Séries de Fourier: L'étude Approfondie de La Nature Est La Source La Plus Féconde Des
Séries de Fourier: L'étude Approfondie de La Nature Est La Source La Plus Féconde Des
Séries de Fourier: L'étude Approfondie de La Nature Est La Source La Plus Féconde Des
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A. Séries trigonométriques.
1. Définitions.
2. Propriétés.
3. Exemples.
B. Séries de Fourier.
1. Définitions, premières propriétés.
2. Convergence en moyenne quadratique.
3. Un théorème de convergence uniforme.
4. Théorème de Dirichlet.
5. Exemples de développements en série de Fourier.
6. Convolution, suites en delta.
Pierre-Jean Hormière
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Les séries trigonométriques et les séries de Fourier constituent deux théories bien distinctes, même
si elles ont des liens profonds, et dialectiques.
Une série trigonométrique est une série de la forme a0/2 + ∑n≥1 an.cos(nθ) + bn.sin(nθ). Se posent
à son sujet des questions simples et naturelles : en quels points converge-t-elle ? Sur quels domaines
y a-t-il convergence uniforme ? convergence en moyenne quadratique ? si elle converge simplement
sur R, quelles sont les propriétés de la fonction somme f(θ) ? les coefficients an et bn sont-ils
uniques ? s’expriment-ils simplement à l’aide de f ?
Les séries de Fourier posent le problème inverse : étant donnée une fonction f 2π–périodique, peut-
on la représenter comme somme d’une série trigonométrique, c’est-à-dire comme une superposition
d’ondes de fréquences de plus en plus petites ? Si tel est le cas, le plus souvent, les an et bn sont les
coefficients de Fourier de f. Tout revient alors à former la série de Fourier de f, et à examiner les
relations qu’elle entretient avec cette série. Du coup, revenant aux séries trigonométriques, si la série
a0/2 + ∑n≥1 an.cos(nθ) + bn.sin(nθ) converge sur R et a pour somme f(θ), est-elle la série de Fourier
de sa somme ?
Ces deux théories ont pour point de départ les travaux de Fourier sur la propagation de la chaleur
dans les solides. Elles se sont développées simultanément depuis deux siècles. Elles ont dû pour cela
surmonter, dès leur naissance, de multiples objections et obstacles, car le moins qu’on puisse dire est
qu’elles ne sont pas faciles ! Mais les résultats établis ont des retombées dans des domaines voisins,
1
appliqués (équations aux dérivées partielles) ou théoriques (topologie et théorie des ensembles,
intégration, analyse fonctionnelle, théorie spectrale, …).
Elles ont aussi des retombées plus concrètes : les sinusoïdes nous accompagnent de la naissance à
la mort. Pour avoir assisté aux derniers instants de proches sur un lit d’hôpital, je peux témoigner que
les seules choses qui nous assurent qu’ils ou elles sont encore en vie, ce sont trois sinusoïdes
affichées par des appareils de mesure…
Commençons par rappeler que si f est une fonction 2π–périodique R → C réglée sur (tout segment
a + 2π
de) R, l’intégrale ∫
a
f(t).dt est indépendante de a, et sera souvent notée ∫ π f(t).dt .
(2 )
A. Séries trigonométriques
1. Définitions.
Proposition 1 : Les (en)n∈Z forment une C-base de l’espace P des polynômes trigonométriques.
Corollaire : Les fonctions θ → ½, θ → cos(kθ) et θ → sin(kθ) (k ≥ 1), forment une C-base de P , et
une R-base de l’espace des polynôme trigonométriques réels.
La preuve qui est le plus dans l’esprit du chapitre repose sur les relations d’orthogonalité :
1 ∫ e−imθ.einθ.dθ = δ 2
m,n ∀(m, n) ∈ Z
2π (2π)
1 ∫ cos(mθ).cos(nθ).dθ = 0 si m ≠ n , 2 si m = n = 0 , 1 si m = n ≥ 1
π (2π)
1 ∫ sin(mθ).sin(nθ).dθ = 0 si m ≠ n , 1 si m = n ≥ 1.
π (2π)
n n
a0
Du coup, si P(θ) = ∑c .e θ =
k = −n
k
ik
2
+ ∑a .cos(kθ)+b .sin(kθ) , on a les formules de Fourier:
k =1
k k
−ikθ
(∀k ∈ Z) ck = 1 ∫(2π) P(θ).e .dθ
2π
(∀k ∈ N) ak = 1 ∫(2π) P(θ).cos(kθ).dθ et (∀k ∈ N*) bk = 1 ∫(2π) P(θ).sin(kθ).dθ
π π
La liberté s’en déduit. Le caractère générateur était évident. Au fond, la liberté des deux familles
découle de ce que ce sont des familles orthogonales de vecteurs non nuls pour le produit scalaire
hermitien ( P | Q ) = 1 ∫(2π) P(θ).Q(θ).dθ sur P.
2π
Autres propriétés des polynômes trigonométriques :
1) P est une algèbre pour la multiplication usuelle, stable par dérivation.
2
2) P est à valeurs réelles ssi les ak et bk sont réels, ou encore ssi c0 ∈ R et c−k = ck pour tout k.
P est pair ssi les bk sont nuls, ou encore ssi c−k = ck pour tout k.
P est impair ssi les ak sont nuls, ou encore ssi c−k = − ck pour tout k (donc c0 = 0).
Exercice 1 : Donner d’autres preuves de la proposition 1.
+π
θ
Exercice 2 : Montrer pour tout 0 ≤ k ≤ n Cnk = 1
2π ∫ π (2.cos 2) .cos((n2 −k)θ).dθ .
−
n
3) a) Si x0, x1, …, xn sont distincts dans [0, π], et si y0, y1, …, yn sont des complexes quelconques,
montrer qu’il existe un unique P ∈ Pn pair tel que ∀k ∈ { 0, 1, … , n } P(xk) = yk .
cos x−cos xq
Il est donné par : P(x) = ∑ y .C (x)
0≤ p ≤ n
p p , où Cp(x) = ∏(cos x −cos x ) .
q≠ p p q
b) Si x1, …, xn sont distincts dans ]0, π[, et si y1, …, yn sont des complexes quelconques,
montrer qu’il existe un unique P ∈ Pn impair tel que ∀k ∈ {1, 2, … , n} P(xk) = yk .
cos x−cos xq
Il est donné par : P(x) = ∑ y .S (x)
0≤ p ≤ n
p p , où Sp(x) = sin x .
sin x p ∏(cos x −cos x ) .
q≠ p p q
condition d’appeler « sommes partielles » de cette série les sommes partielles symétriques :
n
Sn(θ) = ∑c .e θ .
k = −n
k
ik
En d’autres termes, on dit que la série converge en un point (resp. uniformément sur une partie A,
resp. en moyenne quadratique sur [0, 2π]) si ses sommes partielles symétriques convergent en ce
point (resp. uniformément sur A, resp. en moyenne quadratique sur [0, 2π]).
3
+∞ +∞
Avec ce point de vue, ∑cn.einθ désigne au fond, par pliage, la série c0 +
n = −∞
∑(c .e θ +c
n =1
n
in .e−inθ ) .
−n
+∞
Remarque : Soit cn = 1 si n > 0, 0 si n = 0, −1 si n < 0. La série ∑c
n= −∞
n est convergente, de somme
nulle, au sens des sommes partielles symétriques, mais divergente si l’on considère les sommes
partielles quelconques.
Définition 3 : Par série trigonométrique, on entend une série de fonctions de la forme :
+∞
a0
2
+ ∑a .cos(nθ)+b .sin(nθ) .
n =1
n n
L’équivalence des deux points de vue est manifeste, car, avec les formules :
(∀n ∈ N) an = cn + c−n , (∀n ∈ N*) bn = i (cn − c−n)
a0
c0 = et (∀n ∈ N*) cn = 1 (an − i.bn) et c−n = 1 (an + i.bn) .
2 2 2
les sommes partielles de la seconde série sont les sommes partielles symétriques de la première.
Notons que si an et bn sont réels, on peut écrire an.cos(nθ) + bn.sin(nθ) = rn.cos(nθ − ϕn), où :
rn = an2 +bn2 est l’intensité, et ϕn le déphasage.
La théorie des séries trigonométriques est immense : le livre de A. Zygmund fait 700 pages, et
l’article de Jean-Pierre Kahane dans l’Encyclopedia universalis sur ce sujet est fort long.
