DHuart Angelique 2019 ED101
DHuart Angelique 2019 ED101
DHuart Angelique 2019 ED101
l’épreuve de la pratique
Angélique d’Huart
Le principe du contradictoire
et le juge des enfants
A l’épreuve de la pratique
RAPPORTEURS :
Monsieur Philippe BONFILS Professeur, Université d’Aix-en-Provence
Monsieur Marc PICHARD Professeur, Université de Paris, Nanterre
1
2
3
L’Université de Strasbourg n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises
dans cette thèse. Ces opinions devront être considérées comme propres à leur auteur
4
5
« Pour accéder à la connaissance, il est besoin autant du cœur
que de la raison », Pascal
6
7
Remerciements
8
Je remercie les doctorants et docteurs en droit de l’Université de Strasbourg, qui ont pu
partager leur expérience avec moi : Emilie Ehrengarth, Emilie Thomas, Silvain Vernaz,
Ludovic Wetley, François Chabas, Sophie Kraemer, Guillaume Chétard et Pierre Gio.
J’exprime ma profonde gratitude à mes parents, Éric et Barbara d’Huart, et à mes sœurs,
Marie-Caroline, Claire et Elise d’Huart, sans qui je n’aurais pu atteindre mon objectif.
Je remercie mes amis et connaissances pour leur présence, leur patience, leur écoute et leur
soutien : Carmen Palermo pour sa présence et pour nos séances de travail hebdomadaires,
Pierre Vouillemont pour son humour, Ombeline Krieger pour nos discussions, Amandine
Brion pour nos séances de sport, Justine Paris, Camille Johannsen, Anna Verger, Rachel
Finitzer pour son soutien, Florie Fancello, Alexia Dillenschneider, Isabelle Norroy, Caroline
Chamby, Myriam Petrel, Caroline Maillard, Bareza Diab, Catia Eugenio, Céline Bugala,
Clotilde Brangbour, Maëlle Gresset, Constance Lanoy, Cyrielle Gallet, Delphine Guillaume,
Delphine Miotto, Elissa Hammnouche, Estelle Ortega, Estelle Wendel, Flore Beaux, Gaëlle
Leborgne, Gwenaëlle Antoine, Iya Marktoplichvili, Jalila Aissaoui, Jean Staechele, Lucile
Pinet, Jeanne Rolin, Jennifer Barth, Judicaël Mombled, Caroline Rinck, Karin Nielsen,
Ludivine Dietrich, Marianne Fixaris, Marie Diamoneka-Lebeault, Mélissa Carniel, Nadège
Pétringer, Noëlla Richard, Pauline Benamor, Raïssa Frish, Victoire Selvanayagom, Jean-René
Gnagnaprégassin et Wissal Yahiaoui.
Je remercie enfin toutes les personnes qui ont bien voulu m’assurer de leur soutien.
9
10
Sommaire
Sommaire ............................................................................................................................ 11
Liste des principales abréviations .................................................................................... 13
Introduction ....................................................................................................................... 17
Partie 1 ................................................................................................................................ 25
La définition du contradictoire, principe fondamental du procès devant le juge des
enfants ..................................................................................................................................... 25
Titre 1 – La difficulté de définir le principe du contradictoire devant le juge des enfants
.............................................................................................................................................. 27
Chapitre 1 - Le rôle du contradictoire : une méthode particulière et obligatoire de
conduite du procès devant le juge des enfants ................................................................. 29
Conclusion du chapitre ................................................................................................ 76
Chapitre 2 - Le contenu du contradictoire ................................................................... 77
Conclusion du chapitre .............................................................................................. 132
Conclusion du titre......................................................................................................... 134
Titre 2 - La spécificité du principe du contradictoire devant le juge des enfants .......... 135
Chapitre 1 - L’adaptation à la place de l’enfant en justice ........................................ 137
Conclusion du chapitre .............................................................................................. 170
Chapitre 2 - L’adaptation au contentieux relatif à l’enfant ........................................ 173
Conclusion du chapitre .............................................................................................. 216
Conclusion du titre......................................................................................................... 218
Conclusion de la partie 1 ................................................................................................... 219
11
Titre 2 - La contribution à la garantie du contradictoire par les intervenants auprès de
l'enfant ................................................................................................................................ 289
Chapitre 1 - Les auxiliaires de justice, acteurs du contradictoire au tribunal ............ 291
Conclusion du chapitre .............................................................................................. 332
Chapitre 2 - Les administrations, facilitatrices du contradictoire en dehors du tribunal
........................................................................................................................................ 335
Conclusion du chapitre .............................................................................................. 365
Conclusion du titre......................................................................................................... 366
Conclusion de la partie 2 ................................................................................................... 367
12
Liste des principales abréviations
D. Recueil Dalloz
Décr. Décret
Dév. et soc. Revue Déviance et société
Dir. Sous la direction de
Doctr. Doctrine
Dr. fam. Revue de droit de la famille
Dr. pén. Revue de droit pénal
DUDH Déclaration universelle des droits de l’homme
13
Ed. Edition
ENM Ecole nationale de la magistrature
ENPJJ Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse
Ex. Exemple
Fasc. Fascicule
L. Loi
LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence
LPA Les petites affiches
N° Numéro
NCPC Nouveau Code de procédure civile (ancien)
Obs. Observation
Op. cit. Opus citatum : référence déjà citée
Ord. Ordonnance
Org. Organique
p. Page
Préc. Précité
Prés. Sous la présidence de
PUF Presses universitaires de France
PUR Presses universitaires de Rennes
R. Recueil Lebon
Rapp. Rapport
RDSS Revue de droit sanitaire et social
Rép. Répertoire
Rev. Jurid. Ouest Revue juridique de l’Ouest
RJFP Revue Lamy juridique personnes et famille
RSC Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
14
s. Suivant(s)
Somm. Sommaire
t. Tomme
TAP Tribunal de l’application des peines
TGI Tribunal de grande instance
TI Tribunal d’instance
TPE Tribunal pour enfants
V. Voir
Vol. Volume
15
16
Introduction
2. Le terme contradictoire -du latin contradictorius- peut être entendu sous plusieurs
acceptions1. Il s’agit d’abord de ce qui contredit une affirmation ou un fait : des théories
contradictoires. Ensuite, c’est le lieu d’une opposition d’opinions : un débat contradictoire.
Enfin, c’est ce qui renferme en soi-même une contradiction : un témoignage contradictoire.
Quant au terme contradiction -du latin contradictio- il désigne un échange d’idées entre des
personnes en désaccord2.
La contradiction est traduite par l’expression « Audi alteram partem »3 : « écoute l’autre
côté ».
3. Il est courant de penser que toute chose contradictoire relève du négatif ou de l'erreur.
Fondamentales, les contradictions existent indubitablement dans la réalité et en toute
discipline. Par exemple, Descartes explique la contradiction de l'être humain par la dualité
âme / corps4. La physique quantique décrit le principe de non-contradiction comme
l’interdiction d'affirmer et de nier le même phénomène5. La psychanalyse contrebalance
chaque argument afin d'expliquer le psychisme humain6.
La contradiction apparaît en outre comme la caractéristique même de la post-modernité7.
1
Conf. dir. A. REY et J. REY-DEBOVE, Nouvelle édition du Petit Robert de Paul Robert. Dictionnaire de la langue
française, Le Robert, Paris, 2019, p. 528 ; sous la dir. de S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes
juridiques 2019-2020, Dalloz, Paris, 2019, p. 844.
2
Conf. A. REY et J. REY-DEBOVE, Nouvelle édition du Petit Robert de Paul Robert. Dictionnaire de la langue
française, op. cit., p. 528.
3
V. par exemple O. SCHRAMECK, « Quelques observations sur le principe du contradictoire », in L’Etat de droit.
Mélanges en l’honneur de G. Braibant, Dalloz, Paris, 1996, p. 629.
4
V. l’ouvrage de R. DESCARTES, Méditations métaphysiques, Les intégrales de philo, n° Méditation sixième,
1999.
5
V. l’ouvrage d’ ARISTOTE, Métaphysiques, 1005, , n° Gamma, 1991, pp. 19-20.
6
V. l’ouvrage de C. FIERENS, Le discours psychanalytique, 2012.
7
« La post-modernité est un concept de sociologie historique qui sert à désigner la dissolution, survenue dans
les sociétés contemporaines occidentales à la fin du XXe siècle, de la référence à la raison comme totalité
transcendante. De cette fin de la transcendance résulte un rapport au temps centré sur le présent, un mode
17
L'anthropologie affirme que dans notre société post-moderne, la vérité n'émane plus d'un seul
sage et n'est plus unique8. Elle invite l'homme à s'ouvrir à plusieurs théories possibles. Si
l’une démontre qu'elle peut répondre à telle question, une autre peut également présenter un
intérêt. Chacune d'entre elles apporte un élément de réponse à prendre en considération. De
même, le messager de la vérité n'est plus exclusivement sage ou sachant, il peut aussi être
profane.
Les supports de recherche de la vérité se sont multipliés. Internet a révolutionné le mode de
recherche en rendant l'information rapidement accessible, mais pas toujours fiable. Ainsi, des
arguments variés proviennent de ce support et mettent le messager et le bénéficiaire de
l'information face à de multiples réponses.
Les méthodes éducatives, bouleversées par la post-modernité, ont engendré des
mouvements qui ont troublé l’étude des relations parents-enfants. Selon qu’elles sont fondées
sur le mode vertical (l'autorité provient du parent) ou sur le mode horizontal (l'enfant et le
parent sont au même niveau et l'entente provient d'un échange), la réponse apportée et son
impact sur la relation varient. Ces réflexions sont transposables à la relation magistrat-enfants.
Grâce à internet, parents et enfants ont facilement accès à leurs droits respectifs dans le
cadre d’une procédure. Afin de protéger leurs enfants de la provenance de l'information et des
dangers y afférant, les parents doivent faire preuve de vigilance et apprendre à leurs enfants à
opérer un tri et à vérifier la fiabilité de la source. Ces modes de fonctionnement de la société
post-moderne et les configurations parentales variantes ont un impact direct sur les méthodes
éducatives et sur la considération de l’enfant dans la société.
inédit de régulation de la pratique sociale, et une fragilisation des identités collectives et individuelles ». Elle
implique « un nouveau mode de régulation des pratiques sociales et de reproduction des rapports sociaux
découlant des contradictions de la modernité politique et institutionnelle » ; in
http://www.histophilo.com/postmodernite.php, consulté le 19 juin 2019.
8
S. ESCOT, « Les nouvelles formes de parentalité - formation continue Pôle territorial de formation Protection
judiciaire de la jeunesse », janv. 2017.
9
L. n° 2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.
18
5. L'introduction dans le procès d’une notion aussi humaine que la contradiction fait naître
des interrogations. La question est de savoir de quelle façon la contradiction s'intègre dans le
droit et comment le droit est adapté à la contradiction.
Le procès est organisé selon des règles, une logique et un fonctionnement juridictionnel. Si
l’on applique la pensée de Hegel, selon laquelle « toute chose est en soi-même
contradictoire »11, le procès serait donc en lui-même également contradictoire.
La pratique met en évidence que le procès peut parfois manquer parfois d'humanité.
L'application des principes procéduraux peut conduire le justiciable à considérer le procès
comme mécanique. Toutefois, l'un et l'autre ne semblent pas incompatibles. Au contraire, le
contradictoire et l’humanité peuvent se nourrir mutuellement afin de rendre le procès plus
compréhensible et plus lisible. Ainsi, l'humanité du procès peut venir adoucir l'application
mécanique de la procédure. A l’appui de cette argumentation, il est intéressant de prendre en
compte les mécanismes de la contradiction.
10
P. CONTE, 3 questions à Philippe CONTE, à propos de procédure pénale, JCP G, 24 sept. 2018, n° 39, p. 1001.
11
V. l’ouvrage de G.W.F. HEGEL, Logik, Gl, , n° 4, 1812.
12
O. SCHRAMECK, « Quelques observations sur le principe du contradictoire », op. cit., p. 629.
13
V. l’ouvrage de S. GUINCHARD et al., Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Dalloz, Paris, 2019.
14
O. SCHRAMECK, « Quelques observations sur le principe du contradictoire », op. cit., p. 629.
19
Il est communément admis que la contradiction existe depuis toujours dans les pratiques
juridictionnelles15, celles-ci ayant progressivement donné lieu à une concrétisation officielle
dans des textes de lois. Elles garantissent par là-même son implication systématique dans le
procès et renforcent les droits des bénéficiaires16.
15
M. HUYETTE, « Le contradictoire en assistance éducative », D., 1998, p. 219.
16
Ce mouvement eut lieu eu début des années 2000, à la suite de l’adoption de loi dite des droits des usagers
n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, qui intégra des dispositions spécifiques
dans le Code de l’action sociale et des familles relativement à leurs droits dans les procédures.
17
Les auteurs désignent cette notion de manière différente en fonction de l’appellation choisie, v. en ce sens L.
ASCENSI, Du principe de la contradiction, L. G. D. J., 2006 ; M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du
contradictoire - Droit processuel, Paris, Paris II, 9 juin 1988 ; L. MINIATO, Le principe du contradictoire en droit
processuel, L. G. D. J 2008.
18
https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/piece-non-visee-dans-les-ecrits-violation-du-principe-de-la-
contradiction/h/7de9d49c91f55f4e2b0b0447da472dc9.html#guinchard, consulté le 19 juin 2019.
19
V. l’ouvrage de S. GUINCHARD, F. FERRAND et C. CHAINAIS, Procédure civile, Dalloz, n° 4ème éd., 2015.
20
G. BOLARD, « Principe des droits de la défense », in Droit et pratiques de la procédure civile, Dalloz action,
2018 2017, p. 872 et 873 : il est aussi dit que les droits de la défense sont le corollaire du principe du
contradictoire, in H. VIZIOZ, Etudes de procédures, D., reproduction éd. Brières, 1956 2011, p. 447.
21
L. MINIATO, « La consécration du principe du contradictoire par le décret du 20 août 2004 portant
modification de la procédure civile », Dalloz, 2005, p. 308 et s.
20
9. L'existence du principe du contradictoire et son application devant la justice engendrent
des droits pour les justiciables. Or, l’accès à ces droits dépend de leur compréhension du
monde judiciaire. Le principe du contradictoire est différemment pris en compte et appliqué
devant le juge des enfants. Cette spécificité est due en premier lieu à la particularité de la
nature de cette justice et des objectifs qu'elle cherche à atteindre. Elle est due en second lieu à
la particularité de la personne de l'enfant, partie principale à l'instance civile ou pénale,
individu dont la particulière vulnérabilité nécessite protection. La justice doit alors trouver un
équilibre entre « une nécessaire assistance à l'enfant en danger et un aussi nécessaire respect
de la vie privée des familles »22.
Le terme « enfant » est polysémique23. L’enfant est non seulement considéré par son âge,
mais aussi par sa filiation24. Il est le petit homme, mais aussi le petit d’homme. La prise en
compte de telle ou telle considération détermine la protection à lui attribuer. Il est caractérisé
par sa vulnérabilité, par son manque de discernement et d‘autonomie, ce qui le conduit à être
protégé par autrui25. Par son ou ses liens de filiation, sans considération d’âge, il est défini à
travers un lien de parenté qui va déterminer ses droits à l’égard de chacun de ses parents 26. Le
terme enfant vient du latin infans : celui qui ne parle pas. Il désigne l’être humain dans l’âge
de l’enfance, période non définie clairement. Le terme mineur vient du latin minor et désigne
celui qui n’a pas atteint l’âge de la majorité. Cette dernière acception, plus précise et définie
par un seuil d’âge, s’adapte mieux au domaine juridique. Dans son article 2, s’alignant sur la
Convention internationale des droits de l’enfant et sur la Convention de La Haye de 1996 sur
la protection de l’enfant, le nouveau règlement « Bruxelles II ter » a introduit une nouvelle
définition matérielle de l’enfant, précisant qu’il s’agit de toute personne âgée de moins de 18
ans27.
10. En outre, le principe du contradictoire nécessite des adaptations pour rendre cette
logique du procès accessible. L’augmentation des droits et garanties offerts aux mineurs a pu
donner lieu à des débats. Par exemple, lors du procès d'Outreau, la question a été posée de
savoir si la parole de l'enfant n'avait pas été prise en compte de manière excessive, au
22
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, Toulouse : Privat, 1991, p. 23.
23
M. PICHARD, « L’enfant : à propos d’une polysémie », in Au-delà des codes : mélange en l’honneur de Marie-
Stéphane PAYET, Dalloz, 2012, p. 469.
24
Ibid., p. 470.
25
Ibid., p. 472.
26
Ibid., p. 476.
27
E. GALLANT, « Le nouveau réglement “Bruxelles II ter” », AJ famille, 2019, p. 401.
21
détriment de l’enfant lui-même et de l'efficacité de l’enquête. Le droit d’être entendu28 se
distingue du droit d’être écouté, qui suppose une adhésion, totale ou partielle, aux déclarations
de l’enfant.
11. La contradiction devant le juge des enfants existe. Mais sa mise en œuvre est
particulière pour différentes raisons. La prise en considération de l'enfant et des membres de
sa famille impose que les professionnels de justice s'adaptent pour la leur rendre accessible. Il
s'agit d'un mouvement permanent entre les textes et le justiciable, opéré par les
professionnels. La particularité du contentieux civil o bu pénal relatif à l'enfant consiste dans
le prononcé de mesures éducatives, ce qui engendre une souplesse et une adaptation dans la
mise en œuvre de la contradiction.
Il résulte des éléments donnés par les praticiens que le contradictoire émerge notamment
d'une culture générale de professionnels qui y participent. Les magistrats attendent des
organismes partenaires qu’ils concourent à la mise en œuvre du contradictoire auprès des
familles, et facilitent ainsi la transparence des rapports entre particuliers et professionnels. Le
respect du principe du contradictoire dépend alors autant des services du conseil
départemental, que du secteur public et du secteur associatif habilité de la Protection
judiciaire de la jeunesse29.
Le droit pénal des mineurs dispose de principes directeurs propres en raison de la prise en
compte de l’enfant comme auteur d’infraction30. Devant le juge des enfants, le principe du
contradictoire s’impose dans le cadre de l'assistance éducative, alors qu’en matière pénale, le
principe des droits de la défense prédomine, ce qui engendre chez les magistrats une attention
particulière accordée au principe du contradictoire dont certains aspects sont plus imprécis.
28
N. CAYROL, Procédure civile, Dalloz, Paris, 2017, p. 45 et s.
29
Le conseil départemental gère l’Aide sociale à l’enfance (l’ASE), qui coordonne la prise en charge
administrative et judiciaire des enfants confiés à cette administration. Le Ministère de la justice comprend une
direction en son sein, la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Cette administration coordonne la prise en
charge uniquement judiciaire des enfants confiés. Etant une administration de l’Etat, elle répond à des
impératifs budgétaires, qui proviennent de fonds publics. En parallèle, un réseau de structures intervient pour
la prise en charge judiciaire de l’enfant. Ces structures et services sont gérés par des associations, dont
l’activité est financée par des fonds privés, provenant d’associations. Dans le cadre de sa mission, le juge des
enfants a le choix entre confier des enfants à des structures du secteur public ou à des structures du secteur
associatif. Ce choix dépend à la fois de spécificités du service (prise en charge en fonction de l’âge de l’enfant)
et du budget dont les services disposent. Ainsi, le conseil départemental comprend l’Aide sociale à l’enfance. Le
secteur public comprend la Protection judiciaire de la jeunesse. Le secteur associatif habilité est composé des
services d’action éducative en milieu ouvert et des services d’action éducative et d’investigation.
22
12. La modernisation de la justice et le développement des moyens technologiques donnent
un nouveau souffle au fonctionnement des tribunaux et l’intelligence artificielle permet de
dépoussiérer une institution ancienne. Certains fonctionnements du travail privé s’intègrent
également progressivement dans le service public.
Il est alors plus que jamais d'actualité de s'interroger sur l'impact de ces nouveautés sur les
professionnels et sur les usagers du service public, ce qui semble laisser entrevoir une
conséquence directe sur le contradictoire dans le procès. Nous nous poserons par conséquent
la question de savoir comment ces nouvelles méthodes d'organisation du droit ont une
incidence sur le contradictoire31.
L’ordonnance n° 2019-950 portant partie législative du Code de la justice pénale des
mineurs a été publiée au Journal officiel du 13 septembre 2019 et n’entrera en vigueur qu’au
1er octobre 202032. La présente recherche prend en compte les modifications connues à la date
de la rédaction. La version du projet du nouveau code a d’ores et déjà été rendue publique33.
Concernant la matière pénale, notre étude porte majoritairement sur l’analyse des dispositions
de l’ordonnance du 2 février 1945.
13. L’objet de la présente recherche est donc de définir le principe du contradictoire devant
le juge des enfants afin d’en étudier la mise en application par les acteurs judiciaires.
L’intérêt de cette étude réside dans l’appréhension de la notion de contradictoire à la fois
dans les champs civil et pénal, situés au cœur de l’intervention du juge des enfants. Par
ailleurs, le respect du principe est attrayant en raison de son adaptation à l’enfant.
Le juge des enfants et le respect du principe du contradictoire paraissent difficilement
conciliables. Certains dénoncent le manque d’humanité engendré par le principe du
contradictoire alors que d’autres valorisent son existence en y voyant le respect des droits et
des garanties des justiciables.
30
V. en ce sens la thèse de S.-C. LIN, Les principes directeurs du droit pénal des mineurs délinquants, Aix-en-
Provence, Aix-Marseille, 2017.
31
Ces nouvelles méthodes d’organisation peuvent avoir un impact sur la manière de convoquer les parties et
les tiers par informatique, sur la constitution du dossier, sur les échanges de pièces et sur l’avènement de la
décision.
32
« Présentation de la justice pénale des mineurs », JCP G, sept. 2019, n° 39, p. 945 ; L. GARNERIE, « Publication
de l’ordonnance créant un Code de la justice pénale des mineurs », Gaz. Pal., sept. 2019, n° 31, p. 5 ; S.
JACOPIN, « La codification de la justice pénale des mineurs: entre continuité(s) et rupture(s) », LPA, oct. 2019,
n° 203, p. 6 et s. ; L. GEBLER, « Principales nouveautés introduites par le code de justice pénale des mineurs »,
AJ famille, 2019, p. 484.
33
P. JANUEL, « Le projet de code de justice pénale des mineurs », Dalloz actualité, juin 2019.
23
14. La réflexion sur le principe du contradictoire s’articule de la manière suivante.
Une première partie a pour objet de définir le principe du contradictoire devant le juge des
enfants en ce qu’il a vocation à s’adapter à la place de l’enfant dans la procédure et au
contentieux relatif au mineur. Difficile à synthétiser, cette définition est donc spécifique. Des
pistes de réflexion sont ainsi proposées afin d’en éclairer le contenu et le champ d’application.
Une seconde partie tend ensuite à examiner l’application du principe du contradictoire
devant le juge des enfants. Elle suscite en effet des difficultés d’ordre juridique et pratique.
Des suggestions sont ici encore proposées pour permettre une meilleure lecture du processus
juridictionnel et une meilleure compréhension entre les acteurs du contradictoire, à
commencer par l’enfant lui-même.
15. Nous verrons que cette application est largement tributaire des moyens dont disposent
les juridictions.
L'analyse de la loi et de la théorie a été confrontée aux pratiques professionnelles du
tribunal de grande instance de Metz, qui est de taille moyenne. Or, les pratiques
professionnelles ne sont pas identiques sur tout le territoire français. Les conclusions de
l’étude ne prétendent donc pas avoir un caractère universel. Mais si cela relativise
quantitativement les pistes d’amélioration proposées, il n’en demeure pas moins qu’elles sont
susceptibles d’inspirer d’autres ressorts juridictionnels.
24
Partie 1
La définition du contradictoire, principe
fondamental du procès devant le juge des
enfants
16. La présente recherche concerne l'analyse d'un principe de droit du procès au regard de la
pratique d’une juridiction en particulier : le juge des enfants. La définition du principe du
contradictoire est un exercice complexe qui se caractérise par sa variabilité et une certaine
imprécision. Pour autant, c’est parce que le contradictoire est un principe qu’il est également
un cadre fondamental pour diriger le procès devant le juge des enfants.
Derrière le principe du contradictoire se cache une réalité particulière. Applicable dans
toute procédure civile et pénale, il prend une résonance spécifique lorsqu’il touche à la justice
des mineurs.
L'accent sera mis sur la définition abstraite du contradictoire, avant d’en esquisser une
définition distincte en matière civile et en matière pénale parce que la définition du principe
diffère selon le contentieux.
Devant le juge des enfants, la définition du principe du contradictoire est à la fois difficile
à réaliser (Titre 1) et spécifique (Titre 2).
25
26
Titre 1 – La difficulté de définir le principe du
contradictoire devant le juge des enfants
17. La définition du contradictoire auprès du juge des enfants est incertaine, imprécise et
diverse. C’est pourquoi de multiples aspects sont à envisager.
Evolutive, la définition actuelle diverge de la définition originelle. En effet, il s’agit d’une
pratique consacrée par les textes et qui a évolué dans la loi sous l’impulsion des auteurs et
sous l’influence de la Convention européenne des droits de l’homme, jusqu’à être élevée au
rang de véritable principe général de droit.
34
C. AMBROISE-CASTEROT et P. BONFILS, Procédure pénale, PUF, Paris, 2018, p. 377.
27
28
Chapitre 1 - Le rôle du contradictoire : une méthode
particulière et obligatoire de conduite du procès devant
le juge des enfants
18. Il s’agit de la fonction remplie par le contradictoire, dont la qualification varie selon
qu’elle est envisagée par la loi ou par les auteurs.
La définition dégagée rend alors plus clair le rôle du contradictoire dans la procédure.
19. Il serait vain d'étudier le rôle du principe du contradictoire auprès du juge des enfants,
sans s’arrêter un instant sur la théorie générale de l'instance, particulièrement sur certains
principes qui gouvernent la conduite du procès.
Le principe du contradictoire apparaît comme une méthode générale de conduite du procès,
particulière et néanmoins obligatoire devant le juge des enfants. Cette méthode répond à
plusieurs phases déterminées par la loi. Il est essentiel que ce processus s’organise afin de
garantir le respect des droits des justiciables.
20. Les règles relatives au respect du principe du contradictoire et la façon dont il est utilisé
varient en fonction du caractère oral ou écrit de la procédure, ce qui dépend de la juridiction
compétente.
La procédure, orale devant le juge des enfants, tient compte des éléments versés aux
débats. Le juge vérifie que le principe du contradictoire a été respecté en veillant que chacune
des parties ait pu prendre connaissance des arguments de l’adversaire et les discuter.
21. Tenant compte de la protection de l'enfant, quel que soit le cadre d'intervention, le
traitement du litige par le juge rend le rôle du contradictoire particulier. Le juge doit rendre la
procédure légale, juste, et la résolution du conflit humaine, sociale et éducative.
Le rôle du contradictoire se manifeste dans le schéma général du procès devant le juge des
enfants (Section 1) et se vérifie dans les finalités du procès (Section 2).
29
Section 1 - Le schéma général du procès devant le juge des enfants
Le rôle du contradictoire se manifeste aussi bien dans l'engagement du procès (§1) que
dans sa conduite et son aboutissement (§2).
23. L'engagement du procès se caractérise par l'action et par la demande en justice, dont les
règles générales sont essentielles à l’organisation de la procédure35. Elles traduisent la
philosophie qui imprègne sa conduite.
Les actes accomplis découlent de ces règles générales. Leur définition et leur régime ne
sont pas plus précis.
35
S. GUINCHARD, F. FERRAND et C. CHAINAIS, Procédure civile, Dalloz, 2017, p. 408 et s.
36
N. CAYROL, Procédure civile, op. cit., p. 270 et s.
30
toujours respecter le contradictoire et les droits de la défense, et le jugement »37. Ces règles se
déclinent à travers la garantie de droits de procédure, que sont notamment le droit à un procès
équitable et le droit à un recours effectif. Seul nous intéresse ici le droit à un procès équitable.
Son champ d'application concerne tant la matière civile38 que la matière pénale39 et comprend
à la fois des garanties générales et des garanties propres aux parties ou à l'accusé. Nous allons
en tracer les limites afin de déterminer où apparaît le contradictoire.
Les garanties générales sont le droit à un tribunal, l'égalité des armes, le droit à une bonne
administration de la justice, et le droit à l'exécution des décisions de justice.
En matière pénale, dans les garanties propres à l'accusé se trouvent le droit à la
présomption d'innocence et les droits de la défense.
Le principe du contradictoire est souvent confronté aux droits de la défense. Il convient de
les dissocier et de les hiérarchiser, afin de mieux comprendre le sens de ces deux notions. Le
principe du contradictoire implique la liberté pour les parties, leurs représentants ou leurs
défenseurs de faire connaître au juge tout ce qui est nécessaire ou utile au succès de leurs
demandes40. En outre, un tribunal doit fonder sa décision sur des éléments de preuve connus et
discutés par toutes les parties41.
25. Les règles qui font l'objet de notre étude ne sont pas exhaustives, le choix ayant été fait
de n'étudier que celles qui paraissent pertinentes au regard du sujet.
26. Les garanties générales résultant du droit à un procès équitable sont le droit à un
tribunal42, l'égalité des armes43, le droit à une bonne administration de la justice44, et le droit à
37
M.-A. FRISON-ROCHE, W. BARANES et J.-H. ROBERT, « Pour le droit processuel », Dalloz, 1993, p. 9 et s.
38
CEDH, LE COMPTE, VAN LEUVEN et DE MEYERE c/ BELGIQUE, 23 juin 1981, requêtes n° 7299/75 et 7496/76.
39
La CEDH prévoit alors les sanctions administratives et fiscales dans le cas de non-respect du procès équitable.
40
H. VIZIOZ, Etudes de procédures, op. cit., pp. 443 et 444.
41
Ibid., p. 446.
42
CEDH, GOLDER c/ Royaume-Uni, 21 févr. 1975, n° 4451/70 pour le droit d'accès à un tribunal.
43
CEDH, BORGERS c/ Belgique, 30 oct. 1991, 12005/86 et NIDERÖST c/ Suisse, 18 févr. 1997, 18990/91.
31
l'exécution des décisions de justice45.
La garantie du contradictoire est un élément de l'égalité des armes 46 et un aspect des droits
de la défense47.
Pour mener à bien cette étude, il est nécessaire d’envisager le principe du procès équitable
(a) avant de situer le contradictoire au titre de l’égalité des armes (b).
28. La Cour européenne des droits de l'homme s’est prononcée sur le principe du
contradictoire : elle s’est interrogée sur la compatibilité des fonctions du parquet général près
de la Cour de cassation et des commissaires du gouvernement devant le Conseil d’État avec
les exigences du procès équitable50, au cours de la phase d’instruction et au cours du
44
CEDH, HAUSCHILDT c/ Danemark, 24 mai 1989, 10486/83, pour l'indépendance et l'impartialité du tribunal,
et PRETTO c/ Italie, 8 déc. 1983, 7984/77, pour la publicité et la célérité de la procédure, in notamment S.
GUINCHARD et al., Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, op. cit., p. 1038.
45
CEDH, HORNSBY c/ Grèce, 19 mars 1997, 18357/91.
46
S. GUINCHARD et al., Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, op. cit., p. 1112 et s.
47
S. GUINCHARD, F. FERRAND et C. CHAINAIS, Procédure civile, Dalloz, 2017, p. 353 ; E. DREYER et O.
MOUYSSET, Procédure pénale, 2019, p. 63 et s. ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, LexisNexis,
Paris, 2018, p. 483 et s. ; S. GUINCHARD et al., Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, op. cit., p. 1122
et s.
48
V. par exemple G. FLECHEUX, « Le droit d’être entendu », in Etudes offertes à P. Bellet, Litec, Paris, 1991, p.
149 et s. ; S. GUINCHARD et al., Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, op. cit., p. 541 et s.
49
S. GUINCHARD, « Le procès équitable : garantie formelle ou droit substantiel? », in Philosophie du droit et
droit économique : quel dialogue? Mélanges en l’honneur de G. Farjat, Paris, 1999, p. 139 et s.
50
CEDH, BORGERS c/ Belgique, 30 oct. 1991, in I. PINGEL et F. SUDRE, Le ministère public et les exigences du
procès équitable, Droit et justice, n° 44, 2003 et in S. GUINCHARD et al., Droit processuel. Droits fondamentaux
du procès, op. cit., p. 1098.
32
délibéré51. Les réponses trouvées par la Cour européenne des droits de l’homme ont conduit à
certaines modifications concernant l’exercice de ces fonctions52. L'arrêt Borgers c/ Belgique
du 30 octobre 1991 de la Cour européenne des droits de l’homme a rompu avec la
jurisprudence antérieure Delcourt c/ Belgique du 17 janvier 197053, et cette tendance s’est
poursuivie avec l'arrêt Kress c/ France du 7 juin 200154.
La Cour européenne des droits de l’homme a explicité les garanties offertes par l'article 6
concernant le procès équitable en matière pénale55 en décidant que lorsqu'un système national
« qualifie un fait, ouvertement, d'infraction pénale, l'inscrit par exemple dans son Code pénal,
établit la compétence de ses juridictions pénales, il est clair que les garanties de l'article 6
doivent entrer en jeu ». Or, « puisque le concept de procès équitable englobe le caractère
contradictoire de la procédure, on doit conclure que, sur le fondement du droit européen des
droits de l'homme aussi, la notion de contradiction s'applique en procédure pénale »56.
29. La Cour s’est également prononcée sur les garanties offertes par l’article 6 à propos du
procès équitable en matière civile. Ainsi, elle a jugé que « le droit à un procès équitable doit
être respecté lorsqu’un tribunal est appelé à décider soit des contestations sur des “droits et
obligations de caractère civil”, soit du bien-fondé de toute accusation en “matière pénale” ».
