Les Objectifs Du Séminaire 2023-2024, Les Outils Pour L'analyse D'oeuvre, Les Travaux

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Séminaire d’histoire de l’art

I- Les objectifs du séminaire

• Travailler sur un thème précis et original de l’histoire de l’art : la notion de chef-d’œuvre de


la Renaissance à la période contemporaine.
• Examiner, à travers ce thème, des grands mouvements du champ visuel, littéraire, plus
généralement culturel et nourrir ainsi une érudition historique et iconographique.
• Offrir, pendant les séances, un espace de libre expression, où chacun peut formuler ses
interrogations, ses intuitions, ses hypothèses.

II- Le déroulé de chaque séminaire

• Un exposé magistral, alternant lecture de la leçon et explications/précisions informelles


orales.
• Une séance de discussion ouverte : la parole est à la salle pour soulever les points de
discussion, en débattre, y répondre.
• Un exposé collectif de deux personnes.
• Une correction de l’exposé.

III- L’évaluation du séminaire

• Chaque exposé a lieu en binôme, doit durer très exactement entre 20 et 30 minutes. Les
critères d’appréciation en sont les suivants : intelligence et clarté du propos, en réponse au
sujet demandé ; qualité de l’expression et de la répartition de la parole à l’oral ; qualité de la
présentation des documents – et notamment des documents visuels – à l’appui du propos ;
originalité et richesse des références. Un exposé oral n’est pas tenu de respecter une
construction précise et on conviendra en outre du fait que celle-ci s’adapte à la nature du sujet
étudié. On peut cependant recommander quelques éléments incontournables : la définition du
sujet, l’identification des enjeux principaux qu’il soulève, les faits les plus marquants de son
« déroulé » historique, les grandes lectures théoriques qui en ont été données dans le champ
académique. Mais il est surtout recommandé de lire attentivement les consignes
méthodologiques jointes.

• Pour ceux qui ne passent pas à l’oral, l’évaluation s’appuiera sur le rendu, pour le jeudi 26
octobre 2023 maximum, d’une analyse d’œuvre en version écrite ou vidéo (à remettre en
fichier compatible avec une lecture sur Windows). Les préconisations méthodologiques sont
absolument identiques. Dans le cas d’un rendu écrit, il ne peut s’agir que d’un travail
individuel. Dans le cas d’un rendu vidéo, il sera possible de faire le travail en binôme.

Thomas Schlesser, séminaire d’Histoire de l’art, année scolaire 2023-2024, 1 er semestre, Ecole polytechnique
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Initiation à l’analyse d’œuvre

Avertissement : cette grille méthodologique se veut dynamique, sinon vivante, pour donner un
maximum d’outils permettant de s’initier à l’analyse d’œuvre (qui est elle-même une branche
de l’histoire de l’art). Il est recommandé de s’en inspirer et d’en appliquer les
recommandations mais il est également possible de s’en affranchir, de se montrer audacieux à
condition d’être rigoureux, et surtout de réadapter sa méthode en fonction de l’objet d’étude.

I- Qu’est-ce que bien regarder une œuvre ?

Trois objectifs

1- En comprendre ce qui est remarquable sur le plan esthétique (une œuvre d’art est d’abord
une représentation) : ses caractéristiques et ses valeurs formelles, plastiques dans un contexte
historique.

2- En comprendre la signification (ce qui y est lisible, au-delà de ce qui y est visible) et, à ce
titre, en fournir une interprétation (message à caractère philosophique, moral, politique,
religieux, scientifique ou artistique).

3- En connaître, par la recherche documentaire, la « fortune », c’est-à-dire la vie, en tant


qu’objet : les conditions de sa production, les conditions de son exposition, sa réception, son
chemin dans les collections.

II- Quelle méthode employer pour livrer ses réflexions sur une œuvre ?

1- Deux réserves préliminaires


a) Il faut d’abord avoir conscience qu’il y a quantités d’approches et de méthodes différentes.
Certaines, sans doute, sont plus efficaces que d’autres et surtout, certaines s’adaptent mieux
que d’autres à certains types de peinture (ex. une méthode qui privilégie l’analyse
iconographique ou l’examen des détails ne sera pas d’un grand secours face à une œuvre
abstraite radicale).

b) Il n’y a pas de méthode parfaite : toutes ont leurs défauts et leurs qualités ; il est
indispensable de savoir les ajuster en fonction des contraintes.

