EL 4 Notre-Dame de Paris
EL 4 Notre-Dame de Paris
EL 4 Notre-Dame de Paris
240-241)
Les indications entre [ ] ne sont pas à dire : je les ai ajoutées à votre destination pour que vous
compreniez mieux l’explication du texte.
[Introduction]
Romancier, poète (auteur notamment du recueil Les Contemplations), dramaturge (il a créé
un nouveau genre : le drame romantique), Victor Hugo a aussi été un homme politique
engagé dans la défense des plus démunis (cf. Discours à l’Assemblée Nationale).
L’intrigue de Notre-Dame de Paris, paru en 1832, se situe dans la ville éponyme en 1482. Deux
hommes, l’archidiacre Claude Frollo et son protégé le bossu Quasimodo, aiment une jeune
femme qui passe pour une bohémienne, Esméralda. Celle-ci, accusée à tort de meurtre, se
retrouve condamnée à mort. C’est alors que notre héros, élu au début du roman Pape des
Fous en raison de sa laideur, l’enlève pour la sauver.
C’est ici que se situe notre extrait, qui nous invite à nous demander : en quoi la
marginalité de Quasimodo fait-elle sa grandeur ?
Dans les cinq premières lignes du texte, nous verrons comment l’auteur met en valeur
la difformité et la force du bossu. Dans les dix lignes suivantes (5 à 15), nous analyserons les
portraits opposés des deux protagonistes de la scène. Dans les lignes 15 à 23, nous étudierons
la façon dont est mis en avant l’héroïsme de Quasimodo, avant de finir sur la glorification des
personnages (l.24 à 28).
Quasimodo « s’éta[nt] arrêté », le narrateur introduit dans son récit une pause
descriptive. Le portrait suit une progression à thème éclaté [NB les phrases portent sur un
élément de l’ensemble décrit] pour faire ressortir sa laideur. En effet, dans les deux phrases
suivantes, il s’attarde sur des parties du corps auxquelles le narrateur associe un adjectif
épithète dévalorisant (« Ses larges pieds », « Sa grosse tête ») ou une négation (« pas de cou
») afin de souligner son physique imposant et disgracieux.
Cependant, les comparaisons des « pieds » à des « piliers romans » et de la « tête
chevelue » à une « crinière » soulignent la force sculpturale et bestiale de Quasimodo. Elles
permettent de contrebalancer les éléments repoussants, car elles rattachent la puissance
physique à des éléments qui ne sont pas sans noblesse : architecture majestueuse et animal
noble.
II. Lignes 5-15 : Une étreinte entre deux êtres que tout oppose
Quasimodo suscite l’admiration de tous ceux qui étaient venus assister à l’exécution
d’Esméralda : « les femmes riaient et pleuraient, la foule trépignait d’enthousiasme ». Le
pluriel et le singulier à valeur collective mettent en évidence l’ardeur du peuple dont le
caractère paradoxal est souligné par l’antithèse « riaient et pleuraient ». L’« enthousiasme »
est à comprendre au sens fort du terme : exaltation d’ordre religieux qui donne l’intuition de
vérités sacrées.
En outre, c’est par le biais du regard de la foule proche du délire mystique que la
beauté de Quasimodo est tout d’abord mise en évidence. En effet, un tel état est lié à la
révélation d’une vérité que le narrateur exprime par une proposition coordonnée à valeur
causale : « car en ce moment-là Quasimodo avait vraiment sa beauté ». L’emploi du
déterminant possessif « sa » signale toute l’originalité de cette beauté qui lui est propre. Le
narrateur en explicite ensuite les caractéristiques en ayant recours à la subordination dans
une phrase complexe, composée de sept propositions, et qui s’ouvre par une structure
attributive : « Il était beau » [sujet - verbe d’état ou attributif - adjectif attribut du sujet]. Le
narrateur déploie ici des antithèses : à l’énumération des groupes nominaux mis en
apposition : « cet orphelin, cet enfant trouvé, ce rebut » répondent les attributs valorisants «
auguste et fort ». Si Quasimodo est « infirme », il tire sa beauté de sa grandeur qui s’impose
avec « la force de Dieu ».
Par ailleurs, Quasimodo est un homme mis à l’écart socialement (« rebut », « banni »).
Mais s’il subit cette marginalité depuis son enfance, il l’assume ici et entre volontairement
dans une triple opposition avec ceux qui incarnent la norme : il défie la « société » en la «
regard[ant] en face », il s’attaque à la « justice humaine » en lui « arrach[ant] sa proie », il
surpasse « la force du roi » en la « bris[ant] ». Le crescendo des verbes d’action et la
métaphore désignant Esméralda comme « sa proie » soulignent sa puissance virile, presque
bestiale. Le narrateur file la métaphore animale pour désigner ceux qui entravent le bossu : «
tous ces tigres forcés de mâcher à vide ». Cette hyperbole suggère la violence du combat dans
lequel Quasimodo entre avec une légitimité qui lui est donnée par « Dieu ». La phrase
s’achève par ce terme, ce qui suggère un antagonisme [une opposition] entre justice humaine
et justice divine. Si Quasimodo est rejeté par les hommes, il est protégé de Dieu.
[Conclusion]
Pour conclure, nous avons pu admirer comment Victor Hugo, par son talent, a réuni ici en les
magnifiant deux êtres que tout oppose.
Nous pouvons à présent nous demander si, par la suite, Esméralda parviendra à aimer celui
qui l’a sauvée, par-delà sa laideur, ou si la difformité du héros le laissera également en marge
de l’amour.
Question de grammaire
Identifiez les relations entre les propositions qui composent la phrase « Alors les femmes riaient et pleuraient,
la foule trépignait d’enthousiasme, car en ce moment-là Quasimodo avait vraiment sa beauté » (p. 241, l. 15-
17) et transformez la dernière proposition en subordonnée conjonctive circonstancielle.
La phrase comporte quatre verbes conjugués, elle est donc constituée de quatre propositions : les deux
premières sont coordonnées (« et »), la deuxième et la troisième sont juxtaposées, la troisième et la quatrième
sont coordonnées (« car »). Pour transformer la dernière proposition en subordonnée conjonctive
circonstancielle, on peut remplacer la conjonction de coordination « car » par la conjonction de subordination «
puisque » ou « parce que ».