AGR 08 - Systèmes de Production Ancienne Boucle Du Cacao
AGR 08 - Systèmes de Production Ancienne Boucle Du Cacao
AGR 08 - Systèmes de Production Ancienne Boucle Du Cacao
Initiation à une démarche de dialogue. Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne boucle du cacao (Côte d’Ivoire).
Observer et comprendre un système agraire
En matière de développement rural, les décisions sont trop souvent prises loin des réalités de terrain. Face
à ce problème, ce manuel pédagogique propose une méthode pour améliorer l’apprentissage des futurs
formateurs en développement rural pour observer et comprendre un système agraire. Il a été rédigé à par-
Initiation à une démarche
tir de l’exemple concret d’une formation à Abengourou en Côte d’Ivoire réalisée conjointement par le
Cnearc, l’Ina-PG et l’École supérieure d’agronomie de Yamoussoukro.
La démarche mise en œuvre s’appuie sur l’observation in situ et sur l’écoute des acteurs concernés par le
développement rural avec une priorité pour les agriculteurs. Il est ainsi proposé de changer d’attitude par rap-
de dialogue
port à l’acquisition des connaissances et aux comportements professionnels avec les agriculteurs. Trois atti-
tudes clés : savoir observer, écouter et dialoguer. Une grande importance est accordée aux enquêtes, à l’a- Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne
nalyse du discours des personnes enquêtées et à la restitution auprès des agriculteurs du travail effectué.
Offrant en outre le grand avantage de lier dans une même problématique théorie et pratique, cette démar-
boucle du cacao (Côte d’Ivoire)
che aborde les problèmes d’une façon globale en liant différentes disciplines (agronomie, économie,
sociologie, etc.). Les nombreux outils méthodologiques et aspects pédagogiques présentés dans cet ouvra-
ge le rendent très utile pour les agents de développement et les formateurs qui travaillent avec les paysans.
➤ Nicolas Ferraton (Cnearc Montpellier), Hubert Cochet (Ina-PG Paris)
et Sébastien Bainville (Cnearc Montpellier)
Diffusion :
GRET, 211-213 rue La Fayette 75010 Paris, France. Les Éditions du Gret
Tél. : 33 (0)1 40 05 61 61. Fax : 33 (0)1 40 05 61 10.
Site Internet : www.gret.org
Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé
par le ministère français des Affaires étrangères. BDPA assure l’animation
du réseau et la réalisation de produits et services, et le GRET conçoit et
édite des publications techniques.
Juin-juillet 2002
Pour toute information complémentaire :
CNEARC
Centre national d’études agronomiques des régions chaudes
Boîte postale 5098, Domaine de Lavalette, Avenue du Val-de-Montferrand, 34033 Montpellier, France.
Tél. : 33 (0)4 67 61 70 00. Fax : 33 (0)4 67 41 02 32.
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Initiation à une démarche de dialogue. Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne boucle du cacao
Préambule
Ce dossier pédagogique sur les démarches d’é- dans le présent dossier et dans ceux présentant
tude des systèmes de production agricole dans des systèmes agraires des régions de Korhogo
la région d’Abengourou présente les résultats dans le Nord et de Man dans l’Ouest.
d’un exercice de formation réalisé en juin 2002 Pourquoi une nouvelle étude diagnostic sur les
à l’attention d’un groupe d’étudiants de 5e année systèmes de production agricole dans l’ancienne
de l’Ésa de Yamoussoukro, de cadres de l’Anader boucle du cacao en Côte d’Ivoire, alors que la fi-
et du programme des Centres de métiers ruraux. lière cacao a fait l’objet de nombreuses études et
Ce troisième module d’appui à la professionna- d’excellentes publications scientifiques ?1
lisation des formations agronomiques est le fruit
d’un travail en partenariat d’une équipe d’en- Pourquoi encore une étude de diagnostic agraire,
seignants constituée par : alors que de nombreux responsables de pro-
grammes de développement rural demandent
➤ Hubert Cochet, de l’Unité d’enseignement et
aux agronomes des propositions pour l’action ?
de recherches « Agriculture comparée et déve-
loppement agricole » de l’Institut national agro- Et pourquoi encore des travaux à l’échelle de
nomique Paris-Grignon (INA-PG) ; deux villages de la région d’Abengourou, alors
que des bailleurs de fonds ne s’engagent que sur
➤ Sébastien Bainville et Nicolas Ferraton du Cen- des programmes de politique sectorielle ou de
tre national d’études agronomiques des régions politique agricole ?
chaudes (Cnearc) d’Agropolis-Montpellier ;
En réponse à ces questions, nous ne pouvons pas
➤ Zana Ouattara et Kimou Akomian de l’École invoquer la nouveauté d’une démarche qui a
supérieure agronomique de Yamoussoukro ; déjà fait l’objet de nombreux débats méthodo-
➤ Lagou Nguessan et Lassana Diomandé de l’Ins- logiques entre spécialistes. Par contre, nous vou-
titut national de la formation et de la promotion lons simplement rappeler deux principes qui
agricole (INFPA). nous semblent incontournables :
Deux cadres boursiers du ministère français des ➤ pour définir des politiques et pour engager
Affaires étrangères, Hamadou Coulibaly de l’A- des actions de développement rural, « il faut
nader et Denis Kouame de l’École régionale d’A- prendre les choses comme elles sont », c’est-à-
bengourou (ÉRA-Est), ont également participé dire qu’il faut s’informer et réfléchir à partir des
activement à ce stage dans le cadre de leur for- réalités agronomiques, sociales et économiques ;
mation au cycle d’Études supérieures d’agrono-
mie tropicale (Esat). Ces deux agro-formateurs
viendront renforcer l’équipe ivoirienne qui, de- 1 RUF François, 1995, Booms et crises du cacao, Cirad-Sar,
puis 1999, développe les démarches décrites Karthala, 460 pages.
5
Préambule
➤ quant aux actions, elles ne peuvent être en- comme ces producteurs de cacao d’Assekro et
gagées avec quelques chances d’efficacité sans d’Affalikro, puissent redécouvrir leur quotidien
la participation des intéressés : en l’occurrence sous des formes écrites, illustrées et chiffrées, qui
des agriculteurs et des agricultrices formés à par- sont les outils de la communication dans les né-
tir de leur contexte culturel et professionnel. gociations politiques.
Ces dossiers pédagogiques ont deux objectifs Dans tous les cas, la qualité des solutions pour
principaux : traiter les problèmes des agriculteurs dépend de
➤ contribuer à la formation de techniciens et d’a- la qualité de la concertation entre les uns et les
gronomes, pour qu’ils aient la capacité d’obser- autres, s’appuyant sur une production de connais-
ver et d’analyser des situations agraires, sans être sances propres à la singularité de chaque situa-
dépendants de normes et de modèles techniques tion2.
conçus dans d’autres contextes historiques et pour Notre intention, dans ces dossiers pédagogiques,
qu’ils recherchent et mesurent l’intérêt d’être en n’est donc pas de nous satisfaire de « diagnostics
situation de dialogue avec les agriculteurs ; d’experts » prescrivant des solutions à partir d’a-
➤ produire et formaliser des connaissances lo-
nalyses externes de l’existant, mais bien de rap-
cales qui servent de support à la formation et à porter, de manière compréhensible par le plus
l’information des agriculteurs, pour qu’ils de- grand nombre d’agriculteurs, des cas concrets à
viennent des acteurs, capables de participer à partir desquels des représentants mandatés par
l’élaboration des politiques agricoles favorables leurs organisations professionnelles, pourront té-
au développement économique de leur pays et moigner avec clairvoyance et authenticité de leurs
leur assurant une plus juste rémunération. conditions professionnelles et prendre des initia-
tives dans le sens de l’intérêt des agriculteurs.
Il n’y a pas de formation d’adultes développant
une réelle autonomie de pensée qui ne s’appuie, Michel Brochet
dans un premier temps, sur les réalités vécues
par les gens. C’est pourquoi, avant de fournir des
informations à l’échelle d’une région ou d’une fi- 2 DARRE J.-P., 2002, Formation Master « Acteurs du déve-
lière, il est indispensable que des agriculteurs, loppement rural », Gerdal / Cnearc.
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Initiation à une démarche de dialogue. Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne boucle du cacao
Avant-propos
7
Avant-propos
établissements entre des Écoles supérieures agro- mettre en situation pédagogique une équipe d’en-
nomique (Ésa) d’Afrique de l’Ouest et un consor- seignants avec un groupe constitué d’étudiants de
tium d’établissements de formation agricole du quatrième année de l’Ésa et de professionnels
ministère français de l’Agriculture et de la Pêche du développement.
(Map) mobilisés par le Cnearc. Les démarches mises en œuvre s’appuient es-
Les réflexions et les différents ateliers réalisés dans sentiellement sur l’observation in situ et sur l’é-
le cadre du Programme de valorisation des res- coute de toutes les catégories d’acteurs concer-
sources humaines du secteur agricole (PVRHSA) nés par le développement rural avec, cependant,
depuis 1999 en Côte d’Ivoire ont conduit au cons- une priorité pour ceux qui vivent majoritaire-
tat de l’inadéquation des dispositifs de formation ment au quotidien les dures réalités des trans-
agricole, et ont permis l’expression de demandes formations économiques, techniques et socia-
de formation tant de la part des agriculteurs que les, à savoir les agriculteurs.
des agents de contacts et des formateurs.
Les constats portent surtout sur l’importance nu-
mérique des besoins de formation profession-
nelle des agriculteurs : flux annuel de 20 000 Les points forts
jeunes à former. en matière de pédagogie
Pour le moment, il n’y a pas de financements
publics significativement mobilisables ni de res-
sources humaines formées de manière opéra- ● Une approche pluridisciplinaire
tionnelle. Il est admis qu’en l’absence de mo- et un va-et-vient incessant
dèles transférables, il y a une impérieuse nécessité entre théorie et pratique
d’inventer de nouveaux dispositifs de formation.
L’approche, telle qu’elle est développée, pré-
Il est également admis que ces nouvelles situa-
sente l’avantage de lier différentes disciplines
tions éducatives ne devraient plus faire référence
(agronomie, économie, sociologie, etc.) et conduit
aux démarches d’encadrement planificatrices et
à aborder un problème d’une façon globale et
descendantes. Elles devraient plutôt privilégier
non pas morcelée. Le dispositif éducatif tel qu’il
des attitudes d’accompagnement et de copro-
est habituellement conçu propose un enseigne-
duction de connaissances locales avec des agri-
ment sectorisé et cloisonné ; en France, comme
culteurs mis en situation innovante.
dans de nombreux pays francophones, on forme
Face à ces défis, nous pensons que les démar- dans chaque discipline des spécialistes qui ont
ches systémiques mises en œuvre pour l’analyse souvent grand mal à communiquer entre eux en
des réalités agraires et leurs dynamiques d’évo- raison du vocabulaire, des méthodes et des échel-
lution, constituent une importante contribution, les d’analyse propres à chaque discipline.
tant sur le fond que sur la forme :
Cette approche offre également le grand avan-
➤ pour identifier et structurer les demandes de tage de lier dans une même problématique théo-
formation ; rie et pratique. La compréhension et l’appro-
➤ pour caractériser les évolutions et préciser les priation des concepts sont ainsi plus aisées et
qualifications des situations professionnelles ; plus rapides.
➤ pour construire de nouvelles situations de for-
mation, où les relations enseignants/enseignés ● Une initiation à une démarche
en matière d’acquisition de connaissances et de dialogue
d’innovations techniques et sociales sont pro- Au-delà de la méthodologie développée, il est
fondément modifiées. essentiellement proposé dans ce document un
La session de formation qui s’est déroulée du 28 changement d’attitude par rapport à l’acquisi-
juin au 7 juillet 2002 dans les villages de Asse- tion collective de connaissances et aux com-
kro et Affalikro près d’Abengourou, a permis de portements professionnels avec les agriculteurs.
8
Avant-propos
D’une manière générale, il est proposé de réap- Cette démarche accorde une grande importance
prendre à observer, à écouter et à dialoguer, en aux enquêtes. D’un point de vue pédagogique,
évitant les biais introduits dans tout dialogue par il importe cependant de sensibiliser les partici-
les rapports hiérarchiques. pants à l’analyse du discours des personnes en-
Une construction collective des savoirs : en ma- quêtées. Il convient en effet de faire la part des
tière de développement rural, il n’y a pas un sa- choses entre « ce qui est dit » et « la façon dont
voir détenu par quelques savants que des répé- cela est dit », entre les faits et l’opinion de l’en-
titeurs seraient chargés de diffuser auprès d’exé- quêté sur ces faits. C’est une condition in-
cutants. dispensable pour pouvoir construire une analyse
objective de la réalité étudiée. C’est pour cette
La mise en œuvre de démarches collectives de raison que les enquêtes sont menées dans un
partage et d’élaboration de connaissances entre premier temps à l’échelle individuelle, et que ce
enseignants, étudiants ou stagiaires et les popu- n’est que dans un deuxième temps que le travail
lations rurales est essentielle. Cela suppose d’ac- est restitué collectivement aux agriculteurs.
quérir de nouvelles attitudes qui ne soient plus
basées sur des rapports hiérarchiques. Cela im- 2. Restituer aux agriculteurs le travail effectué :
plique également de considérer le paysan comme la restitution est un moment important au cours
détenteur de savoirs et de savoir-faire indispen- duquel les participants à la formation présentent
sables à connaître avant d’agir. Cela suppose aux agriculteurs la compréhension qu’ils ont de
enfin d’envisager le temps d’enquête non comme l’agriculture de la région. Cette étape primordiale
un réquisitoire, mais comme un moment de dia- est l’occasion de confronter des points de vue à
logue permettant à l’agriculteur de s’exprimer travers des débats qui suivent la présentation des
sur sa situation et, par ce fait, de prendre du participants ; elle offre également la possibilité
temps pour le recul et la réflexion. de valider les informations recueillies, de confir-
mer ou infirmer certaines hypothèses de travail,
En matière de développement rural, les décisions
de corriger les données erronées et d’apporter
sont trop souvent prises loin des réalités de terrain.
des précisions sur des points restés obscurs.
Avec cette démarche de diagnostic agraire, les
participants sont sensibilisés à l’analyse des condi- D’un point de vue pédagogique, la restitution
tions réelles dans lesquelles les agriculteurs exer- est présentée aux participants comme une
cent leur métier. L’identification et la hiérarchi- échéance, un but qui maintient l’attention en
sation des principaux problèmes est ainsi obtenue éveil et la motivation dans le travail jusqu’à la
par l’observation, la collecte et l’analyse d’infor- fin de la session.
mations primaires, et non à partir de principes À ce niveau, les agriculteurs sont impliqués di-
théoriques ou de l’opinion de certains acteurs. rectement dans l’étude, de sorte qu’ils ne sont
Quelques principes de base : pas considérés comme objet d’étude, mais se
sentent partie prenante d’un processus dont ils
1. Savoir écouter : beaucoup de questions qui se
sont les acteurs et non les spectateurs.
sont posées suite à l’observation pourront trou-
ver des réponses si l’on discute avec les agricul- 3. Ne pas se précipiter sur la bibliographie exis-
teurs, en prenant soin de les écouter. tante : il est surtout demandé aux étudiants de
Les entretiens ne seront pas directifs, avec des créer de la connaissance, et pas seulement de
questions qui provoquent une réponse de type : collecter des informations. Nous insistons sur ce
oui-non. C’est face à des questions larges appe- point original qui nous paraît fondamental : il
lées « ouvertes » que le producteur prendra le n’est pas nécessaire de faire des recherches bi-
temps d’exprimer ses idées, son avis. On se trouve bliographiques approfondies sur la région en
parfois en situation d’entretien avec un groupe. préalable à l’étude, ceci pour plusieurs raisons :
Dans ce cas, il faut prêter attention aux censu- ➤ Les professionnels du développement sont
res d’idées dues au contrôle social. Il convient de amenés à travailler dans des régions où, soit la
les retenir pour mieux les élucider plus tard lors bibliographie n’existe pas, soit elle est inacces-
d’entretiens individuels. sible (zones très éloignées des centres de re-
9
Avant-propos
cherche, des villes…). Être en mesure de travailler ➤ l’unité de production, c’est à ce niveau que
sans documents préexistants va dans le sens d’une l’on peut appréhender les formes d’organisations
plus grande autonomie. sociales et familiales régissant les choix de pro-
➤ Il est généralement difficile de déterminer à
duction, la gestion de la main-d’œuvre, la mo-
l’avance et sans a priori les thèmes pertinents bilisation des outils de production et du patri-
sur lesquels la recherche bibliographique de- moine ;
vrait porter. Par conséquent, toute lecture trop ➤ la parcelle et/ou le troupeau, où l’agronome
prématurée est soit inutile soit néfaste. Ces lec- analyse les facteurs d’élaboration des rendements
tures peuvent en effet infléchir notre perception et dialogue avec les agriculteurs sur les itinérai-
de l’environnement et nous fournir des préju- res techniques qu’ils mettent en œuvre.
gés dont il est parfois difficile de se défaire par En fait, les informations recueillies à l’échelle de
la suite. l’analyse peuvent contribuer à éclairer ce qui se
Il est par contre intéressant, une fois l’étude amor- passe à une autre échelle, de sorte que l’on est
cée, de rechercher des documents complémen- conduit à combiner ces différentes échelles et à
taires. C’est alors possible dans la mesure où l’on sauter fréquemment de l’une à l’autre.
sait ce que l’on cherche (hypothèses à vérifier,
données historiques difficiles à obtenir par en-
quêtes, etc.) et que, ayant construit notre point de
vue, nous disposons d’un regard critique sur les Le déroulement de la formation
informations secondaires.
10
Avant-propos
➤ Suit alors une phase de terrain : les participants critiquent ces résultats. D’un point de vue pé-
partent en observation sur le terrain ou mènent des dagogique, il importe de ne pas faire le travail
entretiens dans les deux villages étudiés. à la place des étudiants : les critiques et re-
marques des encadrants doivent ainsi autant que
possible être formulées en questions montrant
aux étudiants que leurs résultats sont insuffisants
Parallèlement à cela, les encadrants pro-
ou illogiques, sans pour autant leur donner la
cèdent à leurs propres observations et mè-
solution.
nent leurs propres enquêtes. Il importe qu’ils
soient dans une situation analogue à celle Le but de l’exercice est de formuler une synthèse
des étudiants : aucune préparation préala- collective s’appuyant sur les travaux de l’en-
ble n’est réalisée, de façon à pouvoir dé- semble des groupes, afin de progresser le plus
celer toute difficulté particulière liée aux rapidement possible vers les objectifs fixés.
spécificités de la zone d’étude et au peu ➤ Les encadrants récapitulent les points forts des
de temps disponible. En revanche, les for- exposés par thèmes, formulent avec les étudiants
mateurs suivent la démarche en essayant des hypothèses de travail, et proposent de nou-
de toujours conserver une étape d’avance, velles pistes d’investigations qui seront reprises
afin de pouvoir proposer après les restitu- et complétées le lendemain matin avant le dé-
tions journalières une suite logique aux in- part sur le terrain. Cf. le tableau « Principes d’or-
vestigations de terrain. Ils doivent aussi ganisation et déroulement des journées de stage »,
adapter l’organisation de la journée afin page suivante.
d’avoir des informations les plus complé-
mentaires possibles, en orientant par exem-
ple les groupes de travail sur des sujets in-
suffisamment observés. À propos des outils méthodologiques
11
Avant-propos
TABLEAU 1 :
Principes d’organisation et déroulement des journées de stage
ACTIVITÉS OBJECTIFS
12
Avant-propos
Le travail d’observation et d’écoute sera efficace si l’on répartit les participants en petits grou-
pes de travail de trois à quatre maximum dont l’un d’eux, au moins, parle la langue des pro-
ducteurs. Des consignes claires doivent être données avant chaque départ sur le terrain.
Les groupes partiront en enquêtes de terrain le matin, puis traiteront leurs données en début
d’après-midi, réaliseront une synthèse par groupe en milieu d’après-midi, afin de pouvoir faire
une synthèse collective le soir (ou au début de la matinée du lendemain) pour préparer le tra-
vail de terrain du jour suivant.
Le travail d’investigation et la progression seront collectifs : les groupes travailleront en même
temps sur les mêmes thèmes et échangeront les résultats obtenus, afin que l’ensemble des par-
ticipants puisse progresser au même rythme.
Il n’y a donc pas de spécialisation géographique ou thématique des groupes.
Le rôle du formateur est de faire des synthèses intermédiaires et, en temps opportun, d’appor-
ter les concepts nécessaires qui permettent d’ordonner le travail.
Pour chaque thème abordé, on cherchera, à partir du cas observé, à aller vers une généralisa-
tion progressive.
L’équipe d’encadrement suit la même démarche que les étudiants avec, si possible, une jour-
née d’avance dans la réalisation des observations pour avoir des éléments de validation et de
programmation.
la complexité du réel en rend la définition et l’u- dant, les cartes topographiques peuvent faciliter
tilisation indispensables ; les participants se les le travail de terrain, si elles existent. Afin de fa-
approprient plus facilement après en avoir ressenti voriser une première approche « personnelle »
le besoin face aux exemples quotidiens appor- du paysage et de stimuler l’observation, on peut
tés par l’étude de terrain. Cet aller-retour per- envisager de ne distribuer les cartes topogra-
manent du terrain à la salle de classe rend la phiques qu’au terme de la première journée.
compréhension des concepts aisée et leur ap- ➤ Cette méthode de travail privilégie avant tout
propriation rapide. l’observation de terrain et l’écoute des agricul-
➤ Cette méthode de travail fait appel à une forte teurs ; sur ces deux points, un effort particulier est
participation des étudiants ; les encadrants ne demandé aux participants.
délivrent pas de cours, mais sollicitent en per-
manence l’observation et la réflexion des étu-
diants. Aucun résultat n’est établi d’avance. Les
Le choix de la zone d’étude
travaux de synthèse fréquents aident les étudiants
à préciser et formaliser la découverte de l’ac-
quisition progressive de connaissances. Le diagnostic agro-économique qu’on se pro-
➤ Comme nous l’avons déjà précisé, il n’est pas pose de réaliser concerne l’étude de deux villa-
souhaitable de réaliser une étude bibliographique ges. L’échelle de l’étude est telle qu’il est im-
préalable de la zone : des données mal utilisées possible de couvrir toute la région en dix jours,
peuvent gêner l’objectivité de l’analyse. Cepen- d’où le choix d’étudier quelques villages per-
13
14
Avant-propos
ILLUSTRATION 1 : Situation de la zone d’étude
Avant-propos
mettant d’observer la diversité des situations ren- de celui des villages situés loin de la route : près
contrées dans la région. L’échelle d’étude s’im- de la route, les agriculteurs peuvent aisément écou-
pose d’elle-même pour plusieurs raisons : ler les produits agricoles lourds ou périssables (lé-
➤ logistique : mettre en situation 25 participants
gumes frais et tubercules peuvent être expédiés
durant un stage de 15 jours nécessite des facili- rapidement sur les marchés, le bois peut être di-
tés d’hébergement, de déplacement et de com- rectement chargé par les grumiers…). Ils peuvent
munication que l’on ne trouve pas partout ; aussi acquérir du matériel et des produits agrico-
les provenant de la ville (produits phytosanitaires,
➤ pédagogique : l’exercice consiste à former à engrais, machines, etc.). Les systèmes de produc-
l’observation, l’écoute et la compréhension de tion rencontrés dans les villages choisis seront
situations agraires évolutives : il est donc néces- donc certainement différents de ceux d’un village
saire de réaliser le stage avec des villageois ac- qui n’aurait pas d’accès direct à la route bitumée.
ceptant ces formes de dialogues et d’échanges ;
Il est important de prendre en compte ce biais
➤ scientifique : la définition d’un objet d’étude introduit volontairement par le choix des villages
ne s’impose pas a priori. Il se construit à partir de enquêtés, biais qui ne permet pas de générali-
la découverte de problèmes tels qu’ils se posent ser notre analyse à l’ensemble de la région ; l’ex-
aux acteurs concernés, en l’occurrence les agri- trapolation des résultats relève d’un autre exer-
culteurs. Se poser les bonnes ou les vraies ques- cice pouvant être mené dans un deuxième temps,
tions est par exemple un préalable à tout échan- pour lequel il faudrait réunir d’autres moyens
tillonnage statistique permettant ensuite de méthodologiques et pédagogiques. Cependant,
pondérer ou de délimiter les résultats obtenus. cela n’entache en rien la validité de l’étude pour
D’un point de vue pratique, encadrants et étu- les villages sélectionnés. De plus, il ne faut pas
diants parcourent rapidement la région pour iden- perdre de vue que le but de l’exercice est avant
tifier les grandes différences entre les villages, tout pédagogique.
tant sur le plan économique (insertion dans le Lors du séminaire d’Abengourou sur la forma-
marché) qu’agronomique (type de terroir, accès tion à l’analyse-diagnostic des systèmes agrai-
aux différentes parties de l’écosystème) et social res, l’étude a porté sur le territoire de deux villa-
(ethnies, migrants, etc.). Deux ou trois villages ges distants de quelques kilomètres et situés tous
(voire plus en fonction du nombre de partici- deux au sud d’Abengourou : Affalikro et Asse-
pants) sont alors retenus pour poursuivre les in- kro. Cf. la carte ci-contre.
vestigations. Ils sont choisis dans le but d’expri-
mer au mieux la diversité des situations. Le
contraste des situations facilite le travail en auto-
risant des comparaisons.
Présentation des participants
Cette partie de l’étude n’a cependant pas pu être
réalisée lors de la session réalisée à Abengou- Le séminaire d’Abengourou accueillait 22 étu-
rou, et le choix des villages à étudier fut de fait diants de dernière année (spécialisation agro-
imposé aux étudiants. Dans le cadre de cette économie) de l’École supérieure d’agronomie
cession de formation, les villages étudiés ont été (Ésa) de Yamoussoukro, le responsable du pro-
choisis avant le début du stage, en fonction gramme PDL1, M. Jean-Baptiste Ettien Ane, un
d’aspects pratiques qui s’imposaient pour une conseiller de gestion de la zone d’Abengourou,
formation de courte durée. Pour des raisons de M. Sluie Drissa, un responsable du suivi des agri-
facilité de déplacement et de rapidité des trajets, culteurs du village d’Affalikro, M. Simon Pierre
l’accès des villages par la route était primordial ; Ossofi Loba, un formateur de l’Anader2, M. Ha-
ainsi, deux villages ont été sélectionnés à proxi- madou Coulibaly, et un formateur de l’INFPA3,
mité de la route. M. Denis Koffi Kouame.
Cette situation particulière présente un biais pour
l’étude, car on peut supposer que la facilité des 1 Programme de développement local.
échanges permet un développement local différent 2 Agence nationale d’appui au développement rural.
