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Cours l&#039 Art

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L'ART

Pendant très longtemps, la technique s'est confondue avec l'art. Artisans et artistes
étaient en charge de changer le monde, les premiers par leur savoir faire technique, les seconds en
créant de la beauté. L'art désignait alors la création de choses belles, d'objets esthétiques dont la
fonction première n'était pas d'être utiles mais esthétiques au travers d'œuvres littéraires,
picturales, musicales, architecturales... Néanmoins, si l'art se proposait de changer le monde par la
beauté, cela voulait-il dire pour autant qu'il devait se résumer à une seule imitation de la nature,
pensée comme modèle d'ordre et beauté, comme le soutient encore et le plus souvent l'opinion
commune ?

I L'ART DOIT-IL ETRE UNE IMITATION DE LA NATURE ?

Pendant longtemps l'art a joué un rôle historique de témoignage, les peintres représentaient
les grands de ce monde et les événements importants, les musiciens écrivaient à la commande pour
les mariages ou les funérailles des monarques, par exemple. Picturalement, il était donc souhaité
une certaine ressemblance, une évocation réaliste de ce qui était célébré, représenté. Cette idée a
marqué l'opinion commune qui cherche souvent la ressemblance dans un portrait et s'interroge
quand elle n'y est pas. Cette idée, d'un art au service de la représentation et de l'imitation, est déjà
présente dans la conception aristotélicienne de l'art où la nature est considérée comme un modèle
de beauté que l'artiste doit tenter d'égaler.
Cependant pour Platon, l'art doit précisément être dénoncé à cause de cette imitation,
d'autant plus qu'à son époque en Grèce, l'art cherche à représenter le plus fidèlement possible les
apparences sensibles...

1°) L'art est une tromperie :

a) La copie de la copie : En effet, selon Platon (428-348 av. J.-C), la véritable nature
des choses, du monde, est au-delà des choses sensibles, visibles, perceptibles, elle est donc
transcendante, c'est-à-dire supérieure, et ne peut être pleinement comprise que par le discours
rationnel de la philosophie. L'artiste, en l’occurrence le peintre pour Platon, ne peut nous donner
qu'un semblant de connaissance mais pas de connaissance véritable. Dans La République, Platon
nous explique que l'art n'est qu'« une copie de copie » car en fait le premier modèle n'est pas la
nature, le monde sensible et extérieur mais l'Idée, l'Essence, c'est-à-dire le modèle idéal de toute
chose situé dans le monde intelligible - qui s'oppose au monde sensible dans lequel nous évoluons -
et qui demeure le modèle parfait (le paradigme) de notre réalité sensible.
Dans le cas du lit, exemple emprunté par Platon dans La République, quand l'artisan
travaille, il prend l'Idée comme loi de fabrication, c'est-à-dire qu'elle lui offre le modèle du lit qu'il
va construire, c'est le type idéal conforme à la vérité. Puis il crée le lit sensible et matériel que nous
connaissons et utilisons. Dès lors quel rôle l'artiste joue-t-il ? Celui d'un imitateur car il se borne à
reproduire et à copier une troisième fois, le lit sensible fabriqué par l'artisan-menuisier. Ce lit
représenté par l'artiste n'est donc que la copie de la copie du lit idéal dont le modèle préexiste dans
le monde intelligible, celui des Idées. L'art est donc au troisième rang dans l'ordre des réalités :

– L’Idée, l'Essence, le modèle idéal, dans le monde intelligible


– Les choses empiriques, matérielles, dans le monde sensible
– La création-reproduction-imitation de l'artisan

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b) L'art est un mensonge : La conclusion de Platon est que l'art est donc une représentation
mensongère qui nous égare, une illusion de plus puisque le monde sensible dans le quel nous
évoluons est déjà une illusion et qu'il n'est lui-même que la copie du monde intelligible. Le beau
artistique n'est qu'un fantôme, c'est une duperie car il ne témoigne pas d'une vraie connaissance
mais des apparences, des faux-semblants : « Quel but se propose la peinture relativement à chaque
objet ? Est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui paraît tel qu'il paraît ; est-ce
l'imitation de l'apparence ou de la réalité ? De l'apparence (…) l'art est donc bien éloigné du
vrai » Platon, La République.