Contentons-nous ici d’en donner le point de départ.
Dans les énoncés suivants, nous considérons une ST mise sous l’une des formes :
+∞
a0
∑cn .e ∑a .cos(nθ)+b .sin(nθ) .
inθ
= + n n
n∈Z 2 n =1
Proposition 1 : Le domaine de convergence simple2 d’une série trigonométrique est un Fσδ (et a
fortiori un ensemble borélien) de R, stable par les translations de 2kπ, k ∈ Z.
Preuve : Le second point est évident. Quant au premier, il découle d’une propriété tout à fait générale
des limites simples de suites de fonctions continues, déjà citée dans le chapitre sur ce sujet :
Exercice 1 : Si A est un ensemble de parties de E, on note Aσ , resp. Aδ , l’ensemble des parties de E
qui s’écrivent comme réunion, resp. intersection, d’une suite de parties de A. On note G, resp F,
l’ensemble des ouverts, resp. des fermés, de l’espace métrique (E, d). Soit (fn) une suite de fonctions
continues E → R. Montrer que le domaine de convergence simple S de la suite (fn) est un Fσδ.
[ Indication : Noter que S = I U I { x ∈ E ; | fp(x) − fq(x) | ≤ 1 }. ]
k ≥1 n ≥1 p, q ≥ n k
Proposition 2 : Si une série trigonométrique converge uniformément sur R, sa somme f(θ) est une
fonction continue 2π-périodique sur R, et les coefficients de la série sont données par les formules :
2 L’étude du domaine de définition et de l’ensemble des points de continuité des séries trigonométriques fut le
point de départ des travaux de Georg Cantor (1845-1918), qui s’intéressa à ce sujet sur les conseils de son
aîné Eduard Heine, et, suivant la pente abstraite de son esprit, se tourna vers les parties de R les plus générales,
leurs propriétés ensemblistes et topologiques.
4
Autrement dit, en anticipant légèrement, les coefficients sont les coefficients de Fourier de la
fonction f. Cela implique qu’ils sont uniquement liés à la somme f. En résumé, une série trigono-
métrique uniformément convergente est la série de Fourier de sa somme.
Preuve : Les formules précédentes découlent de ce que l’interversion ∫∑ = ∑ ∫ est licite, et des
relations d’orthogonalité énoncées en § 1.1.
Remarque 1 : En vertu du théorème de convergence dominée, la prop. 2 reste vraie si la série
converge simplement sur R vers une fonction réglée, et si ses sommes partielles sont uniformément
majorées.
Remarque 2 : Les propriétés suivantes sont équivalentes :
i) La série trigonométrique converge normalement sur R ;
ii) ∑n∈Z |cn| < + ∞ ;
iii) ∑n∈N |an| < + ∞ et ∑n∈N* |bn| < + ∞ ;
Si ces conditions sont remplies, la prop 2 s’applique ; de plus, la somme f(θ) est aussi limite des
sommes partielles dissymétriques ∑
ck.eikθ , lorsque m et n tendent vers +∞ indépendamment.
−m≤k ≤n
La proposition 3 établit un lien direct entre le comportement à l’infini des coefficients cn, an et bn,
et la régularité de la somme : plus les coefficients tendent vite vers 0, plus la somme est régulière. Du
coup, si l’on veut obtenir des séries trigonométriques pathologiques, il suffit de considérer des séries
dont les coefficients tendent lentement vers 0, ou des séries lacunaires. Le théorème 4 montre que si
les coefficients trigonométriques tendent vers 0 en décroissant, il y a encore convergence.
⊂ R−2πZ.
Preuve : Elle repose sur la transformation d’Abel, qui accélère la convergence, de même qu’une
intégration par parties rend manifeste la semi-convergence d’une intégrale impropre en la ramenant à
ix i2x inx inx/2 sin(n+1)x / 2)
une absolue convergence. Notons Vn = 1 + e + e +…+e =e . = Cn + i.Sn .
sin(x / 2)
n n n n
Il vient : ∑a .cos(kθ) = ∑a .(C −C
k =1
k
k =1
k k k −1 )= ∑ a .C − ∑ a .C
k =1
k k
k =1
k k −1
5
n n −1 n
= ∑ak.Ck −
k =1
∑ak +1.Ck = an.Cn − a1.C0 +
k =0
∑(a −a
k =1
k ).Ck .
k +1
n
Or (Cn) est bornée, (an) tend vers 0, donc (an.Cn) → 0, et ∑(a −a
k =1
k k +1 ).Ck est la somme partielle
d’une série absolument convergente. De plus, si l’on se place sur un segment J ⊂ R−2πZ, (Cn) est
n
uniformément bornée, et ∑(a −a
k =1
k ).Ck est somme partielle d’une série normalement convergente.
k +1
+∞
∑a .r .e θ est
iθ n in
a un rayon de convergence R > 0, chacune des séries trigonométriques f(r.e ) = n
n =0
normalement convergente, donc est la série de Fourier de sa somme.
On en déduit l’expression intégrale des coefficients :
(∀n ∈ N) (∀r ∈ ]0, R[) an = 1
2πr n
∫(2π) f(r.eiθ).e−inθ.dθ .
et aussi (∀n < 0) 0 = 1
2πr n
∫(2π) f(r.eiθ).e−inθ.dθ .
On notera que les seconds membres sont indépendants de r… puisque constants !
Enfin, si R est fini, l’étude de f sur le cercle d’incertitude |z| = R équivaut à celle de la série
+∞
trigonométrique ∑a .R .e θ . Elle est parfois difficile.
n =0
n
n in
1) Montrer que cette série converge simplement sur R. Soit f(θ) sa somme.
n
2) Pour 0 < r < 1, on pose Fn(r, θ) = ∑r
k =1
.sin(kθ) . Calculer Fn(r, θ), et montrer que :
k −1
3Euler indiqua la somme de cette série, dans une lettre à Goldbach (1744). Abel nota en 1825 qu’elle donnait
un exemple de suite simplement convergente de fonctions continues ayant une somme discontinue.
6
1
4) Calculer la première intégrale. Montrer que pour tout θ ∈ ]0, π[, ∫ R (r,θ).dr → 0 , la conver-
0
n
gence étant uniforme sur tout [α, π−α], (0 < α < π) . En déduire f(θ) (cf aussi § 5.2)
+∞
sin(nθ)
Exemple 4 : la série de Fatou ∑
n =2 ln n
(1906).
B. Séries de Fourier
4 On peut montrer que la somme de cette série n’est ni bornée, ni intégrable-Riemann au sens généralisé, ni
intégrable-Lebesgue sur [0, 2π], et qu’enfin la série de Fatou n’est pas la série de Fourier de sa somme.
5 En 1861, Riemann déclara en cours que la somme de cette série trigonométrique lacunaire n’était nulle part
dérivable. Weierstrass tenta sans succès de le démontrer, mais découvrit une classe de séries trigonométriques
possédant cette propriété. En 1916, Hardy montra la non-différentiabilité de la fonction de Riemann en
certains points. En 1970 enfin, à la surprise générale, un étudiant américain, J. Gerver, montra que cette
fonction était dérivable en les πp/q, avec p et q impairs, et non dérivable ailleurs (cf. D. Choimet et H.
Queffélec, Grands théorèmes du XXème siècle, C&M, chap. VII).
7
Exercice 2 : 1) Construire une bijection naturelle de C2π(R, C) sur C(U, C), où U = {z ∈ C ; |z| = 1 }.
2) Montrer que les caractères du groupe compact U, c’est-à-dire les morphismes continus de
inθ
groupe multiplicatif de U dans C*, sont les fonctions en : θ → e , où n décrit Z.
3) Si f est à valeurs réelles, alors les an(f) et bn(f) sont réels, et cn(f) = c− n(f) pour tout n.
π
4) Si f est paire, alors an(f) ≡ 2 ∫ f(θ).cos(nθ).dθ et bn(f) ≡ 0 ;
π 0
π
Si f est impaire, alors an(f) ≡ 0 et bn(f) ≡ 2 ∫ f(θ).sin(nθ).dθ .
