Ebolo LimplicationDesPuissances 1999
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Ebolo LimplicationDesPuissances 1999
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Political Science / Revue Africaine de Science Politique
L'action des pays occidentaux est même allée jusqu'à l'encadrement matériel7 des
processus de démocratisation en Afrique.
Pendant la guerre froide, lecontinentafricains'identifiaitenunchampd'influence
des grandes puissances du Nord.8 Depuis la fin de la guerre froide, et nonobstant
le spectre de la marginalisation,9 l'Afrique demeure une préoccupation pour les
Nations prospères de l'hémisphère boréal.I0L'empire, en se séparant des "nouveaux
barbares" y défend toujours ses intérêts, aussi maigres soient-ils." En effet, la
gestion simultanée des réformes économiques et politiques'2 a fait accroître les
possibilités d'implication des acteurs extérieurs dans l'univers socio-politique
africain. C'est dans cette atmosphère que s'inscrivent le fameux discours de la
Baule prononcé par le Président français François Mitterrand en Juin 1990 au
sommet franco-africain, les nombreuses prises de position de toutes les voix
autorisées à dire la politique étrangère américaine au sujet de la démocratisation en
Afrique, ainsi que les actions de ce qu'il est convenu d'appeler la "Communauté
des créanciers africains".17 Ces actions trouveront un écho favorable auprès des
acteurs sociaux africains qui, trois décennies environ, étaient embrigades dans une
sorte de "camisole" monopolistique du pouvoir officiel d'Etat et du pouvoir
officieux du parti unique et de ses organisations annexes. Notre étude s'inspire
aussi bien de cette tendance à la diffusion d'un modèle politique et économique
"homogénéisateur" que de la dynamique socio-politique interne aux Etats africains
en général, au Cameroun, en particulier.
A l'époque de la confrontation Est-Ouest, la France apparaissait comme le pays
qui instrumentait le mieux la présence de l'Afrique dans le système international
et, partant, celle de l'occident en Afrique. Son double rôle de relais des intérêts
occidentaux et de "gendarme de l'Afrique",14 lui permettait, dans une large mesure,
de faire écran à l'action américaine dans cette région. Cette règle souffrit néanmoins
un certain nombre d'exceptions soit lorsque l'ancien pouvoir colonial était trop
faible pour mettre un terme au chaos et pour "néocoloniser"15- d'où le soutien
américain à l'UNITA en Angola pour contrer l'influence "rouge"-, soit encore
pour renforcer l'action de l'ancienne puissance - affaiblissement de la Libye au
Tchad"1-; soit enfin, indépendamment de cette puissance, - cas du Zaïre avec la
crise du Katanga et la mise à l'écart de Patrice Lumumba.
Depuis la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc socialiste, la
recomposition de l'ordre international donne lieu à la diffusion et à l'expansion
d'un modèle "homogénéisateur" incarné, au plan politique par la démocratie
représentative et les droits de l'homme17 et au plan économique par l'économie de
marché. Ce mouvement d'uniformisation des valeurs culturelles18 cardinales de
l'occident justifierait l'implication de ses principales composantes - étatiques ou
non - dans les processus de démocratisation en Afrique. Tant et si bien
qu'aujourd'hui, les Etats-Unis, dépositaires attitrés de trois attributs de la puis
sance,19 préfèrent s'impliquer directement dans ce processus "d'occidentalisation
Dans tous les cas, c'est au cours de cet espace - temps qu'apparaît au grand jour
la crise qui frappe de plein fouet les économies africaines. Dans un contexte où la
"politique du ventre",3" la gestion néo-patrimoniale,""'et, bien entendu, le clientélisme
semblaient avoir élu droit de cité, la crise économique, qui s'analyse en un déclin
des capacités redistributi ves de l'Etat, affecte au premier chef les couches moyennes
menacées par la fermeture d'entreprises publiques et les compressions du person
nel dans la fonction publique,41 mais aussi la paysannerie dont les cours des
produits de rente sont en chute libre. Le réajustement de l'Etat, qui trente ans
environ, a fait miroiter des possibilités extraordinaires aux populations42 est
porteurd'une ligne de fracture entre son appareil et lamasse. De plus, l'accumulation
d'une forte dette extérieure aura largement contribué à l'amplification des
déséquilibres. A ce tableau sombre, sont venues se greffer l'inflation et la
dépréciation monétaire, ainsi que l'apparition des distorsions dans le marché de
l'emploi.43
Dans l'impossibilité de juguler eux-mêmes les difficultés ainsi engendrées, les
pays d'Afrique subsaharienne vont recourir à l'expertise des bailleurs de fonds
multilatéraux (BIRD; FMI) et/ou bilatéraux (Caisse Française de Développement)
dans le cadre des plans d'ajustement structurel. Or tel que préconisé par le FMI et
la Banque Mondiale, "grands prêtres" du rite libéral,44 l'ajustement apparaît
comme une gestion de l'enlisement aux effets sociaux néfastes. Ainsi, en exacerbant
le chômage, les diminutions drastiques des revenus, bref les contradictions
sociales, les PAS engendrèrent une tension qui a été portée sur la scène politique.