c) L'art est une aliénation : Le second grief de Platon contre l'art, et contre l'image en
particulier, est le risque d'aliénation. En effet, Platon a déjà noté que l'image agit par contagion, dit
de façon plus moderne on peut parler de risque d'immersion, en quelque sorte, car nous sommes
aspirés par l'image et nous nous y perdons, il n'y a plus de repères, plus de distances entre nous et
l'image dans laquelle nous nous projetons. L'image est une séduction dangereuse car elle
supprime les repères qui distinguent le vrai du faux, la réalité des apparences. La fonction
cognitive de l'image se situe à un niveau pré-réflexif, c'est-à-dire que l'image a déjà fait l'essentiel
de son travail quand la réflexion intervient. Ce qu'elle exprime, voire l'émotion qu'elle suscite, agit
avant la réflexion et la mise à distance, c'est pourquoi elle peut être séduisante mais aussi
traumatisante. C'est le problème de la perception qui est ici posé parce que notre accès au monde
passe essentiellement par la perception visuelle et quand Platon dit que les images imitent la réalité,
il faut comprendre qu'elles n'imitent en fait que notre perception visuelle de la réalité. Cependant le
risque est que la perception agisse sur nous et que nous ne puissions nous y soustraire, on constate
alors une inversion de la relation de dépendance entre le sujet et le monde. Aujourd'hui, dans de
nombreux domaines, le « virtuel » et la « simulation » ne tendent-ils pas, de plus en plus, à se
substituer à la réalité ?

d) Critique de l'artiste : Au fond, c'est l'excès de talent, de force créatrice de l'artiste


qui inquiètent Platon, c'est son pouvoir de conviction et sa singularité qui sont potentiellement une
mise en danger du bien commun. Car la critique de l'art et des artistes s'inscrit pour Platon dans un
projet politique plus vaste, celui de la constitution d'une cité idéale dont le projet est exposé dans La
République. Or, c'est précisément parce qu'il reconnaît la force de l'art et le talent des artistes, le
risque de séduction auprès du plus grand nombre qui peut être abusé par cette imitation de la
nature, que Platon condamne l'artiste. Il va falloir, au nom de ce projet politique, sacrifier ce talent,
cette force de conviction car l'art est bien trop éloigné de la réalité. Le poète, tout comme le peintre,
est dangereux car il va vers l'émotion, l'illusion, l'imitation. L'art n'étant qu'une histoire d'habileté,
d'illusion, l'artiste doit être exclu de la république idéale de Platon. Il faut comprendre que pour
Platon ce qui détourne l'homme de la vérité est dangereux et condamnable si l'on veut bâtir une
organisation politique et sociale parfaite, au service du bien commun. Le problème est donc que
cette censure est motivée par le fait que Platon indexe le travail de l'artiste, son art, sur un projet
politique. Il y a censure car il force l'art à ne pas être que de l'art, il lui assigne une autre tâche
que la sienne, ici une tâche philosophique.

On peut critiquer cette idée platonicienne qui consiste à réduire la connaissance à


la seule connaissance rationnelle, comme si l'art ne nous instruisait en rien. En outre, est-ce que le
sujet humain peut être réduit à un sujet de pure connaissance ou au contraire, ne faut-il pas aussi
prendre en compte qu'il est aussi et toujours un sujet profondément et passionnément engagé dans
le monde ? Enfin, le beau artistique ne peut-il être réduit-il qu'à une pure imitation de la beauté
naturelle comme le pense Platon alors qu'il est aussi et avant tout création ?

