Cdu 060 0038

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LE DERNIER CARTOUCHE DU COMPAGNON

Matthieu Lopes Cardozo

Grand Orient de France | « La chaîne d'union »

2012/2 N° 60 | pages 38 à 48
ISSN 0292-8000
DOI 10.3917/cdu.060.0038
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-la-chaine-d-union-2012-2-page-38.htm
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Illustration
Jean-Pie Robillot

LA CHAÎNE D’UNION n°60 ● Avril 2012


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DOSSIER

FAUT-IL ENCORE GLORIFIER LE TRAVAIL ?

LE DERNIER CARTOUCHE
DU COMPAGNON
PAR MATTHIEU LOPES CARDOZO

LL a cérémonie de l’augmentation de salaire de l’Apprenti comporte cinq


« voyages » au cours desquels lui sont dévoilés autant de cartouches affichant
● 39
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chacun une devise ou maxime. C’est ainsi qu’il découvre l’impératif pour lui
de « glorifier le travail ». Quelle résonance peut bien avoir en lui, dans
un XXI e siècle où le travail n’est plus qu’une nécessité souvent d’ailleurs
inaccessible, une telle expression ?

La définition des deux termes donnée par le Centre National


des Ressources Textuelles et lexicales ne peut résoudre le problème
sémiologique d’un point de vue maçonnique. La glorification (subst.
fém. Fin XIIIe-début XIVes. Glorificassion « action de glorifier » (Légende
des saints, ms. Bibl. Tours 1008, etc.). Emprunté au latin chrétien
glorificatio « exaltation, glorification »), ce terme ne pose guère de
problème. Le travail, en revanche (subst. masc., maison). Activité
professionnelle) n’apporte pas un éclairage suffisant pour rendre compte
du sens que veut lui donner la franc-maçonnerie. Car dans les principes
mêmes de la Maçonnerie, le travail en loge est tout sauf professionnel.

Nonobstant, il se pourrait que la devise implique une injonction


ou un engagement, fait par le Premier Surveillant, au grade d’Apprenti,
lors de la fermeture des travaux : «Vénérable Maître, nos Frères n’aspirent
pas au repos, ils promettent de continuer, au dehors du Temple, l’œuvre
Maçonnique.»

En suivant chronologiquement, dans les rituels au Rite


Français et au Rite Ecossais Ancien Accepté, l’évolution du 5e voyage
et les commentaires des Vénérables sur le travail, il a été possible
d’appréhender le sens donné au mot travail.

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Cette étude a également permis de dater l’introduction des


cartouches et de la Glorification du Travail.

Par contre, il s’est avéré impossible de connaître les raisons de


l’introduction des cartouches et de leur contenu, les archives du Grand
Orient n’ayant pu conserver le rapport sur les nouveaux rituels fait par
Louis Amiable et daté de 1886 – seul document pouvant, éventuellement,
nous renseigner.

Par ailleurs, un certain nombre de modifications ou ajouts


paraissent liés au débat intense, dans le monde profane, sur la nature
du travail et la situation des travailleurs au XIX° siècle.
L’industrialisation et les changements politiques de l’époque, sous l’in-
fluence de l’analyse marxiste relayée par les Internationales Ouvrières,
pénètrent les temples.

Au XVIIIe siècle, la valorisation du travail n’est pas celle du


travailleur

Depuis ses origines, le travail a eu une place importante dans


la philosophie de la Maçonnerie. Olivier Frayssé1 rappelle que la valori-
sation du travail au XVIIIe siècle en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis
n’est pas une valorisation du travailleur. Car tout est placé sur le plan
moral, tandis que l’Ordre s’interdit toute activité dans la cité.
40 ● L’instruction fondamentale est le respect de la loi morale et le travail est
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le moyen de parvenir à la rectitude morale (…). L’article premier des
Constitutions d’Anderson 1723 débute ainsi : « Un Maçon est obligé par
son engagement d’obéir à la loi morale … »

Il semble qu’il faille prendre le terme «loi morale» dans une


acception religieuse, car ce premier article des Constitutions d’Anderson
s’intitule « Concernant Dieu et la Religion ».

