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Formule PM 2000
Nom de la candidate :
Nom de la directrice :
I. TITRE PROVISOIRE
Le journal de personne suivi de L’impossible posture
La narratrice a 25 ans. Elle possède un bar, une chambre de célibataire et la moitié d’un
baccalauréat en littérature. Se promettant de devenir la grande écrivaine qu’elle a toujours
souhaité être, elle entreprend un projet de roman qu’elle pressent grandiose : le récit de sa
plus récente rupture. Elle souhaite atteindre des sommets : elle recherche la finesse de Duras,
la ruse de Vila-Matas, la folie tragique de Ducharme, le désarroi de Miron. Le sentiment
d’imposteur frappe alors la jeune femme dès la première ligne : elle n’y arrivera pas. Pour
pallier l’angoisse, elle ouvre un nouveau cahier. Dans ce « journal de la création », elle dresse
l’historique de ses échecs : son incapacité à avancer, l’horreur de ne pas trouver les mots, son
puissant sentiment d’imposteur, l’absence de certitude qu’engage l’acte d’écrire.
Au fil des pages, un échec plus vaste se dessine : le roman ne s’écrit pas. Dans son
journal, les notes sur son roman restent superficielles, le récit piétine, les personnages n’ont
pas de corps. Malgré tout, une trame narrative se trace, une certaine logique se met en place.
2
Et s’il s’agissait d’un subterfuge de l’auteure ? Si le projet de roman n’avait jamais existé et
que l’œuvre véritable était celle du journal ?
C’est en employant la narration au « je » que je me propose d’écrire un récit autofictif
sous la forme d’un journal de création d’une œuvre fantôme. De fait, ce récit se présentera
comme un document accompagnant l’œuvre principale, or d’œuvre principale, il n’y aura
pas. Le journal de personne deviendra finalement une œuvre en soi, explorant l’impossibilité
de la création en en faisant son sujet principal, tout en feignant de s’intéresser au quotidien
de la narratrice, à sa rupture amoureuse et au devenir adulte. Le procédé de feintise me
permettra d’inscrire l’expérience de l’imposture dans le texte littéraire, de brouiller les pistes,
de jouer avec les frontières de la fiction. Je souhaite insinuer chez le lecteur un doute
raisonnable. Devant quel objet littéraire se trouve-t-il : un journal personnel, un roman, une
œuvre hybride, une mise en abyme, un labyrinthe ? À quelle auteure se frotte-t-il : une
étudiante naïve, une écrivaine manipulatrice, un imposteur ?
1
Blanchot, M. (1980). L’écriture du désastre. Paris : Éditions Gallimard. 22.
2
Dans son article, David Bélanger parle des anti-écrivains comme d’une catégorie plus large englobant à la fois
les écrivains négatifs (Tillard, 2011) – qui n’écrivent pas – ainsi que ceux qui placent le refus comme thématique
de leur œuvre. Cette nomenclature plus large sera celle adoptée dans le cadre de cet essai.
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écrivains, même refusant, écrivent toujours. Comment alors allier posture du refus et
écriture ?
L’analyse de l’œuvre d’Enrique Vila-Matas me permettra d’y réfléchir, l’auteur catalan
n’ayant, depuis le début de sa carrière, cessé d’écrire sur l’impossibilité de le faire3. À travers
les citations erronées (voire carrément inventées4) qui parsèment son œuvre ainsi que par la
mise en scène toujours ambiguë de lui-même (Garcia, 2011), Vila-Matas arrive à écrire le
refus en adoptant la posture de l’imposture5. Plutôt que de présenter la figure de l’auteur
comme une impasse6, il se moque de son rôle par le jeu du faux-fuyant.
Mon essai réflexif, partant de là, tentera d’éclairer ce qui, dans Le journal de personne,
se rapporte à une expérience de l’imposture pour réfléchir ensuite, plus largement, à
l’impossibilité d’écrire comme moteur de l’écriture. Je pose comme hypothèse, en ce sens,
que l’imposture est une réponse à l’impossibilité de l’écriture et un acte de création en soi,
un acte de création de soi. L’imposture se situe dans la distance « entre être et ne pas être
[où] quelque chose qui ne s’accomplit pas arrive cependant7 ». Paradoxale, elle se situe dans
la faille entre écrire et ne pas écrire, entre représentation de l’échec et résistance à cet échec.