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2°) Le beau artistique n'est pas une imitation de la beauté naturelle :

En fait, le principe de l'imitation est non seulement contestable mais il ne nous


permet guère de saisir la nature profonde de l'art.

a) La beauté naturelle n'est pas la beauté artistique : Il est douteux que l'art ne soit
que l'imitation de la beauté naturelle comme le pense Platon car d'une part, l'art n'a pas toujours
pour objet la beauté naturelle et d'autre part, le beau artistique n'est pas le beau naturel puisqu'une
très belle œuvre peut représenter un objet qui, dans la nature, nous semble laid (comme Les souliers
de Van Gogh par exemple). La beauté artistique donne en fait une seconde naissance à l'objet
naturel, elle est donc supérieure (en tant qu’œuvre de l'esprit) à la beauté naturelle.

b) L'art se conquiert sur lui-même et non dans l'imitation :De plus, pourquoi chercher
à reproduire la nature, n'est-ce pas superflu ? Non seulement cette reproduction peut sembler inutile
mais présomptueuse car l'imitation ne peut que difficilement rivaliser avec le modèle naturel. Par
exemple, dans son célèbre tableau La Grande Odalisque, Ingres (1780-1867) a ajouté une treizième
côte à son modèle -au lieu des douze naturelles- afin de parfaire son impression de langueur et de
nonchalance, disait-il! L'art est donc un autre monde que la nature et on ne devient pas musicien
en écoutant le chant des oiseaux mais en allant au concert, Renoir disait : « La peinture s'apprend
au musée ». Si l'artiste imite, ce sont d'abord les œuvres des maîtres passés, qu'il étudie et recopie
pour ensuite découvrir et épanouir son propre style. L'art se conquiert donc sur lui-même.

c) L'habileté n'est pas la création : Enfin, il aussi noter que si la nature sert de modèle
à l'art, cela peut éventuellement se comprendre pour la peinture ou la musique, mais qu'en est-il
avec l'architecture ou la poésie qui n'ont aucun « modèle » dans la nature :« Si la peinture, la
sculpture représentent des objets qui paraissent ressembler aux objets naturels ou dont le type est
essentiellement emprunté à la nature, on accordera par contre qu'on ne peut pas dire que
l'architecture, qui pourtant fait partie des Beaux-Arts, ni que les créations de la poésie, dans la
mesure où elles ne sont pas strictement descriptions, imitent quoi que ce soit de la nature (...) L'art
doit donc se proposer une autre fin que l'imitation purement formel de la nature ; dans tous les cas,
l'imitation ne peut produire que des chefs d’œuvre de le technique, jamais des œuvres d'art » Hegel
(Esthétique,1818-1829).L'artiste qui ne cherche qu'à imiter fera preuve d'habileté, de
technique mais non de création alors que « les grands artistes ne sont pas les transcripteurs du
monde, ils en sont les rivaux » (André Malraux, Les voix du silence, 1959). C'est le style qui
imprime la marque de l'homme libre sur la vie qui d'abord l'écrase et chaque œuvre d'art témoigne
d'une servitude domptée : « L'art est un anti-destin » ajoute-t-il. En effet, si le « réel » c'est ce qu'on
appelle la « vie » que « la mort transforme en destin », alors l'art est l'acte par lequel l'homme
arrache quelque chose à la mort.

d) L'art est un miroir de l'âme : On peut donc affirmer que l'art n'est pas et ne doit pas
être un reflet du réel mais plutôt l'expression d'une réalité spirituelle : celle de l'homme. Finalement,
l'homme aime vraiment ce qui vient de lui, ce qui est de lui-même et même le plus simple objet
technique comme un simple clou, a plus de valeur à ses yeux qu'une imitation, aussi fidèle soit elle.
La beauté artistique a donc de la valeur parce qu'elle est œuvre de l'esprit : l'art est réellement
l'esprit se prenant pour objet, il représente la création d'une réalité nouvelle et spirituelle. Si la
réalité absolue c'est l'esprit et non la nature, alors l'objet naturel ne peut prétendre rivaliser avec la
beauté artistique.

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On peut même dire que l'esprit projette sur la nature ses propres sentiments, ses propres états
d'âme. « Un paysage est un état d'âme » dit-on parfois, « le chant du rossignol nous émeut » ajoute
Hegel (1770-1831), en fait parce qu'un animal émet des sons qui ressemblent à l'expression de
sentiments humains. On peut avancer ici qu'au contraire, c'est la nature qui imite l'homme. Si l'art
est un miroir de l'âme, c'est qu'il est une « projection » sur un objet extérieur, de sentiments qui
s'agitent en fait dans l'âme humaine. L'art peut alors être considéré comme le miroir des fantasmes
du sujet. Grâce à l'art, l'homme prend conscience de ses passions, de ses tendances et de ce fait il en
atténue la puissance. Déjà pour Aristote (384-322 av. J.-C.), l'art est une catharsis, c'est-à-dire une
purification bénéfique des passions qui en atténue la puissance, un apaisement de l'âme produit par
l'émotion esthétique.