On assiste à la montée en puissance de la revendication démocratique et à la
délégitimation du parti unique.
Dans la mesure où les différents modes de délégitimation des systèmes
monolithiques d'Afrique noire font l'objet d'une abondante littérature, il ne sera
plus question pour nous de les examiner en profondeur. Le caractère cumulatif de
la recherche scientifique commande d'en tenir compte.
Au Cameroun, après l'échec des mesures d'ajustement autonome prises par le
gouvernement, l'économie est sous ajustement structurel à partir de 1989. L'effet
des mesures tendant à juguler la crise, tout comme la contamination démocratique
suscitent une contestation populaire sans précédent. Les grèves deviennent
récurrentes dans les entreprises para-publiques, à l'université ainsi que chez les
conducteurs de taxi et les vendeurs à la sauvette.45
Au plan strictement politique, la poussée subversive de la "société civile"
commence avec l'affaire Yondo Black - ancien Bâtonnier de l'ordre des avocats
-à l'occasion de laquelle les avocats camerounais opposent une réaction inédite.46
Suite à l'arrestation de Me Yondo et de ses neuf acolytes pour "tenue des réunions
clandestines", "confection et diffusion de tracts hostiles au régime, outrageants à
l'endroit du Président de la République et incitant à la révolte",47 le Bâtonnier Me
Muna convoque, le 27 mars 1990, une session extraordinaire de l'ordre à Douala,
Botswana, Cap vert, Tchad, Côte d'ivoire, Lesotho, Zaïre et Togo), asiatiques
(Afghanistan, Pakistan, Pacifique Sud, Thaïlande), Latino-américains (Argentine,
Urugway, Brésil, Chili, Costa Rica, Caraïbe) et du Proche orient (Oman et
Tunisie).52 Pourtant, il semble clair, pour les responsables américains, que la
suspension des projets d ' assistance américaine au Cameroun constitue une réaction
à la "position antidémocratique prise par les responsables camerounais".53 Dans un
entretien sur le réseau Worldnet le 26 Janvier 1995, M. John Shattuck, Sous
Secrétaire d'Etat américain chargé des droits de l'homme et des affaires humanitaires,
déclarait : "J'aimerais répondre en ce qui concerne les missions de l'USAID et le
fait que l'USAID se soit retiré du Cameroun. Cette décision a été prise en raison
de problèmes extrêmement importants en matière de respect des droits de l'homme.