15
Avant-propos
Parmi les encadrants ivoiriens, deux enseignants, tude ; à ce stade, seuls les objectifs finaux et les
l’un, M. Zana Ouattara, responsable du stage et contraintes de l’étude sont précisés : le but du
professeur à l’ÉSA de Yamoussoukro, et le se- séminaire est de dresser un diagnostic agraire
cond, M. Lagou Nguessan, directeur de l’École d’une petite région, et ce, dans un temps très li-
régionale d’Abengourou (ÉRA). mité. Cette formation se termine par une resti-
La formation a été dispensée par deux enseignants- tution des résultats auprès des agriculteurs des
chercheurs en économie rurale : M. Hubert Cochet, villages enquêtés. Volontairement, les enseignants
maître de conférences à l’INA-PG4 à Paris et M. Sé- ne présentent pas l’ensemble de la démarche de
bastien Bainville, maître de conférences au Cnearc5 travail : non seulement la méthode de travail doit
à Montpellier. Nicolas Ferraton, ingénieur au être suffisamment souple et adaptable en fonc-
Cnearc, a encadré également le stage et synthé- tion des situations rencontrées, mais surtout les
tisé les données en vue de l’élaboration du présent participants sont conduits à la découvrir, voire
document. Mme Anastasie Kouame Yah Tehia, à la construire eux-mêmes.
conseillère Anader, a fait office d’interprète lors La première séance de travail consiste à amener
de leurs déplacements sur le terrain. les étudiants à définir la première étape du tra-
vail. On les interroge : « Par quoi pouvons-nous
commencer ? ». Cette première question, ano-
Introduction du séminaire dine au premier abord, est importante, et il est
bon de consacrer un temps suffisant à l’élabo-
ration collective de sa réponse. Les participants
Une fois la présentation des participants ache- ont en général tendance à vouloir commencer
vée, les encadrants précisent les objectifs de l’é- par l’analyse de données secondaires (biblio-
graphie, statistiques, etc.) ou par enquêter au-
3 Institut national de la formation professionnelle agricole. près des responsables locaux, oubliant l’étape
4 Institut national agronomique Paris-Grignon. initiale indispensable qui consiste à observer
5 Centre national d’études agronomiques des régions chaudes. l’objet d’étude : la lecture de paysage.
Aspects pédagogiques
Les étudiants sont regroupés par quatre ou cinq personnes, de telle sorte que chaque groupe
rassemble des individus dont les compétences soient les plus diverses possibles (les profes-
sionnels sont mélangés avec les étudiants)… Les groupes sont ainsi plus efficaces pour les en-
quêtes ; l’analyse des données qui suit est plus riche du fait de la diversité des points de vue.
C’est aussi l’occasion pour les membres de l’équipe de confronter leurs connaissances et de
compléter leur formation.
Comme nous l’avons déjà signalé, les encadrants mènent aussi leurs propres investigations et
observations, obtenant des données utiles pour compléter les synthèses collectives, sans in-
fluencer les étudiants ou les empêcher de progresser par eux-mêmes. Le groupe d’encadrants
peut aussi prendre un peu d’avance sur le programme pour avoir des éléments de validation
et de programmation.
Il est préférable de constituer un groupe d’encadrants distinct des groupes de participants. Leur
présence au sein d’un groupe risque de fausser l’exercice : les participants n’osant pas réali-
ser l’exercice ou attendant la réponse directe de l’enseignant. Par ailleurs, les discussions et dé-
bats à l’intérieur de chaque groupe font partie de la démarche pédagogique et ne doivent pas
être gênés par la présence d’un formateur.
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Initiation à une démarche de dialogue. Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne boucle du cacao
Analyse du paysage
agraire
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Analyse du paysage agraire
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Analyse du paysage agraire
taille et grandeur des champs, type de cultures et associations, densités culturales, travail
du sol, pratiques culturales et situation le jour de l’observation.
➤ Quelles sont les questions soulevées par l’observation des diverses formes de végétation ?
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Analyse du paysage agraire
Les animaux
➤ Animaux sauvages éventuellement (gibier, poissons, etc.).
➤ Animaux d’élevage : type, nombre, localisation, situation (à une corde au piquet, en diva-
gation, en parcours avec un bouvier, avec matériel de culture attelée, en enclos, etc.).
Pour décrypter un paysage, on réalise plusieurs croquis descriptifs pour construire progressi-
vement un ou des schémas de synthèse. Pour resituer les observations, il ne faut pas oublier
de les dater et de les orienter.
Pour cela, les étudiants effectuent une « lecture » du paysage, en parcourant sur le terrain. La
lecture de paysage sert à identifier et à localiser précisément tous les éléments constitutifs du
paysage afin :
➤ de dégager de grands ensembles relativement homogènes du point de vue du paysage ;
➤ d’identifier, au sein de la région d’étude, les différentes parties du paysage grâce à la topo-
graphie, la géologie, la pédologie, l’hydrologie, l’occupation du sol, etc. ;
➤ et au niveau de chaque ensemble, de mener une observation plus fine afin d’en caractéri-
ser les éléments constitutifs et le mode de mise en valeur. De cette lecture du paysage, doi-
vent donc ressortir des questions et les premières hypothèses à propos des raisons pour les-
quelles ses différentes parties sont exploitées, ou non, de manière différente.
Ensuite, des entretiens sont réalisés auprès d’agriculteurs afin de vérifier et de compléter les pre-
mières hypothèses formulées. Ces entretiens doivent également permettre de poursuivre la ca-
ractérisation de ces différentes zones en approfondissant la compréhension de leur fonction et
de leur mode d’exploitation, en accordant une grande importance aux relations existant entre
elles, en particulier aux flux de matières organiques (fourrages, fumures, etc.) ou d’éléments
minéraux (engrais, transfert par ruissellement, etc.).
➤ Alors se pose la question de consigner les observations : faut-il mettre en commun des obser-
vations tantôt différentes, tantôt communes ?
➤ Pour restituer les observations, il est nécessaire d’utiliser un vocabulaire précis, dégagé de
tout jugement de valeur.
➤ Nécessité également d’utiliser un vocabulaire qui restitue réellement les observations et non
des interprétations.
La toponymie et le vocabulaire des langues locales sont généralement très précis ; il est nécessaire
de les consigner avec rigueur.
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Analyse du paysage agraire
Dans cette partie, nous suivons un groupe d’é- ● Étape n° 3 : une plantation de café
tudiants dans ses investigations de terrain, par- et cacao associés
cours qui a eu lieu lors du premier jour de tra-
vail à l’est du village d’Affalikro. À travers cet Les étudiants pénètrent dans une parcelle de
exemple, nous voyons comment il est possible café-cacao, si peu dense que la lumière pénètre
d’observer le paysage. Cf. illustration 3 page 22. largement dans le sous-bois. Chromolaena odo-
rata est l’adventice dominante. Un jeune agri-
● Étape n° 1 : départ dans le village culteur nettoie la plantation, il est occupé d’une
part à désherber et d’autre part à planter de jeu-
L’habitat est concentré dans les villages ; on n’ob- nes plantules de cacao sous des caféiers. Il ex-
serve pas ou peu de maisons isolées. Les habi- plique aux étudiants qu’il procède de la sorte
tations sont construites pour la plupart en banco, pour remplacer « en douceur » les caféiers qu’il
certaines en ciment, d’autres encore en bois ou juge peu rentables (en raison du prix de vente
en bambou. Les maisons d’une famille sont re- du café) par les cacaoyers.
groupées autour d’une cour centrale. Les cuisi-
nes, souvent indépendantes des maisons, sont ● Étape n°4 : traversée d’un bas-fond
des abris en tôle avec des palissades en bam-
bou. Manguiers et Terminalias fournissent un peu Un bas-fond cultivé en riz pluvial associé à du
d’ombrage dans les cours des habitations ou sur maïs. La répartition du riz dans la parcelle laisse
les bords des rues. penser qu’il a été semé à la volée (il ne s’agit pas
On observe çà et là des presses à manioc et des de riz repiqué). Dans ce bas-fond, de l’eau sta-
outils manuels, machettes, houes. Des pompes gnante forme de grandes flaques qui ne sont pas
manuelles permettent d’extraire l’eau de puits plantées en riz. On note la présence de nom-
qui font parfois plusieurs dizaines de mètres de breux palmiers, d’une espèce différente de ceux
profondeur (leur profondeur nous renseigne sur avec lesquels on fait du vin et de l’huile de palme.
la distance de la nappe phréatique à la surface). Ils possèdent un stipe plus fin et poussent par
bouquets. Des traces de cendre et de bois brûlé
Dans le village, quelques chèvres et moutons (les branches basses des palmiers sont également
mangent l’herbe sur les bords des fossés, sans brûlées) nous laissent deviner que la parcelle
surveillance. À la sortie du village, de petits parcs était en friche l’année précédente, l’agriculteur
à bovins bordent les pistes. ayant procédé à une défriche-brûlis avant de la
On note la présence de roches affleurantes, ro- mettre en culture. Sur les bords du champ de riz,
ches composites, agglomérats de particules cen- les étudiants observent une friche basse (deux à
timétriques de couleur foncée, probablement trois mètres de hauteur), l’agriculteur a ceinturé
une partie de cuirasse latéritique. toute la friche de branches ne laissant que
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22
Étape 4
quelques espaces, passages pour d’éventuels Enfin, nous traversons une parcelle où de multi-
agoutis en quête de nourriture dans le champ de ples plantes sont associées et cultivées : bana-
riz, et dans lesquels sont installés des pièges. niers, jeunes plants de cacao, taro, manioc, etc.
Dans la parcelle de riz, le sol est très différent Au-delà de cette parcelle, on distingue une fri-
de celui que les étudiants ont découvert au som- che arborée avec de grands arbres sous lesquels
met de l’interfluve. Ce sol semble uniquement poussent des caféiers, présence confirmée par
composé de sable blanc et possède par endroit un enfant présent sur la parcelle.
une couleur noire, traces de matière organique
très foncée que l’on distingue parmi les grains
de sable.
Analyse et traitement
● Étape n°5 : en remontant sur l’interfluve
des données au retour du terrain
Aspect pédagogique
➤ Il est important au début de l’exercice de ne pas suggérer aux étudiants la façon dont ils
pourraient exposer leurs résultats, en leur montrant par exemple des schémas déjà établis. Ils
doivent ainsi mener une réflexion sur les modes de représentation clairs qui leur permettent
de synthétiser rapidement leurs résultats. Ces efforts d’abstraction et de synthèse sont progres-
sivement développés tout au long de la formation.
➤ Les groupes doivent présenter leurs résultats en un temps court (l’effort de synthèse doit être
permanent), pour retenir l’attention des autres groupes ; les restitutions trop longues sont né-
fastes à la dynamique générale.
➤ Chaque groupe doit présenter ses résultats. Les informations sont ainsi divulguées à l’en-
semble des participants, dans le but de contribuer à la construction progressive d’une synthèse
collective. Un groupe qui ne présenterait pas ses résultats risquerait de perdre sa motivation à
rechercher de nouvelles informations. Lors des premières restitutions, il est nécessaire que les
différents groupes présentent tous leurs résultats, pour avoir une idée de la diversité des situa-
tions, mais petit à petit, les séances de restitution deviennent de plus en plus longues ; il est
alors opportun que les groupes ne mettent en évidence que les différences qu’ils observent
avec les autres groupes (surtout pour les parties concernant l’analyse historique, ou l’analyse
des systèmes de culture). Les informations redondantes dissipent l’attention des groupes.
➤ Dans chaque groupe, la personne désignée pour restituer les travaux de l’équipe à l’en-
semble de la salle change chaque jour : chacun s’entraîne ainsi à parler de manière synthé-
tique devant les autres.
➤ Enfin, l’ordre de passage des groupes à chaque restitution doit changer d’un jour à l’autre.
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Analyse du paysage agraire
Hubert Cochet
Friche
arborée
Caféier
abattu
Sur une ancienne plantation de café, la végétation a repris ses droits, en envahissant totalement la plantation, la rendant
impénétrable. On distingue encore aujourd’hui les caféiers sous une épaisse végétation. Les agriculteurs coupent ces
friches pour replanter ; en témoigne le moignon de caféier au premier plan.
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Analyse du paysage agraire
Hubert Cochet
Caféiers
Maïs
Fanes
d’arachide
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Analyse du paysage agraire
Plantation
mixte de café-
cacao, âgée
de 5 à 6 ans.
Les bananiers
sont encore
présents sur
la parcelle,
parcelle
très enherbée
en raison
de la faible
densité
des arbustes.
Bananiers
Caféiers
Caféiers
Cacaoyers
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Analyse du paysage agraire
sentation différente de « la forêt ». Parmi toutes sage, mais d’autres parlent de marécages... Ces
les formations végétales traversées par les étu- deux groupes parlent-ils du même espace ou a-
diants, quelles sont celles qui correspondent réel- t-on affaire à deux parties différentes du paysage ?
lement à une forêt ? Les enseignants clarifient la La dénomination « bas-fond » désigne plutôt un
situation afin que tous les participants utilisent espace cultivé ou potentiellement cultivable,
les mêmes termes pour les mêmes éléments de alors que le terme de marécage fait plutôt réfé-
leurs observations. rence à une zone d’eau stagnante avec une vé-
Une forêt est une formation végétale spontanée, gétation spontanée. Les étudiants n’auraient-ils
généralement de grande taille et pouvant com- pas confondu une friche, c’est-à-dire une zone
prendre de nombreuses espèces différentes sou- anciennement cultivée où une végétation spon-
vent disposées en plusieurs étages de végétation. tanée s’est installée avec un marécage ?
Une formation végétale mono-spécifique, même Rappelons que l’objectif des deux premiers jours
dense, correspond le plus souvent à une planta- d’observation du paysage est de construire un mo-
tion (même si les essences qui y sont plantées dèle synthétisant les différentes parties du paysage
sont également présentes en forêt, comme les de la région et représentant également les modes
tecks). de mise en valeur par l’homme de ces différentes
Une forêt primaire correspond à une formation parties. Pour atteindre cet objectif, les groupes
végétale spontanée qui n’a jamais été exploitée d’étudiants doivent donc impérativement adop-
par l’homme (hormis pour la cueillette et la ter un vocabulaire commun. La modélisation est
chasse), la formation végétale atteint alors le cli- possible si plusieurs observations vont dans le
max qui est le développement maximal de cette même sens et que l’on peut en tirer des lois gé-
formation végétale dans des conditions pédo- nérales. Ce modèle doit être représentatif de l’en-
climatiques précises. semble du territoire villageois de la zone étudiée.
Une forêt secondaire est une forêt qui a été ex- Lors des restitutions, les étudiants doivent dé-
ploitée par l’homme, mais qui a repoussé, et dont crire leurs observations avec un vocabulaire pré-
les essences forestières sont identiques à celles cis et commun. Une description fine avec des
de la forêt primaire. mots justes rend compte de l’environnement de
façon détaillée, étape indispensable avant la mise
Une forêt tertiaire (ou dégradée) a également en relation des différentes observations pédolo-
été exploitée par l’homme, mais elle ne com- giques, topographiques, hydrologiques, végéta-
prend plus les mêmes espèces végétales que la les, culturales.
forêt originelle (primaire), un certain nombre
d’entre elles ayant définitivement disparu.
● Commentaires sur des affiches
Après discussion, et grâce aux observations re- présentées les deux premiers jours
cueillies les jours suivants, il s’avère que les for-
mations végétales décrites par certains groupes Présentation des résultats
comme étant des forêts, correspondent à d’an- du groupe de travail n° 5 (premier jour)
ciennes plantations de caféiers où l’on observe ➤ Village : plusieurs types d’habitations com-
un important recrû forestier. Pour s’en rendre posent le village (bois, bambou, ciment), qui oc-
compte, il faut pénétrer au cœur de la végéta- cupe la majeure partie de l’affiche.
tion, tâche parfois ardue en raison de la densité ➤ Élevage : des symboles en forme de têtes d’a-
de la végétation basse. On désignera ces forma- nimaux dont la taille est proportionnelle au nom-
tions végétales par les termes « de friches arbo- bre rencontré nous indiquent que l’élevage se
rées » ou plus généralement « de friches de lon- pratique surtout dans les villages et non pas en
gue durée ». dehors. Ovins et caprins, volailles sont concen-
Autre exemple de l’importance d’un vocabulaire trés essentiellement dans les villages, les bovins
commun : parmi les étudiants, certains parlent de sont dans des parcs immédiatement à proximité
bas-fonds pour désigner les espaces en dépres- des villages (parcs matérialisés par une forme
sion que l’on observe un peu partout dans le pay- géométrique aux contours hachurés).
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Analyse du paysage agraire
ILLUSTRATION 5 :
Affiches présentées par les étudiants lors des deux premiers jours de travail : analyse du paysage
Affiche présentée
par le groupe
de travail n° 5 lors
de la première
restitution.
Affiche présentée
par le groupe
de travail n° 3 lors
de la seconde
restitution.
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Analyse du paysage agraire
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Grand arbre
résiduel
Manguier
Puit
Cultures vivrières :
maïs, arachide
Cuirasse
ferralitique Sol sablo-argileux
et gravillonnaire
Nappe
phréatique Les villages sont au sommet des interfluves, la cuirasse ferralitique affleure par endroit. Dans le village et
en sortie, on note la présence d’un peu d’élevage. Immédiatement autour du village, des champs vivriers, et lorsque
l’on suit les pentes et que l’on approche des bas-fonds, des plantations de cacao et café avec des champs vivriers. Sur les
pentes, vers les hauts surtout, les sols sont gravillonnaires.
Analyse du paysage agraire
discuter avec des agriculteurs, de préférence gion ainsi que leur mode de mise en valeur.
assez âgés, pour connaître l’histoire de l’agri- L’illustration 6 reprend en quatre affiches (6A
culture de la région. page 30, 6B page 32, 6C page 34, 6D page 35)
Ceci explique pourquoi, lors de la restitution du le modèle du paysage de la région présenté en
second jour, l’affiche du groupe n° 3 sur la com- fin de stage aux agriculteurs.
préhension du paysage présente une partie his-
torique (cf. illustration 5 page 28). ● Les zones hautes ou interfluves
La droite de l’affiche présente une vue en plan Ce sont les parties de l’écosystème sur lesquel-
du parcours réalisé par ce groupe de travail ; bien les sont établis les villages, loin des zones de sta-
que fourmillant d’informations sur les cultures gnation d’eau (le village d’Assekro a été déplacé
(végétation spontanée, cultures), le type de sol, pour ces raisons). En de nombreux endroits, une
les infrastructures, cette partie de l’affiche n’en cuirasse latéritique affleure dans les villages : il
est pas moins difficile à lire (les limites des par- est probable que, à la suite de phénomènes d’é-
celles ne sont pas indiquées). Cette représenta- rosion, les couches superficielles du sol aient été
tion de l’information, très linéaire, sans analyse, entraînées dans les pentes et les bas-fonds. Dans
sans tentative de synthèse, ne lie pas les don- les villages, les arbres présents sont surtout les
nées les unes aux autres. manguiers et les terminalias qui fournissent de
Par contre, il est intéressant de souligner la cor- l’ombrage. Ovins, caprins, animaux sont en di-
rélation faite entre cette représentation et celle qui vagation.
figure sur la partie gauche, qui montre un profil Immédiatement autour des villages, des parcs à
entre deux points (A et B), véritable représenta- bovins jouxtent des parcelles de cultures vivriè-
tion du transect. Sur ce schéma, l’ensemble des res, arachide, maïs, gombo, manioc. Dans ces
informations s’organise autour de la toposé- parcelles, le sol est souvent gravillonnaire et ar-
quence7 ; il s’y manifeste un réel effort de syn- gileux.
thèse pour représenter non pas tous les détails,
D’autres zones hautes sont occupées par des cul-
mais l’essentiel. Nous mesurons à partir de ceci
tures pérennes ; on rencontre une grande diver-
la compréhension et l’assimilation de l’exercice
sité de plantations, telles que des plantations de
par le groupe d’étudiants.
café, de cacao, de café et cacao associés, de
vieilles plantations de café gagnées par une abon-
dante végétation spontanée, des plantations éga-
Synthèse des résultats lement dominées par de grands arbres. On peut
sur l’analyse du paysage voir également de jeunes plantations de cacaoyers
associés à des bananiers et à d’autres cultures
vivrières, et également des buttes d’ignames as-
Suite à la restitution de l’ensemble des groupes sociées avec de jeunes bananiers, du taro, etc. On
de travail, étudiants et enseignants élaborent un note également la présence de grands arbres dont
schéma de synthèse modélisant les observations la densité est variable, et qui donnent parfois
des deux premiers jours de travail. l’impression de forêts résiduelles. A-t-on vérita-
blement affaire à des résidus de forêt ou à des
Le paysage que nous avons découvert dans notre
recrûs arborés après cultures ? À ce stade de l’a-
zone d’étude pourrait être décrit comme suit :
nalyse, la question demeure entière.
une région de collines de très faible hauteur, aux
versants convexes, entrecoupées de bas-fonds
larges ou de vallées étroites. ● Des zones en pente douce
qui conduisent vers des bas-fonds
Un schéma synthétique récapitule les différentes
parties de l’écosystème rencontrées dans la ré- En s’éloignant des points hauts, le sol devient
plus sableux. On note la présence de cultures
7 La toposéquence correspond à une coupe du paysage tra- vivrières (ignames, bananes, arachides, maïs,
versant différents étages agro-écologiques. etc.) et parfois la présence de plantations pé-
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Palmiers Palmiers
Cultures Friche à
vivrières : Chromolaena
Cultures Friche, maïs, manioc, odorata
Villages maraîchères Imperata cylindrica, arachide, taro
(chou, tomate, Panicum maximum
aubergine,
Riz piment) Riz Riz
pluvial Riz pluvial
pluvial
inondé
Sol sableux
Les bas-fonds sont les seuls endroits où il est possible de pratiquer le maraîchage : tomate, aubergine, etc., sur des billons qui surélèvent les cultures par rapport au niveau
de la nappe phréatique. Certains agriculteurs cultivent le riz pluvial dans des casiers inondés pendant une bonne partie du cycle de culture (cela évite la corvée de désherbage).
Le riz est parfois semé dans les bas-fonds sans aménagements de type diguette. On y trouve également des friches non pas envahies par Chromolaena odorata, mais par
des graminées coupantes qui supportent bien l’humidité. On note la présence de nombreux palmiers dans les champs de riz pluvial. Le sol y est très sableux. Le bas des versants
entourant les bas-fonds sont surtout occupés par des cultures vivrières et des friches à Chromolaena odorata.
Analyse du paysage agraire
rennes qui vont jusqu’à la bordure des bas-fonds. ces espaces en casiers pour y planter du riz
Les plantations pérennes sont composées de inondé en saison des pluies. Une grande partie
cacao jeune associé à de l’igname et des bana- de ces zones humides est occupée par des fri-
niers, et les plantations plus âgées sont des cul- ches où dominent des graminées (Panicum maxi-
tures de cacao seul ou associé à des caféiers. mum) de plus d’un mètre de hauteur (Chromo-
Des friches également, dont la végétation est de laena odorata n’est pas présente dans les bas-
taille moyenne (1 à 2 mètres), envahies majori- fonds) ; cette végétation est souvent buisson-
tairement par Chromolaena odorata occupent nante, impénétrable.
une partie non négligeable de l’espace ; dans Dans les bas-fonds, la végétation est réellement
d’autres friches, sous des arbres de grande taille, différente de ce que l’on observe ailleurs ; ainsi,
on distingue encore de vieux plants de caféiers. les formations arborées denses ou éparses des
zones hautes et des pentes sont absentes en bas-
● Des zones basses : des bas-fonds fonds. Ont-elles jamais existé dans ces zones ou
ouverts et des bas-fonds plus étroits ont-elles totalement été détruites ?
En bordure immédiate des bas-fonds, on ren-
contre des parcelles plantées en cultures vivriè- À la fin du second jour consacré à l’étude du
res, en riz pluvial, en cultures maraîchères (to- paysage, l’objectif fixé s’est avéré plus difficile à
mates, choux, aubergines, piments, etc.). Ces atteindre que prévu, comme nous l’avions sou-
dernières sont installées sur de larges billons, ce ligné lors du premier jour, en raison de l’absence
qui évite les risques d’inondation et de satura- de point de vue dominant et de l’abondance de
tion du sol en eau pendant la saison des pluies. la végétation spontanée, en particulier dans cer-
Des bosquets de bambous, des palmiers à huile taines plantations. Les premiers résultats sont ce-
(Elais guinéensis), des palmiers raphia se déve- pendant encourageants : nous sommes à peu
loppent sur les berges des bas-fonds. près capables de caractériser des unités topo-
graphiques avec des types de végétation, de cul-
Le sol y est à dominante sableuse, sa capacité tures particulières. Mais d’après les premiers ré-
de rétention d’eau est limitée. Ce type de sol s’as- sultats, les informations ne nous permettent pas
sèche rapidement, en atteste le faible dévelop- de comprendre l’existence de ces différents types
pement des touffes de riz pluvial observées sur de plantations. S’agit-il de différents modes de
des buttes sableuses comparativement à celles production liés à des contraintes spécifiques ou
situées entres ces buttes. se situe-t-on plutôt face aux différentes étapes
À proximité des ruisseaux ou cours d’eau, l’eau d’une même dynamique d’évolution des plan-
stagne parfois ; quelques agriculteurs aménagent tations de café et cacao ?
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Arbre résiduel
(fromager)
Manguier
(en bordure
de parcelle)
Buttes d’ignames.
Jeune plantation Friche longue,
Plantation mixte, Plantation ancienne
de cacao
café et cacao en cacao pur caféière
avec bananiers
Sol sablo-argileux
et gravillonnaire
Les zones d’interfluves en dehors de celles où l’on trouve les villages sont principalement occupées par les trois types de plantations : cacao, café, et plantations mixtes café
et cacao. On y trouve également des friches de longue durée, d’anciennes plantations caféières en friche, des buttes d’ignames et les jeunes plantations de cacao, souvent
installées sur les friches à café. On trouve çà et là des manguiers en bordure des chemins ou des parcelles. La cuirasse ferralitique n’affleure pas, les sols sont relativement
profonds, l’érosion n’a pas joué comme dans les villages où la végétation n’a pu retenir la terre.
ILLUSTRATION 6D : Un modèle du paysage de la région d’étude : les vallées plus étroites
Palmiers
Bambou
Cultures Cultures
vivrières : vivrières :
maïs, maïs, manioc, Caféiers
arachide arachide brûlés
Maïs
Plantation
de cacao
Friche
à C.o.
Friche à
Chromolaena Sol
odorata sablo-argileux
Tous les points bas ne sont pas de larges bas-fonds ; par endroits, les vallées plus étroites ne laissent pas de surfaces planes pour installer des cultures. On n’y observe pas de
riz, mais des bambous, des zones de friches sur les bords, quelques plantations et des palmiers. Plus haut dans la toposéquence, des champs vivriers. Les sols, comme dans
les bas-fonds ouverts, sont sablonneux.
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Initiation à une démarche de dialogue. Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne boucle du cacao
Dynamiques agraires
et reconstitution
des transformations de l’agriculture
Il n’est point utile d’être historien pour savoir Dans le cadre d’un séminaire de formation de
qu’en se tournant vers le passé, il est possible de courte durée (une dizaine de jours), cette se-
mieux appréhender le présent ou l’avenir. Ce conde étape de la démarche d’étude peut être
que nous observons aujourd’hui est le résultat réalisée en deux jours. L’objectif de ces deux
d’une longue histoire, et donc un certain nom- journées de travail est double : d’une part, com-
bre de nos observations ne peuvent pas être com- pléter le schéma d’organisation du paysage (po-
prises sans une approche historique. On trouve sitions des différents champs dans l‘écosystème)
à présent des reliquats du passé comme de vieilles et, d’autre part, retracer l’évolution des modes
plantations de caféiers enfouis dans la végéta- d’exploitation du milieu en liaison avec l’évolu-
tion, sans savoir pourquoi ces espaces ancien- tion sociale ou économique de la région, tout
nement cultivés sont retournés à la friche. Or, il en replaçant ces données dans un cadre écono-
existe certainement une, voire des raison(s) à mique et politique plus général.
cette situation. Au fils du temps, plusieurs cul- En outre, cette démarche historique permet
tures nouvelles ont été introduites dans la zone, d’identifier les différents types d’exploitations
modifiant ou bouleversant parfois les habitudes agricoles présentes aujourd’hui dans la région,
culturales, les calendriers des travaux agricoles, identification qui servira de base à l’étude des
bref, les modes d’exploitation du milieu. systèmes de production.
