structures dans lesquelles ont lieu la participation. Et pour ceux qui ne sont pas des habitués de la
participation, les groupes déjà en place dans les instances peuvent constituer un barrage pour leur venue
et leur intégration au dispositif et à la structure. Enfin, la mauvaise image du politique dessert également
la participation. Certains habitants sont en effet découragés de la vie politique, ce qui se traduit dans la
pratique du vote (une abstention qui augmente continuellement), et dans le fait qu’ils ont l’impression que
leurs représentants ne remplissent pas leur fonction d’écoute69.
La dimension personnelle peut être perçue comme un frein à la participation, mais parfois
également comme un atout. Si l’individualisme observé dans nos sociétés contemporaines peut être un des
facteurs explicatifs de la moindre participation, on observe que l’acte de participer répond à différents
objectifs et intérêts, qu’il faut conjuguer avec des contraintes. Comme motivation pour participer, la
défense d’un intérêt personnel, particulier ou matériel peut constituer un élément d’explication. De
même, la recherche d’une place, d’un rôle dans la société, d’une forme d’équilibre personnel, et la
volonté de placer l’intérêt général comme une priorité peuvent également être des clés de compréhension
de l’implication des habitants. Le besoin de pouvoir est aussi parfois cité, ou implicitement déduit des
entretiens avec les citoyens, pour motiver leur démarche. Mais du côté des contraintes qui viennent
contrebalancer ces différentes motivations, le capital temps est un élément primordial. Tous les individus
n’auront évidemment pas les mêmes obligations familiales, professionnelles, ou de mobilité, ce qui fera
forcément varier le degré potentiel de participation. De la même manière, on peut bien comprendre que
dans des situations économiquement ou socialement délicates, lorsque les inquiétudes et les problèmes
font partie intégrante du quotidien, la participation ne constitue plus une priorité70. Et si comme le dit le
proverbe repris dans la note de synthèse de l’ORIV “on ne naît pas bénévole”, la culture de chacun fait
que l’intérêt et à l’attirance pour la participation et ses dispositifs varieront d’un individu à l’autre. Pour
finir, le sentiment d’appartenance au quartier, au territoire de vie, semble ressortir des entretiens et
avoir un certain impact sur l’implication des habitants, ce qui permet de faire ressortir l’importance de la
construction d’une identité collective, d’une mémoire commune permettant une plus grande cohésion et
une plus forte appropriation, à la fois du quartier, mais également des processus participatifs71.
Le troisième obstacle, celui de la non-reconnaissance social, essentiel pour l’ORIV, s’explique par
deux principaux éléments. D’une part, des individus d’un naturel timide, ou “non armés pour s’insérer
dans un groupe”, seront freinés pour s’engager, de même que ceux qui n’ont pas confiance en eux, que
ce soit par crainte de ne pas disposer des compétences linguistiques, intellectuelles, ou d’expression
orale et/ou écrite. D’autre part, certains habitants familiarisés avec la participation remarquent bien

68
Mobilisation de la parole des habitants et Rénovation urbaine, Dossier thématique, ORIV - Novembre 2011
69
Comprendre les obstacles à la participation citoyenne - Contribution à une autre reconnaissance du citoyen, Note synthétique,
ORIV, mars 2005
70
Note synthétique, ORIV, op. cit.
71
Note synthétique, ORIV, op. cit.

46
47

qu’ils sont écoutés, mais ils doutent très fortement d’être entendus. Cette nuance est primordiale, et
rejoint la problématique générale contemporaine qui semble miner le système démocratique français.
Il fat alors se donner les moyens de travailler vers une plus grande reconnaissance de l’individu, de ses
capacités à s’exprimer, à exercer un rôle dans la vie de la communauté, et de lui donner la garantie que
sa participation, son engagement auront d’une manière ou d’une autre une influence sur les décisions
politiques qui seront finalement prises72.

Nous ne reviendrons pas plus en détails sur la limite pointée précédemment par Renaud Epstein, qui va
dans le sens de l’idée qui depuis les débuts de la politique, et dans le cadre des processus de décentralisation,
les offres institutionnelles de participation ont toujours été “verrouillées” ou minutieusement contrôlées
par les pouvoirs municipaux, telles des moyens de légitimation de l’action politique locale.

2. La participation dans le cadre du NPNRU

“Le PNRU 2 sera celui de la participation des habitants” , voici ce qu’on peut régulièrement lire
dans des articles présentant le NPNRU. L’enjeu de la participation étant réaffirmé comme une priorité,
le texte suivant figure par exemple dans un dossier de presse sur la participation des citoyens dans la
politique de la ville

La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 prévoit de


franchir une nouvelle étape supplémentaire avec l’instauration d’une coconstruction de la
politique de la ville “s’appuyant sur la mise en place de conseils citoyens” dans tous les
contrats de ville (article 1er) et la mise en place d’une “maison de projet” pour chaque projet
de renouvellement urbain (article 2). Ces nouveaux lieux de concertation et d’élaboration des
politiques publiques ouverts aux habitants, aux associations et aux acteurs locaux seront les
deux piliers d’une rénovation des pratiques démocratiques dans les quartiers prioritaires de
la politique de la ville.

Alors des questions se posent, resterons nous dans le même type d’approches et de schémas participatifs
que dans les précédents dispositifs de la politique de la ville ? Ou bien les choses vont elles réellement
changer, donnant aux habitants la place qu’ils méritent dans les processus décisionnels ? Dans cette période
charnière de préparation des Contrats de ville et du NPNRU, différents travaux ont été réalisés, visant
à fournir des pistes d’actions et des préconisations aux décideurs, parmi lesquels le rapport Bacqué-
Mechmache, ainsi que la méthode de co-formation par le croisement des savoirs et des pratiques, de l’ONG
ATD Quart-Monde.

Le rapport Bacqué-Mechcmache

On a pu voir précédemment le potentiel et l’intérêt du concept de l’empowerment dans des quartiers

72
Note synthétique, ORIV, op. cit.
sensibles où la crise de la démocratie représentative se fait ressentir bien plus fortement qu’ailleurs, et où
les autorités peinent à construire une action publique adaptée, efficace et pertinente quant à l’ensemble
des problématiques et des besoins des habitants. Et les retours d’expérience, que ce soit aux États-Unis,
en Angleterre, en Allemagne, voire dans différents pays en développement, ont peu à peu fait leur chemin
jusqu’en France, où chercheurs, politiques ou encore professionnels se saisissent de plus en plus de ces
questions et de ces nouveaux modes d’action et de gouvernance.
C’est donc dans ce cadre qu’en janvier 2013, l’ancien ministre délégué à la ville, François Lamy, a
missionné Marie-Hélène Bacqué et Mohammed Mechmache, dirigeant de l’association AC le Feu (association
née en 2005, après les émeutes des banlieues) et fervent militant pour la justice sociale dans les banlieues,
dans l’objectif de travailler sur le thème de la participation citoyenne, propositions à l’appui, pour la
“nouvelle” politique de la ville à mettre en place, notamment dans le cadre des Contrats de ville et du
NPNRU.
Ce rapport, remis le 8 juillet 2013, à été réalisé et construit de manière collaborative, sur la base
d’entretiens et d’échanges multiples avec différents types d’acteurs (associations, élus, professionnels,
chercheurs), et une conférence de citoyens d’une durée de deux jours avait été organisée, toujours dans
l’objectif de recueillir l’avis d’associations ou de collectifs de citoyens.
Ce travail mené vise en effet à aller au delà des dispositifs participatifs existants, à savoir
majoritairement de la communication et la concertation, pour lancer une dynamique d’une transformation
sociale. Il faut évidemment mobiliser la participation institutionnelle et tous ses outils existants, mais cela
n’est pas suffisant, et il faut articuler ces dispositifs avec la participation d’interpellation (demandes et/
ou propositions de citoyens) ainsi que la participation d’initiative (mise en oeuvre de réponses collectives,
principe de solidarité...)73

La coformation par le croisement des savoirs et des pratiques

Dans le cadre de la loi sur la ville et la cohésion urbaine de février 2014, l’ONG ATD Quart-Monde
propose une démarche d’accompagnement à la mise en oeuvre des conseils citoyens, dont la création est
obligatoire au sein des Contrats de ville.
La co-formation par le croisement des savoirs et des pratiques s’inscrit dans cette perspective et en
constitue un des outils. Ce dispositif suit les principes éthiques et pédagogiques énoncés dans la charte du
croisement des savoirs. Ce dispositif vise à une meilleure connaissance mutuelle entre élus, professionnels
de la politique de la ville et personnes issues de milieux plus dévaforisés. Par ce biais, un autre objectif
poursuivi consiste en l’amélioration des pratiques en lien avec la politique de la ville. Selon ATD Quart
monde, “la co-production des savoirs conduit à développer des pistes de réflexions et d’actions novatrices,
afin que tous accèdent aux droits de tous, par la mobilisation de tous.”
Les habitants et dans notre cas des personnes issues de milieux plus pauvres, sont à nouveau reconnues
pour leur expérience et pour leur connaissance de leur environnement, les rendant incontournables pour
tout projet de lutte contre la pauvreté ou d’amélioration des conditions ou du cadre de vie. De plus, de telles
démarches sont généralement garantes d’une plus grande cohésion sociale et de progrès démocratiques et
citoyens.

73
Marie-Hélène Bacqué, Mohammed Mechmache, op. cit.

48
49

III.Le cas strasbourgeois : de l’ensemble des Quartiers prioritaires de


la Politique de la Ville aux exemples des quartiers de Hautepierre et de
Cronenbourg

A. Participation dans le cadre de l’élaboration des PRU de l’agglomération


strasbourgeoise v

1. Les ZUS et les PRU de l’agglomération strasbourgeoise

Les ZUS de la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS)

Figure 3 : Carte de localisation des ZUS de l’agglomération strasbourgeoise (source : http://sig.ville.gouv.fr/)

Au total, la CUS recensait 10 Zones Urbaines Sensibles. On notera d’ailleurs que toutes les ZUS
du département du Bas-Rhin étaient situés au sein du territoire de la CUS, (rebaptisée depuis peu “Euro-
métropole”), et dont 8 “pour tout ou partie dans la seule ville de Strasbourg74. Parmi ces dix ZUS, deux
étaient classées en Zone Franche Urbaine (ZFU), à savoir les quartiers du Neuhof et de Hautepierre

74
Agence de Développement et d’Urbanisme de la région Strasbourgeoise (ADEUS), Observatoire des ZUS - Rapport annuel - Oc-
tobre 2011
En quelques chiffres tirés du rapport annuel de l’observatoire des ZUS75, les ZUS représentaient en 2011 :
• 3 % de la superficie de l’unité urbaine
• 17 % des ménages
• 18 % de la population
• 44 % des ménages de 6 personnes et plus
Les PRU de la CUS

Figure 3 : Carte de localisation des PRU de l’agglomération strasbourgeoise (source :DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)

75
ADEUS, op. cit.

50
51

Parmi ces dix ZUS, cinq ont fait l’objet d’une intervention suite au lancement du PNRU. Ainsi, les
quartiers du Neuhof, de la Meinau-Canardière, de Hautepierre et des Hirondelles (dans la commune de
Lingolsheim, qui fait partie de l’Eurométropole) ont fait l’objet d’un PRU conventionné par l’ANRU, avec
des dates de signature échelonnées dans le temps selon la maturation des différents projets. Aussi, la Cité
Nucléaire, située dans le quartier de Cronenbourg met en oeuvre depuis 2008 un projet urbain d’ensemble,
financé partiellement par l’ANRU au titre d’opérations dîtes « isolées ». Pour ces 5 territoires, on dénombre
un total de 470 opérations programmées pour un montant de 772,1 millions d’euros d’investissements
publics. C’est donc près de 45 000 habitants qui sont touchés par ces interventions. Dans le cadre du PNRU,
l’Eurométropole (ex-communauté urbaine) a mis en place différentes équipes dédiées au pilotage et à la
coordination de la mise en oeuvre des projets de rénovation urbaine des quartiers strasbourgeois (le cas
de Lingolsheim étant différent), il s’agit des directions de projet de rénovation urbaine. Ces directions
sont déconcentrées par rapport au centre administratif, et se localisent au sein des quartiers sur lesquels
elles travaillent. Elles sont par ailleurs rattachées à la Direction de l’Urbanisme, de l’Aménagement et
de l’Habitat (DUAH) de la Communauté Urbaine de Strasbourg. Parmi ces dix ZUS, cinq ont fait l’objet
d’une intervention suite au lancement du PNRU. Ainsi, les quartiers du Neuhof, de la Meinau-Canardière,
de Hautepierre et des Hirondelles (dans la commune de Lingolsheim, qui fait partie de l’Eurométropole)
ont fait l’objet d’un PRU conventionné par l’ANRU, avec des dates de signature échelonnées dans le
temps selon la maturation des différents projets. Aussi, la Cité Nucléaire, située dans le quartier de
Cronenbourg met en oeuvre depuis 2008 un projet urbain d’ensemble, financé partiellement par l’ANRU
au titre d’opérations dîtes « isolées ». Pour ces 5 territoires, on dénombre un total de 470 opérations
programmées pour un montant de 772,1 millions d’euros d’investissements publics. C’est donc près de
45 000 habitants qui sont touchés par ces interventions. Dans le cadre du PNRU, l’Eurométropole (ex-
communauté urbaine) a mis en place différentes équipes dédiées au pilotage et à la coordination de la
mise en oeuvre des projets de rénovation urbaine des quartiers strasbourgeois (le cas de Lingolsheim étant
différent), il s’agit des directions de projet de rénovation urbaine. Ces directions sont déconcentrées par
rapport au centre administratif, et se localisent au sein des quartiers sur lesquels elles travaillent. Elles
sont par ailleurs rattachées à la Direction de l’Urbanisme, de l’Aménagement et de l’Habitat (DUAH) de la
Communauté Urbaine de Strasbourg.

Figure 4 : Schéma d’organisation des PRU (source :DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)
Les directions de PRU sont amenées dans le cadre des PRU à travailler en lien avec d’autres
directions ou services, notamment les directions de proximité sur le territoire, qui se veulent le relais
entre les habitants et les différents services de la collectivité, avec un rôle moteur pour le développement
de la démocratie locale sur le territoire.
Le schéma ci-dessous a été réalisé récemment, car initialement, on comptait deux directions de
projet pour les quartiers voisins du Neuhof et de la Meinau. Mais avec le temps et l’avancée des projets, il
a été possible de regrouper ces deux PRU au sein d’une même direction, assurant le pilotage et le suivi de
la mise en oeuvre des projets.

