Chemin de Croix Présidé Par Le Saint-Père Au Colisée - Méditatio-1
Chemin de Croix Présidé Par Le Saint-Père Au Colisée - Méditatio-1
Chemin de Croix Présidé Par Le Saint-Père Au Colisée - Méditatio-1
VENDREDI SAINT
« PASSION DU SEIGNEUR »
CHEMIN DE CROIX
PRÉSIDÉ PAR PAR SA SAINTETÉ
LE PAPE FRANÇOIS
COLISÉE
ROME, 15 AVRIL 2022
[Multimédia]
SALITA AL CALVARIO
PARTICOLARE DEL “PARAMENTO DI DON MAZZA” (1845-1861)
REALIZZATO DALLE ALLIEVE
DELLA SCUOLA DI DON NICOLA MAZZA A VERONA
DONATO DALL’IMPERATORE FERDINANDO D’AUSTRIA AL PAPA PIO IX
SAGRESTIA PONTIFICIA
CITTÀ DEL VATICANO
MÉDITATIONS ET PRIÈRES
préparées par
CHEMIN DE CROIX
Chant
Le Saint-Père :
Seigneur Jésus,
en ce jour consacré par ta Passion
nous élevons nos voix vers Toi
confiant dans ton écoute.
Nous te bénissons
car tu es pour nous la source de la vie,
tu te charges de nos souffrances,
par ta sainte croix, tu as racheté le monde.
Nous croyons
que par tes blessures nous avons été guéris,
que tu ne nous laisses pas seuls à l'heure de l'épreuve,
que ton Évangile est la vraie sagesse.
Nous reconnaissons
ton corps martyrisé dans tant de nos frères et sœurs,
la violence que tu as subie dans ceux qui sont persécutés,
ton abandon dans le tourment de ceux qui sont tués.
Seigneur Jésus,
Toi qui es le Crucifié Ressuscité,
fais que nous ne nous laissions pas voler l’espérance
d'une nouvelle humanité,
de cieux nouveaux et d’une terre nouvelle,
où tu essuieras toutes larmes de nos yeux.
Et il n'y aura plus ni plaintes ni gémissements,
car les choses anciennes seront passées,
et nous serons une grande famille
dans ta maison d'amour et de paix.
Ière station
Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : « Asseyez-vous ici, pendant
que je vais prier ». Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et
angoisse. Il leur dit : « mon âme est triste à mourir. Restez ici et veillez ». Allant un peu plus loin, il
tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait : «Abba… Père,
tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce
que toi, tu veux ! » (Mc 14, 32-36)
Nous voici mariés depuis seulement deux ans. Notre mariage n'a pas encore été éprouvé par trop de
tempêtes. Il y a eu la pandémie qui a un peu compliqué les choses, mais nous sommes heureux.
Nous avons l’impression d’être dans une longue lune de miel, malgré les disputes quotidiennes,
malgré nos différences. Pourtant, nous avons souvent peur ; quand nous pensons aux couples
d'amis plus âgés qui n'ont pas réussi, lorsque nous lisons dans les journaux le nombre croissant de
séparations. Quand on nous dit que nous allons sûrement nous séparer, parce qu’ainsi va le monde ;
c'est une question de statistiques. Quand nous nous sentons seuls parce qu'on ne nous comprend
pas. Quand on a du mal à joindre les deux bouts. Quand nous nous retrouvons, étrangers, sous le
même toit. Lorsque nous nous réveillons la nuit et que nous ressentons dans notre cœur le poids et
l'angoisse de notre "orphelinat" ; parce que nous oublions que nous sommes des enfants ; parce que
nous croyons que notre mariage et notre famille ne dépendent que de nous, de nos propres forces.