On peut formuler l’hypothèse que « les nobles et les bourgeois


du XVIII e siècle et d’une partie du XIX e ne travaillaient pas (pas vraiment,
sauf exception) et donc qu’il fallait montrer aux “travailleurs” qu’ils
étaient solidaires, qu’ils comprenaient leur souffrance et que même ils
la glorifiaient ». Une explication qui comporte certainement sa part de vérité,
même si elle n’est pas exclusive d’autres interprétations. En France, à
partir de la fin du XVIIIe, le travail est présent dans les rituels d’élévation au
grade de Compagnon au Rite Français et au Rite Ecossais Ancien Accepté.

En 1782, le Grand Orient de France procède à la standardisation


des rites « modernes » et, en 1785, les rituels pour les trois premiers
degrés en loge bleue sont établis. Un imprimeur diffuse, en 1801, ces
rites sous le titre : « Le Régulateur du Maçon »2, lequel ne mentionne
pas de cartouches lors de l’élévation au grade de Compagnon.
1
Travail exalté, rapport salarial occulté, aux sources du paradigme « anglo-saxon » du travail,
par Olivier Frayssé in « Travail et emploi », textes réunis et présentés par M. Azuelos.
2
Le Régulateur du Maçon, par Pierre Mollier, A l’Orient, Paris, 2004, in Le Guide des Maçons
écossais, de la même époque.

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DOSSIER
Dans ce document, le 5ème voyage débute à Midi et l’impétrant
est conduit par le Grand Expert par main droite, le retour se fait à
l’Occident et sans aucun outil. Les 4 voyages précédents étaient faits
avec des outils.

Un résultat du compagnonnage opératif ?

Citons brièvement le Vénérable Maître s’adressant à l’impétrant :


« Ce voyage vous figure la 5 ème année du temps de compagnonnage.
Suffisamment instruit dans la pratique de l’Art, le Compagnon doit
employer cette année à l’étude de la théorie c’est pour cela que
vos mains sont libres ». C’est au travail de l’esprit (…) que tous vos pas
se dirigent vers la connaissance de la vérité, but unique que nous
proposons (…)

Il ressort des paroles du Vénérable Maître qu’au début du XIXe


siècle, le lien avec le compagnonnage « profane » est clairement fait.

Le travail est un travail de l’esprit, l’étude de la théorie, avec


la connaissance de la vérité comme but unique. Le symbole c’est les
mains libres. Le travail servait aussi de protection contre la séduction
« du vice et de la fougue des passions » par des efforts constants, ce qui
reste d’actualité à ce jour.

Le Régulateur du Maçon concerne jusqu’en 1810 aussi bien la ● 41


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Grande Loge de France que le Grand Orient de France.

En 1858, le « Rite français dit de Murat » est défini, sous l’égide


du Grand Maître le Prince Lucien Murat, centré sur l’esprit de construction.
Le discours du Vénérable Maître comporte les mêmes symboles : la 5ème
année du Comp∴, les mains libres suggérant le travail de l’esprit. S’y
ajoute une mise en garde contre les préjugés et un glissement de la
connaissance de la vérité vers les connaissances humaines. Les allusions
au vice semblent remplacées par une mise en garde contre les préjugés.

Nous retrouvons le travail de perfectionnement mais aussi


des symboles nouveaux : le passage des travaux matériels aux travaux
intellectuels; le Temple dont le Maçon est la matière et l’artisan qui doit
se rapprocher autant que possible de la perfection ; et le culte du
travail en tant que devoir.

Jusqu’ici le travail reste essentiellement symbolique, c’est


celui de « l’esprit » ; il est tourné vers le perfectionnement maçonnique
avec toutefois une référence au travail matériel profane.

Le positivisme d’Auguste Comte influence les rituels à partir de


1879

Le Grand Collège des Rites du Grand Orient de France décide,


en 1879, d’abroger toute référence religieuse dans le Rite Français,
comme la référence au Grand Architecte de l’Univers. Pendant l’année

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DOSSIER
1885, le Grand Orient pose, à ses loges, la question : « Quelles sont les
modifications qu’il convient d’apporter aux rituels ? ».

L’année suivante voit la création d’une commission de


12 membres, présidée par Louis Amiable, membre du Conseil de l’Ordre
du GODF, qui révise le rituel dit de Murat de 1838. Le nouveau rituel,
élaboré en 1887, se réfère au positivisme, système philosophique
d’Auguste Comte, qui considère que le fondement de la connaissance
repose sur l’observation et l’expérience.