2. Présentation des PRU

La plus grande partie des informations de cette sous-partie proviennent d’une plaquette générique
de présentation des PRU de l’agglomération strasbourgeoise réalisée au sein de la DUAH76.

Le PRU du Neuhof

Le Neuhof, un quartier du sud-est de Strasbourg, s’organise le long d’un axe nord-sud long de 5 km,
et constitue une mosaïque de quartiers, regroupés en deux grandes entités, à savoir :
• plusieurs cités de logements sociaux au nord, construites en 1950 et 1972
• un faubourg davantage “villageois” situé au sud

Dans les années 1980, le quartier du Neuhof était connu dans l’agglomération strasbourgeoise
comme le quartier présentant les difficultés sociales et urbaines les plus importantes.
Dès lors, des investissements publics massifs ont bénéficié au quartier depuis l’an 2000, avec un
GPV, puis à partir de l’année 2005 avec un projet de rénovation urbaine. La signature de la convention
de rénovation urbaine du Neuhof s’est réalisée le 07 novembre 2005, et constitue le premier PRU de
l’agglomération.
La particularité du projet urbain mis en oeuvre dans le cadre du PRU est qu’il se déploie sur
l’ensemble du quartier, et pas sur le seul périmètre des grands ensembles (même si l’essentiel des
interventions est ciblé sur les cités du nord du quartier). De même, le projet s’est articulé avec l’arrivée
du tramway dans le quartier (pour une mise en service de l’extension en 2007), ainsi que nouvelles voies
est-ouest améliorant sa desserte et contribuant à son désenclavement.
Ce projet, qui est le plus important de l’agglomération, s’est déployé autour de quatre grands
objectifs :
• insérer le quartier dans la dynamique de développement de l’agglomération à partir d’une
nouvelle desserte en tramway et de nouvelles liaisons avec les quartiers voisins
• créer de nouvelles centralités à l’entrée nord et au carrefour Reuss autour du développement
des équipements et des activités économiques et commerciales

76
2004-2014, L’expérience des projets de rénovation urbaine, DUAH, Ville et Eurométropole de Strasnourg, Janvier 2015


52
53

• diversifier et améliorer l’habitat par le renouvellement du patrimoine de logements sociaux


le plus dégradé et le développement d’une offre nouvelle de plus de 1 500 logements privés
• développer les équipements publics de proximité renforçant les services aux habitants et
permettant de développer les initiatives associatives77

Figure 5 : Carte de présentation du PRU du Neuhof (source :DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)

77
http://www.strasbourg.eu/developpement-rayonnement/urbanisme-logement-amenagement/projets-urbains/renovation-ur-
baine/lrenovation-urbaine-neuhof/enjeux-objectifs
On notera qu’en 2009, le projet urbain du Neuhof s’est vu récompensé par le Prix de l’Aménagement
Urbain 2009, dans le cadre du concours national organisé par le groupe “Le Moniteur”.

Le PRU de la Meinau-Canardière

La Meinau est un quartier hétérogène situé au Sud de la ville de Strasbourg, bordé au Nord par le
quartier du Neudorf, à l’Est par le Neuhof et au Sud par la commune d’Illkirch-Graffenstaden. Ce secteur
doit son nom à un espion de Napoléon, Charles-Louis Schulmeister, qui en 1806, lorsqu’il acheta le domaine
de l’Entenfang (actuel parc Schulmeister, avec également la place de la Meinau), le baptisa “Meine Aue”
(Ma prairie).

Figure 6 : Carte de présentation du PRU de la Meinau Canardière (source :DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)

54
55

Située à l’Ouest du quartier, la zone d’activités de la Plaine des Bouchers, accueille aujourd’hui
13 000 emplois. Au Nord-Est se trouve le quartier des villas (IRIS Jean Macé et Pfister), l’un des secteurs
résidentiels les plus recherchés sur Strasbourg pour son caractère paysager.
Au Sud-Est de la Meinau, prend place la Cité de la Canardière (4 400 logements aujourd’hui), l’un
des premiers « Grands Ensembles » construits à Strasbourg, entre 1957 et 1961. Ces constructions ont
changé radicalement la physionomie de la Meinau en lui donnant sa dimension actuelle. Ainsi, plus de
3 200 logements sont construits entre 1957 et 1964, accompagnés de divers équipements. C’est au sein
de ce grand ensemble que s’est déployé le projet urbain du quartier dans le cadre du PNRU, marqué par
différentes différentes difficultés urbaines et socio-économiques. La ZUS de la Meinau-Canardière, était
notamment caractérisée par un maillage urbain incomplet, ainsi que par un potentiel paysager sous-
exploité et une abondance d’espaces libres. De même, le patrimoine bâti, bien qu’il conservait une forte
attractivité du fait des faibles montants des loyers, souffrait de son uniformité et de son obsolescence
technique.
Le projet, dont la convention de rénovation urbaine a été signée le 11 novembre 2006, s’est articulé
sur la Meinau-Canardière selon quatre objectifs :
• désenclaver le quartier et permettre son ouverture sur les espaces verts naturels du parc
Schulmeister et du Rhin Tortu
• recomposer un front urbain bâti avec une offre d’habitat diversifiée
• requalifier et structurer la trame des espaces publics autour de lieux de centralité renforcés
• renforcer l’offre de services et de commerces de proximité autour d’activités existantes
(place de l’Ile de France) ou nouvellement créées (avenue de Normandie/rue Auguste
Brion)78

Le PRU de Hautepierre

Le quartier de Hautepierre, situé à l’ouest de l’agglomération strasbourgeoise, a été pensé à la


fin des années 1960, suivant une organisation de différentes unités de voisinages en mailles, complétées
d’équipements de proximité. On dénombre cinq mailles d’habitation sur le quartier (Brigitte, Catherine,
Eléonore, Jacqueline et Karine), ainsi que la maille Denise, qui accueille le CHU, et la maille Irène sur
laquelle prend place un important centre commercial. Le principe de la séparation des flux a guidé
l’organisation de la desserte du quartier avec des avenues permettant un transit inter-quartiers, des
boulevards assurant la desserte des immeubles, ainsi que des espaces exclusivement piétonniers en coeurs
de mailles.
Ce quartier constitue le plus grand ensemble d’habitat social au sein de l’agglomération
strasbourgeoise, avec environ 4400 logements sociaux (dans des immeubles à taille humaine) pour près de
15 000 habitants (6 % de la population strasbourgeoise). Néanmoins, on observe une certaine mixité sur
le quartier, puisqu’un quart du patrimoine est de statut privé, composé de copropriétés horizontales et
verticales.

78
http://www.strasbourg.eu/developpement-rayonnement/urbanisme-logement-amenagement/projets-urbains/renovation-ur-
baine/renovation-urbaine-meinau/enjeux-et-objectifs-du-pru-de-la-meinau
Figure 7 : Carte de présentation du PRU de Hautepierre (source :DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)

Pensé à l’époque pour remédier aux premiers maux observés sur les grands ensembles, le quartier de
Hautepierre bénéficie de plusieurs atouts, tels qu’une bonne desserte par l’autoroute A351 et le tramway,
ou la présence à proximité du quartier de plusieurs équipements structurants de l’agglomération comme le
CHU, le Zénith, la plaine des Sports ou encore le parc d’activités des Poteries. Un autre atout du quartier
réside dans sa dotation en espaces verts, offrant un cadre agréable aux habitants en coeurs de mailles.
Mais malgré ses atouts, plusieurs difficultés se sont accumulées sur le quartier, et on a pu y observer
une diminution du niveau de vie, un manque d’activités et de commerces de proximité, ainsi qu’une
tendance au “repli sur la maille” des habitants, le tout complété d’un manque de lisibilité entre les
espaces publics et privés, générant d’importants problèmes de gestion.
C’est donc dans ce cadre qu’a été signée le 15 décembre 2009 la convention de rénovation urbaine
du quartier de Hautepierre, avec l’ambition de développer les atouts du quartier tout en cherchant à
corriger ses multiples dysfonctionnements, autour de cinq objectifs :
• créer une distinction entre espaces publics et les espaces de proximité des logements
collectifs
• mettre en valeur les remarquables qualités paysagères de Hautepierre
• améliorer la lisibilité de la desserte automobile et piétonne du quartier et des mailles

56
57

• développer la qualité et diversifier l’habitat (individuel ou collectif, locatif ou accession


à la propriété)
• renforcer la centralité du quartier et son développement économique en ouvrant
Hautepierre sur Cronenbourg et les Poteries79

Parmi les cinq mailles d’habitation de Hautepierre, trois ont fait l’objet d’intervention lors du
PNRU (Karine, Catherine et Jacqueline) et les deux restantes (Brigitte et Eléonore) seront ciblées par le
NPNRU.

Le PRU de Cronenbourg

Figure 8 : Carte de présentation du PRU de Cronenbourg - Cité Nucléaire (source :DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)

79
http://www.strasbourg.eu/developpement-rayonnement/urbanisme-logement-amenagement/projets-urbains/renovation-ur-
baine/renovation-urbaine-hautepierre/enjeux-et-objectifs-du-pru-de-hautepierre
La cité Nucléaire est sortie de terre entre 1962 et 1972, au sein du quartier de Cronenbourg, composé
initialement d’un unique faubourg historique. Cette cité, bordée par les communes d’Oberhausberghen et
de Schiltigheim, connaît depuis sa construction plusieurs difficultés, parmi lesquelles on peut mentionner un
déficit de mixité sociale, une situation géographique périphérique qui la dessert, une offre de commerces
de proximité en déclin, des dysfonctionnements dans certains axes de circulation, des centralités marquées
par une certaine fragilité et pour finir des espaces extérieurs peu exploités et mis en valeur, tant pour
les espaces publics que pour les pieds d’immeubles. Mais bien heureusement, la Cité Nucléaire dispose
de plusieurs atouts, notamment de par sa proximité au centre ville et à plusieurs zones d’activités (CNRS,
Groupama, secteur d’activités du marché gare, espace européen de l’entreprise à Schiltigheim) qui
cumulent près 10 000 emplois réunis, et par son potentiel foncier important.
C’est donc pour répondre à l’ensemble de ces problématiques et enjeux que l’ANRU a accordé
des subventions pour le PRU de Cronenbourg, au titre d’opérations urgentes et d’opérations isolées, mais
ne faisant pas l’objet d’un conventionnement avec l’ANRU comme les autres PRU de l’agglomération. Le
projet s’est construit autour de quatre objectifs :
• améliorer l’accroche du quartier dans la ville avec la création d’une ligne de Bus à Haut
Niveau de Service vers le centre ville et en requalifiant ses entrées
• diversifier et améliorer l’habitat par la réhabilitation du patrimoine de logements sociaux
le plus dégradé et le développement d’une offre nouvelle de logements sociaux et privés
en accession
• maintenir et renforcer la qualité des équipements, des commerces et des activités avec 11
165 m² de locaux commerciaux et d’activités nouvellement créés ou restructurés
• créer un espace urbain harmonieux autour du réaménagement, de l’embellissement des
espaces extérieurs, publics comme privés avec la consolidation et la valorisation du secteur
Einstein comme cœur de quartier, comprenant l’implantation d’un équipement public
hospitalier pour le quartier et la ville80

On notera que par “équipement public hospitalier”, il faut entendre l’EPSAN (Etablissement Public
de Santé d’Alsace du Nord), à savoir un établissement psychiatrique. Nous reviendrons ultérieurement sur
l’importance de cette précision.

Le PRU des Hirondelles à Lingolsheim

La cité des Hirondelles, dans la commune de Lingolsheim (16941 habitants en 2012), située
au sud-ouest de Strasbourg, a fait son apparition dans le paysage lingolsheimois au milieu des années
1970. Elle constituait avant le PRU l’un des secteurs les plus denses d’habitat social de l’agglomération
strasbourgeoise, avec 576 logements répartis sur 5 ha. Le projet urbain s’est également articulé autour de
l’extension d’une ligne de tram, mise en service en 2008. Le PRU des Hirondelles, un petit projet de par sa
superficie, et dont la convention de rénovation urbaine a été signée en 2007, se caractérise et se démarque

80
http://www.strasbourg.eu/developpement-rayonnement/urbanisme-logement-amenagement/projets-urbains/renovation-ur-
baine/le-projet-de-renovation-urbaine-de-cronenbourg/enjeux-et-objectifs-du-pru-de-cronenbourg.

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59

par le fait qu’il a été élaboré à l’échelle de l’ensemble de la commune.


Le projet urbain s’est construit à partir de la démolition, à terme, de 3 tours de la cité (soit 258
logements sur les 576), et suivant deux objectifs :
• créer un lien entre des ensembles urbains disparates (secteur pavillonnaire, équipement,
grand ensemble, parc tertiaire, espace de nature...) à l’aide de nouvelles formes urbaines ;
• à terme, démolir l’ensemble des 8 tours du quartier et redéployer le logement social à
l’échelle de la commune à travers un ensemble d’opérations mixtes et bien insérées dans
le tissu existant81

Figure 8 : Carte de présentation du PRU de Lingolsheim - Hirondelles (source :DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)

81
2004-2014, L’expérience des projets de rénovation urbaine, op. cit.
3. Quelle place pour les habitants dans le cadre des projets ?

Lingolsheim, un exemple à part

Le cas de Lingolsheim est dans une certaine mesure à isoler, étant donné qu’il a été géré “en
direct” par la mairie et les agents de la commune, et non par les services de l’Eurométropole comme dans
les autres PRU.
Si l’élaboration du PRU de Lingolsheim n’a pas fait l’objet d’une association des habitants, le
maire, une fois le feu vert du Comité National d’Engagement (CNE) de l’ANRU obtenu (en décembre 2006),
s’est lancé dans une étape de participation dans le cadre de la mise en oeuvre du projet. Dans ce cadre,
un appel d’offres a été publié pour engager un cabinet de communication. Sur les dix propositions reçues,
une seule ne proposait ni programme et actions détaillées, ni panoplie d’objets de communication, faisant
valoir qu’il était avant tout nécessaire de rencontrer l’équipe municipale et de prendre connaissance du
projet et du contexte et des intentions de la ville avant de proposer quoi que ce soit. Cette posture a
séduit tant le maire que les techniciens, et cette agence a été retenue pour contribuer à l’élaboration de
la démarche. Un grand-messe “d’entrée dans la rénovation urbaine” a ainsi été organisé en février 2007,
où près de 400 personnes étaient présentes, pour être informés sur la rénovation urbaine et sur ce que la
municipalité attendait des habitants dans le cadre de leur association au projet. A la suite de ce temps de
présentation et d’entrée en matière, quatre groupes de travail ont été formalisés et programmés pour une
durée d’environ 6 mois, sur les thèmes suivants :
• social-emploi
• travaux-chantiers
• vie quotidienne-enfance-jeunesse
• logement-relogement

Si les quatre groupes n’ont pas évolué de manière similaire et n’ont pas connu la même pérennité
(par exemple, le groupe sur l’emploi et les activités s’est vite essoufflé, les attentes des habitants étant
différentes de ce qui était proposé par la commune), d’autres, notamment celui lié à l’information sur les
travaux et les chantiers, est encore aujourd’hui en fonctionnement. Par l’intermédiaire de ce groupe de
travail, des “leaders positifs” et “négatifs”, ont pu être cernés parmi les participants, et certains d’entre
eux sont même devenus habitants relais au sein de la ZUS, permettant une circulation d’information “à
double sens” entre la collectivité et les habitants. Sur cette même période, un café débat se tenait en
complément des groupes de travail une fois par mois pour échanger sur le projet.