D'autre part, le réformes économiques et politiques nécessaires n'avaient pas été
effectuées; ce sont là des conditions que les Etats-Unis prennent en considération
au niveau de l'octroi d'une aide directe".54
Lorsqu'on sait que depuis octobre 1987, l'assistance fournie par l'USAID au
Cameroun l'a été sous forme de subventions et non de prêts, conformément à une
décision du Congrès qui étendait la mesure aux pays africains au Sud du Sahara,55
on imagine le manque à gagner pour le pays bénéficiaire. Le Cameroun est ainsi
passé du 12ème rang en 1991 (sur 46 pays), au 33ème rang en 1996 (sur 45 pays)
en passant par le 35e rang en 1995 (sur 48 pays) des bénéficiaires africains de I ' aide
bilatérale américaine.5''
-L'action française quant à elle reste marquée par une certaine dose de flou. En
effet, l'histoire de la formulation officielle de la conditionnalité démocratique de
l'aide française est intimement liée au discours de la Baule : "Je conclurai,
Mesdames et Messieurs, en disant que la France liera son effort de contribution aux
efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté".57 Mais, ces ardeurs des
principes savamment formulés par François Mitterrand seront quelque peu tempérées
par l'absence de fermeté de la part de la France. Nombreux sont les observateurs
avertis qui estiment que le discours de Chaillot en 1991 se situe nettement aux
antipodes du processus d'accélération de la démocratisation en Afrique.5"
Par ailleurs, le 18 Juillet 1990 à Tunis, Jacques Chirac, alors Maire de Paris,
s'insurgeait contre la conditionnalité démocratique de l'aide ; "L'évolution de la
vie politique intérieure de ces pays doit se faire à leur rythme et non dans la
précipitation. Il ne faut pas qu'aux plans d'ajustement structurel imposés par les
grands organismes internationaux viennent s'ajouter je ne sais quels plans
d'ajustement démocratique que viendrait plaquer artificiellement des puissances
étrangères".5'' Cette vision de la réalité a, dans une certaine mesure, influencé les
orientations africaines de la majorité de droite à partir de mars 1993. La conduite
extérieure de la France devenant de plus en plus complexe. La droite ne semblait
pas très enthousiaste à l'idée de la conditionnalité démocratique de l'aide bilatérale
à l'Afrique : "... l'évolution de la situation en Afrique, fait que même si l'on reste
très attaché à cette idée de démocratie, elle ne peut pas être une condition exclusive
de la coopération [...]. Il n'y aura donc pas de conditionnalité de l'aide. L'aide se
négocie. Il ne suffit pas d'exiger pour obtenir".60 Ainsi s'expliquait Michel
Roussin, alors Ministre de la coopération, qui entreprit de redynamiser ses
modalités d'aide à l'Afrique, - en soutenant la dévaluation du Franc CFA et en
conditionnant l'aide française à un accord avec le FMI-, tout en s'abstenant de
s'ériger en donneuse de leçon de démocratie.61 Cette stratégie semble n'avoir pas
beaucoup évolué depuis l'avènement de Jacques Chirac à l'Elysée en Mai 1995
encore moins depuis l'accession de la gauche au gouvernement. En tout état de
cause, depuis 1990, la France semble ne fournir aucune preuve convaincante de la
conditionnalité démocratique de son aide à l'Afrique, en général, au Cameroun en
particulier. Premier donateur d'APD au Cameroun62 la diminution constatée de
l'aide française s'inscrirait beaucoup plus dans la tendance générale de l'APD
(tous donateurs confondus) à ce pays qui est à la baisse que dans le registre des
droits de l'homme. Mais l'APD n'en constitue pas moins un instrument de
chantage auquel cette puissance peut recourir à tout moment.
Pourtant en dehors du levier de l'APD., les Etats-Unis et la France ont pu se
déployer directement dans le processus de démocratisation camerounais.
judicieusement été examinées dans une étude non lointaine,64 il intimait l'ordre au
pouvoir d'initier un processus transparent et de mettre fin au harcèlement et à la
détention des journalistes.65 Par ailleurs, le communiqué du 31 Août 1995, du porte
parole du Département d'Etat, M. Nicolas Burns, reprend en quelque sorte,
l'argumentaire du précédent sur l'urgence de la libéralisation de la presse tout en
exhortant le pouvoir à promouvoir la démocratie : "le gouvernement des Etats
Unis exhorte le gouvernement du Cameroun à abandonner les pratiques qui
limitent la liberté d'expression, et d'adopter des mécanismes administratifs qui
édifieront la confiance générale dans l'attachement du Gouvernement camerounais
à la démocratie".66
Ensuite, les Rapports annuels du Département d'Etat sur les Droits de l'homme
au Cameroun : Ils sont la résultante d'une décision du congrès en 1974 qui demanda
au Département d'Etat de produire un rapport annuel en la matière sur chaque pays
dans le monde. Longtemps resté sans échos et sacrifié à l'autel de la "real politik",67
le contenu de ces rapports a désormais un impact sur la politique étrangère des
Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide. Des quatre rapports ( 1993,1994,1995,
1996) que nous avons pu examiner apparaît clairement une perception négative du
processus de démocratisation camerounais. En guise d'introduction à tous ces
rapports, se profile une phrase identique : "République multipartite seulement de
nom, le Cameroun continue à être gouverné en réalité par le Président Biya et son
cercle de conseillers, issus principalement de son groupe ethnique et son parti, le
Rassemblement Démocratique du peuple camerounais (RDPC)".68
Enfin, parallèlement à ces actions visant à infléchir la position du pouvoir, existe
un Fonds pour la Démocratie et les droits de l'homme destiné à soutenir la "société
civile" et les institutions démocratiques.64 Le montant des subventions allouées par
ce fonds peut atteindre la somme de 25.000 dollars US.70 Placé directement sous
l'autorité de l'Ambassadeur, ce fonds, qui a déjà financé plusieurs projets, dénote
de l'importance accordée par cette puissance, à l'émancipation de la "société
civile", passage obligé de l'enracinement de l'Etat de droit démocratique.