π 0
∑c (f) .e ∑c (f) .e
inpθ ipθ i(p+n)θ
5) Pour tout p ∈ Z, f(pθ) ∼ n et e .f(θ) ∼ n .
n∈Z n∈Z
∑c (f) .e
ina inθ
6) Translation : pour tout a ∈ R, f(θ + a) ∼ n .e
n∈Z
∑in.c (f) .e
1 inθ
7) Dérivation : si f est C , alors f’(θ) ∼ n ,
n∈Z
6 Ce n’est pas un hasard si Riemann a défini son intégrale dans son mémoire consacré aux séries trigono-
métriques. Ces séries ont joué un rôle constitutif dans la théorie de l’intégration, car elles ont souvent pour
sommes des fonctions discontinues, susceptibles ou non d’intégration.
8
autrement dit, la série de Fourier de f’ est la dérivée terme à terme de la série de Fourier de f.
x
Exercice 3 : Exprimer à l’aide de celle de f la série de Fourier de F(x) = ∫
0
f(t).dt − c0(f).x.
x
A quelle condition x → ∫
0
f(t).dt est-elle 2π-périodique ? Conséquence et remarques ?
n −1
f( x + 2kπ ) .
n ∑ n n
Exercice 4 : Exprimer à l’aide de celle de f la série de Fourier de g(x) = 1
k =0
x+h
Exercice 5 : Soit h > 0. Exprimer à l’aide de celle de f la série de Fourier de fh(x) = 1
2h ∫
f(t).dt .
x −h
∑ c (f) ² ≥ 0.
2
ce qui implique : f 2
− n
k = −n
n
7L’astronome berlinois Friedrich Wilhelm BESSEL (1784-1846) étudia les fonctions qui portent son nom. Il
publia l’inégalité ci-dessus dans un mémoire de 1828 sur les phénomènes périodiques, où il utilise le
développement en série de Fourier sans référence à sa démonstration ou aux problèmes de convergence (dixit
Godement).
9
∀f ∈ C2π(R, C) ∀ε > 0 ∃P ∈ P || f − P ||∞ ≤ ε.
Soit n0 tel que P ∈ Pn0 . Alors, pour n ≥ n0, on a
|| f − Sn( f ) ||2 ≤ || f − Sn0( f ) ||2 ≤ || f − P ||2 ≤ || f − P ||∞ ≤ ε.
2ème étape : C2π(R, C) est dense dans R2π(R, C) pour la semi-norme || f ||2.
3) Si deux fonctions f, g ∈ C2π(R, C) ont mêmes coefficients de Fourier, elles sont égales.
2
Ainsi, l’application F : f → (cn(f))n∈Z de C2π(R, C) dans l (Z, C) est un morphisme injectif
d’espaces préhilbertiens.
(Si f et g sont réglées, il n’en est plus de même : deux fonctions réglées périodiques qui diffèrent en
un nombre fini ou dénombrable de points modulo 2π, ont mêmes coefficients de Fourier).
4) Soit f ∈ C2π(R, C). Pour que f soit un polynôme trigonométrique, il faut et il suffit que la famille
(cn(f))n∈Z de ses coefficients de Fourier soit à support fini.
Exercice : Comment se traduit sur les coefficients de Fourier exponentiels, resp. trigonométriques, le
fait que f soit π-antipériodique, c’est-à-dire que f(x + π) + f(x) = 0 pour tout x ?
Extensions.
1) Le théorème 2 reste vrai pour les fonctions Riemann-intégrables 2π-périodiques.
2) Il reste aussi vrai pour les fonctions f 2π-périodiques telles que, pour un ensemble fini E ⊂ [0,
2π], f|[0,2π]−E soit réglée ou Riemann-intégrable, et que f soit de carré intégrable sur [0, 2π].Mais
alors les coefficients de Fourier se présentent comme des intégrales impropres. Cela peut être établi
en exercice.
Interprétation physique de l’identité de Parseval.
Si f représente une onde ou une vibration (la variable t est le temps), la formule de Parseval
exprime que l’énergie totale de la vibration sur une période est la somme des énergies de ses
inθ
composantes harmoniques cn(f).e (Lord Rayleigh, 1889).
8 Marc Antoine PARSEVAL DES CHËNES (1755-1836) fut emprisonné comme royaliste en 1792, et dut
son salut à Legendre. Plus tard, il dut fuir la France pour avoir publié un poème contre l’Empire. Sa laideur
l’avait fait surnommer le « cochon savant » par ses très-aimables collègues de l’Académie. Il a seulement cinq
10
L’identité de Parseval signifie que la famille orthonormale (en)n∈Z est totale dans les espaces
préhilbertiens R2π(R, C) et C2π(R, C). Généralisons-la afin de mieux comprendre la situation :
Soit E un espace préhilbertien, séparé ou non, B = (ei)i∈I une famille orthonormale indexée par I.
On suppose que le sous-espace vectoriel P engendré par les ei est séparé. Pour toute partie finie J ⊂ I,
notons PJ = Vect(ei)i∈J ; c’est un sous-espace de dimension card J.
Pour tout x ∈ E, on appelle i-ème coefficient de Fourier de x par rapport à B : ci(x) = (ei | x).
2 2 2
Plus précisément, je dis que : ||x|| − || x || = d(x, P) .
En effet, par associativité des bornes inférieures :
d(x, P) = d(x, ∪J PJ) = infJ d(x, PJ) = infJ ||x|| − ∑i∈J | ci(x) |
2 2 2 2 2
Corollaire : Si E est préhilbertien séparé et B = (ei)i∈I une famille orthonormale totale, l’application
2
F : x → (ci(x))i∈I de E dans l (I, K) est un morphisme injectif d’espaces préhilbertiens.
2
Exercice 2 : Montrer que l (I, K) admet une famille orthonormale totale.
Exercice 3 : Montrer que les polynômes de Legendre Πn(x) = n+1/ 2 .Pn(x) , qui forment une base
2
de R[x] orthonormalisée de la base canonique (1, x, x , … ), forment une famille totale dans l’espace
1
C([−1, 1], R) pour le produit scalaire ( f | g ) = ∫
−1
f(x).g(x).dx . En déduire une formule de
« Parseval-Legendre ».
publications à son actif, la seconde contenant, sans démonstration, le fameux théorème relatif aux séries
trigonométriques. Ce résultat, énoncé en 1805 à l’issue d’un simple calcul formel, fut utilisé par Lacroix et
Poisson, et devait jouer un rôle important dans la théorie des séries de Fourier. En réalité, la formule dite « de
Parseval » relative aux séries trigonométriques ne trouva son cadre naturel, lorsque f est de carré intégrable,
qu’avec la thèse de Fatou de 1906. Celui-ci en attribua la paternité à Parseval, à cause de son mémoire publié
en 1805-06, à une époque où personne ne pouvait avoir la moindre idée de la démonstration de la totalité d’un
système trigonométrique.
11
3. Un théorème de convergence uniforme.
1
Définition : Une fonction f 2π-périodique, non nécessairement continue, est dite C -par morceaux
1
s’il existe une subdivision σ = (0 = x0 < x1< … < xn = 2π) telle que f soit de classe C sur chacun des
intervalles ]xi, xi+1[ et que f’ ait une limite à droite et à gauche en ces points.
Il revient au même de dire que pour chaque i, f|]xi, xi+1[ est la restriction à ]xi, xi+1[ d’une fonction
1
de classe C sur [xi, xi+1].
1
Théorème : Si f est une fonction 2π-périodique continue et C -par morceaux, la série de Fourier de f
converge normalement et a pour somme f.
Preuve : Pour des raisons pédagogiques, procédons en trois étapes.
2
1) Supposons d’abord f de classe C .
La suite (cn(f’’)) est bornée par ||f’’||∞, donc cn(f) = O( 12 ) en ±∞ . [ (cn(f’’)) tend même vers 0, de
n
∑c (f) .e
inθ
sorte que cn(f) = o( 12 ) ]. Par suite, la série trigonométrique n est normalement conver-
n n∈Z
gente ; sa somme g(θ) est une fonction continue vérifiant cn(g) = cn(f) pour tout n. Il découle de
Parseval que g = f.
1
2) Supposons ensuite f de classe C .
cn(f')
∑in.c (f) .e
inθ
On a encore : f’(θ) ∼ n ; pour n ≠ 0, cn(f) = .
n∈Z
in
2 2 2
Le lemme | ab | ≤ 1 ( | a | + | b | ) implique alors : | cn(f) | ≤ 1 ( | cn(f’) | + 1 ).