Cette phase de concertation des habitants s’est close en juillet, avec l’organisation d’un temps
pour présenter la synthèse du travail réalisé avec les habitants, et présenter les éléments précis de
programmation du PRU sur la commune, où cette fois-ci 150 personnes ont été recensées. Cette diminution
peut s’expliquer soit par le fait que les gens ont été rassurés par cette démarche, et / ou qu’ils se
soient peu à peu démobilisés. Mais cette phase de concertation a eu d’autres implications. On relève
en particulier que le centre socio-culturel du quartier a récolté les fruits de la mobilisation citoyenne,
affirmant son rôle de lieu d’échanges sur le quartier. De la même manière, le contact s’étant noué et

60
61

renforcé entre habitants et services de la commune, le pôle infos/services qui existait au sein de la ZUS a
été fermé en voyant que sa fréquentation chutait à vue d’oeil, les habitants préférant désormais se rendre
directement en mairie.

Les PRU du Neuhof et de la Meinau, des exemples à suivre ?

En préalable, il est important de préciser qu’en 2004, lors du lancement du PNRU, personne ne
savait vraiment au sein de la collectivité ce que devait être un projet ANRU, et élus comme techniciens
n’étaient pas intéressées par la question.
Les PRU du Neuhof et de la Meinau, concernant l’élaboration des projets et l’association des
habitants, sont comparables sur plusieurs points. Tout d’abord, les dispositifs précédents de la politique
de la ville, notamment le GPV qui précédait le PRU sur le quartier du Neuhof, ou l’étude sur la Meinau-
Canardière qui avait été réalisée par l’ADEUS pour CUS Habitat, permettaient de disposer d’un diagnostic
solide pour lancer l’élaboration d’un plan guide en interne. Néanmoins, l’expérience engrangée par le GPV
au Neuhof n’avait pas fourni pour autant les éléments d’entrée pour un projet ANRU aux équipes. Et si
l’élaboration des conventions pour les PRU de la Meinau, de Hautepierre et de Cronenbourg était pilotée
par la mission ANRU de la CUS, ce n’était pas le cas pour le Neuhof, en raison du GPV, et c’est la direction
de proximité du quartier qui pilotait l’élaboration du plan guide avant la mise en place des directions de
projet en coeurs de quartiers.
Ainsi, ces plans guides élaborés en interne n’ont également pas été soumis aux habitants, comme
pour le quartier des Hirondelles à Lingolsheim. En revanche, une importante démarche d’information a
été mise en oeuvre, notamment à la Meinau, avec dès novembre 2005 (soit un an avant la signature de
la convention de rénovation urbaine), la mise en place d’un local ouvert au public grâce à un système
de permanence des agents et de l’adjoint de quartier, présentant l’exposition “La Meinau en projets”,
pour donner aux habitants des éléments sur la démarche en cours et sur les transformations à venir sur
le quartier. De plus, la richesse et la mobilisation du tissu associatif du quartier (peu contestataire sur la
Meinau contrairement à d’autres quartiers), en tant que partenaires de la collectivité pour ces démarches,
ont participé à la diffusion de l’information et aux échanges entre les habitants et la collectivité, de même
que le suivi et l’intérêt montré par l’adjoint de quartier de l’époque (Pascal Mangin).
Par la suite, la participation s’est traduite à la fois par de l’information et de la concertation
opérationnelles, notamment dans le cadre des chantiers, mais également par la mise en place d’actions
pédagogiques et de sensibilisation envers les enfants, ainsi que d’autres dispositifs qui seront évoqués par
la suite.
Les forums de la rénovation urbaine organisés sur le Neuhof et la Meinau (deux dans chaque quartier),
élaborés suite à la mise en oeuvre de démarches participatives de terrain (réalisation entre autres de
questionnaires, d’entretiens déambulatoires, de rencontres collectives, de réunions thématiques...), ont
permis de ré-ajuster les PRU, comme par exemple pour le quartier de la Meinau, où suite au premier
forum, le programme de démolitions s’est vu reconfiguré grâce aux revendications des habitants.
Ainsi, la participation des habitants dans le cadre de l’offre participative proposée par la collectivité
a eu des incidences sur les PRU, mais on note de la même manière que pour Lingolsheim, un essoufflement
de la participation sur ces quartiers (en comparant par exemple le nombre de participants entre les deux
forums sur chaque quartier), s’expliquant par une certaine conformité des réalisations et des évolutions du
quartier aux attentes des habitants, et/ou par une difficulté à tenir “sur la durée” les participants dans le
cadre de projets s’échelonnant sur plusieurs années. De la même manière, ces éléments encourageants sur
la participation peuvent être nuancés par les témoignages de certaines associations, qui disent aujourd’hui
n’attendre plus rien de la participation, tant elles ont pu être confrontées à ses limites dans leur rapport
aux dispositifs participatifs.

Hautepierre et Cronenbourg, quelles leçons à tirer ?

Si l’ensemble des plans guides des PRU devaient initialement êtres réalisés en interne, plusieurs
événements sont venus modifier le cours des choses, notamment sur Hautepierre et Cronenbourg.
L’organisation de Hautepierre, son fonctionnement, son dispositif foncier complexe et son important
nombre de copropriétés rendent très compliqués l’élaboration d’un projet urbain satisfaisant. Ce constat
s’est vérifié car en interne, aucun dessin produit ne satisfaisait vraiment. Si les services de la collectivité
n’étaient peut-être pas assez compétents pour élaborer un tel projet, il faut ajouter à cela le fait que
les élus étaient peu mobilisés pour ce quartier. On a donc décidé de recruter un urbaniste conseil, qui a
dessiné un projet au niveau des ambitions attendues, et qui a séduit Fabienne Keller, ancienne maire en
fonction.
Des réunions publiques ont ainsi été organisées dans toutes les mailles, pour présenter le projet
aux habitants. De même, plusieurs temps de rencontre ont eu lieu entre les services de la collectivité et
les copropriétés.
Au niveau de l’élaboration du projet, une grande difficulté sur Hautepierre était que l’actuel adjoint
de quartier, Serge Oehler, à l’époque dans l’opposition, était lui-même résident d’une des copropriétés du
quartier, et avait tout intérêt dans le jeu politique à attiser les contestations dans le cadre du PRU. Et les
élections municipales de 2008 n’ont malheureusement pas arrangé les choses pour le PRU de Hautepierre.
Ce dernier, pour lequel la convention de rénovation urbaine n’avait toujours pas été signée au moment de
l’élection (contrairement aux PRU du Neuhof, de la Meinau et de Lingolsheim), s’est vu encore prendre
du retard en raison du changement d’équipe à la tête de la collectivité (qui est passée de la droite à la
gauche avec la victoire du socialiste Roland Ries). Tout ce qui avait ainsi été appris par les politiques de
l’ancienne équipe aux commandes devait être ré-appris par les socialistes nouvellement en place. De
plus, le projet avait été retoqué par l’ANRU, car selon l’agence, il n’associait pas assez les habitants.
Dans ce contexte, il semble que les habitants aient été davantage instrumentalisés plutôt qu’associés à la
démarche d’élaboration du projet et de son plan guide.

Dans le cas de Cronenbourg, une étude avait également été menée en interne, avec une volonté toute
aussi ambitieuse que sur le quartier de la Meinau. Pour des raisons inconnues par les services, Fabienne
Keller semblait faire preuve d’un intérêt important pour la Cité Nucléiare. Mais pour Cronenbourg, c’est un
autre événement qui a bouleversé le processus d’élaboration du plan guide et le conventionnement avec
l’ANRU. Pendant l’élaboration du projet, des éléments ont fuité et ont été repris par la presse, ce qui a
conduit l’association des locataires du quartier à monter au créneau et à faire part de leur mécontentement.
Cet imprévu a considérablement retardé le projet, qui peu à peu s’est enlisé, en créant d’une certaine

62
63

manière une incapacité de dialogue entre la collectivité et les habitants. Et à nouveau, à la fois Serge
Oehler, mais également d’autres personnalités de l’opposition socialiste de l’époque ont combattu le
projet issue de l’équipe de Fabienne Keller, révélant une fois encore l’importance et l’incidence du jeu et
des stratégies politiques sur les quartiers ouest, plus marqués qu’ailleurs.

Avec toutes ces difficultés initiales, les retards engendrés sur les quartiers ouest et les
dysfonctionnements dans l’association des habitants, voire les conflits initiaux occasionnés par certains
événements, la municipalité socialiste, élue en 2008, a œuvré depuis pour que démocratie participative
et de la participation des habitants soient favorisés et fassent partie des priorités dans l’action politique.

Des initiatives remarquables peuvent ainsi être mentionnées sur les quartiers ouest, avec un appui
de l’ORIV sollicité par la collectivité, à partir de 2008 sur les différents quartiers en rénovation urbaine.
On peut aborder dans un premier temps l’expérimentation des ateliers “Espaces partagés” sur
Hautepierre, suite au forum de la rénovation urbaine tenu en 2008 sur le quartier, et qui a mis en avant
les enjeux identifiés sur les espaces extérieurs, et concernés dans le cadre du PRU, notamment dans
la logique de résidentialisation. Ces ateliers se sont construits dans l’objectif de travailler sur les liens
avec les habitants, en les associant aux étapes de réflexion mais aussi de conception de ces espaces de
passage, où peut se construire le “vivre-ensemble”. Sept ateliers ont ainsi été mis en place, sur les trois
mailles d’habitation concernées par le PRU (Karine, Catherine et Jacqueline), avec l’organisation de trois
temps de réunions sur une temporalité assez courte, intégrant des temps d’échanges en soirée ainsi que
des réunions “in situ” , pour lesquels étaient invités les habitants de chaque secteur, de même que les
membres du conseil de quartier ainsi que des représentants des bailleurs sociaux.
L’ensemble des fruits de ce travail a ensuite été présenté aux services de la collectivité de même
qu’à l’urbaniste / architecte conseil, qui a pu élaborer des propositions en conséquence, faisant l’objet
d’un nouveau temps de travail pour les présenter aux habitants.
Un bilan réalisé par la collectivité a permis suite à cette expérimentation de mettre en avant les
points de bilan suivant :
• implication de personnes ne fréquentant pas les réunions publiques ou le secteur associatif
• échanges entre voisins, parfois pour la première fois
• apport pédagogique des ateliers : pour les habitants (connaître le processus du projet pour
mieux en comprendre les contraintes), pour les maîtres d’ouvrage et d’oeuvre (échanges
directs avec les habitants dans une configuration de co-production)
• taux de participation satisfaisant (15 à 35 personnes par réunion), au regard de l’implication
attendue
• émergence d’habitants relais, personnes ressources (porte-parole...)
• établissement d’une relation de confiance entre les habitants et la collectivité82

On peut également mentionner sur Hautepierre la place laissée aux habitants dans le cadre du
processus de dénomination des nouveaux espaces créés ou de certaines voiries réaménagées, dans lequel
les habitants ont pu voter pour choisir le nom des nouveaux espaces, mais surtout l’ensemble du travail

82
Dossier thématique, ORIV, op. cit.
réalisé par l’association Horizôme, qui oeuvre maintenant depuis plusieurs années sur le quartier, et qui
multiplie les projets d’association des habitants, notamment dans le cadre de chantiers participatifs sur la
maille Eléonore, qui ont globalement été marquées par un franc succès.

Concernant le quartier de Cronenbourg, un travail très intéressant a été mené sur la mémoire des
habitants dont les logements étaient voués à la démolition dans le cadre du projet, sur la base d’entretiens
réalisés avec ces derniers, et donnant lieu à la réalisé d’un livret photo et d’un film présentant une
sélection des différents témoignages, faisant l’objet d’une projection sur le quartier et permettant de
tisser du lien, à la fois entre habitants, mais également entre la collectivité et ces derniers.