En effet, la Cour interprète de manière autonome les notions de matière civile et pénale, en
51
I. PINGEL et F. SUDRE, Le ministère public et les exigences du procès équitable, Droit et justice, n° 44, 2003, p.
41 : « Tour à tour, les cours de cassation belge, néerlandaise, française, la Cour suprême portugaise, le Conseil
d’État français, ont été touchés par la jurisprudence européenne et nul ne doute que la Cour de justice [de
l’Union européenne] ne soit également visée ». « Ce faisant, la Cour européenne “s'est engagée dans une
politique jurisprudentielle qui condamne les juges qui ne sont ni partie (procureur) ni juge délibérant”,
n'hésitant pas à déstabiliser les institutions qui, pour insolites qu'elles puissent paraître, correspondent à des
traditions qui ont fait leur preuve dans le droit national et dont on n'avait guère le sentiment qu'elles
mettraient en péril les droits du justiciable. De surcroît, cette remise en cause du ministère public débride très
largement le périmètre des seules juridictions supérieures et, par l'effet de diffusion en droit interne qui
s'attache inéluctablement à l'article 6 §1 et aux notions de “matière civile” et de “matière pénale”, produit des
effets non seulement dans les juridictions du fond mais aussi “hors les juridictions ordinaires”, qu'il s'agisse des
juridictions spécialisées […] ou des autorités administratives indépendantes ».
52
Ibid., p. de garde : « le rôle que les représentants du parquet général remplissent à la Cour de cassation,
comme celui des commissaires du gouvernement près le Conseil d’État de France, a été progressivement remis
en question au regard de sa compatibilité avec celles du procès équitable, que ce soit dans les procédures
pénales, civiles, administratives ou disciplinaires. Les conceptions du juge européen ont parfois donné lieu à
d'âpres contestations, particulièrement des magistrats directement concernés, comme d'une partie de la
doctrine ».
53
CEDH, DELCOURT c/ Belgique, 17 janv. 1970, 2689/65.
54
I. PINGEL et F. SUDRE, Le ministère public et les exigences du procès équitable, op. cit., pp. 39 et 40 : à propos
de CEDH, KRESS c/ France, 7 juin 2001, 39594/98.
55
L. ASCENSI, Du principe de la contradiction, op. cit., p. 27.
56
Ibid., p. 27.
33
vue d’unifier l’application de la Convention dans les Etats membres57.
57
Ibid., pp. 29 et 30.
58
N. FRICERO, L’essentiel de la procédure civile, Gualino, 2019 2018, p. 72 ; N. CAYROL, Procédure civile, op. cit.,
pp. 304-306.
59
Décr. n° 73-1122 du 17 déc. 1973 instituant une quatrième série de dispositions destinées à s'intégrer dans le
Nouveau Code de procédure civile ; décr. n° 71-740 du 9 sept. 1971 instituant de nouvelles règles de procédure
destinées à constituer partie d'un Nouveau Code de procédure civile ; décr. n° 72-684 du 20 juill. 1972
instituant de nouvelles dispositions destinées à s'intégrer dans la partie générale d'un Nouveau Code de
procédure civile ; décr. n° 72-788 du 28 août 1972 instituant une troisième série de dispositions destinées à
s'intégrer dans le Nouveau Code de procédure civile.
60
Décr. n° 75-1123 du 5 déc. 1975 instituant un Nouveau Code de procédure civile.
61
G. WIEDERKEHR, « Le principe du contradictoire. A propos du décret n° 73-1122 du 17 décembre 1973 », D.,
1974, p. 20.
34
connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs
prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles
invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ». L'article 16 est issu de
l'article 6 du décret du 12 mai 1981 qui institue les dispositions des livres III et IV du Code de
procédure civile et qui modifie certaines d’entre elles. L'alinéa 1 dispose que « le juge doit, en
toute circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ».
Cela signifie que le juge lui-même doit concourir à l'application du principe du contradictoire
et le faire observer. Il doit procéder de cette manière en toutes circonstances, en situations
communes ou situations d'urgence et s'adapter à toute situation qui peut engendrer un retard
de communication de pièces ou une demande des parties. L'alinéa 2 dispose qu’ « il ne peut
retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits
par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ». Il s'agit
d'une véritable obligation déontologique pour le juge. Celui-ci ne doit s'appuyer que sur les
moyens62, explications63 et documents64 que les parties ont invoqués ou produits. La condition
requise pour que le juge puisse s'appuyer sur ces éléments est qu’elles aient pu en débattre
contradictoirement et qu'elles aient, au préalable, eu connaissance de ces éléments avant et
pendant le procès. Cela signifie aussi que les parties aient été en mesure d’en débattre à l'oral
en présence du juge et de l’intégralité des personnes concernées par la procédure.
62
A la fois les moyens de droit et les moyens de fait.
63
Débats oraux qui auront lieu devant le juge des enfants.
64
Pièces écrites versées au dossier par les parties.
65
Cass. crim 8 déc. 2009, n° 09-82.120 : Dr. Pénal, 2010 obs. M. VERON.
35
pertinent de confronter les deux aspects de la question.
34. Puisque « la contradiction révèle la procédure »66, toute procédure engendre un débat
contradictoire. L'article 16 du Code de procédure civile et l'article préliminaire du Code de
procédure pénale67 « traduisent un principe ; ils ne le proclament pas. Ici comme ailleurs, le
texte découle du droit, non l'inverse ». Dès lors, « il apparaît en pleine lumière que le principe
de la contradiction innerve toute procédure et la légitime »68.
35. On peut se demander s'il existe une différence entre les principes fondamentaux du
procès et les impératifs de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Le contradictoire est un principe au fondement « de divers dialogues dans la procédure »69,
« de la contradiction »70, permettant « la défense des parties et la vérité du jugement »71.
Proche d’autres notions comme « les droits de la défense, le droit d'être entendu, le droit au
procès équitable, le principe de loyauté, le principe de dialogue »72, il est également proche de
certains de ces corollaires, décrits comme des règles ou des principes essentiels de la
procédure, tels que l'impartialité du juge, le principe de la liberté de la défense, le droit d'être
assisté ou non d'un avocat, le droit à l'assistance d'un interprète, le principe de la publicité des
débats73, l'exigence de motiver les décisions de justice, ou encore l'existence de voies de
recours74.
Principe d’équité75, il innerve l’ensemble du droit. Il s'est progressivement « enrichi et
66
B. BEIGNER, in L. MINIATO, Le principe du contradictoire en droit processuel, op. cit., p. V.
67
C. AMBROISE-CASTEROT et P. BONFILS, Procédure pénale, op. cit., p. 377.
68
B. BEIGNER, in L. MINIATO, Le principe du contradictoire en droit processuel, op. cit., p. VI.
69
L. MINIATO, « La consécration du principe du contradictoire par le décret du 20 août 2004 portant
modification de la procédure civile », op. cit.
70
L. MINIATO, Le principe du contradictoire en droit processuel, op. cit.
71
Ibid., p. 4.
72
Ibid., p. 5.
73
Sur la publicité de la procédure, v. par exemple S. GUINCHARD et al., Droit processuel. Droits fondamentaux
du procès, op. cit., p. 1034 et s.
74
L. MINIATO, Le principe du contradictoire en droit processuel, op. cit., pp. 7 et 8.
75
L. CADIET, in L. ASCENSI, Du principe de la contradiction, op. cit., p. V.
36
affiné sur les champs traditionnels des procédures juridictionnelles au point, notamment,
d'être recueilli explicitement, en 2000, au rang des principes directeurs du procès pénal »76.
Un principe directeur du procès n’a pas besoin d’être désigné comme tel pour en avoir la
qualité77. Il consiste en une « charte de la répartition des rôles entre juge et parties »78.
ii - Le contradictoire et le juge
76
L. CADIET, in ibid., p. VII et VIII : « Les auteurs débattent de son application en procédure administrative non
contentieuse, en procédure constitutionnelle, devant les autorités administratives indépendantes ou dans les
modes alternatifs de règlement des conflits. Ce renouvellement de la pensée juridique fait écho à l'émergence
de la question de la contradiction en philosophie politique, où Jürgen Habermas a relayé Karl Popper, dont les
travaux constituaient la toile de fond de la thèse de Marie-Anne Frison-Roche, pour fonder la légitimité des
décisions politiques et juridictionnelles sur la théorie de la procéduralisation de l'espace public et du débat
démocratique ». De plus, « la contradiction est tout à la fois droit de savoir et un droit de discuter, et la
contradiction ainsi définie assure une double fonction de protection des sujets et de découverte de la vérité ».
Le préfacier précise que des notions sont voisines comme la délibération, le débat, la discussion, la
controverse, la motivation ; v. également G. ROUSSEL, Procédure pénale, Vuibert, 2019 2018, pp. 82-84 ; C.
RENAULT-BRAHINSKY, Procédure pénale, Gualino, 2019 2018, pp. 34 et 35 ; C. AMBROISE-CASTEROT et P.
BONFILS, Procédure pénale, PUF, Paris, 2018, pp. 26 et 27 ; pour une définition de l’expression « principes
directeurs » en droit pénal, v. également S.-C. LIN, Les principes directeurs du droit pénal des mineurs
délinquants, op. cit., pp. 11-13.
77
L. CADIET, « Et les principes directeurs des autres procès? Jalons pour une théorie des principes directeurs du
procès », in Justice et droits fondamentaux. Etudes offertes à J. NORMAND, Paris, 2003, p. 80.
78
P. CATALA et F. TERRE, in ibid., p. 88.
79
P. RAYNAUD, « L’obligation pour le juge de respecter le principe de la contradiction. Les vicissitudes de
l’article 16 », in Mélanges offerts à P. Hébraud, Universités des sciences sociales de Toulouse, 1981, p. 715 et
s. ; A. BERGEAUD WETTERWALD, E. BONIS et Y. CAPDEPON, Procédure civile, 2018 2017, p. 259 ; Y. STRICKLER,
Procédure civile, Paradigme, Bruxelles, 2019 2018, p. 217.
80
A. BENABENT, « L’article 16 NCPC, version 1981 », D., 1982, p. 55.
37
relever d’office »81.
Henri Motulsky, à l’origine de la rédaction des articles 14 et suivants du Code de
procédure civile, précisait bien que le rôle du juge, pour respecter la contradiction, n’est pas
d’être un arbitre mais d’assurer la victoire de la justice dans le respect des principes directeurs
du procès82. L’article 16 du Code de procédure civile tend à instaurer une collaboration
féconde entre les juge et les avocats des parties pour parvenir à une solution aussi juste que
possible83.
Monsieur Bénabent précise qu’« autant la rigueur est de mise quant au principe même du
respect du contradictoire, autant la souplesse est possible dans sa mise en œuvre »84. Si le rôle
du juge dans le contradictoire est fondamental, il ne suffit pas. Encore faut-il que les parties
soient efficaces dans la constitution du dossier et dans les débats, c’est-à-dire qu’elle déposent
les pièces en temps utile et argumentent à l’audience. Soulevés d’office par le juge, les
moyens, les explications et les documents allégués par les parties doivent être appréciés par ce
magistrat85. Le fait que « tout élément d’appréciation doit être soumis à la discussion des
parties » est surtout une question de « méthode juridique », car « la vérité judiciaire, complexe
et relative, ne peut être approchée que par la controverse, et c’est le juge qui doit l’animer »86 .
A l’issue, il doit conclure, afin que le procès donne lieu à une décision et que la fonction du
juge ne soit pas dévoyée.
37. Le contradictoire suppose une information complète, donnée en temps utile, pendant
une période précise87, pour permettre aux parties et au juge d'organiser leur argumentation
autour du dossier. En revanche, si l’information était incomplète ou donnée de manière
arbitraire, l'article 16 du Code de procédure civile serait violé.
38. D’abord, l'information doit être complète, c’est-à-dire relever à la fois des moyens et de
l’argumentation, et recouvrir le niveau élémentaire des productions ou de l’objet de la
demande. Il s’agit de l’obligation de tout dire, de tout produire et du droit de tout recevoir
suffisamment à temps pour organiser sa défense.
81
Ibid., p. 55.
82
G. FLECHEUX, « Le droit d’être entendu », op. cit., p. 152.
83
Ibid., pp. 151 et 152.
84
A. BENABENT, « L’article 16 NCPC, version 1981 », op. cit., p. 56.
85
G. WIEDERKEHR, « Droits de la défense et procédure civile », D., 1978, p. 36.
86
Ibid., p. 36.
87
B. BOCCARA, « La procédure dans le désordre. I. - Le désert du contradictoire », JCP G, 1981, p. 3004.
38
39. Ensuite, l'information doit être donnée en temps utile car le contradictoire est, dès son
origine, « le droit à une présence dans le débat procédural »88. Or, la réponse n’est utile que si
l’on dispose de temps pour son élaboration. La Cour de cassation a décidé que le défendeur a
droit au respect du contradictoire même s’il a déposé des conclusions tardivement et que ces
documents ont été déclarés irrecevables en l’application de l’article 909 du Code de procédure
civile89. Si le juge écarte une pièce comme étant tardive, il doit expliquer au moins
sommairement en quoi son dépôt n’a pas été fait en temps utile et une simple affirmation sur
le caractère tardif de la communication des pièces ne suffit pas90. Le concept de temps utile
apparaît donc comme un droit et une obligation91 : le droit de recevoir l’information
suffisamment tôt pour pouvoir y répondre, et l’obligation de la donner pour permettre de
construire sa réponse et sa décision. Le concept de temps utile concerne essentiellement le
temps de l’analyse et de la réflexion. Mais ce temps recouvre aussi la prise de connaissance
des conclusions et des pièces, leur communication le cas échéant à la partie représentée, la
concertation entre elle et son avocat, et les recherches de pièces complémentaires
éventuellement nécessaires.
Le facteur temps peut être considéré comme une intrusion dans le contradictoire92 car un
excès ou une insuffisance de temps risque d’altérer le contradictoire et la qualité de la
procédure, ce qui serait préjudiciable au bon déroulement du procès. Il est surtout important
de « vérifier quand ce temps utile pourra être dégagé », car « c’est à ce niveau que nous
pénétrons alors dans le contenu concret du principe de contradiction et de l’examen de
certaines conditions de travail »93. Il s’agit alors du temps disponible.
Dans cette complexité concernant les délais, « le véritable antagonisme est celui des temps
morts et des temps de réflexion »94, pour tenter de supprimer les premiers afin de préserver les
seconds95.
Délai raisonnable, temps utile, on peut légitimement s'interroger sur la raison de ces
88
B. BOCCARA, « La procédure dans le désordre. I. - Le désert du contradictoire », op. cit. n° 128.
89
Cass., civ. 2ème, 19 mai 2019, n° 18-10825, rejet pourvoi c/ c. a. Bordeaux, Mme Maunand, f.f. prés. - SCP Le
Bret-Desaché, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, in C. BERLAUD, « Même le retardataire a droit au
respect du contradictoire », Gaz. Pal., juin 2019, n° 23, p. 34.
90
Cass. civ. 1ère, 11 juill. 2019, n° 18-20.212 : Procédures, n° 10, oct. 2019, comm. 245, Y. STRICKLER.
91
B. BOCCARA, « La procédure dans le désordre. I. - Le désert du contradictoire », op. cit. n° 129.
92
Ibid. n° 130.
93
Ibid. n° 130.
94
Ibid. n° 30.
95
Ibid. n° 30.
39
notions relatives au temps dans la procédure : le temps de prendre la décision, le temps de
réflexion, le temps pour chaque acteur, juge, avocat ou partie. Le temps est décrit comme un
allié dans le cheminement vers la décision, mais comme un ennemi dans l'hypothèse d’un
excès de temps.
40. Si les conditions relatives à l’information, au délai et au temps ne sont pas réunies, les
articles 15 et 16 du Code de procédure civile sont violés. La sanction du contradictoire a donc
lieu dans deux hypothèses : en cas d’information incomplète et en cas d’information non
donnée en temps utile.
Si l’information est incomplète, peut apparaître le problème de l’argumentation différée et
le juge peut décider d’un report de l’audience pour laisser le temps à la partie concernée de
compléter l’information. La violation du contradictoire peut alors revêtir des formes
différentes : une partie recevra une information incomplète ou une information complète dont
la mise en œuvre sera fractionnée et morcelée. La violation du contradictoire est donc réelle,
mais subtile et insidieuse. La conséquence est que les nullités résultant des articles 15 et 16 ne
pourront pas forcément être invoquées.
Si l’information n’est pas donnée en temps utile, les parties risquent de ne pas avoir
connaissance des arguments adverses. Encore faudrait-il définir et quantifier ce que l’on
entend par temps utile. Bruno Boccara a proposé qu’on « objective et que l’on forfaitise la
notion de temps utile »96, c’est-à-dire qu’on s’entende sur le sens de la notion et qu’on
établisse des barèmes.
Il serait pertinent par ailleurs de rechercher des règles, dont la mise en œuvre permettrait de
mettre en place le contradictoire et en assurerait le respect préventivement97.
A ces garanties générales issues du droit à un procès équitable s’ajoutent les garanties
propres aux parties ou à l’« accusé ».
2 - Les garanties propres aux parties ou à l’« accusé » : les droits de la défense
41. Le principe du contradictoire est souvent confronté aux droits de la défense, garanties
accordées aux parties et prévues dans le Code de procédure civile à la Section VII. L'article
96
Ibid. n° 189.
97
Ibid. n° 189.
40
18 du Code de procédure civile dispose que « les parties peuvent se défendre elles-mêmes,
sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire ».
42. Les droits de la défense sont inhérents à la procédure pénale car l’accusé ou le prévenu
doit mettre sa défense en place avec son avocat. Exigence procédurale, le principe du
contradictoire existe de manière indépendante des droits de la défense parce qu’il incarne le
débat entre les parties sur les différents éléments du litige qui les oppose98. L’article
préliminaire du Code de procédure pénale prévoit que toute personne suspectée ou poursuivie
a « le droit d’être informée des charges qui sont retenues contre elle et d’être assistée d’un
défenseur ». Le texte, dans son dernier alinéa précise qu’« en matière criminelle et
correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul
fondement de déclarations qu’elles a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être
assistée par lui ».
44. Les juges des enfants interrogés pour les besoins de cette étude indiquent que les droits
de la défense et le contradictoire s’appliquent différemment en fonction du contentieux. Pour
eux, en matière pénale, l’accusé ou le prévenu devant se défendre, ce sont les droits de la
défense qui s’appliquent. En revanche, en matière civile, ils précisent que c’est le
contradictoire qui est appliqué, car les parties et le juge interviennent dans le cadre d’un débat
à l’issue duquel il s’agira de protéger l’enfant.
Des cas particuliers sont soulevés par la spécificité du juge des enfants et par la dualité de
son intervention, à la fois civile et pénale. C’est pourquoi le juge des enfants est amené à avoir
recours à des actes particuliers en fonction de la nature pénale ou civile de sa saisine.
41
B - Les actes effectués par le juge des enfants
45. L'article 1er du Code de procédure civile énonce que « seules les parties introduisent
l'instance, hors les cas où la loi en dispose autrement. Elles ont la liberté d'y mettre fin avant
qu'elle ne s'éteigne par l'effet du jugement ou en vertu de la loi ».
A la différence du juge de droit commun, le juge des enfants effectue des actes dont la
particularité est justifiée par le statut de l'enfant et par l'intervention des titulaires de l'autorité
parentale. Le contradictoire vient enrichir les actes que le juge des enfants réalise, orientés
toujours dans l'intérêt de l'enfant, le caractère contradictoire de la procédure et sa
compréhension par l'enfant et par les titulaires de l'autorité parentale.
Il est essentiel de définir les actes du procès et de mettre l’accent sur leur connaissance par
les parties (1), avant d’étudier les actes du juge des enfants dans le cadre pénal et civil (2).
46. L'article 2 du Code de procédure civile précise qu'il appartient aux parties « d'accomplir
les actes de la procédure dans les formes et délais requis ». Autrement dit, le procès est la
chose des parties. L'article 2 ne donne pas de définition de la notion d'acte de la procédure, ni
n'en dresse une liste. En outre, seuls sont abordés les mesures d'instruction et l'ordonnance de
clôture.
Il en résulte une imprécision quant à la définition et à l’identification de la notion d'acte de
la procédure. En outre, la personne à l'origine de l'accomplissement de l'acte n'est pas
déterminée. La doctrine s'emploie non seulement à répertorier et à classer les actes en
fonction de leur nature -juridictionnelle ou non- mais aussi à définir l'acte juridique.
47. Afin de définir un acte du procès, il est opportun de distinguer les différentes catégories
d'actes qui se déroulent dans le cadre de l’engagement du procès civil, démarche qui nous
conduit à identifier la personne à l'origine de l’acte : actes des parties, actes du juge, actes du
98
E. DREYER et O. MOUYSSET, Procédure pénale, 2019, p. 63 ; E. VERGES, Procédure pénale, Paris, 2017, p. 43.
42
technicien, actes des tiers99. Dans sa thèse, un auteur s’est employé à les répertorier avec
minutie100 car le régime des divers actes du procès civil présente des difficultés : il convient de
distinguer les actes juridiques accomplis par les parties et les actes juridiques accomplis par le
juge en fonction de leur effet juridique.
Les parties accomplissent un acte pour donner naissance à un devoir de statuer ou pour
délimiter le champ du débat.
Le juge accomplit les actes relatifs au jugement, ceux par lesquels il donne acte aux parties
d’un accord sur le fond du litige, ceux par lesquels il donne force exécutoire à un acte
juridique à l’issue d’une procédure non contradictoire, et les mesures d’administration
judiciaire.
49. Pour respecter le contradictoire, il est essentiel que les parties aient connaissance des
actes du procès dès son engagement105. L'article 2 du Code de procédure civile traduit cette
nécessité, en disposant que « les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur
incombent ». L'instance apparaît ainsi comme un système en mouvement, initié par les parties,
dont le juge est garant du bon déroulement. Il est également possible d'inverser la réflexion et
de préciser que l'application du principe du contradictoire à l'instance nécessite que les actes
soient connus par les parties. C'est alors le point de départ de la mise en mouvement du
99
N. FRICERO, L’essentiel de la procédure civile, op. cit., pp. 65-68, 121.
100
L. MAYER, Actes du procès et théorie de l’acte juridique, Paris, sept. 2009.
101
M. BANDRAC, « De l’acte juridictionnel, et de ceux des actes du juge qui ne le sont pas », in Le juge entre
deux millénaires, Mélanges offerts à P. Drai, Dalloz, Paris, 2000, p. 171 et s.
102
Ibid., p. 172.
103
Ibid., p. 172.
104
Ibid., p. 173.
43
système.
Or, la connaissance des actes du procès est un élément de fait qui peut placer le juge en
difficulté par rapport à sa vérification. Le droit doit alors s’accommoder de cette difficulté.
Deux courants distincts se dégagent : un premier, formaliste, favorise la connaissance des
actes du procès par les parties en amont, pour s’en désintéresser en aval ; un second, réaliste,
se détache de la façon dont les actes du procès sont portés à la connaissance des parties, pour
privilégier la connaissance qu’elles en ont réellement eue106. L’étude révèle que le procès civil
reposait initialement sur un modèle à dominante formaliste mais qui a évolué vers une
conception plus réaliste, particulièrement au cours des dix dernières années, sous l’influence
de la volonté contemporaine de rationalisation des coûts de la justice.
La définition des actes du procès recouvre donc différents aspects. Guidé par le respect du
contradictoire, le juge des enfants les accomplit dans le cadre pénal et dans le cadre civil.
2 - Les actes particuliers effectuées par le juge des enfants dans le cadre pénal et
dans le cadre civil
50. Le juge des enfants est pris dans des impératifs que l’institution judiciaire lui impose de
respecter et auxquels il doit s’adapter. En effet, le fonctionnement des juridictions traduit de
plus en plus un impératif de célérité de la justice, plus particulièrement dans le traitement des
dossiers et dans la réponse à y apporter. L’application du contradictoire demande du temps.
Aussi se heurte-t-elle à cet impératif et doit faire l’objet d’un compromis entre temps suffisant
et célérité de la réponse.
105
S. JOBERT, La connaissance des actes du procès civil par les parties, Paris 2, 2016.
106
Ibid., p. de garde.
107
H. MATSOPOULOU, « Renforcement du caractère contradictoire, célérité de la procédure pénale et justice
des mineurs, commentaire de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure
pénale », Dr. pén., mai 2007, p. 5.
44
assistance obligatoire d'un avocat pour les mineurs victimes de certaines infractions de nature
sexuelle mentionnées à l'article 706-47 du Code de procédure pénale et renforcement de
l'enregistrement audiovisuel obligatoire de leur audition.
52. En matière pénale, le juge des enfants dispose d’un arsenal législatif important pour
accomplir les actes de la procédure, à la fois pré-sentenciels donnant le temps à l’enfant
d'évoluer (article 8 et s. de l’ordonnance du 2 février 1945), mais aussi post-sentenciels, c’est-
à-dire intervenant après le jugement (article 13 et s. de l’ordonnance du 2 février 1945).
Durant la phase précédant le jugement, la loi prévoit que le juge des enfants effectue toutes
diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité, à la
connaissance de la personnalité du mineur et aux moyens adaptés à sa rééducation (article 5-1
de l’ordonnance du 2 février 1945).
Durant la phase de jugement, le juge des enfants et/ou le tribunal pour enfants peut statuer
après audition du mineur et de ses représentants légaux (article 13 alinéa 1 de l’ordonnance du
2 février 1945).
Lorsqu’il effectue ces actes particuliers, le juge des enfants ne doit jamais se défaire de
l’impératif du contradictoire.
53. L’article 8 alinéa 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit que, lors de la phase
précédant le jugement, le juge des enfants peut procéder à une enquête par voie officieuse. En
effet, la loi dispose que, pour parvenir à la manifestation de la vérité, à la connaissance de la
personnalité du mineur, aux moyens adaptés à sa rééducation, le juge des enfants « procèdera
à une enquête, soit par voie officieuse, soit dans les formes prévues par le [Code de
procédure pénale] ». En conséquence, cette disposition relève d’un choix du juge, dont les
critères sont déterminés par sa volonté108.
Présenté à l’époque comme une façon de répondre à la demande de célérité de la
procédure, ce moyen de mener l’enquête correspond également à la primauté de l’éducatif sur
le répressif.
Si l’enquête est effectuée de manière officieuse, elle n’obéit pas au formalisme requis par
108
Il peut aussi choisir l'enquête dans les formes du Code de procédure pénale (à l'exception de l'audition du
mineur sur sa situation familiale, en cas d'urgence). Il peut procéder aux auditions, confrontations, transports
sur les lieux, commissions rogatoires et décerner tous mandats utiles sous réserve des dispositions de
l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 (et notamment le mandat de recherche créé à l'article 122 du
Code de procédure pénale par la loi du 9 mars 2004).
45
les articles 79 à 190 du Code de procédure pénale qui prévoient la réglementation applicable
lors de la phase d’instruction, à l’exception de la saisine du juge des libertés et de la détention,
du contrôle judiciaire, des expertises sur le fond, des perquisitions et des saisies. Plus
précisément, elle n’impose pas le respect de l’article 184 du Code de procédure pénale en
matière de renvoi devant la juridiction de jugement109.
A cet effet, la Cour de cassation décide que le juge des enfants reste néanmoins tenu de
respecter les principes fondamentaux de la procédure pénale résultant tant de l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 14 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques que de l’article préliminaire du Code de procédure pénale 110. En
conséquence, l’enquête par voie officieuse ne dispense pas le juge des enfants de respecter les
règles générales relatives au procès équitable, et plus particulièrement au respect du
contradictoire. Ainsi, « la forme est écartée, mais l’esprit demeure »111.
Or, l’enquête officieuse a quelque chose de dérangeant, dans la mesure où elle accentue la
liberté du magistrat, en lui permettant de se dispenser des obligations dues au caractère
contradictoire de la procédure pénale, comme la convocation de l’avocat. En l’absence de
contradictoire, le mineur se trouve alors dans une situation plus imprécise112.
Un des objectifs de l’instauration du Code de la justice pénale des mineurs est la
suppression de l’instruction devant le juge des enfants et de l’enquête officieuse, ce qui
promet une uniformisation de la procédure113.
54. Dans le cadre civil, les règles relatives à la protection de l’enfant apparaissent
accentuées. Préoccupé par la protection de l’enfant, le juge est tenu de respecter le principe du
contradictoire dans les actes accomplis. Or, la prise en compte du contradictoire et de la
protection de l’enfant, dans un mouvement alternatif, est parfois difficile à mettre en œuvre et
109
En matière d’instruction, le juge des enfants ne serait pas obligé de faire figurer sur l’ordonnance les nom,
prénoms, date, lieu de naissance, domicile et profession de la personne mise en examen, ni la qualification
légale du fait imputé à celle-ci, ni de façon précise les motifs pour lesquels il existe ou non contre elle des
charges suffisantes.
110
Cass. crim. 14 mai 2013, n° 12-80. 153 : ayant procédé par voie d’enquête officieuse, le juge des enfants a
tout de même permis à un mineur d’avoir connaissance des faits et circonstances de l’accusation portée contre
lui, et de bénéficier du temps et des facilités nécessaires à sa défense ; M. BOMBLED, Dalloz actualité, 29 mai
2013 ; B. CHAPLEAU, D., 19 sept. 2013, n° 30, p. 2152 ; J.-B. PERRIER, AJ pénal, 21 oct. 2013, n° 10, p. 548 ; F.
FOURMENT, Gaz. Pal. 23 juill. 2013,n° 204, p. 45.
111
J.-B. PERRIER, op. cit, p. 548 : l'assistance d'un avocat, l'accès à la procédure, un temps suffisant à la
préparation de la défense, ou encore la possibilité de s'expliquer sont autant d'éléments qui permettent à la
Cour de cassation de considérer que les droits de l'intéressé ont été respectés.
112
P. BONFILS, D., 12 sept. 2013, n° 30 Pan. 2073.
113
W. ROUMIER, « Instauration d’un Code de la justice pénale des mineurs », Dr. pén., oct. 2019, n° 10, p. 49.
46
engendre pour le juge une ambivalence. Néanmoins, et sans pour autant porter atteinte au
contradictoire, la protection de l’enfant nécessite certains aménagements de la procédure.
55. Il résulte de la combinaison des articles 1188 alinéa 2, 1189 et 1193 du Code de
procédure civile que le juge des enfants entend, « le cas échéant », le mineur seul, selon
l’article 1188 alinéa 2, ce qui est impossible en matière pénale où la procédure respecte une
chronologie.
Le caractère facultatif de la convocation, de la présence et de l’audition du mineur par le
juge des enfants est rappelé par la Cour de cassation114. En outre, même lorsqu’il a convoqué
un mineur en l’application des dispositions de l’article 1188, il appartient au juge des enfants
de décider si celui-ci doit assister à tout ou partie des débats et s’il y a lieu de procéder ou non
à son audition115. Le juge des enfants dispose donc d’une marge d’appréciation au regard de la
nécessité ou de l’utilité de l’audition de l’enfant en assistance éducative.
Les pratiques professionnelles de magistrats montrent qu’ils procèdent volontiers à
l’audition de l’enfant seul en début d’audience, avant d’entendre ses représentants légaux116.
A ce moment-là, l’enfant est assisté de son avocat. Le représentant du service à qui il est
confié ne l’accompagne pas.
Cette disposition ne s’oppose pas au contradictoire. En effet, le juge des enfants recueille
alors la parole de l’enfant seul. Par la suite, il parlera en présence de ses représentants légaux,
de son avocat, et du représentant du service auquel il a été confié. Le juge peut ainsi entendre
l’enfant dans un contexte neutre, hors de la présence de ses représentants légaux. Ce procédé,
soucieux de la protection de l’enfant, n’entrave pas pour autant le respect du contradictoire.
56. Lorsque le dossier est consulté par l’un ou l’autre des parents, par le tuteur, par la
personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié ou par le mineur lui-même,
et pour éviter de faire courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à
un tiers, le juge des enfants peut en retirer un ou plusieurs éléments, selon l’article 1184 alinéa
4 du Code de procédure civile. La Cour de cassation prend ici comme critères d’exclusion de
certaines pièces du dossier, le climat familial très conflictuel et virulent, ainsi que de
114
Cass. civ. 1ère, 28 nov. 2006, n° 04-05.095 : D., 2007, AJ 24, obs. I. GALLMEISTER ; ibid. 557, note M.
HUYETTE ; JCP G, 2007. I. 139, n° 24, obs. Y.- M. SERINET.
115
Cass. civ. 1ère 28 mai 1985 : Bull. civ. I, n° 164 ; Gaz. Pal. 1985. 2. 756 ; Defrénois 1985. 1398, note J. MASSIP
116
Les trois juges des enfants interrogés dans le cadre de cette étude ont indiqué procéder de cette manière et
apprécier entendre l’enfant seul.
47
nombreuses procédures opposant les parents du mineur117.
En quelque sorte, on peut penser que l’exclusion de certaines pièces du dossier porte
atteinte au contradictoire118 car les parties et les tiers ne peuvent y accéder. Mais le Code de
procédure civile permet cette exclusion dans le respect du contradictoire pour préserver les
parties et/ou les tiers.
117
Cass. civ. 1ère 6 juill. 2005, n° 04-05. 011 : D., 2005. 2794, note M. HUYETTE.
118
M. HUYETTE, « La limitation de l’accès au dossier d’assistance éducative », D., nov. 2005, n° 40, p. 2794.
48
La singularité de cette démarche se manifeste à travers la discussion devant les mineurs et
leurs représentants légaux (A), et la difficulté de la prise de décision (B).
119
L. BELLON, L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, Erès, Trajets, 2011 : « Il s'agit de la règle
fondamentale de l'arbitrage associée à l'exigence de loyauté auxquelles les parties et le juge des enfants sont
soumis dans l'instance judiciaire ».
120
N. FRICERO, L’essentiel de la procédure civile, op. cit., p. 79.
121
L. ASCENSI, Du principe de la contradiction, op. cit.
49
efficace123.
62. L'article 430 du Code de procédure civile, dans son alinéa 2, prévoit que « les
contestations afférentes à [la régularité de la juridiction] doivent être présentées, à peine
d'irrecevabilité, dès l’ouverture des débats ou dès la révélation de l’irrégularité si celle-ci
survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement
prononcée de ce chef, même d'office ». Cela signifie que, dans un objectif de clarté, les
contestations doivent être mises à disposition du juge et des parties dès l’ouverture des débats.