En d’autres termes, la seule observation ne per- La question fondamentale qui sous-tend cette
met pas de répondre à l’ensemble des questions démarche est la suivante : comment et pourquoi
qu’elle suscite. La compréhension des pratiques les paysans ont-ils été conduits à transformer
culturales actuelles implique d’identifier les rai- leurs processus de production agricole ?
sons qui ont présidé à leur mise en place. Connaî-
tre l’origine des pratiques actuelles nous fournit En résumé, l’analyse historique contribue à sai-
des éléments supplémentaires pour en com- sir dans leur diversité les situations agricoles ob-
prendre l’existence. Nous devons donc mainte- servées aujourd’hui.
nant nous intéresser à l’histoire du paysage que D’un point de vue pratique, comment allons-
nous avons observé. nous procéder ?
37
38
Entretiens
avec les vieux agriculteurs
dans les villages.
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Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
ILLUSTRATION 8 :
Une discussion à bâtons rompus, difficulté à positionner des éléments du discours dans le temps
Point
de départ
du discours
Premier
campement
Échelle
1900 2000 de temps
Arrivée
des Baoulés Fin des
Apparition de Chromolaena subventions
odorata dans les champs sur le cacao
Introduction
de la culture du riz
Incendie dans la
plantation de cacao
Achat Arrivée
d’une plantation des Burkinabés
par le grand-père
Fin du discours
Il est rare que l’on se souvienne avec précision des dates des évènements de notre vie ; nous les
resituons en général les uns par rapport aux autres.
Lors d’un entretien avec un vieil agriculteur, il convient d’établir des repères grâce aux différents
évènements qui ont jalonné sa vie. Il est ensuite plus aisé de situer sur une échelle de temps les
éléments de son discours qui fait un va-et-vient dans le temps(). Il est alors possible de lier certains
évènements et d’en demander confirmation à l’interlocuteur ().
Une telle discussion, qui laisse l’interlocuteur évoquer constamment des époques différentes, est
cependant difficile à suivre et surtout à exploiter dans l’objectif d’une synthèse générale. C’est
pourquoi il est préférable, après avoir reconstitué avec l’interlocuteur les principaux jalons de sa
propre histoire (échelle de temps « personnelle »), de revenir, époque par époque, à une discussion
approfondie portant sur les différents aspects qui permettront de reconstituer, pour chacune de ces
époques, les caractéristiques agronomiques, économiques et sociales de l’agriculture.
40
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
41
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
➤ Qu’en est-il des flux migratoires dans la ré- Présentée le troisième jour de formation par le
gion ? Quels ont été les fait marquants entraî- groupe n° 5, elle représente l’évolution du pay-
nant ces mouvements de populations ? Que font sage en fonction du temps, à la suite d’une pre-
actuellement les personnes venues travailler dans mière tentative de périodisation.
la région auparavant ? Voici, en italique, l’exposé des étudiants et, à la
➤ Quelle a été l’évolution de la démographie suite, les commentaires faits par les encadrants :
au cours des dernières années ? 1926 : « date de fondation du village d’Affalikro ».
➤ Quelle évolution a suivi le prix des marchan- 1964 : « début d’exploitation forestière. 1968 :
dises agricoles dans la région ? construction de voies d’accès dans la forêt ».
➤ Quelle a été autrefois et quelle est aujourd’hui 1970 : « introduction de nouvelles cultures : riz
l’organisation du travail : groupes d’entraide, sa- à cycle long, maïs. À partir de 1970, la baisse
lariat agricole, métayage ? de la pluviométrie pousse les agriculteurs à adop-
➤ Quelle répartition du travail existe-t-il entre ter de nouvelles variétés de riz à cycle plus
hommes et femmes, et quels changements ont court ».
eu lieu ? Il est peu probable que des changements clima-
➤ Existe-t-il de nouvelles activités économiques, tiques d’une telle ampleur (baisse de la pluvio-
agricoles, lesquelles ? Certaines activités ont- métrie) se soient manifestés de façon aussi radi-
elles disparu (chasse, cueillette) ? cale. Ce sont des tendances à long terme (nous
reviendrons là-dessus dans la partie concernant
la synthèse historique). De même, l’adoption de
nouvelles variétés se fait en général sur plusieurs
années.
D’un point de vue pratique, les étudiants
En 1970, de nouvelles variétés de riz à cycle plus
sont présentés aux autorités des villages par
court ont été introduites par des organismes de
le traducteur, le respect de ce protocole ga-
développement agricole ; il n’est pas certain que
rantissant le bon déroulement de la suite
ce soit lié à des modifications d’ordre climatique,
du stage.
mais on peut penser qu’outre le fait d’adapter
Ensuite, en préambule à chaque entretien, les variétés aux cycles pluviaux, leur but était
le traducteur doit à nouveau présenter les avant tout de fournir une variété plus précoce et
étudiants et rappeler aux interlocuteurs les de permettre aux paysans de disposer de récol-
raisons de leur présence dans les villages, tes plus tôt dans l’année, en évitant des pério-
afin d’éviter tout malentendu. des de soudure alimentaire trop longues.
Les entretiens débutent tôt dans la mati- De plus, il est fort probable que l’on puisse as-
née : il faut rencontrer les agriculteurs avant socier l’introduction des nouvelles cultures dans
qu’ils ne partent travailler, pour pouvoir, le la région à des mouvements migratoires, des
cas échéant, les accompagner aux champs. étrangers amenant avec eux les cultures cor-
respondant à leurs habitudes alimentaires… Il
42
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
serait alors judicieux de rechercher quelles sont 300 000 Fcfa par hectare de plantation nouvelle.
les populations qui ont introduit le riz et le maïs, De plus, des plants sont offerts gratuitement. Les
et les raisons de leur immigration. Burkinabés deviennent propriétaires. On em-
1983 : « une grande sécheresse s’abat sur la ré- ploie de la main-d’œuvre togolaise ».
gion, elle serait due à des feux de brousse ve-
nant du Ghana ». Pour quelles raisons l’État aurait-il encouragé la
production de cacao dans la région ? Les étu-
Les étudiants ne confondent-ils pas la cause et diants devraient préciser quelles sont les rela-
l’effet ? Ne serait-il pas plus logique d’expliquer tions de travail qui existaient auparavant entre
par une période de sécheresse le départ plus fa- les grands planteurs et la main-d’œuvre qu’elle
cile de feux de brousse ? soit étrangère ou issue de la Côte d’Ivoire, com-
« À cette période, le gouvernement soutient la ment ces relations ont aujourd’hui évolué et quel-
plantation de cacaoyers en offrant des primes de les sont-elles aujourd’hui ? Est-ce que cette main-
43
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
ILLUSTRATION 9 :
Présentation des posters réalisés par les étudiants lors des jours 3 et 4
44
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
d’œuvre vient d’elle-même, ou est-ce que les de méthodes de travail plus systémiques où l’on
propriétaires de plantation vont la chercher ? tente de comprendre une problématique dans
Quels sont les contrats de travail liant employeurs son ensemble et non pas de façon cloisonnée.
et employés ? Qui sont les abusans8 ? Comment En revanche, si des relations de causes à effets ont
les grands planteurs ont-ils acquis leurs terres, été mises en évidence sous forme de flèches, ces
qui sont-ils ? relations de causalité sont simplistes. En premier
1990 : « augmentation de la surface d’arachide, lieu car ces flèches relient toujours un fait à un
pour en faire le commerce ; introduction de l’é- autre alors qu’il est bien rare qu’un effet n’ait
levage bovin, ovin et des volailles ». qu’une cause (le développement de la rizicul-
L’élevage de volailles n’existait-il pas dans la ture est certes lié à l’arrivée de nouvelles popu-
zone avant cette date ? Pour quelles raisons cette lations, mais répond aussi à la mise en valeur
date marque-t-elle l’introduction de l’élevage des terres inappropriées pour les plantations,
dans la région, pourquoi cela n’a-t-il pas été fait etc.). Par ailleurs, étant à sens unique, ces flè-
auparavant ? ches confèrent un rôle déterminant à certains
facteurs historiques, alors que l’histoire est elle-
Finalement, la restitution de ce groupe est riche même déterminée par des faits économiques et
en informations, mais les étudiants ne sont pas sociaux : par exemple, le développement de la
allés assez loin dans leurs investigations histo- culture du café implique l’arrivée d’une main-
riques. De nombreuses questions sont apparues d’œuvre étrangère.
lors de l’exposé, mais les participants se conten-
tent parfois des explications des agriculteurs sans La difficulté de l’exercice tient au fait que le mode
les vérifier auprès d’autres agriculteurs ou sans d’exploitation du milieu est étroitement lié aux
poser d’autres questions qui permettraient de re- transformations de l’écosystème, à l’évolution
couper les informations. Enfin, le découpage his- des techniques et aux facteurs économiques et so-
torique choisi est-il judicieux ? ciaux (nature des échanges, modes d’accès au
foncier). Il faut donc tenter de mettre en relation
les éléments historiques pour pouvoir compren-
● La seconde affiche
dre les rapports de causes à effets et reconstituer
Sur la seconde affiche (affiche du groupe n° 6, le les dynamiques. Petit à petit, en replaçant les dif-
troisième jour), la courbe rouge représente une férents événements sur une échelle de temps, on
modélisation de l’évolution de la population dans établit des correspondances entre ces différents
le village d’Assekro ; cette évolution est à met- évènements.
tre en relation d’une part avec d’autres évène-
ments historiques majeurs (chute des prix, lé- ● Troisième exemple :
gislation, etc.), et d’autre part avec l’évolution les différents éléments replacés
des activités agricoles (importance de la végéta- sur une échelle de temps
tion initiale, cultures, élevage). L’ensemble est
situé sur une échelle de temps. En ce sens, le La frise chronologique présentée sur l’illustra-
choix de la situation de cette courbe entre les tion 10 (cf. page 46) met en relation, sur une
deux « échelles » est judicieux. échelle de temps, des faits considérés par les par-
ticipants comme sociaux, économiques ou po-
Cette tentative de modélisation de l’évolution de litiques, avec des faits dits « agronomiques ».
la population et la mise en relation de différents Cette présentation linéaire est cependant insuf-
évènements sociologiques, politiques, avec l’é- fisante, car elle ne permet pas, à elle seule, de re-
volution des cultures et du paysage montrent constituer la dynamique (et ses différentes éta-
combien les étudiants ont compris l’exercice. pes) du système agraire qui s’est mis en place
C’est en quelque sorte le début de l’assimilation dans la région.
Une approche plus globale en termes de système
agraire est nécessaire (cf. fiche 3 « Concept de
8 Cf. définition page 53. système agraire », page 47).
45
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
Faits sociaux,
économiques, politiques Faits agronomiques
Le fondateur du village d’Affalikro 1926 Tout l’espace est occupé par des forêts vierges.
s’installe près d’une grotte dans la
zone que nous appelons Affalikro
(le village d’Affali).
1930 Les premiers arrivants sont des Agnis qui cultivent du vivrier (banane,
taro, “pistache”, une cucurbitacée). Ils apportent avec eux des plants
de café et de cacao et installent des plantations dans un périmètre
restreint autour des villages selon des techniques de culture apprises
des colons. Les outils sont rudimentaires : hache d’abattage, machette,
houe. Il existe à cette époque une faune sauvage, par exemple
des éléphants, des singes, etc.
Arrivée de Baoulés. 1940 Des Baoulés introduisent ensuite les cultures d’igname, de manioc
et d’arachide (qui existaient dans la zone, mais était peu cultivées).
1950
1952 Introduction de nouvelles variétés de cacao plus productives,
venues du Ghana.
46
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
Le concept de système agraire permet d’appréhender la façon dont une société rurale exploite
son milieu.
Un système agraire peut être défini comme « permettant de comprendre l’état, à un moment
donné de son histoire, le fonctionnement et les conditions de reproduction du secteur agri-
cole d’une société. Le concept de système agraire englobe à la fois le mode d’exploitation et
de reproduction d’un ou plusieurs écosystèmes, les rapports sociaux de production et d’é-
change qui ont contribué à sa mise en place et son développement, ainsi que les conditions
économiques et sociales d’ensemble, en particulier le système de prix relatif, qui fixe les mo-
dalités de son intégration plus ou moins poussée au marché mondial » (H. Cochet, 2000).
1) un milieu biophysique caractérisé par un climat, des sols, une végétation et une faune par-
ticulière ;
2) une société humaine caractérisée par sa démographie, son organisation sociale, son économie ;
3) des techniques combinant du matériel végétal et animal, un outillage et des savoirs dans des
systèmes de culture et d’élevage particuliers.
Ces éléments peuvent être considérés comme en interaction. Ainsi, selon la nature du climat,
certaines cultures seront ou non possibles ; selon la densité démographique, les systèmes de
culture seront par exemple basés sur la défriche-brûlis ou la fertilisation minérale ; selon le
mode de gestion du foncier, il sera ou non permis à certaines catégories sociales de planter des
cultures pérennes, etc.
Les relations entre les écosystèmes, outils de travail des agriculteurs et des éleveurs, et le mi-
lieu humain se comprennent en étudiant l’organisation sociale concernant l’utilisation des res-
sources : la terre, l’eau, la végétation. Ainsi, il faut savoir comment sont gérés le foncier, l’eau
(droits d’usage), la végétation (règles d’exploitation ou de mise en défense des forêts...).
Les relations entre le milieu humain et la composante technique se comprennent en étudiant :
➤ l’organisation du travail (durée, productivité, répartition des tâches dans les unités de pro-
duction et dans la société elle-même) ;
➤ les moyens techniques utilisés (équipement, outils, intrants, variétés, etc.).
Les relations entre la composante technique et le milieu physique se comprennent en étudiant :
les systèmes de culture et d’élevage (type de culture ou race, intrants et pratiques utilisés, etc.).
Généralement, il existe de fortes relations entre les trois pôles du système. Par exemple, un
autochtone prêtera une terre à un étranger (milieu humain-naturel) à la condition que ce der-
nier n’y plante que des cultures annuelles (technique). Les plantations pérennes pourraient pé-
renniser le droit d’usage de la terre prêtée...
47
48
Forêt primaire, Installation des Devant Intensification de Les plantations Dans les années La chute des cours
vierge. On note la premiers l’accroissement des l’exploitation continuant à se 1980, la culture du du café se poursuit,
présence de campements. plantations, la main- forestière : les pistes multiplier et à croître, cacao est accompagnée
nombreux animaux Introduction de la d’œuvre baoulé tracées dans la forêt la main-d’œuvre afflue subventionnée. quelques années
sauvages (singes, caféiculture tout arrive, introduisant créent des entailles du Mali et du Burkina Chute des cours du plus tard de
éléphants) qui ont d’abord, plus tard dans la zone que vont suivre les Faso. Elle apporte café. Accroissement la chute des cours
aujourd’hui disparu de la cacao-culture. l’igname, le manioc planteurs. avec elle riz et maïs. de la culture du cacao.
de la région. On introduit et l’arachide. Développement d’arachide dans
également des de la route bitumée la zone.
plantes vivrières et introduction dans la
comme la banane zone de Chromolaena
et le taro. odorata.
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
Synthèse : l’histoire de la région cacao) sont acheminés vers les villes via un ré-
et l’évolution des systèmes agraires seau de sentiers qui relie les campements les uns
aux autres ; le transport se fait sur la tête, puis
par pirogue en descendant le fleuve (la Comoé)
La mise en relation des différentes informations jusqu’à Abidjan.
permet de leur donner un sens et de compren- En plus de l’agriculture sur abattis-brûlis, on pra-
dre l’évolution de l’agriculture de la région. À tique la chasse : l’écosystème forestier abrite une
partir de l’ensemble des éléments rassemblés au importante faune sauvage (biches, singes, ser-
cours des entretiens historiques menés par les pents et éléphants) qui subsiste encore dans cette
participants aux séminaires et les encadrants, il partie de la Côte d’Ivoire.
est possible de reconstituer les principales étapes D’autres familles agnis viennent rapidement re-
de l’histoire agraire des villages étudiés. joindre la première famille et un second cam-
Le schéma présenté ici illustre la reconstitution pement agni est établi au lieu-dit Assekro (source :
historique (cf. illustration 11 ci-contre). enquêtes).
Le cacao n’était pratiquement pas cultivé en Côte
● Le mode d’exploitation du milieu d’Ivoire avant les premières années du XXe siècle.
à partir des années 1930 Les colons européens ayant contrôlé le pays, les
chefs et les notables agnis furent les premiers à
Les deux villages étudiés ont été fondés dans les
développer cette culture de rente, car ils y voyaient
années 1930. Auparavant, une forêt primaire dense
la possibilité de s’enrichir. Pour cette raison et
occupait la majorité de l’espace, les plus grands
parce que le cacaoyer s’intégrait parfaitement dans
arbres atteignant quarante mètres de hauteur.
les systèmes de culture vivriers traditionnels, la
En 1926, la famille Affali (ethnie agni) installe diffusion de la culture du cacao a été rapide.
un campement sur le lieu qui portera désormais Au lendemain de la crise de 1929, le prix d’achat
son nom, Affalikro (littéralement « village d’Af- du cacao aux planteurs chute, en même temps
fali »). Bien que nous n’ayons pas pu le vérifier, que le prix du café, mais plus rapidement. C’est
il est fort probable que ce campement ait été ins- alors la caféiculture qui se développe à son tour
tallé dans le but d’étendre les plantations de très rapidement, d’autant plus qu’une caféière
cacao en dehors des villages alentour, sur de présente l’avantage d’entrer plus tôt en produc-
nouvelles zones. tion qu’une cacaoyère, et sa production est plus
Les premiers habitants commencent alors à dé- régulière.
fricher une petite partie de la forêt autour du Contrairement à une idée fort répandue qui fait
campement pour y installer des plantations de de la région d’Abengourou le premier foyer d’ex-
cacao auxquelles sont associées pendant les pre- pansion de la culture de cacao ivoirienne, le dé-
mières années de croissance des cultures vivrières veloppement de l’économie de plantation a re-
(notamment le taro, la banane et la « pistache », posé tout autant sur le café que sur le cacao. Après
nom local désignant une cucurbitacée). Sur ces une courte phase d’expérimentation cacaoyère
parcelles, la forêt est partiellement abattue, les dans les années 1920, les années 1930 et 1940
branches sont brûlées et les troncs d’arbres lais- sont surtout marquées, du moins à Assekro et Af-
sés à terre se décomposent lentement. Une fois falikro, par l’extension des plantations caféières,
le sol travaillé, le cacao est planté en associa- ou des plantations mixtes café/cacao. La plupart
tion avec le bananier et le taro. Les deux pre- des très vieilles caféières – aujourd’hui en friche
mières années, les bananiers procureront ainsi et pratiquement invisibles tant elles sont submer-
un ombrage aux plants de cacao et de taro. gées par le recrû arboré – datent de cette époque.
L’emploi d’outils manuels (hache d’abattage et C’est surtout après la Seconde Guerre mondiale
machette pour préparer et nettoyer les parcelles, que l’essor du cacao devient manifeste, les plan-
houe pour travailler le sol) rend la tâche longue teurs associant de plus en plus souvent cacao et
et pénible, limitant de ce fait l’étendue des par- café dans la même parcelle. Cette complantation
celles. Les produits agricoles (comme les fèves de résultait aussi de l’apprentissage de nouveaux sys-
49
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
tèmes de culture dans la zone (on plante les deux, Dans les années 1940 viennent s’installer des
et on voit celui des deux qui s’y développe le Baoulés (ethnie venue du centre de la Côte
mieux), d’un souci de diversification des sources d’Ivoire), qui introduisent la culture de l’igname,
de revenus face aux aléas des marchés et de conci- du manioc et de l’arachide. La culture de l’ara-
lier le désir de profiter des prix élevés du café (à chide existait auparavant, mais elle est générali-
la fin de la période coloniale) avec l’installation de sée par ce groupe, pour qui l’arachide fait par-
plantations de cacao beaucoup moins exigeantes tie des habitudes alimentaires. Placée en tête de
en travail une fois les arbustes arrivés à l’âge adulte. rotation culturale et associée aux jeunes plants
Si le cacao prend ainsi le dessus au cours des dé- de cacao ou de café, l’igname est rapidement
cennies d’après-guerre, on continuera très sou- adoptée dans la région : aujourd’hui, l’igname
vent de complanter cacao et café, comme en té- est plantée au centre de buttes de terre autour
moignent encore aujourd’hui les nombreuses desquelles sont cultivés taros, bananiers et jeu-
plantations mixtes ou en cours de reconversion nes plants de cacao.
progressive vers le « tout cacao ». Baoulés et Agnis poursuivent l’implantation de
café et cacao sur des parcelles soumises à un abat-
Nicolas Ferraton
50
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
début des années 1960, l’exploitation forestière Affalikro doivent être replacées dans la dyna-
s’intensifiant, l’ouverture de pistes en forêt pour mique générale du développement de l’écono-
l’extraction des bois précieux facilite également mie de plantation en Côte d’Ivoire. La région
l’accès à des parcelles plus éloignées des villa- d’Abengourou constitue en effet ce que l’on a
ges. L’apparition de tronçonneuses, d’engins fo- appelé la « boucle du cacao », la plus ancienne
restiers de débardage, la construction d’une route zone d’expansion de la culture de cacao (et de
et de pistes forestières, l’arrivée de grumiers ac- la caféiculture) ivoirienne, le plus ancien « front
célèrent le processus de déforestation déjà en- pionnier » du pays.
clenché. L’extraction sélective des bois (iroko, Ces mesures gouvernementales créent un
framélé, fraké) explique en partie pourquoi on contexte favorable à l’arrivée en pays agni de
observe aujourd’hui dans le paysage de grands nouveaux groupes, principalement des Burki-
arbres (souvent des fromagers) plusieurs fois cen- nabés et des Maliens. De cet afflux de main-
tenaires. Ces essences sans grande valeur éco- d’œuvre vont naître de nouveaux rapports so-
nomique ont été épargnées. ciaux de production, entre les populations
Pour être mieux comprises, les transformations ré- autochtones (Agnis et Baoulés) et les popula-
centes de l’agriculture des villages d’Assekro et tions allogènes.
51
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
fixation de prix garantis et relativement stables a aussi été déterminante. L’exploitation sans
retenue des essences forestières de valeur a aussi favorisé l’avancée du front pionnier en désen-
clavant les massifs forestiers, par l’ouverture de nombreuses pistes d’exploitation sur les bords
desquelles les planteurs s’installaient aussitôt.
L’Est de la zone forestière, et en particulier la région d’Abengourou, a très tôt constitué le pre-
mier foyer de développement de la caféiculture, puis de la culture de cacao, celle-ci prenant
véritablement son essor dans les années quarante et cinquante. Les plantations ont ensuite pro-
gressé vers le sud et l’ouest en direction de la région centre pour finalement connaître un dé-
veloppement spectaculaire dans les trois dernières décennies à l’ouest du Bandama et jus-
qu’aux confins forestiers du sud-ouest du pays. À tel point qu’aujourd’hui ne restent guère de
la Côte d’Ivoire « forestière » que quelques lambeaux forestiers encore peu exploités malgré
le constant « mitage » opéré par les nouvelles plantations.
La dynamique de ce véritable front pionnier, qui a été capable de progresser en moyenne (et bien
que de façon non linéaire) de plusieurs kilomètres ou dizaines de kilomètres par an, s’explique
par le cycle de la production cacaoyère : à une phase de croissance rapide de la production des
plantations succède une phase de vieillissement et de crise rendant nécessaire l’installation de
nouvelles plantations en avant du front pionnier et au détriment de nouveaux massifs forestiers.
Il est en effet beaucoup plus coûteux au terme d’un premier cycle de production, de replanter
de jeunes cacaoyers en lieu et place des anciennes plantations devenues vieilles et peu pro-
ductives (« rajeunissement » des plantations), plutôt que d’installer une nouvelle plantation en
défrichant une nouvelle parcelle forestière. En effet, il faut davantage de travail pour planter
(dans un sol moins meuble), désherber et entretenir la jeune plantation (sur une parcelle large-
ment envahie d’adventices) ainsi que plus d’argent pour, d’une part fertiliser un sol ne bénéfi-
ciant plus de la fertilité accumulée dans la biomasse forestière (et mise à disposition de la plan-
tation après brûlis) et pour, d’autre part, lutter contre les maladies et parasites du cacaoyer
devenus omniprésents.
Davantage de frais, donc, pour une rentrée en production souvent plus tardive et des rende-
ments rarement équivalents. Tous ces « avantages comparatifs » dont bénéficierait a contrario une
plantation installée sur un précédent forestier peuvent être interprétés comme une véritable
rente différentielle directement accessible à qui pouvait avoir accès à un morceau de forêt
« noire ». Plutôt que de rajeunir les vieilles plantations ou de tenter d’en prolonger la vie pro-
ductive par un entretien méticuleux, il était dès lors beaucoup plus rentable d’aller planter un
peu plus loin, pour peu que de nouvelles forêts soient accessibles, que le flux migratoire se
poursuive et accompagne ainsi le déplacement du front pionnier, quitte à laisser en arrière du
front une partie de la famille aux côtés de la plantation vieillissante...
C’est donc un accès toujours plus large à cette « rente différentielle forêt » et une disponibi-
lité renouvelée de la force de travail (pour une bonne part originaire du nord du pays et des
pays frontaliers) qui constituent les deux moteurs du front pionnier, du moins jusqu’au mo-
ment où les forêts commencent à se faire rares...