Les différents types d’outils et de dispositifs

Comme mentionné précédemment, la municipalité socialiste, avec à sa tête Roland Ries, élue en
2008 et ré-élue en 2014, a souhaité se démarquer de ses prédécesseurs sur le thème de la participation
citoyenne et de l’association des habitants aux politiques publiques. Dans ce cadre, toute une panoplie
d’outils d’information et de communication (il faut entendre par communication “participation et
échanges”) a été déployée, et ce notamment pendant la mise en oeuvre des différents PRU de la ville de
Strasbourg.
Concernant les outils d’information, leur objectif est de transmettre un message, suivant un modèle
de flux “à sens unique”, qui n’attend pas de réponse, d’échanges, de la part du récepteur. Parmi, ces
outils, on peut citer :
• les signalétiques élaborées pour les chantiers
• les journaux de la rénovation urbaine (parus en moyenne tous les six mois dans chaque PRU et
distribués dans les boîtes et au sein des équipements strucurants des quartiers)
• les panneaux d’exposition des projets
• les plaquettes génériques des PRU
• les campagnes d’affichage PRU
• les différentes inaugurations et poses de première pierre
• le site internet de la ville et de la CUS / Eurométropole de Strasbourg
• les communiqués de presse
• l’accueil de délégations et l’organisation de visites des PRU

Les outils de communication diffèrent des outils d’information dans le sens qu’ils visent un public
cible, et que les messages communiqués débouchent sur des réponses, permettant des échanges, ainsi
qu’une participation des habitants, soit dans le temps d’une action ou d’un projet, mais aussi parfois le
temps d’un programme d’action s’inscrivant sur des temporalités plus longues. On peut mentionner six
principaux outils déclinés par la collectivité de participation et d’échanges :
• les concertations in situ, où les services vont à la rencontre des habitants, qui se déplacent pour
l’occasion, ou qui “passent par là”. Elles sont organisées dans un objectif ou sur un thème précis,
et permettent une dynamique d’échanges spontanés.
• les réunions publiques d’information, parmi lesquelles on compte les visites de chantiers, les

64
65

réunions d’information sur les chantiers, les réunions de concertation sur un projet particulier. Dans
ces temps, les habitants, invités, peuvent être simples observateurs, ou au contraire intervenir
et échanger avec les services.
• les ateliers de projet, des réunions où habitants, usagers du quartier et acteurs locaux engagés
peuvent travailler ensemble sur un projet ou un thème précis, en s’inscrivant dans la durée,
nécessitant une implication et une participation active des participants.
• les forums de la rénovation urbaine, organisés sous la forme de séances plénières, d’ateliers
thématiques et de visites sur site, à destination des habitants et des acteurs locaux engagés.
Ces temps forts des PRU offrent des échanges constructifs, permettant de faire le point sur
l’avancement des PRU, de recueillir les besoins et les attentes et de discuter des orientations à
venir. Les personnes présentes deviennent acteur de la participation en décidant de se rendre aux
forums après y avoir été invités.
• les locaux des PRU et leurs permanences, qui proposent aux habitants une sorte de “lieu relais”,
identifié, et dans lesquels on peut venir voir les documents de présentation et d’information sur
les projets, tout en ayant la possibilité de poser des questions plus précises sur tel ou tel point de
précision ou de faire remonter des informations aux agents assurant les permanences.
• la participation à différents événements à l’échelle de l’agglomération telles que les journées de
l’architecture, les journées du patrimoine, ou encore la semaine de l’égalité, permettant de faire
connaître les projets en dehors des strictes limites des quartiers et ainsi participer à une meilleure
intégration de ces derniers à l’ensemble de la ville.

Par ailleurs, on distingue encore 2 familles d’actions, toujours dans le cadre des projets, distinctes
des outils d’information et de communication, mais contribuant à l’appropriation des projets par les
habitants, et donc à leur participation :
• les actions culturelles et artistiques, comme dans le cadre du projet “Trait-d’Union” à la Meinau,
qui a permis de créer des résidences d’artistes pour la réalisation d’expositions éphémères, et ce
dans l’objectif de valoriser des tours vouées à la démolition dans le cadre du projet urbain, tout
en ouvrant le quartier au grand public pendant la tenue de l’exposition.
• les actions sur la mémoire et l’histoire des quartiers, permettant l’expression des habitants sur
leur vécu, sur leur histoire du quartier et sur les éléments fédérateurs.
B. L’association des habitants de l’Eurométropole dans le cadre du Contrat de ville
et du NPNRU :

1. Présentation du Contrat de ville de l’Eurométropole et du NPNRU

Le Contrat de ville de l’Eurométropole

Nouveau dispositif de la politique de la ville, dont les principes et les orientations sont exposés
dans la loi Lamy du 21 février 2014 sur la programmation urbaine et la cohésion sociale, le contrat de ville
fait suite à son prédécesseur, le Contrat urbain de cohésion sociale (CUCS). Le Contrat de ville ambitionne
également de s’articuler au mieux avec les opérations de renouvellement urbain, puisque les projets
élaborés dans le cadre du NPNRU font partie intégrante du Contrat de ville.
Ce contrat unique, qui d’après ses créateurs rénove profondément la politique de la ville, repose
sur trois piliers :
• cohésion sociale
• développement économique et emploi
• cadre de vie et renouvellement urbain

Ce projet de territoire, qui vise à favoriser l’égalité urbaine, s’articule autour de 10 orientations
prioritaires, issues des diagnostics territoriaux, et correspondant à 19 programmes. Parmi eux, 15
programmes thématiques s’articulent autour des champs suivants :
• développement éducatif et culturel
• emploi et développement économique
• rénovation urbaine (protocole de préfiguration puis convention ANRU)
• gestion urbaine de proximité
• Convention Intercomunnale de la Stratégie d’Attribution des logements sociaux (CISA)

Ces 5 champs constitueront les différentes conventions d’applications thématiques du Contrat de


ville.
Aussi, 4 programmes sont transversaux et touchent l’ensemble des problématiques. Il s’agit des programmes
pour :
• l’action avec et pour les jeunes
• la prévention et la lutte contre les discriminations
• l’égalité femme / homme
• l’apprentissage et la maîtrise de la langue française

Une convention cadre définit ainsi le projet de territoire partagé qui fonde le Contrat de ville sur
le territoire de l’Eurométropole de Strasbourg.
Ce nouveau Contrat de ville rassemble 43 partenaires et signataires, parmi lesquels l’État, les
différentes communes concernées, les bailleurs sociaux, les services publics, ou encore la Chambre

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Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire (CRESS), l’Université de Strasbourg et le Tribunal de Grande


Instance (TGI) de Strasbourg.
Avec la réforme de la géographie prioritaire, la définition des QPV s’est réalisée en fonction des
critères énoncés ci-après :
• les QPV doivent appartenir à une unité urbaine de plus de 10 000 habitants
• Leur population doit être au minimum de 1 000 personnes
• le revenu médian par unité de consommation doit être inférieur au seuil fixé pour l’unité urbaine
de Strasbourg (le montant du seuil varie en fonction des unités urbaines)

En fonction de ces critères, 18 QPV ont été définis sur le territoire de l’Eurométropole, répartis sur 5
communes (dont 13 QPV pour la seule commune de Strasbourg). Ainsi, le Contrat de ville comportera 18
conventions d’application territoriale, pour chacun des QPV recensés sur le territoire.
On notera qu’en complément des 18 QPV, quatre quartiers de “veille active” ont été inscrits au Contrat
de ville de l’Eurométropole. Les territoires de “veille active” ont été institués pour les territoires faisant
anciennement l’objet d’une ZUS ou d’un CUCS, mais non retenus avec la réforme de la géographie
prioritaire, pour que sur la base des discussions entre l’État et les collectivités, certains dispositifs puissent
y être maintenus, de même qu’un accompagnement dans le cadre du Contrat de ville, relatif à l’ingénierie
ou à la mobilisation de la solidarité locale.
Pour le résumer en quelques chiffres, le Contrat de ville 2015-2020 de l’Eurométropole de Strasbourg
représente 5 communes, 18 quartiers prioritaires, et 77 000 habitants (soit environ 28 % de la population
de l’Eurométropole). Il se déploiera autour de

Au niveau de la participation des habitants, on verra sur chacun des 18 QPV la création des Conseils
Citoyens, comme énoncé dans la loi du 21 février 2014, dans un objectif de co-construction, tout en
reconnaissant la maîtrise d’usage des habitants et en confortant les dynamiques citoyennes pré-existantes.
A nouveau, chaque commune signataire du Contrat de ville est libre d’organiser à sa guise les dispositifs
participatifs, tant dans leur forme que dans leur niveau de participation.
Une attention particulière sera accordée aux relations avec les associations porteuses de projets
participatifs, à la fois pour leur faciliter les démarches, mais également pour pouvoir évaluer les projets
mis en oeuvre, et le cas échéant, de les réinterroger, par l’intermédiaire de la mise en place de Conventions
Pluriannuelles d’Objectifs (CPO).
De même, un appel à projets sera lancé chaque année par la collectivité, en se basant sur la convention
cadre et les conventions d’application.

Le NPNRU et son intégration au Contrat de ville

Comme mentionné précédemment, les projets entrant dans le cadre du NPNRU font désormais
partie intégrante du Contrat de Ville. Le protocole de préfiguration du NPNRU étant l’une des conventions
d’application thématique du Contrat de ville, son élaboration s’articule donc à l’ensemble de la démarche
d’élaboration du Contrat de ville.
Suite à la publication de la liste des 200 quartiers “prioritaires” qui bénéficieront du NPNRU, le 16
décembre 2014 dernier, et aux négociations dans le cadre de l’élaboration du Contrat de ville et du Contrat
de Plan État-Région (CPER), 7 territoires de l’Eurométropole ont été retenus, dont :
• 3 territoires d’intérêt national : le QPV Neuhof-Meinau, le QPV Hautepierre et le QPV Quartiers
Ouest (à cheval sur les communes de Schiltigheim et de Bischheim
• 4 territoires d’intérêt régional : le QPV Elsau, le QPV Cronenbourg, le QPV Lingoslheim et le QPV
Libermann (dans la commune d’Illkirch-Graffenstaden).

Dans ce cadre, les territoires d’intérêt national feront l’objet de nouveaux PRU, alors que les
territoires d’intérêt régional bénéficieront de Projet de Renouvellement d’Intérêt Régional (PRIR).

Au niveau de la participation des habitants, la spécificité des QPV ANRU est qu’au sein de ces
territoires, une maison de projet devra être mise en place, comme complément du Conseil Citoyen et
visant à rénover les pratiques démocratiques dans ces quartiers prioritaires. A ce jour, les réflexions sont
en cours au sein de la collectivité pour savoir quelle format et quel fonctionnement prendront ces maisons
de projet dans les QPV en question.

Les réorganisations induites au sein de la collectivité

La gouvernance du Contrat de ville doit articuler un pilotage territorial renforcé et un pilotage


global, en lien avec les différents dispositifs associés. Elle doit également intégrer les habitants et les
acteurs locaux par l’intermédiaire des conseils citoyens. Elle doit enfin, définir un dispositif d’observation,
de suivi et d’évaluation du Contrat de ville.
Plusieurs instances sont prévues pour assurer le pilotage de ce dernier :
• un comité de suivi, dans chaque QPV, en lien avec la Direction de projet QPV et le groupe territorial
• un comité de pilotage (COPIL) restreint réunissant les représentants de l’État, de l’Eurométropole,
des communes signataires, du conseil régional, du conseil départemental, de la CAF et de l’AREAL
• un COPIL élargie réunissant l’ensemble des partenaires du Contrat de ville.

Au sein des services de l’Eurométropole, une direction de projet du Contrat de ville a été
constituée, et travaille en lien avec l’équipe projet État-Eurométropole (en activité depuis septembre
2014). Cette direction transversale joue un rôle de “chef d’orchestre”, assurant la coordination des
différentes démarches, étant destinataire des remontées et des interpellations émanant des QPV, et
assurant l’articulation avec les dispositifs de droit commun.

Outre la création de cette direction de projet du Contrat de ville, transversale à tous les QPV, la
création des directions de projet QPV dans chacun des 18 territoires ciblés, est synonyme d’importantes
réorganisations, et ce tout particulièrement dans les territoires ayant fait l’objet d’interventions dans le
cadre du PNRU.
En effet, il a été acté par les élus que pour chaque QPV, le pilotage du Contrat de ville est confié
aux directions de proximité. Les différent-e-s directeur-rice-s de proximité deviennent donc les directeur-
rice-s de QPV. Mais dans le cas des territoires où co-existent des directions de proximité et directions de

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PRU, il est prévu que direction de proximité et direction de PRU fusionnent, pour former une direction de
QPV unique.
Dans le cas des quartiers sud (Neuhof et Meinau), on a pu voir dans un premier temps qu’au fil
des projets, les directions de PRU ont été fusionnées et constituent aujourd’hui une direction de PRU
unique pour ces quartiers. Mais par ailleurs, le directeur des PRU, s’est vu confier les tâches de l’ancienne
directrice de proximité des quartiers sud, en raison de sa mutation dans un autre service. Cet exemple des
quartiers sud doit guider la réorganisation des équipes pour les quartiers Ouest (Hautepierre, Cronenbourg
et peut-être une intégration de l’Elsau).
Dans ce cadre, il a été décidé de rattacher les différents agents des directions de proximité (une
quarantaine d’agents au total), qui faisaient partie de la DDLP, à la DUAH. En effet, le Contrat de ville
étant transversal dans ses programmes et dans les champs qu’il approche, il apparaît pertinent la décision
de constituer une direction de projet unique par QPV. Ainsi, des interrogations se posent quant à certains
découpages territoriaux, dans le cas par exemple où les territoires des QPV ne correspondent pas à
l’ensemble des territoires anciennement couverts par les démocraties de proximité, ou quant à savoir si
le quartier de l’Elsau doit être ou non intégré dans une direction des QPV de l’Ouest comprenant déjà les
quartiers de Hautepierre et de la Cité Nucléaire à Cronenbourg.

2. La participation des habitants dans le cadre de l’élaboration des conventions


d’application territoriale du Contrat de ville et du du protocole de préfiguration pour
le NPNRU

Contextualisation de la mission

Les éléments de contexte présentés ci-dessous proviennent d’une note réalisée en interne réalisée
par Élise Dietrich, en charge de la coordination transversale des PRU au sein de la DUAH83
La Ville de Strasbourg a engagé à partir d’avril 2014 une démarche participative, visant à associer
les habitants et des forces vives des QPV, dans le cadre de l’élaboration des conventions d’application
territoriale du Contrat de ville sur les 13 QPV strasbourgeois, ainsi que du protocole de préfiguration ANRU
pour 5 de ces 13 QPV.
Ainsi, cette première étape menée par la Ville de Strasbourg sur la participation des habitants et
des acteurs locaux engagés au Contrat de ville s’inscrit dans la démarche globale participative énoncée
dans le Contrat de ville, se déclinant en trois temporalités :
• une participation en amont du projet : consolidation des diagnostics ; élaboration des programmes
d’action ; définition des indicateurs de suivi
• une participation pendant la mise en oeuvre du projet, afin d’en suivre l’avancement
• une participation à l’évaluation du projet : contribution à l’analyse des résultats, des impacts, au
suivi des indicateurs, et une contribution aux réorientations si nécessaires

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Ville et Eurométropole de Strasbourg, Proposition de déroulé des Forums “Contrat de ville et renouvellement urbain” prévus
sur les 4 QPV ANRU de Strasbourg (Neuhof-Meinau, Hautepierre, Cronenbourg et Elsau) dans le cadre de la première étape du de
la démarche de concertation du Contrat de ville, Note, Mai 2015
Cette première étape s’articule avec d’autres démarches en cours au sein de la collectivité, à
savoir :
• l’expérimentation vidéo “Participation au Contrat de ville” qui s’est déroulée de fin 2014 à avril
2015, sur les cinq quartiers strasbourgeois ciblés par quatre QPV dans le cadre du NPNRU (Neuhof-
Meinau), Hautepierre, Cronenbourg et Elsau)
• le renouvellement des Conseils de quartier dans tous les quartiers strasbourgeois et la préfiguration
des Conseils Citoyens dans les 13 QPV de la commune.
• la démarche “aller vers” menée par la Direction de la Démocratie Locale et de la Proximité (DDLP),
dont l’objectif est d’informer et de mobiliser les habitants au sujet des instances participatives
proposées par la Ville de Strasbourg.