2 2 n²
Comme (cn(f’)) est de carré sommable, la suite (cn(f)) est sommable. Par suite, la série trigono-
∑
inθ
métrique cn(f) .e , est normalement convergente ; sa somme g(θ) est une fonction continue
n∈Z
Pour établir cn(f’) = in.cn(f), il faut faire une découpe à la Chasles, et intégrer par parties sur chaque
n −1 x n −1 xk +1
{ − f(t). e
+ 1 xk +1 f'(t).e−int.dt } = 2π cn(f') ,
− int
∑∫ ∑ ∫
k +1
morceau : 2πcn(f) = f(t).e−int.dt =
x
k =0 k k =0 in x in xk in
k
car les parties intégrées […] se simplifient. La preuve se poursuit alors comme en 2).
12
Conséquence : isomorphisme des espaces C2∞π et S.
2
Notons S le sous-espace de l (Z, C) formé des suites c = (cn) à décroissance rapide, c’est-à-dire
2
telles que cn = O( 1p ) quand n → ±∞, pour tout p ∈N. S n’est pas un sous-espace fermé de l (Z, C),
n
2
car il contient les suites canoniques, qui forment une famille totale dans l (Z, C).
∞
∑c
inx
On a déjà observé en A.2) que si c = (cn)n∈Z ∈ S, la fonction f(x) = n e est définie et C , et
n∈Z
∞
que les cn sont alors les coefficients de Fourier de f. Réciproquement, si f est C et 2π-périodique, il
∑in.c (f) .e
inθ
découle aussitôt d’une application répétée de f’(θ) ∼ n que la suite (cn(f)) est à
n∈Z
2
décroissance rapide. On en déduit que l’application F : f → (cn(f))n∈Z de C2π(R, C) dans l (Z, C)
∞
induit un isomorphisme d’espaces préhilbertiens séparés, du sous-espace C2∞π des fonctions C sur le
sous-espace S des suites à décroissance rapide.
(n)
Exercice 1 : Soit T l’endomorphisme de C2∞π qui à f associe f . Déterminer Ker T et Im T ; montrer
qu’ils sont orthogonaux.
n
Exercice 2 : Soit (ak)0≤k≤n une suite de complexes. Pour toute f ∈ C2∞π , on pose T(f) = ∑ a .f
k =0
k
(k)
.
Exercice 3 : Développer en série de Fourier la fonction f 2π–périodique et paire telle que f(t) = t
sur [0, π]. Montrer que la série converge normalement, alors que le th du § 3 ne s’applique pas.
L’exercice suivant généralise le théorème de ce § , ainsi que l’exercice précédent.
2 α
2) On suppose ∃M ≥ 0 ∃α > 0 ∀(u, v) ∈ R | f(u) − f(v) | ≤ | u − v | .
[ Indication : prendre h = π . ]
2N
Montrer que ∑
n = N +1
cn(f) ² = O( 12α ) .
N 4N
3) En déduire que si α > ½, la série de Fourier de f converge normalement vers f.
4. Théorème de Dirichlet.
13
propriété défectueuse du noyau de Dirichlet (voir fin du chapitre, § 6). Le théorème de Dirichlet et
ses généralisations par Dini, Jordan, etc. n’en ont que plus d’importance.
9 Peter Gustav LEJEUNE-DIRICHLET (1805-1859) fut un très grand mathématicien allemand, proche ami
de Carl Jacobi. Il vint à Paris en 1822 terminer ses études scientifiques, comme précepteur des enfants du
général Foy. En juillet 1826, il démontra le grand théorème de Fermat pour n = 5 ; Legendre compléta sa
preuve. A l’automne 1826, il rencontra Niels Abel de passage à Paris, et le prit d’abord pour un compatriote.
Nommé à son retour en 1826 Privatdocent à l’Université de Breslau, sur la recommandation de Fourier,
Dirichlet devint ensuite professeur à l’École militaire, puis à l’Université de Berlin. Il publia à Berlin en 1829
un article intitulé Sur la convergence des séries trigonométriques qui servent à représenter une fonction
arbitraire entre des limites données. Il a fait par la suite d’importants travaux en théorie des nombres (il
démontra le grand théorème de Fermat pour n = 14 en 1832 et le théorème de la progression arithmétique en
1837), et en théorie du potentiel. À la mort de Gauss en 1855, Dirichlet fut élu pour lui succéder à Göttingen,
mais il mourut peu d’années plus tard. Son successeur Bernhard Riemann (1826-1866) mourut jeune lui aussi.
Dirichlet avait épousé la sœur cadette, Rebecca (1811-1858), du compositeur Félix Mendelssohn-
Bartholdy (1809-1847). Il faut donc étudier ces théorèmes en écoutant la Symphonie écossaise (dirigée par
Christoph von Dohnanyi si l’on aime le romantisme mittel-europa, par Yannick Nézet-Séguin si l’on préfère la
fougue canadienne…) Ajoutons que la sœur bien-aimée de Félix, Fanny (1805-1847), elle aussi compositeur,
épousa en 1829 le peintre de cour Wilhelm Hensel et a eu pour petit-fils le mathématicien Kurt Hensel (1861-
1941), créateur des nombres p-adiques.
Pour en revenir à Dirichlet, on peut noter que c’est au tournant des années 1830, qui marque la fin de
l’épopée polytechnicienne en France, et la génération de Dirichlet, Jacobi et Kummer, en Allemagne, que les
mathématiques allemandes affirment leur suprématie. Et l’on se prend à rêver à la collaboration qui serait née
entre Dirichlet et Abel, si celui-ci n’était pas mort prématurément, et avait été nommé à Berlin.
14
où h est réglée sur ]0, π], prolongeable par continuité en 0 car h(t) → f’d(x) − f’g(x) quand t → 0+.
Il reste à conclure via Riemann-Lebesgue. Cqfd.
Mentionnons pour finir le résultat suivant (hors pgme), qui contient le th de Dirichlet et le th du §3 :
Théorème de Jordan : Soit f 2π périodique R → C, et à variation bornée sur [0, 2π].
1) La série de Fourier de f converge simplement en tout x∈R vers φ(x) ≡ 1 [ f(x + 0) + f(x − 0) ].
2
2) Si f est continue sur un segment J, alors la convergence est uniforme sur J.
(Rappelons qu’une fonction à variation bornée est réglée.)
Développer une fonction en série de Fourier, c’est former sa série de Fourier exponentielle ou
trigonométrique, et étudier les relations entre la fonction et sa série de Fourier, à la lumière des
théorèmes disponibles (ici, les trois théorèmes du programme).
(−1)k
Si l’on fait t = π , on retrouve la formule : ∑ = π . Prendre d’autres valeurs.
2 k ≥0 2 k +1 4
La série précédente converge simplement (Dirichlet), en moyenne quadratique (Parseval), pas
uniformément, car est discontinue, mais uniformément sur tout [α, π−α] (0 < α < π/2), en vertu du
th.4 de A.2, à condition d’en modifier légèrement la preuve (les sommes partielles Vn = sin t + sin 3t
+ … + sin (2n−1)t = sin ²nt sont bornées, uniformément sur ces segments).
sint
> with(plots):f:=x->(-1)^floor(x/Pi);
> S:=(n,x)->(4/Pi)*sum(sin((2*k+1)*x)/(2*k+1),k=0..n);
15
> p:=n->plot(S(n,x),x=-5..5,thickness=2,color=COLOR(HUE,0.15*n)):
g:=plot(f(x),x=-5..5,colour=black,thickness=2):
> display([g,seq(p(n),n=0..9)]);
Soit f la fonction 2π–périodique définie par f(t) = π −t si t∈]0, 2π[, f(0) = 0. f est impaire, et C1
2
sin(2t) sin(3t) sin(nt)
par morceaux. On a : f(t) ∼ sint +
1
+
2
+… =
3 ∑ n ≥1 n
.
Niels Abel observa en 1825 que cette série, déjà connue d’Euler, converge simplement vers une
fonction discontinue, contredisant une affirmation du Cours d’Analyse de Cauchy selon laquelle
toute série simplement convergente de fonctions continues a une somme continue. En réalité, il n’y a
pas convergence uniforme, car f est discontinue, mais la convergence est uniforme sur tout segment
[α, 2π−α] (0 < α < π), en vertu du th.4 de A.2. (Abel).