52
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
Dans les villages d’Assekro et Affalikro, comme conserve qu’un tiers de la récolte) si deux élé-
dans bien des régions concernées par l’essor de ments n’avaient pas contribué à le rendre attractif
la production cacaoyère, les familles baoulés ont à l’époque où de larges pans de forêt occupaient
souvent été parmi les premières à s’installer sur encore les finages villageois : d’abord, la possi-
le territoire des villages autochtones, à une bilité de pratiquer des cultures vivrières asso-
époque où un don assez symbolique (un mou- ciées (igname, taro, banane, gombo, aubergines,
ton, de la boisson, etc.) suffisait à se faire attri- etc.) pendant les premières années de la planta-
buer par le « chef de terre » plusieurs dizaines tion dans le cas, très fréquent, où l’abusan était
d’hectares de forêt et parfois davantage. À tel aussi chargé d’étendre les plantations existantes,
point qu’aujourd’hui, bien que considérés comme et ce, dans des conditions de fertilité et de maî-
allochtones par les descendants des premiers trise des adventices très favorables ; ensuite, parce
fondateurs des villages, les familles baoulés sont que ce contrat ouvrait la porte à la constitution
considérées comme « autochtones par adop- future de sa propre plantation.
tion » et figurent parmi les plus grands planteurs En effet, dans un contexte où la force de travail,
de café et cacao. À l’époque de leur installation bien plus que le foncier, constituait le facteur li-
précoce dans les villages dès les années qua- mitant l’extension des plantations et leur entre-
rante, il ne leur fut pas nécessaire de travailler tien, il fallait attirer la main-d’œuvre d’une façon
au service des autochtones agnis pour obtenir fi- ou d’une autre, et la fidéliser. Le plus simple dans
nalement leurs faveurs et avoir accès au foncier. ce cas était de lui promettre, contre bons et loyaux
Tel ne fut pas le cas des familles arrivées plus services, l’attribution future d’une parcelle de
tardivement et d’origine plus lointaine, de la ré- forêt où elle pourrait planter pour son propre
gion des savanes ou même des pays de la frange compte. Et c’est bien ainsi que la plupart des
sahélo-soudanienne. Pour accéder au foncier et producteurs de café et de cacao d’Assekro et Af-
pouvoir ainsi devenir « planteur », elles ont dû falikro devinrent planteurs. Dans bien des cas
passer par une longue phase de travail pour le également, on faisait appel à un abusan pour
compte des premiers arrivants autochtones agnis réaliser tous les travaux de plantation et d’en-
ou familles baoulés. Comme dans la plupart des tretien de la plantation jusqu’à son entrée en pro-
régions concernées par ce front pionnier du duction ; l’abusan était rétribué par l’obtention
cacao, un rapport social bien particulier s’est « en propriété » d’une partie de la surface plan-
établi entre celui qui contrôlait la terre et celui tée et par les cultures vivrières associées réali-
qui, par son travail, espérait y avoir un jour accès : sables, pendant que les plants de cacao sont en-
le contrat d’abusan. core jeunes et n’occupent pas tout l’espace
L’abusan, ce terme désigne également la per- disponible. Pour pouvoir profiter de cette « rente
sonne soumise à ce rapport social, qui travaille forestière », il fallait bien accepter d’en sacrifier
dans la plantation d’un autre. Elle y effectue tous une fraction par cette sorte d’échange terre/tra-
les travaux d’entretien et de récolte, ainsi que le vail entre autochtones et allochtones ou allogè-
traitement et le conditionnement de celle-ci. En nes. (Pour en savoir plus à propos de cet échange
échange de cette participation active au proces- terre/travail, on peut lire Chauveau et Léonard
sus de production, elle conserve le tiers de la ré- (Chauveau J.-P. et Léonard E. , Les déterminants
colte, le propriétaire de la plantation en rece- historiques de la diffusion de la cacaoculture et
vant les deux tiers restants. Bien que ce contrat des fronts pionniers en Côte d’Ivoire, IRD, 1996
à part de fruit connaisse quelques variantes ré- [ronéotype]).
gionales dans toute la Côte d’Ivoire « forestière », Dans la région d’Abengourou, premier foyer de
il s’apparente à un contrat de métayage dans le- développement important de la culture de cacao,
quel la contribution du propriétaire serait limitée la forêt originelle a bien vite régressé, même si
à l’apport du foncier, du capital-plantation et de nombreux grands arbres furent épargnés de l’a-
parfois d’une partie de l’outillage ou des consom- battage et préservés pour faire de l’ombre aux
mations intermédiaires. Ce type de contrat ap- plantations. Mais, les réserves foncières s’épui-
paraîtrait très défavorable au travailleur (il ne sant peu à peu, les conditions d’accès aux der-
53
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
nières parcelles forestières sont devenues de plus importante, des plantations (bananes, igname et
en plus restrictives, au point d’allonger sérieu- taro) sont produites en abondance.
sement la période « d’attente » de l’abusan, qui Le développement du transport routier, l’utilisa-
restera parfois sur sa faim ou devra se contenter tion d’un espace vierge non encore attribué, la
d’une bien petite parcelle. C’est ainsi par exem- politique nationale d’aide aux planteurs et la
ple que ce vieux burkinabé, installé à Affalikro disponibilité en main-d’œuvre salariale sont au-
depuis près de 40 ans, dût travailler pendant 20 tant de facteurs qui accélèrent le développement
ans comme abusan sur la plantation d’un autoch- de la culture de cacao et de la caféiculture dans
tone avant de se voir enfin attribuer une parcelle la région d’Abengourou.
au début des années 1980. À cette époque, l’es-
sentiel du finage9 villageois a déjà été défriché
et les derniers interstices forestiers sont à leur ● 1980-2000. Chute des cours mondiaux
tour convertis en plantation. Alors que le front du café et du cacao, sécheresse...
pionnier est déjà loin et que la production ca- vers l’épuisement de l’ancienne
caoyère explose littéralement dans le sud-ouest boucle du cacao ?
ivoirien, la colonisation des finages d’Assekro et Les agriculteurs interrogés parlent de nombreux
d’Affalikro connaît ses derniers développements. feux de brousse concernant la période du début
Sur les 6 hectares qu’il obtiendra de son « pa- des années 1980, ainsi que d’une période de sé-
tron », trois lui reviendront, à charge pour lui de cheresse entre 1987 et 1989. Ils évoquent éga-
planter les trois autres pour le compte du pro- lement une baisse générale de la pluviométrie
priétaire. Faisant sans doute partie du dernier dans la région depuis une vingtaine d’années.
contingent d’immigrés à planter à son compte, Cette dégradation des conditions climatiques
il devra se contenter d’une parcelle de taille ré- (traduite par une translation vers le sud des iso-
duite et située aux confins du territoire villageois hyètes10) n’est pas un fait ponctuel. C’est une
à plus de deux heures de marche du village. tendance observée sur l’ensemble de l’Afrique
Depuis le début des années 1990, il n’est plus de l’Ouest depuis 20 ans. Incendies et séche-
guère possible, pour un abusan, d’obtenir gain resse, faits marquants pour la population, sont
de cause et de devenir planteur. Avec le tarisse- souvent associés à cette détérioration climatique.
ment de ce mode d’accès au foncier, nous ver- Mais bien qu’attestée pour toute la Côte d’Ivoire
rons que ce rapport social a beaucoup perdu de « forestière » (100 à 200 mm de pluie en moins
son attrait aujourd’hui. par rapport aux années 1950 et 1960), cette di-
Ainsi, les plantations occupent petit à petit tout minution des précipitations n’est pas la seule
l’espace disponible, en dehors des bas-fonds où responsable des incendies racontés par les agri-
les agriculteurs s’aperçoivent que le sol n’est pas culteurs. Dès les années 1980 en effet, de nom-
propice aux cultures pérennes. Les bas-fonds breuses parcelles de moins en moins entretenues
sont loués (métayage ou fermage) aux salariés étaient en cours d’enfrichement.
agricoles et aux abusans qui y cultivent les cul- À cette époque, tout l’espace forestier originel
tures vivrières dont ils ont besoin. Les allogènes est détruit, il n’existe plus d’espace à défricher,
n’attendront d’ailleurs pas qu’on leur attribue les vieilles plantations plantées sur les ancien-
des parcelles pour partir en forêt et défricher un nes ne poussent pas facilement d’après certains
terrain pour y installer une plantation « clan- agriculteurs. Cette période correspond à l’époque
destine ». où les premières plantations de café et cacao
L’espace forestier se réduit en quelques années doivent être renouvelées faute de rendements
à quelques bosquets épars. La mise en place des suffisants.
cultures vivrières suit la dynamique d’installa-
tion des plantations de café cacao, puisque les
cultures vivrières sont toujours installées en as- 9 Le finage correspond à l’étendue du territoire villageois.
sociation avec les jeunes plants de café et de 10 Les isohyètes sont les courbes joignant les points d’une
cacao. C’est ainsi qu’à cette période d’extension région où les précipitations moyennes sont égales.
54
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
55
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
Aujourd’hui, on confie encore la parcelle à ceux est désormais fermé. On assiste alors au départ
qui en font la demande, à charge pour eux de de main-d’œuvre vers les fronts pionniers du
planter les jeunes cacaoyers que le propriétaire Sud-Ouest. En effet, avec les problèmes de « sa-
leur apportera, mais ils devront rétrocéder la par- turation foncière » qui s’amorcent, les derniers ar-
celle dès que celle-ci entrera en production et rivants n’ont plus aucun espoir de se voir attribuer
trouver un peu plus loin quelqu’un qui veuille une parcelle. Ils sont condamnés à vendre leur
bien leur prêter une parcelle pour leurs cultures force de travail ou à entretenir les plantations des
vivrières. Ce n’est pas tout, le propriétaire exi- grands planteurs, sans voir leur statut évoluer.
gera aussi une partie de la production vivrière, Un certain nombre d’entre eux vont donc ten-
autrefois entièrement concédée aux abusans... ter d’acquérir de la terre dans les nouveaux fronts
L’accès au foncier et à la condition de planteur pionniers du Sud-Ouest.
ILLUSTRATION 12 :
Reconstitution de l’évolution du paysage depuis les années 1900.
Trois grandes périodes dans cette évolution.
Forêt primaire
Premières plantations
de café et cacao
➤ 1930
Les premiers campements : les premiers arrivés (il s’agit dans la plupart des cas d’une seule famille), des Agnis,
défrichent de petites parcelles de forêt pour y installer leurs habitations, autour desquelles ils cultivent des cultures
vivrières (taro, banane, etc.), et plus loin des plantations de café et de cacao.
56
Dynamiques agraires et reconstitution des transformations de l’agriculture
ILLUSTRATION 12 (suite)
Trouée ouverte
Caféière par les forestiers Résidu de
Cacaoyère
forêt primaire
Constitution
de véritables
villages
➤ 1960
Face à l’intérêt économique des cultures de rentes comme le café et le cacao, de nombreux arrivants autochtones
et allochtones viennent accroître le rang des planteurs. Les exploitants forestiers contribuent à accélérer le phénomène
en ouvrant de véritables saignées dans la forêt pour extraire le bois. À partir de ces axes, perpendiculairement,
des plantations de café et cacao vont voir le jour. Les bas-fonds ne sont pas encore exploités par les agriculteurs.
Friche longue,
ancienne plantation
Maïs-manioc de café
Friche de courte
Cacaoyère durée, envahie
par Chromolaena
odorata
Village
Arachide-maïs
Friche courte Riz
à graminées inondé Billons, Riz pluvial- Cuirasse
maraîchage maïs Jeune plantation ferralitique
de café ou cacao Caféière
(buttes d’ignames)
➤ 2000
Extension et développement des villages (électrification, construction de puits, de routes bitumées, etc.). Après une
période d’extension des plantations de café, on observe aujourd’hui le remplacement de nombreuses caféières par des
cacaoyères. On note également l’extension des cultures vivrières dans le paysage et le développement des cultures
dans les bas-fonds (riz pluvial, riz inondé, maraîchage, cultures vivrières). Les plantations de café et cacao sont
quasiment toujours situées sur les interfluves, les cultures vivrières sur les flancs des interfluves. La forêt primaire a
entièrement disparu, les friches la remplacent pour un temps : friches de courte durée à Chromolaena sur les
interfluves, à graminées dans les bas-fonds et friches de longue durée également sur les interfluves. Ces dernières sont
d’anciennes plantations de café gagnées par un recrû forestier.
57
Initiation à une démarche de dialogue. Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne boucle du cacao
Caractérisation et
évaluation économique
des systèmes de culture
59
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Un système de culture, c’est la représentation théorique d’une façon de cultiver un certain type
de champ. Un système de culture s’analyse à l’échelle d’un champ, d’une parcelle ou d’un
ensemble de parcelles qui sont exploitées de la même manière. Un système de culture se ca-
ractérise par une homogénéité dans la conduite d’une culture sur un ensemble de parcelles :
mêmes associations de culture, mêmes successions culturales, mêmes itinéraires techniques...
1. Quelles sont les espèces cultivées (associations, cultures pures) et les variétés ?
Y a-t-il des cultures qui sont cultivées en même temps : cultures associées ? Il faut chercher à
comprendre les fondements des associations de cultures : complémentarité des plantes pour
l’utilisation des ressources (lumière, eau, éléments minéraux par exemple).
2. Les caractéristiques des parcelles
Topographie, hydrographie, type de sol, espèces spontanées.
3. Les successions culturales sur plusieurs années
S’il y a une régularité, quelle est la rotation pratiquée ? Sur la parcelle, que cultive le paysan
en année 1999, en année 2000, en année 2001 ? Il faut également chercher à comprendre
les fondements de ces rotations : quel est l’effet de la culture précédente sur l’état du sol, la
présence d’adventices et la pression des parasites ?
4. Quelles sont les pratiques culturales ?
Quelles opérations sont réalisées sur les parcelles, à quelle période (par rapport aux saisons et
aux stades végétatifs des cultures), et comment ? C’est la description de l’itinéraire technique
(suite logique et ordonnée d’opérations culturales). Il s’agit de comprendre comment l’agri-
culteur utilise la force de travail dont il dispose (familiale/salariée) et les intrants, depuis la pré-
paration du sol jusqu’à la vente des produits. Pour cela, il faut établir le calendrier cultural de
chaque culture, où l’on positionne les différentes opérations techniques au cours de l’année ainsi
que le nombre de jours de travail y correspondant. Le travail est évalué en homme/jour.
5. Comment le paysan assure-t-il la reproduction de la fertilité ?
Utilisation d’engrais, de fumier, associations de cultures, temps de friche ou de jachère, par-
cage d’animaux, utilisation des termitières, etc.
6. Quels sont les produits obtenus et les résultats ?
Résultats techniques : production par unité de surface, rendement par rapport aux volumes
de semences. Les productions sont très variables en fonction des campagnes agricoles. On cher-
60
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
che donc dans un premier temps à estimer les rendements en année normale, c’est-à-dire
lorsque les conditions de production ne sont ni catastrophiques, ni exceptionnellement bon-
nes. Dans un deuxième temps, on cherche à évaluer les rendements en bonne et en mauvaise
année. Il importe d’identifier les éléments conditionnant ces années extrêmes (sécheresse,
prédateurs, inondations, etc.).
Destination des produits : part autoconsommée, part vendue, part donnée, part destinée à la
rémunération en nature de la force de travail extérieure, part gardée pour la semence, pertes.
7. Quelles sont les limites techniques du système ?
Pourquoi un agriculteur ne peut pas cultiver une surface plus importante pour un système de
culture donné ? Quelle(s) opération(s) est(sont) limitante(s), avec les ressources humaines et
les moyens dont il dispose ? Le calendrier cultural est à ce niveau très utile, car ce sont les poin-
tes de travail qui vont limiter la surface maximale qu’un actif pourra techniquement cultiver.
Conditions pédoclimatiques,
conditions du milieu
Outils,
intrants
Pratiques culturales,
itinéraire technique
Espèces, variétés,
associations, successions,
rotations (y compris les friches Temps
et les jachères), adventices de travail,
main-
d’œuvre
Production, rendement
Un système de culture se définit par « les éléments qui le composent et les relations entre ces éléments » : ci-dessus,
les différents éléments d’un système de culture.
Le résultat du système (la production, le rendement) dépend des conditions pédoclimatiques, des pratiques et
techniques culturales, des espèces et variétés plantées, de l’outillage employé, de la quantité de travail fourni, etc. ;
c’est tout cela qu’il nous faut étudier pour comprendre un système de culture et, plus que cela, nous devons essayer
de comprendre les relations qui existent entre ces différents éléments.
Comment le type d’outil employé influence-t-il la quantité de travail ? Est-ce que le type de sol influence les itinéraires
techniques, le type d’outillage employé ? ...
61
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Hubert Cochet
Friche
arborée
Cacao
Tronc de
Butte caféier
d’ignames abattu
En arrière plan, une friche arborée. En premier plan, des buttes d’ignames entre lesquelles on trouve les troncs
de caféiers abattus récemment. L’agriculteur s’apprête à installer une cacaoyère sur une ancienne caféière
abandonnée. L’arbre au milieu de la parcelle atteste de la présence de la friche auparavant. C’est cette même friche
arborée que l’on aperçoit en arrière plan.
62
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
ILLUSTRATION 14B : Première année d’une jeune plantation de cacao associé à l’igname
Hubert Cochet
Friche
arborée
Jeune
bananier
Butte Tronc
d’ignames de caféier
abattu
Cacao
En arrière plan, une friche arborée. Au premier plan, un jeune cacaoyer planté à proximité d’un rejet de bananier
en train de reprendre. Un tronc de caféier atteste de la présence d’une plantation de café sur la parcelle auparavant.
Cacaoyer et bananier sont plantés entre les buttes d’ignames.
63
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
ILLUSTRATION 14C : Deuxième année d’une jeune plantation de cacao associé aux cultures vivrières
Hubert Cochet
Bananiers
Maïs
Café
Ananas
Taro
Cacao
Arachide
En fond, à droite, un plan de caféier d’une dizaine d’années n’a pas été arraché lorsque l’agriculteur a renouvelé sa
parcelle. De l’arachide, au premier plan, et du maïs ont été associés aux jeunes plants de cacao. Les bananiers plantés
l’année précédente sont de bonne taille, prêts à fructifier. Sur la droite, demeure un plant de taro de l’année précédente
qui n’a toujours pas été récolté. Quelques plants d’ananas sont également présents sur la parcelle au centre de la photo.
nes de ces cacaoyères, généralement parmi les bananiers et des cultures vivrières, tels que le taro,
plus âgées, sont ombragées par de très grands l’igname, parfois le gombo, le piment, le manioc ;
arbres, derniers survivants des forêts originelles ; ➤ des plantations mixtes de café et cacao d’une
➤ des plantations de cacaoyers moins denses, dizaine d’années minimum, souvent envahies
avec de nombreuses adventices dont la plus fré- par Chromolaena odorata. En effet, l’association
quente est incontestablement Chromolaena odo- des deux arbustes ne crée pas un couvert végé-
rata. Chaque trouée de lumière pénétrant la plan- tal sur toute la surface, ainsi la lumière arrivant
tation est exploitée par cette adventice. Si un au sol profite aux adventices ;
cacaoyer vient à mourir, cette mauvaise herbe ➤ des plantations de café pur, type de champs
aura tôt fait de le remplacer ; que l’on trouve rarement aujourd’hui, mais qui
➤ des plantations jeunes de cacaoyers (parfois as- devait être plus fréquent il y a seulement quelques
sociés à des plants de café). Les premières années années. Certaines de ces parcelles ont été recé-
après la plantation sont aussi associés des plants de pées récemment ;
64
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Cacaoyer
La plupart du temps, dès la troisième année, il ne reste plus sur la parcelle que les cacaoyers et les bananiers,
mais on trouve encore des pieds de manioc ou de taro... ce qui nous laisse penser qu’il s’agit plutôt de la quatrième
année après la plantation.
65
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
➤ des parcelles d’arachide en culture pure. Ces systèmes de culture. Elle sera amenée à évoluer
parcelles sont destinées aux cultures vivrières ; en fonction des résultats ultérieurs.
seules des friches à Chromolaena odorata s’in- Sur la base de cette identification préalable (et
tercalent entre deux cycles de culture ; provisoire), il devient possible de répartir le tra-
➤ l’association maïs-arachide est l’association vail entre les différents groupes de participants.
de culture que l’on retrouve lors de la seconde Afin d’établir une comparaison touchant l’en-
année de plantation du cacao (associé au ca- semble des systèmes de culture, il est nécessaire
caoyer, bananier, manioc, taro). Mais aujour- de travailler sur l’éventail de systèmes de culture
d’hui, on rencontre des agriculteurs pratiquant le plus complet possible.
seulement cette association sans qu’elle ne soit
l’étape de l’installation d’une plantation. Ce sys- ● Comment caractériser
tème de culture ne semblait pas fréquent aupa- chaque système de culture ?
ravant. Cette association n’est généralement pas
répétée chaque année, car une friche à Chromo- Quelles sont les espèces, les variétés plantées
laena odorata de un ou deux ans sépare le plus par les agriculteurs de la région ?
souvent deux cycles de culture ; Quelles sont leurs combinaisons dans le temps,
➤ le maraîchage. Des systèmes de culture à cy- les associations et les successions caractéris-
cles courts très dépendants de l’eau, que l’on ne tiques ?
pratique qu’en bas-fonds, généralement sur but- Dans l’exemple ci-dessous, nous définissons les
tes ou billons ; successions et les rotations des cultures sur une
➤ le riz inondé (deux cycles), culture également parcelle.
dépendante de l’eau et pratiquée en bas-fonds Cas simple d’une parcelle cultivée
(un cycle de culture en saison des pluies dé- avec des cultures annuelles :
pendant des eaux pluviales et un cycle irrigué
en saison sèche) ; Imaginons la succession de cultures [A, B, F (fri-
che) x 3] dans le temps (cf. tableau ci-dessous) ;
➤ l’association riz pluvial-maïs (plus palmiers), si nous réalisons une enquête l’année 1, nous
rencontrée principalement en bordure de bas- observons la répartition des cultures sur les dif-
fond, au pied des versants. férentes parcelles telle que nous la montre l’en-
Cette première « classification » constitue une cadré vert : c’est un assolement. Si l’on pouvait
bonne base de départ pour l’étude détaillée des observer la même parcelle (parcelle 1) pendant
ESPACE
Année 1 A B F F F
TEMPS
Année 2 B F F F A
Année 3 F F F A B
Année 4 F F A B F
Année 5 F A B F F
66
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
cinq ans (encadré rouge), on observerait la suc- La plantation d’une cacaoyère se fait générale-
cession A, B, F (friche) x 3, cette fois-ci dans le ment en plusieurs étapes. Un agriculteur ne plan-
temps. C’est une succession culturale. tera pas toute sa parcelle (si celle-ci est de taille
En principe, on retrouve le même nombre d’an- importante) en une seule fois. Il procède par
nées dans les successions que de parcelles dans étape comme nous l’avons fait figurer sur le
l’assolement. schéma. Ainsi (d’après le schéma), si un agri-
culteur plante une parcelle sur quatre ans, il lui
Au bout de trois années de friche, l’agriculteur im- faudra attendre huit ans pour que la totalité de
plante en année 6 la culture A sur la parcelle 1. la parcelle commence seulement à produire.
La succession se répète, on parle de rotation cul-
turale. Dans la suite du travail, il est proposé aux parti-
cipants de représenter chaque système de cul-
Lors des entretiens, les participants interrogeront ture par sa succession (ou rotation) caractéris-
les agriculteurs sur les cultures précédentes et tique de la façon suivante : A / B / F1 / F2 / F3,
suivantes afin de reconstituer les successions cul- chaque barre transversale symbolisant le pas-
turales et les rotations. sage d’une année à l’autre. Dans le cas où plu-
Prenons maintenant le cas plus complexe d’une sieurs cycles de culture sont pratiqués la même
parcelle de cacaoyers (cf. l’illustration 15) : année (deux cycles de riz par exemple), on peut
ILLUSTRATION 15 :
Mise en place progressive d’une cacaoyère :
défrichage de quatre parcelles de même taille pendant quatre ans
67
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
écrire R1 / R2 // R1 / R2. Dans ce cas, la barre Cette unité correspond au travail d’un actif agri-
transversale signale le changement de cycle, la cole pendant une journée. En enquête, cette éva-
double barre, le changement d’année. luation suppose donc de poser toujours deux
questions : « Combien de jours de travail sont
Dans quelles conditions pédoclimatiques nécessaires pour réaliser cette opération ? » et
(sol, climat) pratique-t-on ces cultures ?
« Combien de personnes par jour ? ». La quan-
Lors des premiers jours de travail, nous avons par- tité de travail investi dans un hectare est en effet
tiellement répondu à la question « Où pratique- la même qu’il s’agisse d’une personne travaillant
t-on ces cultures ? » et nous savons quelles sont 30 jours ou de 30 personnes travaillant une jour-
les raisons historiques de leur implantation dans née. Par ailleurs, pour pouvoir comparer les sys-
les différentes parties de l’écosystème. Il s’agit tèmes de culture entre eux, il convient de rap-
maintenant de déterminer les raisons « agrono- porter ces temps de travaux à la surface et de
miques » de la position des cultures dans telle ou raisonner en termes d’hommes/jour par hectare.
telle partie de l’écosystème ; pourquoi n’observe-
Notons que pour certains systèmes de culture,
t-on pas de plantations pérennes dans les bas-
il peut être nécessaire d’évaluer les temps de tra-
fonds ? Existe-t-il des conditions pédologiques
vaux en heures par jour, c’est en particulier le
particulières ? Ou bien les agriculteurs réservent-
cas des cultures maraîchères, où un travail quo-
ils les autres parties de l’écosystème à certaines
tidien est investi sur de très petites parcelles.
cultures ? Préfèrent-ils certaines terres pour les
cultures vivrières, pour le maraîchage ? Mais il est impératif de bien distinguer la période
à laquelle l’agriculteur enquêté réalise les opé-
La recherche et la traduction des termes agnis
rations et la période de temps où il est possible
utilisés pour dénommer les espaces cultivés peu-
de la réaliser. Certaines opérations techniques
vent nous renseigner sur la qualité d’une terre,
doivent en effet être réalisées sur des périodes
d’un espace de culture. En effet, les agriculteurs
extrêmement courtes (le semis ou la récolte par
désignent traditionnellement les champs en fonc-
exemple) alors que d’autres peuvent s’étaler sur
tion de la qualité des terres.
des périodes plus longues (les sarclages). Cette in-
Quels sont les itinéraires techniques pratiqués ? formation sur la souplesse du calendrier cultural
est indispensable pour identifier des pointes de
Les itinéraires techniques sont l’ensemble des pra-
travail. Une opération peut en effet demander
tiques culturales ordonnées dans le temps. Ils sont
beaucoup d’hommes/jour sans pour autant cons-
semblables pour un même système de culture
tituer une pointe nécessitant le recours à l’en-
mais différent d’un système à l’autre. Pour une
traide ou à la main-d’œuvre salariée si l’on
succession culturale bien identifiée, l’itinéraire
dispose d’une période de temps suffisante. À l’in-
technique (ITK) correspond à toutes les interven-
verse, une opération peut demander peu d’hom-
tions de l’agriculteur sur sa parcelle. Les partici-
mes/jour, mais constituer une pointe car elle doit
pants doivent décrire l’enchaînement de ces tra-
être réalisée en un ou deux jours.
vaux en les positionnant sur un calendrier des
travaux agricoles. Cette souplesse ou rigidité du calendrier cultu-
ral est généralement dictée par les saisons, cer-
Quel est le temps de travail nécessaire taines opérations techniques ne pouvant être réa-
pour chaque opération culturale ? lisées que si les conditions climatiques optimales
Comme le présente la fiche « Système de cul- sont remplies (début de la saison des pluies, par
ture » (cf. fiche n° 4 pages 60-61), l’une des dif- exemple). Il est donc utile de disposer des don-
ficultés des enquêtes réside dans le recueil des nées ombro-thermiques13 pour bien analyser le
informations nécessaires à l’élaboration d’un ca- calendrier cultural. Dans la région d’Abengou-
lendrier de travail. rou, on parle de deux saisons des pluies ; l’une,
Ainsi, pour chacune des opérations de l’itiné- plus longue, débute mi-mars et se termine mi-
raire technique, il est nécessaire d’évaluer le
temps de travail correspondant. L’unité de me- 13 Graphique retraçant l’évolution annuelle des précipita-
sure du temps de travail est l’homme/jour. tions et de la température moyenne.
68
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
250
Grande saison des pluies Petite Petite saison pluvieuse
Grande saison sèche saison
sèche
Mm d ’eau par an
200
150
100
50
0
Janv. Fév. Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. Déc.
Mois
juillet, et l’autre s’étale de septembre à mi-no- raît des pointes de travail, qui, comme nous le
vembre, c’est la petite saison des pluies. présentons dans la fiche « Système de culture »
Par ailleurs, pour bien comprendre les contrain- (cf. fiche n° 4 pages 60-61), conditionnent la sur-
tes de travail liées à un système de culture, il est face qui peut être mise en culture compte tenu
souvent utile de savoir qui, dans la famille, réalise du nombre d’actifs familiaux disponibles. Mais
chaque opération culturale. il est fréquent de rencontrer des exploitations où
cette limite technique est dépassée.