Les objectifs de ce premier temps voué à la participation des habitants au Contrat de ville sont
divers :
• associer les habitants et les acteurs locaux engagés à l’élaboration des projets de territoire sur
l’ensemble des thématiques du Contrat de ville (cohésion sociale, emploi et développement
économique, renouvellement urbain et cadre de vie)
• consolider et enrichir les diagnostics réalisés sur les territoires (cahiers de quartier, feuilles de
route territoriales, objectifs prioritaires) par le biais d’une démarche “d’écoute préalable”, visant
à recueillir les besoins, les attentes, mais aussi les usages et les pratiques des habitants
• informer habitants et acteurs locaux engagés sur l’engagement d’une démarche participative sur
l’ensemble de la durée et des temporalités du Contrat de ville
• associer les différents partenaires signataires du Contrat de ville à la démarche
• montrer aux habitants la présence de la collectivité sur le terrain ainsi que sa capacité d’écoute
• travailler sur une démarche et des outils dans l’idée d’un recueil plus large et au plus près des
habitants, en sortant des formats “classiques” pour aller chercher le plus grand nombre d’habitants,
et notamment les “éloignés de la participation”

Dans le cadre de cette démarche, les cinq quartiers strasbourgeois ciblés par quatre QPV ANRU font
l’objet d’une concertation renforcée et spécifique sur les thématiques du logement, des aménagements
urbains, du cadre de vie, et ce dans l’optique des projets qui y seront déployés dans le cadre du NPNRU.
De plus, dans les sites ayant déjà bénéficié d’un PRU (Neuhof, Meinau, Hautepierre et Cronenbourg),
cette première étape offre aussi la possibilité de dresser un bilan des évolutions et des transformations à
l’oeuvre depuis bientôt dix ans pour certains quartiers.
Il a donc été décidé, à la suite de plusieurs temps de travail en interne à la collectivité et à la
validation des principes par les élus de référence (Adjoint au Maire à la Rénovation Urbaine, Adjointe au
maire à la Démocratie Locale et adjoints de quartiers), de décliner pour cette stratégie de concertation
plusieurs formats d’échanges, visant à la fois les habitants / usagers des QPV mais également les acteurs
locaux engagés de ces quartiers, sur lesquels nous reviendrons ultérieurement.
Pour les autres communes de l’Eurométropole accueillant des QPV, on notera que chaque maire est
maître dans la définition et les arbitrages relatifs aux modalités de la participation.

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Organisation et méthodologie

Au vu des réorganisations de la collectivité liées à la mise en oeuvre et au pilotage des Contrats


de ville, ainsi que l’ensemble des directions et des démarches articulées au sein de cette stratégie de
concertation, une des difficultés de l’exercice a été de mettre en musique tous ces agents, tous ces
objectifs et tous ces services, afin de construire une démarche transversale, pertinente, et répondant à
l’ensemble des attentes et des objectifs énoncés.
Il est important de noter que cette démarche, élaborée notamment au sein des directions de PRU et avec
les personnes transversales aux PRU (chargée de mission pour la coordination transversale des PRU et
chargée de communication de la DUAH), a associé étroitement les directions de proximité concernées ainsi
que la mission démocratie locale (MDL) de la DDLP, tant dans les réflexions que dans la mise en oeuvre de
cette première étape. On notera que les services de l’État (par le biais des délégué-e-s du préfet et des
agents de la DDT ont également été associés à l’ensemble de cette première étape de participation.
Les réflexions ont d’abord débuté en interne dans chaque direction. Au niveau de la DUAH, l’ensemble des
chef-fe-s de projet renouvellement urbain en charge du volet humain des PRU se sont réunis à plusieurs
reprises, avec la chargée de communication de la DUAH et la chargée de la coordination transversale
des PRU. C’est ainsi en se basant sur l’expérience engrangée dans les différents PRU, et au travers de la
palette des dispositifs participatifs déjà mis en oeuvre que s’est construit cette démarche.
Ensuite, de nombreuses réunions entre les directions (DUAH et DDLP) ont permis peu à peu de confronter
les objectifs, et d’articuler au mieux ces derniers ainsi que les idées pour mener à bien cette première
étape de participation du Contrat de ville.
Chaque direction ayant pris avec les années ses habitudes de travail, et possédant des expériences
à plusieurs niveaux, il est parfois ressorti au sein des réunions le décalage entre les pratiques, les idées,
et les méthodologies respectives des équipes quant à cette démarche de concertation. Il fallait de même
conjuguer les objectifs des différentes directions, ce qui n’était pas forcément chose aisée.
Si l’objectif principal des directions de PRU était de faire le bilan sur les évolutions et les
transformations du quartier suite au PNRU, tout en consolidant le diagnostic établi et en recueillant les
besoins et les attentes des habitants dans le cadre de l’élaboration du protocole de préfiguration pour le
NPNRU, les objectifs de la DDLP (mission démocratie locale + directions de proximité) étaient autres :
• tout d’abord, au niveau des Conseils de quartier, la démarche “aller vers”, pilotée par la DDLP,
visait à informer les habitants au sujet des programmes de travail partagés élaborés jusqu’au mois
de mars dans les différents conseils, ainsi qu’à recruter de nouveaux membres pour les groupes de
travail thématiques, qui ont été créés entre mai et juin. On notera que c’est un des groupes de
travail thématique qui doit préfigurer le Conseil citoyen au sein des Conseils de quartier.
• concernant le Contrat de ville, cette démarche visait à partager et à consolider avec les habitants
et les acteurs locaux engagés les cahiers de quartier réalisés de septembre 2014 à février 2015
dans chacun des QPV de l’Eurométropole.

En résumé, une des craintes des agents était qu’au sein d’une démarche participative unique
et transversale, trop d’objectifs se confrontent, avec le risque de “perdre” son interlocuteur en route
(habitant ou acteur local engagé). Car idéalement, dans les sites qui nous intéressent (les QPV concernés
par le PRNU et le NPNRU), il fallait avec les habitants dresser un bilan sur la rénovation urbaine passée,
recueillir des pistes d’action en vue du NPNRU, leur parler du renouvellement des Conseils de quartier pour
tenter de les recruter dans un des groupes thématiques, et enfin tâcher d’aborder avec eux l’ensemble
des champs du contrat de ville (entre autres emploi / développement éco / santé / éducation / sécurité /
activités et loisirs / services...).
Finalement, le parti pris a été de décliner, au sein des QPV ANRU, plusieurs formats d’échanges, en
ciblant séparément habitants et acteurs locaux engagés (pour que les acteurs locaux, davantage habitués
à l’exercice, ne “masquent” pas la parole des habitants. Le recours a plusieurs format se justifie dans
l’objectif de permettre l’expression la plus large possible dans le cadre de cette démarche. On dénombre
alors quatre dispositifs distincts :
• des concertations in situ (sur invitations ou impromptues)
• une balade urbaine
• un Atelier territorial de partenaires (ou un Comité de projet selon les quartiers)
• un Forum Contrat de ville et NPNRU

On notera que pour optimiser la visibilité de la démarche, un communiqué de presse a été réalisé
afin d’informer plus largement les strasbourgeois, et donc les habitants des QPV sur les actions en cours.

Mise en oeuvre de la stratégie de participation

Pour mettre en oeuvre cette première étape de participation des habitants au Contrat de ville,
une fois les principes et les formats validés, il s’agissait ensuite de décliner pour chaque QPV chacun
des dispositifs, et de faire valider la démarche par l’adjoint de quartier. Une note a été réalisée pour
les quartiers Ouest (Hautepierre et Cronenbourg) à l’attention de Monsieur Serge Oehler, déclinant les
différents formats et dispositifs de participation sur les quartiers, tout en informant l’élu des temps où sa
présence était recquise (il n’est pas facile de composer avec les emplois du temps des élus, d’autant plus
quand ils cumulent plusieurs fonctions). Les schémas présentés ci-dessous déclinent ainsi cette première
étape pour les quartiers de Hautepierre et de Cronenbourg.

Les différents formats seront explicités en détails ci-après, à l’exception de la réunion technique du
quartier de Hautepierre prévue avec le CHU. En effet, l’organisation de cette réunion est propre au quartier
de Hautepierre, en raison de la présence du centre hospitalier universitaire, d’ailleurs actuellement en
plein travaux d’extension. Il apparait dans ce cadre obligatoire de faire le point avec les gestionnaires
de cet équipement d’agglomération, sur leurs besoins, leurs attentes, et sur les problématiques qui
peuvent découler de la présence du CHU (notamment celle du stationnement des visiteurs sur les mailles
d’habitation).

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Figure 9 : Schéma de présentation et de déclinaison de la stratégie de participation sur le quartier de Hautepierre

(source :DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)


Figure 10 : Schéma de présentation et de déclinaison de la stratégie de participation sur le quartier de Cronenbourg

(source :DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)

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L’ATP Politique de la ville

L’ATP politique de la ville s’est réalisé dans les cinq quartiers qui feront l’objet d’un projet dans le
cadre du NPNRU sous la forme d’une réunion à destinations des acteurs locaux engagés. En amont du temps
d’échange avec ces différents acteurs, la dernière version en date du cahier de quartier pour chaque QPV
leur avait été transmise par mail, comme pièce jointe à l’invitation officielle, en leur demandant d’en
prendre connaissance préalablement à la réunion.
L’objectif principal de cet ATP était donc de passer en revue les différents objectifs prioritaires énoncés
dans le cahier de quartier, afin d’en vérifier leur pertinence, et si besoin, de les modifier ou de les enrichir.
Et si un temps de travail était prévu par quartier, dans bien des cas le temps n’a pas paru suffisant, tant
aux acteurs qu’aux agents de la collectivité pour passer en revue de manière satisfaisante l’ensemble des
problématiques et des objectifs prioritaires du cahier de quartier. Suite à ce constat, il a été décidé de
réorganiser à partir de septembre prochain un nouvel ATP Politique de la ville dans les différents quartiers.
On peut aussi mentionner le fait que de rassembler les différents partenaires des quartiers en un même
lieu a permis à la collectivité d’informer les acteurs sur les autres formats de concertation en cours sur les
quartiers et sur le recrutement pour les groupes thématiques des conseils de quartier, visant quant à eux
directement les habitants, afin que les acteurs locaux engagés puissent relayer l’information aux habitants
qu’ils côtoient, et constituer ainsi un canal de communication et d’information supplémentaires pour les
démarches en cours.
Et si dans la plupart des quartiers les élus n’étaient pas présents au sein de ces temps de travail, les
quartiers de la Meinau et du Neuhof constituent l’exception à la règle, ayant profité de la tenue d’autres
événements pour réaliser ce travail avec les acteurs locaux engagés, mais cette fois-ci en présence des
élus.

Les balades urbaines

Les balades urbaines s’inscrivent dans un processus de diagnostic partagé “en marchant”, auquel
sont conviés les habitants prioritairement, mais également les acteurs locaux engagés, afin de pouvoir
échanger directement avec les participants sur les transformations, les évolutions du quartier, tout en
suivant un parcours prédéfini. Elles sont réalisées en présence des élus, avec a minima la présence de
l’adjoint de quartier.
Le format des balades urbaines est d’ailleurs similaire à celui des visites de chantiers qui ont été
réalisées tout au long de la mise en oeuvre du PNRU sur les différents quartiers ciblés. Néanmoins, la
plupart des chantiers étant aujourd’hui terminés, il semblait important de modifier la dénomination de
ces actions, car l’objectif des balades urbaines était à la fois de faire le bilan sur les transformations des
quartiers, mais également de consolider et d’enrichir le diagnostic, et de recueillir des éléments sur les
besoins et les attentes des habitants pour le NPNRU.
Dans ce cadre, il a été décidé d’organiser une balade urbaine pour chacun des cinq sites. Mais
l’exception est cette fois venue du quartier de Hautepierre, en raison de son organisation urbaine. En effet,
le découpage en mailles du quartier, conjugué au fait que seules trois des cinq mailles d’habitation du
quartier ont fait l’objet d’une intervention dans le cadre du PNRU, a conduit l’adjoint de quartier, Monsieur
Serge Oehler, a décidé de l’organisation d’une balade urbaine dans chacune des mailles d’habitation.
Ainsi, les balades urbaines des mailles Karine, Catherine et Jacqueline étaient destinées à faire le bilan
du PNRU, et celles des mailles Brigitte et Eléonore à consolider et à enrichir le diagnostic sur les besoins
et les attentes pour la formalisation du NPNRU sur ces deux mailles. L’autre particularité sur Hautepierre
a été que contrairement aux autres quartiers, les balades urbaines ont été programmées chacune des
vendredis de 16h à 18h, alors que “traditionnellement” les dispositifs de ce type se sont toujours déroulés
les samedis matins.
Ainsi, la direction du PRU de Hautepierre et Cronenbourg avait en charge la proposition d’un
parcours pour chacune des 6 balades urbaines, qui était ensuite partagé avec les différents partenaires en
interne, avec CUS Habitat (le principal bailleur social strasbourgeois) et les autres bailleurs concernés en
fonction des secteurs, puis validé par l’adjoint de quartier.
Au niveau de la communication, un mail récapitulatif avec toutes les dates des balades urbaines
avait été adressé aux acteurs locaux engagés, et des affiches A3 ont été placardées dans toutes les entrées
d’immeubles en fonction des secteurs. De même, pour les personnes résidant en logement individuel,
l’invitation a cette fois-ci pris la forme d’une affiche A5 distribuée dans les boîtes aux lettres.
Pendant les balades urbaines, plusieurs agents de la direction du PRU et de la direction de proximité
étaient présents, se répartissant les rôles entre la prise de notes, les réponses aux questions techniques,
et enfin la gestion du parcours et du temps. On notera que les balades étaient animées par l’adjoint de
quartier.