L'alinéa 1er de l'article 432 du Code de procédure civile dispose que « les débats ont lieu au
jour, et, dans la mesure où le déroulement de l'audience le permet, à l'heure préalablement
fixés selon les modalités propres à chaque juridiction. Ils peuvent se poursuivre lors d'une
audience ultérieure ». L'alinéa 2 précise qu’« en cas de changement survenu dans la
composition de la juridiction après l’ouverture des débats, ceux-ci doivent être repris ». Cette
disposition découle des règles attenantes à l'information des parties et des tiers à l'audience, et
à leur convocation. En effet, la régularité de la sensibilisation des parties et des tiers à leur
présence à l’audience provient d'une convocation régulière et d’une bonne information de
leurs droits. Une juste sensibilisation de ceux-ci engendre un élément préventif de tensions,
une bonne disposition et une meilleure assiduité lors de la conduite des débats.
63. L'organisation des débats, conduite avec une relative souplesse par le président
d'audience, engendre la confidentialité lors des débats à huis clos, favorise pour chacun une
adaptation à la prise de parole, et évite toute rigidité dans la mise en œuvre de la procédure.
Cette organisation met en exergue la façon dont le contradictoire est appliqué car il respecte
un certain formalisme.
La souplesse concerne la façon dont les débats sont organisés, conformément aux articles
438 à 444 du Code de procédure civile. L'article 438 dispose que « le président veille à l'ordre
de l'audience. Tout ce qu'il ordonne pour l'assurer doit être immédiatement exécuté ».
L'article 439 précise que « les personnes qui assistent à l'audience doivent observer une
attitude digne et garder le respect dû à la justice. Il leur est interdit de parler sans y avoir été
invitées, de donner des signes d'approbation ou de désapprobation, ou de causer du désordre
de quelque nature que ce soit ». L'alinéa 1er de l’article 440 indique que « le président dirige
122
S. GUINCHARD, F. FERRAND et C. CHAINAIS, Procédure civile, op. cit., p. 427 et s. ; Y. STRICKLER, Procédure
civile, op. cit., p. 260.
50
les débats ». L'alinéa 2 précise que « le demandeur, puis le défendeur, sont ensuite invités à
exposer leurs prétentions ». L'alinéa 3 ajoute que « lorsque la juridiction s'estime éclairée, le
président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur
défense ».
Les dispositions du Code de procédure civile invitent ainsi le président d'audience à être
garant du bon déroulement des débats. A cette fin, il doit adopter une posture propre à éviter
tout désordre de quelque nature que ce soit. Il doit veiller « à l'ordre de l'audience »124. C'est
ainsi que l'article 441 alinéa 2 dispose que « la juridiction a la faculté de […] retirer la parole
[aux parties] si la passion ou l’inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la
décence convenable ou la clarté nécessaire », dans le cas où les parties présenteraient elles-
mêmes des observations orales. L'article 442 ajoute que « le président et les juges peuvent
inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à
préciser ce qui paraît obscur », ce qui peut aider le juge à prendre une décision éclairée à
l’issue du débat et qui est de nature à favoriser le contradictoire. L'article 444 prévoit que « le
président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties
n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de
fait qui leur avait été demandés ». Si un nouvel argument est présenté au juge de manière
orale, il peut ordonner la réouverture des débats ou autoriser la partie à déposer une note en
délibéré. Dans tous les cas, il doit ménager le droit de réponse de l’autre partie125. Ainsi, « le
rôle directif du juge [...] bat en brèche le principe de la maîtrise de l’instance par les parties ;
formes plus souples et moins contraignantes qui permettent de mieux adapter dans chaque cas
le procès aux nécessités particulières de la cause »126. L’écoute des parties et la demande
d’explicitation de leur parole en cas de défaut de compréhension par le juge sont primordiales.
Il est étonnant de noter à cet égard qu'après une succession de règles organisant les débats,
c'est la première fois que le code utilise le terme « contradictoirement ».
64. La souplesse concerne également l'adaptation du caractère public des débats en fonction
du cadre dans lequel ils interviennent. Selon les articles 22 et 433 du Code de procédure
civile, la publicité des débats est le principe, sauf les cas où la loi permet ou exige qu’ils aient
123
G. FLECHEUX, « Le droit d’être entendu », op. cit., p. 159.
124
Art. 438 al. 1 du Code de procédure civile, le président doit veiller à l'ordre, c'est-à-dire non seulement la
disposition qui satisfait l'esprit, mais également à la succession régulière des étapes des débats.
125
B. BOCCARA, « La procédure dans le désordre. I. - Le désert du contradictoire », op. cit.
126
G. WIEDERKEHR, « Le principe du contradictoire. A propos du décret n° 73-1122 du 17 décembre 1973 », op.
cit., pp. 95 et 96.
51
lieu en chambre du conseil.
Toutefois, « le principe de la contradiction publique doit […] composer avec la nécessité
d'assurer la protection d'intérêts divers qui imposent que certains débats aient lieu en
privé »127. Les articles 180 et 1189 du Code de procédure civile disposent que les demandes
formées en matière d'autorité parentale et d’assistance éducative sont instruites et jugées en
chambre du conseil128. L'article 435 dispose que « le juge peut décider que les débats auront
lieu ou se poursuivront en chambre du conseil s'il doit résulter de leur publicité une atteinte à
l'intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le demandent, ou s'il survient des désordres
de nature à troubler la sérénité de la justice ». L'article 436 prévoit la non-publicité des
débats en chambre du conseil.
Ainsi, la souplesse dont dispose le juge pour permettre le déroulement des débats en public
ou en privé en fonction de la préservation des intérêts des parties favorise le contradictoire.
Le problème de l’oralité doit se poser au cours des débats. L’article 442 du Code de
procédure civile dispose que « le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les
explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît
obscur ». Le juge est limité par les éléments qu'il a retenus aux fins d'élaboration de sa
décision. En effet, « le juge ne doit tenir compte, dans sa décision, que des éléments qui ont
pu faire l’objet d’une discussion contradictoire »129. Le contradictoire, c’est « tout connaître
de l’argumentation de l’adversaire, mais aussi des sentiments des juges »130. L’intervention
des sentiments dans un sujet juridique peut surprendre. Cependant, il se justifie peut-être par
le caractère humain de la justice, dans l’exercice du pouvoir souverain d’appréciation du juge.
65. En matière pénale, selon l’article 306 du Code de procédure pénale, en principe les
débats sont publics. Cette publicité comporte toutefois des limites en matière de justice pénale
des mineurs : l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante et le Code de la
justice pénale des mineurs réduisent considérablement la publicité des débats dans l'intérêt du
mineur131. L’article 14 alinéa 4 de cette ordonnance interdit la publication du compte-rendu
des débats des tribunaux pour enfants dans les médias et celle de tout document concernant
l’identité du mineur132. L’alinéa 5 de l’article 14 de cette ordonnance précise néanmoins que
127
Ibid., pp. 95 et 96.
128
L. ASCENSI, Du principe de la contradiction, op. cit., p. 325.
129
H. VIZIOZ, Etudes de procédures, op. cit., p. 448.
130
Ibid., p. 448.
131
Ibid., p. 327.
132
J. PRADEL, Procédure pénale, Cujas, Paris, 2017, p. 919.
52
le jugement est rendu en audience publique, en la présence du mineur, sans que son nom
puisse être indiqué, afin de protéger le mineur. Le Code de la justice pénale des mineurs
prévoit les règles relatives à la publicité dans ses articles L. 513-1 et suivants.
66. Tant en matière civile qu’en matière pénale, le juge a la possibilité de protéger le mineur
des risques de l’oralité qui, en raison de son caractère aléatoire, peut présenter des risques et
engendrer des effets pervers tel qu’une inégalité face à la connaissance et à l’utilisation de la
langue française. Toutefois, au regard du contradictoire, l’oral est une démarche
incontournable car elle permet la verbalisation de tout ce qui a été écrit133.
67. Les dangers de l’oralité des débats conservent toute leur actualité, mais doivent être
« entièrement reconsidérés à la lumière des nouvelles données de droit positif et des exigences
renforcées du contradictoire moderne »134. De plus, « l’oralité des débats, lorsqu’elle ne se
limite pas scrupuleusement à un simple exposé d’une procédure écrite, peut porter atteinte par
les arguments nouveaux qui seraient développés pour la première fois à la barre, aux lignes
dominantes du nouveau contradictoire »135. Cela signifie que le respect du contradictoire a
évolué avec le temps et nécessite une adaptation de chacun lors des débats.
Par ailleurs, « la violation orale du contradictoire débouche sur des problèmes
extrêmement complexes, sur le plan des sanctions », voire conduit à « glisser du terrain des
sanctions vers celui des palliatifs »136. En raison du caractère mouvant de l’oralité, la violation
du contradictoire est difficile à prouver.
La discussion devant le juge des enfants nécessite de prendre en compte les représentants
légaux et l’esprit général de protection de l’enfant.
133
B. BOCCARA, « La procédure dans le désordre. I. - Le désert du contradictoire », op. cit.
134
Ibid. n° 204.
135
Ibid. n° 208.
136
Ibid. n° 209.
53
68. L’esprit général de protection de l'enfant et la prise en compte des représentants légaux
sont des éléments incontournables du contradictoire car, tout en respectant les principes
procéduraux, le juge doit à la fois protéger l’enfant et accompagner les parents dans leur rôle.
69. Cet aspect ressort des normes internationales, européennes et nationales. La Déclaration
universelle des droits de l’homme instaure la famille comme élément primordial de la société,
auquel l’Etat doit protection137. Elle prévoit également le droit à une assistance spéciale envers
l’enfance138, principe repris dans le préambule de la Convention internationale des droits de
l'enfant du 20 novembre 1989139. L'ordonnance n° 58-1301 du 23 décembre 1958 relative à la
protection de l’enfance et à l’adolescence en danger a inséré l'article 375 dans le Code civil :
« les mineurs de vingt et un ans dont la santé, la sécurité et la moralité ou l'éducation sont
compromises peuvent faire l'objet de mesures d'assistance éducative ». L’ordonnance du 2
février 1945 relative à l'enfance délinquante indique dans son préambule le traitement
particulier à donner aux mineurs auteurs d'infractions140.
70. La procédure devant le juge des enfants doit être organisée de manière à respecter les
règles de protection de l'enfant, sous-jacentes en assistance éducative.
Dans le cadre pénal, si un mineur est auteur d’une infraction, il peut seul répondre de ses
actes en vertu du principe de la personnalité des peines. Le degré de prononcé de mesures, de
sanctions ou de peines varie en fonction de son âge. Sa culpabilité est établie lors d’un
jugement. Pour autant, un mineur auteur d’acte de délinquance est un mineur à protéger 141. Le
droit interne y pourvoit. C’est la raison pour laquelle l’ordonnance du 2 février 1945 a été
137
Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 déc. 1948, art. 16 §3 « la famille est l’élément naturel et
fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’Etat ».
138
Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 déc. 1948, art. 25 §2 « La maternité et l’enfance ont droit
à une aide et à une assistance spéciales », in notamment S.-C. LIN, Les principes directeurs du droit pénal des
mineurs délinquants, op. cit., p. 36.
139
Convention internationale des droits de l’enfant, 20 nov. 1989, préambule : « Considérant que,
conformément aux principes proclamés dans la Charte des Nations Unies, la reconnaissance de la dignité
inhérente à tous les membres de la famille humaine ainsi que l'égalité et le caractère inaliénable de leurs droits
sont le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».
140
Ord. n° 45-174 du 2 févr. 1945 relative à l'enfance délinquante : « Il est peu de problèmes aussi graves que
ceux qui concernent la protection de l’enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l’enfance traduite en
justice. La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des
êtres sains. La guerre et les bouleversements d’ordre matériel et moral qu’elle a provoqué ont accru dans des
proportions inquiétantes la délinquance juvénile. La question de l’enfance coupable est une des plus urgentes de
l’époque présente. Le projet d’ordonnance, ci-joint, atteste que le Gouvernement provisoire de la République
française entend protéger efficacement les mineurs, et plus particulièrement les mineurs délinquants ».
141
Il s’agit de la logique de l’ordonnance du 2 février 1945, qui prévoit la primauté de l’éducatif sur le répressif.
54
maintes fois modifiée, sans pour autant avoir été abrogée ni remplacée pendant longtemps.
Monsieur Bailleau, sociologue, émet l’idée que la France n’est pas prête à abroger le texte en
totalité pour le remplacer par de nouvelles dispositions législatives142. Cette abrogation serait
considérée comme un reniement des valeurs de la France d’après-guerre, qui favoriseraient la
protection des enfants des rues et/ou sans parents car ils sont vulnérables du fait de l’effort de
guerre. La première source de protection de l’enfant est la famille à laquelle il est rattaché par
sa filiation. A défaut de protection suffisante accordée par sa famille, une prise en charge
administrative et/ou judiciaire doit y pourvoir. L’enfant est alors confié soit au conseil
départemental, soit au juge des enfants, élément essentiel d’un système de protection143. A cet
égard, il est important de souligner que les parents qui n’assurent pas la protection de leur
enfant peuvent être sanctionnés. La loi prévoit un arsenal de répression des représentants
légaux (par exemple par le stage de responsabilité parentale). Monsieur Bruel critique le fait
que le juge des enfants figure comme clé de voûte de ce système de protection de l’enfant 144,
ce qui est aujourd’hui fragilisé.
72. Le juge des enfants doit tenir compte des représentants légaux aussi bien dans la
procédure d'assistance éducative que dans la procédure pénale145. Cet aspect est une
particularité de la justice des enfants car, selon l’article 1242, alinéa 4 du Code civil, les
142
V. en ce sens les propos de F. BAILLEAU, formation continue ENM/ENPJJ, « L’ordonnance du 2 février 1945
aujourd’hui », 15 et 16 déc. 2014, ENM Paris
143
B. BASTARD et C. MOUHANNA, L’avenir du juge des enfants; éduquer ou punir?, Trajets, 2010.
144
In A. BRUEL, « La recherche de l’adhésion en assistance éducative : hypocrisie ou tentative d’influence? »,
Nouvelle revue d’ethnopsychiatrie, La Pensée sauvage, 1994, n° 27.
145
B. BASTARD et C. MOUHANNA, L’avenir du juge des enfants; éduquer ou punir?, op. cit., p. 53 et s.
55
titulaires de l'autorité parentale sont responsables civilement de leurs enfants mineurs
lorsqu'ils sont à leur charge.
73. Cette donnée a son importance dans la procédure d’assistance éducative pour
l’application du contradictoire. En effet, les père et mère ou tuteurs légaux accompagnent
l’enfant lors de la procédure et lors de la discussion devant le juge. Si l’autorité judiciaire doit
intervenir, c’est parce que les parents n’ont pas répondu à leur devoir de satisfaire à ses
besoins. Pour une meilleure efficience de la procédure et du suivi judiciaire des parents, le
juge doit autant que possible recueillir leur adhésion pour contribuer au mieux-être de
l’enfant146. L’aide judiciaire intervient dans un cadre contraint, ce qui peut paraître paradoxal.
Monsieur Bruel y voit une hypocrisie ou une tentative d’influence147. Mais cette démarche est
essentielle pour que l’enfant soit apaisé et n’évolue pas dans un contexte conflictuel entre ses
parents et l’autorité judiciaire. Cet effort de persuasion du juge se présente davantage comme
une négociation suivie d’un accord plutôt que comme une véritable recherche d’adhésion 148,
dont la nature fait débat : est-elle volontaire ou rejoint-elle une certaine notion de
contractualisation149 ? En respectant le contradictoire, le juge peut prendre en compte les
parents lors des différentes phases de la procédure.
74. La prise en compte des représentants légaux a aussi un impact dans le cadre pénal.
Effectivement, ils accompagnent leur enfant lors des différentes phases du procès et sont
également redevables des dommages et intérêts demandés par le défendeur s'il se porte partie
civile et s’il agit contre eux comme civilement responsables.
Or, une condamnation pénale n’exige ni l’accord du mineur ni celui de ses représentants
légaux. Par exception, le juge doit recueillir leur accord dans certains cas150 : lorsqu’il
prononce une mesure d’aide ou de réparation151 ou ordonne un travail d’intérêt général152.
146
V. en ce sens art. 375-1 al. 2 du Code civil. : le juge des enfants « doit toujours s’efforcer de recueillir
l’adhésion de la famille à la mesure envisagée ».
147
A. BRUEL, « La recherche de l’adhésion en assistance éducative : hypocrisie ou tentative d’influence? », op.
cit.
148
A. BRUEL, « La recherche de l’adhésion », JDJ, août 2012, n° 318, p. 32.
149
B. BASTARD et C. MOUHANNA, L’avenir du juge des enfants; éduquer ou punir? op. cit., p. 55.
150
Le procureur de la République doit également recueillir l’accord du mineur et de ses représentants légaux
lorsqu’il propose une mesure de composition pénale au mineur, v. l’art. 7-2 de l’ord. du 2 févr. 1945.
151
V. en ce sens art. 12-1 de l’ord. du 2 févr. 1945 : le procureur de la République et le juge des enfants
peuvent prononcer une mesure d’aide ou de réparation ; si celle-ci est proposée avant l’engagement des
poursuites, donc par le procureur de la République dans le cadre d’une alternative aux poursuites pénales, et
par le juge des enfants au stade de la mise en examen, l’accord préalable du mineur et des titulaires de
56
L’accord reste essentiel pour la recherche de l’efficacité de la justice153. Des condamnations
pénales telles que l’admonestation ou la remise à parents induisent la prise en compte des
représentants légaux par le juge des enfants. Leur prononcé nécessite un certain lien entre les
représentants légaux et le magistrat lors des débats. C’est le rôle du contradictoire de
permettre cette adhésion.
75. En raison de la protection de l’enfant notamment, la prise de décision par le juge peut
être difficile.
78. La loi prévoit que le jugement est en principe contradictoire. L’article 467 du Code de
procédure civile indique qu'il revêt ce caractère « dès lors que les parties comparaissent en
l’exercice de l’autorité parentale doit être recueilli. Lorsque cette mesure d’aide ou de réparation intervient au
stade du jugement, donc prononcée par le juge des enfants, il est à noter que seules les observations
préalables du mineur et des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale sont recueillies.
152
Le régime relatif au travail d’intérêt général est plus imprécis : l’article 20-5 de l’ordonnance du 2 février
1945 indique que les dispositions du Code pénal relatives au travail d’intérêt général sont applicables aux
mineurs de seize à dix-huit ans. Le Code pénal, en la matière, indique à l’article 131-8 que le travail d ‘intérêt
général ne peut être prononcé contre le prévenu qui la refuse ou qui est absent à l’audience. En conséquence,
son accord doit être recueilli. Mais on peut légitimement s’interroger, avec un mineur à la barre, sur la valeur
de l’accord de celui-ci sans le cautionnement de ses représentants légaux.
153
A. BRUEL, « La recherche de l’adhésion », op. cit., p. 32.
154
N. FRICERO, L’essentiel de la procédure civile, op. cit., p. 121 et s. ; S. GUINCHARD, F. FERRAND et C.
CHAINAIS, Procédure civile, op. cit., p. 540 et s. ; Y. STRICKLER, Procédure civile, op. cit., p. 299 et s. ; E. VERGES,
Procédure pénale, op. cit., p. 295 et s.
57
personne ou par mandataire, selon les modalités propres à la juridiction devant laquelle la
demande est portée ». La Cour de cassation précise que le jugement est qualifié de
contradictoire même en cas de comparution du demandeur postérieurement à l'ordonnance de
clôture156. Le rôle du contradictoire tend à s’assurer que les parties ont pu participer aux
débats en vue du jugement, et dont ils ont eu connaissance.
80. Après la comparution, dans l'hypothèse où l'une des parties s'abstient d'accomplir les
actes de la procédure dans les délais requis, le juge statue par jugement contradictoire au vu
des éléments dont il dispose, selon l’article 469, alinéa 1 du Code de procédure civile.
L’article 469, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que le défendeur peut demander au
juge de déclarer la citation caduque, mais la Cour d‘appel de Paris a jugé que l'article 469, à la
différence de l'article 468, ne prévoit pas que le juge puisse prononcer d'office la caducité de
la citation160. En dépit de l'inertie des parties dans l'accomplissement des actes de la procédure
dans les délais requis, le juge doit avoir la faculté de statuer et d'attacher un caractère
155
H. CROZE, « Essai de construction d’une procédure civile minimale », JCP G, juill. 2019, n° 26, p. 717.
156
V. en ce sens Cass. civ. 2ème, 8 juill. 2004, n° 02-17.677, confirme Paris, aud. solennelle, 22 mai 2002.
157
Civ. 2ème, 10 mars 1988 : Bull. Civ II, n° 62 ; Gaz. Pal. 1988. 2. Somm. 495, obs. S. GUINCHARD et T. MOUSSA.
158
Cass. civ. 2ème, 28 juin 2012, n° 11-21.051 : Gaz. Pal 2012, 2809, note L. RASCHEL, et 3507, note C. BLERY, la
Cour s'appuie sur l'al. 2 de l'art. 468 du Code de procédure civile.
159
Art. 468 al. 2 du Code de procédure civile, à propos du Décr. n° 86-585 du 14 mars 1986, art. 1er.
160
V. en ce sens Paris, 13 nov. 1985 : D., 1986, IR 222, obs. P. JULIEN.
58
contradictoire au jugement. Le critère prégnant pour assortir le jugement du caractère
contradictoire n'est pas le fait que les parties ou l'une d'elles accomplissent les actes de
procédure, mais qu'elle(s) les effectuent dans les délais requis. Il est alors possible d'en
déduire que le critère du temps utile est le plus important en tant que modalité
d’accomplissement des actes par les parties. En revanche, si aucune des parties n'accomplit
les actes dans les délais requis, l’article 470 du Code de procédure civile permet au juge de
radier d'office l'affaire par une décision non susceptible de recours. Il doit alors adresser un
avis aux parties elles-mêmes, et à leur mandataire si elles en ont un.
81. Si le jugement n’est pas contradictoire, il peut être rendu par défaut 161 ou réputé
contradictoire, ce qui vise les cas où le défendeur ne comparaît pas. Selon l’article 473, alinéa
1 du Code de procédure civile, le jugement est rendu par défaut à la double condition que la
décision soit rendue en dernier ressort et que la citation ait été délivrée à personne. Selon
l’article 473, alinéa 2, le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible
d'appel ou que la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Il est intéressant de noter le caractère cumulatif des deux conditions pour rendre un
jugement par défaut, tandis que le caractère est alternatif pour réputer un jugement
contradictoire. Le jugement est alors régulier en dépit de l'absence du défendeur. Il est statué
sur le fond mais, concernant la forme, la décision lui est notifiée en vue de passer en force de
chose jugée afin qu'elle lui soit opposable, de la même manière qu’au demandeur présent.
161
N. FRICERO, L’essentiel de la procédure civile, Gualino, 2019 2018, pp. 97-98 ; N. CAYROL, Procédure civile,
Dalloz, Paris, 2017, p. 308 ; S. GUINCHARD, F. FERRAND et C. CHAINAIS, Procédure civile, op. cit., p. 358 et s.
162
J.-B. THIERRY, « Réforme de la justice - La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, loi de réforme pour la justice
numérique? », JCP G, mai 2019, n° 19, p. 524 et s. ; Procédures, juin 2019, n° 6, pp. 6, 7, 11 et s.
163
W. ROUMIER, « Publication des décrets d’application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de
programmation et de réforme pour la justice », op. cit., p. 38 ; v. sur l’audition libre des mineurs : A.-S.
CHAVENT-LECLERE, « L’application concrète de la réforme de la justice pénale : étude des décrets n° 2019-507
et 2019-508 du 24 mai 2019 pris pour l’application des dispositions pénales de la loi de programmation 2018-
2022 et de réforme pour la justice », Procédures, août 2019, n° 8-9, p. 22.
59
électronique, des décisions de justice. Ces dispositions sont relatives à l'open data des
décisions, c'est-à-dire à une forme plus élargie de publication.
Le législateur traite également de la publicité des décisions164, c'est-à-dire de la possibilité
pour une personne de se faire délivrer copie des décisions de justice. Cette démarche
préexistait à la loi nouvelle et devra respecter la vie privée165. Elle a donné lieu à une
circulaire censée remédier aux demandes répétées et considérées comme abusives, réalisées
pour contourner l'absence de mise à disposition électronique des décisions166.
Le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019 portant diverses mesures relatives à la
communication électronique en matière civile et à la notification des actes à l'étranger modifie
les dispositions relatives à l’établissement des jugements civils sur support électronique, ce
qui remanie les modes d’accès des parties à leurs droits et l’application du contradictoire.
Le justiciable a donc des nouveaux moyens d’avoir accès aux décisions de justice. Cela
modernise la façon dont il peut en avoir connaissance et dont elles lui sont notifiées et
renouvelle l’application du contradictoire. Ces dispositions, dont l’objectif est de gagner du
temps, peuvent toutefois se heurter aux moyens financiers d’enregistrement des jugements en
ligne et à la connaissances de cette dématérialisation par les justiciables.
83. En matière pénale, le juge des enfants doit respecter les droits de la défense, le principe
du contradictoire, et adapter la décision à la protection de l’enfant auteur.
84. Le principe du jugement est déterminé par l’article 462 du Code de procédure pénale :
« le jugement est rendu soit à l’audience même à laquelle ont eu lieu les débats, soit à une
date ultérieure. Dans ce dernier cas, le président informe les parties présentes du jour où le
jugement sera prononcé ». La Cour de cassation précise que si le jugement ne mentionne pas
que le président a informé les parties du jour du prononcé du jugement, le délai d’appel ne
164
Art. 33 de la loi.
165
L. CADIET, « Loi Belloubet - Concilier la publicité des décisions de justice et le droit au respect de la vie
privée », Procédures, juin 2019, n° 6.
166
Circ. n° JUSB1833465N du 19 déc. 2018 , relative à la communication de décisions judiciaires civiles et
pénales aux tiers à l'instance.
60
peut commencer à courir qu’à partir du jour de la signification du jugement167. Conformément
au respect du contradictoire, il est donc nécessaire que les parties soient régulièrement
informées de la date du jugement afin qu’elles puissent y être présentes.
85. Si les parties sont absentes le jour du jugement, il peut être rendu par défaut. L’article
412 du Code de procédure pénale mentionne que si la citation n’a pas été délivrée à la
personne du prévenu, et s’il n’est pas établi qu’il a eu connaissance de la citation, la décision
est rendue par défaut168. L’article 487 indique ainsi que « sauf les cas prévus par les articles
410, 411, 414, 415, 416 et 424, toute personne régulièrement citée qui ne comparaît pas au
jour et à l’heure fixée par la citation est jugée par défaut, ainsi qu’il est dit à l’article
412 »169. En dehors de ces cas, le jugement peut être prononcé par défaut, il est alors
contradictoire à l’égard du condamné.
86. La prise de décision est un exercice délicat pour le juge des enfants car elle concerne le
devenir d’un mineur. Dans le cadre civil, elle se caractérise par la prise d’une mesure de
protection, d’une mesure éducative ou d’une mesure d’éloignement de la famille. Dans le
cadre pénal, il s’agit de sanctionner le mineur pour un acte qu’il a commis. Dans les deux cas,
le juge est conduit à s’interroger sur la pertinence de sa décision au vu de la personne de
l’enfant et du statut des représentants légaux, tout en se situant dans l’intérêt du mineur.
Le rôle du contradictoire est d’accompagner le juge des enfants dans sa prise de décision.
Les mécanismes que ce principe prévoit permettent au juge de s’orienter vers une décision en
fonction de l’intérêt de l’enfant dans le cadre civil, et en cohérence avec son intime conviction
dans le cadre pénal. Il est tenu de prendre en compte le contradictoire pour prendre une
décision adaptée à la fois à la loi, à la protection de l'enfant dans le cadre civil, et à la
protection de l'enfant et à la cessation du trouble à l'ordre public dans le cadre pénal. La
décision doit également être adaptée à l'enfant et à ses représentants légaux. C’est dans cet
objectif que le juge doit appliquer le contradictoire.
167
Cass. crim., 23 nov. 1999 : Bull. crim. n° 360 ; Dr. pén. 2000, chron. 24, obs. C. MARSAT.
168
E. DREYER et O. MOUYSSET, Procédure pénale, op. cit., p. 397.
169
Les exceptions prévues par les articles cités concernent les cas suivants : si le prévenu fournit une excuse
reconnue valable par la juridiction, si la peine encourue est supérieure ou égale à deux ans d’emprisonnement,
si le prévenu demande par lettre au président d’être jugé en son absence, quand le débat sur le fond de la
prévention ne doit pas être abordé, si le prévenu est représenté par un avocat (le jugement est alors
contradictoire à son égard), et si le prévenu ne peut comparaître en raison d’un état de santé grave.
61
87. Le juge des enfants intervient aujourd’hui dans un contexte renouvelé compte tenu du
changement général des formes de l’intervention sociale et de l’action judiciaire170. Le rapport
à la norme change dans le champ judiciaire comme dans celui de l’éducation. Les effets s’en
font ressentir dans les relations familiales et dans les relations entre sphère publique et sphère
privée. Par conséquent, le rapport à l’autorité change, que ce soit à l’autorité des parents, à
l’autorité judiciaire ou à celle du juge des enfants, qui apparaît comme négociée 171. Ce facteur
doit être pris en compte par le juge lorsqu’il applique le contradictoire parce que les parties
peuvent adopter un comportement différent face à la constitution et la consultation du dossier
et lors des auditions et de l’audience.
On peut s’interroger sur le rôle d’efficience de la justice des mineurs et sur son caractère
d’humanité, qui peuvent réduire la prise de décision à une simple dimension calculatoire172.
Dans le cadre civil, l’exercice est d’autant plus délicat que la pratique révèle que les juges des
enfants sont de plus en plus confrontés à un traitement d’un dossier d’assistance éducative
découlant d’une situation de conflit conjugal. Cette situation entraîne la reconnaissance de
risque de danger pour l’enfant, au titre de l’article 375 du Code civil, plus que les conditions
éducatives correspondant le plus souvent aux besoins de l’enfant. Il est préférable que la
décision soit dite et écrite, plutôt que mise en délibéré, ce qui serait « inadmissible »173. Sans
être aussi catégorique, il est vrai que la mise en délibéré reporte l’information des parties
quant à la décision, ce qui peut avoir un impact négatif même si le contradictoire a été
appliqué durant la procédure.
Le rôle du contradictoire change sous l’impulsion de ces facteurs : difficulté de prise de
décision, interaction entre efficience et humanité, sont autant d’aspects que le juge doit
prendre en compte.
88. Les finalités du procès découlent de la façon dont celui-ci est engagé en vue d’une
170
B. BASTARD et C. MOUHANNA, L’avenir du juge des enfants; éduquer ou punir?, op. cit., p. 51 et s.
171
A. BRUEL, « La recherche de l’adhésion », op. cit., p. 32.
172
L’efficience serait vue ici comme une certaine capacité de rendement des décisions.
62
application de la justice. L’une de ces finalités est l'émergence d'une vérité, mais elle ne se
limite pas à cela174.
Or, l'émergence de la vérité est variable selon qu’elle se déroule auprès du juge pénal, du
juge civil ou du juge des enfants. Par ailleurs, la vérité comme finalité du procès est un aspect
du droit qui varie avec le temps175. Si la vérité s’inspirait plus des faits et donnait lieu à une
sanction prévue par les textes, elle traduit aujourd’hui plus encore un apaisement social du
conflit176. En conséquence, l’apport d’un caractère social dans la solution du procès se
distingue d’une solution se limitant à l’énoncé d’un verdict.
89. On peut dire qu’il existe un respect formel du contradictoire qui conduit le juge à
appliquer ce principe directeur du procès pour aboutir à l’énoncé d’un jugement ou d’un
verdict (vérité légale) et à un respect plus humain orientant les usagers vers un apaisement
social (vérité fictive).
La vérité légale, traduction de l'opposabilité aux parties et aux tiers (§1) se distingue alors
de la vérité fictive, traduction de l'apaisement social (§2), ce qui prend tout son sens dans le
cadre de la justice des mineurs.
§1 - La vérité légale
La vérité légale, exprimée dans la décision, engendre son opposabilité aux parties et aux
tiers. Nous étudierons cette notion (A), avant d'analyser le sens de son opposabilité pour le
mineur et ses représentants légaux (B).
90. La notion de vérité n'est pas précisée par les textes. Elle peut être définie comme
173
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 100.
174
M. VAN DE KERCHOVE, « La vérité judiciaire : quelle vérité, rien que la vérité, toute la vérité? », Dév. et soc.,
2000, n° 24-1, p. 95.
175
J. BENTHAM, Traité des preuves judiciaires, In Œuvres de J. Bentham, jurisconsulte anglais, II, L. Hauman et
Cie, Bruxelles, 1829, p. 285, in M. VAN DE KERCHOVE, « La vérité judiciaire : quelle vérité, rien que la vérité,
toute la vérité? », op. cit., p. 97. Bentham indique en ce sens que « la procédure a certainement toute autre
vue que la recherche de la vérité ».
176
A. GARAPON, « Les enjeux de la justice prédictive », janv. 2017, n° 1-2.
63
« l’adéquation entre la pensée et l’objet de la pensée » ou « l’accord de notre discours avec la
réalité »177.
En matière pénale, la vérité légale correspond à l’énoncé d’un verdict, auquel le juge a
abouti après une application mécanique et formelle du contradictoire.
91. La conception de vérité légale dérive de l’autorité de la chose jugée178, qui implique que
nul ne puisse remettre en cause par une nouvelle demande ce qui a été jugé : le jugement, tout
comme la vérité, n’est plus contestable. L’autorité conférée à la décision par le législateur
entraîne donc la vérité légale du jugement, ce que prévoit l’article 480 du Code de procédure
civile : « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal […] a, dès
son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche ». La
relation entre le contradictoire et la vérité légale est de l'ordre de la conséquence : les
mécanismes du contradictoire permettent d’aboutir à la vérité légale, en ce que la décision
« modifie l'état du droit »179 : le juge ne dit pas la vérité, il dit le droit180.
92. La vérité légale peut donner lieu à plusieurs approches. Certains évoquent l’idée de
rattacher le système inquisitoire à la « vérité matérielle », et le système accusatoire à la
« vérité formelle »181. Cette approche considère comme essentielle l’efficacité dans le procès
pénal182. D’autres s’interrogent sur la nature de la vérité dite judiciaire et sur sa place dans le
procès pénal183. Il apparaît ainsi que la vérité dite judiciaire se distingue d’une vérité dite
scientifique, distinction qui accorderait un caractère relatif à la vérité dite judiciaire : elle
naîtrait d’une argumentation conduisant à l’élaboration de la décision de justice, selon
laquelle le juge se prononcerait en vertu de son pouvoir d’appréciation184.