Nous sommes en train de nous rendre compte que le mariage n'est pas seulement une aventure
romantique, mais que c'est aussi Gethsémani, c'est aussi l'angoisse avant de briser ton corps pour
l’autre.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui parmi les oliviers paisibles
as accepté, en priant,
de souffrir pour nous jusqu'à la mort, et la mort sur une croix,
écoute nos supplications pour les jeunes époux :
aide-les à faire face aux difficultés en union avec toi,
et donne à chacun d’entre nous de rester avec toi à l'heure de l'épreuve.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
IIème station
Jésus trahi par Judas et abandonné par ses disciples
Il parlait encore, quand parut une foule de gens. Celui qui s’appelait Judas, l’un des Douze, marchait à
leur tête. Il s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. Jésus lui dit : « Judas, c’est par un baiser que
tu livres le Fils de l’homme ? » Voyant ce qui allait se passer, ceux qui entouraient Jésus lui dirent : «
Seigneur, et si nous frappions avec l’épée ? » L’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha
l’oreille droite. (Lc 22, 47-50) Alors Jésus lui dit : « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée
périront par l’épée. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent. (Mt 26, 52.56)
Nous sommes partis en mission, Seigneur, il y a presque dix ans, parce que notre bonheur ne nous
suffisait pas. Nous voulions donner notre vie pour que d'autres aussi puissent connaître la même
joie. Nous voulions montrer l'amour du Christ même à ceux qui ne le connaissent pas. Peu importe
où. La vie communautaire et les activités quotidiennes nous aident à éduquer nos enfants avec une
vision ouverte de la vie et du monde. Mais ce n'est pas facile : nous ne cachons pas l'angoisse et la
peur qu’il y a à mener une vie familiale précaire, loin de notre pays. À tout cela s'ajoute la terreur de la
guerre, si dramatiquement d'actualité ces derniers mois. Il n'est pas facile de vivre uniquement de foi
et de charité car, souvent, nous ne parvenons pas à nous confier pleinement à la Providence. Et,
parfois, face à la douleur et à la souffrance d'une mère qui meurt en enfantant et, qui plus est, sous
les bombes, ou bien d'une famille détruite par la guerre ou la famine et les mauvais traitements, la
tentation vient de répondre par l'épée, de fuir, de t'abandonner, de tout laisser en pensant que cela ne
vaut pas la peine... Mais ce serait trahir nos frères les plus pauvres qui sont ta chair dans le monde
et qui nous rappellent que tu es le Vivant.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui as accueilli avec amour
le baiser traître de Judas,
écoute nos supplications :
donne aux familles en mission
le courage de témoigner de ton Évangile,
et accorde à chacun le courage de répondre au mal par le bien,
pour être des bâtisseurs de paix et de réconciliation.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
IIIème station
Jésus est condamné par le Sanhédrin
Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire
mettre à mort, et ils n’en trouvaient pas. Le grand prêtre l’interrogea de nouveau : « Es-tu le Christ, le Fils
du Dieu béni ? » Jésus lui dit : « Je le suis ». Tous prononcèrent qu’il méritait la mort. (Mc 14, 55.61 -
62.64)
Nous avons été fiancés quelques mois, puis la vie nous a séparés pour une longue période, nous
faisant expérimenter la chaleur déchirante du cœur qui bat à distance. Et lorsque nous nous
sommes retrouvés, nous nous sommes mariés immédiatement, avec la hâte de ceux qui ont déjà
tant attendu et tant craint. Nous avons quitté nos foyers d'origine pour créer le nôtre. Nous avons
entrepris notre chemin d’époux, pleins de projets, et aussi des illusions de la jeunesse. Puis la vie
nous a découverts plus fragiles et, en même temps, elle nous a dépouillés de nos attentes, nous
faisant cheminer sur une route bien souvent ardue, au bout de laquelle nous nous sommes retrouvés
face à l'impossibilité de devenir parents ; en faisant souvent l’expérience douloureuse de jugements
sur notre stérilité. "Comment se fait-il que vous n'ayez pas d'enfants ?", nous a-t-on demandé mille
fois, comme pour laisser entendre que notre mariage et notre amour n'étaient pas suffisants pour
former une famille. Combien de regards peu compréhensifs avons-nous du digérer. Mais nous
continuons à marcher chaque jour, en nous tenant par la main, en prenant soin d'une communauté
de frères et d'amis qui, dans la solitude et la tendresse, est devenue au fil du temps une maison et
une famille.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui as été injustement condamné,
écoute notre prière :
accorde aux conjoints sans enfants
de marcher main dans la main
en vivant pleinement le Sacrement de l'amour conjugal,
et à chacun de vivre les adversités avec une douce fermeté.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
IVème station
Jésus est renié par Pierre
Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une des jeunes servantes du grand prêtre. Elle voit Pierre
qui se chauffe, le dévisage et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! » Pierre le nia : « Je
ne sais pas, je ne comprends pas de quoi tu parles ». Et aussitôt, pour la seconde fois, un coq chanta.