> with(plots):f:=x->Pi/2-x/2+floor(x/(2*Pi))*Pi;
> S:=(n,x)->sum(sin(k*x)/k,k=1..n);
> p:=n->plot(S(n,x),x=-Pi..3*Pi,thickness=2,color=COLOR(RGB, rand()/10^12,
rand()/10^12, rand()/10^12));
g:=plot(f(x),x=-Pi..3*Pi,colour=black,thickness=2):
> display([g,seq(p(n),n=0..9)]);
16
Exercice 3 : Phénomène de Gibbs.
1) Représenter graphiquement les sommes partielles Sn de la série ; visualiser les résultats
précédents. Quel phénomène nouveau voit-on apparaître ?
2) a) Montrer que Sn( π ) → G = ∫ sint.dt ( constante de Wilbraham-Gibbs ).
π
n 0 t
b) Montrer que sint > 1 − 2t sur [0, π] ; en déduire G > π .
t π 2
−3
c) Obtenir un développement en série de G, et calculer G à 10 près.
d) La convergence de la série est-elle uniforme sur ]0, 2π[ ?
3) Montrer que les sommes partielles Sn sont uniformément majorées sur R.
[ Indication : on pourra étudier leurs variations, qui conduisent à ∀(n, x) | Sn(x) | < G. Mais on peut
aussi prendre x ∈ ]0, π[, et découper la somme à l’aide de p = [π/x]. ]
cos(nt)
4) On considère la série trigonométrique ∑
n ≥1 n²
. Montrer qu’elle est définie et continue sur
R ; calculer sa somme.
5.3. La quinconce.
1
Soit f la fonction 2π–périodique définie par f(t) = | t | si | t | ≤ π ; f est paire, continue, et C par
cos((2n+1)t)
morceaux. On a : f(t) ∼ π − 4 ∑ .
2 π n≥0 (2n+1)²
π4 π4
La formule de Parseval implique ∑ 1
n ≥ 0 (2n+1)
4
=
96
; d’où ζ(4) =
90
.
17
5.4. Le feston.
2 1
Soit f la fonction 2π–périodique définie par f(t) = t si | t | ≤ π ; f est paire, continue et C par
f(t) ∼ π² + 4
cos(nt)
morceaux. On a :
3 ∑(−1) .
n ≥1
n
n²
.
π4
La formule de Parseval implique ζ(4) = . Il y a convergence normale de la série vers f.
90
Exercice 6 : 1) Que trouve-t-on si t = 0, π ? Prendre d’autres valeurs.
2) Représenter les sommes partielles de la série.
Exercice 7 : Développer en série de Fourier la « dérivée » de f.
Exercice 8 : Développer en série de Fourier la fonction f 2π–périodique définie par :
f(t) = t² − πt + π² si 0 ≤ t ≤ 2π. Retrouver le résultat de l’ex. 1, 4) du § 5.2.
4 2 6
π²
Si α ∈ R−Z, Parseval donne
sin ²(απ)
= ∑ (α −1n)² .
n∈Z
Exercice 9 : Application.
x
1) Montrer que g(x) = cotan x − 1 est définie et continue sur ]−π, π[. Calculer ∫ g(t).dt .
x 0
+∞
2) En déduire que ∀x ∈ ]−π, π[ sin x = x ∏(1− nx²π² ²) . Etendre cette formule à tout x .
n =1
___________
Exercices
Exercice 1 : Soit 0 < h < π, f la fonction 2π-périodique définie par f(x) = 1 si |x| < h, 0 si h < |x| ≤ π.
+∞ +∞
Développer f en série de Fourier. En déduire ∑ sin ²nh = h.(π −h) ,
∑ sinnnh = π −h .
n =1 n² 2 n =1 2
+∞ +∞ +∞ +∞
Calculer ∑ sinn²²nh
n =1
et ∑ sinnnh
n =1
pour tout réel h. En déduire ∑sinn²²n
n =1
et ∑sinn n .
n =1
18
+∞
Exercice 3 : Montrer la formule ∀x ∈ ]0, π[ cos x = 8
π ∑ (2n−1)(n 2n+1).sin(2nx) .
n =1
∑ ∑ (2k +11)
4 3 3
f(t) = t − 2πt + π t sur [0, π]. Calculer , et ζ(10).
k = 0 (2k +1)
5 10
k =0
2π +∞
∑ (n1!)² .
ix
Exercice 8 : Développer en série de Fourier f(x) = exp(e ). En déduire 1 ∫ e2cos x.dx =
2π 0
n =0
Retrouver cette formule directement.
Exercice 9 : Développer en série de Fourier la fonction 2π–périodique définie par g(t) = sin(αt) si |t|
< π (α ∈ C − Z). Formules obtenues ?
Exercice 10 : 1) Développer en série de Fourier la fonction 2π–périodique définie par f(t) = ch(αt) si
|t| ≤ π (α ∈ C − i.Z). Formules obtenues ?
2) Montrer que g(x) = coth x − 1 est continue sur R. Exprimer g(x) comme somme d’une série de
x
fonctions rationnelles.
+∞
3) Prouver que le produit infini ∏(1+ n1²) converge, et calculer sa valeur.
n =1
Exercice 11 : Développer en série de Fourier la fonction 2π–périodique définie par g(t) = sh(αt) si |t|
< π (α ∈ C − Z). Formules obtenues ?
Exercice 15 : Développer en série de Fourier la fonction 2π-périodique définie par f(x) = − ln|2sin x |
2
si 0 < |x| ≤ π, f(0) = 0. Quels problèmes cela pose-t-il ?
2
Exercice 16 : Soit F : [0, 1] → R définie par F(x, y) = x(1 – y) si x ≤ y , F(x, y) = y(1 – x) si y ≤ x .
+∞
sin(nπx).sin(nπy)
π² ∑
Montrer que F(x, y) = 2 .
n =1 n²
Exercice 17 : Représenter les courbes d’équations :
19
+∞ +∞
sin(nx).sin(ny) sin(ny).cos(nx)
∑(−1)n−1
n =1 n2
= 0 , resp. ∑(−1)
n =1
n −1
n3
= 0.
2) Calculer les intégrales In ( Indication : noter que In+1 + 2.ch a.In + In−1 = 0.)
Retrouver le développement en série de Fourier de f.
shy
3) Montrer que la fonction F(x, y) = est harmonique sur R×R*.
chy +cos x
Exercice 21 : Développer en série de Fourier f(x) = ln(5 – 3 cos x).
20
6. Convolution, suites en delta.
2) Soit 0 < h < π, dh la fonction 2π-périodique définie par dh(x) = π si |x| < h, 0 si h < |x| ≤ π.
h
x+ h
Alors, pour tout x, ( f ∗ dh)(x) = 1
2h ∫ x −h
f(u).du .
Proposition 1 : i) La convolution est une loi interne bilinéaire, commutative, associative, sans
élément neutre dans C2π(R, C), et même dans R2π(R, C).
p
ii) Si l’une des fonctions est de classe C , ou est un polynôme trigonométrique, il en est de même
de leur convolée.
iii) La série de Fourier de la convolée a pour coefficients les produits des coefficients de f et g :
∑c (f).c (g) .e
inθ
(∀n ∈ Z) cn( f ∗ g) = cn(f).cn(g) , en d’autres termes ( f ∗ g )(θ) ∼ n n .
n∈Z
Preuve : laissée en exercice. Pour l’associativité, utiliser les ∫∫. Montrons seulement que ∗ n’a pas
d’élément neutre : si δ était élément unité, on aurait : ∀f ∈ C2π(R, C) δ ∗ f = f . Appliquant ceci aux
en, il viendrait (∀n ∈ Z) 1 ∫(2π) δ(θ).e−inθ.dθ = 1 , contredisant Riemann-Lebesgue.
2π
ii) signifie que le bébé hérite de toutes les qualités de ses parents !
Si f est continue et g réglée, f ∗ g est continue en vertu du théorème de convergence dominée.
k (k) (k)
Si f est C , f ∗ g aussi et ( f ∗ g ) = f ∗ g. Enfin, pour tout n, (en ∗ g) = cn(g).en.
iii) Utiliser des intégrales doubles, ou noter que cn(f) = (en ∗ f)(0).
Exercice 1 : Calculer f ∗ , ∗ .