On observe souvent une répartition des tâches, les
hommes faisant les travaux les plus difficiles phy- Nous devons donc également nous renseigner
siquement (abattage des arbres, préparation du sur les éventuels recours à de la main-d’œuvre
sol), et les femmes les travaux d’entretien des par- extérieure à la famille et sur les tâches qui lui
celles de récoltes. On confie aux enfants le soin sont confiées. La famille embauche-t-elle des sa-
de protéger les récoltes contre les oiseaux. Ces lariés permanents ? Temporaires ? Des métayers
informations sont précieuses, car il peut appa- sont-ils présents sur l’exploitation ? La famille
raître que pour certaines tâches, les actifs familiaux fait-elle appel à des groupements de travail ? Par-
ne sont pas substituables, ce qui peut être occulté ticipe-t-elle à ces groupements ?
par la simple analyse du calendrier cultural. Une Dans le cas particulier des groupes d’entraide,
fois que le calendrier cultural est réalisé, il appa- il convient de ne pas compter deux fois le même
69
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
travail. Si dix personnes viennent travailler une d’une façon ou d’une autre à la reproduction de
journée chez un agriculteur et que celui-ci tra- la fertilité de ce type de parcelle ?
vaille ensuite une journée chez chacune de ces
dix personnes, onze journées de travail auront Quelles sont les limites du fonctionnement
du système ?
été consacrées à la parcelle de cet agriculteur et
non pas d’avantage. Pourquoi l’agriculteur ne cultive-t-il pas une sur-
face plus grande (problème de disponibilité de la
On distingue de plus le travail fait par les mem-
main-d’œuvre, problème d’accès à la terre, etc.) ?
bres de la famille de celui qui est « acheté ».
Donc, en ce qui concerne un groupe de travail,
si un échange de travail est égalitaire et réci- ● Comment mesurer les résultats
proque, il n’est pas compté comme travail exté- du fonctionnement des systèmes
rieur. C’est le cas d’un agriculteur travaillant dans de culture ?
un groupe d’entraide : le groupe vient travailler Le rendement
dans ses parcelles, et en contrepartie, il travaille
chez les autres membres du groupe. C’est la production par unité de surface, mais il
peut être utile de l’évaluer aussi par quantité de
Si l’échange de travail est inégalitaire, on le consi- grains semés ou par pied (cas des plantations pé-
dère comme faisant partie de la main-d’œuvre ex- rennes). Le rendement est un indicateur des per-
térieure : c’est le cas d’un agriculteur faisant tra- formances agronomiques d’une culture. Il cons-
vailler le groupe d’entraide chez lui, sans qu’il y titue une (des) « référence(s) locale(s) » sur les
ait réciprocité. potentialités de production de différentes cultu-
Quels types d’outils sont employés
res dans la région étudiée. On compare, grâce au
sur les différents systèmes de culture ? rendement, les résultats obtenus chez plusieurs
agriculteurs, et on peut analyser ainsi l’efficacité
Pour quelles opérations techniques sont-ils em-
de pratiques culturales pour une même culture ;
ployés ? À quelle période ?
ou, pour des pratiques culturales identiques, les
Quels sont les sous-produits des cultures ? potentialités agronomiques de deux types de sols
par exemple (en supposant que les autres para-
Des résidus de maïs, de la paille de riz ? Quels
mètres de culture soient identiques : pratiques
sont leurs usages ? Les laisse-t-on sur la parcelle ?
culturales, etc.).
Les enfouit-on lors du « labour » en guise d’en-
grais « vert » ? Sont-ils brûlés ? Estimation de la surface
Dans le cas où ils sont utilisés pour être vendus, Les agriculteurs connaissent en général la sur-
il faudra chiffrer leur valeur. face de leurs parcelles ; sinon, il est possible de
l’estimer sur place en la parcourant à pied avec
Quelles sont les consommations intermédiaires
l’agriculteur. En général, les surfaces des cultu-
de chaque système de culture ?
res pérennes sont connues, mais les champs vi-
Utilise-t-on des engrais, des herbicides, des pes- vriers ou les cultures annuelles, dont les surfa-
ticides ? A-t-on recours à un matériel spécifique ces peuvent varier d’une année à l’autre, sont
(pulvérisateur) pour les épandre ? Quelles sont les plus difficiles à déterminer.
doses de produits utilisées ? À quelle période de
Lorsque l’on connaît à peu près la région et les
l’année ?
habitudes des agriculteurs, il est possible d’éva-
Quels sont les modes de reproduction luer la surface d’un champ à la quantité de se-
de la fertilité ? mence que l’agriculteur utilise, dans la mesure,
De quelle façon une jachère ou une friche inter- bien sûr, où les densités de semis sont voisines.
vient dans la reproduction de la fertilité d’une Pour une plantation d’arbres, on peut apprécier
terre ? Utilise-t-on des espèces spécifiques dans la surface en s’appuyant sur l’espacement entre
le but de régénérer la fertilité tels que des légu- les plants et en le multipliant par le nombre de
mineuses par exemple ? L’élevage participe-t-il pieds sur la parcelle.
70
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
71
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
ILLUSTRATION 17 :
Courbe de l’évolution de la production d’une plantation pérenne (cacaoyère, caféière)
500
400
300
200
100
0 Années
après la
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 plantation
Avertissement : Ces courbes ne sont pas issues de suivis agronomiques, il s’agit d’un modèle n’ayant d’autre prétention que d’illustrer nos propos.
tir d’un moment donné, un niveau dont la re- la forêt (« précédent forêt ») ont bénéficié de
présentation graphique aura l’allure d’un plateau ; meilleures conditions de croissance et de pro-
➤ la phase de déclin de la production, liée au
duction que toutes les plantations installées en-
vieillissement de la plantation, à l’épuisement suite sur d’autres « précédents culturaux ».
du sol, etc. Ainsi, dans le meilleur des cas, il faudrait établir
Pour une même plantation, la durée de chacune une courbe de production pour chaque type de
de ces trois phases et le rendement en phase de plantation caractérisé par des itinéraires tech-
pleine production varient en fonction des condi- niques particuliers.
tions physiques et des pratiques culturales. Par Dans le cadre de ce stage, les étudiants ont re-
exemple, une cacaoyère entrera plus rapidement constitué les courbes de production des planta-
en production avec des apports d’engrais (cf. tions avec l’aide des agriculteurs lorsqu’il était
courbe). Ou encore, une cacaoyère peu entre- possible de le faire, mais, dans la majorité des
tenue (désherbage, sarclage, etc.) aura une phase cas, nous nous sommes contentés des moyennes
d’entrée en production plus longue, une phase de production sur les trois dernières années tout
de production plus courte, la dégénérescence en situant la plantation selon un itinéraire tech-
de la plantation se produisant plus tôt. Dans nique (apport d’engrais, plantation mixte, den-
l’histoire de la culture de cacao ivoirienne, les sité de plantation, etc.) surtout selon son âge (pour
plantations de cacao installées au détriment de se situer au niveau de la courbe de production).
72
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Enfin, certains agriculteurs possèdent des plan- faut alors se contenter d’un chiffre global de pro-
tations mitoyennes d’âges hétérogènes, et il ar- duction, utile lors de l’analyse des systèmes de
rive qu’ils ne puissent distinguer la production production (l’étape suivante), mais en aucun cas
issue de chacune des parcelles. S’ils se trouvent ce chiffre ne nous servira lors de la comparai-
dans l’incapacité de faire une telle estimation, il son des différents systèmes de culture.
● Produit brut
● Consommations intermédiaires
CI = valeur monétaire des semences, intrants et services éventuels, utilisés au cours d’un cycle
de production.
(VAB) = PB - CI
C’est la création de richesse produite. Cette grandeur permet de comparer les systèmes de
culture entre eux.
Il n’est guère possible de poursuivre le calcul jusqu’au niveau de la valeur ajoutée nette et du
revenu (cf. plus loin la mesure des performances économiques des systèmes de production)
lorsqu’on étudie les systèmes de culture. En effet, pour obtenir la valeur ajoutée nette, il fau-
drait retrancher de la VAB l’amortissement économique du capital fixe, c’est-à-dire, entre au-
tres choses, l’usure des outils et machines utilisés. Comme ces moyens de production sont en
général utilisés pour différents systèmes de culture et d’élevage, il n’est guère possible d’af-
fecter leur usure à tel ou tel système de culture en particulier. C’est pourquoi il faut s’arrêter,
à ce stade de l’analyse, au calcul de la VAB.
Cette grandeur économique permet d’ailleurs d’établir d’ores et déjà des comparaisons inté-
ressantes en calculant notamment :
− la valeur ajoutée brute dégagée par unité de surface : VAB/ha ;
− la valeur ajoutée brute dégagée par journée de travail (total ou familial) : VAB/hj.
Ces différents ratios peuvent être calculés pour une culture donnée ou pour un système de cul-
ture, c’est-à-dire pour l’ensemble des cultures de la succession culturale caractérisant le sys-
tème de culture (jachères et friches comprises).
73
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
● Comment évaluer les performances le cas pour les récoltes de cacao. Les étudiants
économiques des systèmes peuvent reconstituer l’évolution des prix des prin-
de culture ? cipales productions agricoles issues des systè-
mes de culture dominants.
Analyser le fonctionnement des systèmes de cul-
Si l’agriculteur sait à quel prix il a vendu ses pro-
ture et évaluer leurs performances agronomiques
duits au cours de l’année, on prend en compte
est nécessaire pour comprendre les raisons pour
ces prix-là ; il connaît généralement très bien les
lesquelles les agriculteurs les pratiquent. Mais l’a-
quantités et les prix de vente des cultures de rente
nalyse des systèmes de culture ne peut se limiter
qui sont vendues en une ou deux fois et rappor-
à ces deux premières étapes. Il convient d’en éva-
tent une somme d’argent conséquente, ce qui
luer la « rentabilité », les performances écono-
est un fait marquant dans la vie d’un agriculteur.
miques. Insistons sur le fait que ce type d’évalua-
tion n’est envisageable que si le fonctionnement Lorsqu’il ne le sait pas, on évalue la quantité ven-
agronomique des systèmes de culture a bien été due à chaque période de l’année et à défaut, on
analysé. C’est un préalable indispensable pour peut prendre en compte un prix moyen sur l’année.
pouvoir savoir ce qu’on évalue et pour compren- ➤ L’évaluation des prix des produits
dre le sens des évaluations que l’on obtient. autoconsommés
Ainsi, comment évaluer les performances éco- Comme nous l’avons vu, nous devons tenir compte
nomiques d’un système de culture cacaoyer qui, des quantités autoconsommées pour l’estimation
comme nous l’avons vu, présente des associa- des performances agronomiques des systèmes de
tions culturales au cours des premières années et culture, car ces quantités ont bel et bien été pro-
où la production de fève ne s’amorce qu’après duites. De la même façon, nous devons en éva-
plusieurs années ? luer la valeur, car il s’agit d’une richesse produite
Toujours est-il qu’au-delà des quantités produi- qui participe pleinement au revenu agricole et qui
tes, nous devons aussi mesurer la valeur de ces a une importance considérable dans le cadre d’une
productions et en connaître le prix. agriculture de subsistance, la part autoconsom-
mée constituant, dans certains cas, la totalité du
Le produit brut (PB) revenu agricole. Le prix de ces productions auto-
Une fois la production mesurée en volume, il faut consommées est celui que l’agriculteur aurait dû
évaluer sa valeur en termes monétaires. Pour cela, payer s’il ne les avait pas produites. Il s’agit donc
il faudra se renseigner sur les prix de vente des pro- du prix d’achat. On est ainsi souvent amené à se
duits agricoles vendus. Dans le cas où la produc- renseigner sur les prix d’achat sur le marché le
tion est consommée par la famille, il convient d’en plus proche. Notons que ce prix d’achat est dif-
mesurer également la valeur, car cette fraction de férent du prix de vente pour un même produit,
la production fait partie du produit brut. Pour cela, cette différence s’expliquant par l’intermédiation
on lui affecte aussi un prix car l’agriculteur aurait des commerçants.
sans doute dû se procurer ces marchandises sur le ➤ Deux agriculteurs pratiquant le même
marché s’il ne les avait pas produites lui-même. système de culture pourront cependant
L’évaluation des prix des produits agricoles, qui bénéficier de prix très différents
pourrait sembler simple, présente souvent des Prenons l’exemple de deux agriculteurs qui ven-
difficultés. Tout d’abord car les prix des produc- dent leur café à deux époques différentes. Le pre-
tions agricoles varient selon le lieu de vente (les mier des deux vend toute sa production juste
produits agricoles sont vendus plus chers sur les après la récolte au prix le plus bas (150 Fcfa/kg)
marchés urbains qu’aux abords des villages), et car il a besoin d’argent rapidement. Le second
selon l’époque à laquelle on les vend (le prix suit possède un hangar de stockage et peut conser-
la loi de l’offre et de la demande : en pleine sai- ver son café plusieurs mois avant de le vendre à
son de production, l’offre étant élevée, le prix un prix bien supérieur (225 Fcfa/kg). Nous com-
de vente est faible ; par contre hors saison, l’of- parerons les productions de ces deux agricul-
fre étant très restreinte, le prix augmente). C’est teurs sur la base de leur rendement, mais, en ce
74
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
qui concerne les résultats économiques, nous ture doit tenir compte de l’ensemble des cultu-
devons tenir compte de deux prix différents au res ou associations de cultures intervenant dans
moment de la vente, de façon à tenir compte de la rotation :
l’intérêt économique que représente la possession PB = [Σ (productions x prix unitaire de chaque
d’un hangar. L’agriculteur qui stocke le café avant produit)parcelle 1 du SC1 + Σ (productions x prix uni-
de le vendre aura inévitablement des pertes liées taire de chaque produit)parcelle 2 du SC1 + ... +
au stockage, pertes que nous devons évaluer et Σ (productions x prix unitaire de chaque pro-
intégrer dans les calculs. Il est également né-
duit)parcelle n du SC1] / (nombre de parcelles de l’as-
cessaire d’estimer le coût de construction du lieu
solement)
de stockage et son amortissement (cf. plus loin
l’analyse des systèmes de production et le calcul Ce calcul s’interprète donc comme la moyenne
des amortissements économiques). des produits bruts des cultures se succédant sur
une parcelle sur plusieurs années, ou comme la
➤ Les prix des sous-produits agricoles
moyenne des produits bruts des parcelles de l’as-
Les participants devront identifier également l’en- solement correspondant pour une année. C’est
semble des sous-produits (résidus de récolte, donc une moyenne d’années pour une parcelle
bois, etc.) ; on peut repérer leur usage et, si né- ou une moyenne de parcelles pour une année.
cessaire, chiffrer leur volume et leur valeur éco-
Remarquons que dans le cas d’une rotation de
nomique. Il n’est pas forcément utile de quanti-
cultures et de jachères ou de friches, les parcel-
fier tous les sous-produits ; cela dépend de leur
les en jachère ou en friche doivent être prises en
destination : les résidus du maïs, s’ils sont brû-
compte dans le calcul ; leur production est nulle,
lés sur la parcelle, ne sont pas quantifiés. On
mais l’année de friche ou la parcelle en friche
prend en compte la valeur économique de la
doivent être comptabilisées au moment de faire
paille du riz dans le calcul du produit brut, si
la moyenne. Il est en effet indispensable de dispo-
elle est vendue à des éleveurs ou consommée
ser d’une parcelle en friche pour obtenir les ren-
par des animaux de l’exploitation (car l’agricul-
dements que l’on obtient sur la parcelle cultivée.
teur devrait l’acheter s’il n’en disposait pas).
Ainsi, dans le cas d’une rotation de maïs et d’une
➤ Le calcul du produit brut
jachère de deux ans, le produit brut moyen d’un
Le produit brut (PB) correspond à la valeur de hectare concerné par la rotation est :
production, c’est-à-dire aux quantités produites PB = (production de maïs/ha) x (prix unitaire du
multipliées par le prix unitaire de chaque pro- maïs) / 3
duction.
Avec le produit brut, nous avons évalué la va-
PB = production x prix unitaire leur de la production, mais il convient de tenir
Cependant, ce calcul ne s’effectue pas de la même aussi compte de ce qu’il a été nécessaire de
façon suivant qu’on évalue une culture, une as- consommer pour obtenir cette production…
sociation de cultures ou un système de culture.
Les consommations intermédiaires
Pour une association de cultures
On définit les consommations intermédiaires
PB = Σ 14 productions x prix unitaire de chaque comme l’ensemble des biens et services qui sont
produit intégralement détruits au cours d’un cycle de
Exemple : PBtotal = (quantité riz récolté x prix riz) production.
+ (quantité maïs récolté x prix maïs) + (quantité Pour une culture, lorsque l’on parle de « biens »,
gombo récolté x prix gombo) + (quantité bois ré- il s’agit des semences, des plants (s’ils sont ache-
colté x prix bois) tés), des engrais, des pesticides, du carburant,
Pour un système de culture (en tenant compte des etc. Les « services », quant à eux, correspondent
successions culturales). D’une manière générale, aux travaux que l’agriculteur ne sait pas réaliser
l’évaluation économique d’un système de cul- lui-même faute de savoir-faire, de technicité : le
greffage par exemple sur une plantation pérenne,
14 Σ = symbole de la « somme ». les soins vétérinaires sur un élevage, etc.
75
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Dans le cas très fréquent où les semences utili- La valeur ajoutée brute correspond à la diffé-
sées sont auto-produites (conservées de la ré- rence de valeur entre ce que l’agriculteur achète
colte précédente), il convient également de leur ou consomme pour produire et ce qu’il vend (ou
affecter une valeur monétaire car l’agriculteur consomme) après le processus de production.
aurait dû les acheter (à leur prix à l’époque des Cette différence de valeur correspond donc à la
semis) s’il ne les avait pas conservées. valeur qu’il a ajoutée par son travail. Il s’agit donc
Remarques : de la mesure de la richesse produite par l’agri-
culteur.
➤ À ce stade de l’analyse, certains coûts n’ont
pas été pris en compte. Il s’agit tout d’abord de Comme dans le cas du produit brut, on peut éva-
l’amortissement économique du matériel utilisé luer la VAB pour une culture ou une association
(« l’usure du capital fixe »). Mais ce matériel sert de cultures, mais aussi pour un système de cul-
en général à tous les travaux de l’exploitation fa- ture incluant plusieurs cultures dans une rotation.
miliale, et son usure ne peut donc pas facilement Notons que dans le cas d’une association de cul-
être affectée à tel ou tel système de culture. Ce tures, il est généralement difficile de calculer la
coût sera pris en compte à une autre échelle d’a- VAB pour chacune des cultures prises séparé-
nalyse, celle du système de production (voir suite). ment, l’affectation des consommations intermé-
Cas particulier : imaginons un agriculteur qui diaires comme l’engrais à telle ou telle culture
utiliserait une houe sur le système de culture à étant impossible. On ne calcule donc que la VAB
base de riz pluvial au point que la houe serait totale de l’association.
entièrement usée par le travail de cette parcelle. Dans le cas d’un système de culture avec rota-
Nous pouvons donc affecter cet outil dans les tion, la VAB s’obtient de la même façon que le
consommations intermédiaires du système de produit brut :
culture à base de riz pluvial, puisque l’outil est VABdu SC = VABparcelle 1 du SC + VABparcelle 2 du SC
« détruit » au cours d’un cycle de production. +…+ VABparcelle n du SC / (nombre de parcelles de
➤ De même, les coûts de main-d’œuvre n’ont pas l’assolement)
été déduits (journées de travail payées à autrui Avec VABparcelle 1 du SC =
par exemple). Ils seront eux aussi pris en compte
PBparcelle 1 du SC – CIparcelle 1 du SC
au niveau du calcul du revenu de l’agriculteur.
Soit : [Σ (productions x prix unitaire de chaque
Pour une parcelle :
produit)parcelle 1 du SC – Σ (quantités d’intrants x
CI = Σ biens x prix unitaire de chaque bien + prix unitaire de chaque intrant)parcelle 1 du SC
Σ services x prix de chacun d’eux
Pour un système de culture basé sur une rotation,
(On ne peut affecter les engrais à une seule cul- c’est bel et bien l’évaluation de l’ensemble du
ture dans une association, on les calcule donc système, suivant cette formule, qui est la plus per-
pour l’association de cultures). tinente. En effet, si l’on évalue la culture présente
Si l’agriculteur « gagne » la valeur de sa pro- sur l’exploitation au moment de l’enquête, toute
duction (évaluée par le produit brut), il « perd » comparaison devient fausse. Ainsi, supposons
la valeur de ses consommations intermédiaires. une rotation maïs-arachide pratiquée par deux
L’évaluation économique d’un système de culture agriculteurs : au moment de l’enquête, le premier
suppose donc de calculer la différence entre ces agriculteur cultive du maïs sur sa parcelle, alors
gains et ces pertes de valeur, pour évaluer la va- que le second cultive de l’arachide. L’évaluation
leur qui a été ajoutée par l’agriculteur… économique des simples cultures du moment fera
apparaître une différence entre ces deux agricul-
Le calcul de la valeur ajoutée brute teurs qui, pourtant, font exactement la même
La valeur ajoutée brute ou VAB est constituée du chose. Ce problème disparaît si l’on évalue le sys-
produit brut diminué des consommations inter- tème de culture et non une culture.
médiaires : Il est cependant utile de réaliser les deux études,
VAB = PB – CI de façon à évaluer l’importance économique des
76
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
différentes cultures dans les performances fina- peu intérêt à accroître la VAB/ha si cela nécessite
les d’un système. beaucoup de travail. Son intérêt sera plutôt de choi-
Remarque : La valeur ajoutée correspondant à la sir des systèmes offrant une bonne production de
richesse créée au cours du processus de produc- richesse par rapport au travail investi, des systè-
tion, il convient de ne pas y intégrer les salaires mes à forte productivité du travail.
versés aux travailleurs, ces salaires correspondant La productivité brute du travail
davantage à la répartition de cette richesse.
Il est ainsi utile de ramener la VAB des systèmes
Cependant, pour certains systèmes de culture, il de culture au travail nécessaire :
peut exister des pointes de travail telles qu’il est
indispensable que l’agriculteur embauche ponc- VABtotale pour une culture (une association ou un système de
tuellement des ouvriers temporaires pour y faire / Temps de travail totalsur cette culture (ou as-
culture)
face. Cette situation s’est présentée dans le cadre sociation ou système de culture)
de cette étude avec la récolte du café et du cacao. Cette productivité du travail correspond donc à
Il a alors été utile de calculer la marge brute qui la création de richesse obtenue pour chaque
correspond à la valeur ajoutée brute de laquelle journée de travail qui est consacrée à un système
on déduit les salaires des ouvriers temporaires : de culture donné. Ce critère permet de compa-
MB = VAB – salaires des ouvriers temporaires rer ce que « rapporte » en termes de création
brute de richesse une journée de travail consa-
De la même façon qu’on ne peut comparer le tra-
crée à tel ou tel système de culture.
vail demandé par deux systèmes de culture qu’en
le ramenant à la surface, la comparaison des per-
formances économiques suppose de comparer
des valeurs comparables. Il est donc nécessaire Quelques affiches présentées
de ramener la valeur ajoutée brute à la surface.
lors des cinquième et sixième jours :
La valeur ajoutée brute par unité de surface lecture critique et commentaires
VAB totale pour une culture / unité de surface
de cette culture
C’est à travers différents cas rapportés par les étu-
Cette variable nous permet de comparer des cul- diants lors des cinquième et sixième jours de l’é-
tures, des associations de cultures ou des systè- tude que nous analyserons les principaux systè-
mes de culture en termes de richesse produite par mes de culture rencontrés dans la région.
unité de surface. Elle traduit souvent le caractère Attention, les affiches présentées, en particulier
plus ou moins intensif du système de culture. les chiffres avancés, n’ont pas valeur de vérité
Parfois appelé « productivité de la terre », cet in- absolue, un certain nombre d’erreurs commises
dicateur permet de comparer l’efficacité des sys- par les étudiants sont soulignées et corrigées dans
tèmes de culture, en particulier dans les situa- la mesure du possible par l’équipe d’encadrants,
tions de pénurie foncière, c’est-à-dire quand la mais certaines peuvent demeurer.
terre est un facteur limitant : lorsqu’un agricul-
teur dispose de très faibles surfaces, son intérêt ● Les systèmes de culture
est de pratiquer des systèmes de culture valori- basés sur les cultures vivrières
sant au mieux cette terre qui lui fait défaut, c’est-
à-dire qui produisent une forte VAB par hectare. Comparaison de deux systèmes de culture
Cependant, lorsqu’un agriculteur travaille lui-même rizicole de bas-fond (affiches de participants
sur son exploitation avec sa famille, son intérêt est et commentaires)
avant tout de valoriser au mieux sa force de tra- Cf. l’illustration 18 « Affiches des étudiants sur les
vail, de choisir les systèmes de culture assurant systèmes de culture. Comparaison d’un champ
une production de richesse élevée sans nécessiter inondé et d’un champ de riz pluvial », répartie
un travail trop important. Ainsi, si les surfaces ne en trois illustrations : 18A page 78, 18B page 79
sont pas trop limitées, un agriculteur familial aura et 18C page 79.
77
78
La superficie de l’ensemble des casiers cultivés en riz est de 860 m2, soit 0,086 hectares.
La parcelle cultivée en riz pluvial représente 5 600 m2, soit 0,56 hectares.
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
ILLUSTRATION 18B : Comparaison d’un champ de riz inondé et d’un champ de riz pluvial :
calendrier des travaux agricoles
Parcelle
de riz inondé
totalisant 133
hommes/jour
de travail
pour 860 m2
(2 cycles/an)
Parcelle
de riz pluvial
totalisant 159
hommes/jour
de travail pour
0,56 hectares
ILLUSTRATION 18C : Comparaison d’un champ de riz inondé et d’un champ de riz pluvial :
calculs de la VAB par surface et de la productivité du travail
79
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
P1
Rotation culturale sur une friche de 2 ans ; Riz maïs /
le cycle tourne sur 4 années et sur 4 parcelles maïs Friche 2
Année 1
distinctes matérialisées par des quarts de cercle.
Riz maïs /
maïs Friche 1
Année 2
P2 P2
Si l’on suit d’une année P1
sur l’autre la parcelle Année 2 Riz maïs / Riz maïs /
encadrée en rouge, Friche 2 Friche 1
maïs maïs
on note la succession Année 2 Année 1
Riz maïs /
Friche 2
maïs
Année 1
80
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Il faut envisager chaque opération l’une après l’argent qu’il pourrait en tirer, serait perdu, la
l’autre et non pas faire un calcul global. perte étant donc considérable.