Cet enthousiasme des milieux officiels en faveur de la démocratie est partagé
par les acteurs privés. Principal bastion du "Monde libre", la société américaine a
sécrété des acteurs sociaux - collectifs et individuels - qui, avec ou sans l'aval du
pouvoir, se donnent pour mission de promouvoir l'enracinement de valeurs
libérales dans le monde. Ainsi qu'il ressort de l'analyse des différentes livraisons
de la Revue Afrique -Etats-Unis depuis 1989, des personnalités du monde des
affaires, de l'intelligentsia ... ont constamment pris position en faveur de la
démocratie au Cameroun. Parmi les organisations les plus actives en la matière sur
le sol africain, mentionnons d'abord le Centre Carter (crée par Jimmy Carter en
1982) qui a encadré plusieurs processus électoraux et organisé des Séminaires de
formation au profit des ONG locales en Afrique.71 Ensuite, l'African American
Institute (AAI), qui a envoyé des observateurs électoraux au Cameroun, en
encore, l'Ambassadeur de France au Cameroun S.E. Philippe Selz déclarait que "la
France est évidemment désireuse d'accompagner le Cameroun sur cette vo
prometteuse, qui est la seule porteuse de progrès économique et social".87
Cette attitude ambivalente du partenaire français semble justifiée par le fait que
ce pays mènerait sur le terrain camerounais un combat pour la défense d'une
"certaine civilisation" face aux appétits des Américains, Britanniques et Allemand
Le réalisme qui en résulte s'identifie parfois au conservatisme. Tant et si bien qu'en
dehors, voire au delà de la promotion de la démocratie libérale, l'intérêt nation
semble avoir servi de fondement à l'implication de ces puissances du Nord dan
le processus de démocratisation camerounais.
"La ligne de partage entre les politiques intérieure et extérieure est en train
de disparaître. Nous devons revitaliser notre économie, si nous voulons
préserver nos capacités militaires et notre influence à l'étranger. Il nous faut
nous engager activement sur la scène internationale, si nous voulons voir
s'ouvrir des marchés et se créer des emplois pour les travailleurs
américains".120
"Je ne vois pourquoi je ne pourrais pas, lorsque je suis en visite dans un pays,
recevoir les chefs de l'opposition ... Je les reçois tout comme hier, quand
nous étions dans l'opposition en France, les Chefs d'Etat africains de
passage à Paris nous recevaient eux aussi".129 C'est la logique implacable
de ce maternage existant entre Paris et Yaoundé qui semble avoir guidé le
Directoire de la "coordination des partis d'opposition et des associations"
à entreprendre une "mission d'explication" à l'étranger en août-septembre
1991 dans le cadre de laquelle Paris occupait une place de choix.
a-La Caution de l'action Américaine par une Partie non Négligeable d'acteurs
Non-Officiels
La caution de l'action américaine par l'opposition dite radicale et une partie de la
presse privée est un fait indéniable de la dynamique démocratique camerounaise.
Pour ces acteurs, les Etals-Unis apparaissent, à la fois, comme un contrepoids de
l'hégémonie française au Cameroun et comme l'ultime recours face à un pouvoir
en possession de moyens importants.
- L'"opposition radicale" et son chef de file, le SDF de Ni John Fru Ndi sont
apparus, à plus d'un titre, comme des soutiens de l'action américaine au Cameroun.