Dans le rituel Amiable, le 5ème voyage se fait avec une truelle à


la main, débute à midi et finit au plateau du président où le cartouche
« Glorification du Travail » est découvert. C’est donc en 1887 qu’appa-
raissent, au Rite Français, la truelle, peut-être empruntée au Rite
Ecossais Rectifié, les cartouches qui sont de forme ovale couchée et
l’épigramme « Glorification du Travail ».

Dans son introduction, le Vénérable Maître rappelle que les


élèves de Pythagore devaient faire 5 années d’études, afin (…) «qu’ils
fussent en état d’enseigner à leur tour et dignes d’être écoutés». Une
assertion qui évoque les règles du compagnonnage. La truelle est
définie comme le symbole de la glorification du travail et aussi comme
instrument de l’achèvement du travail du constructeur, en l’occurrence
le Maçon. Citons le V∴ M∴ : « L’humanité subsiste et ne se perfectionne
42 ● que par le travail, c’est lui qui est le vainqueur de la nature. C’est lui aussi
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qui nous améliore : il nous protège contre le vice ; il nous assure la liberté ;
il nous enseigne l’égalité et il nous mûrit pour la fraternité ».

La première phrase nous fait entrer avec le travail dans le


monde profane et, dans la deuxième phrase, le « nous » peut laisser penser
à une abolition de la frontière entre la Maçonnerie et le monde.

Suit une comparaison entre « les colonies animales et la société


humaine » avec un accent sur l’importance pour l’individu d’être utile à la
société : « l’œuvre le plus humble a toujours une certaine utilité sociale ».
Sont blâmés ceux qui restent oisifs et inutiles !

Le V∴ M∴ poursuit : « Mais aussi que cette Glorification du


Travail ne soit pas un hommage stérile rendu aux travailleurs. Retenons
les enseignements de ce symbolisme. Puisque les sociétés ne vivent que
du travail de leurs membres, elles doivent préparer les travailleurs de
l’avenir par l’éducation et l’instruction, elles doivent empêcher l’oppres-
sion de ceux qui travaillent avec leur bras et tout mettre en œuvre pour
améliorer leur sort ».

Net glissement vers la définition profane du travail à la fin du


XIXe siècle

Ce dernier paragraphe ressemble fort à une injonction faite au


Compagnon d’intervenir directement, ce qui semble faire référence à la
loi du 16 juin 1881 dite de Jules Ferry.

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DOSSIER

Cartouche
lumineux
dans le Temple
Corneloup.
Hôtel du Grand
Orient de France
Paris.

Le glissement du travail intellectuel et symbolique vers le travail


dans le monde profane est net dans les deux derniers paragraphes du
discours du V∴M∴, s’ajoutant à l’introduction qui implique que le

● 43
Compagnon doit être « en état d’enseigner et digne d’être écouté ». Une
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injonction qui, pour ne pas être explicite, peut s’appliquer également au
rôle que le Compagnon aura à jouer dans l’enseignement aux Apprentis.

Le sens du travail se rapproche avec ce rituel de l’acception


profane et le perfectionnement Maçonnique paraît très ténu avec une
seule mention pour l’amélioration du Maçon.

Ce nouveau rituel du Rite Français est adopté par le Conseil de


l’Ordre les 15 et 16 avril et gardera sa forme initiale jusqu’en 1938, à
l’exception de quelques modifications mineures en 1907 où le voyage
débute à midi et s’achève au milieu du Temple et un ajout au discours
du V∴M∴ : « elles [les sociétés] doivent enfin mettre à l’abri du besoin
ceux qui par l’âge ou par les accidents sont devenus invalides du
Travail.»

En 1938, le Grand Maître du Grand Orient de France, Arthur


Groussier, propose une nouvelle réforme du rite qui marque un retour à
une certaine orthodoxie. Le voyage se fait avec la truelle et le cartouche
prend sa forme triangulaire actuelle.

Le V∴M∴ s’adresse ainsi à l’impétrant : « Mon Frère, la truelle


que vous teniez à la main pendant ce dernier voyage est l’outil par lequel
l’œuvre du constructeur s’achève et devient parfaite. Elle symbolise la
Glorification du travail. Glorifions le travail : c’est par lui que l’homme
devient meilleur. Glorifions le travail : l’effort du plus humble des
hommes peut contribuer à un progrès de l’humanité. Glorifions le travail.

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DOSSIER
C’est par lui que l’œuvre de la franc-maçonnerie se poursuivra. C’est par
lui qu’un jour la construction du Temple sera parachevée.»