93. Le procès civil oppose des adversaires, le procès pénal oppose le prévenu au ministère
177
P. RICOEUR, Histoire et vérité, Seuil, Paris, 1955, p. 143, in M. VAN DE KERCHOVE, « La vérité judiciaire :
quelle vérité, rien que la vérité, toute la vérité? », op. cit., p. 95.
178
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, Paris, Paris II, 9 juin
1988, p. 107 ; N. FRICERO, L’essentiel de la procédure civile, Gualino, 2019 2018, pp. 125-127 ; N. CAYROL,
Procédure civile, op. cit., p. 431 et s.
179
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 111.
180
E. DE FONTENAY et F. RINGELHEIM, « L’historique et le judiciaire », Le genre humain, janv. 1983, n° 7-8, p.
43.
181
S. MOCCIA, « Vérité substantielle et vérité du procès », Dév. et soc., 2000, n° 24-1, p. 109.
182
Ibid., p. 110.
183
M. VAN DE KERCHOVE, « La vérité judiciaire : quelle vérité, rien que la vérité, toute la vérité? », op. cit., p.
95.
64
public, ce qui renvoie au concept de litige à résoudre par un jugement.
Dans le procès civil, le juge tranche le différend entre deux interprétations contradictoires
d’un même fait par une application de la norme juridique applicable. Ainsi, il ne s’agit pas de
dire la vérité, mais de dire le droit.
Dans le procès pénal, l’opposition est plus substantielle, car le litige est plus objectif en
raison de la préservation de l’ordre public et non de deux intérêts particuliers. Ainsi, le juge
dispose d’une plus grande liberté puisqu’il doit mettre en balance une sanction à infliger à un
prévenu et la protection de la société. Le juge ne dit pas alors une vérité certaine, mais tranche
en fonction de son intime conviction. Dans les deux cas, la loi recourt à ce procédé pour
affirmer la vérité du jugement. Ainsi, « la décision sera réputée vérité par ordre de la loi »185,
res judicata pro veritate habetur.
94. Dans la mesure où les adversaires sont placés dans un rapport de réciprocité, entre eux
et en passant par le juge, la contradiction n’est pas seulement une conséquence de la défense,
elle est aussi une « méthode de la vérité judiciaire »186. Or, il s’agit d’une « vérité relative », la
méthode pour y accéder étant « la controverse, la confrontation des opinions »187.
Le principe du contradictoire veut que chaque partie -l’enfant et ses représentants légaux-
ait été à même d'avoir été entendue par le juge, ait échangé avec les autres et ait contribué à la
décision. La qualité du contradictoire participe à la compréhension de la vérité légale par
l'enfant et par les représentants légaux.
Dans le cadre pénal, on peut s’interroger sur l’altération de la vérité légale devant le juge
des enfants par le discernement. En effet, il importe peu d’établir une vérité factuelle ; le
mineur doit être en mesure d’avoir voulu et compris l’acte commis. Plus encore, il doit avoir
compris qu’il a voulu cet acte. Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation prévoit
qu’avant toute condamnation, le juge de la répression doit examiner et résoudre, à peine de
nullité, la question du discernement188. Le juge doit alors examiner la conscience que le
mineur a de l’acte commis car toute infraction suppose que son auteur ait agi avec intelligence
et volonté189. La question de l’évaluation du discernement du mineur est conduite à évoluer
puisque l'ordonnance n° 2019-950 portant partie législative du Code de la justice pénale des
184
V. en ce sens ibid., p. 96.
185
E. DE FONTENAY et F. RINGELHEIM, « L’historique et le judiciaire », op. cit., p. 43.
186
R. MARTIN, « De la contradiction à la vérité judiciaire », Gaz. Pal., 1981, p. 209.
187
Ibid., p. 209.
188
Cass. crim. 5 févr. 1931 : Bull. crim. n° 35 ; cass. crim. 26 juin 1949 : Bull. crim. n° 172.
189
Cass. crim. 13 déc. 1956, LABOUBE : Bull. crim. n° 840 ; M. PATIN, D., 1957, p. 349.
65
mineurs prévoit l'établissement d'une présomption simple de discernement à partir de l’âge de
treize ans190. L’article L. 11-1 du Code de la justice pénale des mineurs prévoit que « les
mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement » et que «
les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés être capables de discernement ». Le
discernement est donc le fondement de la responsabilité pénale des mineurs, mais celui-ci est
présumé n'apparaître qu'à treize ans. Monsieur Bonfils et Madame Gouttenoire indiquent qu’il
serait plus simple et plus clair de conserver le seuil souple du discernement comme
aujourd'hui (en gardant l'âge de treize ans pour les peines), ou de retenir un seuil fixe de treize
ans, comme le font la plupart des législations étrangères191.
95. Dans le cadre civil, la question du discernement est mise à mal par le fait que la vérité
émane difficilement d’un contexte familial carencé et conflictuel. Chaque famille a sa vision
propre de la protection du mineur. La complexité des liens familiaux et des rapports des
individus entre eux rend difficile l’avènement d’une vérité simple et unique énoncée par le
juge des enfants. C’est pourquoi, en réalité, il ne se limite pas à rechercher une vérité à
proprement parler, mais il souhaite recueillir une description du fonctionnement familial et
des liens entre les individus, afin de se prononcer sur la mesure la plus conforme à l’intérêt de
l’enfant192. En assistance éducative, la décision ne relève pas tant d’une certaine vérité légale
que d’une mesure prise dans l’intérêt de l’enfant.
La vérité légale issue du jugement engendre, par l’effet de l’autorité de la chose jugée, son
opposabilité au mineur et à ses représentants légaux.
96. Il est nécessaire que les parties accordent un sens à l’opposabilité de la décision dans la
mesure où elle découle de l’efficacité du contradictoire. En effet, le contradictoire va conduire
les parties à comprendre le sens et l’effet de la décision. Les intérêts des parties ayant été
190
« Présentation de la justice pénale des mineurs », JCP G, sept. 2019, n° 39, p. 945.
191
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, « Droit des mineurs, juillet 2018 – juillet 2019 », D., sept. 2019, n° 31, p.
1732.
192
C’est dans cet objectif que l’article 1183 du Code de procédure civile dispose que le juge peut ordonner
« toute mesure d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents ».
66
exprimés, défendus et pris en compte, le contradictoire va également permettre le droit à
l’exercice d’un recours193.
97. L 'opposabilité est une notion non définie par les textes. Il s'agit du « caractère d'un type
de relation qui régit les rapports juridiques entre deux ou plusieurs personnes »194, ou de la
production des effets juridiques. Pour que le jugement soit rendu opposable aux parties, il est
nécessaire qu'il soit passé en force de chose jugée. Cela signifie que le jugement doit revêtir la
force symbolique de la vérité légale et être incontestable.
98. Il est important de déterminer à qui la décision est opposable. Tout d’abord, elle
engendre des effets juridiques à l’égard des parties, qui, demanderesses et défenderesses, en
ressentent les effets directs. Puis, la décision produit des effets juridiques à l’égard des tiers.
La qualification de parties ou de tiers à l’instance confère à ces personnes un statut juridique
particulier qui leur donne des droits et des obligations en vue du bon déroulement de
l’instance.
Une partie est une personne engagée dans un procès. Elle peut être demanderesse, auquel
cas son engagement dans le procès est volontaire. Ou elle peut être défenderesse, auquel cas
son engagement dans le procès se fait contre sa volonté.
En quelque sorte, le principe du contradictoire permet aux parties d’exprimer leurs
prétentions et de soutenir leur argumentation. Un tiers, au contraire, est protégé de manière
indirecte, puisque son statut lui permet de ne pas être directement concerné par une
décision195.
99. Une « relation d'équivalence »196 lie la notion de vérité légale à celle d'opposabilité,
jusqu'à démontrer « l'absence de spécificité et d'utilité »197 de la notion de vérité légale. Pour
que le jugement produise des effets juridiques définitifs à l’égard des parties et des tiers, il
doit être passé en force de chose jugée, conformément à l’article 480 du Code de procédure
civile. Ce caractère étant attaché à la décision, celle-ci leur devient opposable. La vérité peut
se définir comme la condition de l’opposabilité.
193
O. SCHRAMECK, « Quelques observations sur le principe du contradictoire », op. cit., p. 631.
194
S. BRAUDO, lexique juridique, https://www.dictionnaire-juridique.com/definition.opposabilite.php, consulté
le 11 avr. 2018.
195
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 55.
196
Ibid., p. 110.
197
Ibid., p. 110.
67
La vérité est la condition de l’opposabilité, qui a pour fonction d’intégrer le jugement dans
l’ordonnancement juridique198. Il ne s’agit pas de déterminer une seule et unique vérité, ce
concept semblant ne pas avoir d’existence réelle. La fonction de la justice ne paraît pas tant
être la manifestation de la vérité que la réaffirmation de la loi199.
100. Plus le principe du contradictoire aura été respecté lors des phases précédant le
jugement et lors du jugement lui-même, plus le caractère opposable de la décision sera
compréhensible pour les parties et pour les tiers, qui auront pu s’approprier la décision et ses
effets juridiques.
102. La particularité se situe dans la personne de l’enfant qui a qualité de partie au procès
devant le juge des enfants. Les représentants légaux sont, eux aussi, parties à la procédure, en
tant qu’ils exercent l’autorité parentale, le mineur étant frappé d’incapacité d’exercice. La
198
Ibid., p. 112.
199
On parle ici de réaffirmation de la loi, celle-ci étant affirmée une première fois par son instauration et par
l’adage selon lequel « nul n’est censé ignoré la loi », remis en question aujourd’hui par l’inflation législative qui
rend en pratique impossible la connaissance de toutes les lois.
68
décision leur est donc opposable. Les tiers à la procédure ne sont pas directement concernés
par la décision, elle ne leur est donc pas directement opposable, mais ils en subissent les effets
par ricochet. C’est le cas du service à qui l’enfant a été confié.
Le lien entre le principe du contradictoire et l'opposabilité de la décision soulève la
question de la compréhension de la décision par l'enfant et par ses représentants légaux.
Certes, la loi prévoit la notification de la décision, mais elle ne se préoccupe pas de la
compréhension de cette décision par le justiciable. Nous avons affaire à des adultes en
difficultés, parents d'un enfant à qui toute notion de procédure est étrangère, et le juge des
enfants doit s’adapter à ces paramètres pour appliquer le contradictoire.
La vérité légale engendre donc l'opposabilité de la décision aux parties et aux tiers, qui
comprennent le jugement grâce au contradictoire200.
Mais la vérité légale n’est pas le seul effet produit par le jugement car la vérité fictive est
une autre finalité du procès en tant qu’élément d’apaisement social.
§2 - La vérité fictive
103. La vérité fictive conduit à l'apaisement social après le traitement du litige dominé par le
contradictoire.
Mais l’apaisement social peut également être la traduction plus concrète du concept de
vérité fictive (A). Il doit aussi avoir un sens pour les destinataires de la décision (B).
104. Le but recherché par la justice est « d’obtenir ou de préserver une certaine humanité
sociale »201. Pour les justiciables, la vérité fictive est plus aisément accessible que la vérité
légale. En effet, ils sont plus sensibles à un apaisement social résultant de la décision qu’à
l’énoncé d’une solution juridique. Le contradictoire s’affirme donc davantage quand
l’apaisement social est l’effet de la décision.
200
Le processus peut être imagé de la façon suivante : décision à opposabilité + contradictoire à
compréhension par le justiciable.
201
M. VILLEY, La formation de la pensée juridique moderne, PUF, Quadrige, Paris, 2009, p. 81
69
105. Tout comme la vérité légale, la vérité fictive n'est pas définie par les textes. Elle produit
un apaisement, visible au niveau de l'environnement social, relatif à un groupe d’individus,
voire sociétal, relatif à la société. On peut également la qualifier de vérité sociale.
106. L’objectif d’atteindre une certaine vérité implique la participation des individus à
l’instance par l’application du contradictoire. La loi aborde expressément la notion de vérité.
Lors du jugement des infractions, l’article 446 du Code de procédure pénale prévoit que
« avant de commencer leur déposition, les témoins prêtent le serment de dire toute la vérité,
rien que la vérité ». Le Code pénal ne mentionne pas de manière directe le concept de vérité
dans le cadre des témoignages à l’instance, mais il l’envisage sous l’angle des sanctions et
l’article 434-13, alinéa 1er utilise alors le terme de « témoignage mensonger ».
Lors des mesures d’enquête, les alinéa 1 et 2 de l’article 211 du Code de procédure civile
prévoient que « les personnes qui sont entendues en qualité de témoins prêtent serment de
dire la vérité », et que « les personnes qui sont entendues sans prestation de serment sont
informées de leur obligation de dire la vérité ». La combinaison de ces deux dispositions
conduit à penser que la prestation de serment est sans incidence sur l’obligation morale pour
les témoins de dire la vérité. De manière plus générale, le Code civil prévoit dans son article
10 que « chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la
vérité », ce concours étant apporté à l’autorité judiciaire et non à un particulier202.
La vérité en tant que telle est une notion de droit pénal prise dans un sens objectif. En
réalité, les parties rapportent la vérité subjective, c’est-à-dire leur réalité des faits. C’est
finalement cette vérité subjective qui participe à l’exercice du contradictoire, en vue pour le
juge de prendre une décision.
107. Par ailleurs, la vérité fictive résulte de l’effet produit par la justice et par la décision
rendue sur la société et sur le justiciable. Il est à préciser que la « vérité négociée » met en
avant que « ce qui change, c’est la manière de concevoir et de comprendre la signification de
cette vérité établie dans le jugement »203. C’est pourquoi il est primordial que le justiciable
soit informé tout au long de la procédure afin qu’il en comprenne les enjeux et attribue une
signification positive à la vérité.
202
Cass. civ. 1ère, 25 oct. 1994, n° 92-15.020.
203
S. MOCCIA, « Vérité substantielle et vérité du procès », op. cit., p. 111.
70
108. Le chemin psychologique du magistrat peut avoir une incidence sur sa perception de la
vérité car sa vision de la situation, les prétentions des parties et les arguments versés aux
débats déterminent sa prise de décision204. C’est pourquoi la qualité du contradictoire est
importante en vue d’une décision éclairée.
Le chemin psychologique des parties et des tiers peut également avoir une incidence sur la
perception de la vérité. Dans la mesure où le principe du contradictoire est une méthode et un
outil de la vérité judiciaire, une bonne organisation des échanges entre le juge et les parties
engendre un meilleur cheminement psychologique, donc une meilleure compréhension de la
décision. La vérité fictive apparaîtra alors aux parties, aux tiers et au magistrat. Cette
cohérence renforcerait la fonction sociale du procès.
109. Toutefois, les impératifs de célérité de la justice peuvent mettre à mal l’avènement de la
vérité et les délais nécessaires à la résolution du litige s’en trouveront raccourcis. Le risque est
grand alors de ne pas prendre en compte certains éléments importants. Cette bonne approche
dépend également de l’état d’esprit de chacun. Il est donc explicable que la qualité de la vérité
soit altérée.
Par l’écoute des parties notamment, le juge forge sa propre idée sur la vérité sociale et à
défaut de dégager la vérité, il peut s’en rapprocher. Certains points devenant plus clairs, la
décision reflète alors une résolution plus juste du litige. Le juge doit prendre en compte la
réalité prouvée, concept aléatoire à l’instar du concept de vérité, car la réalité dépend de la
perception de chacun. Le contradictoire et l’équité dans les débats sont nécessaires, car
entendre chaque partie de manière équitable va permettre au juge d’approcher leur réalité.
C’est pourquoi « le contradictoire doit gouverner l’instance pour guider le raisonnement
judiciaire »205. Alors, et selon l’article 12 du Code de procédure civile, le juge sera conduit
vers une résolution sociale du litige.
La vérité émane du jugement, dont elle est « sœur »206 et peut être considérée comme un
204
O. JOULIN, « Le chemin professionnel du magistrat et la vérité psychologique. “Toute la vérité sur la vérité
judiciaire” », Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, mars 2012, vol. 170, n° 2, p. 83.
205
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 121.
206
G. DEL VECCHIO, La justice - la vérité : essais de philosophie juridique et morale, Philosophie du droit : 3,
Paris : Dalloz. 1955, p. 10, In. M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit
processuel, op. cit., p. 122.
71
but. C’est pourquoi elle est recherchée, mais elle ne peut en aucun cas être atteinte 207.
L’incertitude de la vérité se caractérise aussi par son orientation vers l’enquête écrite, l’intime
conviction du juge et un dialogue difficile entre le juge et les parties208. L’analyse de
l’ensemble des éléments conduit à une vérité, assortie de la relativité, certes 209, mais qui
apporte une solution.
Madame Frison-Roche distingue entre l’existence d’une seule solution « exacte » à un
litige et celle de plusieurs solutions valables210 : dans le premier cas, c’est l’écoute des parties
qui permet au juge de distinguer parmi diverses solutions celle qui est la plus juste ; dans le
second cas, c’est la discussion contradictoire qui lui permet de trancher. Finalement, l’écoute
des parties et la discussion contradictoire sont peut-être des expressions synonymes. Là où
l’écoute des parties est une action reçue par le juge, la discussion contradictoire est une
méthode organisée par lui. Elle intervient alors pour soutenir le juge dans l’élaboration de
différentes solutions.
110. Devant le juge des enfants, le principe de vérité fictive est davantage mis en avant : tant
dans le cadre pénal que dans le cadre civil, l’idée est de trouver une solution dans l’intérêt de
l’enfant et de se pencher sur des aspects autres que purement factuels. Dans le cadre pénal,
l’instauration de la vérité est partagée entre la protection de l’enfant et celle de la société.
La protection de la société correspond notamment à un besoin sécuritaire remontant au
début des années 2000. Un authentique projet de politique criminelle sécuritaire fut élaboré
entre 2002 et 2007 pour protéger la société de la délinquance. Or, il n’est pas certain que les
chiffres relatifs à la violence des mineurs augmentent. Il s’agit plutôt d’une modification des
modes de manifestation de la violence211.
Cette politique sécuritaire a eu un impact majeur sur le procès équitable, donc sur le
contradictoire212. En effet, de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la
présomption d’innocence et les droits des victimes à celle n° 2007-291 du 5 mars 2007
207
PLATON, La République, 22 juin 2016 : à propos de l’allégorie de la caverne, l’auteur explique que le bonheur
ne peut être atteint, celui-ci se trouvant au sortir de la caverne. Il ne peut qu’être approché, par
l’accomplissements de joies multiples, mais le bonheur en soi n’a pas d’existence autre que symbolique.
208
D. SALAS, Les 100 mots de la justice, Que sais-je?, mars 2011, p. 123.
209
TGI Paris, 9 juill. 1981, Faurisson, in M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire -
Droit processuel, op. cit., p. 123.
210
Ibid., p. 127.
211
L. MUCCHIELLI, Violences et insécurité, fantasmes et réalités dans le débat français, La Découverte et Syros,
Paris, 2002 2001.
212
L. MUCCHIELLI, La frénésie sécuritaire, retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Paris, 2008, p. 27 et s.
72
tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, le législateur a donné des garanties au
procès équitable. Rappelons que ce besoin de sécurisation de la politique pénale provient
également de l’affaire dite d’Outreau, où des hommes et des femmes ont été mis en examen et
placés en détention provisoire pour viols sur mineurs, alors qu’ils ont été reconnus innocents
par la suite. Cette affaire a fragilisé le système de justice français au point que certains aspects
en soient réformés et que la procédure pénale a été conduite à être davantage équilibrée.
Dans le cadre de l’assistance éducative, la vérité fictive s’apparente davantage à un retour
au calme dans les situations conflictuelles entre parents et enfants, par l’intervention de
l’autorité judiciaire, sans pour autant qu’un retour au calme soit systématique car les conflits
ne sont pas apaisés dans tous les cas. Un élément modificateur est intervenu dans le
fonctionnement des relations entre parents et enfants, par l’intervention de l’autorité judiciaire
et de la décision judiciaire, modifiant ainsi l’équilibre des relations et conduisant à un
apaisement.
111. La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 relative à la justice du XXIème siècle est
venue refondre les principes classiques du système de justice, qui devient désormais
numérique par la numérisation des dossiers et par la création d’un espace, Portalis, qui permet
aux citoyens de saisir le juge et d’accomplir toute démarche procédurale par internet.
Or, face à un lieu aussi émotionnel qu’un tribunal, on peut s’interroger sur les incidences
de cette dématérialisation sur les réactions des usagers, sur le déroulement du procès et sur le
rôle du contradictoire, car ces incidences peuvent faire obstacle à l’apaisement social généré
par la décision. On peut se demander si ce lien humain n’est pas primordial pour garantir aux
parties un procès équitable et pour accéder à l’apaisement social.
On peut s’interroger aussi sur la dématérialisation de la procédure et la virtualité des débats
qui remplaceraient l’authenticité d’un débat réel au risque de créer des échanges artificiels,
compliquant la mise en œuvre des mécanismes de procédure et du contradictoire.
113. Produite par le jugement, la vérité fictive génère une conséquence sur l'environnement
social et sociétal. Il s’agit de représenter un trouble ponctuel, et non d’établir la vérité d’un
système tout entier213. Ces effets positifs du jugement contribuent à « alléger l’angoisse
collective »214 et sont en eux-mêmes créateurs d’un apaisement social.
114. Le principe de vérité fictive évolue sous l’impulsion des modifications actuelles de la
justice. Traditionnellement, la décision du juge est présentée comme le règlement d’un
« dysfonctionnement social », traduit juridiquement, en vue de l’« apaisement et de
l’élimination d’un trouble »215. Toutefois, la conception marxiste dénie cette fonction216.
Lorsque le juge impose sa manière de procéder et néglige ainsi la vérité, « cela se traduit
toujours techniquement par un non-respect du contradictoire »217. Mais prenons la réflexion en
sens inverse : on peut également dire que le non-respect du contradictoire conduit à un
cheminement erroné et vers une vérité tronquée.
Les évolutions actuelles de la justice mettent en avant d’autres aspects à prendre en compte
dans le cadre de la résolution du litige. L’avènement des nouvelles technologies cause une
modernisation de la justice. La justice prédictive « bouleverse la fonction ordonnatrice du
temps car elle introduit ab initio une solution très probable »218. En conséquence, l’enjeu n’est
plus la décision juridique, mais la résolution sociale de l’affaire219. On peut supposer que les
nouvelles manières de prédire la justice, technologiques et dématérialisées, ont un impact
direct sur la conceptualisation du processus de décision pour les parties.
L’apaisement social, directement tributaire du respect du principe du contradictoire, régit
213
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 116.
214
S. MOCCIA, « Vérité substantielle et vérité du procès », op. cit., p. 112.
215
J. FOYER, De l’autorité de la chose jugée en matière civile, essai d’une définition, Paris, 1954, p. 234, in M.-A.
FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 117.
216
K. MARX, Contribution à la critique de l’économie politique, Paris, 1977, p. 2, in M.-A. FRISON-ROCHE,
Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 117.
217
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 119. A
propos de J. FREUND, Sociologie et méthodologie, in Mélanges René CASSIN, t. IV, 1972, Paris, Pédone, p. 153 à
167 « la violence terroriste commence en général ,par un mépris des formes ».
218
A. GARAPON, « Les enjeux de la justice prédictive », op. cit., p. 49.
219
Ibid., p. 49.
74
les rapports des individus entre eux. Plus les positionnements de chacun sont respectés, plus
l’apaisement qui en résulte est effectif. Le rôle du contradictoire dans le procès montre donc
ici toute sa force, dans la mesure où son respect conditionne l’efficacité de l’apaisement
social. Un magistrat affirme qu’il ne fait « pas du social, mais de l’apaisement social »220.
115. Les textes récents insistent sur la volonté de donner au justiciable une confiance
renforcée en la justice française. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice
du XXIème siècle accentue l’office tutélaire du juge et recentre son intervention sur l’acte de
juger, c’est-à-dire sur sa mission essentielle : le fait de trancher des litiges, tout en garantissant
les droits des citoyens221.
116. Ainsi, devant le juge des enfants, le contradictoire joue un rôle particulier : méthode de
conduite du procès, il a vocation à renforcer la confiance des usagers en la justice.
220
Ainsi se prononce Jean-Pierre ALACCHI, premier substitut en charge d’affaires financières, dans le ressort
des Hauts-de-Seine, à propos de la justice de proximité, interview de Philippe LANCON, in Libération 5 janv.
1995.
221
Une importante réflexion générale sur la justice de demain a donné lieu à un débat national à l’UNESCO, en
date des 10 et 11 janvier 2014. Ce débat a donné lieu à deux projets de loi qui ont été adoptés par le
Parlement : une loi organique du 8 août 2016 et une loi du 18 novembre 2016, qui s’articulent et se
complètent. La réforme a l’ambition de rendre la justice plus simple, plus indépendante, plus efficace et plus
accessible.
75
Conclusion du chapitre
117. La définition du principe du contradictoire est nécessaire mais difficile lorsqu’il s’agit
de l’appréhender devant le juge des enfants. La doctrine aborde l’étude de cette notion de
manière générale dans le droit processuel, et son étude devant le juge des enfants se limite au
champ de l’assistance éducative.
Si les auteurs sont unanimes sur la variabilité de la définition, ils s’accordent sur
l’importance du rôle du contradictoire durant l’instance. La compréhension du litige et la
pertinence de la décision de justice dépendent des effets positifs produits par le contradictoire.
Une difficulté a été de définir le rôle du contradictoire dans la procédure devant le juge des
enfants, où il prend une autre dimension à la lumière du respect de la protection de l’enfant.
Si le principe du contradictoire joue un rôle juridique important parce qu’il aboutit à une
décision donc à une vérité légale, son rôle est également essentiel dans l’apaisement des
tensions à l’origine du litige.
76
Chapitre 2 - Le contenu du contradictoire
120. En matière civile, le contenu du contradictoire s'articule autour de l'idée de droit des
usagers du service public de la justice, découlant de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 dite
« droit des usagers » rénovant l’action sociale et médico-sociale. Le décret du n° 2002-361 du
15 janvier 2002 modifiant le Code de procédure civile et relatif à l’assistance éducative en
décline diverses modalités et modifie le Code de procédure civile en ce sens. En dépit de
l’ancienneté de ce texte, nous nous attarderons sur les changements essentiels qu’il a apportés.
Le contenu du contradictoire se manifeste à travers les différentes étapes de la procédure et
peut se résumer en un schéma : information des parties sur les droits -- > convocation en
première audience -- > audition première audience -- > information de l’évolution de la procédure -- >
convocation entre les différentes étapes de la procédure ou lors de l’audience de jugement -- >
audience durant la procédure ou audience de jugement -- > information sur les droits des parties pour
la suite de la procédure.
Le système apparaît comme une boucle où des droits sont garantis par l’exercice du
principe du contradictoire, qui va venir consolider la garantie de ces droits.
77
Le contenu du principe du contradictoire devant le juge des enfants se manifeste dans le
dossier de procédure (section 1). Les droits des personnes impliquées dans la procédure sont
l’essence-même du contradictoire (section 2).
121. L’information des parties sur leurs droits et sur l’évolution de la procédure est
étroitement liée à leur audition. En effet, avant d’être entendues, les personnes ont été
informées de leurs droits procéduraux, de la date de leur audition et du contenu sur lequel
elles vont pouvoir se fonder pour argumenter leur défense.
Nous distinguerons l'information des parties dans le cadre pénal (1) et dans le cadre civil
(2).
122. L'information des parties sur leurs droits ou sur les décisions qui les concernent est un
78
préalable au caractère contradictoire de la procédure222. Etant informées, elles sont à même
d’échanger les pièces du dossier. Le titre I du Livre III du Code de justice pénale des mineurs
prévoit le droit général du mineur à l’information et à l’accompagnement ; l’article L. 12-5
précise que les représentants légaux reçoivent les mêmes informations que leur enfant tout au
long de la procédure et que celui-ci en est informé. Cette disposition met l’accent sur la
cohérence des informations transmises donc sur une application uniforme du contradictoire.
Toutefois, l’information des droits dont bénéficie le mineur n’est pas délivrée aux titulaires de
l’autorité parentale si l’information est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant (article L.
311-2 1°), ce qui met l’accent sur la protection du mineur tout en appliquant le contradictoire.
Nous distinguerons l'information des parties au stade de l'instruction (a) et au stade du
jugement (b).
124. La Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 exige que
l’enfant soit informé le plus tôt possible de ce qui lui est reproché dans le cadre pénal 223. Ce
texte garantit donc l’exercice du contradictoire par les Etats liés par cette convention.
L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante prévoit l’information des
parties et des tiers concernant leurs droits procéduraux durant la période de l’instruction.
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la
justice renforce la place des représentants légaux lors de la procédure. Selon l’article 6-2
222
V. notamment en ce sens S.-C. LIN, Les principes directeurs du droit pénal des mineurs délinquants, op. cit.,
pp. 154 et 155.
223
Convention internationale des droits de l’enfant, Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989 : art.
40 « compte tenu des dispositions pertinentes des instruments internationaux, les Etats parties veillent en
particulier : à ce qu'aucun enfant ne soit suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale en raison
d'actions ou d'omissions qui n'étaient pas interdites par le droit national ou international au moment où elles
ont été commises; à ce que tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit aux
garanties suivantes : être présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie; être
informé dans le plus court délai et directement des accusations portées contre lui, ou, le cas échéant, par
79
nouveau de l’ordonnance du 2 février 1945, ils doivent ainsi être destinataires des
informations, lesquelles sont identiques à celles du mineur poursuivi224. La loi apporte des
restrictions par rapport aux informations délivrées aux parents en cours de procédure.
125. Il convient de préciser ce que la loi prévoit en matière d’information des parties dans la
phase préalable à l’instruction, donc aux poursuites pénales. Elle correspond au cadre
précédant une éventuelle poursuite du mineur devant le juge des enfants. Elle se situe ainsi
dans l’ensemble des prérogatives attribuées au procureur de la République et relatives à
l’opportunité des poursuites. Les cas visés concernent le placement en garde à vue du mineur
ou le recours à des alternatives aux poursuites pénales.
L’information du mineur et des représentants légaux à cette étape de la procédure va
permettre l’application du contradictoire lors de la mise en examen en cas de poursuites.
Lorsqu’un mineur est placé en garde à vue, la loi prévoit que les forces de l’ordre doivent en
informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel il est confié. Selon les articles
4 II alinéa 1 de l’ordonnance du 2 février 1945 et L. 413-7 du Code de la justice pénale des
mineurs, l’officier de police judiciaire doit procéder à l’information des personnes susvisées
après avoir avisé le procureur de la République ou le juge chargé de l’instruction de la mise en
garde à vue. La Cour de cassation a aussi décidé qu’il ne peut être dérogé à l’information des
personnes prévues par l’article 4 II de l’ordonnance du 2 février 1945 que sur décision du
procureur de la République ou du juge chargé de l’instruction225. Il ressort également du
jugement de la chambre criminelle de la Cour de cassation que lorsque la notification des
droits prévus aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du Code de procédure pénale et 4 de
l’ordonnance du 2 février 1945 est faite, le mineur bénéficie de ces droits et notamment celui
de quitter le commissariat226. La chambre criminelle précise que si un mineur a été menotté et
conduit auprès des forces de l’ordre, il se situe non pas sous le régime de l’audition libre, mais
sous celui de la contrainte. Il doit alors bénéficier des droits attachés au régime de l’audition
sous contrainte, c’est-à-dire dans le cadre d’une garde à vue. Selon Monsieur Bonfils et
Madame Gouttenoire, cette solution vient réaffirmer l’autonomie du droit pénal des mineurs
l'intermédiaire de ses parents ou représentants légaux, et bénéficier d'une assistance juridique ou de toute
autre assistance appropriée pour la préparation et la présentation de sa défense ».
224
L. GEBLER, « Dispositions pénales relatives aux mineurs », AJ famille, 2019, p. 264 ; P. BONFILS et A.
GOUTTENOIRE, « Droit des mineurs, juillet 2018 – juillet 2019 », D., sept. 2019, n° 31, p. 1732.
225
Cass. crim. 20 déc. 2000, n° 00-86.499.
226
Cass. crim. 6 nov. 2013, n° 13-84.320 : P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, D., 2014, Pan. p. 1787
80
concernant une protection plus étendue en matière d’audition227. Mais plus encore, l’arrêt
insiste sur le droit du mineur à être informé du régime dans le cadre duquel il est entendu. Par
ailleurs, selon l’article 4 II alinéa 1 de l’ordonnance du 2 février 1945, lorsqu’un mineur est
âgé de plus de seize ans, les représentants légaux sont informés de leur droit de demander un
examen médical. L’article L. 412-1 du Code de la justice pénale des mineurs précise que les
représentants légaux et le service auquel l’enfant est confié sont informés lorsque le mineur
est entendu librement, notification mentionnée au procès-verbal.
Dans les conditions prévues par les articles 63-3-1 à 63-4-3 du Code de procédure
pénale228, dès le début de la garde à vue, le mineur doit être informé de son droit à être assisté
d’un avocat, comme le précise l’article 4 IV de l’ordonnance du 2 février 1945. Si le mineur
et/ou ses représentants légaux n’ont pas eu recours à un avocat, le procureur de la République,
le juge chargé de l’information ou l’officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à
vue, sans délai et par tout moyen, en informer le bâtonnier afin qu’il commette un avocat
d’office.
126. Une fois cette remarque liminaire faite, il convient de préciser que l’article 6-1 de
l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit l'information, par tout moyen, des représentants légaux
du mineur poursuivi sur les décisions de l’autorité judiciaire prises en application de la
présente ordonnance229, celles condamnant le mineur et celles le soumettant à des obligations
ou à des interdictions230. L’article 10 alinéa 1 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit ainsi
que le juge d’instruction ou le juge des enfants avise les parents, le tuteur, la personne ou le
service à qui il est confié des poursuites dont il fait l’objet. L’article L. 311-1 du Code de la
justice pénale des mineurs prévoit l’information des représentants légaux par la juridiction
d’instruction ou de jugement concernant les décisions prises à l’égard du mineur. Cette
information se fait par tout moyen, sauf s’il en est disposé autrement.
