Le thème du repas en poésie

Comment la poésie utilise-t-elle le thème du repas comme moyen de dénoncer et critiquer les aspects de la société ou de la nature
humaine, et quelles sont les diverses perspectives et techniques utilisées par les poètes pour exprimer cette critique sociale à travers cette
métaphore culinaire ?

Noirs dans la neige et dans la brume, Que ce trou chaud souffle la vie,
Au grand soupirail qui s’allume, Ils ont leur âme si ravie
Leurs culs en rond, Sous leurs haillons,

À genoux, cinqs petits, — misère ! — Ils se ressentent si bien vivre,

Regardent le Boulanger faire Les pauvres Jésus pleins de givre,
Le lourd pain blond. Qu’ils sont là tous,

Ils voient le fort bras blanc qui tourne Collant leurs petits museaux roses
La pâte grise et qui l’enfourne Au treillage, grognant des choses
Dans un trou clair. Entre les trous,

Ils écoutent le bon pain cuire. Tout bêtes, faisant leurs prières
Le Boulanger au gras sourire Et repliés vers ces lumières
Grogne un vieil air. Du ciel rouvert,

Ils sont blottis, pas un ne bouge, Si fort, qu’ils crèvent leur culotte
Au souffle du soupirail rouge Et que leur chemise tremblote
Chaud comme un sein. Au vent d’hiver.

Quand pour quelque médianoche, Arthur Rimbaud/ Les effarés

Façonné comme une brioche
On sort le pain,

Quand, sous les poutres enfumées,

Chantent les croûtes parfumées
Et les grillons,
 Le thème du repas en poésie
Le renard et la cigogne Jeanne était au pain sec...
Jean de La Fontaine
Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Compère le Renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la Cigogne.
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
Le régal fut petit et sans beaucoup d’apprêts : J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Le galant pour toute besogne, Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture
Avait un brouet clair ; il vivait chichement. Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité,
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette : Repose le salut de la société,
La Cigogne au long bec n’en put attraper miette ;
S'indignèrent, et Jeanne a dit d'une voix douce :
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie, - Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce ;
A quelque temps de là la Cigogne le prie. Je ne me ferai plus griffer par le minet.
« Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis Mais on s'est récrié : - Cette enfant vous connaît ;
Je ne fais point cérémonie. » Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche.
A l’heure dite, il courut au logis
Elle vous voit toujours rire quand on se fâche.
De la Cigogne son hôtesse ;
Loua très fort la politesse ;
Pas de gouvernement possible. À chaque instant
Trouva le dîner cuit à point : L'ordre est troublé par vous ; le pouvoir se détend ;
Bon appétit surtout ; renards n’en manquent point. Plus de règle. L'enfant n'a plus rien qui l'arrête.
Il se réjouissait à l’odeur de la viande Vous démolissez tout. - Et j'ai baissé la tête,
Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande. Et j'ai dit : - Je n'ai rien à répondre à cela,
On servit, pour l’embarrasser,
J'ai tort. Oui, c'est avec ces indulgences-là
En un vase à long col et d’étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ; Qu'on a toujours conduit les peuples à leur perte.
Mais le museau du sire était d’autre mesure. Qu'on me mette au pain sec. - Vous le méritez, certes,
Il lui fallut à jeun retourner au logis, On vous y mettra. - Jeanne alors, dans son coin noir,
Honteux comme un renard qu’une poule aurait pris, M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir,
Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Pleins de l'autorité des douces créatures :
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :
Attendez-vous à la pareille.
- Eh bien, moi, je t'irai porter des confitures.
 Le thème du repas en poésie
La grasse matinée 1. Quels sont les
sentiments et les
Il est terrible et derrière ces vitres émotions évoqués par
le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d'étain ces pâtés ces bouteilles ces conserves les poètes à travers la
il est terrible ce bruit poissons morts protégés par les boîtes représentation du repas
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim boîtes protégées par les vitres dans chaque poème ?
elle est terrible aussi la tête de l'homme vitres protégées par les flics Comment ces émotions
la tête de l'homme qui a faim flics protégés par la crainte contribuent-elles à la
quand il se regarde à six heures du matin que de barricades pour six malheureuses sardines.. critique sociale ou à la
dans la glace du grand magasin Un peu plus loin le bistrot réflexion morale
une tête couleur de poussière café-crème et croissants chauds présentée dans les
ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde l'homme titube textes ?
dans la vitrine de chez Potin et dans l'intérieur de sa tête 2. Comment les
il s'en fout de sa tête l'homme un brouillard de mots personnages sont-ils
il n'y pense pas un brouillard de mots représentés dans
il songe sardines à manger chaque poème lors du
il imagine une autre tête oeuf dur café-crème repas, et quelles valeurs
une tête de veau par exemple café arrosé rhum ou comportements ces
avec une sauce de vinaigre café-crème représentations
ou une tête de n'importe quoi qui se mange café-crème mettent-elles en
et il remue doucement la mâchoire café-crime arrosé sang !... lumière ?
doucement Un homme très estimé dans son quartier 3. Quelles sont les leçons
et il grince des dents doucement a été égorgé en plein jour morales ou les messages
car le monde se paye sa tête l'assassin le vagabond lui a volé que chaque poème
et il ne peut rien contre ce monde deux francs cherche à transmettre à
et il compte sur ses doigts un deux trois soit un café arrosé travers l'analogie du
un deux trois zéro franc soixante-dix repas ? Comment ces
cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé deux tartines beurrées leçons ou messages
et il a beau se répéter depuis trois jours et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon. peuvent-ils être
Ça ne peut pas durer Il est terrible interprétés dans le
ça dure le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d'étain contexte de la société et
trois jours il est terrible ce bruit de la morale de l'époque
trois nuits quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim. de chaque poète ?
sans manger Jacques Prévert, Paroles.