Exercice 2 : Calculer an( f ∗ g) et bn( f ∗ g) à l’aide de an(f), bn(f), an(g) et bn(g).
Exercice 3 : 1) Montrer que Pn est une algèbre pour la convolution, unifère d’unité Dn, noyau de
2n+1
Dirichlet, et diagonale, c’est-à-dire isomorphe à l’algèbre C .
2) Montrer qu’il existe un élément ∆n ∈ Pn tel que (∀P ∈ Pn) ∆n ∗ P = P’. Exprimer ∆n à l’aide de
2
Dn . Application : Soit f ∈ P ; résoudre dans l’équation différentielle y’’ − ω y = f.
Exercice 4 : 1) Montrer que C2π(R, C) admet des diviseurs de zéro f, g ≠ 0 tels que f ∗ g = 0.
2) Résoudre f ∗ f = f dans C2π(R, C).
[k] n
3) On note f = f ∗ … ∗ f ( k fois ). Soit P(X) = a1.X + … + an.X un polynôme complexe.
n
∑a . f
[k]
Résoudre l’équation P(f) ≡ k = 0 , où f ∈ C2π(R, C).
k =1
21
1) Montrer que || f ∗ g ||∞ ≤ || f ||1.|| g ||∞ ≤ || f ||∞.|| g ||∞ ; conséquences ?
2) Montrer que || f ∗ g ||∞ ≤ || f ||2.|| g ||2 ; conséquences ?
3) Montrer que || f ∗ g ||1 ≤ || f ||1.|| g ||1 ; conséquences ?
x+h
Exercice 6 : Soit h > 0. A toute f ∈ E = C2π(R, C) on associe la fonction fh(x) = 1 ∫ f(t).dt .
2h x −h
Définition 2 : On appelle suite en delta toute suite (gn) d’éléments de C2π(R, C) vérifiant les trois
axiomes : (∆1) (∀n ∈ N) (∀x ∈ R) gn(x) ≥ 0 ;
(∆2) limn→+∞ 1 ∫ g (t).dt = 1 ;
2π (2π) n
(∆3) ∀α ∈ ]0, π[ 1 ∫ g n(t).dt = 0 .
2π α ≤ t ≤π
Les axiomes signifient que les gn sont positives, d’intégrales moyennes tendant vers 1, et d’aires se
concentrant au voisinage de 0 et de ses translatés. La notion de suite en delta s’étend sans peine à
celle de famille en delta, indexée par un réel (cf. § 6.2., ex.3).
Théorème 2 : Si (gn) est une suite en delta, pour toute f ∈ C2π(R, C), la suite ( f ∗ gn) converge
uniformément vers f.
+π
Preuve : ( f ∗ gn)(x) − f(x) = 1 1 +π gn(t).dt − 1]
2π ∫−π 2π ∫−π
[f (x −t ) − f (x)] .gn (t).dt + f(x). [
+α +π
= 1 ∫ [f(x−t)− f(x)] .gn(t).dt + 1 ∫ [f(x−t)− f(x)].g n(t).dt + f(x).[ 1 ∫ gn(t).dt − 1]
2π −α 2π α ≤ t ≤π 2π −π
+α
D’où | (f ∗ gn)(x) − f(x) | ≤ 1 ∫ f(x−t)− f(x) .gn(t)dt + 1 ∫ f(x−t)− f(x).g n(t).dt +
2π −α 2π α ≤ t ≤π
+π
| f(x) |.| 1 ∫ g n (t).dt − 1|
2π −π
+α +π
≤ 1 ∫ f(x−t)− f(x) gn(t)dt + 1 2.|| f ||∞ ∫ g n(t).dt + || f ||∞ | 1 ∫ gn(t).dt − 1|
2π −α 2π α ≤ t ≤π 2π −π
Pour l’instant, α est un réel quelconque compris entre 0 et π. Il est temps de prendre notre ε !
Soit ε > 0 . f étant continue 2π-périodique est uniformément continue sur R.
2
On peut donc choisir α ∈ ]0, π[ tel que ∀(u, v) ∈ R | u − v | ≤ α ⇒ | f(u) − f(v) | ≤ ε.
Dès lors, pour tout réel x
| ( f ∗ gn )(x) − f(x) | ≤ ε
+α +π
∫ α g (t).dt + 1 || f ||∞ ∫αg n(t).dt + || f ||∞ | 1 . ∫ gn(t).dt − 1|
2π π 2π π
n
− ≤ t ≤π −
≤ ε ∫ g n (t).dt + 1 || f ||∞ ∫
+π +π
g n(t).dt + || f ||∞.| 1 ∫ gn(t).dt − 1|
2π −π π α ≤ t ≤π 2π π−
22
+π
≤ ε.B + 1 || f ||∞ ∫α ≤ t ≤π gn(t).dt + || f ||∞ | 21π ∫ π g (t).dt − 1|
π
n
−
+π
car la suite ( 1 ∫ π g (t).dt ) est convergente donc bornée.
2π
n
−
α étant ainsi choisi, en vertu de (∆2) et (∆3), il existe n0 tel que, pour n ≥ n0, on ait, pour tout x,
| ( f ∗ gn )(x) − f(x) | ≤ ( B + 2 ).ε. CQFD. Vive Weierstrass !
Remarque : Une suite en delta est parfois dite système d’unités approchées,
ou suite de Dirac. Si l‘expression « suite en delta » fait référence à l’allure
des graphes des gn (on pourrait la nommer plus justement « suite
phallique »), l’expression « système d’unités approchées » insiste sur le fait
que les gn tendent vers un objet idéal, qui joue le rôle d’élément neutre pour
la convolution. Cette limite n’existe pas en tant que fonction… ni en tant
que limite. Si l’on voulait donner un fondement rigoureux à cette utopie ou
idéalité mathématique, il faudrait, d’une part plonger l’algèbre de convo-
lution des fonctions continues 2π–périodiques dans un sur-anneau unifère,
d’unité ∆, et d’autre part le doter d’une notion de limite, afin de pouvoir
affirmer que (gn) tend vers ∆. Tout cela peut se faire dans le cadre des
distributions de Schwartz (∆ est le « peigne de Dirac »), mais retenons plus
poétiquement que l’élément neutre est une « fonction » valant +∞ en les
2kπ, 0 ailleurs, et de valeur moyenne 1 sur une période, et que le phallus
tend vers l’élément neutre…
Michel-Ange, dessin (vers 1512)
Musée du Vatican
6.2. Premiers exemples de suites en delta.
Exercice 10 : Donner un exemple de suite en delta formée de fonctions affines par morceaux.
Retrouver le fait que la convolution n’a pas d’élément neutre.
Exercice 11 : Noyau de de la Vallée Poussin (1908).
2n π
Pour tout n ∈ N, on pose gn(x) = Cn.cos ( x ) , où Cn est tel que ∫ π g (t).dt = 2π.
n
2 −
1) Montrer que les gn sont des polynômes trigonométriques, qui forment une suite en delta.
2) En déduire le théorème de Weierstrass trigonométrique.
Exercice 12 : Noyau d’Abel-Poisson.
+∞
Pour tout r ∈ [0, 1[, on pose Pr(θ) = ∑n∈Z r .e ∑r .cos(nθ) .
|n| inθ n
=1+2
n =1
23
sin ²(nx / 2)
Théorème de Fejér (1900) : i) On a Fn(x) = si x ∉ 2πZ , Fn(x) = n si x ∈ 2πZ.
n.sin ²(x / 2)
ii) (Fn) est une suite en delta formée de polynômes trigonométriques.
iii) Pour toute f ∈ C2π(R, C), σn(f) tend uniformément vers f.
Autrement dit, la série de Fourier de f converge uniformément vers f en moyenne de Cesàro.
On retrouve en particulier le théorème de Weierstrass. Retenons pour l’heure que :
Le noyau de Fejér bande mieux que celui de Dirichlet ! Qu’on en juge :
Noyau de Dirichlet
Noyau de Fejér
24
Exercice 17 : On appelle suite en delta généralisée toute suite (gn) d’éléments de R2π(R, C) véri-
fiant les 3 axiomes : (∆1) (∃C > 0) (∀n ∈ N) 1 ∫ |g (t)|.dt ≤ C ;
2π (2π) n
(∆2) limn→+∞ 1 ∫(2π) gn(t).dt = 1 ;
2π
1
(∆3) ∀α ∈ ]0, π[
2π ∫α ≤ t ≤π
g n(t).dt = 0 .
