Analyse de Texte - Gargantua
Analyse de Texte - Gargantua
Analyse de Texte - Gargantua
Au XVIe siècle, les penseurs humanistes cherchaient à redéfinir la place de l’Homme dans
l’univers : son statut, sa relation au monde et aux savoirs. C’est dans ce contexte de refonte des
modèles politiques, sociaux et intellectuels que De l’éducation des enfants fut publié par
Érasme. Figure emblématique de la Renaissance et du mouvement humaniste, théologien
hollandais, savant, cultivé et défenseur des lettres, il fut un des modèles de Rabelais dans la
conception et l’élaboration des méthodes de l’enseignement humaniste.
Dans cet essai, écrit sous forme épistolaire, Érasme feint de répondre aux interrogations d’un
homme fortuné au sujet de l’éducation de son fils. Il propose alors un programme pédagogique
et didactique propre à l’idéal humaniste dont il se fait l’un des porte-parole.
Comment Erasme, par le biais de cet essai, pose-t-il les jalons d’une éducation humaniste
fondée sur le plaisir d’apprendre ?
• La prétérition : « Je ne veux pas te retenir en multipliant les exemples, tant la chose est
évidente. » permet à l’auteur d’introduire ces arguments suivants.
• Erasme laisse de côté l’apologue (autre nom donné à la fable, cf. votre cours), et
convoque successivement, par le biais de questions rhétoriques, les poèmes bucoliques
et la comédie. Ces deux genres littéraires ont en commun avec les précédents d’être nés
pendant l’Antiquité, et d’avoir été exploités par les auteurs latins comme les auteurs
grecs. Rappelons si nécessaire que l’ambition humaniste ne s’attache pas uniquement à
l’étude de textes latins, comme le préconise la scolastique (et la Sorbonne en France),
mais aussi à celle de textes grecs ou hébraïques.
• Là encore les champs lexicaux de l’apprentissage et de la séduction s’enchevêtrent
étroitement, soulignant la nécessité absolue de concevoir l’enseignement comme un
plaisir et pas une punition ou un fardeau : respectivement « exemples », « étude »,
« non-initiés », « philosophie », « instructifs », « savants » ; puis « gracieux »,
« charmant », « impression ».
• Le jeu est même mentionné : « Mais quelle somme de philosophie y trouve-t-on en se
jouant ! » dans la seule phrase exclamative de l’extrait. Cette marque de ponctuation,
soutenue par l’emploi du pronom exclamatif « quelle », traduit l’enthousiasme et la
conviction du philosophe, qui voit dans la méthode ludique la porte d’accès aux
connaissances les plus ardues et précises.
• On peut en outre étendre le parallèle aux visées morales que partagent l’apologue et la
comédie, c’est-à-dire, de faire le jour sur les travers des Hommes pour les inciter à se
corriger. L’auteur l’explicite d’ailleurs dans sa formule : « Fondée sur l’étude des
caractères, elle fait impression sur les non-initiés et sur les enfants ».
• Erasme précise enfin que cette littérature, abondante et diverse, regorge de « sentences
brèves et attrayantes du genre des proverbes et des mots de personnages illustres, la
seule forme sous laquelle autrefois la philosophie se répandait dans le peuple. » Une
comédie vaut une somme de philosophie. Une mine d’aphorismes (proverbes,
sentences, moralités) est ainsi à la portée de tous. Cette pédagogie a le mérite d’être
accessible au plus grand nombre ce qui permet au savoir et à la sagesse de se répandre
largement, ce qui est un des objectifs fondamentaux des humanistes.
En liant étroitement curiosité naturelle, plaisir, et instruction, Erasme pose les jalons d’une
éducation humaniste dont nous sommes les directs descendants. L’étude de genres littéraires
variés en langues diverses, pour en souligner les intérêts philosophiques et intellectuels est
propre au courant humaniste.
On peut établir un lien évident entre ce texte et l’œuvre de Rabelais, Gargantua, dans laquelle
il propose à son tour (chapitre XXIII) un programme éducatif aux couleurs de l’humanisme.
On peut également évoquer l’essai de Jean-Jacques Rousseau L’Emile ou De l’Education, qui
paraîtra deux siècles plus tard, faisant saillir les ramifications humanistes du courant des
Lumières.