Cette réalité semble s'expliquer par le fait que l'action de cette puissance dans ce
pays est, dans une certaine mesure, en faveur d'un changement démocratique. A
ce titre, cette stratégie profite au SDF dont la détermination à accéder au pouvoir
est sans équivoque. De plus, cette caution pourrait s'analyser en une reconnais
sance des efforts déployés par certains représentants officiels de ce pays pour
accroître l'influence politique du "chairman" Fru Ndi pour qui la remise en
question des intérêts français au Cameroun est tout un programme."9L'ambassadeur
américain Mme Frances Cook avait mené "à visage découvert, la campagne
présidentielle de John Fru Ndi (l'opposant principal à Paul Biya) épaulé par des
conseillers également américains".140 Cet exemple constitue un indice de collusion
entre ce parti et les Etats-Unis. Cette collusion transparaît aussi à travers les
multiples voyages du leader du SDF au pays de "l'oncle Sam".141 En effet, à
l'occasion des cérémonies d'investiture du Président Clinton, le 20 Janvier 1993,
Fru Ndi fut invité aux Etats-Unis par le Parti Démocrate américain et en profita, non
seulement, pour nouer des contacts avec des responsables politiques ou économiques
de ce pays,142 mais aussi pour orchestrer la propagande selon laquelle il aurait été
personnellement invité à la Maison Blanche par le Président Bill Clinton.143
Quoiqu'il en soit, ces attentions de la part des Américains ne peuvent que susciter
de la sympathie de la part du SDF.
- D'autres indices de caution de l'action américaine au Cameroun sont
perceptibles dans les milieux de la presse privée. En effet, une bonne partie de celle
en particulier. De "la leçon de Chirac à ses élèves" à "la France prend 14 pays
africains en otage"164 en passant par "Foccart au secours de Fochivé"165 et "Ahidjo
fils dit non à l'Ambassadeur de France",166 l'on découvre le ras-le-bol d'une presse
déterminée à "s'élever contre cette ingérence manifeste , dans nos affaires
intérieures, ...'"67 d'une puissance dont on s'interroge sur "les contours d'une
recolonisation à grande vitesse".168
Telle est la perception des acteurs non officiels. A présent, il nous revient de
disséquer l'attitude du pouvoir central qui, assurément est en charge du "pilotage"
officiel de la dynamique politique interne.
2 -L'attitude du pou voir central et son impact sur la coopération du Cameroun avec
les Etats-Unis et la France
d'une pression extérieure, mais est toujours restée l'oeuvre pleine et entière d'un
peuple fier et jaloux de sa souveraineté".176
Enfin, laréponse du Gouvernement au Rapportdu lómars 1995 du Département
d'Etat sur les droits de l'homme au Cameroun s'insurge contre "... un chef
d'oeuvre de désinformation, et de manipulation des esprits".177 Pour le pouvoir, en
effet, "cette calomnie systématiquement orchestrée procède [...] d'une volonté
manifeste de nuire et de placer notre Gouvernement en discrédit auprès de
l'opinion nationale et internationale ,..".178
Ces réactions du gouvernement s'inscrivent dans la stratégie de résistance aux
assauts déstabilisateurs en provenance de l'environnement international. Cette
résistance semble avoir trouvé un soutien précieux dans l'attitude du partenaire
français avec lequel les rapports sont restés relativement sereins.
aussi un univers de combat où, comme dans tous les combats complexes, chacun
agit suivant un plan préconçu plus ou moins élaboré.21'' Aussi, l'accession du
Président Biya à la tête de l'OUA lui a-t-elle donné la possibilité de s'assurer un
soutien auprès de la communauté internationale en donnant l'image d'un régime
fréquentable puisque convaincu de la nécessité de l'idéal démocratique, mais aussi
et certainement, de justifier subtilement ses options politiques.
Lors du sommet de Yaoundé, mandat fut confié au nouveau Président en exerce
de l'OUA d'engager des contacts en vue d'assurer sinon la réélection de M.
Boutros Boutros Ghali, du moins l'élection d'un Africain.220 A cet effet, il effectua
une mission à New York du 22 au 28 octobre 1996. Outre les importantes
allocutions qu'il prononça devant l'Assemblée générale de l'ONU le 24 octobre
1996 et le groupe africain le même jour, le Président Biya s'entretint avec Mme
Madeleine Albright, alors représentant permanent des Etats-Unis à l'ONU.,
opposée à la réélection de M. Boutros Boutros Ghali. Il fut, par ailleurs, au centre
de multiples tractations avec d'importantes personnalités à New York et s'entretint
à Paris avec les Présidents Jacques Chirac et Omar Bongo au sujet de la réélection
de M. Boutros Boutros Ghali.221
Au terme de toutes ces tractations et à l'issue du vote à l'Assemblée générale,
le Ghanéen Kofi Atla Annan est élu Secrétaire général de l'ONU a été également
pour nous un enjeu majeur. Nous avons ardemment oeuvré pour qu'un second
mandat soit accordé à l'Afrique. Notre objectif aété atteintetnous nous réjouissons
de ce que la communauté internationale nous ait renouvelé sa confiance".222
En tout état de cause , le déploiement du Cameroun auprès des organisations
internationales et des partenaires bilatéraux participe d'une mise en scène qui
poursuit un objectif plus ou moins avoué : permettre au pouvoir d'améliorer son
image-par ailleurs ternie depuis l'élection présidentielle du 11 octobre 1992-sur
la scène internationale. Ce faisant, il participe des péripéties de légitimation
internationale de la stratégie gouvernementale.