Enfin, d’après le calendrier, les temps de travaux Pour une opération culturale comme le désher-
lors du second cycle de culture seraient iden- bage dans le système de culture à base de riz
tiques à ceux du premier cycle, à un jour près. pluvial et de maïs, si cette opération n’est pas
Cela est très improbable, pour plusieurs raisons, réalisée, l’agriculteur aura de moins bons ren-
la plus élémentaire étant qu’à des époques de dements peut-être, mais il ne perdra pas tout le
l’année différentes, la gestion de l’eau est diffé- fruit de son travail, le coût d’opportunité est donc
rente… Les travaux effectués sont donc diffé- moindre dans ce cas précis.
rents. Il est également probable que lors du se- De plus, toutes les opérations culturales n’ont
cond cycle de culture, la préparation du sol aura pas la même exigence dans le temps. Par exem-
été plus rapide, le sol ayant été travaillé peu de ple, un désherbage peut être décalé dans le temps
temps auparavant et l’envahissement par les ad- de quelques jours, voire de quelques semaines.
ventices étant moindre. Par contre, la récolte peut être perdue si l’agri-
En répartissant les jours de travail nécessaires culteur ne fournit pas à ses plants l’eau dont ils
pour chaque opération culturale sur un calen- ont besoin au bon moment. De même, la récolte
drier, on est en mesure d’identifier des périodes du riz doit se faire à un moment précis, sans quoi
de pointes de travail. une partie de la récolte peut tomber au sol ou
Ainsi, lorsque l’on compare les deux systèmes se gâter sur pied.
de culture sur la base de temps de travaux, le À ce stade de l’étude, il est déjà possible d’ana-
gardiennage des récoltes est l’opération la plus lyser la façon dont différents systèmes de culture
exigeante en temps pour le système « riz inon- sont combinés au sein d’une exploitation. Les
dé », et les opérations de désherbage et de gar- pointes de travail se situent-elles aux mêmes pé-
diennage pour le système « riz pluvial-maïs ». riodes ? En d’autres termes, y a-t-il concurrence
Remarque : le gardiennage semble très exigeant pour les temps de travaux ?
en temps de travail (60 jours sur un ensemble de Il faut tenir compte de tout cela lorsqu’on ana-
133, pour à peine un dixième d’hectare en riz à lyse le calendrier cultural d’un agriculteur. L’ob-
deux cycles, et 40 jours sur un total de 159 pour jectif pédagogique est d’amener les participants
0,56 hectare, du second système de culture). à bien comprendre ce qu’est un système de cul-
Doit-on comptabiliser toutes ces journées de ture, et à acquérir ces différentes notions afin de
« travail » ? Oui, puisque pendant toute la durée commenter, critiquer leurs résultats, tant sur un
de cette opération, une personne est mobilisée plan agronomique qu’économique.
et ne peut fournir un autre travail ailleurs. C’est
là une question de coût d’opportunité du tra- ➤ Les résultats économiques
vail15 : cet agriculteur a-t-il plus intérêt à sur- Cf. l’illustration 18C page 79.
veiller sa récolte que d’aller travailler sur un autre
système de culture ? En réalité, le coût d’oppor- La troisième affiche récapitule les principaux ré-
tunité du travail pour cette opération culturale sultats économiques des deux systèmes de cul-
est énorme, puisque si l’agriculteur ne garde pas ture précédents, tels qu’ils ont été présentés par
son champ, il risque de le voir dévasté par les un groupe de participants au soir du sixième jour.
oiseaux, ce qui annihilerait tous les efforts four- Le riz est vendu en sac de 80 kg à 100 Fcfa le kilo-
nis pendant les jours de travail précédents. En gramme et les étudiants ont multiplié le résultat
d’autres termes, tout son travail et du même coup par deux parce qu’il y a deux cycles de cultu-
res… Ils n’ont pas demandé à l’agriculteur si les
rendements étaient différents pour le second
15 Le coût d’opportunité d’une ressource correspond à ce
qu’elle rapporterait dans l’utilisation la plus rémunératrice
cycle, alors qu’il est fort probable pour plusieurs
parmi toutes les alternatives réalisables (Dictionnaire éco- raisons (pluviométrie différente, baisse de la fer-
nomique et social, J. Brémond et A. Gélédan, Hatier). tilité, etc.) qu’ils soient plus faibles…
81
82
Les consommations intermédiaires dans les deux en poquet de deux ou trois graines, celui du
cas sont les semences, l’agriculteur n’utilisant ni riz a lieu à la même époque à la volée, ainsi que
engrais, ni produits phytosanitaires. celui de l’arachide. Pour l’association riz-maïs,
Rappelons que dans le cas du riz inondé, 133 le riz est semé à la volée après le travail du sol,
hommes/jour pour 860 m2 n’équivalent pas à le semis est suivi ou non d’un houage. Le maïs
1 540 hommes/jour par hectare, tout simplement est semé une semaine plus tard, toujours en
parce que certaines opérations culturales ne sont poquet.
pas proportionnelles à la surface de la parcelle : L’entretien de la parcelle correspond surtout au
un individu peut aussi bien protéger contre les oi- désherbage qui a lieu une fois ou deux en fonc-
seaux une surface de 1 hectare qu’une surface de tion de l’envahissement des adventices, environ
0,086 hectare. un mois ou un mois et demi après le semis.
Comparons les rendements du riz pluvial et ceux Dans la perspective de la restitution aux villa-
du riz irrigué. Le résultat obtenu (2,8 tonnes/ha geois des travaux du séminaire, les principaux
pour le riz irrigué et 3 tonnes/ha pour le riz plu- systèmes de culture rencontrés dans la région
vial) est surprenant. On s’attend à un rapport in- ont été représentés sur les fresques (cf. l’illustra-
verse, la densité de repiquage étant en général su- tion 20 page ci-contre) détaillant le calendrier
périeure à celle du semis à la volée. D’autant des opérations.
plus que le riz pluvial est associé au maïs, ré- Cette façon de représenter un calendrier agricole
duisant encore la densité de semis du riz. Ces n’est pas des plus précises pour comparer les
données sont donc à vérifier. temps de travaux, mais c’est certainement la plus
Sur le cycle riz pluvial, on peut se demander pour explicite pour les agriculteurs. Elle facilite la com-
quelle raison l’agriculteur fait un second cycle préhension de la démarche suivie par les étu-
de maïs, sans y associer une nouvelle fois le riz. diants pour analyser leurs pratiques culturales.
Pour répondre à la première question, il suffit de En effet, chaque individu schématisé symbolise
se remémorer le prix de vente du maïs lors du une opération culturale. Pour chacune d’entre
second cycle, 200 Fcfa contre 145 Fcfa à l’issue elles, le nombre « d’hommes/jours » de travail
du premier cycle. La « rareté » toute relative du nécessaire est indiqué. En fin d’année, le cumul
maïs fin septembre en augmente le prix. Dès lors, des jours de travail sur un système de culture
on comprend l’intérêt que porte l’agriculteur au nous donne le temps de travail total nécessaire
second cycle de maïs. en « hommes/jours ». Les opérations culturales
sont calées dans le temps, la trame représentant
Synthèse sur les systèmes de culture un calendrier.
à base de vivrier
Au-dessus de la fresque sont représentés les in-
Les systèmes de culture à base de maïs-riz ou maïs-
trants des systèmes de culture et au-dessous les
arachide sont les plus fréquents dans la région.
productions. On en déduit la valeur ajoutée brute
En général, on n’installe pas de cultures vivriè- (VAB) que l’on rapporte à la surface ou au nom-
res seules après une friche de longue durée, car bre « d’hommes/jours » nécessaires sur la durée
on profite du potentiel de fertilité de ces parcel- du cycle.
les pour installer des plantations. Dans ce cas,
même si le vivrier est associé pendant les pre-
mières années après la plantation, nous ne pou- ● Les systèmes de culture
vons pas vraiment parler de champs vivriers. En à base de plantes pérennes
général, les cultures vivrières ne bénéficient de
la fertilité que de friches courtes. Ainsi, le travail Exemples présentés par les participants
au soir des cinquième et sixième jours
de défriche est réduit par rapport à celui de l’im-
plantation d’une caféière. ➤ La phase d’installation d’une plantation
Après la défriche et le brûlis, le sol est retourné Cf. les illustrations 21A (page 84), 21B (page 85),
à l’aide d’une houe et le semis du maïs se fait 21C (page 86) et 21 D (page 88) qui constituent
83
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
les affiches des étudiants sur les systèmes de cul- Les symboles employés par les étudiants : F5-
ture pérenne. 10// I+B+T+C+M // T+B+C+m+A // B+C+T //
L’affiche illustre l’installation d’une plantation B+C+T signifie qu’une friche de 5 à 10 hectares
de cacao, en détaillant les opérations culturales a été abattue pour y installer de l’igname, asso-
sur les trois premières années (cf. illustration 21A ciée à des bananiers, du taro, du cacao et du
ci-dessous). Le tout est positionné sur un calen- manioc.
drier. Ce tableau fourmille d’informations, et ce L’année suivante sur cette même parcelle, l’a-
genre de représentation peut être utile lorsqu’on griculteur avait toujours le taro, les bananiers et
fait des enquêtes pour se remémorer successi- le cacao plantés l’année précédente, l’igname
vement toutes les étapes. et le manioc ayant été remplacés par le maïs et
84
ILLUSTRATION 21B : La phase d’installation : quantité de travail et résultats économiques
ILLUSTRATION 21C : Calendrier de travail pour une plantation de cacao en phase de production
86
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
l’arachide. Puis, les années suivantes sur la même main-d’œuvre pour entretenir la plantation, ceci
parcelle, on ne trouvait plus que les cacaoyers, est lié au départ de ses abusans).
les bananiers et le taro. Malgré la grande diversité des plantations de café
La suite des affiches du même groupe (cf. l’illus- et cacao dans la région et les différentes modali-
tration 21B page 85) montre comment les étu- tés de leur installation, seuls trois cas ont été des-
diants ont calculé la valeur ajoutée brute sur la sinés sur la fresque présentée aux agriculteurs lors
première année (calcul non complet) et sur la de la restitution : l’installation d’une plantation
quatrième année, lorsque le cacao commence sur précédent forêt (ou friche arborée à caféiers),
à produire. On remarque les deux productions une plantation de cacao « en vitesse de croisière »
différentes de cacao et les deux prix de vente et une plantation mixte de café-cacao en vitesse
différents également, le prix variant en fonction de croisière (cf. l’illustration 22 page 89).
du moment dans l’année. Pour la « petite traite »,
le prix au kilogramme est de 300 Fcfa, et pour la Difficultés particulières liées à l’étude
« grande traite » de 450 Fcfa. En année « nor- des systèmes de culture pérenne
male », on pourrait s’attendre à un rapport in- Les systèmes de culture à base de plantes pé-
versé, la rareté du produit pendant la petite ré- rennes étaient de loin les plus difficiles à étudier,
colte en faisant augmenter le prix. ceci étant dû au fait que la mise en place d’une
Il se trouve que cette année est un peu excep- plantation nécessite plusieurs années pendant
tionnelle, puisque les agriculteurs ont vu le prix lesquelles les agriculteurs associent des cultures
global augmenter. On peut donc s’attendre à ce vivrières. Cette pratique a pour avantage de tirer
que le prix de vente pour la petite récolte de profit de la terre alors que les plants de cacao
cette année soit plus élevé que 450 Fcfa/kg. ne produisent pas encore et donc ne procurent
pas de revenu. Cette pratique culturale présente
➤ Plantation en cours de production également l’avantage d’économiser le travail ;
La troisième affiche (cf. l’illustration 21C page les travaux de nettoyage et désherbage, buttage,
86) présente le calendrier de travail d’une plan- profitent aux deux cultures en même temps.
tation de cacao en phase de production. Cette Ainsi, on considère que la mise en place d’une
affiche présente de deux façons différentes le ca- plantation varie de trois à quatre ans. À titre
lendrier des travaux agricoles. La première re- d’exemple, nous présentons ci-dessous la suc-
présentation, si elle est explicite, ne permet pas cession des opérations culturales caractéristiques
de représenter les périodes de plein emploi et de l’installation d’une plantation de cacao sur
les périodes creuses. Pour cela, la seconde re- friche de longue durée.
présentation est plus claire.
➤ Succession des opérations culturales
Pour plus de clarté, il convient de préciser quelle lors de la première année
est la superficie de la plantation, les temps de tra-
● Défriche-brûlis : la parcelle est défrichée en-
vaux (en homme/jour) devant être référencés par
tièrement ou en partie ; en effet, quelques grands
rapport à une surface donnée. Il s’avère après dis-
arbres ne sont pas abattus, et ce pour plusieurs
cussion qu’il s’agit d’une plantation de 1 hectare.
raisons :
Enfin, la quatrième affiche (cf. l’illustration 21D
− l’effort que demande leur abattage est trop im-
page 88) présente la courbe d’évolution de la
portant ;
production d’une plantation de cacao de 26 ans
telle qu’elle a pu être reconstituée par enquête − certaines essences présentent une bonne valeur
auprès des producteurs. Cette courbe nous sug- marchande et peuvent constituer une épargne ;
gère qu’il faudrait près de 25 ans pour que la ca- − conserver un minimum d’ombrage limite la
caoyère atteigne la phase de pleine production. pression des adventices au cours des premiè-
Cela semble bien sûr exagéré, et de nouvelles res années sans gêner les jeunes plants ;
enquêtes doivent préciser ce point. − par leur enracinement profond, ces grands ar-
(En 1994, un incident entraîne une baisse de bres participent à la reproduction de la fertilité
moitié du rendement : l’agriculteur manque de et certaines essences sont des légumineuses.
87
88
Branches, feuilles et troncs sont rassemblés après tains planteurs font appel à de la main-d’œuvre
avoir été séchés, et sont brûlés juste avant la sai- salariée souvent occasionnelle pour réaliser la
son des pluies, de telle sorte que les éléments défriche-brûlis. Le temps passé pour réaliser cette
minéraux issus des cendres profitent au mieux opération culturale est en rapport avec l’âge de
aux cultures qui suivront. La friche de longue la friche. La défriche et le brûlis sont réservés
durée et le brûlis contribuent ainsi à régénérer aux hommes en raison de l’effort physique consi-
la fertilité du sol. dérable qu’ils demandent.
L’opération de défriche-brûlis est l’une des plus ● Travail du sol : la première année après la dé-
exigeantes en énergie et en temps (cela repré- friche-brûlis, des buttes de terre sont formées sur
sente quasiment un quart du temps de travail la parcelle ; cendres, morceaux de charbon et
total sur la parcelle pendant une année) ; cer- adventices sont réunis au centre de la butte. L’en-
ILLUSTRATION 23 : Régénération de la fertilité d’un sol par une forêt ou une friche arborée
PO4-
Cl- K+ Ca++
Na+
NH4+ NO3-
Cl- NH4+
K+ Na+
Ca++ PO4- NO3-
90
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Nicolas Ferraton
superficielle du sol tout autour de la butte.
L’intérêt d’une telle pratique est avant tout de
concentrer la fertilité sur une petite surface, fer-
tilité dont bénéficient au mieux les tubercules
d’igname. Cela ameublit et aère également le
sol sur environ quarante centimètres de profon-
deur : un sol trop compact entraverait le déve-
loppement des tubercules. Enfin, pendant des
périodes de pluie trop longues, le ressuyage est
plus rapide, ce qui évite les problèmes d’hydro-
morphie (stagnation de l’eau pendant et après
les pluies).
Ce sont encore les hommes, qui, dans la plupart
des cas, réalisent ce travail du sol.
● Plantation, semi : les semenceaux d’igname
sont coupés en morceaux, disposés dans un trou
situé sur la partie sommitale de la butte et re-
couverts de terre. Cette opération a lieu dans le
courant du mois d’avril. Entre les buttes, on place
de jeunes plants de café ou de cacao provenant
de pépinières et déjà âgés de deux ans. À chaque
« Corde d’igname ».
plant de cacao, on associe un ou des rejets de ba-
naniers. Le bananier doit protéger les plants de
café et de cacao du soleil pendant les trois ou planche ou attachés les uns aux autres pour être
quatre premières années. Entre les buttes, on vendus, l’ensemble formant une corde. Une corde
place également du taro ainsi que du manioc compte une vingtaine de tubercules.
qui resteront en terre jusqu’à l’année suivante. La récolte et l’entretien de la parcelle (le dés-
Les agriculteurs n’hésitent pas à installer dans herbage et le buttage) sont réalisés par les fem-
les espaces disponibles d’autres plantes comme mes en général.
le gombo, le piment, l’aubergine, l’ananas, etc.
Cf. l’illustration 24 : associations de cultures lors
● Désherbage-buttage : la plantation est désher- des deux premières années de l’installation d’une
bée une à deux fois par an. Le second désher- cacaoyère, page 92.
bage est souvent accompagné d’un sarclage et
➤ Succession des opérations culturales
buttage de l’igname, les agriculteurs rassemblent
autour du plant la terre qui glisse avec la pluie, la seconde année
afin que les tubercules en croissance ne voient En mars de l’année suivante, les buttes d’igna-
pas la lumière. Le positionnement de ces opé- mes, déjà effondrées en raison de la récolte, sont
rations culturales dans le calendrier dépend sur- arasées ; les adventices sont arrachées et brûlées
tout de l’état d’enherbement de la parcelle. quelques jours plus tard. Il reste alors sur la par-
● Récolte de l’igname : elle est récoltée huit à celle les plants de manioc, de taro, les bananiers
neuf mois après avoir été mise en terre, c’est-à- et les jeunes plants de cacao.
dire, au mois de janvier l’année suivante. Cer- L’arachide est mise en terre juste après le travail
tains agriculteurs récoltent l’igname deux fois du sol, et le maïs est semé en poquets de deux ou
par an : la première fois en août, on déterre alors trois plants. L’arachide, lorsqu’elle a grandi, re-
seulement une partie des tubercules, et la se- couvre entièrement le sol ; les plants de maïs sont
conde fois en novembre, tous sont prélevés. Les par contre très espacés (tous les deux à trois mè-
tubercules d’igname récoltés sont placés sur une tres), afin qu’ils n’ombragent pas trop l’arachide.
91
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Bananier
Cacaoyer
Bananier
Cacaoyer
Arachide Maïs
Manioc
Le désherbage a lieu un mois après le semis, on L’arachide est récoltée et débarrassée des fanes
élimine les adventices afin qu’elles ne gênent ni sur la parcelle, toute la famille participe à la ré-
l’arachide ni le maïs dans leur croissance. colte, y compris les enfants en bas âge. Le maïs
La seconde année, les travaux d’entretien (de est récolté une à deux semaines plus tard.
désherbage) sont plus importants en raison d’un Dans la même période, les agriculteurs récoltent
recrû d’adventices plus important que la pre- le manioc et le taro, mis en terre plus d’une année
mière année après la défriche. auparavant. Ces récoltes sont étalées dans le
92
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Nicolas Ferraton
des besoins pécuniaires, puisque les tubercules
continuent de croître une année de plus. De la
même façon que pour l’igname, il arrive que tous
les tubercules sur une plante ne soient pas ré-
coltés en une seule fois.
➤ Succession des opérations culturales
sur une plantation en production
● Entretien : un désherbage a lieu en juin-juillet
et un second fin août. Ce travail est réservé aux
abusans lorsqu’ils travaillent dans une planta-
tion. Pendant le désherbage, les planteurs recè-
pent16 également les caféiers, ils taillent et égour-
mandent17 caféiers et cacaoyers, et remplacent
les arbustes morts, selon la même technique que
lors de la mise en place d’une plantation. Le
plant mort éliminé, une trouée de lumière per-
met à l’agriculteur de faire quelques buttes, plan-
tées en igname. Autour, on dispose du taro, du
manioc, et un jeune plant de café ou de cacao.
Une façon d’utiliser tout l’espace disponible.
● Récolte du cacao : la grande récolte (la grande
Récolte de l’arachide.
traite) s’étale de fin août à décembre, mois pen-
dant lesquels en fonction de l’arrivée à maturité
des fruits, on récolte une à deux fois par mois. La
petite récolte a lieu en mai-juin et nécessite moins Comparaison des résultats
de travail en raison de la faible quantité de ca-
bosses récoltées.
économiques des principaux
systèmes de culture étudiés
Une fois récoltés, les fruits sont écabossés18 sur
le champ (les cabosses sont laissées dans la par-
celle), et les fèves sont transportées au village et L’affiche de synthèse, préparée par les étudiants
mises à fermenter dans un récipient recouvert pour la restitution organisée le dernier jour pour
de feuilles de bananiers, pendant un ou deux les villageois (cf. l’illustration 22 « Itinéraires
jours. Les fèves sont ensuite étalées sur une dalle techniques des systèmes de culture à base de
en béton ou de terre battue pendant une à deux plantes pérennes, VAB/ha et productivité brute
semaines. Cette opération nécessite la présence du travail », page 89), permet de comparer les
d’une personne car en cas d’orage, la récolte principaux systèmes de culture rencontrés de
doit être rapidement mise à l’abri. deux points de vues différents : celui de la ri-
chesse créée par unité de surface d’une part (la
VAB/ha) et celui de la productivité brute du tra-
vail d’autre part (VAB/journée de travail).
16 Le recépage est une opération qui vise à couper toutes
les branches de l’arbuste en ne laissant que la base du Les productions et les temps de travaux sont es-
tronc, afin de favoriser le développement de jeunes pous- timés à partir des données issues de plusieurs
ses de la base. enquêtes, et ils sont cumulés lorsqu’il y a plu-
17 L’égourmandage est l’opération consistant à supprimer sieurs cycles de cultures dans une année.
les rejets partant de la base du tronc qui épuisent l’arbre.
18 L’écabossage consiste à débarrasser les fèves de cacao Cf. l’illustration 25 sur la VAB par hectare et la
de leur enveloppe rigide appelée cabosse. productivité brute du travail, page 94.
93
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
94
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Préparation terre 25 à 35
Semis 5
Gardiennage (x 2) 35
Récolte battage 50 à 80
Préparation terre 25 à 40
Pépinière-repiquage 25 à 30
Gardiennage 25
Récolte battage 60 à 80
Les cultures vivrières à base de riz inondé plus intensif en travail et donc l’un des moins ré-
Le système de culture à base de riz inondé (deux munérateur par journée de travail. Autrement dit,
cycles par an) produit beaucoup par unité de la productivité du travail pour le système de cul-
surface, la VAB/ha dépasse les 550 000 Fcfa. Il ture « riz inondé » est très faible, dans les condi-
apparaît donc comme un système de culture re- tions de culture d’Abengourou. Et pourtant, tra-
lativement intensif. Le fait d’inonder une parcelle vailler sur ce système de culture n’est pas une
évite le travail long et fastidieux de désherbage, aberration puisqu’il permet de gagner 300 Fcfa de
et évite également le travail de gardiennage des plus à la journée qu’un travail d’ouvrier en ville.
graines lorsqu’on les met en terre : en effet, on Rappelons que le salaire de base d’un ouvrier
peut recouvrir la pépinière de feuilles pour pro- dans la région est de l’ordre de 700 Fcfa par jour.
téger les semences contre les oiseaux, ce qui est C’est une référence précieuse puisqu’elle per-
impossible à faire lorsque tout un champ est semé met d’évaluer le coût d’opportunité du travail
à la volée. des agriculteurs.
Malgré cela, la somme de travail demandée par Ainsi, dans le cas de la ressource « travail » des
les systèmes de culture à base de riz inondé (plus agriculteurs de la région, tant que la producti-
de 500 hommes/jours à l’hectare), notamment pour vité du travail des systèmes de culture est supé-
gérer l’eau et repiquer le riz, en fait le système le rieure au salaire urbain, on peut considérer que
95
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
les agriculteurs ont intérêt à les pratiquer. Le sa- sent des intrants. De plus, les produits maraî-
laire d’un ouvrier correspond à ce à quoi les agri- chers sont fragiles et lourds et les agriculteurs
culteurs d’Abengourou pourraient prétendre louent les services de transporteurs, augmentant
compte tenu de leur niveau de formation. No- encore leurs charges.
tons cependant que, vu le niveau de chômage Par ailleurs, ce type de culture est très exigeant
urbain actuel, il est probable que les agriculteurs en eau, les apports doivent être importants et ré-
ne trouveraient pas à s’embaucher. Par consé- guliers. De ce fait, même si d’un point de vue
quent, en l’absence d’autre alternative, le coût pédologique, le maraîchage pourrait se pratiquer
d’opportunité est nul. Ceci signifie que les agri- sur les versants ou près des sommets de collines,
culteurs ont intérêt à continuer à pratiquer des sys- l’absence de points d’eau à proximité y rend ces
tèmes de culture même si ces derniers présen- cultures difficiles. En conséquence de quoi, les
tent une très faible productivité du travail. bas-fonds restent les zones privilégiées (car pro-
Les cultures vivrières à base de riz pluvial-maïs ches des cours d’eau ou de la nappe phréatique)
pour la culture du maraîchage. Ces écosystèmes
Ce système de culture, contrairement à ce que délaissés jusqu’alors deviennent économique-
nous aurions pu imaginer, est le plus productif à ment intéressants.
l’hectare, avec plus de 600 000 Fcfa/ha de valeur
ajoutée brute. Cependant, qu’un système de cul- Néanmoins, si le maraîchage permet de dégager
ture soit « rentable » à l’hectare ne signifie pas for- une forte valeur ajoutée brute à l’hectare (l’une des
cément qu’il le soit à la journée de travail. plus importantes), n’oublions pas qu’elle est ob-
tenue au prix d’un très lourd investissement en
Sur ce type de système de culture, le désherbage,
travail. Du fait d’un entretien permanent à ap-
opération longue et pénible, est très certaine-
porter à la culture (taille, arrosage, désherbage,
ment l’activité la plus contraignante. De plus,
etc.), les temps de travaux demeurent considéra-
les agriculteurs doivent désherber deux fois lors
bles à l’hectare (300 à 700 hommes/jours selon
du premier cycle de culture. Pourtant, il est vrai
les cultures), à tel point que ce système de culture
qu’il n’y a pas de travaux de gestion de l’eau ou
ne se pratique que sur de petites surfaces, infé-
de repiquage et même si un actif doit garder les
rieures au dixième d’hectare.
semences et les récoltes pendant près de 50 jours,
la durée de ce travail-là n’est pas proportionnelle Les fruits et légumes sont des produits périssa-
à la surface de la parcelle. De plus, cette opéra- bles, ils ne peuvent être stockés et demandent
tion n’étant physiquement pas trop difficile, des plus de précautions de transport. Cette activité
enfants peuvent réaliser le gardiennage, laissant suppose donc la présence d’un marché proche
à leurs parents la possibilité de travailler ailleurs. pour l’écoulement. Par ailleurs, et du fait de cette
altération rapide, les prix de ce type de produits
Finalement, pas moins de 250 à 300 hommes/
sont très variables : la mise en marché suit im-
jours à l’hectare sont nécessaires pour réaliser
médiatement la récolte et les producteurs cher-
les deux cycles de cultures. Nous obtenons alors
chent tous à écouler leur production très vite, ce
une productivité brute du travail de l’ordre de
qui occasionne de fortes et brusques chutes de
2 000 Fcfa par journée travaillée, ce qui demeure
prix. C’est pourquoi certains producteurs prati-
supérieur au salaire d’un ouvrier urbain.
quent le maraîchage en contre-saison dans cer-
tains bas-fonds, et peuvent ainsi bénéficier de
● Les systèmes de culture maraîchère prix plus élevés.
Les systèmes de culture maraîchère dégagent un
produit brut élevé compensé par des consom- ● Les systèmes de culture à base
mations intermédiaires également élevées re- de café-cacao
présentant 10 à 20 % du produit brut. Le maraî-
chage est quasiment le seul système de culture Plantation en phase d’installation
dans la région pour lequel les agriculteurs utili- Cf. le tableau en haut de la page ci-contre.
96
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Défriche-brûlis 20 hommes-jour/ha
1re année Travail du sol et
récolte d’igname : 100-130 hommes-jour/ha
semis plantation
Renouvellement au total 220 à 300
d’une plantation hommes-jour/ha Désherbage-sarclage 60-120 hommes-jour/ha
de café
ou de cacao Récolte 40 hommes-jour/ha
ou d’une plantation
mixte café-cacao 2e année Travail du sol-semis 15 hommes-jour/ha
récolte de banane,
Désherbage 10 hommes-jour/ha
taro, manioc,
arachide, maïs Récolte 10 hommes-jour/ha
Le produit brut est essentiellement constitué par sues du travail de la première année expliquent
les ignames récoltées la première année, puisque une productivité brute du travail élevée.
toutes les cultures associées ne produisent que La valeur ajoutée brute à l’hectare la première
la seconde, voire la troisième année. année et celle d’une plantation de cacao en phase
Ainsi, une partie du travail considérable fourni en de production sont peu différentes. Sans les cul-
première année (200 à 300 hommes-jours/ha) tures associées, la VAB à l’hectare serait néga-
bénéficie aux récoltes des années suivantes. C’est tive en première année, les coûts d’implantation
la raison pour laquelle la productivité brute du n’étant compensés par aucune production.
travail est si faible en première année et si im- Notons que du fait de cette association culturale
portante en seconde année. en début de cycle, nous n’avons pas amorti les
En première année, le gros du travail correspond coûts de plantation. Dans le cas contraire, nous
non pas à la défriche-brûlis comme on aurait pu aurions en effet dû comptabiliser ces frais en les
l’imaginer (les agriculteurs ne coupent pas les répartissant sur la durée de vie de la plantation.
gros arbres), mais au travail du sol : buttage et
désherbage demandent le plus de travail. En se- Plantation de cacao pure et plantation mixte
conde année, le temps de travail bien moindre café-cacao en cours de production
sur la parcelle et le bénéfice des productions is- Cf. le tableau ci-dessous.