Ce rituel saisit de façon remarquable l’essentiel du précédent,


tout en renforçant à nouveau l’idée de la primauté du travail maçonnique.
Le Rite Français dit Groussier sera finalisé en 1955 sous l’autorité de
Paul Chevalier.

Le Cahier du Grade de Compagnon de 1981 n’apporte aucun


changement au 5ème voyage, par rapport au précédent.

Enfin, au Rite Français, les derniers changements datent de


2002 (repris en 2009) en ce qui concerne le 5ème voyage.

Le voyage se fait dans le sens solaire, après que le V∴M∴ a


donné la truelle en disant : «Je te remets la truelle, la truelle est l’attribut
du constructeur ».

A la fin du voyage, après que l’impétrant a lu le cartouche


Glorification du travail, le V∴M∴ dit : « Mon Frère, la 5 ème étape de la
construction achève l’édifice. En glorifiant le travail, utilise la truelle
pour cimenter les matériaux et supprimer les inégalités de votre
construction. Par le travail, améliore l’homme, la société, et la Franc-
Maçonnerie. Progresse ainsi vers ton triple idéal ».
44 ●
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L’évolution du Rite Ecossais Ancien et Accepté est parallèle et
comparable à celui du Rite Français sur ce point

Avant de conclure, cet historique ne serait pas complet sans


mentionner les rituels du REAA dont l’évolution montre une proximité
étroite avec le Rite Français et l’antériorité de la glorification du travail.
Rappelons que, jusqu’en 1810, les rituels sont identiques au Rite
Français dans les grades bleus, notamment le Régulateur.

En 1810, dans le Guide des Maçons Ecossais, édité à


Edimbourg, il est précisé que «Le candidat a les mains libres ».

Le texte lu par le V∴M∴ est nettement plus court que dans le


Régulateur et n’explique pas les mains libres. Il reprend une partie du
Régulateur et notamment l’étude de la théorie, les sentiers de la vertu et
introduit la notion de perfectionnement, ainsi que l’idée que la connais-
sance est destinée aux « travaux Maçonniques plus élevés »

Les Rituels du REAA de 1829 et 1843 diffèrent peu du


précédent rituel et ne comportent pas de cartouches.

Au Rite Ecossais, le Suprême Conseil émet en 1829 et 1842


d’autres rituels sensiblement identiques en ce qui concerne le 5ème voyage
et sans mention de cartouches. Le premier rituel imprimé au REAA
parait en 1877 et, à la page 91, concernant l’élévation au grade de
Compagnon, est mise en exergue à l’entête :

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DOSSIER
Cinquième Voyage
LES MAINS LIBRES
Glorification du Travail

Le voyage consiste en un tour de la loge finissant entre les


Colonnes puis le Récip∴ est ramené à sa place.

Le Vénérable expose que le tablier est l’emblème du travail et que :


« nous sommes avant tout des travailleurs (…). Pour nous,
Maçons, le travail est un effort soutenu de nos bras et notre esprit ayant
un résultat utile. Le travail est matériel ou intellectuel. (…) Votre édu-
cation d’initié est terminée, il ne vous reste plus (…) qu’à rendre à ceux
qui viendront après vous l’instruction que vous avez reçue vous-même.
Notre but constant, à nous autres Maç∴, c’est : «la civilisation de la
société par la propagation des sciences, et l’amélioration de l’espèce
humaine par la morale qui résulte de l’influence de chaque particulier ».

Il semble donc que c’est au REAA que la glorification du


travail est introduite dans le rituel et si l’importance du travail est
nettement soulignée, il est aussi défini comme utile dès lors que le bras
et l’esprit se conjuguent.

L’injonction de transmettre ainsi que « la civilisation de la


société » par l’influence de chacun sont des notions qui sont toujours
présentes. Il est à remarquer que, hormis l’introduction des cartouches ● 45
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aux environs de l’année 1900, le rituel au REAA ne subit pas ou peu de
modifications jusqu’en 1991.

Selon ce rituel, le récipiendaire voyage mains libres, dextrorsum,


fait le tour complet de la loge, s’arrête au pied de l’Orient. Il retourne le
cartouche et lit GLOIRE AU TRAVAIL.