Alors Pierre se rappela cette parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante deux fois, tu
m’auras renié trois fois ». Et il fondit en larmes. (Mc 14, 66-68.72)
Lorsque nous nous sommes mariés, nous pensions qu'on ne pourrait pas avoir d'enfants. Puis,
pendant notre voyage de noce, le premier est arrivé et a changé nos vies. Nous avions des projets
moins pressés : nous épanouir dans notre travail, voyager, essayer de vivre au moins pour un temps
comme d’éternels fiancés... Et puis, alors que nous étions encore incrédules devant la beauté de ce
cadeau, notre deuxième enfant est arrivé : une fille. Et ainsi, en y repensant aujourd'hui, les autres
sont arrivés aussi, presque sans même que l'on s'en aperçoive. Et nos rêves ? Façonnés par les
événements. Notre épanouissement professionnel ? Modifié par les événements de la vie qui font
irruption. Et puis la peur de tout renier un jour, comme Pierre ; l'angoisse et la tentation du regret face
à la énième dépense imprévue ; l'inquiétude des tensions avec nos enfants adolescents. Les anciens
désirs ont fait place à notre famille. Ce n'est pas facile, bien sûr, mais c'est infiniment plus beau ainsi.
Et malgré les pensées et la densité de nos journées, qui semblent ne jamais suffire, nous ne
reviendrions jamais en arrière.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui ouvres les bras à ceux qui demandent pardon,
écoute notre supplication :
accorde aux familles nombreuses
de surmonter chaque difficulté avec joie,
et à chacun de toujours se relever après une chute.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
Vème station
Jésus est jugé par Pilate
Comme Pilate reprenait : « Que voulez-vous donc que je fasse de celui que vous appelez le roi des Juifs
? », de nouveau ils crièrent : « Crucifie-le ! » Pilate leur disait : « Qu’a-t-il donc fait de mal ? » Mais ils
crièrent encore plus fort : « Crucifie-le ! » Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas et, après
avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié. (Mc 15, 12-15)
Notre fils avait déjà été jugé avant de venir au monde. Nous avions rencontré des médecins qui se
sont occupés de sa vie avant sa naissance, et des médecins qui nous ont fait clairement
comprendre qu'il valait mieux ne pas lui donner naissance. Et lorsque nous avons choisi la vie, nous
avons également fait l'objet d'un jugement : "Il sera un fardeau pour vous et pour la société".
"Crucifiez-le." Pourtant, il n'avait rien fait de mal. Combien de fois le jugement du monde est hâtif et
superficiel et nous fait mal, même par un simple regard. Nous portons sur nous la honte d'une
diversité qui souvent fait pitié mais n’est pas habitée. Le handicap n'est ni une gloire ni une étiquette,
mais plutôt le vêtement d'une âme qui préfère souvent se taire face aux jugements injustes, non par
honte mais par pitié envers ceux qui jugent. Nous ne sommes pas à l'abri de la croix du doute ou de
la tentation de nous demander comment ça aurait été si les choses avaient été différentes. Mais, en
réalité, le handicap est une condition, pas une caractéristique, et l'âme, grâce à Dieu, ne connaît pas
de barrières.
Toi qui n’as pas craint ceux qui tuent le corps, mais non la vie.
R/. Dona nobis pacem.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui as été jugé par les logiques du monde,
écoute nos supplications
pour les familles dont les enfants souffrent :
soulage-les dans leur fatigue,
et donne à chacun de choisir, de toujours protéger et d’aimer la vie malgré tout.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
VIème station
Jésus est flagellé et couronné d'épines.
Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas et, après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il
soit crucifié. Ils le revêtent de pourpre, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée.