Entretien 10 hommes-jour/ha
Plantation de cacao
Temps total Récolte 20-25 hommes-jour/ha
Entretien, 20 hommes-jour/ha
Plantations
Plantation de café désherbage-sarclage
en phase
de pleine Récolte 15-20 hommes-jour/ha
production
Entretien, 30-35 hommes-jour/ha
Plantation mixte désherbage-sarclage
café-cacao
Récolte 15-20 hommes-jour/ha
97
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
VAB/surface
avec l’association de
cultures vivrières, le solde est
positif dès les premières années après
la plantation
1 2 3 4 5 6 7 8 Années
0 après la
solde négatif, plantation
lié aux investissements
dans la plantation
Les cacaoyères dont la VAB à l’hectare n’est pas permettant aux adventices, dont Chromolaena
si importante comparée aux résultats obtenus sur odorata, de croître à leur aise, et, sans désher-
le vivrier, ne demandent finalement que peu de bage, la plantation serait envahie en peu de
temps de travail. L’entretien est minimal, et procure temps. De plus, en raison des désherbages obli-
donc une productivité brute du travail élevée : gatoires, les temps de travail imposés par ces
une cacaoyère plantée suffisamment densément plantations sont donc supérieurs à ceux des ca-
ne laisse pas pénétrer la lumière dans le sous-bois, caoyères, d’où une productivité du travail réduite
un tapis de feuilles mortes recouvre complète- au tiers de celle d’une plantation de cacao pur
ment le sol, et les adventices ne peuvent pousser. (environ 2 000 Fcfa par journée de travail).
Les travaux d’entretien sont alors limités à la taille Enfin, les caféières valorisent très peu la terre : le
et à l’égourmandage des arbustes. profond malaise ressenti par les agriculteurs à
Par contre, dans le cas des plantations mixtes de propos de la caféiculture se confirme par les chif-
café-cacao, la lumière pénètre dans le sous-bois, fres : les rendements (300 kg/ha) sont faibles et
98
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
les prix au plus bas. La valeur ajoutée brute par ture du café (faible prix du café payé aux pro-
hectare est la plus faible de tous les systèmes de ducteurs), les agriculteurs limitent leur travail aux
culture que nous avons étudiés. Cependant, la seules opérations strictement nécessaires, ce qui
productivité du travail demeure plus importante affecte certes les rendements mais qui, compte
que celle du riz irrigué, car même si la richesse tenu des prix, permet de conserver une bonne
produite par unité de surface est faible, le travail productivité du travail. Néanmoins, ils ne sou-
que les agriculteurs fournissent est également haitent pas abandonner complètement cette cul-
minimal. ture ; les plantations ont nécessité de lourds in-
Il est probable que devant le vieillissement des vestissements et constituent encore un capital.
plantations, la baisse générale de la fertilité, la Et cette activité pourrait redevenir intéressante
conjoncture économique défavorable à la cul- si les cours remontaient…
ILLUSTRATION 27
Quantité eau > quantité alcool
Alambique
Bassin d’eau
L’alcool qui a un point d’ébullition inférieur à celui de l’eau s’évapore en premier. Un système de
refroidissement permet de transformer les vapeurs alcoolisées en alcool liquide qui est récupéré plus loin
dans de petits bidons.
Le vin de palme appelé aussi bangui est obtenu après récupération de la sève du palmier et
fermentation. Le stipe du palmier abattu se vide de sa sève pendant près d’un mois à raison de
150 à 200 litres par palmier. La sève est collectée et récoltée à partir d’une large encoche sec-
tionnant les fibres du stipe à la base de l’insertion des feuilles.
La sève est mise à fermenter une semaine dans un bidon, après quoi le vin est distillé à l’aide
d’un alambic traditionnel (cf. l’illustration 27 ci-dessus) fabriqué avec un bidon en fer et un tube
de cuivre. L’alambic concentre l’alcool dans le distillat. ... /...
99
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
Nicolas Ferraton
Avec 150 litres de vin de palme, on obtient 30 litres d’alcool de palme. Le bangui est vendu
50 Fcfa par litre, alors que l’alcool de palme se vend 600 Fcfa le litre.
Ainsi, la sève transformée en bangui peut rapporter entre 7 500 et 10 000 Fcfa par arbre et, en
la transformant en alcool, entre 18 000 et 24 000 Fcfa par arbre, soit plus du double. La dou-
ble opération de transformation est donc intéressante.
Si les arbres sont plantés tous les 10 mètres, cela représente environ 100 palmiers à l’hectare,
soit un produit brut de 1,8 à 2,4 millions de Fcfa à l’hectare lors de la récolte… Sachant qu’il
aura fallu une quinzaine d’années entre la plantation et la récolte, cela nous ramène à 120 000
à 160 000 Fcfa par an. Mis à part l’achat du bidon, du tube de cuivre et de quelques outils,
les coûts de cette activité de transformation sont très faibles.
Estimation du produit brut rapporté à l’année 120 000 Fcfa 240 000 Fcfa
(sur une plantation de 15 ans à raison
de 150 litres de vin de palme par arbre)
La VAB à l’hectare obtenue est comparable à celle d’une plantation mixte de café-cacao, ou
d’une plantation de cacao en seconde année après la plantation (avec cultures associées).
100
Caractérisation et évaluation économique des systèmes de culture
101
Initiation à une démarche de dialogue. Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne boucle du cacao
103
Analyse des systèmes de production
104
Analyse des systèmes de production
Le problème du métayage : doit-on considérer les abusans comme des agriculteurs à la tête
d’exploitations agricoles autonomes et les étudier alors comme des « unités de production » ?
Assurément oui, ils constituent des unités de production à part entière : qu’ils soient ou non
propriétaires des parcelles qu’ils travaillent (les plantations pérennes qui leur sont confiées
en métayage, les parcelles vivrières qu’on leur prête ou qu’ils ont acquis en propriété), celles-ci
sont bien le support d’un processus de production particulier et forment bien une « unité de
production ». Il convient donc, comme l’illustre le schéma suivant, de ne pas confondre unité
foncière et unité de production.
Unité
de production
de l’abusan
Plantation Parcelle
confiée vivrière
à un abusan de l’abusan
Rentes appartenant
foncières ou non
à l’abusan
Exploitation
agricole
conduite par
cet agriculteur
ment et avec d’autres outils, mais elle n’est pas derniers arrivés dans la zone n’ont pas eu de par-
effectuée au cours de ce type de formation courte. celles, et se voient obligés de partir ou de travailler
Toujours est-il que cet échantillonnage raisonné pour le compte des propriétaires de plantations
suppose de connaître la diversité des types avant comme simples ouvriers ou comme abusans.
d’étudier le fonctionnement de chaque type ; et Ce statut social prenait tout son sens il y a
d’étudier ce fonctionnement avant d’envisager quelques décennies lorsqu’il représentait un pas-
éventuellement de réaliser une quantification de sage obligé pour prétendre obtenir des terres en
l’importance numérique relative de chaque type. propriété. Mais aujourd’hui, ce statut perd de
À ce stade, il ne s’agit que d’une pré-typologie son intérêt, puisque les rentes imposées par les
qui sera validée ou modifiée selon les résultats propriétaires sont élevées comparativement au
de l’analyse des systèmes de production, en par- prix du café et du cacao, et que l’espoir d’obte-
ticulier de leur évaluation économique. nir un jour une terre s’amenuise.
La diversité actuelle des systèmes de production Comme nous allons le voir, l’analyse du paysage,
est héritée de l’histoire : les règles sociales régis- l’analyse historique, ainsi que celle des systèmes
sant l’accès à la terre par exemple, font que les de culture et d’élevage prennent ici tout leur sens.
105
Analyse des systèmes de production
106
Analyse des systèmes de production
L’ensemble des outils et équipements dont dispo- cessives. En outre, la date d’arrivée des diffé-
sent l’agriculteur et sa famille pour mener à bien rentes familles a largement conditionné leur accès
leurs activités doit être inventorié et décrit avec au foncier tant en quantité, en qualité (interflu-
soin : ves ou bas-fonds, proche ou éloigné du village,
➤ petit outillage manuel (houe de différents types, etc.). De même, cette date d’arrivée a fortement
machette, hache, couteau, faucilles, serpettes, conditionné les modes de tenure (propriétaire
pelles, râteaux, etc.) ; ou abusan). Il est ainsi possible de dresser une
première typologie de catégories sociales : ex-
➤ matériel de transport manuel (panier, hotte, ploitations familiales (où le travail est fourni par
brouette, sacs), attelé ou motorisé ; l’exploitant et sa famille et éventuellement par
➤ équipement de séchage, transformation et quelques travailleurs temporaires), ou patrona-
stockage des récoltes (nattes, aires et claies de les (c’est-à-dire où le travail est non seulement
séchage, mortier, moulin, batteuses décorti- fourni par l’exploitant, mais aussi par de la main-
queuses, grenier, fût métallique, sacs, magasin) ; d’œuvre extérieure permanente), exploitants pro-
➤ vélo et mobylette. priétaires ou métayers. Par ailleurs, l’analyse des
systèmes de culture nous permet d’identifier au
L’analyse historique nous a permis de compren- moins grossièrement les types de système de pro-
dre que le peuplement de cette zone s’est effec- duction que ces différentes catégories sociales
tué suivant différentes vagues de migrations suc- mettent en œuvre.
La valeur ajoutée brute globale correspond à la somme des valeurs ajoutées brutes des dif-
férents systèmes de culture et d’élevage. La valeur ajoutée brute globale mesure un premier
niveau de création de richesse. Si l’on y retranche l’amortissement économique, on obtient
la valeur ajoutée nette.
La valeur ajoutée nette ainsi calculée mesure les performances économiques du système de
production (VAN/ha et VAN/actif).
Si l’on retranche :
➤ les salaires aux ouvriers ;
➤ la rente foncière versée au propriétaire ;
➤ les impôts et taxes versés à l’État ;
➤ l’intérêt versé aux banquiers et usuriers qui ont éventuellement avancé du capital ;
le reste constitue le revenu agricole : il rémunère le travail accompli par les travailleurs de l’u-
nité de production.
On peut le ramener au nombre d’actifs familiaux afin de permettre des comparaisons.
107
Analyse des systèmes de production
Mesurer l’efficacité économique marché. Mais attention ! cette valeur devra être
des systèmes de production retirée au niveau des consommations intermé-
diaires si on en tient compte dans le calcul du
produit brut !
L’évaluation des performances économiques de De la même façon, il faut identifier l’ensemble
chaque système de production contribue à éclai- des sous-produits (résidus de récoltes, bois, etc.) ;
rer leur fonctionnement. La comparaison de la va- on peut repérer leur usage et, si nécessaire, chif-
leur ajoutée brute par actif ou par journée de tra- frer leur volume et leur valeur économique. Il
vail entre différents systèmes de culture et d’éle- n’est pas forcément utile de quantifier tous les
vage permet déjà de comprendre comment se sous-produits ; cela dépend de leur destination :
font les choix d’affectation des ressources dispo- les résidus du maïs, s’ils sont brûlés sur la parcelle,
nibles (cf. chapitre précédent). La productivité ne sont pas quantifiés. En revanche, on estimera
du travail obtenue par les différents systèmes de par exemple la valeur économique de la paille
production permet de comparer leur efficacité du riz, si elle est vendue à d’autres éleveurs, mais
économique. Puis, la comparaison du revenu aussi si elle est intra-consommée pour assurer
agricole à un seuil minimum de survie, qui cor- une partie de l’alimentation des animaux de l’ex-
respond aux besoins minima indispensables pour ploitation. Si elle est vendue, il est clair que sa
faire vivre une famille, ou encore au revenu mi- valeur est estimée au prix de vente. Mais si elle
nimum que l’on peut se procurer dans d’autres est autoconsommée, il s’agit d’une intra-consom-
secteurs d’activité dans la région, permettent de mation valorisée au coût de production. Si l’on
répondre aux questions posées quant à l’évolu- choisit de compter la valeur de tous les sous-pro-
tion probable des différents systèmes de pro- duits dans le produit brut, il faudra prendre soin
duction. Mais comment en arriver là ? de retirer, au niveau des consommations inter-
médiaires, la valeur de ceux qui sont consom-
● Le calcul du produit brut total més par le processus de production.
sur l’exploitation
● La valeur ajoutée brute
Le produit brut total de l’exploitation correspond
à la somme des produits bruts des différents sys- La valeur ajoutée brute (PB – CI) mesure un pre-
tèmes de culture et d’élevage (voir chapitre pré- mier niveau de création de richesse.
cédent).
● La valeur ajoutée nette et le calcul
● Les consommations intermédiaires de l’amortissement économique
C’est l’ensemble des biens et services intégrale- La valeur ajoutée nette (ou VAN) correspond à
ment dégradés pendant un cycle de production la VAB à laquelle on a soustrait l’amortissement
sur l’ensemble des systèmes de culture et d’éle- économique du capital fixe (outillage manuel,
vage (voir chapitre précédent). matériel de traction attelée, véhicules et machi-
Remarque : les cas des intra-consommations et nes, bâtiments spécifiques pour le matériel agri-
des sous-produits agricoles. cole, matériel nécessaire à la transformation des
Certaines productions peuvent être ni vendues produits agricoles, etc.) et du capital biologique
ni autoconsommées, mais utilisées pour une autre (coût de la mise en place d’une plantation pé-
activité au sein de l’exploitation. C’est fréquem- renne par exemple…).
ment le cas pour l’élevage lorsqu’une partie des Cet amortissement économique représente l’u-
fourrages est produite sur l’exploitation. On peut sure des équipements au cours de chaque cycle
alors évaluer sa valeur à partir de son coût de de production. Un sac d’engrais disparaît avec le
production, de façon à tenir compte de l’intérêt cycle de production, et de ce fait, nous l’avons
qu’il y a à produire soi-même une partie de l’a- comptabilisé comme consommation intermédiaire.
limentation plutôt que de se la procurer sur le Mais une houe par exemple, si elle ne disparaît pas
108
Analyse des systèmes de production
avec le cycle de production, ne s’en use pas moins, dans les systèmes de culture sur abattis-brûlis
et il convient de tenir compte du coût que repré- préexistants, a rendu l’installation de ces plan-
sente cette usure, c’est l’amortissement. tations quasiment gratuite pour les planteurs,
VAN = VAB – Amortissements économiques d’autant que les plants étaient largement sub-
ventionnés par l’État. Les récoltes des cultures
Mesurant l’usure des équipements, cet amortis- vivrières intercalaires pendant les premières an-
sement s’obtient en divisant la valeur de ce ma- nées (en particulier l’igname) compensaient en
tériel par le nombre d’années pendant lequel il fait largement l’investissement consenti (cf. l’illus-
est réellement utilisé avant d’être remplacé, sa tration 26 page 98).
durée de vie utile.
Amortissements = prix actuel / nombre d’an-
Il est donc nécessaire de connaître le prix des nées d’utilisation
équipements. Cette donnée n’est pas aisée à éva-
luer, en particulier lorsque le matériel en ques- La VAN correspond à la richesse totale créée sur
tion a été acquis il y a plusieurs années. Le prix l’exploitation. Comme il a été vu précédemment,
que l’on obtient par enquête ne reflète donc nous ne pouvons pas calculer les VAN pour
qu’imparfaitement la valeur réelle actuelle de chaque système de culture, car certains outils
celui-ci, ne serait-ce que du fait de l’inflation. Il sont utilisés sur différents systèmes de culture,
est donc souvent nécessaire de convertir les prix et il est alors impossible d’en affecter l’usure à
de l’époque d’achat en prix actuels. Cependant, telle ou telle activité. Il est donc préférable de
dans le cadre de ces formations, et en particulier réserver le calcul de la valeur ajoutée nette à l’a-
en Côte d’Ivoire, pays inclus dans la zone Franc, nalyse des systèmes de production.
il n’est pas nécessaire de perdre trop de temps sur Afin de pouvoir comparer les différents systèmes
ces aspects. Il convient cependant au moment de production, il est particulièrement intéressant
des enquêtes de bien demander le prix actuel de rapporter la valeur ajoutée nette à la surface
d’un équipement équivalent. nécessaire au fonctionnement du système de pro-
Dans le cas de l’amortissement du capital bio- duction et au nombre d’actifs mobilisés :
logique (comme les plantations pérennes par La VAN/nombre d’actifs = la productivité glo-
exemple), nous procédons de la même façon : on bale du travail sur l’exploitation agricole. La
rapporte l’ensemble des coûts liés à l’installation VAN/actifs mesure la richesse créée par une per-
(préparation du sol, achat des plants, engrais, sonne qui travaille sur l’exploitation pendant une
coûts d’entretien pour toute la phase pendant la- année. Ce rapport permet ainsi d’évaluer les per-
quelle la plantation ne produit pas encore) à la formances technico-économiques d’un système
durée de vie totale de la plantation, et non pas de production, sans préjuger de la partie de cette
seulement à la période pendant laquelle elle pro- richesse qui demeure entre les mains de l’ex-
duit. En effet, la plantation occupe le sol pen- ploitant et de sa famille.
dant toute cette durée. C’est pourquoi sa pro- La VAN/surface agricole utile = la création de
duction moyenne annuelle autant que son richesse par unité de surface sur l’exploitation
amortissement annuel doivent être rapportés à agricole. Il faut bien distinguer les surfaces en
la durée totale de vie de la plantation. propriété ou en métayage de celles réellement
En général, le coût de plantation étant réparti sur utiles pour le système de production considéré :
30 ou 40 ans (durée de vie moyenne des plan- la surface agricole utile. La différence peut être
tations dans la région), l’amortissement écono- notable (forêt classée, parcelle trop pentue ou
mique annuel est alors infime, et les étudiants trop humide, etc.).
ne l’ont pas pris en compte. Cette simplification
était d’autant plus justifiée que ce coût est lar- ● Le revenu agricole
gement compensé par les cultures vivrières as-
sociées. C’est là une caractéristique essentielle de Si la valeur ajoutée nette mesure la richesse pro-
la culture de cacao ivoirienne. L’insertion du duite par l’exploitant, elle ne mesure pas son re-
cacao, en tant que composante supplémentaire venu. Il y a en effet une différence entre ce que
109
Analyse des systèmes de production
produit un agriculteur et ce qu’il gagne. Tout sim- n’est que métayer ou fermier, le banquier ou l’u-
plement, parce qu’une partie de cette richesse surier qui perçoit des intérêts si l’agriculteur s’est
est prélevée par le reste de la société : l’État tout endetté. Notons que dans certains cas, on peut
d’abord au travers des taxes et impôts, les ou- être amené à ajouter, et non à déduire, des sub-
vriers que l’agriculteur a éventuellement em- ventions versées aux agriculteurs par l’État (cf.
bauchés, le propriétaire des terres si l’exploitant l’illustration 29 ci-dessous).
Semences
Produit brut (PB) – les Consommations intermédiaires (CI) Engrais
Insecticides
Herbicides
Fongicides
Outillage
manuel et mécanique
= Valeur ajoutée brute (VAB) − Amortissements Bâtiments d’exploitation
du capital fixe (greniers, silos,
aires de séchage)
Animaux de trait
Plantation
+ Subventions directes
110
Analyse des systèmes de production
Nicolas Ferraton
On parlera en fait ici du revenu agricole brut. Il l’accès au foncier, à la force de travail et au ca-
faudrait encore retirer d’éventuelles cotisations pital d’exploitation (la VAN/actif n’en tient pas
sociales (maladie, retraite) pour obtenir l’équi- compte). Il permet ainsi d’évaluer le revenu dé-
valent d’un revenu net. gagé par actif familial pour une exploitation agri-
Rappelons que ce revenu agricole se compose cole mettant en œuvre un système de produc-
d’un revenu monétaire (lié aux productions com- tion dans des conditions particulières (métayer,
mercialisées) et d’un revenu non monétaire (lié avec salariés, avec endettement, etc.).
aux productions autoconsommées). Notons par Prenons un exemple :
ailleurs que ce revenu agricole peut être com-
plété par un revenu non agricole (travail ponc- Imaginons deux exploitations qui produisent la
tuel en ville, petit commerce, artisanat, prestation même VAN/actif familial, l’une détenue par un
de services, salariat agricole) pour constituer un propriétaire et l’autre par un métayer. Ce dernier
revenu total. devra payer une rente foncière contrairement au
premier. Si les VAN/actif familial sont identiques,
On obtient alors le revenu agricole familial : les revenus agricoles perçus par les membres de
Le RAF/actif familial correspond à la rémunéra- chaque famille seront très différents du seul fait
tion du travail. Ce paramètre tient compte de de conditions différentes d’accès au foncier.
111
112
114
Analyse des systèmes de production
Les abusans entretiennent donc des plantations ➤ Les consommations intermédiaires, produits
de café ou de cacao ou des plantations mixtes, phytosanitaires (surtout insecticides et fongici-
dont la superficie est comprise entre 1 à 4 hec- des), sont dans la plupart des cas à la charge du
tares. Les plantations qui leur sont confiées sont propriétaire qui peut faire participer ou non l’a-
en phase de production (de 10 à 40 ans), bien que busan (en retenant à l’abusan une partie de la
l’on observe un certain nombre de cas où le pro- récolte supplémentaire). Les achats de jeunes
priétaire cultive lui-même les parcelles les plus plants sont financés par le propriétaire lui-même.
productives de cacao, laissant au soin de l’abu- En raison de l’importance de la rente que verse
san les parcelles caféières ou les cacaoyères les l’abusan à son propriétaire (quasiment deux tiers
plus âgées, les moins productives. De cette façon, de la valeur ajoutée nette produite est restituée
le propriétaire n’a pas à partager les récoltes les au propriétaire par l’intermédiaire de la rente
plus importantes. foncière), il est très difficile, voire impossible
Les abusans sont toujours des hommes, ils tra- pour l’abusan de dégager un revenu lui permet-
vaillent seuls. Dans certains cas, leurs femmes tant de subsister (lui et sa famille) pendant l’an-
et enfants vivent dans un autre pays, mais dans née : 50 000 à 100 000 Fcfa par actif travaillant
d’autres cas, ils sont accompagnés d’une petite sur l’exploitation et par an, soit 75 à 152 euros,
famille qui travaille dans les champs vivriers pen- alors que le revenu minimum s’élève à près de
dant que le mari travaille pour le propriétaire. 150 000 Fcfa par actif et par an.
Ils utilisent des outils manuels, crosse pour éca- Et ce, d’autant plus que la charge en travail, im-
bosser les cacaoyers, houe, machette, lime. portante sur l’exploitation du propriétaire, ne
permet pas toujours à l’abusan de travailler li-
La nature des contrats liant l’abusan au proprié- brement en ville ou ailleurs en dehors des pé-
taire est variable : riodes de pointe dans les champs. La plupart des
➤ Certains propriétaires fournissent gîte et cou- abusans se voient obligés de vendre leur force
verts à l’abusan ; en effet, le travail important im- de travail pendant les périodes de moindre tra-
posé par une plantation ne permet pas toujours vail sur l’exploitation agricole.
115
Analyse des systèmes de production
116
Analyse des systèmes de production
C’est parce que ce type de contrat n’a pas évo- accès à des parties de l’écosystème propices à
lué ces dernières années, depuis que les espa- la culture du café ou du cacao.
ces vierges n’existent plus, qu’un certain nombre Ne disposant que de peu de terres, ces agriculteurs
d’abusans sont partis vers les nouveaux fronts mettent en place des systèmes de culture qui de-
pionniers du Sud-Ouest. mandent beaucoup de travail ; la valeur ajoutée
nette par unité de surface est la plus importante
● Les exploitations de petite taille (riz pluvial, maraîchage, riz pluvial et maïs asso-
− 0,3 hectare par actif − cié ; cf. courbe VAN par unité de surface) : la
situées en bas-fond (type 2) force de travail n’est pas un facteur limitant dans
leur cas. La rémunération à la journée de travail
La taille de ces exploitations est inférieure à 1,5
pour ces systèmes de culture est supérieure au
hectare au total. Ces agriculteurs sont proprié-
prix de la journée sur le marché du travail.
taires d’une partie seulement du foncier. La se-
conde partie est « louée » à de grands proprié- Ce sont aussi des systèmes de production inten-
taires (ils donnent une partie de leur production sifs au niveau de la surface (création de richesse
au propriétaire). par unité de surface importante). Il n’en demeure
pas moins que la valeur ajoutée nette totale créée
On compte de huit à dix actifs familiaux ; pas
sur l’exploitation demeure faible. Et, comme ils
de recours à de la main-d’œuvre extérieure à
payent une rente foncière pour louer une partie
l’exploitation.
de leur terre, leur revenu par actif se situe bien en
Les agriculteurs appartenant à cette catégorie dessous du seuil de survie. Cette catégorie d’ex-
cherchent à valoriser au mieux les petites surfa- ploitants ne dispose pas de surfaces agricoles
ces dont ils disposent, en mettant en œuvre des assez importantes pour ne vivre qu’à partir des
systèmes de culture intensifs en travail, afin de revenus issus de l’agriculture (le revenu agricole
tirer un bénéfice maximum de leurs petites par- par actif est compris entre 20 000 à 50 000 Fcfa
celles. par actif et par an, soit moins de 80 euros par an).
Les différents systèmes de culture pratiqués : Ces agriculteurs se voient donc dans l’obligation
de louer leur force de travail sur d’autres exploi-
➤ Les agriculteurs appartenant à cette catégorie
tations agricoles ou en ville.
pratiquent la culture du riz en bas-fond (0, 5 à 1
hectare), soit dans les zones inondées en amé- Ces agriculteurs n’ont pas eu accès aux terres si-
nageant des casiers rizicoles, soit dans les zones tuées en interfluves, de telle sorte qu’ils n’ont pas
un peu plus élevées (en bordure de bas-fond) ou pu mettre en place des plantations pérennes.
dans les bas-fonds qui ne sont pas immergés en
saison des pluies où ils plantent du riz pluvial. ● Les petits exploitants agricoles
➤ Sur les bords des bas-fonds également, en bas qui n’ont pas accès aux bas-fonds
des versants, ils cultivent arachide et maïs en as- (de 1 à 4 hectares) (type 3)
sociation, sur des surfaces limitées. Faute de ter- Les agriculteurs appartenant à cette catégorie
res disponibles, aucune jachère n’est pratiquée ; cultivent des parcelles situées en interfluves ;
les cultures d’arachide et de maïs se succèdent nous les distinguons des petites exploitations
d’année en année sur la même parcelle. agricoles avec un accès aux bas-fonds, puisqu’ils
➤ Ils font également du maraîchage, système de ne mettent pas en place les mêmes systèmes de
culture intensif en travail et capital valorisant au culture : ils ne cultivent pas de riz irrigué et ne
mieux la terre. Des billons permettent de remé- font pas de maraîchage.
dier aux problèmes d’hydromorphie (stagnation Ils possèdent par contre de petites plantations
de l’eau pendant et après les pluies) rencontrés mixtes de café cacao de moins de 3 hectares
dans les bas-fonds. et/ou des parcelles en caféiers purs de 1 à 1,5
➤ Ils ne possèdent pas de plantation pérenne, hectare et/ou une ou des petite(s) parcelle(s) (0,5
ce sont des allogènes ou des allochtones arrivés à 1 hectare) en cacao pur. Leurs plantations sont
récemment, anciens abusans qui n’ont pas eu généralement âgées.