L'étude de l'implication des puissances occidentales dans les processus de
démocratisation en Afrique, en général, des actions américaine et française au
Cameroun, en particulier, apparaît comme en effort de dépassement de la dichotomie
très sou vent entretenue entre l'analyse des facteurs endogènes et celle des contraintes
exogènes.223 En effet, si certains admettent volontiers que la démocratie ne saurait
être imposée de l'extérieur224 en ce que l'établissement de régimes démocratiques
- dans les pays en voie de développement - doit résulter avant tout d'initiatives
internes,225 l'on doit accepter avec le Professeur Samuel P. Huntington que "la
démocratisation d'un pays peut être influencée, parfois de façon décisive, par les
actions de gouvernements ou d'institutions extérieures aux pays".226 De même, les
acteurs étrangers peuvent renverser ou entraver le processus de démocratisation
dans des pays où il serait normalement intervenu.227 En clair, l'enchevêtrement des
facteurs internes et externes aura été au centre de notre investigation. Le recours
Notes
* Docteur en relations internationales - GRAPS.
1. Traoré, A., "Afrique : les nouvelles démocraties" in Le courrier ACP-CEE,
No. 138, Mars-Avril 1993, p. 62; Moreau Defarge P., Relations
Internationales. I. Questions régionales, Paris, Seuil, 1994, p. 309; Kodjo E,
"Environnement international et Etant de droit: le cas de l'Afrique" in Conac,
G. (sous ladirection de), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique,
Paris, Económica, 1993, p. 84.
2. Lire, entre autres, Gorbatchev, M., Perestroïka vues neuves sur notre pays
et le monde, Paris, Flammarion, 1987, 379p.; Kodjo E. op. cit., p. 83.
3. Conac, G., op. cit., p. 484
4. Sindjoun L., "Les nouvelles constitutions africaines et la politique
internationale : contribution à une économie internationale des biens politico
- constitutionnels) in Afrique 2000, No. 21, Avril-Juin 1995, p. 38.
5. Biagiotti, I„ "Afrique, droit de l'homme, démocratie et conditionnalité :
éléments des discours allemands", in L'Afrique Politique vue sur la
Démocratisation à Marée Basse, Paris, Karthala - CEAN, 1995, p. 203.
6. A ce jour, la République populaire de Chine, Cuba et la Corée du Nord
représentent les dernières poches de résistance du communisme d'Etat face
à l'expansion de la démocratie libérale dans le monde.
7. Il s'agit de: la formation des Scrutateurs, la formation et l'appui de certains
responsables des médias privés, le financement et/ou la supervision des
opérations électorales, etc.
8. A ce sujet, Lire Kontchou Kouomegni A., "De la statolité en Afrique: A la
Ibid.
78. Ibid.
102. Africa International, No. 260, Avril 1993 op. cit. p. 14.
103. Valladâo A.G.A., Le XXème siècle sera américain, Paris, la Découverte,
1993, p. 148 et SS.
104. Huntington S.P., "The clash of civilization ?" in Foreign Affairs, Summer
1993, Vol. 72, No. 3, pp. 22-49.
105. Cf. Atlas de la zone franc en Afrique subsaharienne, Ministère de la
Coopération 1995, La Documentation Française, p. 82.
106. Sur la création et le maintien d'une zone d'influence française en Afrique,
lire, entre autres, DjobaS., Les interventions militaires françaises en Afrique
Centrale : Etude de cas (Gabon, Zaïre, Centrafrique et Tchad), Thèse de
Doctorat 3ème Cycle en Relations Internationales, Université de Yaoundé,
IRIC, 1987, p. 138 et SS.