Prendre l’œuvre d'art pour une imitation de la nature, c'est finalement être aveugle au
travail poétique de métamorphose qui est celui de l'art car poètes et artistes sont là pour « rendre
visible » un monde que nous ne connaissons pas. L'art n'est donc pas la copie du réel mais il est un
autre monde que la nature, il est l'expression d'une réalité spirituelle: celle de l'homme.

II A QUOI SERT L'ART ?

Les objets techniques comme les armes, les habits ou les divers outils qui améliorent l'action
que l'on peut avoir sur le monde, paraissent indispensables à l'humanité. En revanche, même si
elles sont aussi présentes dans toutes les cultures, les œuvres d'art semblent plus problématiques au
point que l'on peut même arriver à s'interroger sur leur sens, à défaut de saisir leur « utilité ». En
effet, ne sont-elles pas, au fond, superflues ? Ne représentent-elles pas une forme de luxe comparée
à l'action qui elle, semble impérative pour assurer la survie ? On fait souvent remarquer que l'art
ne serait pas un besoin vital en ce sens qu'on opposerait l'activité technique qui est utilitaire, qui
est un moyen, à l'expression artistique qui serait une fin en soi, une activité pratiquée pour le
simple plaisir ? Cependant, pourrions-nous imaginer un monde dépourvu d'œuvres d'art ? Ou bien
ces dernières sont-elles en fait absolument essentielles à l'humanité ? Et pourquoi les œuvres d'art,
qu'est-ce qui se joue en fait pour l'homme dans l'œuvre d'art ?

1°) L'objet artistique n'est pas un moyen mais une fin :

L'objet d'art a-t-il une utilité ou, au contraire, est-il gratuit? En effet, par
opposition à l'objet technique, l'objet artistique n'est pas utile, dans le sens où il n'a pas de fonction
pratique. A proprement parler, on peut même dire qu'il n'a pas de fonction car il n'est pas moyen en
vue d'une fin, contrairement à l'objet technique, comme le marteau est un moyen pour planter un
clou. L’œuvre d'art semble trouver son sens en elle-même, c'est-à-dire dans le simple plaisir
esthétique que procure sa seule sensation. On peut donc avancer que l’œuvre d'art est gratuite en
ce qu'elle ne correspond et n'obéit à aucune fin pratique. On peut donc, à juste titre, s'étonner
que l'homme, cet « homo faber », tout occupé à survivre dans un milieu hostile, y consacre autant
d'énergie, de temps, de volonté, de moyens. De fait, une œuvre d'art n'est jamais vitale car le souci
premier de l'homme est bien sa survie, sa sécurité et sa prospérité tandis que l'art serait un luxe, une
activité secondaire. Nos œuvres d'art semblent donc, au regard de ces considérations pratiques,
parfaitement inutiles. Qu'elles viennent à disparaître (poèmes, livres, tableaux, opéras, monuments,
…) même si cela serait regrettable, il n'en resterait pas moins que notre vie quotidienne, dans sa
dimension pratique, n'en serait pas affecter outre mesure. C'est ainsi que la création artistique
apparaît bien comme un luxe, c'est-à-dire une activité qui n'apparaît que seconde par rapport aux
exigences immédiates de la vie.

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Cependant, une telle conception n'est-elle pas superficielle et conditionnée par l'importance
de la technique ? Les premières manifestations artistiques sont en effet très anciennes, on parle de
35000 av. J.-C. pour l'art pariétal, ces peintures rupestres ne sont-elles pas en même temps
contemporaines de l'apparition même de ce que nous appelons désormais l’humanité ? Une espèce
qui se reconnaît une conscience et partage un langage symbolique ?