117
Analyse des systèmes de production
ILLUSTRATION 31B : Type 2 - Les petits producteurs qui ont un accès aux bas-fonds
118
Analyse des systèmes de production
ILLUSTRATION 31C : Type 3 - Les petits producteurs qui n’ont pas d’accès aux bas-fonds
119
Analyse des systèmes de production
ILLUSTRATION 31D : Type 4 - Les petits planteurs engagés dans le renouvellement de leur plantation
120
Analyse des systèmes de production
En plus de ces petites plantations, ils possèdent Ce système de production est relativement in-
de petites surfaces agricoles sur lesquelles ils pra- tensif par rapport à la surface cultivée (création
tiquent des associations vivrières : maïs, manioc, de richesse par unité de surface importante).
arachide, gombo. Certains ont des parcelles en Nous pouvons attribuer cela aux cultures asso-
maïs pur de moins de 1 hectare. ciées aux plantations ; en effet, les cultures as-
Dans tous les cas, les surfaces en plantation sont sociées aux jeunes plantations dégagent une VAB/
supérieures aux surfaces vivrières. hectare plus importante que les plantations mix-
tes et les plantations de café.
Comme la catégorie d’agriculteurs précédente,
ils possèdent des outils rudimentaires, machette,
● Les exploitations agricoles
houe, hache d’abattage.
de taille moyenne (surface comprise
Ils ne pratiquent pas d’élevage, et possèdent seu- entre 10 et 20 hectares) (type 5)
lement quelques volailles.
Les agriculteurs appartenant à cette catégorie
Certains confient leur parcelle de cacao ou leur
possèdent des surfaces en friches non négligea-
parcelle mixte café-cacao à un abusan.
bles, allant de 3 à 7 hectares de friches arborées.
Leur revenu agricole se situe entre 60 000 et
Ils sont propriétaires de la terre et sont engagés
80 000 Fcfa par actif et par an.
dans une dynamique de renouvellement des plan-
tations ; ils abattent les vieux caféiers pour plan-
● Les petits planteurs engagés dans ter du cacao. Ils possèdent entre 5 et 8 hectares
le renouvellement de leur plantation de plantation mixte café-cacao (la plupart de ces
(3 et 6 hectares) (type 4) plantations sont âgées, plus de trente ans), 1 à 3
Ces petits planteurs sont des allogènes ou des hectares de plantations de cacao, et 0,5 à 1 hec-
allochtones. Ils possèdent entre 3 et 6 hectares tare de plantations en renouvellement.
en surface totale dont 3 à 3,5 hectares de plan- Certains d’entre eux traitent les plantations. Ils
tations mixtes café-cacao, généralement âgées cultivent des cultures vivrières sur des plantations
(plus de 25 ans) ; 0,5 à 1 hectare de terre en en renouvellement (0,5 à 1 hectare), mais égale-
cours de plantation avec l’association banane, ment sur des parcelles en friche de courte durée
igname, jeunes plants de café ou de cacao ; et en rotation qui peuvent atteindre un hectare.
0,5 à 1 hectare avec l’association maïs, arachide, Devant l’impossibilité d’entretenir la totalité de
banane, cacao, café. Toutes ces parcelles sont leur surface agricole (la surface par actif familial
situées en interfluve. étant trop élevée), certains cèdent une partie de
Ils possèdent de petites surfaces en vivrier en leur terre à des abusans et bénéficient ainsi d’une
plus de celles qui sont associées aux nouvelles rente foncière.
plantations ; on y rencontre les associations maïs, La gestion de la force de travail extérieure est la
arachide, manioc, ou maïs pur. Les meilleurs ren- particularité des agriculteurs de ce groupe. Ils
dements obtenus sur leurs plantations sont fai- font appel à de la main-d’œuvre temporaire ou
bles : 270 kg/ha de café et 200 kg/ha de cacao. permanente.
Ils n’ont pas d’élevage, possèdent quelques vo- Ils utilisent des outillages manuels pour la culture
lailles seulement, et n’ont pas d’activité agricole du café et du cacao (houe, machette, limes) ;
supplémentaire. certains d’entre eux possèdent un hangar pour
Comme pour les deux catégories d’agriculteurs stocker leurs récoltes, des aires de séchage en
précédemment décrites, ils ont un faible niveau béton, un pulvérisateur et une bicyclette.
d’équipement et ne possèdent qu’un outillage Les agriculteurs appartenant à cette catégorie
manuel. Parfois, ils peuvent confier une partie ainsi que les grands planteurs (catégorie suivante)
de leur plantation à un abusan. sont caractérisés par une création de richesse
Leur revenu agricole se situe entre 45 000 et par hectare similaire et relativement faible. Les
170 000 Fcfa par actif. systèmes de pratiques qu’ils développent sont
121
Analyse des systèmes de production
122
Analyse des systèmes de production
plus extensifs que ceux des maraîchers et des sans employés pour travailler surtout sur les plan-
planteurs qui renouvellent leurs plantations ; en tations de café, et des ouvriers temporaires qui
effet, la majorité de leurs systèmes de culture viennent en aide pour la récolte du café.
sont basés sur des plantations mixtes ou des plan- Les grands planteurs utilisent des intrants sur leurs
tations de caféiers : des systèmes de culture très plantations (engrais, produits phytosanitaires), ils
extensifs en travail (VAB/surface faible). ne plantent que des plants de café ou de cacao
Attention, notons au passage que les surfaces en sélectionnés, sans toutefois obtenir des rende-
friche n’ont pas été prises en compte dans le cal- ments significativement différents de ceux des
cul de la surface. Si elles l’avaient été, ce système autres catégories de planteurs.
de production paraîtrait encore plus extensif. La création de richesse par actif est toujours su-
périeure à 250 000 Fcfa par an, mais la rémuné-
● Les grands planteurs (50 à 130 ha) ration du travail familial est plus élevée encore
(type 6) dans la mesure où le revenu familial est « par-
tagé » entre peu de mains par rapport à tous les ac-
Cette catégorie d’exploitants agricoles se carac- tifs qui ont participé au processus de production.
térise par des surfaces en propriété importantes :
entre 50 et 130 ha. Ce sont des autochtones qui
se sont attribué des terres pour les plus vieux, ou
qui sont les héritiers des premiers arrivants agnis
pour les autres. Leurs plantations sont proches Monsieur A., descendant direct du pre-
des villages. mier fondateur et grand planteur à Affali-
Au moins la moitié de la surface dont ils dispo- kro, se rend tous les jours sur sa plantation,
sent est en friche arborée ou en anciennes plan- au volant de sa Mercedes, plantation pour-
tations de café qui constituent des réserves de tant située non loin du village. Il est « pa-
terre. En effet, ils disposaient auparavant de surfaces tron », tient à ce que cela se sache, et ré-
importantes en caféiers lorsqu’ils ont dû, faute de pugne à partager tout repas avec ses
rentabilité, en laisser une partie en friche à la fin travailleurs. Une partie de sa plantation de
des années 1980. Ces friches de plus de vingt ans cacao date des années quarante, il l’a hé-
constituent aujourd’hui une réserve de terre fertile ritée de son père.
pour la création de nouvelles plantations. Bien que père de nombreux enfants, il ne
La quantité de terre en leur possession étant net- bénéficie aujourd’hui que de l’aide d’un
tement supérieure à la superficie que peut cul- de ses fils, tous les autres ayant quitté le
tiver la seule main-d’œuvre familiale, ils font lar- village pour aller en ville. Aussi travaille-
gement appel à de la main-d’œuvre extérieure. t-il avec une douzaine d’abusans togolais et
Pour exploiter leurs plantations, ils ont d’une part cinq « mensuels » nourris, logés, soignés
recours à de la main-d’œuvre salariée en com- et payés mensuellement.
plément de la force de travail familiale, et d’au- Bien que très ancienne, sa plantation pro-
tre part cèdent également une partie de leurs ter- duit encore et fait l’objet de soins attentifs.
res (de leur plantation dans la plupart des cas) Installée sous l’ombrage de grands arbres
en faire-valoir indirect aux abusans. préservés à l’époque de l’installation de la
Pour un des deux cas étudiés en détail, la main- plantation par son père (il est fier de n’a-
d’œuvre salariée constitue la seule force de tra- voir jamais vendu de bois), la plantation
vail, le propriétaire étant engagé vers d’autres est « prolongée » au maximum par une ges-
activités économiques. tion minutieuse de la densité des cacaoyers
et de l’intensité de l’ombrage : on fait cre-
Ils font appel aux trois principaux types de main- ver par le feu ça et là de grand arbres de-
d’œuvre de la région : des ouvriers permanents venus trop envahissants ; on abat ... /...
(payés au mois ou à l’année travaillant sur des
chantiers comme l’abattis des friches), des abu-
123
Analyse des systèmes de production
124
Analyse des systèmes de production
125
126
Il est ainsi utile d’estimer le seuil de survie, c’est- adulte et de ses dépendants, ses besoins vesti-
à-dire le revenu minimum qu’un actif doit dé- mentaires et de santé pour une année.
gager de son exploitation pour assurer sa survie Prenons un exemple19. La répartition est la sui-
et celle de ses dépendants, donc des personnes vante (cf. tableau ci-dessous) :
non actives qui sont à sa charge (enfants en bas
âge, infirmes, personnes âgées).
19 Brayer J., Diagnostic agraire d’une petite région d’an-
Pour calculer le seuil de survie, nous calculons ciens fronts pionniers en Côte d’Ivoire. Quelles évolu-
le minimum vital dans la région, en considérant tions des systèmes de production ?, mémoire de DEA,
le besoin minimal en nourriture d’une personne INA-PG, Cirad, 1999.
Le seuil de survie pour la région est évalué à agriculteur peu qualifié ne trouverait pas d’em-
150 000 Fcfa par an. En outre, précisons qu’il ploi en ville, ou un emploi encore moins rému-
s’agit d’un revenu minimal de survie par actif, néré, ce qui abaisserait encore le coût d’oppor-
c’est-à-dire du minimum nécessaire pour faire tunité de la force de travail familiale.
vivre un actif et les inactifs qui l’accompagnent.
À partir du seuil de survie et du coût d’oppor-
Il convient d’estimer uniquement les besoins
tunité, il est possible d’évaluer la durabilité éco-
réellement vitaux, dans la mesure où l’utilisation
nomique des différents types d’exploitations
particulière des revenus supplémentaires améliore
agricoles :
certes le niveau de vie des exploitants, mais pas
la reproduction de la main-d’œuvre familiale. ➤ celles situées en dessous du seuil de survie ris-
quent de disparaître. Elles n’assurent en effet pas
Calcul du coût d’opportunité la reproduction de la main-d’œuvre familiale ou
de la main-d’œuvre familiale si elles y parviennent, c’est au prix d’une décapi-
Dans la région d’Abengourou, la force de travail talisation : la survie de la famille n’est possible
en ville est rémunérée 700 Fcfa par journée tra- que par le non-renouvellement du matériel ou
vaillée. Nous avons considéré qu’un ouvrier tra- même par la vente de celui-ci ou éventuellement
vaille au maximum 300 jours par an, ce qui nous des animaux. Cependant, il se peut qu’une ex-
donne un revenu minimum en ville de 210 000 ploitation située en dessous du seuil de survie soit
Fcfa/an. Notons que si le niveau de chômage est durable si ce déficit de revenu est comblé par des
important en zone urbaine, il est probable qu’un revenus extérieurs (non pris en compte ici) ;
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Analyse des systèmes de production
➤ celles situées entre le seuil de survie et le coût Cependant, devant les problèmes de rentabilité
d’opportunité risquent aussi de disparaître dans liés aux plantations pérennes et en raison de la
la mesure où l’exploitant assure certes la repro- pression démographique, certains agriculteurs
duction de sa force de travail et dispose éven- ont développé de nouveaux systèmes de culture
tuellement d’une petite capacité d’investisse- tant sur les interfluves (systèmes de culture à base
ment, mais il aurait intérêt à investir son travail de maïs et d’arachide, par exemple) que dans
dans une activité non agricole. Pour les exploi- les bas-fonds. Les bas-fonds ont d’ailleurs connu
tations situées au niveau du seuil de survie, on un regain d’intérêt récemment. Bien que certains
parle de reproduction simple, dans la mesure d’entre eux demeurent encore en friche une
où les revenus sont insuffisants pour investir, le bonne partie de l’année, voire plusieurs années
système se reproduit chaque année à l’identique ; de suite, maraîchage et riziculture connaissent
➤ celles situées au-dessus du coût d’opportunité
un développement certain. Les perspectives agro-
sont en situation de capitalisation dans la me- nomiques offertes par ces espaces sont impor-
sure où le revenu dégagé assure non seulement tantes, tant par le réservoir de fertilité qu’ils re-
le renouvellement des équipements et la repro- présentent parfois, que par la possibilité de réa-
duction de la main-d’œuvre familiale, mais peut liser plusieurs cycles de cultures par an.
aussi permettre de dégager une épargne et d’in-
vestir dans le système de production. On parle ● Une différenciation paysanne
aussi de reproduction élargie. Notons cepen- marquée par l’accès au foncier
dant que les revenus supplémentaires ne sont
pas forcément destinés à l’investissement, mais L’accès différencié aux ressources foncières a
peuvent aussi améliorer dans un premier temps conduit les exploitants à pratiquer des combinai-
les conditions de vie de la famille. sons de production différentes et à adopter des
modes d’exploitation du milieu différents. Dans
les villages d’Assekro et d’Affalikro, comme dans
toute la Côte d’Ivoire forestière d’ailleurs, les mo-
Conclusion dalités d’accès au foncier ont été en grande par-
tie déterminées par l’époque d’installation (et donc
l’origine des gens), et par la capacité de chaque
Les agriculteurs dont les ressources foncières sont groupe à contrôler la force de travail nécessaire
limitées adoptent souvent des modes de mise en (familiale ou non) à l’extension et à l’entretien des
valeur de leur terre relativement intensifs par unité plantations. C’est ainsi que les familles d’origine
de surface. Mais le revenu par actif est souvent fai- agni, les premières installées dans la région, ont
ble, car ces systèmes de culture demandent gé- défriché les premières parcelles qui furent plan-
néralement beaucoup de travail et ne se prati- tées en café et cacao. Très vite, d’autres familles,
quent que sur de petites surfaces. Au contraire, d’origine Baoulé cette fois-ci, sont venues s’ins-
ceux qui détiennent le plus de surface mettent taller dans la région, à une époque où, nous l’a-
parfois en œuvre des systèmes de culture moins vons vu, un simple cadeau symbolique fait aux
intensifs, c’est-à-dire mobilisant peu de travail et autochtones suffisait pour se faire octroyer de
peu de capital à l’unité de surface. Mais, prati- vastes portions de forêt.
qués sur de larges surfaces, ces systèmes sont plus Devant l’extension des plantations, les planteurs
rémunérateurs par actif. agnis et baoulés ont alors fait appel à de la main-
On voit ainsi que l’intérêt économique des agri- d’œuvre d’origine plus lointaine, malienne dans
culteurs n’est pas toujours l’intensification. Le un premier temps. Après un certain temps de tra-
cas des plantations de café et de cacao peu en- vail comme abusan, les Maliens auront égale-
tretenues en donne une bonne illustration : les ment accès à des parcelles pour y planter du café
rendements sont faibles, mais la productivité du et du cacao.
travail et le revenu par actif peuvent être élevés Entre-temps, les Agnis et les Baoulés accroissent
si l’on dispose de grandes surfaces en plantation. leurs surfaces en plantations, leurs exploitations
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130
deviendront celles que nous avons caractérisées sortir une très grande diversité de situations
comme étant les types 4, 5 et 6. Les familles ar- (confirmée par les résultats économiques mis en
rivées plus tardivement, par contre, ne pourront évidence) et les différents visages de cet ancien
pas augmenter de façon significative la taille de front pionnier : vieilles caféières complètement
leurs plantations, puisque les réserves foncières indiscernables enfouies sous un recrû forestier
ont déjà sérieusement diminué et qu’elles sont de grande taille, plantations mixtes de tous âges
contrôlées de plus en plus sévèrement par les fa- et d’aspects très contrastés, anciennes caféières
milles autochtones. reconverties en parcelles de cultures vivrières et
Arrivent enfin des Burkinabés, dans les années dont il ne reste que quelques souches brûlées,
1960-70, qui vont travailler eux aussi dans un caféières recépées et manifestement entretenues,
premier temps comme abusan. Malheureuse- vieilles cacaoyères encore en production et par-
ment pour eux, le domaine foncier commence tiellement ombragées par d’immenses fromagers,
à être saturé et tous n’auront pas accès à la terre. parcelles récemment abattues et brûlées et dans
Les premiers servis auront droit néanmoins à de lesquelles on aperçoit de jeunes plants de cacao
petits lopins de terre en interfluve et y planteront associés aux cultures vivrières, etc.
du café-cacao (exploitants de type 3). Ce qui frappe cependant dans cet apparent fouillis,
D’autres auront accès à des parcelles en bas- c’est bien une tendance à replanter de jeunes ca-
fond, les espaces non convoités d’alors, puis- caoyers en lieu et place des plantations caféiè-
qu’on ne peut pas y installer de plantations pé- res abandonnées depuis longtemps et où la vé-
rennes. Ils vont alors exploiter ces espaces en y gétation forestière avait repris ses droits. Il s’agit
pratiquant des cultures dont ils maîtrisent les en fait d’une nouvelle phase d’installation de
techniques et qui sont encore peu développées plantations de cacao après abattis d’une forêt se-
dans la région : le riz pluvial, et le riz inondé. condaire et reconstitution partielle de la « rente
Ce sont les agriculteurs de type 2. différentielle forêt » sur les friches arborées à café
des années quarante et cinquante.
D’autres parmi les Burkinabés ne se verront ja-
mais attribuer de parcelles. Tandis que certains Sur ces parcelles où un niveau de biomasse im-
d’entre eux continuent, dix ou vingt ans après portant s’est développé, on assiste en réalité à
leur arrivée, à travailler comme abusan dans un mini « front pionnier » au cœur même de
l’espoir d’obtenir un jour un petit lopin de terre l’ancienne boucle du cacao. Si un nombre suf-
(type d’exploitation no 1), certains, découragés, fisant de grands arbres a été conservé lors du
partent pour aller tenter leur chance vers de nou- premier cycle de plantation et qu’un véritable
veaux fronts pionniers (sur les dernières forêts recrû arboré a permis la reconstitution au moins
vierges de la Côte d’Ivoire) à l’Ouest. partielle des strates intermédiaires de la forêt, les
conditions peuvent être à nouveau réunies pour
installer avec succès une cacaoyère. Mais dans
● Vers une relance de la production
cacaoyère ? le cas contraire, le succès n’est pas assuré. Les
seules plantations cacaoyères produisant encore
La région d’Abengourou fut une des premières à aujourd’hui plus de 800 kg de cacao par hec-
se lancer dans l’extension accélérée des planta- tare sont celles qui furent installées dans les an-
tions de café et de cacao, et fait partie de ce que nées quatre-vingt au détriment des dernières par-
l’on a appelé la « première boucle du cacao ». celles forestières « vierges » du territoire villageois.
C’est donc dans cette région que la forêt d’ori- On leur applique deux traitements par an, mais
gine a été le plus précocement remplacée par leurs propriétaires jugent superflu l’apport d’en-
les plantations pérennes et que, une quarantaine grais conseillé par les agents de vulgarisation...
d’années plus tard, le problème du renouvelle- Partout ailleurs, les rendements sont beaucoup
ment des plantations les plus anciennes a été plus faibles et les agriculteurs rencontrent da-
posé en premier. Malgré cette antériorité et le vantage de difficultés pour lutter contre les ad-
caractère déjà ancien de l’économie de planta- ventices ou les problèmes phytosanitaires. C’est
tion, la lecture attentive du paysage a fait res- le cas par exemple de ceux qui, dans leurs an-
131
Analyse des systèmes de production
ciennes plantations mixtes de café-cacao, ont ple, ou accès plus large au foncier par ailleurs.
entrepris le remplacement progressif des caféiers Il n’en a rien été. L’accès au foncier semble plus
par de jeunes cacaoyers. fermé que jamais et le partage un tiers-deux tiers
Outre l’effet « précédent », assez déterminant de la récolte ne semble pas remis en question
dans le succès ou l’échec de cette dynamique malgré les revendications de certains abusans.
de replantation, l’actuel différentiel de prix cacao- Mais qui est encore abusan ? Et que recouvre au-
café largement favorable au premier, n’est pas jourd’hui ce contrat social ?
sans encourager cette renaissance cacaoyère. À une certaine époque, l’abusan a pu être consi-
Certains, prudents, n’en continuent pas moins à déré comme le véritable centre de décision d’une
complanter cacao et café au cas où le cours des unité de production autonome (distincte bien sûr
choses viendraient à s’inverser... de l’unité foncière, comme nous l’avons vu pré-
cédemment). Le versement des deux tiers de la
● Mais qui replante et qui entretiendra récolte au propriétaire s’apparentait alors au sim-
les plantations ? ple règlement de la rente foncière, hypothèse re-
tenue pour notre analyse économique. Mais au-
Aujourd’hui, et bien qu’une certaine « saturation jourd’hui, certains « patrons » considèrent leurs
foncière » soit sur toutes les lèvres, la pénurie de abusans comme une simple force de travail à
main-d’œuvre est partout visible dans le paysage leur service, le tiers de la récolte revenant à l’a-
d’Assekro et d’Affalikro : plantations abandon- busan pouvant cette fois-ci être considéré comme
nées, parcelles en friches ou largement envahies un simple paiement à la tâche ou au contrat.
par Chromolaena odorata, bas-fonds encore assez Certains planteurs, participant activement au pro-
peu mis en valeur, etc. Les tensions sur le fon- cessus de production en fournissant par exemple
cier, de plus en plus perceptibles, et l’impossibi- l’ensemble des produits de traitement et de l’ou-
lité qui en résulte d’acquérir un droit à planter tillage, déduisent tous les frais de culture du pro-
pour les allogènes en particulier (quand cela ne duit total de la vente de la récolte avant de par-
concerne pas les allochtones eux-mêmes !), ne tager ce qui reste en trois parts égales, dont une
risque plus d’attirer de nouveau migrants. En outre, seulement reviendra à l’abusan.
de nombreux abusans sont d’ailleurs partis en di-
rection du front pionnier vers le sud-ouest ivoirien, Ainsi, la rémunération du travail des abusans et
ou alors retournés dans leur région d’origine, ce de la main-d’œuvre temporaire semble orientée
qui se traduit par un tassement, voire une dimi- durablement à la baisse. Cette dynamique nais-
nution de la densité démographique régionale. sante d’un nouveau cycle de replantation au dé-
triment des vieilles friches à café ne risque-t-elle
Saturation foncière ne rime pas avec saturation pas de s’essouffler si les rapports sociaux en vi-
démographique ! Voici bien un paysage large- gueur aujourd’hui, et particulièrement défavo-
ment en friche, une densité de population en rables à la force de travail, ne sont pas assou-
baisse, et un discours pourtant dominé, dans la plis ? Une véritable relance d’un nouveau cycle
bouche des familles autochtones, par le thème de de production cacaoyère est-elle envisageable
la saturation foncière qui, dit-on, mettrait en péril sans force de travail stable ? Ou compte-t-on uni-
l’économie agricole et la paix sociale… quement sur la force de travail familiale et sur le
On aurait pu penser que, pour enrayer le départ retour des urbains au chômage pour prendre en
des abusans, pour lesquels le contrat au tiers a charge les nouvelles plantations et restaurer les
perdu de plus en plus de son attrait en raison de anciennes ? Tout porte à croire que l’avenir de
la baisse de la productivité du travail, les plan- la culture de cacao dans la région dépendra en
teurs aient tendance à modifier les termes du grande partie de l’évolution des rapports terre/tra-
contrat dans un sens plus favorable au travailleur : vail dans ces villages cosmopolites et du main-
partage de la récolte en deux moitiés par exem- tien de la paix sociale.
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Initiation à une démarche de dialogue. Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne boucle du cacao
Épilogue :
Restituer les résultats
du séminaire aux villageois
et aux agents de développement
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Épilogue
➤ Les exposés doivent se faire dans la langue tifiques seront traduits ou expliqués.
comprise par le plus grand nombre, et parfois ➤ À chaque fois que cela est possible, il est sou-
même dans plusieurs langues comme ce fut le haitable de faire des restitutions d’étapes avec,
cas à Affalikro (en agni, en baoulé et en dioula). dans un premier temps, des groupes relativement
➤ La forme doit être simple, et concrète ; le vo- homogènes (jeunes, femmes, anciens, etc.) pour
cabulaire trop abstrait sera évité, les mots scien- favoriser l’expression du maximum de personnes.
Sans préjuger des réponses, l’essentiel est de bien poser les problèmes
et de créer les conditions pour amorcer un processus de dialogue.
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Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé
par le ministère français des Affaires étrangères. BDPA assure l’animation
du réseau et la réalisation de produits et services, et le GRET conçoit et
édite des publications techniques.
Initiation à une démarche de dialogue. Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne boucle du cacao (Côte d’Ivoire).
Observer et comprendre un système agraire
En matière de développement rural, les décisions sont trop souvent prises loin des réalités de terrain. Face
à ce problème, ce manuel pédagogique propose une méthode pour améliorer l’apprentissage des futurs
formateurs en développement rural pour observer et comprendre un système agraire. Il a été rédigé à par-
Initiation à une démarche
tir de l’exemple concret d’une formation à Abengourou en Côte d’Ivoire réalisée conjointement par le
Cnearc, l’Ina-PG et l’École supérieure d’agronomie de Yamoussoukro.
La démarche mise en œuvre s’appuie sur l’observation in situ et sur l’écoute des acteurs concernés par le
développement rural avec une priorité pour les agriculteurs. Il est ainsi proposé de changer d’attitude par rap-
de dialogue
port à l’acquisition des connaissances et aux comportements professionnels avec les agriculteurs. Trois atti-
tudes clés : savoir observer, écouter et dialoguer. Une grande importance est accordée aux enquêtes, à l’a- Étude des systèmes de production dans deux villages de l’ancienne
nalyse du discours des personnes enquêtées et à la restitution auprès des agriculteurs du travail effectué.
Offrant en outre le grand avantage de lier dans une même problématique théorie et pratique, cette démar-
boucle du cacao (Côte d’Ivoire)
che aborde les problèmes d’une façon globale en liant différentes disciplines (agronomie, économie,
sociologie, etc.). Les nombreux outils méthodologiques et aspects pédagogiques présentés dans cet ouvra-
ge le rendent très utile pour les agents de développement et les formateurs qui travaillent avec les paysans.
➤ Nicolas Ferraton (Cnearc Montpellier), Hubert Cochet (Ina-PG Paris)
et Sébastien Bainville (Cnearc Montpellier)
Diffusion :
GRET, 211-213 rue La Fayette 75010 Paris, France. Les Éditions du Gret
Tél. : 33 (0)1 40 05 61 61. Fax : 33 (0)1 40 05 61 10.
Site Internet : www.gret.org