Montrer que le th. 2 du § 6.1. reste vrai.
Exercice 18 : Constantes de Lebesgue.
Soit E l’espace C2π(R, C) muni de la norme uniforme. Pour toute f ∈ E, soit Sn(f) la somme
partielle d’ordre n de sa série de Fourier.
π sin((2n+1)t / 2)
1) Vérifier que Sn(f)(x) = 1 ∫ π f(t).D (x−t).dt , où Dn(t) = .
2π
n
− sin(t / 2)
2) Montrer que les formes linéaires f → Sn(f)(0) ont pour normes les constantes de Lebesgue :
sin((2n+1)t / 2) π
Ln = 1 ∫ .dt .
π 0 sin(t / 2)
π sin((2n +1)t / 2)
3) Montrer que Ln ≥ 2 ∫ .dt . En déduire que Ln → +∞, et que (Dn) n’est pas une
π 0 t
suite en delta généralisée.
4) Déduire du théorème de Banach-Steinhaus qu’il existe au moins une fonction f ∈ E telle que
(Sn(f)(0)) ne tende pas vers f(0).
25
Une remarque capitale pour finir : Si f ∈ R([a, b], C) est une fonction réglée sur le segment [a, b],
on peut l’approcher en moyenne quadratique par exemple par des polynômes de Legendre modifiés,
mais on peut aussi la rendre T-périodique, avec T = b − a, et la développer en série de Fourier. Si
f(a) ≠ f(b), on modifiera éventuellement ses valeurs en a ou b.10
Problèmes
b) Calculer ak,ν . Montrer que ∀(q, ν) sq,ν > 0 et que maxq sq,ν = sν,ν .
c) Montrer (∃B > 0) (∀ν ≥ 1) sν,ν ≥ B. ln n.
d) Exprimer an(f) en fonction des ak,ν .
n
a0(f)
3) Soit Sn(x) =
2
+ ∑a (f).cos(kx) .
k =1
k Vérifier que Sn(0) = 2
π ∑ p1² .sn,2^(p^3−1) ,
p ≥1
Le problème suivant aborde un des plus vieux problèmes des mathématiques, dont l’origine
fabuleuse remonte à Didon et Enée. Ce problème est toujours l’objet d’actives recherches 11.
1
10 Si f est de classe C sur [a, b] et f(a) ≠ f(b), il faut s’attendre à un phénomène de Gibbs aux points a et b.
Pour pallier cet inconvénient, on peut prolonger f à [a, 2b−a] en effectuant une symétrie par rapport à la droite
x = b, puis prolonger f en une fonction 2(b−a) périodique. Ainsi, la fonction f(t) = (π−t)/2 sur [0, 2π] peut être
prolongée en un toit d’usine ou en une quinconce. Dans le premier cas, on obtient une série de Fourier en sinus
avec phénomène de Gibbs, dans le second une série en cosinus avec convergence normale.
11 « Je n’oublierai jamais d’avoir vu à Turin un jeune homme à qui dans son enfance on avoit appris les
rapports des contours et des surfaces en lui donnant chaque jour à choisir dans toutes les figures
géométriques des gauffres isopérimètres. Le petit gourmand avoit épuisé l’art d’Archimède pour trouver dans
laquelle il y avoit le plus à manger. » raconte Jean-Jacques Rousseau dans Emile (Livre II, Pléiade, p. 401)
26
Montrer que Iθ Π (θ) est un convexe compact K d’intérieur non vide, de frontière Γ.
+
2) Exprimer la longueur L de Γ et l’aire A de K à l’aide des fonctions p et p’, puis des coefficients
de Fourier cn(p), n ∈ Z.
3) En déduire A ≤ L² , avec égalité ssi Γ est un cercle.
4π
C’est l’inégalité isopérimétrique, démontrée par la méthode d’Hurwitz (1901).
φ(u) = ∫R f(x).exp(−2iπux).dx (u ∈ R). Montrer que φ est définie sur R ; calculer φ(0). Montrer que
1 y(u)
φ est de classe C et vérifie l’équation différentielle : y’(u) = − 2πu . En déduire φ(u).
t
3) On pose F(x) = ∑ f(x+ p) . Montrer que F est définie sur R, continue et 1-périodique.
p∈Z
θ(1/t)
Développer F en série de Fourier, et en déduire la formule de Poisson : (∀t > 0) θ(t) = .
t
12 On trouvera un énoncé plus complet dans le chapitre sur les séries de fonctions (§ 6).
27
Problème 5 : sommes de Gauss.
m −1
Pour tout entier m ≥ 1, on note G(m) = ∑exp(2iπ km²) .
k =0
Comme on l’a dit, les équations de la propagation de la chaleur furent à l’origine des travaux de
Fourier. L’exercice suivant n’est qu’une introduction au sujet. On pourra aussi consulter le pb ENSI
1993, ENSET 1992, le livre de Kahane (noyau de Weiertrass).
La théorie des ondelettes a renouvelé récemment l’analyse harmonique et la théorie du signal. Son
point de départ est une critique des séries de Fourier : puisque celles-ci marchent mal, pourquoi ne
pas changer la base orthonormée de décomposition, et chercher des bases orthonormées relativement
28
auxquelles il y ait à la fois convergence uniforme et en moyenne quadratique de la série obtenue ? Le
problème suivant ne fait qu’introduire à la préhistoire de cette théorie.
1) Montrer que ( f | g ) = ∫
[0,1[
f(t).g(t).dt est un produit scalaire sur E, et que l’espace préhilbertien
ainsi défini n’est pas complet. [On pourra considérer la fonction ϕ(t) = sin 1 si t ∈ ]0, 1[ , ϕ(0) = 0.]
t
2) Soit h la fonction R → R définie par h(x) = 1 si x ∈ [0, 1 [ , −1 si x ∈ [ 1 , 1[ , 0 sinon.
2 2
On définit la suite (hn) de fonctions I → R par : h0(x) = 1 ;
m/2 m m m
hn(x) = 2 h(2 .x − k) où n ≥ 1 , et n = 2 + k ( 0 ≤ k < 2 ).
a) Représenter graphiquement les fonctions hn pour 0 ≤ n ≤ 7.
b) Montrer que (hn) est une suite orthonormale d’éléments de E (système orthonormal de Haar).
3) a) Pour tout N soit VN le sous-espace de E engendré par h0 , h1 , …, hN. Montrer qu’il existe une
décomposition de I en N+1 intervalles disjoints de la forme [α, β[ tels que toute fonction f ∈VN soit
constante dans chacun de ces intervalles. Réciproquement, établir que toute fonction ayant cette
propriété appartient à VN.
N
b) Soient f ∈ E, ∑n≥0 (hn | f).hn sa série de Fourier-Haar, SN(f) = ∑(h
n =0
n f).hn la somme partielle
d’indice N de cette série. Montrer que, dans chacun des intervalles [α, β[ où toutes les fonctions de
β −α ∫[α, β[
VN sont constantes, on a : SN(f) = 1 f(x).dx .
c) En déduire que, pour toute f continue dans [0, 1], la série de Fourier-Haar de f converge
uniformément vers f.
d) En conclure que (hn) est un système orthonormal total dans E, i.e. que pour toute g ∈ E la
série de Fourier-Haar de g converge en moyenne quadratique vers g. En déduire :
29
La difficile naissance des séries de Fourier
Lorsque Joseph Fourier (1768-1830), préfet de l’Isère,
envoie à l’Institut en 1807 son premier Mémoire sur la
propagation de la chaleur dans les corps solides, Lagrange
s’oppose fermement à ce qu’écrit Fourier sur les séries
trigonométriques, et le mémoire n’est pas publié. Cependant,
le sujet est mis au concours, et Fourier remporte le prix en
1811, non sans réserves : « Cette pièce renferme les
véritables équations différentielles de la transmission de la
chaleur, soit à l’intérieur d’un corps, soit à leur surface ; et
la nouveauté du sujet, joint à son importance, a déterminé la
Classe à couronner cet Ouvrage, en observant cependant
que la manière dont l’Auteur parvient à ses équations n’est
pas exempte de difficultés, et que son analyse, pour les
intégrer, laisse encore quelque chose à désirer, soit
relativement à la généralité, soit même du côté de la
rigueur. » Fourier ne se découragea pas, et publia en 1822 la
Théorie analytique de la chaleur, comprenant l’exposé des
séries et intégrales de Fourier.