Puis ils se mirent à lui faire des salutations, en disant : « Salut, roi des Juifs ! » Ils lui frappaient la tête
avec un roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage. (Mc 15, 15.17-19)
Notre maison est grande, non seulement en termes d'espace, mais surtout pour la richesse humaine
qui s’y vit. Depuis le début de notre mariage, nous n'avons jamais été seulement deux. Notre vocation
à l’accueil de la douleur a été, et est encore après 42 ans de mariage, trois enfants, neuf petits-
enfants et cinq enfants adoptés qui ne sont pas autonomes et ont de graves difficultés psychiques ;
tout le contraire de triste. Nous ne méritons pas une telle bénédiction dans la vie. Pour ceux qui
croient qu'il n'est pas humain de laisser seuls ceux qui souffrent, l'Esprit Saint met au plus profond
d’eux la volonté d'agir et de ne pas rester indifférents. La douleur nous a changés. La douleur ramène
à l'essentiel, elle remet les priorités de la vie à leur place et restaure la simplicité de la dignité
humaine, en tant que telle. Sur la voie douloureuse de la vie de tant de personnes flagellées et
crucifiées, à côté d'elles, sous le poids de leur croix, nous avons découvert que le vrai roi est celui qui
se donne et se donne en nourriture, corps et âme.
Seigneur Jésus, Toi qui as été flagellé dans ta chair et dans ton esprit.
R/. Dona nobis pacem.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui as souffert de la douleur et du mépris,
écoute notre supplication :
accorde à nos familles
d'apprendre à accueillir ceux qui sont blessés,
et à chacun de prendre en charge et de prendre soin des souffrances des autres.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
VIIème station
Jésus est chargé de la Croix
Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau de pourpre, et lui remirent ses
vêtements. Puis, de là, ils l’emmènent pour le crucifier. (Mc 15, 20)
Un matin comme tant d’autres, ma femme s'est évanouie deux fois. La course à l'hôpital et la
découverte d'une maladie qui infiltrait déjà son venin dans sa tête. L'opération, la rééducation, les
traitements... ; et aujourd'hui un quotidien complètement nouveau pour nous tous. Le Seigneur nous
parle à travers des événements que nous ne comprenons pas toujours, et il nous conduit par la main
pour faire grandir la meilleure partie de nous-mêmes. Elle avait un rôle, une position, un "statut" ; et
elle s'est retrouvée complètement différente, nue, sans défense, crucifiée. Et moi avec elle. Par cette
maladie, sur cette croix, nous sommes devenus le pilier sur lequel les enfants savent qu'ils peuvent
s'appuyer. Il n’en était pas ainsi auparavant. Je pourrais presque dire qu'aujourd'hui, avec ses yeux
pénétrants dans leur douleur glabre, elle est pleinement mère et épouse. Sans fioritures, dans
l'essentiel d'une vie plus difficile et nouvelle. Le fait d'être bloqués, cloués par un souci martelant
m'oblige surtout, moi qui étais si obstinément orgueilleux, à découvrir dans les autres familles le
merveilleux cadeau qu'elles sont : ceux qui essaient de te faire rire, ceux qui t’aident à la cuisine, ceux
qui emmènent tes enfants au catéchisme, ceux qui t’écoutent, ceux qui te comprennent d'un regard,
ceux qui, malgré des situations tout aussi compliquées, sinon plus, s'inquiètent constamment pour
toi.
Seigneur Jésus, Toi qui n'as pas cherché les honneurs mondains.
R/. Dona nobis pacem.
Toi qui as pris sur toi les fardeaux de tous les mortels.
R/. Dona nobis pacem.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui as transformé la potence de la mort
en une source inépuisable de vie
écoute nos invocations :
accorde aux enfants de prendre soin de leurs parents
en veillant sur eux avec gratitude,
et à chacun d’apprendre de toi la joie d'aimer
et de se donner généreusement.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
VIIIème station
Comme les soldats l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils
le chargèrent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus. (Lc 23, 26)
Nous avons pris notre retraite il y a deux ans, et juste au moment où nous commencions à rêver sur
la façon de dépenser les énergies retrouvées, nous avons appris que notre gendre avait été licencié.