Cet avis est établi soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre
recommandée et porte mention de plusieurs éléments. Il fait état des faits reprochés et de leur
qualification juridique, pour permettre au mineur et à ses représentants légaux d’organiser sa
défense et permet l’application du contradictoire en vue du jugement. Par ces données, ils ont
227
Ibid., p. 1787.
228
E. VERGES, Procédure pénale, op. cit., pp. 196 et 197.
229
On peut déduire de l’énoncé de cet article que les décisions de l’autorité prises en l’application de la
présente ordonnance sont toutes mesures d’information ou d’instruction.
230
J. PRADEL, Procédure pénale, op. cit., p. 847.
81
connaissance des éléments qui vont les aider à se défendre. L’avis des parties doit en outre
mentionner l’obligation de faire désigner un avocat par le juge d’instruction ou le juge des
enfants, au cas où les représentants légaux n’y auraient pas recouru. La loi précise que le
mineur, les parents, le tuteur, la personne qui en a la garde ou son représentant sont tenus
informés de l’évolution de la procédure.
Les textes relatifs à la garde à vue prévoient certains droits pour le mineur, dont celui
d’être informé directement, tandis que ceux qui concernent les divers stades de la procédure
pré-sentencielle, que ce soit l’ouverture ou dans son évolution, indiquent que ce sont les
représentants légaux qui sont avisés sans que le mineur soit directement informé de ses droits.
127. On voit bien que l’information du mineur et de ses représentants légaux lors de
l’instruction soulève des questions quant à sa forme : écrite ou verbale. Dans tous les cas,
l’information fait partie intégrante du contradictoire en ce qu’elle permet au mineur et à ses
parents de se projeter vers le jugement en comprenant ses enjeux.
128. L’article 5 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit d’informer la victime, par tout
moyen, de la date de la comparution du mineur devant le juge.
129. La mise en œuvre du principe du contradictoire permet de juger un mineur qui connaît
ses droits, l’évolution de la procédure et les enjeux du jugement. Dans ces conditions, le
mineur donne un sens à la sanction. C’est pourquoi il est primordial que lui-même et ses
représentants légaux soient informés du déroulement du jugement et de ses conséquences.
130. L’article 6-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit que les parties sont informées de
leurs droits, des moments du déroulement de la procédure et de son évolution : les
représentants légaux du mineur poursuivi sont informés des décisions de l’autorité judiciaire
le condamnant, ou le soumettant à des obligations ou à des interdictions.
L’article 14-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 concerne la procédure de présentation
immédiate devant la juridiction pour mineurs. Elle concerne les mineurs de seize à dix-huit
82
ans déférés devant le procureur de la République et qui encourent une peine supérieure ou
égale à un an en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à trois ans dans les autres cas. Elle
peut concerner les mineurs de treize à seize ans à condition que la peine encourue soit d’au
moins cinq ans d’emprisonnement, sans qu’elle puisse excéder sept ans.
Le procureur de la République informe le mineur qu’il est traduit devant le tribunal pour
enfants à une audience dont il lui notifie la date et l’heure dans un délai qui ne peut être
inférieur à dix jours ni supérieur à un mois (article 14-2 III de l’ordonnance du 2 février
1945). Selon l’article 14-2 IV alinéa 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, ses représentants
légaux sont avisés par tout moyen de la décision du juge. L’idéal serait que le parquet informe
le mineur du déroulement de la procédure. Le caractère particulièrement coercitif de cette
procédure, en raison notamment du temps restreint séparant la mise en examen du jugement,
justifie que le mineur soit informé directement, ce qui contribue à l’exercice du contradictoire.
132. L’article 6 alinéa 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit que la victime est avisée
par tout moyen de la date de comparution du mineur auteur devant le juge des enfants ou
devant le tribunal pour enfants. Elle peut se constituer partie civile, l’action civile est alors
portée devant le juge des enfants, conformément aux règles édictées par l’ordonnance du 2
février 1945. Cette information lui permet d’organiser sa prise de parole lors de l’audience de
jugement, le débat en résultant contribue au contradictoire. L’article L. 512-1 alinéa 2 du
Code de la justice pénale des mineurs prévoit que les victimes sont avisées, et que « lorsqu'il
a été statué sur l'action civile lors de l'audience d'examen de la culpabilité, la partie civile est
avisée par tout moyen de la date de l'audience de prononcé de la sanction ».
231
La loi complète le chapitre III du titre II du livre Ier en insérant un article L. 123-3.
83
Le contenu du contradictoire concernant l'information des parties se manifeste également
dans le cadre de l'assistance éducative.
133. Le mineur devant être protégé, il ne s’agit pas pour lui d’organiser sa défense. Sa
protection nécessite qu’en application du principe du contradictoire, il soit informé de ses
droits et du déroulement de la procédure, plus encore si un placement intervient, et en ce qui
concerne la consultation du dossier. Le rôle du juge est de l’informer pour qu’il puisse
comprendre le sens de la procédure et des décisions à venir.
En procédure civile, le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019 permet désormais aux
justiciables d’avoir accès aux avis émis par le greffe sur le portail du justiciable du Ministère
de la justice, ce qui modifie les modes d’accès des parties à leurs droits et l’application du
contradictoire. Un arrêté du 28 mai 2019232 a autorisé la mise en œuvre de ce portail par ce
Ministère et un arrêté du 6 mai 2019 fixe les caractéristiques techniques de la communication
des avis par voie électronique233.
134. L’information du mineur est prévue par la Convention internationale des droits de
l’enfant et par le Code de procédure civile, alors que l’information relative à ses droits est
réalisée pendant son audition. L’audition de l’enfant est réglementée essentiellement devant le
juge aux affaires familiales, selon des modalités différentes de l’audition devant le juge des
enfants. Dans cette recherche, nous aborderons de manière régulière les règles applicables
devant le juge aux affaires familiales pour effectuer une comparaison avec celles applicables
devant le juge des enfants.
Devant le juge aux affaires familiales, les parents sont parties à la procédure, l’enfant étant
seulement concerné par celle-ci. En cette qualité, il est entendu par le juge aux affaires
familiales.
Devant le juge des enfants, le mineur lui-même est partie à la procédure. Son audition,
définie et réglementée de manière différente par les textes, se déroule différemment en
pratique. La Convention internationale des droits de l’enfant garantit à l’enfant l’exercice de
232
Arrêté n° JUST1915427A.
84
ses droits (accès au dossier, information et audition). Plus spécifiquement, la Convention
européenne de l’exercice des droits des enfants du 25 janvier 1996 reconnaît, de manière
explicite et dès son préambule, le droit pour l’enfant d’être informé sur la promotion de ses
droits et de son intérêt supérieur234. Le Règlement communautaire Bruxelles II bis énonce des
exigences particulières en matière d’audition de l’enfant235.
233
« Communication par voie électronique - Création et condition de mise en œuvre du traitement de données
« Portail du justiciable », JCP G, juin 2019, n° 24, p. 628 ; R. SOCHON, « Justice.fr : le citoyen peut suivre ses
démarches », Gaz. Pal., sept. 2019, n° 30, p. 8.
234
Conventions européenne sur l’exercice des droits des enfants, signée par la France à Strasbourg, le 25
janvier 1996 : le préambule reflète l’inclusion de l’enfant dans le processus de justice : « Convaincus que les
droits et les intérêts supérieurs des enfants devraient être promus et qu'à cet effet les enfants devraient avoir la
possibilité d'exercer ces droits, en particulier dans les procédures familiales les intéressant; reconnaissant que
les enfants devraient recevoir des informations pertinentes afin que leurs droits et leurs intérêts supérieurs
puissent être promus, et que l'opinion de ceux-là doit être dûment prise en considération ». L’article 2 définit la
pertinence des informations : « les informations appropriées, eu égard à l'âge et au discernement de l'enfant,
qui lui seront fournies afin de lui permettre d'exercer pleinement ses droits, à moins que la communication de
telles informations ne nuise à son bien-être ». L’article 3 lui attribue le droit d’être informé et d’exprimer son
opinion dans les procédures comme lui étant un véritable droit procédural, à la condition de disposer d’un
discernement suffisant.
235
Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 nov. 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et
l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le
règlement (CE) n° 1347/2000 : (19) « L'audition de l'enfant joue un rôle important dans l'application du présent
règlement sans que cet instrument ait pour objet de modifier les procédures nationales applicables en la
matière ». Il est à noter que les dispositions du règlement ne s’appliquent pas aux mesures prises à la suite de
la commission d’infractions pénales par un enfant. Donc l’application du règlement est exclue de la matière
pénale de notre sujet.
85
droit de consulter le dossier selon les modalités prévues par l’article 1187. Cette modification
est essentielle car la rencontre avec le juge demande du temps pour sa préparation, notamment
le fait de solliciter un avocat, pour prendre connaissance du dossier par son intermédiaire, et
pour se préparer au débat236. Le mineur n’est pas destinataire de l’avis d’ouverture de la
procédure, qui n’est notifié qu’à son conseil. L’avis d’ouverture de la procédure ne contient
pas de rappel des droits du mineur237.
Monsieur Huyette a été surpris de cette divergence, peu justifiable selon lui en raison de la
qualité de partie à l’instance du mineur238. Il s’agit de l’ouverture d’un dossier qui non
seulement le concerne, mais qui est le sien en tant que partie à l’instance. Il doit, lui aussi,
organiser sa participation aux débats. Peut-être le législateur considère-t-il que l’avis
d’ouverture de la procédure doit être envoyé aux représentants légaux, titulaires de l’autorité
parentale, et ayant à ce titre un devoir de transmission des informations à l’enfant, tandis que
la convocation doit être adressée à personne, et donc à l’enfant, partie à la procédure.
La première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel dès
l’avis d’ouverture de la procédure, le dossier d’assistance éducative peut être consulté jusqu’à
la veille de l’audition ou de l’audience et sur demande des père, mère, tuteur, personne à qui
l’enfant a été confié et par le mineur capable de discernement, aux heures et jours indiqués par
le juge239. Or, s’il s’agit d’une simple faculté, encore faut-il que les juges veillent à ce que les
parties en aient été informées240.
La première chambre civile a également rappelé que le juge des enfants devait faire
respecter le principe de la contradiction pour ce qui concerne l’information du représentant
légal en assistance éducative. Par conséquent, une cour d’appel statuant en assistance
éducative ne peut prendre en considération un rapport éducatif déposé une semaine avant
l’audience sans que le père, qui avait consulté le dossier au greffe avant cette date, n’ait été
informé du dépôt de ce nouveau rapport et mis en mesure d’en discuter la teneur241.
136. Les décisions du juge des enfants sont ensuite notifiées aux personnes intéressées, afin
qu’elles en aient connaissance, ce qui fait partie du contradictoire. Cette démarche facilite
236
M. HUYETTE, « La nouvelle procédure d’assistance éducative », D., 2002, n° 18, p. 1434.
237
Contrairement aux convocations, notifiées au mineur, qui contiennent un rappel de leurs droits.
238
M. HUYETTE, « La nouvelle procédure d’assistance éducative », op. cit., p. 1434.
239
Cass. civ 1ère, 28 mars 2018, n° 16-28.010, JurisData n° 2018-004673 : JCP G, n° 16, 16 avr. 2018, p. 761,
actualités 450, note M. DOUCHY-OUDOT.
240
M. DOUCHY-OUDOT, « Placement à l’ASE du mineur, les parents doivent pouvoir accéder au dossier de la
procédure », JCP G, avr. 2018, n° 16, p. 761.
86
l’ouverture des voies de recours. L'article 1190 alinéa 1 du Code de procédure civile dispose
que « les décisions du juge sont notifiées dans les huit jours aux parents, tuteur ou personne
ou service à qui l'enfant a été confié, ainsi qu'au conseil du mineur, s'il en a été désigné un ».
L'alinéa 3 précise que « la décision écartant certaines pièces de la consultation en application
du quatrième alinéa de l'article 1187 est notifiée dans les huit jours à la seule partie qui a
demandé celle-ci ». L'article 1190 alinéa 2 indique que « le dispositif de la décision est notifié
au mineur de plus de seize ans à moins que son état ne le permette pas ».
La notification de la décision prolonge l’effet du contradictoire pour faciliter l’ouverture
des voies de recours.
La bonne information des parties sur leurs droits et sur l’évolution de la procédure
conditionne la convocation des parties dans la suite de la constitution du dossier.
138. La convocation mentionne le plus souvent les droits des parties. Elle constitue alors, à
elle seule, leur information et participe au respect du contradictoire.
Etroitement liées aux règles relatives à l’information des parties sur leurs droits dans le
procès, les règles de convocation sont prévues à la fois dans le cadre pénal (1) et dans le cadre
civil (2).
241
Cass. civ. 1ère, 12 sept. 2012, n° 11-18.401.
87
justice.
140. Le Code de la justice pénale des mineurs prévoit, dans son article L. 311-1, la
convocation des représentants légaux à toutes les audiences des juridictions pour mineurs et,
si nécessaire, aux auditions et interrogatoires. Le contradictoire est appliqué par cette
convocation, les parents ne sont alors pas nécessairement intégrés à toutes les auditions du
mineur. L’important est leur convocation à l’audience de jugement, là où le contradictoire
s’applique directement en présence de tous les protagonistes.
242
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 dans son article 31 ajoute que le juge des enfants sera
immédiatement avisé de la convocation du mineur devant lui adressée par le parquet aux fins d’application de
l’article 8 ; la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 indique dans son article 27-2° que cette convocation vaut citation
à personne.
88
qui en recevront copie ».
Le décret n° 2019-507 du 24 mai 2019 pris pour l'application des dispositions pénales de la
loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
relatives à la procédure numérique, aux enquêtes et aux poursuites, contient certaines
dispositions favorables au respect du contradictoire pour un mineur suspecté ou poursuivi,
entendu notamment dans le cadre d’une audition libre ou d’une première comparution. Ainsi,
lorsqu'elles sont remises à un mineur, les convocations en justice aux fins de mise en examen
et de jugement contiennent l'information sur ses droits243.
Dans une démarche de respect du contradictoire, la convocation en vue de la mise en
examen permet au mineur de se préparer à cette étape de la procédure.
142. L’article 8-3 de l’ordonnance du 2 février 1945 précise les modalités de convocation en
cas de récidive. Cela concerne le cas où « le mineur fait l'objet ou a déjà fait l'objet d'une ou
plusieurs procédures en application de la présente ordonnance » (alinéa 2). La convocation
en justice ne peut alors être délivrée que sous certaines conditions : le mineur ne peut être
convoqué que « si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et si des
investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies au cours des douze mois
précédents sur le fondement de l'article 8 » (alinéa 3).
La convocation répond à des règles de forme : elle doit indiquer que « le mineur doit être
assisté d'un avocat et que , à défaut de choix d'un avocat par le mineur ou ses représentants
légaux, le procureur de la République ou le juge des enfants font désigner par le bâtonnier un
avocat d'office » (alinéa 4). La convocation est « notifiée dans les meilleurs délais aux
parents, au tuteur, à la personne ou au service auquel le mineur est confié » (alinéa 5). Elle
est constatée « par procès-verbal signé par le mineur et la personne à laquelle elle a été
notifiée, qui en reçoivent copie » (alinéa 6). Ces modalités de convocation sont modifiées en
raison de l’état de récidive car le mineur est déjà connu de la juridiction. En permettant
l’information des parties de leurs droits, ce formalisme facilite le contradictoire.
89
procédures de comparution. Ces personnes sont alors informées de l’évolution de la
procédure. La convocation est obligatoire préalablement à toute comparution et au
déroulement oral de la procédure, disposition primordiale pour le respect du contradictoire.
Après avoir étudié le principe de convocation des parties dans le cadre pénal, nous allons
nous pencher sur ce point dans le cadre civil.
Les règles relatives à la convocation en matière civile au stade de l’instruction (1) sont
distinctes de celles qui s’appliquent au stade du jugement (2).
a – Au stade de l’instruction
145. Durant la période qui précède la première audience devant le juge des enfants, l’article
243
V. AVENA-ROBARDET, « Réforme de la justice, dispositions pénales du décret du 24 mai 2019 », AJ famille,
2019, p. 332 ; N. BEDDIAR et C. DESNOYER, « Droits de l’enfant : chronique d‘actualité législative et
jurisprudentielle n° 17, 1ère partie », LPA, juill. 2019, n° 150, p. 8.
90
1182 alinéa 4 du Code de procédure civile prévoit que les convocations adressées aux parents,
au tuteur, à la personne ou au représentant du service à qui l'enfant a été confié et au mineur
lui-même mentionnent divers éléments relatifs à leurs droits concernant l’organisation de la
procédure. La convocation mentionne les droits des parties de faire le choix d'un conseil ou de
demander qu'il leur en soit désigné un d'office conformément aux dispositions de l'article
1186 du Code de procédure civile, et de la possibilité de consulter le dossier conformément
aux dispositions de l'article 1187. Certains mettent en avant la différence de contenu entre
l’avis d’ouverture de la procédure et la convocation : tandis que l’avis d’ouverture de la
procédure n’est pas adressé au mineur et ne contient pas un rappel de ses droits, la
convocation lui est adressée, notifiée, et rappelle ses droits d’être assisté d’un avocat et de
consulter le dossier244.
Dans le cadre de l'assistance éducative, la convocation revêt d'autant plus d'importance
que, souvent, les familles ne sont pas au courant de l’information préoccupante ou du
signalement à l’origine de la saisine du juge des enfants. En outre, et la pratique le souligne,
les parents qui n'ont pas été convoqués à la première audience pour l’instauration d'une
mesure d'investigation sont en difficulté pour se saisir du sens du suivi judiciaire et éducatif
qui est ensuite ordonné. Cet aspect compromet gravement la contradiction dans le procès,
dans la mesure où les parties adoptent un comportement différent : si elles ont été convoquées
régulièrement et se sont rendues à l’audience, elles comprennent mieux le sens de la
procédure et le juge peut alors recueillir plus facilement leur adhésion, conformément à
l’article 375-1 alinéa 2 du Code civil.
b - Au stade du jugement
146. La convocation dans le cadre de l'assistance éducative est d’autant plus importante que
le prononcé de mesures au stade du jugement est subordonné à l'adhésion de la famille. En
effet, l’article 375-1 alinéa 2 du Code civil dispose que le juge des enfants « doit toujours
s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée »245, ce qui contribue à
244
M. HUYETTE, « La nouvelle procédure d’assistance éducative », op. cit., p. 1434.
245
V. en ce sens notamment V. BONNET, Droit de la famille, Paradigme, 2018, p. 174.
91
l’exercice du principe du contradictoire. Il s'agit donc d'une étape essentielle en vue de
l'audience, afin de convaincre la famille de l’opportunité de prononcer une mesure de
protection pour l’enfant.
147. L’article 1188 alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit tout d’abord les modalités
de convocation concernant le moment et le lieu de l’audience : les parents, le tuteur ou la
personne ou service à qui l'enfant a été confié et, le cas échéant, le mineur, sont convoqués à
l'audience huit jours au moins avant la date de celle-ci. La Cour de cassation a décidé que si le
mineur a été convoqué de manière régulière devant le juge des enfants, son absence à
l’audience n’entraîne pas pour autant la nullité de la procédure. A ce moment-là, l’audition est
impossible, mais les exigences du Code de procédure civile en matière d’audition du mineur
ont été satisfaites246.
La condition de la régularité de la convocation suffit à valider le caractère régulier de la
procédure et le respect du contradictoire, dès lors que les formes et les modalités de
convocation du représentant légal ont été observées. Selon la Cour de cassation, si la Cour
d’appel a adressé par l’intermédiaire du directeur de l’établissement pénitentiaire au père
incarcéré « une convocation l’informant de ses droits résultant de l’article 1187 du Code de
procédure civile », et si celui-ci « a comparu par le procédé de la visioconférence à
l’audience, au cours de laquelle le contenu du rapport de la direction de la solidarité
départementale a été développé oralement par le représentant du service, [il a pu] en discuter
contradictoirement la teneur »247.
Concernant les modalités de convocation, et avant la publication du décret du 15 mars
2002, la combinaison des anciens articles 1188, 1193 et 1195 du Code de procédure civile
conduisait à exiger que les parents fussent convoqués à l’audience par lettre recommandée
avec avis de réception. Cependant, selon la jurisprudence, aucun texte n’exigeait la preuve
que cette lettre était effectivement parvenue au destinataire248.
148. La loi prévoit ensuite les modalités de convocation en cas de prononcé d’un placement.
Les textes ont évolué au début des années 2000. Le champ d’application de l’article 1184 du
246
Cass. civ. 1ère, 3 oct. 2000, n° 99-05.072, JCP G, 2000, IV, 2709 ; D., 2001, 1054, note M. HUYETTE ; RDSS,
2001, 147, obs. F. MONEGER ; RTD civ., 2001, 348, note J. HAUSER.
247
Cass. civ. 1ère, 8 oct. 2014, n° 13-23.682.
248
Cass. civ. 1ère, 4 janv. 1995, Bull. inf. n° 404 du 15 avr. 1995, n° 93-05.079.- Reims, 7 mai 1993, D., 9 mars
1995, n° 10, p. 58.
92
Code de procédure civile concerne aussi bien les mesures provisoires que les mesures
d’information.
Lorsque le placement a été ordonné dans l’urgence, donc sans audition des parties, le juge
les convoque à une date qui ne peut être fixée au-delà d’un délai de quinze jours à compter de
la décision (article 1184 alinéa 2 du Code de procédure civile). Si une telle audition n’a pas
lieu dans le délai requis, le mineur est remis à ses parents ou à son tuteur, ou à la personne ou
au service à qui il était confié.
Cette disposition fait suite au décret n° 2002-361 du 15 mars 2002 modifiant le Code de
procédure civile et relatif à l’assistance éducative. Il a été pris à la suite de dérives constatées
concernant des placements prononcés sans respecter le droit des parties à être convoquées et à
avoir connaissance de l’éventualité du placement, celui-ci s’effectuant alors dans un contexte
de violence inouïe. Cette démarche contrevenait gravement au respect du contradictoire, dans
la mesure où une décision préexistait à un échange verbal entre les parties elles-mêmes et le
juge des enfants. C’est pourquoi la convocation en audience fait bien partie du contenu du
contradictoire et en constitue une élément essentiel.
Conscient de la réalité du travail des juridictions et des emplois du temps surchargés des
juges, le législateur a fait preuve d’une certaine souplesse en prévoyant un délai de quinze
jours pour entendre les représentants légaux et le mineur, même si une décision de placement
est intervenue. Le décret constitue ainsi un compromis entre le respect du contradictoire et la
protection de l’enfant. Selon la Cour d’appel de Versailles, à l’aube de la publication du
décret du 15 mars 2002, le mineur et les parents auraient dû être convoqués par le juge aux
fins d’être entendus, en cas de renouvellement d’une mesure d’assistance éducative249. Cette
décision laissait entrevoir les prémices du décret, quelques jours plus tard.
93
149. Il convient de distinguer l’accessibilité et l’accès au dossier. L’accessibilité signifie « la
possibilité d’accéder, d’arriver à », tandis que l’accès vise « la possibilité d’aller, de pénétrer
dans » ou, dans un sens plus figuré, « la possibilité de connaître, de participer »250.
L’accessibilité constitue donc la faculté d’accès et doit être une possibilité et une condition à
remplir pour pouvoir accéder au dossier.
Le contradictoire doit être respecté dans les règles relatives à l'accessibilité du dossier (A)
et à la consultation de celui-ci (B).
A - L'accessibilité au dossier
Les règles applicables à l'accessibilité au dossier pénal (1) sont distinctes des règles
relatives à l'accessibilité au dossier d'assistance éducative (2).
152. Elle permet de préparer la défense du mineur. L’accessibilité au dossier ne se fait pas de
manière directe par le mineur ou par ses représentants légaux, mais par l’intermédiaire de
249
C. a. Versailles, ch. mineurs, 7 mars 2002, décision attaquée du Tribunal de grande instance de Nanterre,
juge des enfants, 9 oct. 2001 (annulation).
250
A. REY et J. REY-DEBOVE, Nouvelle édition du Petit Robert de Paul Robert. Dictionnaire de la langue
française, op. cit., p. 15.
251
V. par exemple S.-C. LIN, Les principes directeurs du droit pénal des mineurs délinquants, op. cit., p. 122.
94
l’avocat selon le principe des droits de la défense. De plus, les dossiers pénaux peuvent
contenir des éléments susceptibles de heurter le mineur et ses représentants légaux. Il n’est
donc pas nécessaire qu’ils y aient un accès direct.
Ecrite, la procédure pénale a vocation à devenir numérique, mouvement traduit par la
création du dossier de procédure numérique par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de
programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice252. Le nouvel article 801-1 du Code
de procédure pénale prévoit ainsi que tous les actes de procédure peuvent être établis ou
convertis sous format numérique, à l’exception des dispositions procédant à une distinction
entre les actes originaux et leurs copies. Le décret n° 2019-507 du 24 mai 2019 pris pour
l'application des dispositions pénales de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de
programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à la procédure numérique,
aux enquêtes et aux poursuites, en prévoit les modalités d’application.
153. Les article 5-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et L. 322-8 et suivants du Code de la
justice pénale des mineurs concernent le dossier unique de personnalité253. Sa consultation est
facilitée car tous les éléments concernant un enfant y sont regroupés. Il n’est toutefois pas mis
en place de manière égale dans toutes les juridictions.
Par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement
de la justice pénale et au jugement des mineurs, le dossier de personnalité est devenu le
dossier unique de personnalité, dispositif permettant de réunir au sein d’un même dossier
disponible à la consultation par toute autorité judiciaire toutes les pièces de procédure
concernant un mineur254.
Ce dossier comprend l'ensemble des éléments recueillis au cours des enquêtes, y compris
dans le ressort de juridictions différentes, et les investigations relatives à la personnalité et à
l’environnement social et familial du mineur, lors des procédures d'assistance éducative dont
il a pu faire l'objet (article 5-2 alinéa 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 et L. 322-9 du Code
de la justice pénale des mineurs) ; il est « placé sous le contrôle du procureur de la
République et du juge des enfants qui connaissent habituellement de la situation de ce
mineur » (article 5-2 alinéa 1 de l’ordonnance du 2 février 1945). L’article 5-2 alinéa 3 de
l’ordonnance du 2 février 1945 précise les conditions de son ouverture : « il est ouvert dès
252
J.-B. THIERRY, « Réforme de la justice - La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, loi de réforme pour la justice
numérique ? », op. cit., p. 524.
253
J. LARGUIER, P. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, Dalloz, Paris, 2018, p. 172.
254
L’article 28 de la loi crée l’article 5-2 de l’ordonnance du février 1945 relative à l’enfance délinquante.
95
qu'une mesure d'investigation sur la personnalité est ordonnée ou si le mineur fait l'objet
d'une liberté surveillée préjudicielle, d'un placement sous contrôle judiciaire, d'une
assignation à résidence avec surveillance électronique ou d'un placement en détention
provisoire ». L’alinéa 4 du même texte prévoit qu’il est actualisé par les investigations
menées dans la procédure pénale en cours et par les éléments de procédures postérieures
d'assistance éducative et pénales ; le dossier unique de personnalité est conservé au greffe de
la juridiction qui suit habituellement le mineur jusqu’à l’âge de dix-huit ans révolus255. En
revanche, lorsqu’une procédure est encore ouverte après l’âge de dix-huit ans, le dossier est
conservé jusqu’à ce que la juridiction saisie ait statué sur le fond.
154. Concernant les destinataires, l’alinéa 6 dispose qu’« il est accessible aux avocats du
mineur, de ses père et mère, tuteur ou représentant légal, et de la partie civile, aux
professionnels de la Protection judiciaire de la jeunesse et aux magistrats saisis de la
procédure. Toutefois, les avocats de la partie civile ne peuvent avoir accès aux informations
issues d'investigations accomplies lors des procédures d'assistance éducative dont le mineur a
fait l'objet ».
En raison des multiples destinataires, on peut s’interroger sur la confidentialité des
informations qui y sont versées. La loi envisage ces risques et en conséquence, encadre la
confidentialité : l’alinéa 8 prévoit que « les informations contenues dans le dossier unique de
personnalité sont confidentielles. Il ne peut être délivré de copie de tout ou partie des pièces
qu'il comprend qu'aux seuls avocats, pour leur usage exclusif. Les avocats peuvent
transmettre une reproduction des copies ainsi obtenues exclusivement au mineur poursuivi s'il
est capable de discernement, à ses père et mère, tuteur ou représentant légal, qui doit attester
au préalable, par écrit, avoir pris connaissance des dispositions du neuvième alinéa du
présent article. L'avocat doit, avant cette transmission, aviser le magistrat saisi de la
procédure qui peut, par décision motivée, s'opposer à la remise de tout ou partie de ces
reproductions lorsque cette remise ferait courir un danger physique ou moral grave au
mineur, à une partie ou à un tiers ». L’alinéa 9 sanctionne le non-respect de ces dispositions
et l’alinéa 10 précise que « ce dossier ne peut être utilisé que dans les procédures suivies
devant les juridictions pour mineurs ».
Le Code de la justice pénale des mineurs durcit cette disposition dans son article L. 322-
255
Décr. n° 2014-472 du 9 mai 2014 pris pour l’application de l’article 5-2 de l’ordonnance du 2 février 1945
relative à l’enfance délinquante relatif au dossier unique de personnalité, art. 1er.
96
10 : les avocats ne peuvent plus désormais transmettre à leur client les copies obtenues par le
juge. Il est cependant essentiel de noter que l’article L. 434-1 du projet de Code de la justice
pénale des mineurs prévoyait que le juge d’instruction, à l’issue de l’information, devait
communiquer le dossier aux parties et à leurs avocats. Cela signifie que le régime de
l’accessibilité au dossier aurait été plus aisé lorsqu’une information judiciaire est ouverte. A la
lecture de la partie législative du Code de la justice pénale des mineurs, cette disposition
semble toutefois avoir disparu.
Se pose alors la question du support : dossier papier ou dossier numérique. L’article 5-2
alinéa 8 de l’ordonnance du 2 février 1945 fait référence à des copies de pièces dont les
avocats peuvent bénéficier. On peut donc se demander si les dispositions relatives à la
numérisation du dossier édictées par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 seront appliquées au
dossier pénal de l’enfant. En outre, la procédure étant orale devant le juge des enfants, on peut
se demander si l’oralité ne va pas primer au détriment des dispositions sur le dossier
numérique. Peut-être un équilibre sera-t-il à trouver.
155. La tentation de faire des copies est grande pour les justiciables ; la promiscuité des
greffes et l’insuffisance du temps imparti interrogent le principe de la bonne accessibilité au
dossier du mineur. Les questions de la sortie de pièces judiciaires du tribunal et de la prise de
photos avec un téléphone portable se posent également.
Par ailleurs, la disposition légale consistant à permettre à l’avocat d’obtenir des copies de
pièces du dossier interpelle, car l’avocat prépare la défense avec son client ; il peut ainsi lui
faire part de tout ou partie d’éléments figurant au dossier et lui montrer les copies des pièces.
C’est pourquoi l’alinéa 6 de l’article 5-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 précise que les
pièces dont l’avocat s’est fait délivrer copie sont réservées à son usage exclusif. Mais qu’en
est-il alors de la disposition de la loi relative à la transmission des pièces copiées, puisque
finalement une copie peut être effectuée par l’avocat ? On pourrait en déduire que la
communication des pièces par l’avocat est considérée par le législateur comme présentant une
garantie suffisante de confidentialité des informations.
Après avoir étudié l'accessibilité au dossier pénal, nous nous pencherons sur l'accessibilité
au dossier d'assistance éducative.
97
156. Le mineur et ses représentants légaux bénéficient ici d’un accès direct au dossier, ce qui
a longtemps fait l’objet de débats et a conduit la doctrine à affirmer l’existence du principe du
contradictoire dans ce domaine256. Limité avant l’adoption du décret n° 2002-361 du 15 mars
2002 modifiant le Code de procédure civile et relatif à l’assistance éducative, l’accès au
dossier a fait l’objet d’évolutions pour respecter la contradiction et les garanties du mineur et
de ses parents. Après avoir consenti à la dématérialisation de son dossier, le justiciable a
désormais accès aux informations et aux documents qui constituent son dossier sur le portail
du justiciable du Ministère de la justice, ce qui concerne les procédures sans avocat
obligatoire et les procédures devant le tribunal pour enfants257.
157. Régie par l'article 1187 du Code de procédure civile, l'accessibilité au dossier
d'assistance éducative a subi certaines évolutions. Le dossier est ainsi accessible à l’avocat du
mineur, à celui de ses parents ou de l’un d’eux, à celui de son tuteur, de la personne ou du
service à qui l’enfant a été confié. L’article 1187, alinéas 1 et 2 du Code de procédure civile
précise que le dossier est accessible également directement aux parents, au tuteur, à la
personne ou au représentant du service à qui l’enfant a été confié, et au mineur capable de
discernement258, jusqu’à la veille de l’audition ou de l’audience. Ces dispositions sont
précisées par le décret n° 2002-361 du 15 mars 2002 qui a modifié les règles du Code de
procédure civile en matière d’assistance éducative.
256
M. HUYETTE, « Le contradictoire en assistance éducative (suite...) », D., 2000, n° 31, p. 661 et s.
257
« Le suivi des affaires civiles accessible en ligne », JCP G, sept. 2019, n° 36, p. 882.
258
V. en ce sens P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Dalloz, 2014, p. 782 n° 1293 ; sur la
consultation du dossier par le mineur lui-même, v. notamment V. EGEA, Droit de la famille, LexisNexis, Paris,
2018, pp. 643 et 644.
259
C. a. ch. spéc. mineurs Montpellier, 12 févr. 1999 : D., 1999, p. 298, note M. HUYETTE.
98
un risque lié à la découverte de renseignements défavorables, à la mise en cause de
professionnels travaillant aux côtés de l’enfant comme dans le domaine scolaire, et conduisait
à la difficulté d’obtenir l’adhésion des parents à la mesure d’assistance éducative260. Ils
ajoutaient que l’intervention obligatoire de l’avocat constituait également un risque : « le
principe du contradictoire n’étant plus assuré comme une règle écrite opposable à tous […]
mais par la déontologie de l’auxiliaire »261. Le texte a été jugé contraire au principe du « droit
à un procès équitable » prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de
l’homme262.