2- Trois méthodes possibles


a) La plus sûre, mais aussi la moins prestigieuse (parce qu’elle est très limitée et parce que
ses principes intellectuels sont biaisés) est la méthode description-analyse.
b) Plus évoluée, mais beaucoup plus délicate à mener, l’approche purement analytique.
c) Plus adaptée à un long travail personnel, une approche historique.

Thomas Schlesser, séminaire d’Histoire de l’art, année scolaire 2023-2024, 1 er semestre, Ecole polytechnique
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III- L’introduction

1- L’introduction est un des espaces capitaux de la réflexion qui doit voir figurer
impérativement quelques éléments :
a) Vous devez, en une brève phrase, fournir les informations suivantes : le nom de l’artiste
avec ses dates, titre de l’œuvre et date de sa création, les supports et dimensions, le lieu de
conservation.
b) Vous devez ensuite dire ce qu’est le sujet de l’œuvre et préciser s’il se rattache à une
tradition iconographique bien connue.
c) Si l’œuvre est figurative (et parfois même quand elle est abstraite), vous devez la
rattacher à un genre.
d) Vous devez essayer, sans sacrifier à la catégorisation hâtive, d’inscrire l’œuvre dans un
mouvement ou un style : attention, il peut s’agir parfois d’un moment au sein même de la
carrière de l’artiste (la période bleue de Picasso), et parfois d’un mouvement qui regroupe
d’autres artistes (ex. le romantisme).

2- Qu’est-ce qu’une problématique ?


Poser une problématique n’est pas un exercice facile. Le mot lui-même, au demeurant, ne veut
peut-être pas dire grand-chose. Mais, l’exercice académique veut que vous en posiez une
pour, ensuite, orienter votre réflexion.
Une problématique, c’est un paradoxe, c’est-à-dire la mise en tension de deux termes opposés.
C’est une question qui va soulever une contradiction. Entre le sujet et son traitement par
exemple ou entre le traitement particulier et le traitement attendu, etc. Avoir comme
problématique : « en quoi cette œuvre de Monet se rattache à l’impressionnisme ? » n’est
donc pas une problématique, mais une simple question, un peu faiblarde et mal posée. En
revanche, se demander comment un art de l’espace (la peinture) peut exprimer la fuite du
temps (dans une œuvre futuriste) ; en quoi la grâce surgit d’un sujet disgracieux (un bouffon
de Velasquez) ; comment un tableau pornographique peut avoir un aspect religieux
(L’Origine du monde) ; comment la reprise d’une œuvre du passé peut servir une profonde
originalité (les variations de Picasso) : ça, ce sont des problématiques.

IV- Les outils d’analyse

1- Décrire le sujet : il s’agit dans une première partie de rendre compte, le mieux possible,
de ce qui est présent sur la toile, en allant toujours du général vers le particulier. Attention : on
est souvent saisi par un détail d’un tableau et (cf. ce que dit Barthes dans La Chambre claire),
notre attention va souvent avoir une tendance naturelle à s’arrêter sur la singularité plutôt que
sur la généralité (ex. les regards dispersés des protagonistes du Déjeuner sur l’herbe de
Manet). Il faut éviter cet écueil.
a) Indiquez l’environnement général de l’œuvre (intérieur, extérieur, ville, campagne, jour,
nuit…)
b) Dites quels en sont les principaux protagonistes (les êtres humains, bien sûr, mais
encore les animaux, les éléments d’une nature morte…) et décrivez leur agencement entre eux
(une conversation, une bataille, un étalage de trophées sur une table, etc.). N’oubliez pas de
dire également un mot des costumes. (Ex. une Salomé représentée avec des costumes
contemporains n’a pas le même sens qu’une Salomé en costumes « historiques »).
c) Dans le cadre de codification iconographique bien connue, on attend de vous que vous
identifiez les personnages-clefs (tel saint, tel roi, tel héros antique, etc.). C’est là qu’intervient
l’iconographie.