Pendant la pandémie, nous avons assisté, impuissants, à la crise du mariage de notre fille aînée. Les
petits-enfants ont commencé à envahir notre maison de vitalité et de désordre, plus seulement le
dimanche, et surtout, comme cela n’était pas arrivé depuis que nos enfants étaient petits. Nous
avons installé un siège auto dans la voiture et acheté un tableau sur lequel nous avons noté les
occupations de nos cinq petits-enfants pour ne pas risquer d'oublier quelque chose. Nos muscles ne
sont plus ce qu'ils étaient, mais la richesse d'expériences nous rend plus dociles à la vie que lorsque
nous avions la force de courir. La croix de la précarité familiale et professionnelle nous inquiète. Et
aujourd'hui, alors que nous serions naturellement enclins à prêter attention à nos fatigues et à
l’indéniable peur de la mort, nous voici chargés d'une croix inattendue, placée sur nos épaules
malgré nous. Le pas se fait souvent lent, le soir, après avoir souri, nous nous retrouvons à pleurer de
compassion. Mais être de "l'oxygène" pour les familles de nos enfants est un cadeau qui nous
ramène aux émotions que nous avions ressenties lorsqu'ils étaient petits. On ne finit jamais d'être
maman et papa.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui nous appelles à porter les fardeaux les uns des autres,
écoute nos supplications :
accorde à nos familles
de savoir partager les joies et les fatigues,
et à chacun de grandir dans une fraternité active.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
IXème station
Jésus rencontre les femmes de Jérusalem
V/. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R/. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se
lamentaient sur Jésus. Il se retourna et leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez
plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! » (Lc 23, 27-28)
Maintenant, nous sommes quatre. Pendant de nombreuses années, nous avons été deux, et nous
avons affronté la croix de la solitude et la gestion d'une parentalité différente de celle que nous
avions toujours imaginée. L'adoption est l'histoire d'une vie marquée par l'abandon, et qui est guérie
par un accueil. Mais l'abandon est une blessure qui saigne toujours. Et l'adoption est une croix que
parents et enfants se chargent sur leurs épaules, en la supportant, en essayant d'atténuer la
souffrance, mais aussi en l'aimant comme faisant partie de l'histoire de leur enfant. Mais il est
douloureux de voir un enfant souffrir de son passé. Cela fait mal d'essayer de l'aimer sans réussir à
atténuer tant soi peu sa souffrance. Nous nous sommes adoptés réciproquement. Et il n'y a pas un
jour où nous ne nous réveillons en pensant que cela en valait la peine, que tous ces efforts ne sont
pas vains, que cette croix, bien que douloureuse, cache un secret de bonheur.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui es allé à la rencontre de la croix
avec des yeux ouverts et un cœur prêt,
écoute nos supplications :
accorde aux parents et à leurs enfants adoptifs
de grandir ensemble comme familles accueillantes
et à chacun de coopérer à la joie de notre prochain.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
Xème station
Lorsqu’ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), ils y crucifièrent Jésus, avec les deux
malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus disait :
« Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » Puis, ils partagèrent ses vêtements et les
tirèrent au sort. Le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il
en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se
moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi
des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des
Juifs ». (Lc 23, 33-38)
Nous sommes une mère et deux enfants. Depuis plus de sept ans, nous sommes une chaise à trois
pieds au lieu de quatre : belle et précieuse, même si un peu instable. Sous la croix, chaque famille,
même la plus bancale, la plus douloureuse, la plus étrange, la plus mutilée, trouve son sens le plus
profond. La nôtre aussi. Nous avons fait l'expérience, non sans larmes et sans douleur, que Jésus,
dans cette étreinte des poutres clouées, nous regarde et ne nous laisse jamais seuls.