Un arrêt de la chambre spéciale des mineurs de la Cour d’appel de Lyon du 26 juin 2000,
qui a mené à l’adoption du décret, est une avancée en matière de consultation du dossier, de
son accès et du rôle de l’avocat, qui n’agit plus en lieu et place des parties, mais les
accompagne pour parvenir à accéder à leurs droits. L’accès à la procédure se transforme en
une véritable démarche d’accompagnement des familles vers la compréhension du processus
de justice. Ainsi, la Cour d’appel de Lyon s’est prononcée sur l’accès direct des familles au
dossier du mineur263. Ultérieurement, la Cour de cassation a également statué sur la question
de l’accès au dossier ou à sa copie264. Dans la mesure où l’accès au dossier a été aménagé
dans des conditions permettant la protection nécessaire de l’enfant, les parents ont été invités
à plusieurs reprises à consulter le dossier conformément aux dispositions de l’article 1187 du
Code de procédure civile, dans sa rédaction postérieure au décret du 15 mars 2002. Partant de
là, la décision consistant à refuser aux parents l’obtention d’une copie intégrale du dossier
n’est pas contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Un auteur, magistrat, s’est interrogé sur la compatibilité de cette limitation du droit
d’accès, formalisée par une absence de droit d’effectuer une copie intégrale, avec le procès
équitable265. Même si la réponse de la Cour de cassation est positive, cette solution paraît
« insatisfaisante tant du point de vue juridique que d’un point de vue humain »266. La décision
de la Cour de cassation a omis d’envisager la situation de parents qui ont délibérément fait le
choix de ne pas se faire assister d’un avocat et qui n’ont pas la possibilité d’obtenir une copie
260
T. FOSSIER, « L’accès des parties au dossier d’assistance éducative », JCP G, sept. 1999, vol. 35, p. 1520
Chron. I 160.
261
Ibid. Chron. I 160.
262
C. appel. Lyon, ch. spéc. mineurs, 26 juin 2000 : D., 2000, n° 31, p. 661 et s, note M. HUYETTE.
263
M. HUYETTE, « Le contradictoire en assistance éducative (suite...) », op. cit., p. 661.
264
Cass. civ. 1ère, 28 nov. 2006, n° 04-05.095, Bull. 2006, I, n° 528, note M. HUYETTE, D., 2007, n° 8, p. 552
265
M. HUYETTE, « Accès au dossier ou copie du dossier? L’assistance éducative hors du droit », D., 2007, n° 8, p.
552.
266
Ibid., p. 553.
99
du dossier. L’auteur choisit de s’interroger sur deux notions pour répondre à cette
insatisfaction, celle de contradictoire et celle de communication.
159. La Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt du 24 février 1995, a rappelé
que dans le domaine de la protection de l'enfance comme dans toute autre procédure
judiciaire, « le droit à un procès équitable contradictoire implique par principe, pour une
partie, la faculté de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par
l'autre, ainsi que de les discuter. (...), la circonstance que des documents aussi essentiels que
les rapports sociaux n'ont pas été communiqués est propre à affecter la capacité des parents
d'influer sur l'issue de l'audience (...) et aussi celle d'apprécier leurs perspectives d'appel »267.
C’est donc bien de la communication directe des pièces aux les personnes concernées par la
procédure dont il s’agit.
Il ressort d’une comparaison entre l’article 15 du Code de procédure civile 268 et l’arrêt de
la Cour européenne des droits de l’homme qu’il n’y a débat de façon régulièrement
contradictoire que si toute personne a connaissance dans les moindres détails du dossier avant
d’être entendue par le juge. Il s’agit bien de communication et non de simple consultation269.
Dans son arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme reprend le terme « communiqués »
et ne fait pas référence au droit des parents d’en prendre connaissance, nuance qui a son
importance270. En effet, la communication suppose une remise de copie.
L’auteur rappelle que concernant d’autres dispositions du Code de procédure civile,
notamment pour un rapport d’enquête dans le cadre des affaires familiales, les parties ne sont
pas contraintes de consulter le dossier au tribunal et peuvent disposer d’une copie du rapport
de l’enquête (dernier alinéa de l’article 1072 du Code de procédure civile)271. La contrainte de
consulter le dossier sans pouvoir disposer d’une copie ou sans en avoir communication paraît
préjudiciable, car les conditions matérielles offertes dans les juridictions s’opposent parfois à
267
CEDH, MC MICHAEL c/ Royaume-Uni, 24 févr. 1995, n° 51/1993/446/525, D., 1995, Jur. p. 449 : D., 2007, n°
8, p. 552 et s., note M. HUYETTE.
268
Art. 15 du Code de procédure civile : « les parties doivent se faire connaître mutuellement, en temps utile, les
moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les
moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense » ;
art. 16 du Code de procédure civile : « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même
le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents
invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement ».
269
M. HUYETTE, « Accès au dossier ou copie du dossier? L’assistance éducative hors du droit », op. cit., p. 553 :
sur ce point la communication s’apparente à un mouvement des pièces entre les parties entre elles, alors que
la consultation s’apparente à un mouvement d’une partie vers le dossier, de manière unilatérale.
270
Ibid., p. 553., p. 553.
100
une consultation sereine. Et si les usagers ne peuvent consulter sereinement les pièces du
dossier, ils ne peuvent préparer leur argumentaire en vue de l’audience, de sorte que
l’exercice du contradictoire s’en trouve altéré.
160. La Cour de cassation rappelle également que les parents doivent pouvoir accéder au
dossier dans le cadre d’un placement de leur enfant à l’Aide sociale à l’enfance, aspect délicat
de l’application du contradictoire272. Or, s’ils ne sont pas représentés à l’audience, rien ne
permet de démontrer qu’ils ont été avisés de la possibilité de prendre connaissance du dossier.
L’information sur ce droit montre qu’il est utile d’être représenté en justice par un avocat.
Certains regrettent alors que le législateur n’ait pas encore opté pour la « généralisation de
la représentation obligatoire », dans un domaine aussi important que la protection des
mineurs273. Après l’adoption de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de
réforme pour la justice, l’assistance obligatoire de l’enfant par l’avocat est proposée par les
professionnels de la jeunesse qui soulignent la volonté de prévoir un statut légal et non
conventionnel de l’avocat274. On espère que cette disposition va favoriser le contradictoire à
propos de l’accessibilité au dossier.
B - La consultation du dossier
Elle obéit à des règles différentes selon qu'il s'agit de consulter le dossier pénal (1) ou le
dossier d'assistance éducative (2).
161. La consultation du dossier pénal ne peut être faite directement par le mineur ni par ses
représentants légaux. L’avocat joue alors un rôle essentiel auprès de ses clients. Deux
271
Le juge leur en donne communication.
272
Cass. civ 1ère, 28 mars 2018, n° 16-28.010, JurisData n° 2018-004673 : JCP G, n° 16, 16 avr. 2018, p. 761,
actualités 450, note M. DOUCHY-OUDOT.
273
M. DOUCHY-OUDOT, « Placement à l’ASE du mineur, les parents doivent pouvoir accéder au dossier de la
procédure », op. cit., p. 761.
274
« Réforme de justice des mineurs : les 49 propositions des professionnels », JCP G, juin 2019, n° 23, p. 621.
101
éléments du contradictoire se conjuguent alors de manière indissociable : l’intervention de
l’avocat de manière verbale et la consultation du dossier.
162. Les articles 5-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 et L. 322-10 du Code de la justice
pénale des mineurs organisent la consultation du dossier dans le cadre pénal. Alors que
l’ordonnance du 2 février 1945 évoquait l’accessibilité du dossier, le projet de Code de la
justice pénale des mineurs faisait directement référence à la consultation. La partie législative
du Code de la justice pénale des mineurs semble faire marche arrière sur ce point, en ne
considérant plus que l’accès au dossier unique de personnalité.
La consultation est possible par les avocats du mineur, de ses père et mère, du tuteur ou du
représentant légal, et de la partie civile, les professionnels de la Protection judiciaire de la
jeunesse et les magistrats saisis de la procédure, excluant l’avocat de la partie civile
concernant les investigations effectuées dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative
(alinéa 6 de l’article 5-2). Le Code de la justice pénale des mineurs assouplit toutefois la
transmission des informations du dossier unique de personnalité aux avocats des parties
civiles275. L’alinéa 8 de l’article 5-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 précise que le juge des
enfants autorise la consultation du dossier par les personnels du service ou de l'établissement
du secteur associatif habilité saisi d'une mesure judiciaire.
La loi prévoit le caractère confidentiel du contenu du dossier unique de personnalité, le
personnel du secteur associatif habilité ayant pris connaissance du dossier unique de
personnalité étant tenu au secret professionnel (article 5-2 alinéa 9 de l’ordonnance du 2
février 1945). Toute personne qui méconnaîtrait la confidentialité des données y figurant
pourrait être condamnée sur le fondement de la violation du secret professionnel, sous les
peines et dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du Code pénal276.
275
P. JANUEL, « Le projet de code de justice pénale des mineurs », op. cit.
276
Avant 2013, les personnels de la Protection judiciaire de la jeunesse autorisés à consulter le dossier étaient
tenus à une discrétion professionnelle. Par un décret en date du 30 octobre 2013 relatif aux établissements et
services du secteur public de la Protection judiciaire de la jeunesse, les services de la Protection judiciaire de la
jeunesse ont été assujettis au secret professionnel. Cela suscite toujours de nombreuses discussions au sein
des équipes. L’article 5 du décret modifie un décret de 2007 sur le statut des professionnels de la PJJ: « Art. 3-1.
- Les personnels de la Protection judiciaire de la jeunesse ayant, pour l'exercice de leur mission, à connaître
d'informations relatives à la situation des mineurs pris en charge et de leur famille dans les établissements et
services, sont soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du Code
pénal ».
« Ce décret entendait clarifier un cadre d’intervention et de partages d’informations nominatives depuis des
années en discussion. C’était d’ailleurs un chantier lancé deux ans auparavant par l’administration centrale de
la PJJ visant à « clarifier l’état du droit, encadrer les pratiques professionnelles, sécuriser les agents et atteindre
un équilibre satisfaisant entre le secret et les droits et devoirs de révéler », in https://www.laurent-
102
163. On constate que l’ordonnance du 2 février 1945 ne prévoit pas la consultation du
dossier pénal par les représentants légaux ou par le mineur lui-même277. Autant la doctrine et
la jurisprudence sont prolixes sur la consultation du dossier d’assistance éducative, en raison
de son caractère spécifique dû au régime de la protection de l’enfance, autant elles sont
discrètes quant à la consultation du dossier pénal par les parents et par le mineur. Une
hypothèse serait que la consultation par l’avocat soit suffisante pour qu’il échange avec les
représentants légaux et le mineur, afin de prévoir sa défense en justice.
La consultation d’auditions effectuées lors de l’enquête pourrait paraître superflue, dans la
mesure où le mineur et ses parents ont signé les documents d’interrogatoires à l’issue des
auditions. En conséquence, ils ont déjà pris connaissance du contenu de l’enquête, dont les
éléments factuels figurent au dossier pénal.
La question de la consultation pourrait se poser lorsque le juge des enfants a ordonné des
investigations dans le cadre pénal278. Mettant à sa disposition des éléments relatifs à la
personnalité du mineur en vue de tenter de clarifier les raisons de la commission de
l’infraction, cette mesure est utile pour éclairer le magistrat. Or, elle est quasiment identique à
la mesure d’investigation ordonnée dans le cadre civil pour éclairer le juge sur l’existence
d’un danger ou d’un risque de danger nécessitant ou non la poursuite par l’autorité judiciaire.
Par conséquent, le mineur et ses représentants légaux pourraient bénéficier d’un accès aux
pièces du dossier pénal parce qu’elles concernent la personnalité du mineur et sont
particulièrement intrusives dans sa vie privée et familiale.
On peut s’interroger sur l’effet de cette absence de droit direct à la consultation en matière
pénale sur le respect du contradictoire. Mais l’objectif du procès pénal est que la défense du
mineur soit assurée, donc l’action de l’avocat en ce sens serait suffisante.
C’est là que le projet de code de justice pénale des mineurs constitue une innovation
puisque le 3° de son article L. 322-10 autorise la consultation du dossier unique de
mucchielli.org/index.php?post/2015/06/22/PJJ-et-secret-professionnel-certitudes-et-incertitudes, consulté le
16 juin 2019.
277
Les règles relatives à la consultation du dossier sont encore plus ardues devant le juge d’instruction. L’objet
de l’enquête est alors la manifestation de la vérité, et non pas seulement l’accompagnement du mineur vers
une évolution positive ; en conséquence, le dossier est soumis au secret de l’instruction, et alors les personnes
n’étant pas parties à la procédure, comme les services de Protection judiciaire de la jeunesse ou du secteur
associatif habilité, n’ont pas droit à la consultation du dossier.
278
Art. 8 al. 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 : « le juge des enfants recueillera, par toute mesure
d’investigation, des renseignements relatifs à la personnalité et à l’environnement social et familial du
mineur », conformément à l’arrêté du 2 février 2011.
103
personnalité par « le mineur, devenu majeur, au jour de l'audience d’une juridiction pour
mineur statuant en matière d’application des mesures éducatives et des peines, à moins qu’il
ne soit assisté par un avocat ». Il est finalement logique que le mineur puisse avoir accès
directement à ce dossier parce qu’il contient des éléments en matière pénale et civile. Comme
le mineur a un accès direct au dossier d’assistance éducative, le législateur ne pouvait
qu’autoriser l’accès au dossier pénal, quitte, pour le juge des enfants, à en retirer un élément
pour protéger le mineur. Les représentants légaux restent toujours exclus de la consultation du
dossier unique de personnalité, ce qui prouve que leurs droits, accentués en matière
d’information, restent moins importants que ceux de leur enfant.
164. Elle a fait l’objet d’évolutions législatives au début des années 2000 afin de s’adapter
aux droits des usagers et notamment au regard de leur besoin de consulter le dossier de
manière directe. Cet accès améliore l’application du contradictoire car il leur permet d’avoir
connaissance des arguments adverses et de mieux préparer leurs arguments en vue de
l’audience.
165. La consultation directe du dossier par les parents et le mineur lui-même en matière
civile est justifiée par la nature du contentieux : la protection de l’enfance. L’article 1182
alinéa 4 du Code de procédure civile prévoit que la possibilité de consulter le dossier par les
parties figure dans l’avis et les convocations, conformément aux dispositions de l'article 1187
alinéa 1 : « dès l'avis d'ouverture de la procédure, le dossier peut être consulté au greffe,
jusqu'à la veille de l'audition ou de l'audience, par l'avocat du mineur et celui « de ses
parents ou de l'un d'eux », de son tuteur, de la personne ou du service à qui l'enfant a été
confié. L’avocat peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier pour
l'usage exclusif de la procédure d'assistance éducative. Il ne peut transmettre les copies ainsi
obtenues ou la reproduction de ces pièces à son client ». Selon l’alinéa 2 de l’article 1187, le
dossier peut également être consulté, « sur leur demande et aux jours et heures fixés par le
104
juge, par « les parents », le tuteur, la personne ou le représentant du service à qui l'enfant a
été confié et par le mineur capable de discernement, jusqu'à la veille de l'audition ou de
l'audience »279. L’alinéa 3 précise que « la consultation du dossier le concernant par le
mineur capable de discernement ne peut se faire qu'en présence “de ses parents ou de l'un
d'eux” ou de son avocat. En cas de refus des parents et si l'intéressé n'a pas d'avocat, le juge
saisit le bâtonnier d'une demande de désignation d'un avocat pour assister le mineur ou
autorise le service éducatif chargé de la mesure à l'accompagner pour cette consultation ».
Le mineur, justiciable vulnérable en raison de son âge, a besoin d’être accompagné pour que
les éléments du dossier lui soient expliqués. L’alinéa 5 indique que « le dossier peut
également être consulté, dans les mêmes conditions, par les services en charge des mesures
prévues à l'article 1183 du présent Code et aux articles 375-2 et 375-4 du Code civil ». Les
services peuvent ainsi concourir à l’application du contradictoire afin d’organiser leur
intervention à l’audience et pour intervenir au mieux dans l’intérêt du mineur. A titre
exceptionnel, l’alinéa 4 permet au juge des enfants d’exclure tout ou partie des pièces du
dossier de la consultation : « par décision motivée, le juge peut, en l'absence d'avocat, exclure
tout ou partie des pièces de la consultation par l'un ou l'autre des parents, le tuteur, la
personne ou le représentant du service à qui l'enfant a été confié ou le mineur lorsque cette
consultation ferait courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un
tiers ». Cette disposition montre que la protection de l’enfant prime, n’empêchant pas pour
autant le respect de la contradiction. Lorsque l’instruction est terminée, l’alinéa 7 prévoit que
« le dossier est transmis au procureur de la République qui le renvoie dans les quinze jours
au juge, accompagné de son avis écrit sur la suite à donner ou de l’indication qu’il entend
formuler cet avis à l’audience ». La Cour de cassation a jugé que, même si le procureur de la
République n’a pas rendu son avis écrit dans les délais requis, la présence des parties à
l’audience, donc leur possibilité de présenter leurs observations, suffit pour que le
contradictoire ait été respecté280.
166. Ces dispositions suivent le décret n° 2002-361 du 15 mars 2002 modifiant le Code de
procédure civile et relatif à l’assistance éducative281.
279
V. en ce sens P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 513 et s.
280
Cass. civ 1ère, 28 mars 2018, n° 16-28.010, JurisData n° 2018-004673 : JCP G, n° 16, 16 avr. 2018, p. 761,
actualités 450.
281
Avant ce décret, la jurisprudence s’était prononcée sur la régularité de l’article 1187 du Code de procédure
civile qui prévoyait que le dossier d’assistance éducative pouvait être consulté au secrétariat-greffe par le
conseil du mineur et celui de ses père, mère, tuteur, ou par la personne ou service à qui l’enfant avait été
105
La première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que le principe du
contradictoire n’est pas méconnu dès lors que les modalités de consultation ont été données à
une mère par la lecture de l’article 1187 du Code de procédure civile, à savoir s’il résulte des
pièces de la procédure qu’une mère a été « invitée à consulter le dossier au greffe
conformément aux dispositions de l’article 1187 du Code de procédure civile » et qu’elle « a
ainsi été mise en mesure de prendre connaissance des rapports visés par les juges du fond et
d’en discuter contradictoirement »282.
La Cour de cassation s’est également prononcée sur la validité de l’exclusion d’un père de
la consultation de certaines pièces du dossier, en raison du climat familial très conflictuel et
virulent, et des nombreuses procédures opposant les parents de la mineure. La consultation de
certains documents du dossier risquait d’exposer la mineure à un danger physique ou moral
grave de la part de son père283.
La législation prévoit d’exclure temporairement une pièce du dossier et uniquement pour la
personne concernée. Or, celle-ci pourrait tout à fait avoir accès à cette pièce d’une autre
manière et à un autre moment. Le danger que la consultation de cet élément ferait courir à
l’enfant serait toujours bien présent. La consultation du dossier est une étape qui fait partie
intégrante du contradictoire : elle est un préalable à la préparation de la défense. Le bon
déroulement de la consultation engendre une meilleure préparation des parties, donc un
meilleur débat.
En dépit de l’intégration des exigences du contradictoire dans le Code de procédure civile,
la consultation du dossier d’assistance éducative suscite régulièrement des difficultés. La
Cour de cassation a ainsi cassé un arrêt dont les énonciations et les pièces de la procédure ne
permettaient pas de vérifier que les parents des mineurs placés à l'Aide sociale à l'enfance
avaient été avisés de leur faculté de consulter le dossier au greffe ; il n’était donc pas « établi
qu'ils aient été mis en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces
présentées à la juridiction et, par suite, de les discuter utilement »284.
confié. A contrario, cet article interdisait la consultation du dossier par la famille elle-même. Ce texte a été jugé
contraire au principe du « droit à un procès équitable » posé par l’article 6 de la Convention européenne des
droits de l’homme. Cette jurisprudence a constitué également une avancée en matière de consultation du
dossier. L’avocat n’agit plus en lieu et place des parties, il les accompagne : v. en ce sens C. appel. Lyon, ch.
spéc. mineurs, 26 juin 2000 : D., 2000, n° 31, p. 661 et s., note M. HUYETTE.
282
Cass. civ. 1ère, 9 juill. 2014, n° 13- 23.750.
283
Cass. civ. 1ère, 6 juill. 2005, n° 04-05.011, n° 1171 : D., 2005, n° 40, p. 2794 et s., note M. HUYETTE.
284
Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2018, n° 17-11.011, JurisData n° 2018-018142 : Dr. fam. , n° 3, Mars 2019, comm. 65, à
noter également par I. MARIA, p. 65.
106
167. Le principe du contradictoire englobe les démarches relatives au dossier de procédure :
information des parties, convocations, accessibilité au dossier et consultation de celui-ci sont
autant d’étapes à respecter pour que la procédure se déroule ensuite de la manière la plus
contradictoire possible.
Ainsi, ces étapes préalables engendrent, voire conditionnent les droits des personnes
impliquées dans la procédure : audition du mineur, droit de se défendre lui-même et d’être
défendu, droits des autres parties, droit à un avocat.
168. Le contenu du contradictoire conduit à se poser la question des droits de la défense, qui
seraient une composante du principe du contradictoire, contrairement à ce qu’avancent
certains auteurs. Le mineur doit se défendre, mais ses représentants légaux, s’ils sont titulaires
de droits en raison de l’autorité parentale, ne sont pas appelés à se défendre à proprement
parler.
Le mineur a ainsi le droit de se défendre lui-même et à être défendu (§1). Les autres
personnes impliquées dans la procédure ont également des droits (§2).
285
A. REY et J. REY-DEBOVE, Nouvelle édition du Petit Robert de Paul Robert. Dictionnaire de la langue
française, op. cit., p. 177.
286
D. SALAS, Les 100 mots de la justice, op. cit., p. 13.
107
d’être entendu en justice »287.
Les deux termes ont une signification distincte : l’audience constitue davantage le lieu de
l’audition, et l’audition s’apparente à l’action d’entendre.
170. Le droit de la personne à se défendre elle-même est affirmé par l'article 18 du Code de
procédure civile, qui dispose que « les parties peuvent se défendre elles-mêmes, sous réserve
des cas dans lesquels la représentation est obligatoire ».
Plus précisément, dans le cadre de l’assistance éducative, le recours à l'avocat étant une
faculté et non une obligation, les parties peuvent se défendre elles-mêmes. Le droit de la
personne à se défendre elle-même se manifeste non seulement dans la phase constitutive du
dossier, mais également lors de l'audience de jugement et des différentes auditions. La
personne peut faire valoir les arguments qu'elle estime justes à invoquer. Devant le juge des
enfants, le mineur est partie à la procédure dans le cadre pénal et dans le cadre civil.
Le mineur a droit non seulement à être entendu (A), mais également à bénéficier des
services d’un défenseur et à être défendu (B). Ces deux aspects sont incontournables pour le
respect du contradictoire.
171. Le mineur étant la partie qui conditionne la compétence du juge des enfants, l’audition
et le droit d’être entendu288 sont des aspects importants du contradictoire.
Elle se déroule différemment selon qu'on se situe dans le cadre pénal (1) ou dans celui de
l'assistance éducative (2).
172. L’audition du mineur permet au juge des enfants de prendre une décision au regard des
faits commis et de la personnalité du mineur auteur ou victime. Il est primordial que le juge
l’entende pour parvenir à une sanction cohérente au vu des faits et de ses besoins éducatifs.
287
A. REY et J. REY-DEBOVE, Nouvelle édition du Petit Robert de Paul Robert. Dictionnaire de la langue
française, op. cit., p. 177.
108
En entendant ses arguments, le juge se situe dans le respect du contradictoire.
173. L’audition du mineur donne lieu à une consultation des dispositions législatives du
Code de procédure pénale, de celles de l’ordonnance du 2 février 1945 et de celles du Code de
la justice pénale des mineurs.
Il convient de distinguer entre l’audition du mineur auteur d’infraction pénale et l’audition
du mineur victime d’un crime ou d’un délit. Le régime de l’audition du mineur dans le cadre
pénal fait l’objet de précautions en raison du statut particulier du mineur à protéger.
L’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant impose aux Etats
membres de mettre en place des conditions favorables en vue de l’audition de l’enfant dans
toutes les procédures le concernant à partir du moment où il est doué de discernement, et dans
des dispositions conformes à sa protection et à la législation nationale.
174. L’ordonnance du 2 février 1945 et le Code de la justice pénale des mineurs prévoient
l’audition du mineur auteur d’infraction pénale. Le juge entend le mineur afin d’appliquer le
contradictoire et de prendre une décision.
Ainsi, le Code de la justice pénale des mineurs prévoit, dans son article L. 311-1, que le
mineur a le droit d’être accompagné par ses représentants légaux lors de toutes les audiences,
et si nécessaires, aux auditions et interrogatoires, sauf si leur présence est de nature à porter
préjudice à l’audition de l’enfant. Cette disposition renforce le rôle des représentants légaux,
érige l’accompagnement en tant que droit pour le mineur, ce qui est positif en matière pénale
mais demande au juge d’en évaluer la faisabilité. Ce droit pour le mineur permettrait de
déduire que les parents n’accompagneraient pas leur enfant si cela lui était préjudiciable.
Le texte organise l'audition du mineur auteur et des représentants légaux dans le cadre de
l'instruction (article 8) ou dans la phase préalable (article 4 IV)289. Le juge des enfants doit
procéder à la recherche de tous éléments utiles pour le bon déroulement de la procédure 290. Il
précise les modalités d’enquête grâce auxquelles il peut parvenir à ses fins et entendre le
288
S. GUINCHARD, F. FERRAND et C. CHAINAIS, Procédure civile, op. cit., p. 356 et s. ; Y. STRICKLER, Procédure
civile, op. cit., p. 101.
289
L’article 4 VI de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit le principe d’enregistrement audiovisuel concernant
les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue et visés par l’article 64 du Code de procédure pénale.
290
V. en ce sens alinéa 1 : « le juge des enfants effectuera toutes diligences et investigations utiles pour parvenir
à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens
appropriés à sa rééducation ».
109
mineur dans les cas d’urgence291.
Les articles 10-2 III de l’ordonnance du 2 février 1945 et L. 331-4 du Code de la justice
pénale des mineurs prévoient l’audition du mineur âgé de moins de seize ans auteur
d’infractions en matière correctionnelle dans le cadre de l’instauration d’un contrôle
judiciaire292. Le texte mentionne l’existence d’un débat contradictoire, dans le cadre d’une
audience en cabinet, débat à l’issue duquel le juge statue sur le placement sous contrôle
judiciaire. Le caractère contradictoire du débat implique notamment la présence du parquet
lors de cette audience.
L’article L. 511-1 du Code de la justice pénale des mineurs prévoit que le juge des enfants
ou le tribunal pour enfants entend le mineur lors des débats.
L’article 13 de l’ordonnance du 2 février 1945 se prononce sur l’audition du mineur lors
d’un jugement en formation collégiale. L’enfant est la première personne à être entendue293.
En l’absence du mineur, la loi prévoit également le cas du jugement, qui est alors réputé
contradictoire, malgré le défaut d’audition du mineur294, à partir du moment où celui-ci a été
convoqué de manière régulière. La loi prévoit également le cas où le président du tribunal
pour enfants a la possibilité de dispenser le mineur de comparaître à l’audience. Il ne fait alors
pas l’objet d’une audition. Trois cas peuvent par conséquent se présenter : soit le mineur fait
l’objet d’une audition par le juge ou par le président du tribunal, soit il ne comparaît pas, soit
il est présent mais le juge décide de le dispenser de comparaître. Dans tous les cas, le
jugement est réputé contradictoire.
175. L’article 61-1 du Code de procédure pénale prévoit que « la personne à l'égard de
291
V. en ce sens alinéa 2 : « à cet effet, il procédera à une enquête, soit par voie officieuse, soit dans les formes
prévues par le chapitre 1er du titre III du livre Ier du Code de procédure pénale ». « Dans ce dernier cas, et si
l’urgence l'exige, le juge des enfants pourra entendre le mineur sur sa situation familiale ou personnelle sans
être tenu d'observer les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114 du Code de procédure pénale ».
292
L’art. 10-2 III de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit l'audition du mineur dans le cadre de l'instauration
d'un contrôle judiciaire. L'alinéa 5 dispose que « le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés
et de la détention statue sur le placement sous contrôle judiciaire en audience de cabinet, après un débat
contradictoire au cours duquel ce magistrat entend le ministère public qui développe ses réquisitions prises
conformément aux dispositions de l'article 137-2 du Code de procédure pénale, puis les observations du mineur
ainsi que celles de son avocat. Le magistrat peut, le cas échéant, recueillir au cours de ce débat les déclarations
du représentant du service qui suit le mineur ».
293
Art. 13 al. 1 de l’ordonnance du 2 février 1945 : « le tribunal pour enfants statuera après avoir entendu
l'enfant, les témoins les parents, le tuteur ou le gardien, le ministère public et le défenseur. Il pourra entendre, à
titre de simple renseignement, les coauteurs ou complices majeurs ».
294
V. en ce sens al. 2 : « “le président du tribunal pour enfants pourra”, si l'intérêt du mineur l'exige, dispenser
ce dernier de comparaître à l'audience. Dans ce cas, le mineur sera représenté par un avocat ou par son père, sa
110
laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre
une infraction peut, au cours de l'enquête pénale, être entendue librement sur ces faits », après
avoir été informée de divers droits295. Il s’agit de l’audition libre d’une personne suspectée,
prévue par la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive
2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à
l’information dans le cadre des procédures pénales. Il devenait urgent de transposer cette
directive dans le droit français296.
Une question prioritaire de constitutionnalité a été posée au Conseil constitutionnel le 8
février 2019 afin de répondre à l’articulation de cette disposition avec la justice des enfants.
Un mineur soupçonné d'avoir commis une infraction est entendu librement au cours d'une
enquête pénale297. Le requérant soutenait que ces dispositions étaient contraires au principe
d'égalité devant la procédure pénale garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, faute de garanties équivalentes à celles prévues lorsqu'il est
entendu dans le cadre d'une garde à vue. De même, en ne prévoyant pas qu'un mineur entendu
librement bénéficie de l'assistance obligatoire d'un avocat et d'un examen médical et que ses
représentants légaux soient informés de la mesure, ces dispositions contrevenaient au principe
fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
Le Conseil constitutionnel a constaté que l'audition libre se déroulait selon des modalités
identiques lorsque la personne entendue est mineure, quel que soit son âge. Les garanties
prévues par le législateur ne suffisaient donc pas à assurer qu’il consente de façon éclairée à
l'audition libre, ni à éviter qu'il opère des choix contraires à ses intérêts. En ne prévoyant pas
de procédures adaptées pour garantir l'effectivité de l'exercice de ses droits, le législateur avait
ainsi contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République de
spécialisation de la justice pénale des mineurs. Le Conseil constitutionnel a reporté la date de
l’abrogation des procédures antérieures au 1er janvier 2020, considérant que cela aurait pour
effet de supprimer les garanties légales encadrant l'audition libre des personnes soupçonnées,
mère ou son tuteur. La décision sera réputée contradictoire » et v. les articles L. 511-2 et L. 511-3 du Code de la
justice pénale des mineurs.
295
J. LEBLOIS-HAPPE, « La réforme de l’enquête par la loi de programmation 2018-2022 revue par le Conseil
constitutionnel », AJ pénal, 2019, p. 180 ; V. TELLIER-CAYROL, « « Audition libre et garde à vue des personnes
vulnérables : deux pas en avant, un pas en arrière », in dossier « loi du 23 mars 2019 et procédure pénale »,
sous la dir. de F. FOURMENT », Gaz. Pal., sept. 2019, n° 29, p. 66 ; P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, « Droit des
mineurs, juillet 2018 – juillet 2019 », D., sept. 2019, n° 31, p. 1732.
296
L. GEBLER, « Dispositions pénales relatives aux mineurs », op. cit., p. 264.
297
Cons. Const., 8 févr. 2019, n° 2018-762, JurisData 2019-001740 : « Régime de l'audition libre des mineurs :
non-conformité (CPP, art. 61-1) », Dr. pén., mars 2019, alerte 16, n° 3, p. 16, veille W. ROUMIER.
111
majeures ou mineures, entraînant ainsi des conséquences manifestement excessives.
À la suite de ces événements, le Code de la justice pénale des mineurs réglemente
l’audition libre du mineur suspect dans ses articles L. 412-1 et L. 412-2.
La loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit
désormais la transposition de la directive « mineur », notamment imposant la présence d'un
avocat obligatoire en audition libre (article 94 de la loi)298, ce qui renforce le principe des
droits de la défense et le respect du contradictoire. Cette disposition est entrée en vigueur le
1er juin 2019.
Le décret n° 2019-507 du 24 mai 2019 pris pour l'application des dispositions pénales de la
loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
relatives à la procédure numérique, aux enquêtes et aux poursuites, contient certaines
dispositions favorables au respect du contradictoire pour un mineur suspecté ou poursuivi,
entendu notamment dans le cadre d’une audition libre ou d’une première comparution (article
D. 594-18). L’information du mineur sur ses droits doit ainsi être réalisée « dans des termes
simples et accessibles ».
176. La loi prévoit également l’audition du mineur victime d’un crime ou d’un délit, qui
permet au juge de prendre une décision à l’issue des débats, ce qui contribue là aussi au
respect du contradictoire.
Ces dispositions figurent dans le Code de procédure pénale en dehors du texte de
l’ordonnance du 2 février 1945. Ainsi, le mineur peut être accompagné durant toute forme
d’audition et de confrontations. A tous les stades de la procédure, il peut demander à être
accompagné par son représentant légal, par la personne majeure de son choix, sauf exception
prévue par l’article 706-53 du Code de procédure pénale. Au cours de l’instruction, les
auditions de mineurs sont réalisées à la demande du mineur ou de son représentant légal
(alinéa 2 du texte) ; elles se déroulent en présence d’un psychologue ou d’un médecin
spécialiste de l’enfance, d’un membre de la famille du mineur ou d’un administrateur ad hoc.