107. Au cours de l'année 1997, le Président Jacques Chirac a décidé de la
fermeture des bases militaires françaises de Bouar et de Bangui au profit du
renforcement des capacités opérationnelles de celle de Ndjamena. Mais,
pour l'instant, toutes ces bases fonctionnent encore.
108. Ebolo M-D., La Dynamique de pays en Afrique Centrale, Mémoire de
Maîtrise en Science Politique, Université de Yaoundé, FDSE, 1989, p. 57.
109. Chinmoun O., Désarmement et développement en Afrique : Réflexions sur
une politique régionale, Thèse de Doctorat 3èmc Cycle en Relations
Internationales, Université de Yaoundé II, IRIC, Octobre 1995, p. 49.
110. Tshiyembe et Bukasa, L'Afrique face à ses problèmes de sécurité et de
défense, Paris, Présence Africaine, 1989, p. 156.
111. Kamto M., La politique Africaine de la France socialiste, Septembre 1983,
Document inédit, p. 47.
112. Cf. Interview de M. Ferdinand Léopold Oyono, alors Ministre Camerounais
des Relations Extérieures in Jeune Afrique Economie, No. 178, Avril 1994,
pp. 116-117.
113. Coopération France - Cameroun, Bulletin de la Mission Française de
Coopération et d'Action culturelle de Yaoundé, 1995, op. cit., p. 17.
114. Essome Edimo J., La coopération monétaire franco-africaine : le cas de la
BEAC, Thèse de Doctorat troisième cycle en Relations Internationales,
Université de Yaoundé, IRIC, 1984-1985, p. 131.
115. GATT, Cameroun : Examen des politiques commerciales, Vol I et II, 1995,
op. cit., pp. 111-112.
116. Cf. Ministère de l'Economie et des Finances, Direction de la Statistique et de
la Comptabilité Nationale, 1996.
117. Cf. Coopération France - Cameroun, Bulletin de la Mission française de
Coopération d'Action Culturelle de Yaoundé, 1994, p. 16.
118. Il s'agit des Centres Culturels, des institutions de la Francophonie telles que
l'AUPELF/AUREF et le CIRTEF, de l'envoi des coopérants, etc.
130. Cf. Ebolo M.D., "Nationalisme ... ", op. cit., p. 52.
131. Cf. Coopération France - Cameroun, Bulletin ..., 1995, op. cit., p. 11.
132. Ibid., p. 23.
133. Tabi Akono F., Thèse op. cit., p. 325.
134. Sur la capacité d'organisation des systèmes, se référer, entre autres, à Morin
E., La Méthode I. la nature de la nature, Paris, Editions du Seuil, 1977,399p.
135. Sindjoun L., "Dynamique de Civilisation de l'Etat et de Production du
Politique Baroque en Afrique noire" in Verfassung und Recht in Übersee,
No. 2, 1994, p. 194.
136. Morin E., op. cit., p. 120.
137. Ebolo M. D., "Nationalisme..." op. cit., p. 52.
138. Sur les différentes composantes de la "société civile" Camerounaise, lire
Ebolo M.D, "Dialectique d'émancipation et d'assujettissement de la "société
civile" et processus de libéralisation au Cameroun: de la "société civile"
mythique à la "société civile" impure" in Sindjoun L. (sous la direction de),
Etat, société et changement au Cameroun, à paraÓtre aux Editions
CODESRIA.
141. Lire à ce sujet EBOLO M.D., "Nationalisme ... " op. cit., pp. 52-53.
142. Monga C., "La nouvelle stature internationale de John Fru Ndi" in Jeune
Afrique ... conomie, No. 165, Mars 1993, p. 124.
143. Sindjoun L. "Cameroun : le système politique face aux enjeux ..." op. cit.,
p. 144.
144. Le Messager, No. 256, Avril 1992, p. 8.
145. Le Messager, No. 488, du 14 Mars 1996, p. 4.
146. Le Quotidien, No. 87 Jeudi 18 Avril 1996, p. 1.
147. La Nouvelle Expression, No. 354 du 22 Octobre 1996, pp. 8-9.
148. Lire Ahmadou A., La politique africaine de la France depuis la conférence
de la Baule : Permanence et ruptures, Mémoire de Maître en Relations
Internationales, Université de Yaoundé II, IRIC, Novembre 1993, p. 44.