Il ne nous confie pas seulement l’amour générique d’un créateur à l'égard de ses créatures, mais il
nous donne aussi à un ami, à une mère, à un fils, à un frère. À une Église qui, malgré tous ses
défauts, nous tend la main et, aussi impossible que cela puisse paraître, porte parfois le fardeau à
notre place, nous permettant ainsi de reprendre notre souffle de temps en temps. L'amour se
multiplie parce qu'il est gratuit, même lorsque je suis tentée de comprendre pourquoi, s’"il a sauvé les
autres... s'il est le Christ de Dieu, son élu", il n’a pas sauvé aussi mon mari. Mais la blessure de l’Un
sur la croix est à la fois héritage, lien et relation. L'Amour est rendu tangible, car dans notre abîme et
nos difficultés, nous ne sommes pas abandonnés.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui, les bras ouverts sur la croix,
étreins ceux qui sont seuls et abandonnés,
écoute notre prière :
accorde aux familles touchées par la perte d'un parent
de te sentir présent dans leur douleur,
et à chacun de savoir pleurer avec ceux qui pleurent.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
XIème station
Lorsqu’ils furent arrivés au lieudit : Le Crâne (ou Calvaire), ils y crucifièrent Jésus, avec les deux
malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche.L’un des malfaiteurs lui disait : « Jésus, souviens-toi de moi
quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu
seras dans le Paradis ». (Lc 23, 33.42-43)
Ce n'est que maintenant que nous sourions en nous rappelant toutes les attentes que nous avions
placées dans notre fils. Nous l'avions élevé pour qu'il soit heureux, pour qu'il s'épanouisse. Pour qu’il
suive les traces de son grand-père. Oui, peut-être aurions-nous voulu une vie différente pour lui. Une
famille, un travail, des enfants, des petits-enfants. Bref, la "normalité". Nous avions déjà vécu sa vie à
sa place. Et au contraire, tu es arrivé, et tu as tout bouleversé. Tu as détruit nos rêves pour quelque
chose d’encore plus grand. Tu as fait en sorte que sa vie ne suive pas la logique du "on a toujours fait
comme çà" et tu l'as appelé à Toi. Mais comment ? Pourquoi lui précisément ? Pourquoi justement
notre fils ? Au début, nous ne l'avons pas bien pris. Nous nous sommes opposés à lui. Nous l'avons
abandonné. Nous pensions que notre froideur l’aurait fait revenir sur ses pas. Nous avons essayé
d’introduire dans sa tête le doute, l’idée qu’il se trompait complètement. Comme deux malfaiteurs.
Mais nous avons compris qu'on ne peut pas lutter contre Toi. Nous sommes un vase, et tu es la mer.
Nous sommes une étincelle et tu es le feu. Et donc, comme le bon larron, nous Te demandons de Te
souvenir de nous lorsque tu entreras dans ton Royaume.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui nous as révélé les mystères de ton Royaume
où le plus grand est celui qui sert,
écoute nos supplications :
guide les parents au service de la vocation de leurs enfants,
et accorde à chacun d'être tes fidèles disciples.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
XIIème station
Jésus donne sa Mère au disciple bien-aimé
Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et
Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme,
voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit
chez lui. (Jn 19, 25-27)
Nous étions cinq dans la maison : moi, mon mari et nos trois enfants. Il y a cinq ans, la vie est
devenue compliquée. Un diagnostic difficile à accepter, une maladie oncologique inscrite à chaque
instant sur le visage de notre plus jeune fille. Une maladie qui, n'ayant jamais mis fin à son sourire, a
rendu encore plus douloureuse la violence de l'injustice que nous vivions. En plus des "moqueries"
dont la douleur semblait nous avoir déjà recouverts, après seulement six ans de mariage, mon mari
nous a quittés par une mort soudaine, nous laissant sur le chemin d'une solitude déchirante, pendant
laquelle, en deux ans, nous avons accompagné la plus petite de la maison à son dernier adieu. Cinq
années se sont écoulées depuis le début de cette aventure que nous n'avons pas du tout comprise
rationnellement, mais la certitude demeure que cette grande croix a été habitée par le Seigneur et
l'est encore aujourd’hui. "Dieu n'appelle pas ceux qui sont capables, mais il rend capables ceux qu’il
appelle" : c'est ce que nous a dit un jour une religieuse, et ces mots ont changé notre regard sur la vie
ces dernières années. Le plus gros mensonge contre lequel nous nous sommes battus était celui de
ne plus être une famille. Je ne connais pas d'autre moyen, pour répondre à mon cœur et à ma
douleur dans ma chair, que de me confier au Seigneur qui vit avec moi ce bout de chemin terrestre.