L’article 706-53 du Code de procédure pénale précise les modalités de l’audition des mineurs
victimes d’un crime ou d’un délit. L’audition de l’enfant victime doit faire l’objet de
précautions particulières. La loi ajoute que l’audition d’un mineur victime de l’une des
infractions mentionnées à l’article 706-47 du même code fait l’objet d’un enregistrement
audiovisuel ou sonore, si l’intérêt du mineur le justifie (article 706-52 du Code de procédure
112
pénale). L’audition est réalisée dans le cadre pénal par un technicien mandaté à cet effet. La
copie de cet enregistrement, versée au dossier, est accessible à la consultation par les parties
(article 706-52 alinéa 5 du Code de procédure pénale). Mais, l’article L. 412-13 du projet de
Code de justice pénale des mineurs prévoyait que « l'enregistrement mentionné à l’article L.
412-12 ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement,
qu’en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire, sur décision du juge
d’instruction ou de la juridiction de jugement, d’office ou à la demande du procureur de la
République ou d'une des parties. Aucune copie de l’enregistrement ne peut être délivrée aux
parties ou à leur avocat ». le Code de la justice pénale des mineurs, après son adoption,
semble avoir fait abstraction de cette disposition et de l’enregistrement visuel des
interrogatoires des mineurs victimes, se consacrant aux auteurs.
C’est là que le contradictoire entre en jeu : le support de cette audition peut être utilisé dans
le cadre de la consultation du dossier. Il est donc important que l’enregistrement respecte la
protection de l’enfant et la manifestation de la vérité. La Cour de cassation précise que les
juges, en fondant leur conviction sur l’examen de l’enregistrement audiovisuel au cours du
délibéré, ne méconnaissent pas le principe du contradictoire, dans la mesure où la copie de cet
enregistrement a été versée au dossier, et que les avocats des parties ont été en mesure de
consulter cette pièce299.
Dans un arrêt du 19 décembre 1989, la Cour européenne des droits de l’homme a imposé
que « les éléments de preuve aient été produits devant l’accusé, en audience publique et en
vue d’un débat contradictoire »300. Or, en l’espèce, l’enregistrement audiovisuel avait été
consulté lors du délibéré par les juges, donc en dehors de l’audience publique. L’accès aux
pièces du dossier, pour en permettre la discussion, est la contrepartie du principe de la libre
administration de la preuve, permettant que la décision du juge ne puisse se fonder que sur
« des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées
devant lui » (article 427 alinéa 2 du Code de procédure pénale)301.
L’absence de consultation préalable de l’enregistrement par les parties n’est pas considéré
comme une violation du contradictoire, puisque les parties en ont eu la faculté au préalable302.
298
« Réforme de la Justice : dispositions entrant en vigueur le 1er juin 2019 », JCP G, mai 2019, n° 21-22, p. 566.
299
Cass. crim. 12 sept. 2007, n° 06-87.498, Bull. crim. n° 207 : R. FINIELZ, « Respect du principe contradictoire et
administration de la preuve », déc. 2007, n° 4, p. 837.
300
CEDH, 19 déc. 1989, KAMANSINSTRI c/ Autriche, série A, n° 168 ; CEDH, 15 juin 1992, LUDI c/ Suisse, série A
n° 238.
301
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, op. cit., p. 462.
302
R. FINIELZ, « Respect du principe contradictoire et administration de la preuve », op. cit., p. 837.
113
L’enregistrement audiovisuel étant un droit du mineur, toute impossibilité technique de
réalisation lors de l’instruction doit être mentionnée au procès-verbal d’audition.
L’enregistrement est important non seulement pour éviter à l’enfant de réitérer des
déclarations -procédé qui pourrait se montrer violent pour lui- mais il l’est également pour un
bon déroulement de l’audition. Par conséquent, l'absence de mention concernant la nature de
l'impossibilité technique de l’audition est susceptible d’altérer la qualité de l’audition. Il
convient de préciser que l’enfant victime d’une infraction relevant de l’article 706-47 du Code
de procédure pénale est représenté par un avocat de manière obligatoire en cas d’audition par
le juge d’instruction.
177. L’audition du mineur dans le cadre pénal est donc un élément incontournable du
contradictoire puisqu’elle permet au juge de prendre une décision cohérente pour le mineur
auteur (au regard de la sanction et de ses besoins éducatifs) et pour la protection du mineur
victime.
178. Elle permet au juge des enfants de prendre une décision de protection. Exercice délicat
dû à la vulnérabilité du mineur, elle se rapproche de l’audition par le juge aux affaires
familiales, mais s’en distingue car l’enfant est partie à la procédure d’assistance éducative.
L’enfant pouvant être entendu seul, elle permet au juge d’appliquer le contradictoire et
d’avoir les éléments nécessaires pour organiser le débat avec ses représentants légaux.
179. La Convention internationale des droits de l’enfant lui garantit le droit d’exprimer
librement son opinion sur toute question l’intéressant, à condition qu’il soit capable de
discernement303. Dans son article 21, le nouveau Règlement « Bruxelles II ter » a consacré
une disposition au droit de l'enfant d'exprimer son opinion, qu'il décline non pas en une
obligation d'entendre l'enfant dans les procédures de responsabilité parentale, mais en une
obligation de donner à l'enfant doué de discernement une possibilité réelle et effective
303
Art. 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant, signée par la France le 20 novembre 1989.
114
d'exprimer son opinion304.
La possibilité lui est donnée d’être entendu dans toute procédure administrative ou
judiciaire le concernant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d’une
organisation appropriée. Le Code de procédure civile distingue l'audience de l'audition. Le
statut de l’audition de l’enfant fait l’objet de questionnements.
L’audition de l’enfant est le plus souvent abordée sous l’angle des procédures dans
lesquelles il n’est pas partie, mais qui le concernent, par exemple lorsqu’une procédure se
trouve pendante devant le juge aux affaires familiales. L’audition de l’enfant est alors prévue
aux articles 388-1 et suivants du Code civil et par les articles 338-1 et suivants du Code de
procédure civile305.
Or, si l’on veut se pencher sur l’audition de l’enfant dans le cadre civil sous l’angle de sa
protection, il convient de chercher des réponses dans la partie relative à l’assistance éducative,
qui se trouve aux articles 1181 et suivants du Code de procédure civile. Le régime de
l’audition et ses modalités sont différentes, en raison notamment du fait que l’enfant, en
assistance éducative, se trouve partie au procès. Si les articles 388-1 du Code civil et 338-1 et
suivants du Code de procédure civile régissent l’audition du mineur capable de discernement
dans toute procédure le concernant, les articles 1182 et 1184 du Code de procédure civile
prévoient des dispositions spécifiques à l’assistance éducative. Ils font de l’audition du
mineur capable de discernement une nécessité, sauf en cas d’urgence. Ainsi, il n’est plus
possible, pour le juge des enfants d’écarter l’audition de l’enfant en opportunité, c’est-à-dire
en raison de son âge ou de son état de santé, afin de ne pas compromettre son équilibre306.
La loi donne au mineur un véritable droit à être entendu s’il est capable de discernement ;
il doit être informé de ce droit et de celui d’être assisté d’un avocat dans toutes les procédures
le concernant, par le ou les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, par le tuteur ou par
la personne ou le service à qui il a été confié (article 338-1 du Code de procédure civile). Le
juge doit veiller à ce que le mineur soit informé de ce droit (article 388-1 alinéa 4 du Code
civil). Au vu des difficultés pratiques suscitées par la mise en œuvre de ces dispositions, la
première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que le moyen issu du défaut de
304
E. GALLANT, « Le nouveau réglement “Bruxelles II ter” », op. cit., p. 401.
305
P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit de la famille, LGDJ, Lextenso, 2018, pp. 754 et 755 ; sous peine de
violer les articles 16 et 338-12 du Code de procédure civile, pour fixer la résidence de l’enfant, son audition par
le juge aux affaires familiales doit se dérouler avant la clôture des débats et après avoir invité les parties à
formuler, dans un certain délai, leurs observations en cours de délibéré sur le compte rendu qui leur était
adressé, v. en ce sens Cass civ. 1ère, 19 sept. 2019, n° 18-15.633 : D., 2019, p. 1833.
306
Cass. civ. 1ère, 2 nov. 1994, n° 93-05.078, Bull. 1994, I, n° 314.
115
vérification par la Cour d’appel relatif à l’information du mineur concernant son droit d’être
entendu et assisté d’un avocat ne peut être soulevé pour la première fois devant la Cour de
cassation307.
180. Le Code de procédure civile prévoit les dispositions relatives à l’audition : l’article 1182
alinéa 1 précise le lieu de l’audience, indiqué dans la convocation : au siège du tribunal pour
enfants ou au siège d’un tribunal d'instance situé dans le ressort. L’article 1182 alinéa 2 du
Code de procédure civile prévoit les destinataires de l’audition : le juge entend chacun des
parents, le tuteur, la personne ou le représentant du service à qui l'enfant a été confié et le
mineur capable de discernement et il porte à leur connaissance les motifs de sa saisine. Il
s’agit d’une obligation pour le juge, mais si le caractère obligatoire des auditions le contraint à
prendre l’initiative de l’audition du mineur, cela ne contraint pas pour autant le mineur à
s’exprimer.
Même si le droit d’être entendu n’implique pas l’obligation pour le juge de tenir compte
des propos exprimés, la Cour de cassation veille au respect du droit du mineur à être entendu.
Elle rappelle que le principe de l’audition d’un mineur est de droit dans une procédure
d’assistance éducative, car il s’agit d’une mesure d’ordre public308. Ainsi, la jurisprudence
précise que la demande d’audition formée par un mineur est recevable en tout état de la
procédure, y compris en cours de délibéré309. Même si la procédure d’assistance éducative a
évolué de manière à mieux protéger l’enfant et à renforcer le contradictoire, l’audition de
l’enfant soulève toujours les mêmes questions310. L’audience, et particulièrement l’audition,
mobilisent l’éthique professionnelle du juge des enfants, car tous les juges ne sont pas
disposés à entendre un enfant311. L’audition de l’enfant doit être mise en perspective avec les
principes directeurs de l’assistance éducative, que sont surtout l’intérêt supérieur de l’enfant et
la recherche de l’adhésion. A ce niveau de la procédure, le contradictoire doit donc également
être mis en balance avec ces principes.
Concernant les mesures provisoires et les mesures d’instruction, l’article 1184 alinéa 1 du
Code de procédure civile fait de l’audition une condition indispensable à la prise de décision.
307
Cass. civ. 1ère, 10 juin 2015, n° 14-15.354.
308
Cass. civ. 1ère, 30 juin 1981, Gaz. Pal. 1982. 1. 391, note J. MASSIP ; Cass. civ. 1ère, 25 juin 1991, D., 1992. 51.
309
Cass. civ. 1ère, 15 avr. 2010, n° 09-14.939 ; cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, n° 11-18.849, Bull. 2012, I, n° 212.
310
E. DURAND, « Dossier “Parole de l’enfant” : brèves réflexions d’un juge des enfants sur l’audition de l’enfant
en assistance éducative », AJ fam., janv. 2014, n° 1, p. 27.
116
L’audition du mineur est également une obligation dans le cadre de l’instruction et des
mesures provisoires. La jurisprudence est constante en la matière312. Il s’agit des mesures
provisoires prévues au premier alinéa de l'article 375-2 du Code civil -placement-, ainsi que
des mesures d’information prévues à l'article 1183 du Code de procédure civile -mesure
judiciaire d’investigation éducative-. Le seul cas où l’audition n’est pas une condition
indispensable à la prise de décision dans le cadre de l’instruction est l’urgence spécialement
motivée. L’audition est alors celle de chacun des parents, du tuteur, de la personne ou du
représentant du service à qui l'enfant a été confié et du mineur capable de discernement.
Même si un placement a été ordonné en urgence par le juge sans audition des parties, celles-ci
seront auditionnées dans un délai de quinze jours à compter de cette décision (article 1184
alinéa 2 du Code de procédure civile).
L’article 1188 alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit le moment de l’audition. Les
parents, le tuteur ou la personne ou le service à qui l'enfant a été confié et, le cas échéant 313, le
mineur sont convoqués huit jours au moins avant la date de l’audience. L’article 1189 alinéa 1
du Code de procédure civile est à distinguer de l’article 1182 qui prévoit l’audition à
proprement parler. Le juge entend les personnes dont l’audition lui paraît utile : le mineur, ses
parents, son tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui l'enfant a été confié,
ainsi que toute autre personne. Au stade du jugement, le juge des enfants peut dispenser le
mineur de comparaître en vertu des articles 1188 alinéa 2 et 1189 du Code de procédure
civile. Il peut dispenser le mineur de se présenter ou ordonner qu'il se retire pendant tout ou
partie de la suite des débats. La jurisprudence rappelle ce principe au stade du jugement314.
Cette dispense met en évidence l’importance du rôle de l’avocat, qui vient alors garantir les
droits du mineur et a fortiori, le contradictoire : en l’absence de l’enfant à l’audience et en
l’absence d’audition, il peut porter sa parole et protéger ses droits.
311
Ibid., p. 27 ; les juges aux affaires familiales peuvent déléguer l’exercice de l’audition de l’enfant à des
médiateurs familiaux car l’enfant n’est pas partie à la procédure, contrairement au juge des enfants à qui il
incombe de procéder lui-même à cette étape, l’enfant étant partie au procès.
312
Cass. civ. 1ère, 11 févr. 1986, Defrénois 1986. 728, obs. J. MASSIP.
313
Cette expression indique que convoquer un mineur pour le juge des enfants n’est pas une obligation.
314
Cass. civ. 1ère, 14 févr. 2006, n° 05-13.627 ; cass. civ. 1ère, 28 nov. 2006, n° 04- 05.095, Bull. 2006, I, n° 528.
117
Le mineur a également le droit de bénéficier des services d’un avocat, auxiliaire de justice
dont le rôle va concourir au respect du contradictoire.
183. L’assistance du mineur y est une obligation, contrairement au droit des majeurs, et
concourt pleinement au respect du contradictoire puisque l’avocat accompagne le mineur pour
le défendre (auteur), pour être défendu (victime) et pour organiser auditions et audience.
184. Deux cas existent à propos de l’assistance d’un mineur en justice dans le cadre pénal :
s’il est victime d’un crime ou d’un délit, en vertu des articles 706-47 et suivants du Code de
procédure pénale ; s’il est lui-même auteur d’une infraction pénale317 conformément aux
dispositions de l’ordonnance du 2 février 1945 et du Code de la justice pénale des mineurs. Le
régime de l’assistance par un avocat diffère en fonction de ces deux cas.
315
L’assistance en justice est définie par l’article 412 du Code de procédure civile, qui précise qu’« elle emporte
pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l’obliger », tandis que la représentation
est un mandat donné par une partie à un tiers afin d’agir pour son compte et en son nom pour tous les actes de
la procédure, selon l’article 411 du même code. Dans le cadre pénal, le mineur auteur peut être assisté, pas
représenté.
316
M. PICOT, « L’avocat de l’enfant », Dr. fam., juill. 2006.
317
S.-C. LIN, Les principes directeurs du droit pénal des mineurs délinquants, op. cit., p. 156.
118
également pour l’enfant le droit de se faire représenter par un avocat devant toute autorité
judiciaire318.
La représentation en justice du mineur touche également les droits à bénéficier d’un
administrateur ad hoc. Or, les cas de désignation d’un tel représentant divergent de ceux d’un
avocat. En outre, son rôle est différent.
186. La loi prévoit aussi la représentation du mineur victime devant la justice. Lorsqu’un
crime ou un délit est commis contre lui, il a le droit d’être représenté de manière générale et
d’être défendu de manière plus particulière. L’article 706-50 du Code de procédure pénale
prévoit que le juge fait désigner ou désigne d’office un avocat pour le mineur, s’il n’en a pas
déjà été choisi un, en cas de constitution de partie civile du mineur. Ces dispositions sont
applicables lors de la phase d’instruction et devant la juridiction de jugement. La loi n°
2007-291 du 5 mars 2007 renforçant l’équilibre de la procédure pénale a introduit la règle
selon laquelle le mineur victime d’une des infractions mentionnées par l’article 706-47 du
Code de procédure pénale est assisté par un avocat lorsqu’il est entendu par le juge
d’instruction (article 706-51-1 du Code de procédure pénale). L’objectif du législateur était
d’aligner les droits de l’enfant victime sur ceux du majeur prévenu, voire de les renforcer. Le
juge doit faire désigner un avocat d’office par le bâtonnier si le mineur ou ses représentants
légaux ne l’ont pas fait. L’avocat doit être convoqué et a accès au dossier dans les conditions
prévues, pour le droit commun, par l’article 114 du Code de procédure pénale, ce qui lui
permet d’assurer la défense du mineur dans des conditions favorables.
318
Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants, signée par la France à Strasbourg, le 25 janvier
1996, art. 5 : le mineur dispose de droits procéduraux en matière d’affaires familiales : « le droit de demander
eux-mêmes, ou par l’intermédiaire d’autres personnes ou organes, la désignation d’un représentant distinct,
dans les cas appropriés, un avocat ».
119
187. La loi prévoit l’assistance du mineur auteur d’infraction pénale devant la justice.
L'assistance d'un avocat pour le mineur est obligatoire dans le cadre pénal, ce qui contribue au
respect des droits de la défense, et ainsi au contradictoire. Même si le mineur ou ses parents
n’en ont pas fait le choix, un avocat sera commis d’office. Le caractère obligatoire de la
défense en justice d’un mineur auteur n’est pas dû au principe de défense obligatoire en raison
de la nature du litige, mais à la particulière vulnérabilité du mineur319.
L’article 4-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 précise que « le mineur poursuivi doit être
assisté d’un avocat ». L’alinéa 2 ajoute que si le mineur ou ses représentants légaux n’ont pas
fait le choix d’ un avocat, le procureur de la République, le juge des enfants ou le juge
d’instruction fait désigner un avocat d’office par le bâtonnier, ce qui est le corollaire de
l’obligation faite pour le mineur d’être représenté en justice par un avocat. L’article L. 12-4
du Code de la justice pénale des mineurs prévoit l’assistance par un avocat du mineur
poursuivi ou condamné et souligne la nécessité que l’avocat soit le même tout au long de la
procédure pénale, ce qui favorise la continuité, la cohérence du procès et l’application du
contradictoire. La Cour de cassation rappelle le principe d’une obligation d’assistance du
mineur par un avocat320. Cette disposition s’applique également à un mineur devenu majeur
au jour du jugement321.
L’article 8-3 de l’ordonnance du 2 février 1945 vient préciser que la convocation doit faire
mention du droit du mineur à être assisté par un avocat, dans le cas où il fait ou a déjà fait
l’objet d’une ou plusieurs procédures en application de l’ordonnance du 2 février 1945, en
d’autres termes, en cas de réitération d’une infraction ou de récidive légale. L’article 8-3
alinéa 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit que si le mineur ou ses représentants
légaux n’ont pas fait le choix d’un avocat, comme dans le cas d’une première infraction, le
procureur de la République ou le juge des enfants font désigner un avocat d’office par le
bâtonnier. L’article 10 alinéa 1 de l’ordonnance du 2 février 1945 ajoute que l’avis
d’information des poursuites visant le mineur fait mention de ce que le juge d’instruction ou
319
En cela, la représentation obligatoire d’un mineur auteur diffère de la représentation facultative d’un
majeur auteur, qui, lui, pourrait se dispenser du recours à un avocat.
320
Cass. crim. 28 juin 2000, n° 00-80.253 : la Cour d’appel qui énonce que ni le prévenu mineur, ni son père
n’ont pris contact avec l’avocat commis d’office, pour se décharger de son obligation de commettre un avocat
d’office, méconnaît le sens et la portée de l’article 4-1 de l’ordonnance du 2 février 1945.
321
Cass. avis, 29 févr. 2016, n° 16002 : Dalloz actualité, 7 mars 2016, obs. A. PORTMANN : la Cour de cassation
se réfère à un arrêt rendu par la chambre criminelle le 21 mars 1947, et indique que les dispositions applicables
devant la juridiction pour mineurs sont applicables dès lors que les faits pris en considération ont été commis
lors de la minorité du prévenu, peu importe qu’il soit jugé en étant majeur ou mineur à l’heure du jugement. En
conséquence, les règles relatives à l’assistance du mineur par un avocat sont également applicables.
120
le juge des enfants peut procéder ainsi à défaut de choix d’un défenseur par le mineur ou par
ses représentants légaux. Cet avis se fait verbalement, avec émargement au dossier ou par
lettre recommandée. Cette désignation d’office d’un avocat par le juge chargé de l’instruction
peut être également faite lors de la première comparution. Cette exigence s’étend aux
modalités du placement en détention provisoire du mineur lors de sa première comparution.
Le débat contradictoire est alors différé, car le prévenu peut demander un délai afin de
préparer sa défense. Il est rappelé qu’il appartient au juge d’instruction de constater la carence
d’avocat, notamment lors du débat contradictoire préalable au placement en détention
provisoire. Si le juge d’instruction se limite à constater la carence d’avocat, sans saisir le
bâtonnier pour qu’il en soit désigné un d’office, le magistrat prive sa décision « d’une
condition essentielle à sa régularité »322. De manière générale, en matière d’instruction, les
dispositions du chapitre Ier du titre III du livre Ier du Code de procédure pénale s’appliquent
au mineur, et le juge d’instruction procèdera en ce sens selon l’article 9 alinéa 1er du Code de
procédure pénale.
Même si les dispositions de l’article 10 de l’ordonnance du 2 février 1945 dérogent à celles
de l’article 114 alinéa 3 du Code de procédure pénale, elles ne portent pas atteinte aux autres
dispositions du Code. Le prévenu, même mineur, peut valablement renoncer à la présence de
son conseil lors d’un interrogatoire323. De même, lors de la première comparution, le juge
d’instruction est tout à fait libre d’informer le mineur de son droit de choisir un conseil après
l’avoir informé qu’il était libre de ne pas faire de déclarations324. Les articles 10-2 II de
l’ordonnance du 2 février 1945 et L. 331-3 du Code de la justice pénale des mineurs précisent
qu’en cas de placement sous contrôle judiciaire d’un mineur de treize à dix-huit ans, le juge
des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention doivent notifier
oralement au mineur, en présence de son avocat, les obligations qui lui incombent.
188. L’obligation pour un mineur d’être assisté par un avocat dans le cadre pénal est
respectueuse de ses droits pour mieux le protéger. Cet élargissement a eu un impact sur le
renforcement du caractère contradictoire de la procédure parce qu’il contribue à mieux assurer
les droits de la défense du mineur. Ainsi, le droit d’être défendu fait partie intégrante du
contradictoire.
322
C. a. Nancy, 14 déc. 2000, BICC 2001, 666.
323
Cass. crim. 14 avr. 1970, n° 69-93.211.
121
Après avoir étudié le droit à un avocat dans le cadre pénal, nous interrogerons ce droit
comme composante du contradictoire dans le cadre civil.
189. Le droit de la partie à être défendue en justice a son importance dans le procès de
manière générale, et plus particulièrement lorsqu'il s'agit de défendre un mineur. L'avocat a en
effet une place à tenir auprès du mineur en dépit de ses parents, ce qui est plus clair en matière
pénale, mais moins évident dans le cadre de l'assistance éducative où les attributs de l'autorité
parentale peuvent entrer en conflit avec le rôle de l'avocat. Il existe souvent une confusion
entre l'intérêt de l'enfant et l'intérêt des parents. Il peut exister par ailleurs une confusion entre
la défense de l'intérêt de l'enfant et celle de sa volonté. Ces confusions engendrent des
situations complexes, qui peuvent mettre le juge des enfants en difficulté dans sa prise d’une
décision éclairée. Le risque est que l’application du contradictoire ne soit pas respectée si les
acteurs intervenant auprès de l’enfant ne respectent pas leur rôle. Il appartient donc au juge de
veiller à ce que les places de chacun soient respectées.
190. Le droit à un avocat dans le cadre civil est primordial pour la protection de l’enfant et
pour le respect du principe du contradictoire. La défense d’un mineur correspond au respect
de ses droits et de ses libertés fondamentales.
191. Lorsqu’il s’agit d’aborder la représentation en justice d’un mineur dans le cadre civil,
deux situations existent : le cas où le mineur fait l’objet d’une procédure d’assistance
éducative en qualité de partie à la procédure ; le cas où un crime ou un délit a été commis
contre lui, conformément aux articles 706-47 du Code de procédure pénale. L’article 706-49
du Code de procédure pénale précise que si un délit ou un crime est commis contre un mineur,
le procureur de la République ou le juge d’instruction informe le juge des enfants de
l’existence d’une procédure le concernant. Il lui communique toute pièce utile, dès lors
qu’une procédure d’assistance éducative est déjà ouverte à son égard. Il bénéficie alors d’une
représentation en justice à la fois dans le cadre pénal, du fait de son statut de victime, et dans
le cadre de l’assistance éducative du fait de son statut d’enfant à protéger de son
environnement familial et/ou social. Nous aborderons exclusivement le droit du mineur à être
324
Cass. crim. 24 avr. 1975, n° 74-93.423 ; dans le même sens : Cass. crim. 12 févr. 1970, n° 69-92.830.
122
représenté en assistance éducative. Les dispositions en matière de respect de la contradiction
ont fait l’objet de modifications.
192. La représentation ou l'assistance du mineur par un avocat dans le cadre civil est une
faculté. Ce sont les parents qui peuvent y procéder. A défaut, le juge des enfants peut
demander au bâtonnier qu'il lui en soit désigné un. Cette faculté se révèle finalement un
avantage, surtout dans le cas d'un conflit d'intérêts entre l'enfant et son père et/ou sa mère.
A l’appui de la présente réflexion, deux juges des enfants interrogés pour les besoins de
cette étude évoquent davantage le contradictoire en assistance éducative, jusqu'à l'exclure en
matière pénale au bénéfice des droits de la défense. Ils invoquent l'argument selon lequel les
événements se déroulent de manière obligatoire, donc automatique, en matière pénale. Ils
s’expriment comme s'ils considéraient que le caractère aléatoire de la désignation d'un avocat
dans le cadre de l'assistance éducative renforçait le caractère contradictoire du procès :
l'absence de défenseur conduirait le juge des enfants à être plus vigilant à propos du respect
du contradictoire, garanti de manière mouvante par la procédure d’assistance éducative. Dans
tous les cas, le droit pour le mineur d’être défendu figure, là aussi, dans les garanties résultant
du principe du contradictoire.
193. En matière civile, la loi présente le droit à un avocat comme une faculté attribuée pour
le mineur doué de discernement325. Le principe selon lequel le procès est la chose des parties
implique des garanties maximales pour que l’exercice de leurs droits soit assuré. L’avocat se
présente ainsi comme une protection pour garantir la bonne évolution du procès et le respect
des droits des parties.
L’article 19 du Code de procédure civile pose le principe du libre choix du défenseur par
les parties, selon ce qu’elle permet ou impose. Le rôle de l’avocat est de représenter les parties
ou de les assister. Le juge ne peut intervenir dans le choix de l’avocat par les parties, même
s’il constate qu’ayant le même défenseur, les parties ont des intérêts divergents326.
Plus précisément, devant le juge des enfants, l’article 1182 alinéa 4 du Code de procédure
325
V. en ce sens P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 781 n° 1292.
326
Cass. civ. 3ème, 31 oct. 1989 : Bull. civ. III, n° 199 : la société défenderesse avait invoqué l’analyse de la
combinaison des articles 14 et 16 du Nouveau Code de procédure civile, de laquelle résultait que le juge doit
ordonner que chacune des deux parties soient représentées par un conseil propre, lorsqu’il se rend compte
qu’elles sont représentées par le même défenseur, alors que leurs intérêts sont partiellement divergents, le
juge devant agir ainsi pour garantir le respect du contradictoire. La solution de la Cour de cassation met ici en
123
civile prévoit que l’avis d’ouverture de la procédure et les convocations font mention du droit
des parties de faire le choix d’un conseil ou de demander qu'il leur en soit désigné un d'office
conformément aux dispositions de l'article 1186 du Code de procédure civile, qui dispose que
le mineur capable de discernement peut faire le choix d’un conseil ou demander au juge que
le bâtonnier lui en désigne un d'office. Ici, l’article 1186 du Code de procédure civile
mentionne expressément le mineur comme étant titulaire de la faculté du choix d’un conseil.
Le verbe « pouvoir » indique que contrairement au cadre pénal, le fait de bénéficier d'un
conseil est une faculté dans le cadre civil. Il s'agit d'un droit pour les intéressés, mais non
d'une obligation pour le tribunal.
Quand les intéressés en ont fait la demande, il s'agit d'une obligation pour le juge, qui
répond à un droit des usagers. La désignation doit intervenir dans les huit jours de la
demande. Ce droit est rappelé aux intéressés lors de leur première audition (article 1186 du
Code de procédure civile). Cela signifie a contrario que le mineur a été informé de ce droit
préalablement à la première audition, dans l’avis d’ouverture de la procédure et dans la
convocation.
Deux courants de pensées sont à distinguer en matière de défense du mineur. Ces
réflexions sont anciennes, mais il nous a paru pertinent de les étudier au vu de leur analyse
poussée du rôle de l’avocat d’enfant, qui est toujours d’actualité. Avant 2002, le rôle de
l’avocat auprès d’un mineur a pu faire débat, notamment lorsque celui-ci n’est pas doué de
discernement, ce qu’a retenu un arrêt de la Cour d’appel de Rouen327. L’espèce met en
exergue le rôle de l’avocat d’enfant, qui relève du mandat et qui est particulier en matière
d’assistance éducative en raison du statut de l’enfant. Pour autant, son rôle et sa pratique, qui
répondent à une déontologie précise, ne diffèrent pas de celui d’un avocat de personnes
majeures. La seule distinction qui peut être opérée se situe dans la diversité des cadres
d’intervention328. Le rôle de l’avocat d’enfant en matière d’assistance éducative n’est pas de
mettre en avant l’intérêt de l’enfant. Dans l’espèce étudiée, la Cour d’appel de Rouen précise
que l’avocat s’est positionné en « contre-pouvoir au bon sens du terme » : sans s’opposer
systématiquement à toute proposition du juge de l’assistance éducative, il doit « rechercher à
avant que l’absence d’intervention du juge concernant le choix d’un avocat par les parties ne porte pas atteinte
au respect du contradictoire, contrairement à ce qu’ont invoqué les parties.
327
C. a. Rouen, 25 oct. 1990 : JCP G, n° 7, 12 févr. 1992, II, 21794, obs. C. NEIRINCK : sur la défense d’une
fillette non douée de discernement car âgée de deux ans ; cet arrêt intervient au lendemain de la ratification
par la France de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, le sujet de l’avocat d’enfant étant à
cette époque un sujet en vogue. L’auteur précise dans son commentaire que les adultes acceptaient plus
facilement l’autonomie des droits de l’enfant, que l’autonomie de l’enfant.
124
travers un dialogue mené avec le juge si l’esprit de la loi est respecté »329. Le dialogue mené
avec le juge fait référence au respect du contradictoire lors des débats. L’article 1189 alinéa 2
du Code de procédure civile prévoit que lors de l’audition du mineur, l’avocat est entendu en
ses observations. L’article 1190 alinéa 1 du Code de procédure civile ajoute que les décisions
sont notifiées dans les huit jours au conseil du mineur, s’il en a été désigné un. Depuis 2002,
la faculté de choix d’un avocat revient à un mineur doué de discernement.
194. Le mineur dispose ainsi de droits importants lors de l’ouverture d’une procédure à
laquelle il est partie, puis durant le déroulement de celle-ci. Le droit d’être entendu et le droit
d’être défendu figurent parmi les garanties essentielles résultant du principe du contradictoire.
Pareillement, le procès concerne d’autres personnes : les père, mère et les tiers concernés.
Lors de l’ouverture et de l’évolution de la procédure, chacun des parents et les tiers ont des
droits : le droit d’être entendu (A), et le droit d’être assisté en justice (B).
195. Les autres personnes concernées par la procédure sont énumérées par la loi. D’une part,
il s’agit des parents. L’expression « père et mère » a été remplacée par le terme de parents
après l’adoption de la loi relative au mariage des personnes de même sexe 330. D’autre part, il
s’agit des tiers. La notion de tiers recouvre à la fois le tiers non-partie à l’instance, et le tiers
par rapport à l’enfant et à ses parents. Si le tiers est envisagé sous l’angle de son statut de non-
partie à l’instance, les parents peuvent être considérés comme tiers. L'audition des autres
personnes permet au juge des enfants d’étayer sa réflexion par rapport à l’audition de l’enfant,
ce qui participe au contradictoire.
328
C. NEIRINCK, JCP G, févr. 1992, n° 7, p. 21794.
329
Ibid. p. 21794.
125
196. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la
justice renforce la place des représentants légaux lors de la procédure pénale, accentuant la
nécessité de leur audition et de l’application du principe du contradictoire. Ils doivent ainsi
être obligatoirement et physiquement présents, donc auditionnés, lors des audiences de
jugement. Néanmoins, la loi nuance le caractère impératif de cette présence lors des auditions
et des interrogatoires si elle paraît susceptible de porter préjudice à l’enfant, les enquêteurs
pouvant écarter leur présence331. Cette disposition évite que les représentants légaux soient
absents et que cette absence porte préjudice à l’enfant. Toutefois, la protection de l’intérêt de
l’enfant reste prioritaire.
L’audition des autres personnes se déroule de manière différente dans le cadre pénal (1) et
dans le cadre civil (2).
197. L’audition des parents fait partie de la prise de décision, elle participe donc au
contradictoire. L’article 13 alinéa 1 de l’ordonnance du 2 février 1945 dispose que le tribunal
pour enfant statue après avoir entendu les parents. La loi prévoit également l’audition du
tuteur ou du gardien. Dans l’hypothèse où ces personnes n’ont pas été entendues ou appelées
à l’être devant le tribunal pour enfants et devant la chambre spéciale de la Cour d’appel, la
décision condamnant pénalement un mineur encourt la cassation332. Il résulte de la
combinaison des articles 13 alinéa 1er de l’ordonnance du 2 février 1945 et R. 311-7 du Code
de l’organisation judiciaire333 que la chambre spéciale des mineurs ne peut statuer qu’après
avoir entendu les parents, le tuteur ou le gardien d’un mineur prévenu334. Si l’arrêt attaqué ne
constate pas l’audition du parent du mineur mis en cause, les notes d’audience suffisent à
330
Décr. n° 2013-429 du 24 mai 2013 portant application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le
mariage aux couples de personnes de même sexe et modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil et du
Code de procédure civile.