2°) L'art est l'expression de la conscience de l'homme :

Hegel affirme que l’œuvre d'art trouve son origine dans la conscience que l'homme a de
lui-même : « L'universalité de l'œuvre d'art ne tient pas à autre chose que l'homme est un être
pensant et doué de conscience » (Introduction à l'Esthétique,1832). Tandis que les plantes, les
animaux, les rochers ne perçoivent pas leur propre existence, c'est précisément parce qu'il est
conscient de lui-même, que l'homme va chercher à retrouver dans le monde la preuve ou la trace de
ce qu'il est. En effet, l'homme est le seul être qui se sait être. S'il est ici et maintenant, dans le
monde, au même titre que les choses qui l'entourent, il en est conscient, c'est-à-dire qu'il a la
capacité de se saisir ou de se représenter comme étant là. Cependant, si l'homme en restait à cette
sortie du monde, il serait perdu pour lui-même et confronté à une réalité profondément étrangère.
C'est bien parce que la conscience va chercher à en prendre possession en transformant le monde
(par son travail) que l'homme va pouvoir se le rendre familier, mais aussi retrouver en lui la trace de
ce qu'il est, de son identité. Transformer le monde, c'est certes le marquer du sceau de la conscience,
mais c'est surtout en retour, se donner l'occasion de se saisir soi-même concrètement, objectivement,
et non plus seulement abstraitement par la pensée seule C'est donc bien la fonction de l'art que de
permettre à la conscience de faire ce mouvement d'extériorisation en prenant une forme
objective dans laquelle elle pourra se reconnaître. L'œuvre d'art est bien le moyen par lequel
l'homme donne une forme objective à sa pensée et peut se saisir, de la sorte, de lui-même.

3°) Quel but se donne l'art ?

« Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une représentation, une
conception née de l'esprit, de la manifester comme son œuvre propre. » (Hegel, Esthétique)
L'homme étant une « conscience malheureuse » selon le mot de Hegel, c'est-à-dire insatisfaite de la
réalité telle qu'elle se donne, l'esprit humain manifeste ici sa caractéristique la plus fondamentale :
la négativité, cette capacité à nier le donné naturel. On peut ainsi en déduire que tout ce que fait
l'homme est guidé par son insatisfaction puisqu’il ne veut rester tel que la nature l'a fait. L'art est
donc bien la visée d'autre chose car il y a cette insatisfaction à sa base et avec la création artistique,
l'homme manifeste sa caractéristique la plus fondamentale : la liberté de pouvoir dire non. Cette
caractéristique étant universelle, l'art est ainsi porteur de cette insatisfaction humaine face au réel. Il
est donc là pour donner aux idées une existence sensible, c'est-à-dire offrir au regard une
représentation de l'esprit humain, donner une expression sensible aux intérêts humains les plus
profonds. L'œuvre d'art doit être sensible car elle doit toucher la sensibilité et non seulement la
pensée ; elle doit avoir un contenu car elle est une intériorité extériorisée ; elle doit être un produit
de la représentation de l'esprit, c'est-à-dire avoir une forme visible. Une fois achevée, l'œuvre d'art
devient une chose matérielle, même si elle est issue d'un besoin spirituel. Son contenu doit être tel
qu'autrui reconnaisse en elle sa spiritualité. L'art est ainsi une spiritualité matérielle ou bien encore
l'œuvre est l'extériorité de l'intériorité. Cette spiritualité doit se donner à ressentir sous forme d'un
sentiment esthétique : on peut s'y projeter, y retrouver ses sentiments, ses préoccupations, les états
d'âme de sa propre conscience. L'œuvre d'art a bien un contenu spirituel car elle traduit
l'insatisfaction humaine face à sa condition et son besoin d'exprimer cette déchirure inscrite dans la
conscience. Avec sa forme sensible, elle veut rendre perceptible les intérêts humains les plus
profonds et leur conférer une forme matérielle qui puisse manifester sa soif d'absolu.