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2- Analyser la façon dont ce sujet est traité à partir de procédés artistiques singuliers
a) la composition : essayez de repérer la structure géométrique de l’œuvre (ex. la
construction pyramidale de La Descente de Croix de Rubens, la construction circulaire de
Géricault ; le mouvement général – parfois dicté par des gestes, parfois par une lumière : de la
droite vers la gauche dans la Vocation de St Matthieu du Caravage, dans les deux sens
opposés dans L’Enlèvement des Sabines de Poussin…) ; le nombre de la plan et leur
succession dans l’espace.
b) la lumière : quelle en est la source ; quelle en est l’intensité : quelle valeur s’en dégage ?
Ex. : Vierge par Caravage/Poussin
c) l’atmosphère chromatique : quelles sont les couleurs dominantes ; observez les jeux
visuels pour créer une harmonie (les complémentaires) ou des dissonances ; les tonalités sont-
elles plutôt chaudes ou plutôt froides ; sont-elles franches ou soumises à des variations de
tons ; sont-elles posées en aplat ou modelées ?
d) la qualité de la ligne : plutôt souple (voire maniérée) ou plutôt rigide, anguleuse.
e) les éléments symboliques. C’est la parte la plus intéressante, celle sur laquelle on risque
de vous attendre. Il s’agit d’une part de voir à quoi renvoie une figure (ex. s’il y a les trois
grâces dans une œuvre, elles figurent souvent la générosité – Botticelli -, si c’est Bacchus, il
s’agit de l’ivresse, etc.) mais, d’un élément qui n’est pas nécessairement intrinsèquement
symbolique, on attend que vous donniez une interprétation. Ex. : les trois stades de la
technique dans la Cribleuse de blé de Courbet.
f) De cet ensemble d’analyses, vous devez pouvoir déduire des caractéristiques
stylistiques plus générales : le degré de naturalisme, d’idéalisme, d’abstraction ; le
rattachement à une école.
g) S’il y a, selon vous, un message sur le rôle de l’art ou de l’artiste, il faut absolument le
dire. Ex. Un autoportrait d’artiste est évidemment une manière de valoriser le rôle de l’artiste,
sa place sociale et son savoir-faire. Mais il existe des cas plus subtils : beaucoup d’œuvres
sont les métaphores de l’acte de peindre.

3- Glissez des éléments de réception


a) Avertissement : il ne s’agit jamais de donner raison ou tort à un artiste à travers les
commentaires qui ont été proférés à son sujet. Exemple : certains génies ont pu dire du mal de
très grands artistes (Ruskin fustigeant Whistler) : il serait absurde de vouloir dire qui a raison
ou tort ; il convient d’essayer de comprendre ce qui motivent différents points de vue sur une
œuvre.
b) Il faut essayer de retrouver, au moment où les œuvres sont exposées, les visions des
contemporains : critiques dans les journaux, correspondances au fil de lettres, témoignages
rapportés, etc. Comprendre ainsi ce qui construit un succès ou alimente un échec ;
comprendre aussi ce qui forge un scandale, c’est-à-dire une rupture.
c) Une œuvre peut même parfois être l’objet de visions dans des romans ou dans des
fictions : attention, il faut alors prendre celles qui ont un véritable impact ! Oui pour Le
Déjeuner sur l’herbe dans L’œuvre de Zola. Non à l’interprétation de Dan Brown dans le Da
Vinci Code !
d) Il faut prendre en compte, dans cette réception, les phénomènes économiques : qui
achète, où et à quel prix ? Sur les conseils de qui ? Est-ce l’Etat, l’Eglise, un particulier ? etc.
De telles informations en disent long sur la fonction des œuvres.
e) Il faut essayer de voir, au fil du temps, comment l’œuvre est valorisée. Dans quelles
expositions apparaît-elle à nouveau ? Dans quelles mains passent-elles ? Eventuellement, s’il

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s’agit de grands films, comment elle est récupérée au cinéma : ex. : des œuvres de Böcklin
que l’on retrouve dans le Nosferatu de Murnau.