Ainsi, je souhaite investiguer la façon dont l’imposture remet en question la logique de la
mimésis comme modèle de représentation (Garcia, 2011), résiste au réalisme, à la suprématie
du réel sur la fiction et permet de remettre en question la figure auctoriale au sein du récit.
D’un point de vue plus personnel, l’imposture a quelque chose à voir avec l’expérience
de soi. Une expérience qu’on peut, comme écrivain, comme être humain, parfois ressentir
comme insuffisante. Il est à prévoir que cette expérience stérile de soi ne mène à rien seule.
Une façon, par contre, de détourner ce désert est d’investir l’imposture pressentie. La feintise
est une réponse au sentiment d’imposteur et permet de poser un visage sur son masque8. On
se sent imposteur et puis, on choisit de le devenir. Et cette imposture, plutôt que de
représenter le poids d’une insuffisance, d’une inexactitude, d’une inadéquation, devient alors
3
Vila-Matas, E. (2009). Journal volubile. Paris : Christian Bourgois Éditeur. 14.
4
Vila-Matas, E. (2010). Perdre des théories. Paris : Christian Bourgois. 36.
5
Derain, R. (2010), « Annexe — Entrevue inédite avec Enrique Vila-Matas », dans temps zéro, nº 3 [en ligne].
URL : http://tempszero.contemporain.info/document529 [consulté le 2 avril 2017].
6
Bélanger, D. (2016). « En contre-jour : la représentation évanescente de l’écrivain dans le roman québécois
contemporain », Arborescences, Polyphonies : voix et valeurs du discours littéraire, 6 (septembre), 54-71.
7
Blanchot, M. (1980). L’écriture du désastre. Paris : Éditions Gallimard. 30.
8
Bouju, E. (2010), « Enrique Vila-Matas sur la ligne d’ombre. Masque de la citation et racine de la réalité »,
Temps zéro, nº 3 [en ligne]. URL : http://tempszero.contemporain.info/document502 [consulté le 2 avril 2017].
4
9
Blanchot, M. (1969). L’entretien infini. Paris : Gallimard. 16.
5
Ouvrages de référence
Le journal
La figure de l’auteur
Sur Vila-Matas
Bouju, E. (2010). « Enrique Vila-Matas sur la ligne d’ombre. Masque de la citation et racine
de la réalité », Temps zéro, nº 3. http://tempszero.contemporain.info/document502
Derain, R. (2010), « Annexe — Entrevue inédite avec Enrique Vila-Matas ». Temps zéro, 3.
http://tempszero.contemporain.info/document529
Eymar, M. (2010). « Les derniers mots. Fin de vie et fin de la littérature dans l’œuvre d’Enrique
Vila-Matas ». Temps zéro, 3. http://tempszero.contemporain.info/document510
Gabastou, A. (s.d.) « Comment Enrique Vila-Matas résiste à la traduction ».
http://www.enriquevilamatas.com/escritores/escrgabastou2.html
. (2010). Vila-Matas, pile et face. Enrique Vila-Matas, rencontre avec André
Gabastou. Paris : Argol Éditions.
Garcia, M. (2011). « Devenir Personne : mode d’emploi. Éclipses littéraires chez Enrique
Vila-Matas ». Fantômes d’écrivains [en ligne]. Perpignan : Presses universitaires de
8
Autofiction
Chevillard, E. (2009). L’autofictif. Talence : Éditions de l’Arbre vengeur.
Colonna, V. (1989) « L’autofiction, essai sur la fictionalisation de soi en littérature ».
Linguistique. École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS. Français).
Colonna, V. (2004). Autofiction & autres mythomanies littéraires. Auch : Éditions Tristam.
Garcia, M. (2009). « L’étiquette générique autofiction : us et coutumes ». Çédille. Revista de
estudios franceses, 5 (avril), 146-163.
Lejeune, P. (1991). « Nouveau Roman et retour à l’autobiographie », dans Contat Michel
(dir.), L’Auteur et le manuscrit, Paris : PUF, coll. « Perspectives critiques ».
. (1996). Le pacte autobiographique. Paris : Éditions Points.