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4°) Le premier contenu de l'art est religieux :

C'est pourquoi le premier contenu de l'art est essentiellement religieux pour Hegel, car il
est l'expression de quelque chose d'absolu, de ce en quoi l'homme croit et qu'il a besoin de rendre
concret, sensible, imagé : l'art cherche à donner une valeur intelligible au sensible, il devient une
forme de réconciliation, une extériorisation des attentes humaines les plus absolues : « Il possède le
pouvoir de donner à ces idées une représentation sensible qui nous les rend accessibles ». Si le fait
que toutes les sociétés se sont données une représentation du divin semble incontestable, pourquoi
précisément l'ont-elles fait sous la forme artistique ? Pour la raison que l'homme ne veut en rester à
une représentation informelle du divin, de l'absolu mais il veut le rendre sensible en lui donnant une
valeur intelligible, en le contemplant, en le « ressentant » : « Les peuples ont déposé dans l'art leurs
idées les plus hautes et il constitue bien souvent pour nous le seul moyen de comprendre la religion
d'un peuple » (introduction à l'esthétique). Déchiré entre l'intelligible et le sensible, l'homme
cherche une réconciliation dans l'art. Avec cette conception, on comprend que l'art n'est en rien
une activité secondaire, périphérique, anecdotique qui aurait occupé le loisir de l'homme sitôt les
préoccupations vitales surmontées mais qu'il est au contraire, une activité hautement humaine, la
marque même de sa spiritualité et de sa condition d'homme.

5°) L'art est une étape :

Dès lors, le problème se pose de savoir ce que l'homme peut attendre de l'art. Néanmoins,
cette question en soulève une autre : qu'est-ce que l'homme attend ? Selon Hegel, l'attente de
l'homme est métaphysique car sa préoccupation essentielle et fondamentale est de s'interroger sur
l'absolu, la vérité, le bien et le mal..., questionnement que l'on retrouve dans les mythes, les
religions, les philosophies. Cependant, pour Hegel, l'art se révèle insuffisant à répondre à notre
soif d'absolu car il rencontre deux difficultés : sa forme sensible doit être traduite, explicitée ; il
demeure une séparation entre l'œuvre et l'artiste tout comme entre l'œuvre et le public. En elle-
même, une œuvre d'art n'a ni conscience ni connaissance d'elle-même. C'est le public qui lui donne
vie, en tant qu'œuvre elle ne peut faire l'objet d'un véritable culte car nous savons qu'elle est sans vie
et que c'est nous qui lui communiquons cette vie. De plus, l'homme ne se contente pas seulement
d'image, mais il veut une explication à sa condition humaine. Et ce point de vue, la religion lui
fournit la première réponse. Ensuite, il cherche une union entre le fini (l'homme) et l'infini (Dieu),
besoin auquel la religion tente de répondre par l'exercice du culte, en étant l'intermédiaire entre
l'homme et le ciel. Ainsi l'art n'est-il selon Hegel, qu'une étape vers le savoir absolu. Avec la
religion et la philosophie, il manifeste ce souci de savoir absolu qu'exprime l'homme face à
l'inconfort de sa condition. La philosophie démontre et clarifie par le concept ce qui était exprimé
par le sensible dans l'art ou symbolique et métaphorique dans la religion. Finalement, l'homme
parle de Dieu selon trois langages :
– Sensoriel ou sensible : l'art
– Imagé ou parabolique : la religion
– Abstrait ou conceptuel : la philosophie

Finalement, l'œuvre d'art se réduit à son intention. Si la beauté artistique fait sens, c'est qu'elle
est œuvre de l'esprit par opposition à la beauté naturelle. Avec elle, on va pouvoir se projeter, se
poser des questions sur la finalité de l'artiste. Pour Hegel, la beauté fait sens car elle renvoie à un
horizon de valeurs. Dans la contemplation de la beauté formelle, il y a une idée de l'existence.
Cependant, si cette beauté fait sens, elle fera moins sens que la religion et la philosophie. En lui
prêtant cette finalité spirituelle, en le rattachant à une quête de sens, et à la vérité, Hegel annonce
la mort de l'art qui ne pourra rester qu'un moment, qu'une étape insuffisante vers le savoir absolu.
La beauté devient l'état complexe et mystérieux d'une vérité qui tarde à se révéler.

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