4- Ne pas oublier les historiens de l’art


a) Avant vous, de nombreux historiens de l’art – très avertis – ont sans doute examiné
l’œuvre à laquelle vous êtes confronté. Tout du moins, il y a déjà eu de nombreux
commentateurs de l’artistes ou a fortiori du mouvement dont l’œuvre est le fruit. Il est
indispensable de montrer que vous avez connaissance de celles et ceux qui ont proposé des
théories sur la question. N’oubliez jamais que l’histoire de l’art est animée en permanence par
de grands conflits entre chercheurs. Il s’agit d’une science vivante et bouillonnante.
b) Privilégiez les dernières considérations publiées sur les œuvres et citez très précisément
vos sources. Evitez à tout prix de convoquer un grand nom pour dire une banalité : ex. Daniel
Arasse dit que tel portrait est beau…
c) N’hésitez pas à changer d’approche : approche sociologique (Bourdieu), esthétique
(Arasse), politique (Laurence Bertrand Dorléac) sur une même œuvre.
d) Distinguez les amateurs (critiques, contemporains, etc.), les chercheurs (universitaires,
professeurs…) et les conservateurs.

5- Des comparaisons à faire ?


a) Il faut éviter les approches subjectives du type « cela me fait penser à ». Un tableau,
potentiellement peut faire penser à tout.
b) Si on connaît une source dont s’est inspiré le peintre, on la cite précisément. Ex. Le
Sommeil de la raison de Goya servant la représentation de la mélancolie chez Thomas
Couture (Les Romains de la décadence).
c) On attend de vous que vous remarquiez ce qu’il y a de remarquable dans une œuvre :
donc que vous isoliez par rapport à un ensemble connu, ce qui vous semble original (ex. le
point de vue en plongée et en raccourci sur le Christ au tombeau chez Mantegna)
d) Gardez les ouvertures pour votre conclusion.

V- La conclusion

1- Il est normalement inutile de trop répéter ce que l’on a déjà dit. Surtout, évitez de redire
le plan !
2- Essayez en revanche de résumer, le plus brillamment possible (en usant d’une citation ?)
ce que le tableau recèle. Ex. Face à un Delacroix, citez Baudelaire parlant d’un « lac de sang
hanté de mauvais anges ».
3- Il faut ouvrir sur un domaine plus large : la suite de la carrière du peintre si l’œuvre a
influé sur son style.
4- Essayez de relever ce qu’il y a d’important par rapport à l’histoire de l’art : ex. première
aquarelle abstraite de Kandinsky va engendrer différents mouvements de l’abstraction ; le
Tres de Mayo de Goya suivi par Manet ou Picasso, etc.

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Les exposés (les premiers à se manifester, in situ ou par mail et en binôme, se les verront attribuer)

7 septembre : Philippe de Champaigne, La Mère Catherine-Agnès Arnault et la sœur Catherine de Sainte


Suzanne de Champaigne, 1662, Musée du Louvre
14 septembre : Antoine Watteau, Pierrot, vers 1718-1719, Musée du Louvre
21 septembre : Marie-Guillemine Benoist, Portrait de Madeleine, 1800, Musée du Louvre
28 septembre : Caspar David Friedrich, L’arbre aux corbeaux, 1822, Musée du Louvre
5 octobre : Claude Monet, Camille sur son lit de mort, 1879, en comparaison avec Auguste Rodin, La Pensée,
vers 1895, Musée d’Orsay
26 octobre : Jean-Michel Basquiat, Vente aux enchères d’esclaves, 1982, Centre Pompidou
26 octobre : Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely, La fontaine Stravinsky, ou fontaine des Automates, 1983, Ville
de Paris, à côté du Centre Pompidou
26 octobre : Martial Raysse, Made in Japan – La Grande Odalisque, 1964, Centre Pompidou

Les travaux à domicile possibles (rendu le 26 octobre maximum)

Pierre Puget, Persée et Andromède (sculpture), 1684, Musée du Louvre


Jean Siméon Chardin, le Buffet, 1728, Musée du Louvre
Julia Margaret Cameron, Mrs Herbert Duckworth, dit aussi Julia Jackson (photographie), 1872, Musée d’Orsay
James Whistler, Arrangement en gris et noir n° 1, 1871, Musée d’Orsay
Edward Burne-Jones, La Roue de la Fortune, 1883, Musée d’Orsay
Piet Mondrian, Meules de foin III, vers 1908, Musée d’Orsay
Louise Bourgeois, Precious Liquids (installation), 1992, Centre Pompidou

Mon adresse mail : [email protected]

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