Figure 11 : Aperçu d’une des 5 balades urbaines du quartier de Hautepierre (source :Philippe Schalck - DUAH / Ville et

Eurométropole de Strasbourg)

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Les concertations in situ

En complément des balades urbaines, et cette fois-ci en l’absence des élus, plusieurs temps de
présence des équipes de la mission démocratie locale, des directions de proximité et des directions de
projet de rénovation urbaine ont été programmés sur des sites à enjeux du NPNRU dans les quatre QPV
ANRU. L’expérience ayant montré que la tenue de stands de concertation en pieds d’immeubles et en coeur
de quartier permettait de capter un large public, et d’y mener des échanges intéressants et constructifs,
le recours à ce format dans déclinaison de la stratégie participative s’est avéré assez naturel.
Ces concertations ont été réalisées soit “sur invitation” (en affichant une affiche A3 pour chaque
temps de présence dans les halls d’immeubles concernés et en distribuant des flyers A5 dans les boîtes
aux lettres des logements individuels), soit de manière “impromptue”, en se greffant aux manifestations
et aux évènements rythmant la vie de quartier, et garantissant la présence d’un nombre important
d’habitants (sorties d’écoles, marchés hebdomadaires, fêtes de quartier...). Dans ce cadre, un travail
d’identification des évènements (pour les concertations impromptues) et des lieux les plus pertinents (pour
les concertations sur invitation) a été effectué entre les chef-fe-s de projet volet humain des PRU et les
chargé-e-s de mission de quartier des directions de proximité, permettant l’élaboration d’un “programme”
des concertations à mener sur chaque QPV.
Ce dispositif, à la différence des balades urbaines, nécessitait une préparation et une logistique
bien plus importante. Tout d’abord, si les thèmes à aborder lors des échanges étaient connus de tous les
agents, se posait néanmoins la question des modalités de recueil de la parole habitante. Après une étape
de réflexions et d’échanges, il a été proposé (puis validé) de recueillir la parole des habitants par le biais
de post-it, permettant de noter “à chaud” les éléments recueillis. Et afin d’éviter de mettre mal à l’aise
et de décourager des habitants ayant des difficultés rédactionnelles, il était convenu que les agents de la
collectivité aient la tâche de remplir les post-it (excepté dans le cas où les participants souhaitaient replir
les post-it eux-mêmes) , facilitant également par là le travail de relecture et de reprise des post-it.
Une fois le principe des post-it acté, il fallait trouver un support, à la fois pour communiquer sur notre
présence, mais également pour pouvoir y faire figurer les différents post-it recueillis pendant les temps
de présence des agents. Dans le cadre d’un marché passé avec la société de communication Publicis, la
chargée de communication de la DUAH a pu monter avec Publicis un projet de diptyque, comme présenté
ci-après.
Figure 12 : Aperçu du projet de dyptique (recto-verso) pour Hautepierre (source : Agence Publicis pour la DUAH / Ville et

Eurométropole de Strasbourg)

Un diptyque a ainsi été réalisé par QPV. D’une hauteur d’environ 1,80 m, cette structure, divisée
en 3 panneaux et pliable s’organisait de la manière suivante :
sur le recto intitulé “Regard sur les transformations” pour chaque QPV, figurait différentes photos
représentatives des évolutions et des transformations du quartier, ainsi qu’un espace (le panneau central)
réservé aux post-it destinés à dresser le bilan du PNRU, et répartis selon “ce qui rassemble” ou “ce qui
fait débat”. Les photos étaient regroupées autour de quatre axes, à savoir “Renforcer la vie de quartier”,
“Développer la qualité de l’habitat”, “Construire en lien avec la nature” et “Attirer les entreprises et
créer de l’emploi”, permettant de lancer les échanges autour de ces thématiques. Néanmoins, il était
attendu que les autres champs du Contrat de ville puissent également être abordés (entre autres santé,
éducation, discriminations...)
le verso, intitulé “Quel projet pour mon quartier ?”, était quant à lui réservé à accueillir les post-it visant
à consolider et enrichir le diagnostic dans le cadre de l’élaboration du protocole de préfiguration NPNRU,
répartis de la même manière entre “ce qui rassemble” et “ce qui fait débat”.

En complément du diptyque, les équipes disposaient d’une tonnelle (3m sur 3m, disponible en cas
de besoin selon les conditions météorologiques), ainsi que d’une table et quatre chaises, permettant aux
habitants intéressés de venir s’asseoir pour échanger. A chaque concertation in situ, au moins un agent de
la direction du PRU et de la direction de proximité étaient présents, avec parfois un agent de la mission
démocratie locale, en fonction des calendriers et des programmes respectifs des équipes.

78
79

Figures 13 et 14 : Aperçu des concertations in situ sur Cronenbourg et Hautepierre(source : DUAH / Ville et

Eurométropole de Strasbourg)

L’idée était au cours de ces temps de présence de laisser libre court à la parole des habitants, en
les orientant si besoin pour qu’ils s’expriment sur tel ou tel sujet. Des plans ou des photos aériennes du
quartier étaient généralement disponibles pour proposer un autre outil, un autre support de “visualisation”
du quartier, et permettant dans certains de localiser précisément certains phénomènes pointés par les
habitants.
Le stand était sensé interpeller les habitants, être visible de loin pour attirer et susciter la discussion,
mais il était également possible pour les agents d’aller chercher les habitants à proximité, et soit de les
ramener jusqu’au stand, soit de remplir directement les post-it pour ensuite les déposer sur le diptyque.

Pour le quartier de Hautepierre, qui a fait exception en organisant cinq balades urbaines (sur les 5
mailles d’habitat), les concertations in situ n’ont été programmées que sur les mailles Brigitte et Eléonore,
étant donné que ce sont ces dernières qui bénéficieront, et à juste titre, des interventions dans le cadre
du NPNRU.

Le forum Contrat de ville et rénovation urbaine

Suite à l’expérience engrangée par la collectivité avec la tenue de sept forums de la rénovation
urbaine depuis 2008, et pour clôturer cette première étape de participation des habitants au Contrat de
ville 2015-2020, il a été décidé d’organiser 5 forums “Contrat de ville et rénovation urbaine”, pour les
quatre QPV inscrits au NPNRU. Pour l’élaboration et la mise en oeuvre des forums, la collectivité a fait
appel au soutien de l’ORIV, dans le cadre de son accompagnement de la collectivité pour l’élaboration du
Contrat de ville, qui tout en étant force de propositions et d’expérience dans les domaines de la politique
de la ville et de la participation, a mobilisé des moyens humains, tant pour les réunions préparatoires que
pour l’organisation et l’animation de ces événements.
Ces forums ont donc pour objectif, sous la forme d’ateliers, de synthétiser l’ensemble des éléments
recueillis au cours de cette première étape sur l’ensemble des champs du Contrat de ville, dont la rénovation
urbaine, et de la clore par un “temps fort” de la concertation, permettant de mobiliser en un temps unique
et commun habitants, acteurs locaux engagés et signataires du Contrat de ville et de dresser les premières
pistes d’actions en vue de la mise en oeuvre prochaine du NPNRU sur les QPV ANRU.
Au vu de ces éléments de contexte, et après avoir en interne analysé les expériences passées de
forums de la rénovation urbaine, il a été proposé puis validé de faire évoluer le format et le fonctionnement
à l’oeuvre jusqu’alors dans ces événements. Ces modifications apportées s’articulent autour des cinq
objectifs suivants84 :
• proposer un format plus “spontané” afin de favoriser la prise de parole et l’expression des
participants, en sortant du format “institutionnel”, plus familier des associations au détriment
des personnes manquant de confiance en eux ou éprouvant plus que d’autres la barrière de la
langue
• rester, dans la mesure du possible, dans l’esprit des concertations en pied d’immeubles, qui
permet de bonnes interactions avec les participants
• animer les ateliers de façon dynamique, en ne laissant pas les animateurs dans la situation de
“juge et partie”, mais en y associant des spécialistes thématiques au sein des ateliers, permettant
de relancer les échanges et d’apporter des éléments de réponse ou de contexte.
• attirer le plus grand nombre d’habitants et de participants, notamment par la visibilité de
l’événement, tout en permettant de le rejoindre pendant son déroulement
• réduire la durée du forum en le programmant sur une demie-journée, et non sur une journée
complète, comme cela avait été fait dans les précédents forums (on perdait certains participants
lors de la pause méridienne).

C’est donc entre la mi-juin et début juillet 2015 que se sont déroulés les trois premiers forums,
dans l’ordre au Neuhof (20 juin), à la Meinau (27 juin) puis à Hautepierre (04 juillet). Chaque forum s’est
ainsi tenu un samedi matin, de 09h à 13h30, avec un temps convivial en clôture des événements. Les
forums pour les quartiers de Cronenbourg et de l’Elsau se tiendront quant à eux à l’automne prochain.
Un autre principe validé était que les forums se déroulent dans des espaces ouverts, et idéalement en
extérieur (tout en se gardant des solutions de repli en intérieur en cas de météo défavorable), afin d’en
augmenter la visibilité et garantir ainsi une participation plus grande.

Pour tenter de sortir des formats jugés trop “institutionnels” pouvant être perçus comme un
frein à la participation du plus grand nombre, l’organisation des ateliers a été réalisée suivant l’idée de
“déambulation”, dans l’objectif d’une participation plus libre et d’une expression plus directe.
Ces forums ont été organisés sous la forme de world cafés. Une définition générale du world café
pourrait être la suivante :

Importé des Etats-unis, le world café est une méthodologie de discussion entre acteurs
permettant, en intelligence collective, de faire émerger d’un groupe des propositions concrètes
et partagées par tous85.

84
Ville et Eurométropole de Strasbourg, Proposition de déroulé des Forums “Contrat de ville et renouvellement urbain” prévus
sur les 4 QPV ANRU de Strasbourg, op. cit.

85
http://www.pratiques-collaboratives.net/World-Cafe-une-presentation-du-comment-faire.html

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81

En fonction des cahiers de quartier, des feuilles de route territoriales et des éléments recueillis au cours de
l’ATP Politique de la ville, des balades urbaines et des concertations in situ, 6 ateliers thématiques étaient
ainsi proposés aux participants :
• « Habitat et aménagement urbain »
• « Gestion quotidienne et cadre de vie »
• « Jeunesse, Animation et Vivre-ensemble »
• « Services aux habitants »
• « Insertion et développement économique »
• « Information et participation citoyenne »

Le temps étant limité avec le nouveau format retenu, il a été décidé que les participants auraient
à choisir trois des six ateliers en fonction de leur sensibilité et de leurs priorités, en piochant parmi des
étiquettes de trois couleurs (pour les trois temps) au nom des six ateliers.

Figure 15 : Aperçu des étiquettes utilisées pour les Forums (source : DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)

Ainsi, trois roulements de 30 minutes ont été prévus, avec cinq minutes de battement prévues
entre chaque “temps d’échanges”. Deux agents de la collectivité étaient mobilisés pour gérer l’accueil
des participants, et chargés de veiller au nombre de participants dans chaque atelier et dans chaque
roulement. Ainsi, si un atelier était “surchargé” au premier roulement, ces agents avaient la mission
d’enlever les étiquettes restantes pour cet atelier, et d’encourager les autres personnes intéressées à le
choisir dans le deuxième ou le troisième roulement. Ce système de régulation en direct a été la meilleure
solution trouvée pour tâcher d’obtenir une répartition homogène des participants entre les ateliers et les
différents roulements.

Pour chaque atelier, une relecture des post-it des concertations in situ et une reprise des notes des
balades urbaines et de l’ATP Politique de la ville ont permis pour chaque thématique de sélectionner des
paroles d’habitants ou d’acteurs. Il était bien entendu convenu de sélectionner dans un premier temps
les thèmes, les problématiques qui revenaient le plus souvent, puis dans un second temps des citations
pouvant susciter le débat.
Figure 16 : Aperçu du déroulé du Forum (source : DUAH / Ville et Eurométropole de Strasbourg)

L’animation étant réalisée par des agents de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, assistées des
personnes ressources, il s’agissait lors du premier roulement de relire avec les participants les post-it
sélectionnés, et de s’en servir comme base pour les échanges au cours de premier atelier. Comme dans les
concertations in situ, l’animateur était en charge de retranscrire la parole des habitants ou acteurs locaux
engagés sur des post-it, collés sur un deuxième panneau. Ensuite, on reprenait avec le second groupe ce
qui s’était dit dans le premier, permettant d’éviter les redîtes et d’aller à chaque fois un peu plus loin dans
la formalisation de pistes d’actions. Et suivant le code couleur des roulements, chaque animateur disposait
de trois crayons, permettant de distinguer les éléments recueillis dans les différents roulements, et donc
de voir l’évolution des échanges et des réflexions.

Suite aux trois roulements, pendant un peu plus d’une demi-heure, les participants étaient libres de
déambuler entre les différents ateliers pour voir ce qui s’y était dit, notamment dans les ateliers auxquels
ils n’avaient pas participé. Chaque animateur avait pendant ce temps de déambulation comme mission de
préparer une petite synthèse (1 à 2 minutes) de ce qui était ressorti de son atelier, pour le présenter dans
le cadre du temps de clôture, à la manière d’une plénière avec le “mot de la fin” des élus, avant d’inviter
les participants à partager un moment convivial autour d’un verre de l’amitié et d’un petit buffet.

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C. Bilan et préconisations

1. Quelles leçons tirer de cette démarche participative ?

L’élaboration et la mise en oeuvre de cette démarche participative dans le cadre de la première


étape du Contrat de ville ont fait nettement ressortir le besoin de continuer cette dynamique d’échanges
avec les habitants et les acteurs locaux engagés. Si un des objectifs de la collectivité était de montrer
sa présence, et sa capacité d’écoute des besoins et des attentes des habitants, plusieurs de ces derniers
se sont interrogés sur le pourquoi de cette présence. En effet, il n’était pas question de présenter un
projet, de le soumettre à l’avis et aux remarques des habitants, mais uniquement de venir consolider les
diagnostics établis par les équipes, en vue de la formalisation des projets à venir. Il est donc essentiel de
poursuivre sur cette lancée, d’autant plus que la loi Lamy met l’accent sur la nécessaire co-construction
des projets avec les habitants.