Le V∴M∴ expose que les outils utilisés lors des voyages sont
ceux des compagnons opératifs et précise que : « nous sommes avant
tout des travailleurs (…) Le travail est la grande vocation de l’homme, il
lui est enseigné comme un devoir impératif. (…) Pour nous, Francs-
Maçons, le travail constitue une véritable mission ».

La Franc-maçonnerie, religion du travail ?

Après avoir évoqué la coopération du Maçon au grand œuvre


selon le plan du Grand Architecte de l’Univers, il affirme : «La Franc-
Maçonnerie, mon Frère, est une véritable religion du travail». Il termine
par une ode au travail dans laquelle sont repris les concepts tels que la vertu
maçonnique et le devoir sacré de l’homme libre. Il précise encore que le tra-
vail préserve des passions lâches et mauvaises et de la corruption du vice,
tandis qu’il procure l’estime de nous-même et nous rend utiles aux autres.

Enfin, il est dit du travail qu’il «nous assure la liberté, nous


enseigne l’égalité et mûrit nos âmes pour la douce Fraternité ». Ce rituel
parait comme une synthèse de l’ensemble des rituels depuis Murat.

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DOSSIER

Cartouche rencontré à l’occasion du 5e voyage.

46 ●
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On constate donc que le travail est, selon les rituels, dans le
temps, tour à tour défini comme manuel et/ou intellectuel et qu’il vise
tout à la fois l’amélioration de l’homme et de la société. C’est un travail
maçonnique en loge et un travail profane dans la cité.

Ces deux aspects sont également considérés comme le devoir,


voire le but, de tout Maçon et de la Maçonnerie Universelle.

Bien que la démarche initiatique ne soit mentionnée que


tardivement, dans les rituels du REAA, elle est sous-jacente partout. Il con-
vient de se souvenir qu’il s’agit de l’augmentation de salaire de l’Apprenti !

Citons ici Oswald Wirth, malgré son conservatisme, qui dit dans
La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes3 sa vision du
parcours du Maçon, aux alentours de la fin du XIXe siècle : «La Franc-
Maçonnerie vise à former des Initiés, c’est-à-dire des hommes dans la
plus haute acception du mot ».

L’apprenti a comme objectif de se connaître et ne participe pas


au travail de la loge qu’en donnant sa manière de percevoir. Ce travail
de « développement de soi » dans le silence et l’écoute, loin d’être pas-
sif, ouvre à l’appartenance approfondie à la loge et le prépare à la phase
suivante, plus « participative ».

3
L’Apprenti, Dervy-Livres, 1984, p. 123.

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DOSSIER

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La République Sociale, chant et manifeste de 1848,


Musée Carnavalet, Paris.

Travailler, oui mais comment et pourquoi ? A l’amélioration de


l’homme et de la société

Par ce travail sur la pierre brute, l’Apprenti saisit le véritable


objectif du Franc-Maçon : travailler au perfectionnement de lui-même et
de l’humanité.

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DOSSIER
Il semble donc que la Glorification du Travail ne saurait être
enseignée à un autre moment du parcours maçonnique car, avant de
pouvoir prétendre à transmettre et à diriger les travaux, il faut avoir le
sens du Travail, de la construction de tout. Irène Mainguy dit :

«La glorification du travail par l’homme du métier correspond


à un état d’esprit orienté vers la perfection de la construction. Une
manière d’être et de vivre en répercutant en toutes choses un art et une
éthique de comportement. Cette attitude nécessite dans la réalisation de
l’ouvrage ou de l’œuvre à accomplir au quotidien la vigilance et la
conscience de l’instant ».4

Notre société fait face à une réelle dépréciation de la valeur du


travail, l’environnement professionnel se durcit et de plus en plus de
personnes se trouvent sans emploi. Cette société se débat dans une crise
mondiale marquée par la montée de l’individualisme et ou le monde de
la finance semble déconnecté du travail productif. C’est une mutation
dont personne ne connaît ni la dimension ni le résultat.

La Glorification du Travail doit garder, plus que jamais, sa place


dans la maçonnerie pour que, dans la loge, la réflexion sur le travail du
Maçon et son perfectionnement soit poursuivie.

Dans la cité, le Maçon pourra ainsi être le moteur d’une mobi-


48 ● lisation pour le respect du travail bien fait. Il devra propager l’idée de la
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valeur du travail en tant qu’outil du progrès des individus et de humanité.

■ M . L. C .

4
La symbolique maçonnique du 3e millénaire, par Irène Mainguy.

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