149. Mehler A., Inédit, op. cit., p. 29.
150. Cf. Jeune Afrique ... conomie. No. 147, Septembre 1991, p. 129.
151. Ebolo M.D., "Nationalisme ..." op. cit., p. 52; Ndi Mbarga V., Ruptures et
continuités au Cameroun, Paris, L'Harmattan, 1993, pp. 159-160.
152. La Nouvelle Expression, No. 255 du 9 au 12 Mai 1995, p. 1.
153. Le Messager Popoli, No. 142 du 8 Février 1996, p. 1.
154. Challenge Nouveau, No. 032 du 21 au 27 Mars 1996, p. 1.
155. Le Messager, No. 590, du Lundi 03 Mars 1997, p. 1.
156. Dilcalo, No. 206 du 08 au 11 Mars 1996, p. 3.
157. Sindjoun L„ "Cameroun : le système ..." op. cit., p. 148.
158. Bayart J.F., "Réflexions sur la politique africaine de la France" in Politique
Africaine, No. 58, Juin 1995, p. 44.
159. Cf. Un entretien avec Achille Mbembe, "Diagnostic sur les dérapages de la
transition démocratique en Afrique" in Afrique 2000, No. 12, Janvier-Mars
1993, p. 59.
160. Kamto M., L'urgence de la pensée ..., op. cit., p. 135.
161. Ibid.
171. Cf. Les droits de l'homme au Cameroun. Livre blanc ... op. cit., p. 243.
172. Ibid.
173. Ibid.
174. Cameroon Tribune, No. 5737 du lundi 05 Décembre 1994, p. 3; c'est nous
qui soulignons.
175. Ibid.
176. Ibid.
194. Badie B, Entretien à Cahiers Français, No. 263, op. cit., p. 64.
195. Ibid., p. 72.
196. Ibid.
197. Sindjoun L„ "Cameroun : le système politique ... " op. cit., p. 144 et SS.
198. Ebolo M. D., "Nationalisme ... " op. cit., p. 51.
199. Cf. "Rapport de Politique Générale du Président National" in Le Congrès du
Renouveau, Bamenda 21-24 Mars 1985, p. 33.
200. Cf. Paul Biya in Cameroon Tribune, No. 4669, Vendredi 29 Juin 1990, p. 5.
201. Cf. Sindjoun L„ "La cour suprême, la compétition électorale et la continuité
politique au Cameroun : la construction de la démocratisation passive" in
Afrique et Développement, Vol. XIX, No. 2, 1994, p. 57.
202. Cf. Les Droits de l'homme au Cameroun. Livre Blanc Publié par le
Gouvernement de la République, op. cit.
203. Sindjoun L., "La cour Suprême, ... " op. cit., pp. 55-58.
204. Ibid. p. 60.
205. Cf. PNUD, Rapport 1994 sur la Coopération pour le Développement au
Cameroun, September 1995, p. 52.
206. Cf. Ministère de l'Economie et des Finances, Direction de la statistique et de
la comptabilité Nationale, 1996.
207. Malliat C., "Cameroun: bien des Améliorations sensibles" in Jeune Afrique
Economie, No. 210, 25 Janvier 1996, p. 89.
208. Cameroon Tribune No. 5954, Mardi 17 octobre 1995, p. 5.
209. Depuis le Sommet de Chaillot (Paris) en Novembre 1991, le Cameroun était
membre de l'espace des pays ayant en commun la langue Française
(Francophonie).
210. Cf. Cameroon Tribune, No. 5954, op. cit.
211. Cf. Resolution No. 11/AN: to encourage the President of the Republic to
adhere to the 1991 Commonwealth Harare Declaration and speedily take all
measures necessary to achieve Cameroon's admission to Membership of the
Commonwealth of Nations.
212. Cameroon Tribune, No. 5954 op. cit., p. 5; Le Patriote, No. 170 du 19 au 25
octobre 1995, p. 2 où on peut lire: "Qui pis (et c'est le paroxysme du sacrilège),
des camerounais ont tout mis en oeuvre pour que notre pays ne soit pas admis
au sein du Commonwealth (tant que Paul Biya est Président de la République)."
213. Cameroon Tribune, No. 5954, Ibid.
214. Ibid.
215. Toutefois, par l'entremise du Président Ahidjo, le Cameroun a présidé aux
destinées de l'OUA en 1969-1970 à la faveur d'un sommet tenu à Addis
Abeba.