Une réussite en demi-teinte

Si sur le papier, et après tout le travail préparatoire effectué par les équipes, la démarche paraissait
structurée, pertinente et adaptée aux différents QPV ANRU, les retours des équipes, et les évaluations, à
la fois quantitatives mais également qualitatives, peuvent laisser perplexe quant à sa réussite effective.
Prenons par exemple le cas des balades urbaines. Si pour les quartiers du Neuhof et de la
Meinau, on a dénombré respectivement 35 et 20 participants, les chiffres ont été bien plus inquiétants
pour Hautepierre, avec ses cinq balades urbaines. Dans une balade notamment, un seul habitant a suivi
l’ensemble du parcours, et la seule valeur ajoutée a été apportée par la discussion avec quelques personnes
rencontrées le long du parcours. Et dans toutes les balades sans exception, les agents de la collectivité,
les personnes représentant les bailleurs sociaux et certains membres d’associations étaient plus nombreux
que les habitants du quartier, pourtant premières cibles de ces dispositifs. On peut donc s’interroger sur
le “retour d’investissement” de ces balades urbaines, étant donné le temps d’élaboration, d’organisation
et de mobilisation des agents pour des résultats aussi maigres. Et pour Hautepierre, le simple fait d’avoir
décidé de réaliser ces balades le vendredi après-midi (de 16h à 18h) plutôt que le samedi matin ne semble
pas suffisant pour expliquer ces résultats. Néanmoins, des éléments sont ressortis de ces balades, tant pour
corriger des aménagements réalisés dans le cadre du PNRU que pour affiner les diagnostics sur les secteurs
à enjeux qui bénéficieront du NPNRU.
La plus grande déception des équipes est venue de la faible participation des habitants aux forums
Contrat de ville et rénovation urbaine sur les quartiers du Neuhof, de la Meinau et de Hautepierre, alors
que ces événements devaient constituer les temps forts et la clôture de la démarche. A nouveau, les agents
de la collectivité, des bailleurs, et les acteurs locaux engagés étaient dans chaque cas plus nombreux que
les habitants, qui étaient environ ne dizaine dans chaque forum. Et si il avait été acté que les différents
forums se tiendraient en extérieur pour en améliorer leur visibilité, les conditions météorologiques en
ont décidé autrement. Les fortes pluies, voire l’orage (pour le Neuhof et la Meinau) et la canicule (pour
Hautepierre) ont contraint les équipes à opter pour la solution de repli en intérieur, ne conservant qu’un
stand d’accueil des participants en extérieur. Pour le cas de Hautepierre, le forum, qui s’est tenu le 04
juillet, a cumulé différents freins à la participation des habitants. Tout d’abord, celui-ci s’est déroulé
pendant le ramadan, et peu de gens pratiquant le jeûne étaient prêts à venir participer à un tel événement
dès 9h le matin. Ensuite, il s’est tenu après le début des vacances scolaires, ce qui n’a bien entendu pas
arrangé les choses, du fait que plusieurs familles du quartier étaient déjà parties en vacances. Et pour
couronner le tout, il se superposait avec le marché hebdomadaire de Hautepierre, qui attire nombre
d’habitants du quartier. Mais à nouveau, ces contraintes ne suffisent peut-être pas à expliquer cet “échec”
en demi-teinte (car même si peu de personnes ont participé, les échanges ont été riches et constructifs),
et des éléments plus profonds, comme l’impression que ce qui est recueilli ne sert à rien, et que l’avis
des habitants n’est finalement pas pris en compte dans les décisions finales, peuvent constituer d’autres
éléments d’explication de ces résultats.
Aussi, il apparaît que malgré les objectifs et les ambitions affichées, la collectivité n’est
malheureusement pas parvenue à aller chercher les éloignés de la participation dans le cadre de cette
démarche. Lorsque cela a été le cas, ce fut dans le cadre des concertations in situ ou des balades urbaines,
qui permettaient d’aller à la rencontre de certains habitants (on pense notamment aux jeunes), même
quand ces derniers ne venaient pas naturellement pour échanger. Mais même avec ce point positif, cela ne
suffit pas, et on a bien pu voir que lors des forums, on retrouvait “les habitués” de la participation, ce qui
amène la collectivité à ré-interroger ses méthodes pour parvenir à toucher un public plus large.
Mais pour conclure, et bien heureusement, des points positifs sont ressortis de cette démarche.
Beaucoup d’habitants ont fait part de leur satisfaction de voir à nouveau que les équipes de la collectivité
étaient présentes pour échanger et pour recueillir ce que les gens avaient à leur dire de positif ou de négatif,
et de nombreux éléments intéressants ont été apportés. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’actuellement,
les services sont entrain de mettre à jour les cahiers de quartier réalisés pour chaque QPV, afin d’y
apporter les modifications ou les réorientations issues de ces temps d’échange. Par ailleurs, habitants et
acteurs locaux engagés ont permis de faire émerger plusieurs pistes d’actions, tant pour le Contrat de ville
que pour le NPNRU.

Conseils citoyens, maisons de projet, des notions encore floues ?

Si cette démarche participative ne constitue que la première étape de la participation des habitants
au Contrat de ville, se pose maintenant la question des conseils citoyens (à créer dans chaque QPV) et
des maisons de projet (pour les QPV ANRU), que ce soit dans leur émergence ou dans leur mise en oeuvre.
Et à nouveau, comme cela avait été pointé dans le cadre du PNRU, les recommandations de l’État sont
pour l’instant assez floues, laissant aux collectivités une importante autonomie dans la formalisation de
ces dispositifs. Concernant la ville de Strasbourg, les conseils citoyens devraient prendre forme à partir
d’un des groupes thématiques des actuels conseils de quartier. Mais si les choses se passent de la sorte,
doit-on réellement s’attendre à une évolution de la participation, et à un public cible plus large, alors que
ce dispositif s’intègre à quelque chose de pré-existant ? Il conviendra d’être attentif à la façon dont vont
émerger les Conseils citoyens, de même qu’à leur composition et à leur fonctionnement, afin de tirer les
premières leçons de cette déclinaison de la loi Lamy dans les QPV.
Quant aux maisons de projet pour les QPV ANRU, le flou est encore plus important. Vu l’ambition

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85

de “rénovation des pratiques démocratiques” affichée dans les textes de lois et les communiqués émanant
du ministère, les recommandations et les exigences de l’État semblent encore aujourd’hui très faibles, et
suscitent des doutes et des craintes au niveau des résultats attendus. La ville de Strasbourg est actuellement
en pleine réflexion sur cette question, et à nouveau, le suivi et l’évaluation de la mise en oeuvre de ce
dispositif apparaît comme un élément essentiel pour garantir une réelle co-construction des projets avec
habitants et acteurs locaux engagés.

2. Analyse des résultats

La contrainte temps : un obstacle de taille

Pour une telle démarche participative, et avec une telle diversité de dispositifs, les quelques trois mois
passés sur le terrain au contact des habitants et des acteurs locaux engagés ont semblé bien insuffisants.
Mais les contraintes calendaires étaient multiples. En effet, la collectivité devait s’adapter au calendrier
fixé par l’élaboration du Contrat de ville ainsi que du protocole de préfiguration du NPNRU, ce qui laissait
très peu de temps pour la mise en œuvre de cette démarche. Et si les services ont fait preuve d’efficacité
pour se coordonner, s’organiser et décliner cette stratégie sur les différents QPV ANRU, il apparaît que
pour la participation des habitants, le calendrier ne devrait pas être une contrainte majeure. On peut
s’en rendre compte en étant en contact des habitants, il faut du temps pour apprendre à se connaître,
pour établir une relation de confiance, et pour approfondir petit à petit les échanges. Les thématiques de
l’urbanisme ne parlent en effet pas de la même manière à tout le monde, et certains habitants, par leur
formation ou leurs lacunes dans la pratique de la langue française peuvent se sentir illégitimes à venir
s’exprimer et donner leur avis. Mais cela ne devrait pas être un frein, d’autant plus si l’on souhaite toucher
les éloignés de la participation, et il convient de se laisser le temps de construire et d’établir des relations
d’échanges et de travail de qualité aux habitants, leur permettant de voir que peu importe leur niveau
d’études ou de français, ils ont des choses à apporter par leur expertise d’usage, leur appropriation et leur
connaissance du quartier.
L’autre difficulté de taille, à mettre en parallèle des contraintes imposées par l’Etat dans
le cadre du Contrat de ville et du NPNRU, est celle de l’agenda des élus, en particulier pour les dispositifs
où leur présence était requise (balades urbaines et forums Contrat de ville et rénovation urbaine). On
peut déjà s’en rendre compte au sein même de la collectivité pour l’organisation d’une réunion, tant il
est difficile de trouver un créneau où un ou plusieurs élus sont disponibles, en raison de leurs impératifs,
de leurs contraintes multiples, voire parfois de leurs autres fonctions qu’ils cumulent. Ainsi, l’ensemble
des dates des balades urbaines et des forums ont été calés en fonction de l’agenda des élus (Adjoint au
maire à la rénovation urbaine, adjoints de quartier et président de CUS Habitat, le principal bailleur social
strasbourgeois). C’est pourquoi les trois forums ont eu lieu pendant la période du ramadan, et parfois
même (pour le cas de Hautepierre) pendant les vacances scolaires. Et si on peut comprendre les multiples
contraintes des élus, il peut être difficile d’admettre que celles-ci puissent à ce point avoir une influence
sur la programmation d’une démarche participative, dans laquelle l’objectif est de toucher un maximum
de personnes.
Enfin, il existe un décalage entre le temps des projets et le « temps des habitants », qui lui
se veut beaucoup plus concret et pragmatique. C’est dans ce cadre que certains habitants ne comprenaient
pas réellement le sens de la présence des agents de la collectivité sur le terrain, alors qu’ils n’avaient
aucun projet ni aucun élément de programme à présenter et à débattre. Cela rejoint le constant du
manque de temps pointé précédemment. En effet, il aurait fallu plus de temps pour expliquer les raisons
de cette démarche participative, pour établir des liens avec des habitants, et permettre in fine une plus
grande mobilisation.

La question de la communication

En raison du manque de mobilisation et du faible nombre de participants aux différents dispositifs,


la collectivité s’est également interrogée suite aux retours des équipes et de certains acteurs locaux
engagés sur sa stratégie de communication dans le cadre de cette démarche.
Tout d’abord, pour cette démarche, une nouvelle charte graphique a été élaborée pour les
documents de communication, posant question quant à un éventuel « brouillage » des esprits, notamment
par rapport aux campagnes d’information et de communication précédentes. On peut en effet penser
qu’il aurait peut-être été préférable de conserver une continuité au niveau de la charte graphique, de
sorte à remémorer aux habitants les campagnes précédentes, et donc les thèmes qui y étaient abordés.
Mais d’un autre côté, la politique de la ville et les choses évoluent avec le Contrat de ville, dans lequel le
NPNRU ne constitue qu’un volet, et en ce sens il était judicieux de marquer la rupture avec les campagnes
précédentes, pour marquer le lancement d’une nouvelle période, de nouveaux dispositifs, et pourquoi pas
de nouvelles pratiques participatives. C’est par exemple dans ce cadre qu’il a été finalement décidé que les
forums auraient la dénomination “Contrat de ville et rénovation urbaine” et non juste “Contrat de ville”,
en raison des craintes que le Contrat est pour l’instant complètement inconnu aux habitants, alors qu’ils
entendent maintenant parler de la rénovation urbaine depuis plusieurs années. Mais ce choix sémantique
n’aura malheureusement pas permis d’attirer nombre d’habitants comme les équipes l’auraient souhaité.
Sur les modalités de la communication, des questions se posent encore aux services. Vu les faibles
fréquentations aux balades urbaines et au forum, ainsi que d’après certains retours d’habitants ou d’acteurs
associatifs, il semble que la plupart des gens ne prêtent plus d’attention aux affiches placardées dans les
entrées d’immeubles. Et pourtant, le mode d’invitation retenu dans le cadre de cette démarche, que
ce soit pour les concertations in situ, les balades urbaines ou le forum a été l’affichage dans les entrées
d’immeubles. La société qui était d’ailleurs en charge de l’affichage remplissait très bien ses fonctions,
puisque deux campagnes d’affichage étaient réalisées, l’une environ dix jours avant l’évènement, et la
seconde trois ou quatre jours avant (parfois les affiches sont arrachées). Mais même avec cette précaution
supplémentaire, on semble avoir atteint les limites de ce mode d’invitation. Est-ce qu’une invitation
par une distribution de flyers dans toutes les boîtes aux lettres aurait été plus efficace ? Rien n’est
moins sûr, puisque dans un cas ou dans l’autre, on se confronte aux difficultés que peuvent rencontrer
certains habitants dans la compréhension de la langue française, un obstacle de taille pour leur éventuelle
participation aux dispositifs proposés par la collectivité.
Idéalement, il aurait nécessité de dégager des moyens humains pour pouvoir faire du porte-à-porte
dans chaque immeuble, et prendre le temps d’expliquer en quelques minutes aux habitants de quoi il en

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retournait, en quoi leur présence et leur participation était importante, et de leur laisser finalement un
petit flyer en rappel. Mais on rejoint dans ce cas là la contrainte du temps exposée précédemment. Les
délais étant déjà trop serrés pour mener l’ensemble de la démarche, il était simplement hors de question
d’envisager de mener des actions d’information et de mobilisation sur la démarche en porte-à-porte à
destination de plusieurs milliers d’habitants.

La multiplication des démarches et des discours

On a pu voir les ambitions et les évolutions qu’apportent le Contrat de ville au sein de la manière
de penser et de mettre en oeuvre la politique de la ville en France. Et si cette réforme conduit à des
réorganisations au sein même de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, elle peut également
nécessiter un temps d’adaptation pour les habitants qui s’intéressaient à la rénovation urbaine dans le
cadre du PNRU, et qui vont devoir, tout comme les agents de la collectivité, s’habituer au Contrat de ville
et à son contenu.
Ainsi, pendant la mise en oeuvre de cette démarche participative, et tout particulièrement dans
le cadre des concertations in situ, étaient parfois présents des agents de la direction du PRU (pour faire le
bilan du PNRU et recueillir les attentes et besoins dans le cadre du NPNRU), de la direction de proximité
(pour consolider les cahiers de quartier, transversaux à l’image du Contrat de ville) et de la mission
démocratie locale (pour recruter des habitants dans les conseils de quartier). On peut aisément imaginer
parfois la superposition des discours auprès de l’habitant, qui peut risquer de “se perdre” au milieu de
tous ces messages et de tous ces objectifs variés. Dans ce cadre, il aurait été souhaitable d’organiser
préalablement des temps d’information et d’échange avec les habitants pour présenter la démarche
Contrat de ville, ses tenants et aboutissants, et par la même occasion offrir aux habitants une première
opportunité de se saisir de l’objet “Contrat de ville” et de toutes les thématiques qu’il recouvre. Mais à
nouveau, les contraintes calendaires n’ont pas permis un tel travail préalable.

