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Commentaire

Vous commenterez le poème d’Andrée Chédid, » Destination : arbre » (Texte C).


On attend :
• Un commentaire organisé autour d’un projet de lecture cohérent
• L’analyse de procédés d’écriture interprétés avec pertinence

On valorise :
• Une argumentation proposant une complexification croissante
• La finesse des analyses et la justesse des interprétations
• Une expression particulièrement élégante

On pénalise :
• La juxtaposition de remarques
• Les contresens manifestes
• La simple paraphrase et l’absence d’analyse stylistique
• Une langue mal maîtrisée et fautive

Éléments de réponse :
Différentes problématiques sont envisageables : celles qui questionnent l’hymne à la vie, ou
l’expérience de fusion avec la nature et sa signification ou encore celles qui évoquent un itinéraire
spatial, spirituel, esthétique.

L’expérience d’une communion, d’une symbiose avec la nature, à travers l’arbre


- Une expérience, avec son protocole, ses étapes, son but : les infinitifs prescriptifs décrivent le
parcours suivi ; les différentes étapes sont soulignées par les connecteurs temporels (« peu à
peu », « puis », « ensuite ») ; le but est évoqué dès le titre, comme un voyage ou une promenade
géographique (« Destination : Arbre »).
- Dès le titre, le poème s’ouvre sur l’idée d’un mouvement dynamique pour investir l’arbre dans
toutes ses dimensions. Les verbes de mouvement sont très présents : la première strophe
évoque, dans une gradation, la fusion progressive avec l’arbre vers la profondeur : « parcourir »,
« se lier », « se mêler » puis « plonger » ; à la plongée, succède la remontée dans les deuxième
et troisième strophes : « gravir », le long du fût, des racines aux branchages jusqu’à l’espace. Ce
mouvement prenant de l’ampleur est formalisé par l’espace dans le vers 11 : comme un élan ou
comme une attente, lié au mouvement progressif qui se déploie « lentement ».
- La fusion progressive avec la nature est soulignée par les nombreux verbes pronominaux (« se
lier », « se mêler », « se greffer », « s’unir ») et se fait par les sens, surtout le toucher, mais aussi
la vue et l’ouïe : « dans un éclat de feuilles », « Écouter ces appels », « Sentir sous l’écorce » …
- Une double expérience : l’arbre dans son environnement naturel, empli de vitalité comme
en témoignent les pluriels, soulignant le foisonnement, la fertilité, la vie (« jardins », « forêt »,
« terres », « des sols et des racines », « un éclat de feuilles ») et l’arbre des villes, tari, épuisé,
solitaire (« enclos » comme prisonnier, « éloigné », « orphelin ») : le passage de « l’Arbre » avec
majuscule et article défini à « un arbre » sans majuscule est éloquent ; l’article indéfini « un » est
répété trois fois, accentué par l’expression « seul » et par l’espace au vers 18, créant un vide, à
l’image de la solitude, de la coupure de l’arbre avec son environnement naturel.
- Pourtant le rythme croissant de la strophe 5, symbole de la fertilité, semble nuancer cette idée
d’assèchement.
- En effet, l’arbre, même coupé de son environnement originel, n’est pas coupé de ses racines : il
peut aussi préserver une part de vie sous-jacente, qui affleure, prête à jaillir (strophe 7). Il est
« arbre de vie ».

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Ainsi « l’Arbre », source de la vie et de la renaissance, se révèle allégorie de la vie humaine.
- Le cheminement d’arbre en arbre dévoile un itinéraire spirituel et un retour vers l’intérieur, en
témoigne la circularité du poème : le verbe « parcourir » (v.1) fait écho au verbe « cheminer »
(v.35) ; le thème du temps évoqué par « l’argile » originelle et par le verbe « renaître » est repris
par les expressions antithétiques « éphémère » et « durée ». Le titre « destination » fait écho au
voyage initiatique et au vocabulaire du cheminement : de « parcourir » à « cheminer, explorer,
aller, dépistant ».
- Cette promenade revient à explorer la vie et la condition humaine : de nos racines (« racines »
ou « argile » mythique) à la découverte de l’énigme du monde et de la vie (« déchiffrer les
soleils ») ; de nos expériences douloureuses (les « orages », la solitude, le déracinement) aux
expériences fécondes (les « rêves tenaces / Qui fortifient nos vies »). La racine donne naissance
et permet de renaître des profondeurs. Si l’arbre peut incarner l’éphémère (rythme des saisons),
il incarne aussi la durée : la sève circule, assure le dynamisme et la régénération, la continuité, y
compris dans l’arbre qui semble tari. Il est ainsi à l’image de la vie humaine : l’homme est soumis
au temps, mais il transmet la vie, cette vie qui affleure, même dans les moments difficiles,
notamment quand l’homme est exilé, coupé de ses racines. La dernière strophe, construite sur
des parallélismes, souligne l’équilibre entre le passage et la durée, entre l’éphémère et le
permanent.
- Une double métaphore associe alors l’arbre et l’humanité : l’arbre comme vie féconde,
palpable, invincible à laquelle l’humain peut puiser sa force, son énergie, sa vitalité et qui
peut déboucher sur des capacités nouvelles (« embrasser l’espace », « déchiffrer »,
« résister », « affronter ») et l’arbre à l’image de l’être humain : « La montée des sèves / La
pression des bourgeons / Semblables aux rêves tenaces » qui nous fécondent et nous fortifient.

L’arbre, symbole de l’expérience de la création poétique ?


- Création comme cheminement et exploration ouvrant la voie à la découverte et à la
connaissance d’un au-delà, du mystère de la vie qui ne se donne pas facilement, mais que
l’écriture poétique explore : « Embrasser l’espace », « Déchiffrer les soleils ».
- La poésie comme expérience de l’autre, comme expérience de la solidarité ; le verbe
« évoquer » l’arbre seul (v.16) est révélateur : il s’agit d’appeler, de faire venir pour faire vivre, en
s’unissant, en rejoignant, en écoutant la détresse de l’autre (strophe 6).
- La poésie est ainsi acte créateur donnant vie aux êtres et aux choses, comme la racine mère,
la sève qui circule ou l’argile originelle dont on forme toute chose.
- L’itinéraire poétique se lit aussi graphiquement : la longueur du poème et la brièveté des
vers se donnent à voir comme un chemin qui se déroule ; les espaces (vers 11 et 18)
matérialisent le saut vers l’espace ou la solitude de l’arbre isolé du reste.

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