De fait, pendant longtemps encore, ces théories furent considérées avec méfiance par les
mathématiciens, et comme faisant partie de la physique mathématique. Cependant, leur manque de
rigueur initiale stimula les recherches et, à mesure que les résultats partiels s’accumulaient, se
constitua une théorie mathématique à part entière, qui joua un rôle de plus en plus central. Plusieurs
grands mathématiciens ont contribué à cette théorie : au XIXème siècle, Dirichlet, Riemann et
Jordan, au XXème, Fejér, Lebesgue et Fatou, et, après le tournant des années 1930, Schauder,
Wiener et Paley, Pontryaguine et Gelfand. Après guerre, la théorie des distributions de Schwartz a
permis de donner une justification rigoureuse aux formules de Fourier relatives à la transformation
de Fourier intégrale. Les années 1980 ont vu l’essor de la théorie des ondelettes, qui sont des bases
orthonormales moins naturelles que les harmoniques en sinus-cosinus, mais possédant de meilleures
performances.
La biographie de Fourier par Dhombres et Robert, et le livre de Kahane et Lemarié sur les séries de
Fourier racontent, le premier, la vie de Fourier, le second, l’historie de ses théories jusqu’à nos jours.
Je renvoie à ces deux livres, vraiment passionnants.
Lipot Fejér, né Léopold Weiss, changea de nom vers 1900 pour marquer sa solidarité avec la
culture hongroise. Cette pratique, courante à l’époque, n’empêcha pas la montée de
l’antisémitisme13. En 1897, il avait remporté un prix lors d’une des premières compétitions
mathématiques de Hongrie. Il étudia ensuite, jusqu’en 1902, les mathématiques et la physique aux
universités de Budapest et de Berlin, où il fut étudiant de H. A. Schwarz14 (celui-ci refusa de lui
parler après qu’il ait changé de nom). Il termina ses études en 1901 à l’université de Budapest,
soutint sa thèse en 1902. De 1902 à 1905 il enseigna à l’université de Budapest, et de 1905 à 1911 à
celle de Kolosvar (aujourd’hui Cluj, en Roumanie). En 1911 il fut nommé sur la chaire de
13 De même, le chef d’orchestre et compositeur Gustav Mahler (1860-1911), originaire d’une humble famille
juive de Moravie, se convertit au catholicisme pour marquer son attachement à la culture autrichienne. Cela
n’empêcha pas les attaques antisémites de s’amplifier durant les dix années (1897-1907) où il dirigea l’Opéra
de Vienne. En 1907, Mahler émigra aux Etats-Unis ; en 1910 fut élu à Vienne le premier maire antisémite...
14 C’est à Berlin en 1900 que L. Fejer trouve une solution élégante au problème de Gianfranco di Fagnano
(1775), fils du comte C. Fagnano, qui consiste à inscrire dans un triangle un triangle de périmètre minimum.
(cf. RMS mai juin 95, p.788, et H. Dörrie, pb.90 p.359)
30
mathématiques de l’université de Budapest, et prit la tête de la brillante école hongroise d’analyse :
F. et M. Riesz, A. Haar, G. Polya, G. Szegö, P. et O. Sasz, etc.
Dans sa thèse de 1902, Fejer démontre un théorème sur les séries trigonométriques sommables, qui
fut le point de départ de recherches fructueuses sur les séries divergentes et leurs procédés
sommatoires. Ses travaux portent sur la théorie des fonctions et les développements en série de
Fourier. Le noyau de Fejer appliqué à une fonction continue périodique est la moyenne de Cesaro
des sommes de Fourier ; il converge uniformément vers celle-ci. On lui doit aussi en 1905 un contre-
exemple de fonction continue qui n’est pas la somme de sa série de Fourier (cf. E.U. Analyse
harmonique et Séries trigonométriques). Fejér écrivit en collaboration deux papiers importants, l’un
avec Carathéodory en 1907 sur les fonctions entières, l’autre avec Riesz en 1922 sur les applications
conformes.
Lemme de Fejer-F. Riesz (1916) : Tout polynôme trigonométrique p(eit) ≥ 0 peut être écrit sous la forme
| q(eit) |², où q est un polynôme trigonométrique.
Théorème taubérien de Féjer : Soit ∑ an.xn une série entière de rayon 1, de somme f(x). Si limx→1−0 f(x) = λ
et si ∑ n.|an|² < ∞, alors ∑ an converge et vaut λ.
Théorème de Fejer (1930) : Il existe un unique polynôme P de degré 2n−1 tel que P et sa dérivée P' prenne des
valeurs données en n points distincts (polynôme d’interpolation d’Hermite). Si f est continue [−1, 1] → R et si
Ln(f) désigne le polynôme d’Hermite coïncidant avec f en les zéros du n-ème polynôme de Tchebychev, et de
dérivées nulles en ces points, Ln(f) → f uniformément. Ceci découle du théorème de Bohman-Korovkine de
1959. (On sait que le polynôme d’interpolation de Lagrange de f ne converge pas vers f lorsque le nombre de
points d’interpolation augmente) (cf. Cheney, Approximation theory, p.70).
La nomination de Fejér à l’université de Budapest en 1911 posa problème. Bien que déjà
mondialement connu et chaudement soutenu par Poincaré à l’occasion de la remise du prix Bolyai,
cette nomination fut contestée par les antisémites de la Faculté. L’un d’eux, sachant fort bien que le
vrai patronyme de Fejér était Weiss, demanda durant l’entretien d’habilitation : «Ce Leopold Fejér
est-il apparenté à notre distingué collègue de la faculté de théologie, le Frère Ignatius Fejér?» Sans
ciller Lorant Eötvös, professeur de Physique, répondit : «Fils naturel». Après quoi la nomination se
passa toute en douceur...
L’un des étudiants de Fejér décrit ainsi sa façon d'exposer : «Fejér donnait des conférences très
courtes, et très belles. Elles duraient moins d'une heure. On attendait assis longtemps qu'il vienne.
Quand il entrait, il était dans une sorte de frénésie. A la première impression il paraissait très laid,
mais il avait un visage très vivant et très expressif. La conférence était élaborée en très grand détail,
avec un dénouement dramatique. Il semblait revivre la naissance du théorème ; nous assistions à la
création. Il rendait ses fameux contemporains également vivants ; ils surgissaient des pages des
livres. Cela faisait apparaître les mathématiques comme une activité sociale autant
qu'intellectuelle.»
Fils d’un biochimiste et d’une chimiste, le mathématicien français Jean-Pierre Kahane (Paris, 11
décembre 1926 – Paris, 21 juin 2017) était un grand spécialiste des séries de Fourier et de l’Analyse
harmonique. Entré à l’Ecole normale supérieure en 1946, il fut professeur de mathématiques à
l’Université de Montpellier et à l’Université Paris-Sud. Président de la Mission interministérielle de
l’information scientifique et technique de 1982 à 1986, il entra à l’Académie des sciences en 1998, et
présida l’Union rationaliste de 2001 à 2004.
Intellectuel engagé, Jean-Pierre Kahane a adhéré au Parti communiste français en 1946, et y est
resté toute sa vie. Membre du comité central de 1979 à 1994, il dirigea Progressistes, revue du Parti
communiste consacrée aux sciences, au travail et à l’environnement. Peu avant sa mort, le 1 mai
2017, il a signé avec d’autres scientifiques un texte appelant à voter en faveur d’Emmanuel Macron
lors du second tour de l’élection présidentielle, afin de « barrer la route au pire », tout en faisant
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dans L’Humanité ce constat désabusé : « Les progrès des sciences, les progrès en médecine, tous les
progrès auxquels nous pouvons penser traduisent et aggravent les inégalités dans le monde. Ils
pourraient être au bénéfice de tous, ils sont d’abord au service des riches et des puissants ».
Le 18 décembre 2018 a lieu une journée spéciale en hommage à Jean-Pierre Kahane et à son œuvre
à l’Académie des sciences. Un autre hommage avait eu lieu de la part de la direction du PCF, les 6 et
7 avril 2018, à l’Espace Oscar Niemeyer.
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Bibliographie
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