3. Préconisations

Une nécessaire reconfiguration des modes de gouvernance de la politique de la ville

L’étude d’exemples de processus participatifs à l’échelle internationale a permis de mettre en


lumière les points de blocage pour une transposition de ces dispositifs à l’échelle française, et ce pour la plus
grande partie en raison des modes de gouvernance et du système administratif et décisionnel hexagonal. Si
à la base notre système politique repose sur un État central et des logiques descendantes (top down), les
différentes vagues de décentralisation ont eu pour conséquences de renforcer les pouvoirs municipaux et
locaux, malheureusement au grand dam des habitants. Les logisitiques institutionnelles et administratives,
mais également les préconisations et dispositions minimalistes de la loi Lamy concernant l’association des
habitants sont pour l’instant les plus grands obstacles à l’idéal de co-production revendiqué et constitué
comme objectif des nouveaux Contrats de ville.
Au lieu de se retrouver dans une situation où l’élaboration des contrats de ville serait un exercice
remontant (bottom up), reflétant les contextes différenciés et les dynamiques d’acteurs de chaque
territoire, à nouveau, le Contrat de ville apparait comme une nouvelle “usine à gaz” concoctée par l’État,
et déclinée localement, de manière très formelle et très standardisée.
Et malgré le nombre important de travaux universitaires sur l’état de la participation dans le cadre de la
politique de la ville, malgré les innombrables rencontres associant chercheurs et professionnels sur cette
question, l’ensemble des agents des collectivités en charge de la politique a la nette impression de se
retrouver aujourd’hui “au pied du mur”.
En effet, on se retrouve confronté à un paradoxe de taille pour mener à bien cette “révolution des
pratiques démocratiques dans les quartiers”. Comment faire pour associer les habitants alors que l’État
pousse les collectivités et exerce une forte pression pour que les Contrats de ville soient signés au plus
vite ? Si pour certains, le calendrier a été conçu “à l’envers”, d’autres, plus optimistes, voient dans ce
contexte une opportunité laissée à chaque collectivité pour réfléchir sur l’élaboration et la mise en oeuvre
des conseils citoyens et des maisons de projet, comme véritable garants de la co-production des projets
avec les habitants et les acteurs locaux engagés dans le cadre des Contrats de ville.

La question des moyens donnés à la participation, un enjeu crucial

Une participation plus poussée des habitants dans le cadre du Contrat de ville n’est pas envisageable
sans une réelle volonté politique, et sans des moyens appropriés pour mener à bien cet objectif de
démocratisation de la politique, dans un contexte de crise de confiance, voire de défiance envers les
institutions dans les quartiers populaires.
Il est tout d’abord nécessaire, au sein même de la collectivité, les moyens nécessaires de développer
la participation, et ce plus particulièrement si l’on souhaite mobiliser les éloignés ou les insensibles de
l’offre participative institutionnelle traditionnelle. Cela doit se traduire à la fois dans les moyens humains,
afin de pouvoir mobiliser les agents pour développer les interactions et les liens avec les habitants, dans
une plus grande proximité, et non au coup par coup, comme cela peut être reproché aux dispositifs
actuels, mais des dispositifs plus pérennes, marquant une continuité plus prononcée.
Un travail important doit également être réalisé vis-à-vis de l’offre participative institutionnelle.
Les écrits et témoignages ne manquent pas pour dénoncer les lacunes et les limites de cette offre, il
convient donc de la faire évoluer favorablement, pour que chaque habitant puisse se reconnaître et se
mobiliser, peut-être dans un plus large panel de dispositifs ? Et si il faut prendre garde à ne pas « noyer »
et perdre en route les habitants dans une liste sans fin de dispositifs, il apparait néanmoins assez clair que
l’offre actuelle ne permet que l’expression et la participation d’un nombre bien trop restreint de citoyens.
Les conseils citoyens et les maisons de projet doivent aller dans ce sens, mais le flou qui les entoure ainsi
que l’expérience passée suscitent toujours des craintes, et rappellent l’importance de leur suivi et de
leur évaluation, que ce soit du côté de la collectivité, mais aussi (et surtout) du côté des habitants et des
acteurs locaux engagés.
De même, il convient de se reposer davantage sur les expérimentations participatives réalisées à
l’initiative de collectifs d’habitants ou d’associations, de les promouvoir, et surtout de les fédérer au sein
des territoires. Cela permettrait de favoriser des projets transversaux au détriment d’initiatives isolées (et
donc moins efficaces, moins visibles), ainsi qu’une meilleure articulation, et in fine un plus grand champ

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d’actions et un plus grand nombre de bénéficiaires.


Si les moyens financiers peuvent également être pointés comme levier pour améliorer la
démocratie participative dans les quartiers, cela n’apparait pas comme la plus grande priorité, d’autant
plus en cette période de réduction drastique de la plupart des budgets des collectivités. L’expérience et
les témoignages recueillis au cours de la mise en œuvre de cette démarche participative semblent montrer
qu’il ne faut pas nécessairement des budgets mirobolants pour perfectionner les dispositifs, et que le
problème de fond se situe ailleurs.
En effet, la question de temps revient à nouveau au cœur du débat, et en ce sens, elle peut
rejoindre la question des moyens financiers si l’on se fie au célèbre adage « le temps, c’est de l’argent ».
Mais le temps, en dehors d’une valeur quantifiable et monétaire, c’est avant tout un élément primordial
pour (r)établir une relation de confiance entre les institutions et les habitants. C’est également un pré-
requis pour construire des dispositifs pérennes, pour toucher et mobiliser un public plus large, et pour
travailler davantage sur la pédagogie ainsi que sur l’inter-compréhension. C’est enfin avec du temps que
l’on pourra pousser les réflexions sur les projets avec les habitants et les acteurs locaux, permettant
l’élaboration de projets plus adaptés, d’une plus grande pérennité, ayant pour conséquence des coûts
de gestion et d’entretien plus faibles. Finalement, en prenant le temps, ne pourrait-on pas gagner de
l’argent ?

Donner l’opportunité aux habitants de développer leur pouvoir d’agir

Pour reprendre les termes du rapport Bacqué-Mechmache sur la citoyenneté et le pouvoir d’agir
dans les quartiers populaires, l’enjeu principal de toutes ces réflexions, de tous ces travaux et de toutes ces
revendications est de dépasser la simple participation institutionnelle, en offrant la possibilité aux habitants
d’exercer leur citoyenneté dans une participation d’interpellation et une participation d’initiative.
Il convient dans ce cadre d’inverser le rapport de force qui existe et qui régie les relations entre
les institutions et les habitants, au bénéfice de ces derniers, en s’inspirant notamment des exemples
à l’international, porteurs de nombreux enseignements. Ainsi, un recours plus accru aux méthodes du
community organizing, dans la veine de l’empowerment, apparait comme une piste à privilégier. On
pourrait pousser la réflexion plus loin, et en suivant le modèle allemand, faire évoluer le métier de chef
de projet renouvellement urbain ou politique de la ville vers un profil de poste s’approchant davantage
du rôle de « community builder », pour reprendre une intervention de Thomas Kirzsbaum86 dans le cadre
d’une réunion de plus de 300 professionnels de la politique de la ville à Saint-Ouen, en novembre dernier.
Parallèlement, le besoin de co-formation, de co-production et de co-évaluation entre collectivité,
habitants et acteurs locaux engagés, semble un autre garant d’une participation plus effective, et non
« biaisée » comme cela est parfois pointé. L’enjeu est donc de répondre de manière pragmatique et
opérationnelle à ces injonctions, en créant les structures adéquates et pertinentes, le tout dans une
représentation équilibrée entre les différents acteurs de la politique de la ville (habitants en tête). Dans
ce contexte, des travaux existent déjà, comme la méthode proposée par l’ONG ATD Quart-Monde sur la
co-formation par le croisement des savoirs et des pratiques, et il serait bénéfique d’approfondir ce travail,

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Hugo Soutra, La « participation des habitants », révélateur des paradoxes de la politique de la ville, Article paru dans Actu
prévention sécurité, Novembre 2014
mais surtout de le démocratiser et de le répandre dans l’ensemble des QPV.
Les budgets participatifs, concept qui a maintenant parcouru le monde entier, semble également
trop peu répandu en France, et tout particulièrement dans les quartiers populaires. Avec des ressources
significatives, et une réelle force de proposition et d’action, dans des conditions globalement plus
transparentes, ces dispositifs devraient logiquement susciter une plus grande mobilisation des habitants,
et une plus importante prise de conscience sur leur expertise ou leur maîtrise d’usage, en leur conférant
la place qu’ils méritent vraiment dans le cadre de ces projets.
Et enfin, on ne le rappellera jamais assez, il faut continuer à encourager les associations, car celles-
ci se substituent parfois à la collectivité pour le développement de la participation (comme cela a pu être
le cas sur le quartier de Hautepierre avec l’association Horizôme à certaines périodes), et constituent par
ailleurs de véritables relais sur le terrain, et d’importants viviers d’initiatives et de projets au bénéfice des
quartiers, de la participation et de la citoyenneté.

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91

Conclusion

Il est pour l’instant difficile et il serait présomptueux de se prononcer sur la manière dont se déclinera
la participation des habitants dans le cadre des Contrats de ville, étant donné que ceux-ci viennent pour la
plupart d’être signés. Et si beaucoup sont d’ores et déjà sceptiques quant à cette “révolution des pratiques
démocratiques dans les quartiers” prônée à l’époque par François Lamy, les futurs conseils citoyens et
maisons de projet laissent aux collectivités l’opportunité de travailler sur une nouvelle forme d’offre
participative institutionnelle, donnant aux citoyens/ habitants / usagers des QPV leur juste place dans le
jeu d’acteurs et le processus décisionnnel dans la politique de la ville, à savoir celle de bénéficiaires des
projets, mais surtout d’experts d’usage des quartiers, de personnes ressources ayant toute légitimité à
être associés aux différentes phases des projets, depuis leur élaboration jusqu’à leur évaluation.
S’il est encore trop tôt pour parler de reconfiguration des rapports entre habitants et pouvoirs
publics, les choses semblent évoluer dans le bon sens, tant dans la littérature que dans les textes de lois ou
dans les discours des professionnels et des élus. Quoi qu’il en soit, il est aujourd’hui avéré qu’en associant
les habitants à une décision, on garantie des projets plus pertinents, mieux adaptés, davantage appropriés
et donc plus pérennes.
On a pu voir que depuis la naissance des grands ensembles d’après guerre, et presque 40 ans après
les opérations HVS sous Valéry Giscard-d’Estaing, tous les gouvernements qui se sont succédés ont apporté
leur pierre à l’édifice de la politique de la ville, mais la question en suspend est de savoir quand s’arrêtera ce
chantier, qui porte atteinte aux fondements même de notre République, apparemment jusqu’ici incapable
de mettre en place les conditions d’une réelle égalité des territoires, et donc des citoyens.
Et si l’injonction participative est énoncée depuis de nombreuses décennies dans les différents
textes de lois ou dispositifs de la politique de la ville, celle-ci s’est dans la plupart des cas résumée à de
l’information, de la consultation voire de la concertation, mais sans réelle co-décision ou co-élaboration
des projets avec les habitants et acteurs locaux engagés, suivant une logique traditionnelle descendante,
puis quelque peu confisquée par les pouvoirs locaux, au sein d’un Etat français central en quête de
décentralisation. La participation est ainsi devenue une notion fourre-tout, dans laquelle on range à la fois
des expérimentations remarquables d’association des habitants, mais également des exemples fragrants
et honteux de manipulation des administrés.
L’étude d’exemples à l’international en termes de participation des habitants permet de se hisser
hors du contexte et du système institutionnel et administratif français, et nous livre des enseignements
très enrichissants sur les manières dont pourrait être amenée à évoluer la participation des citoyens en
France, et ce notamment avec les concepts des budgets participatifs, de l’empowerment, ainsi qu’au
travers d’une de ces déclinaisons, à savoir le community organizing.
Concernant l’agglomération strasbourgeoise, on notera le tournant au niveau de la participation
des habitants, opéré à partir de 2008 avec l’arrivée des socialistes, qui ont fait de démocratie locale et de
l’association des habitants des priorités guidant leur action. On a également pu voir que dans chacun des
territoires qui ont bénéficié du PNRU, les contextes des quartiers et les jeux politiques locaux ont pu avoir
des incidences sur la mise en œuvre des projets, tant globale qu’au niveau des aspects participatifs. Et si
la ville et l’Eurométropole de Strasbourg n’échappe pas aux critiques d’ensemble émises sur les obstacles
et les limites de la participation citoyenne, plusieurs exemples remarquables, en fonction des projets et
des dynamiques d’acteurs locales méritent d’être soulignées et approfondies pour les suites qui seront
données à la politique de la ville et à la participation citoyenne au sein de ce territoire.
Au sujet de la démarche participative élaborée et mise en œuvre entre les mois d’avril et de juillet
derniers sur les QPV ANRU de l’agglomération strasbourgeoise, on peut certes avancer qu’elle constitue
une réussite en demi-teinte, et que différents points méritent d’être améliorés, mais elle aura néanmoins
eu le mérite de réaffirmer la présence et la volonté d’écoute de la collectivité auprès des habitants de
ces QPV, tout en travaillant parallèlement de concert entre les différents services concernés pour définir
et proposer un nouveau cadre à la participation des habitants, répondant à la fois aux ambitions des élus
locaux mais également aux dispositions de la loi Lamy relative aux Contrats de ville, même si celles-ci
restent pour le moment encore relativement floues et laissant libres leur interprétation et leur mise en
œuvre au niveau des collectivités.
Il apparaît également que pour atteindre une réelle co-élaboration des projets avec les habitants et
les acteurs locaux engagés, plusieurs évolutions sont attendues, tout d’abord au niveau de la gouvernance,
mais aussi plus localement dans les moyens alloués à la participation, de même qu’à leur élaboration, leur
mise en œuvre, leur suivi et leur évaluation.
Pour conclure, et au vu des ambitions participatives affichées dans le Contrat de ville, on peut
s’interroger... Le changement dans la participation des habitants, c’est maintenant ?

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bibliographie

Ouvrages

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Documents audiovisuels

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Documents produits par la collectivité

Ville et Eurométropole de Strasbourg, DUAH, 2004-2014, l’expérience des projets de rénovation urbaine,
Janvier 2015

Ville et Eurométropole de Strasbourg, Proposition de déroulé des Forums “Contrat de ville et renouvellement
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dans le cadre de la première étape du de la démarche de concertation du Contrat de ville, Note, Mai 2015

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