Si souvent, pendant les séances de chimiothérapie de ma fille, je me suis sentie comme Marie au
pied de la croix ; et cette expérience me fait me sentir aujourd'hui - même si ce n'est que pour un petit
moment - mère de mon Seigneur.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui, avant d’expirer, as voulu
nous remettre ta Mère et de nous confier à ses soins,
écoute nos supplications :
accorde aux familles marquées par la mort d'un enfant
de préserver la grâce reçue avec le don de leur vie,
et à chacun de recueillir tes dernières volontés, dans la consolation de l'Esprit.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
XIIIème station
Jésus meurt sur la Croix
Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », ce qui se traduit : «
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »L’un d’eux courut tremper une éponge dans une
boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous
verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. (Mc 15, 34.36-
37)
Face à la mort, le silence est plus éloquent que les mots. Restons donc dans le silence de la prière,
et que chacun de nous prie dans son cœur pour la paix dans le monde.
[Texte préparé : La mort tout autour. La vie qui semble perdre sa valeur. Tout change en quelques
secondes. L'existence, les journées, l’insouciance de la neige d'hiver, aller chercher les enfants à
l'école, le travail, les étreintes, les amitiés... tout. Tout perd soudainement de sa valeur. "Où es-tu,
Seigneur ? Où te caches -tu? Nous voulons retrouver notre vie d’avant. Pourquoi tout cela ? Quelle
faute avons-nous commise ? Pourquoi nous as-tu abandonnés ? Pourquoi as-tu abandonné nos
peuples ? Pourquoi as-tu brisé nos familles de cette manière ? Pourquoi n'avons-nous plus la volonté
de rêver et de vivre ? Pourquoi nos terres sont-elles devenues aussi ténébreuses que le Golgotha ?"
Les larmes ont cessé. La colère a fait place à la résignation. Nous savons que tu nous aimes,
Seigneur, mais nous ne ressentons pas cet amour, et cela nous rend fous. Nous nous réveillons le
matin et, pendant quelques secondes, nous sommes heureux, mais nous nous rappelons tout de
suite combien il sera difficile de nous réconcilier. Seigneur, où es-tu ? Parle dans le silence de la mort
et de la division et apprends-nous à faire la paix, à être frères et sœurs, à reconstruire ce que les
bombes auraient voulu détruire.]
Tous :
Notre Père...
XIVème station
Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul immaculé, et le déposa dans le tombeau neuf qu’il
s’était fait creuser dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla. Or Marie
Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre. (Mt 27, 59-61)
Désormais, nous sommes là. Nous sommes morts à notre passé. Nous aurions aimé vivre sur notre
propre terre, mais la guerre nous en a empêchés. Il est difficile pour une famille de devoir choisir
entre ses rêves et la liberté. Entre désirs et survie. Nous sommes ici après des voyages au cours
desquels nous avons vu mourir des femmes et des enfants, des amis, des frères et des sœurs. Nous
sommes ici, survivants. Perçus comme un fardeau. Nous qui étions importants chez nous, nous
sommes ici des numéros, des catégories, des simplifications. Pourtant, nous sommes bien plus que
des immigrés. Nous sommes des personnes. Nous sommes venus ici pour nos enfants. Nous
mourons chaque jour pour eux, pour qu'ils puissent essayer de vivre ici une vie normale, sans les
bombes, sans le sang, sans les persécutions. Nous sommes catholiques, mais même cela semble
parfois passer au second plan par rapport au fait que nous sommes des migrants. Si nous ne nous
résignons pas, c'est parce que nous savons que la grande pierre devant la porte du tombeau sera un
jour roulée.
Tous :
Notre Père...
Seigneur Jésus,
Toi qui es descendu aux enfers
pour libérer Adam et Eve et leurs enfants de leur ancienne captivité,
écoute nos supplications pour les familles de migrants :
arrache-les à l'isolement qui tue
et donne à chacun de te reconnaître en chaque personne
comme notre frère et notre sœur bien-aimés.
Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.
R/. Amen.
Prière finale
Le Saint-Père
Père miséricordieux,
Toi qui fais lever le soleil sur les bons et les méchants,
n'abandonne pas le travail de tes mains,
pour lequel tu n'as pas hésité
à livrer ton Fils unique,
né de la Vierge,
crucifié sous Ponce Pilate,
mort et enseveli au cœur de la terre,
ressuscité des morts le troisième jour,
apparu à Marie Madeleine,
à Pierre, aux autres Apôtres et aux disciples,
toujours vivant dans la sainte Église,
son Corps vivant dans le monde.
BENEDICTION APOSTOLIQUE
Le Saint-Père