331
L. GEBLER, « Dispositions pénales relatives aux mineurs », op. cit., p. 264.
332
Cass. crim. 23 janv. 1974, n° 73-90.788 : Gaz. Pal. 1974. 1. 241 ; cass. crim. 16 juin 1976, n° 75-91.773 ; cass.
crim. 27 janv. 1988 : ibid. n° 42 ; cass. crim. 23 juin 2004 : ibid. n° 171 : JCP G, 2004, IV. 2782 ; AJ pénal 2004.
330.
333
Art. R. 311-7 du Code de l’organisation judiciaire : « La chambre spéciale des mineurs connaît de l'appel des
décisions du juge des enfants, du tribunal pour enfants et du tribunal correctionnel pour mineurs. Elle statue
dans les mêmes conditions qu'en première instance ».
126
établir que celle-ci a bien été effectuée335. Le formalisme relatif à la preuve de l’audition des
parents importe peu, à partir du moment où l’audition et son principe sont mentionnés dans la
procédure de manière générale. L’article L. 511-1 du Code de la justice pénale des mineurs
prévoit que, lors des débats, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants entende les
représentants légaux et les personnes civilement responsables, ainsi que la personne ou le
service qui le suit ou auquel le mineur est confié.
198. Parmi les autres personnes concernées, il convient de citer le service de la Protection
judiciaire de la jeunesse, qui établit un rapport écrit sur demande du procureur de la
République, du juge d’instruction ou du juge des enfants, contenant tous renseignements
utiles sur la situation du mineur ainsi qu’une proposition éducative, selon l’article 12 alinéa 1
de l’ordonnance du 2 février 1945. Il est intéressant de noter que ce service n’est pas
auditionné, mais qu’il est consulté lors de la phase d’instruction, selon l’article 12 alinéa 2 de
l’ordonnance du 2 février 1945, ainsi qu’avant toute décision du juge des enfants, du
procureur de la République, du tribunal pour enfants et du juge des libertés et de la détention,
selon l’alinéa 3 du même article. Les textes ne renseignent pas sur les modalités précises de la
consultation de ce service par le magistrat. Il est fait état d’un rapport écrit, donc
l’intervention orale du service de la Protection judiciaire de la jeunesse n’est pas requise.
Concerné par la procédure en tant que professionnel, ce service ne fait pas partie du
contradictoire et le respect de la contradiction ne nécessite ni son intervention en audience, ni
son audition. Bien sûr, même s’il n’est pas inclus par la loi dans le contradictoire à
proprement parler, ce procédé y contribue336.
199. Le Code de procédure civile prévoit les auditions d’autres personnes, selon qu’elles se
déroulent lors de la phase d’instruction, avant la prise de toute décision provisoire, ou lors de
l’audience de prise de décision finale. Cette audition contribue au contradictoire puisqu’elle
334
Cass. crim. 9 sept. 2015, n° 13-82.518 : Dalloz actualité, 21 oct. 2015, obs. C. BENELLI-DE BENAZE.
335
Cass. crim. 18 oct. 2017, n° 16-87.123 : AJ pénal 2017. 559, obs. J. FICARA.
127
va aider le juge à prendre une décision adaptée à la protection de l’enfant.
Lors de l’ouverture de la procédure, le juge des enfants entend « chacun des parents »337,
le tuteur, la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié et porte à leur
connaissance les motifs de sa saisine, selon l’article 1182 alinéa 2 du Code de procédure
civile, ce qui est essentiel pour le respect du contradictoire. Nombreux sont les cas où les
représentants légaux n’ont pas été informés du signalement ou de l’information préoccupante
relayée par les services sociaux. Cette démarche menée par le juge des enfants permet de
remédier à un manquement préalable, sinon de réaffirmer l’objet de l’intervention judiciaire.
Le juge des enfants entend également le représentant du service à qui l’enfant a été confié.
Concerné par la procédure en raison de la fonction professionnelle qu’il exerce auprès de
l’enfant, ce service fait partie des personnes dont l’audition est réalisée par le juge,
contrairement à ce qui se passe en matière pénale. Ce service n’est pas seulement consulté
mais aussi entendu lors d’une audition. En dépit du fait que le service à qui l’enfant a été
confié n’est pas partie au procès et ne se trouve donc pas inclus dans le contradictoire à
proprement parler, son audition facilite la prise de décision et contribue au respect du
contradictoire lors de l’ouverture de la procédure.
L’article 1182 alinéa 3 du Code de procédure civile dispose que le juge des enfants entend
du reste « toute autre personne dont l’audition lui paraît utile ». La Cour d’appel de Rennes a
précisé que le défaut d’audition des parents entraîne une sanction nécessaire338. D’ailleurs,
pour que le juge des enfants y procède, l’audition des parents doit être possible et compatible
avec l’urgence de la mesure339.
200. En outre, l’article 1184 alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que le juge des
enfants procède à l’audition de chacun des parents avant toute mesure provisoire prévue par
les articles 375-3, 375-4 et 375-5 du Code civil340, ou par l’article 1183 du Code de procédure
336
Ce point sera développé infra dans la deuxième partie relative à l’application du principe du contradictoire
devant le juge des enfants.
337
L’expression « chacun des parents » a été insérée par le décr. n° 2013-429 du 24 mai 2013 portant
application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et
modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil et du Code de procédure civile.
338
C. a. Rennes, 8 sept. 1987, D., 1988. 440. note J.- F. RENUCCI.
339
Cass. civ. 1ère, 22 mai 1985 : Gaz. Pal. 1985. 2. 756 ; Bull. civ. n° 161 : en l’espèce, le caractère inconnu de
l’adresse du père s’oppose à la possibilité de l’audition de celui-ci et à, sa compatibilité avec l’urgence de la
mesure.
340
Art. 375-5 du Code civil : il s’agit de la mesure de remise provisoire du mineur à un centre d’accueil ou
d’observation ; art. 375-3 du Code civil : il s’agit d’une mesure de remise provisoire à l’autre parent, à un autre
membre de la famille ou à un tiers digne de confiance, à un service départemental de l’Aide sociale à l’enfance,
128
civile, et hors le cas d’urgence spécialement motivée.
201. L’audition des personnes citées ci-dessus s’étend à l’audience de prise de décision
finale, ce que prévoit l’article 1189 alinéa 1 du Code de procédure civile. De la même
manière, lors de la phase d’instruction, la prise de décision d’assistance éducative ou la
modification de celle-ci entraîne l’obligation pour le juge d’entendre les parents. Cette
démarche est conditionnée par la possibilité et la compatibilité avec l’urgence de la mesure341.
Le 7 mars 2002, la Cour d’appel de Versailles a décidé qu’un jugement doit être infirmé si la
mère et la mineure n’ont pas été convoquées pour être entendues au sujet du renouvellement
de la mesure d’assistance éducative, envisagé sur proposition du service éducatif 342. Deux
précisions s’imposent concernant l’analyse de cet arrêt : la première est que le jugement
déferré est contesté en raison de l’absence de convocation de la mère et de la mineure, qui
n’ont donc pu être auditionnées. Le second est que l’arrêt a envisagé de manière cumulative le
défaut d’audition de la mère et de la mineure pour infirmer le jugement. Il convient de se
demander quel critère a été prédominant : le défaut d’audition de la mère, le défaut d’audition
de la mineure, ou le défaut d’audition de chacune d’elles.
202. Ainsi, pour respecter le principe des droits de la défense et le principe du contradictoire,
l'audition des autres personnes concernées par le procès revêt un caractère capital.
Composante du contradictoire, le droit d’autres personnes à être défendues est aussi
important.
B – Le droit à un avocat
203. Les autres personnes, sur lesquelles la décision a un impact, ont le droit d’être
défendues et d’alléguer leurs intérêts, surtout s’ils sont différents de ceux de l’enfant mineur.
Le juge doit être vigilant pour que l’intérêt de l’enfant reste la priorité, car un excès
à un service ou à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre
modalité de prise en charge, à un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou
spécialisé, in notamment P. HILT et C. SIMLER, Droit de la famille, Ellipses, Paris, 2018, p. 427 ; art. 375-4 du
Code civil : d’une remise du mineur à soit une personne qualifiée, soit un service d’observation, d’éducation ou
de rééducation en milieu ouvert qui sera chargée d’apporter aidez et conseil et de suivre le développement de
l’enfant.
341
Cass. civ. 1ère, 22 mai 1985 : Gaz. Pal. 1985. 2. 756 ; Bull. civ. n° 161, préc.
342
C. a. Versailles, 7 mars 2002 : D., 2002. IR 1464 ; AJ famille. 2002. 221. Obs. S. D-B ; RTD civ. 2002, 497, obs.
J. HAUSER.
129
d’intervenants rendrait le contradictoire plus difficile à respecter. Mais on peut aussi penser
que la multiplicité de défenseurs est de nature à enrichir le débat.
204. Par l’expression « autres personnes concernées », on entend les parents, voire des tiers.
Le service de la Protection judiciaire de la jeunesse en matière pénale et le représentant du
service à qui l’enfant a été confié en matière civile interviennent auprès de l’enfant en raison
de leur mission professionnelle. S’ils sont concernés par la procédure dans la mesure où ils
doivent être informés, puis convoqués pour remplir leur rôle auprès du mineur, ils n’ont pas
d’intérêt personnel dans cette procédure. C’est pourquoi leur statut particulier ne leur confère
pas qualité de parties au procès et qu’ils ne participent pas à proprement parler au
contradictoire. Dans la mesure où ils n’ont pas d’intérêt personnel dans la procédure, ils n’ont
pas à être nécessairement représentés en justice et ils n’ont donc pas un droit à y être
défendus.
205. En matière pénale, en vertu du principe de la personnalité de la peine, seul le mineur fait
l’objet d’une condamnation pénale si la preuve de sa culpabilité est apportée. En conséquence,
lui seul sera défendu en justice. En revanche, et selon l’article 464 du Code de procédure
pénale, les représentants légaux peuvent être condamnés à des intérêts civils, c’est-à-dire à
payer des dommages et intérêts à la victime qui s’est portée partie civile. La condamnation sur
les intérêts civils étant un aspect de la condamnation pénale de leur enfant mineur, ils ne sont
condamnés qu’au titre de leur statut de responsables légaux. Précisons que l’article 464 alinéa
3 du Code procédure pénale prévoit que le tribunal peut, d’office, à la demande du procureur
de la République ou à la demande des parties, renvoyer l’affaire à une date ultérieure pour
statuer sur l’action civile. Cependant, on remarque que le président du tribunal pour enfants
procède à l’audition des représentants légaux afin de s’appuyer sur les éléments donnés en
vue d’une aide à la décision.
130
touche leur sphère privée et leur liberté individuelle343. Au titre de la recherche de l’adhésion
des familles, leur parole doit être prépondérante. Il s’agit donc de trouver un équilibre entre la
spécificité de la procédure et le respect des droits des parties344. Il convient alors de
s’interroger pour savoir qui est partie à l’instance dans la procédure d’assistance éducative. Si
cette notion n’est pas définie par le Code de procédure civile, les textes relatifs à l’assistance
éducative désignent les parties (articles 1182, 1184 alinéas 2 et 3 du Code de procédure civile,
notamment) et prévoient leur droit de faire le choix d’un conseil. Seules les parties peuvent
être défendues, à savoir le mineur et ses parents.
Lors de l’ouverture de la procédure, l’article 1182 alinéa 4 du Code de procédure civile
indique que l’avis d’ouverture et les convocations font mention du droit des parties de faire le
choix d’un conseil ou de demander qu'il leur en soit désigné un d'office, conformément aux
dispositions de l'article 1186 du Code de procédure civile qui dispose que « le mineur capable
de discernement, les parents, le tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui
l'enfant a été confié peuvent faire choix d'un conseil ou demander au juge que le bâtonnier
leur en désigne un d'office. La désignation doit intervenir dans les huit jours de la demande.
Ce droit est rappelé aux intéressés lors de leur première audition ». Le verbe « pouvoir »
implique que contrairement au cadre pénal, bénéficier d'un conseil est une faculté dans le
cadre civil. Il s'agit d'un droit pour les intéressés, mais non d'une obligation a priori pour le
tribunal de leur en désigner un si tel n’a pas été le cas à leur initiative. Mais une fois que les
intéressés en ont fait la demande, il s'agit d'une obligation pour le juge qui répond à un droit
des usagers. En outre, la loi permet également de faire le choix d’un conseil au tuteur, à la
personne ou au représentant du service à qui l’enfant a été confié.
Faut-il pour autant en déduire que ces personnes sont parties à la procédure ? Plus
précisément, l’article 1189 alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit l'audition des
conseils : « les conseils des parties sont entendus en leurs observations ». Cette audition
participe au contradictoire car, pour statuer, le juge prend en compte leurs déclarations. En
revanche, leur participation s’arrête là, car selon l’article 1190 alinéa 1 du Code de procédure
civile, les décisions du juge des enfants ne sont notifiées qu’au conseil du mineur, s’il en a été
désigné un. Cette disposition est peut-être une manière de rappeler que l’enfant est partie à la
procédure d’assistance éducative.
Selon la jurisprudence, une Cour d’appel qui considère comme non soutenu l’appel formé
343
V. la thèse de N. DEBUIRE, La mesure d’assistance éducative, incidence sur le droit des père et mère,
Toulouse, 2001.
131
en matière d’assistance éducative par un parent régulièrement convoqué mais absent lors de
l’audience, méconnaît les exigences de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits
de l’homme, ensemble les articles 931345, 1186, 1189 et 1192 du Code de procédure civile346.
Même si son avocat, présent à l’audience, a été entendu en ses observations, ce parent a été
privé de la possibilité de faire valoir ses moyens d’appel. Cette jurisprudence, qui se fonde sur
l’absence de caractère obligatoire de la représentation en appel, rappelle que l’audition du
parent est particulièrement importante en matière d’assistance éducative. Le juge des enfants
y exerce des pouvoirs étendus, puisqu’il peut décider du placement de l’enfant. Pour prendre
une telle mesure, il doit autant que possible recueillir l’adhésion de la famille. Il doit procéder
à l’audition du ou des parents. La représentation par avocat étant une faculté, les parties se
défendent. Corollaire de l’importance de l’audition du parent, le juge des enfants doit motiver
sa décision de dispense. Dans le cas contraire, et si elle déclare non soutenu l’appel formé par
un parent absent à l’audience en dépit de la présence de son avocat, la Cour d’appel
méconnaît les droits des parents relatifs à l’accès au juge.
Certains auteurs se prononcent pour le caractère obligatoire de la présence de l’avocat en
assistance éducative, ce point permettant d’équilibrer les rapports entre le juge et les
justiciables347. La présence d’un avocat auprès des parents du mineur permettrait au moins de
professionnaliser l’accès à la procédure, d’en expliciter les étapes et de garantir le respect des
libertés fondamentales pour un meilleur respect du contradictoire devant le juge des enfants.
Ainsi, même si la représentation par avocat n’est pas obligatoire, les garanties qu’offrent sa
présence en font un point incontournable pour le respect du contradictoire.
Conclusion du chapitre
344
Ibid.
345
L’article 931 du Code de procédure civile dispose que les parties se défendent elles-mêmes devant la Cour
d’appel, la procédure étant sans représentation obligatoire. Leur défenseur peut être un avocat.
346
Cass. civ. 1ère, 26 sept. 2007, n° 06-16.445 : BICC 15 janv. 2008, n° 31, p. 46 ; D. 2008. 266, note M. HUYETTE ;
AJ famille 2007. 485, obs. F. C. ; RTD civ. 2008. 98, obs. J. HAUSER ; cass. civ. 1ère, 30 sept. 2009, n° 08-16. 147 :
D. 2009. AJ 2427 ; AJ Famille 2009. 451, obs. F. CHENEDE ; Dr. Fam. 2010. Comm. 4, note P. MURAT ; RJPF
12/2009. 29, note F. EUDIER ; Procédures 2010, n° 405, note R. PERROT ; RTD civ. 2009. 713, obs. J. HAUSER ;
cass. civ. 1ère, 13 juill. 2016, n° 15-23.253.
347
C. NEIRINCK, « Quand l’avocat fait défaut : l’exemple de l’assistance éducative », Les Petites Affiches, févr.
1991, n° 17, p. 24. ; M. HUYETTE, « le contradictoire en assistance éducative : l’indispensable réforme de
l’article 1187 du NCPC », D., 1998, p. 218. ; J.-P. ROSENCZVEIG, « Commentaire du rapport Naves-Cathala », JDJ,
nov. 2000, vol. 199, p. 40. ; in N. DEBUIRE, La mesure d’assistance éducative, incidence sur le droit des père et
mère, op. cit.
132
207. Considérant le dossier de procédure et les droits des parties impliquées, la définition du
principe du contradictoire est difficile à cerner, mais essentielle.
La détermination du contenu de ce principe résulte ainsi à la fois d’un travail minutieux
d’étude des textes et des interprétations doctrinales, et d’un travail de liaison entre les
différentes étapes de la procédure, auxquelles il viendrait donner de la solidité. Le
contradictoire enveloppe le procès, de la prise en considération du dossier jusqu’aux droits
des parties impliquées, pour garantir la qualité du jugement à venir. Contrairement à ce que
disent deux magistrats interrogés dans le cadre de la présente étude, on constate en outre que
le contradictoire en matière pénale ne se limite pas aux droits de la défense, qui seraient
seulement une partie du principe du contradictoire.
Une difficulté a été de recenser la substance du contradictoire concernant le dossier de
procédure. Les auteurs et la jurisprudence sont unanimes sur le fait qu’il fait partie intégrante
de toutes les étapes de la procédure : de l’information à la convocation des parties, et de
l’accessibilité à la constitution du dossier. Le contradictoire vient lier les étapes de la
procédure et la rendre accessible aux justiciables.
Une autre difficulté a été de recenser le contenu du contradictoire concernant les droits des
personnes impliquées dans la procédure. Sa place est rappelée à propos des droits du mineur
et de ceux des autres personnes : il consiste en la garantie de ces droits devant le juge des
enfants.
133
Conclusion du titre
208. Le rôle et le contenu du contradictoire ont permis de démontrer que ce principe ne revêt
pas la même signification et n’a pas une substance identique dans le cadre civil ou dans le
cadre pénal.
Une première étape a consisté à se pencher sur l’étude du rôle du contradictoire dans
l’instance devant le juge des enfants. Ce rôle, imprécis, est pourtant nécessaire pour la
garantie des droits des justiciables.
Une seconde étape a été d’étudier le contenu du principe du contradictoire pour mettre en
avant son caractère complexe.
En introduction, nous avons mis en exergue une définition générale du principe du
contradictoire. Il s’agira ensuite de proposer deux définitions distinctes, dans le cadre pénal et
dans le cadre civil.
134
Titre 2 - La spécificité du principe du
contradictoire devant le juge des enfants
209. Le principe du contradictoire présente des particularités lorsqu'il est pris en compte
devant le juge des enfants, ce qui renvoie au caractère spécifique de la justice des enfants, du
juge des enfants, de l'enfant comme justiciable et des personnes qui l'accompagnent.
L'application des principes procéduraux devant ce magistrat ne peut qu'obéir à la même règle.
L'enfant, par son statut, occupe en justice une place qui conduit à prendre en considération
des règles et des garanties adaptées à sa personne. Le principe du contradictoire est donc
adapté à la place de l'enfant en justice (Chapitre 1).
Les principes procéduraux, dont le contradictoire, s'adaptent au contentieux relatif à
l'enfant (Chapitre 2).
135
136
Chapitre 1 - L’adaptation à la place de l’enfant en justice
La spécificité du principe du contradictoire devant le juge des enfants se traduit par une
adaptation de ce principe à la place de l'enfant en justice, qui se manifeste à travers le statut de
l'enfant (Section 1) et des droits qui lui sont accordés (Section 2).
211. La première question qui peut venir à l’esprit est celle de savoir ce qu’on entend par
enfant. Ce n’est qu’à partir du XVème siècle qu’apparaît la spécificité de la jeunesse. Le
348
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 11 et s.
349
Ibid., p. 12.
350
Ibid., p. 12 ; v. A. REY et J. REY-DEBOVE, Nouvelle édition du Petit Robert de Paul Robert. Dictionnaire de la
langue française, op. cit. : l’efficacité est la capacité de produire le maximum de résultats avec le minimum
d’efforts, de dépenses ; l’efficience est l’efficacité, la capacité de rendement ; l’effectivité est ce qui se traduit
par un effet, par des actes réels. Les termes d’efficacité, d’efficience et d’effectivité reviennent de plus en plus
lorsqu’on parle de l’impact de la justice sur la société et sur les justiciables et cette manière d’envisager la
justice conduit à rapprocher du service public des principes de fonctionnement du domaine privé. Cette
transposition peut paraître artificielle dans un univers où l’humain est pris en considération. Pourtant, la prise
en compte de la spécificité de l’enfant dans le contentieux judiciaire peut participer, aux yeux du grand public,
de l’inefficience de la justice à son égard, ou vis-à-vis de la société. Alors se pose l’accès de l’enfant à la justice ;
il convient à l’institution judiciaire de s’adapter à l’enfant afin de rendre la justice la plus efficace, efficiente ou
effective possible.
351
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 11.
137
système que l’on connaît aujourd’hui est né au XIXème siècle, avec l’avènement des sciences
humaines.
Le mineur est sujet de droits. Mais, contrairement aux majeurs, il est également objet de
droits et de devoirs. Par exemple, l’autorité parentale est un mécanisme juridique qui permet
sa protection par ses représentants légaux. Il n’exerce pas lui-même ses droits.
L’évolution du droit des mineurs a donné lieu en outre au développement de droits
participatifs, car la vision de l’enfant a changé. Ce n’est plus un infans, qui ne parle pas. Au
contraire, il s’exprime. Une conception de l’enfant sujet actif, et non plus passif, a été retenue
dans les sciences humaines, - la psychologie, la sociologie, le droit, les sciences de
l’éducation352-, sous l’influence de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Le statut de l'enfant, déterminé par les textes internationaux, européens et internes conduit
le contradictoire à être adapté pour considérer la place de l'enfant. Le droit prend en compte
aussi bien l'enfant à protéger (§1) que le mineur délinquant (§2).
Le statut de l'enfant à protéger émane des textes supranationaux (A) et se décline dans le
droit interne (B).
213. La nécessité d’un statut protecteur, consacrée de manière progressive dans les traités
352
A. GOUTTENOIRE, « Les droits de l’enfant au XXIème siècle », Conférence, Strasbourg, 22 nov. 2018, inédit.
138
internationaux353, a été énoncée pour la première fois dans la Déclaration de Genève de 1924
sur les droits de l’enfant354. Ce texte ne comporte que cinq articles, mais constitue le socle de
ce qui deviendra la Convention internationale des droits de l’enfant.
Cette nécessité a également été reconnue dans la Déclaration universelle des droits de
l’homme du 10 décembre 1948, adoptée à la suite des crimes commis lors de la seconde
guerre mondiale et à la violation consécutive des libertés fondamentales. Son préambule
affirme des valeurs fortes sur la famille, en la décrivant comme une entité importante pour lui
garantir des droits et libertés fondamentaux355. Cette déclaration est avant tout un idéal à
atteindre entre tous les Etats parties et comporte une valeur morale. La protection de la
personne humaine y est affirmée356. La famille a droit à protection de la société et de l’Etat
comme étant l’élément naturel et fondamental de la société357. La Déclaration consacre
également le droit à la protection de la maternité et de l’enfance, s’agissant notamment du
droit à une sécurité spécifique358. Le droit à l’éducation y est affirmé359.
Cette nécessité de protection spéciale pour l’enfant a enfin été rappelée dans la Déclaration
des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre
1959, « afin de répondre pleinement aux besoins spécifiques de l’enfance »360. Ce texte fait
référence à la charte des Nations Unies du 26 juin 1945 et à la Déclaration des droits de
l’homme, puis à la Déclaration de Genève. Il comporte dix articles. Selon son préambule,
l’enfant a besoin d’une protection spéciale en raison de son manque de maturité physique et
intellectuelle, et notamment d’une protection juridique adaptée car « l’humanité se doit de
donner à l’enfant le meilleur d’elle-même »361. Elle précise que l’enfant doit bénéficier des
droits et libertés énoncés dans le texte, dans son intérêt propre et dans celui de la société. La
Déclaration se décline en dix principes. L’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale 362.
353
J.-F. RENUCCI, « Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir », D., 2000, p. 79.
354
Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant, 26 sept. 1924. Le préambule mentionne que «par la
présente Déclaration des droits de l'enfant, dite Déclaration de Genève, les hommes et les femmes de toutes les
nations reconnaissent que l'humanité doit donner à l'enfant ce qu'elle a de meilleur, affirmant leurs devoirs, en
dehors de toute considération de race, de nationalité, de croyance ».
355
Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 déc. 1948, préambule : « Considérant que la
reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».
356
Ibid. art. 3.
357
Ibid. art. 16.
358
Ibid. art. 25 : « La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciale. Tous les enfants,
qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale ».
359
Ibid. art. 26.
360
Déclaration des droits de l’enfant, 20 nov. 1959.
361
Ibid. préambule.
362
Principe 2.
139
Son intérêt supérieur y est mentionné comme étant « le guide de ceux qui ont la responsabilité
de son éducation et de son orientation »363. En toutes circonstances, il doit être le premier à
recevoir protection et secours364 contre toute atteinte physique, morale ou discriminatoire
dirigée contre lui365.
De manière à assurer plus efficacement le respect des libertés fondamentales sur le plan
international, deux déclarations des droits ayant valeur juridique ont été rédigées : le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques366 et le Pacte international relatif aux droits
économiques sociaux et culturels367. Ces deux textes, entrés en vigueur en France en 1981, ont
pour principal intérêt de réaffirmer les libertés énumérées dans la Déclaration universelle des
droits de l’homme, et de leur donner valeur juridique contraignante. Le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques consacre les droits de la famille368 et le droit de l’enfant à
bénéficier de mesures de protection qu’exige son statut de mineur de la part de sa famille, de
la société et de l’Etat,369. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels y reprend les droits à une protection particulière pour les mères, pour l’enfant et pour
la famille, tant qu’elle a les enfants à charge370.
214. La Convention internationale des droits de l’enfant est le premier texte international
consacré à la défense des droits des enfants. Son objectif a été d’attirer l’attention et d’adopter
une conception universelle des droits de l’enfant, de les renforcer et d’en faire des droits
363
Principe 7.
364
Principe 8.
365
Principe 9 et 10.
366
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 déc. 1966.
367
Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, 16 déc. 1966.
368
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 déc. 1966, art. 23.
369
Ibid. art. 24.
370
Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, art. 10 : « Les Etats parties au présent
Pacte reconnaissent que:
1. Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui est
l'élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu'elle a la
responsabilité de l'entretien et de l'éducation d'enfants à charge. Le mariage doit être librement consenti par les
futurs époux.
2. Une protection spéciale doit être accordée aux mères pendant une période de temps raisonnable avant et
après la naissance des enfants. Les mères salariées doivent bénéficier, pendant cette même période, d'un congé
payé ou d'un congé accompagné de prestations de sécurité sociale adéquates.
3. Des mesures spéciales de protection et d'assistance doivent être prises en faveur de tous les enfants et
adolescents, sans discrimination aucune pour des raisons de filiation ou autres. Les enfants et adolescents
doivent être protégés contre l'exploitation économique et sociale. Le fait de les employer à des travaux de
nature à compromettre leur moralité ou leur santé, à mettre leur vie en danger ou à nuire à leur développement
normal doit être sanctionné par la loi. Les Etats doivent aussi fixer des limites d'âge au-dessous desquelles
l'emploi salarié de la main-d’œuvre enfantine sera interdit et sanctionné par la loi ».
140
spécifiques371. L’objectif était de trouver un compromis entre différentes conceptions relatives
aux droits des enfants et de créer un socle commun372. Ses dispositions ont été mises en place
de manière variable dans les différents Etats parties. En tout état de cause, ils devaient tendre
à la création d’un socle commun.
Son préambule mentionne les traités. Il accorde une protection spéciale à l’enfant comme
un impératif. Intervenant longtemps après la deuxième guerre mondiale et la création du juge
des enfants en France, le texte est révélateur de la place de l’enfant dans le monde et du
décalage existant entre la protection de l’enfant en France et dans le reste du monde.
Une évolution législative est à noter concernant les décisions centrées sur l’intérêt
supérieur de l’enfant, de la notion de bien de l’enfant à celle de son bien-être, jusqu’à celle de
son intérêt supérieur373.
C’est l’article 3 §1 qui consacre la notion d’intérêt supérieur de l’enfant : « dans toutes les
décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou
privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes
législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale »374. Cet
article s’applique le plus souvent en parallèle avec le droit de l’enfant d’être entendu dans les
décisions le concernant, tel qu’il est consacré par l’article 12 alinéa 2. Longtemps, il a été
pensé que l’intérêt supérieur de l’enfant était un instrument de protection. En réalité, le droit
de l’enfant à être entendu est étroitement lié à l’intérêt supérieur de l’enfant, ce qui signifie
que l’article 12 de la Convention est lié aux besoins de l’enfant consacré par l’article 3 §1.
L’article 12 donne donc sens à l’article 3 §1 et en fait une disposition primordiale375.
Le Comité international des droits de l’enfant a été mis en place à la suite de l’adoption de
la Convention internationale des droits de l’enfant. Il a commencé à fonctionner le 27 février
1991. Son objectif est de veiller à l’application des dispositions de la Convention dans les
différents Etats parties. Il est le garant de leur bonne application mais n’a pas de pouvoir
coercitif. Le Défenseur des droits a remis au Président de la République, le 20 novembre
2017, un rapport relatif à la mise en œuvre des observations finales adressées par le Comité
371
A. GOUTTENOIRE, « Les droits de l’enfant au XXIème siècle », op. cit.
372
Ibid.
373
J. ZERMATTEN, « L’enfant au centre de toutes les décisions : bien, bien-être et intérêt supérieur de
l’enfant », nov. 2018., in « Résidence alternée - justice sociale et droits de l’enfant », Congrès, Strasbourg, 22
nov. 2018, inédit.
374
V. par exemple S.-C. LIN, Les principes directeurs du droit pénal des mineurs délinquants, op. cit., pp. 184 et
185.
375
J. ZERMATTEN, « L’enfant au centre de toutes les décisions : bien, bien-être et intérêt supérieur de
l’enfant », op. cit., in « Résidence alternée - justice sociale et droits de l’enfant », op. cit.
141
international des droits de l’enfant à la France en février 2016376. Le rapport évalue les progrès
réalisés dans la défense et la promotion des droits de l’enfant par la France, qui a ratifié le
troisième protocole facultatif à la Convention relatif à la saisine individuelle du Comité
international des droits de l’enfant, le 7 janvier 2016, sans émettre aucune réserve. Ce bilan
concernant l’effectivité des droits de l’enfant intervient à ce moment-là. Le rapport constitue
un outil d’évaluation intéressant concernant l’effectivité de la protection des droits
fondamentaux des mineurs en France. Il reprend les observations du Comité des droits de
l’enfant, cite des avancées notables sur les questions concernées, mais souligne aussi des
lacunes et émet des recommandations377.
Toutefois, le rapport du Comité des droits de l’enfant regrette le faible nombre des
dispositions de la Convention déclarées d’applicabilité directe par le Conseil d’Etat et par la
Cour de cassation378. Le caractère général du principe de primauté de l’intérêt de l’enfant dans
toute décision le concernant permet peut-être de compenser l’absence de réponse quant à
l’effet direct de nombreuses dispositions de la Convention. Les dispositions déclarées
d’applicabilité directe par le Conseil d’Etat et par la Cour de cassation sont celles définissant
l’enfant comme toute personne âgée de moins de dix-huit ans (article 1er de la Convention),
celles faisant de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale dans toute
décision le concernant (article 3 §1 de la Convention), celles consacrant le droit de l’enfant à
un nom et à une nationalité, et le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux (article
7), celles imposant l’audition de l’enfant dans toute procédure le concernant (article 12 §2), et
enfin celles consacrant le droit au respect de sa vie privée (article 16).
A partir de 2007 et des diverses lois adoptées en matière de justice des mineurs, les juges
judiciaires et administratifs français se sont employés à mettre en œuvre la Convention379.
Actuellement, la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant est appliquée de façon intensive
par les juridictions tant administratives que judiciaires380. Elle s’applique surtout à l’enfant
376
TOUBON J., Au miroir de la Convention internationale des droits de l’enfant, Rapport du Défenseur des droits
remis au président de la République, 20 nov. 2017, in A. GOUTTENOIRE, « “Au miroir de la Convention
internationale des droits de l’enfant” ... A propos du rapport du Défenseur des droits sur les droits de l’enfant
en 2017 », JCP G, déc. 2017, n° 51, p. 2302.
377
Le rapport s’attarde plus particulièrement sur la mise en œuvre du droit à la santé de l’enfant et de
l’éducation à la sexualité. Mais l’appréciation générale du suivi des observations du Comité des droits de
l’enfant est un appui intéressant concernant la protection de l’enfant et le statut de l’enfant à protéger.
378
V. en ce sens la jurisprudence de la Cour de cassation avant 2005, la juridiction ne s’étant, à la connaissance
des auteurs, pas prononcée sur le sujet depuis lors, description in notamment S.-C. LIN, Les principes directeurs
du droit pénal des mineurs délinquants, op. cit., p. 51 à 54.
379
A. GOUTTENOIRE et P. BONFILS, « Droits de l’enfant. Juin 2008 - mai 2009. », D., 2009, n° 28, p. 1918.
380
P. BONFILS, « Panorama - Droit des mineurs - juin 2016 - juin 2017 », D., sept. 2017, n° 30, p. 1727.
142
dans les procédures familiales le concernant, et non devant le juge des enfants.
On voit que les droits de l’enfant au sein de la procédure, desquels découle le
contradictoire qui permet à l’enfant d’avoir accès à la justice, de la comprendre et d’avoir
connaissance des arguments du dossier, sont progressivement consacrés. Le juge veille à ce
que cette démarche soit effectuée dans son intérêt et après avoir été entendu.
215. Les textes européens sont également une source importante des droits pour les enfants et
mettent en avant des garanties pour les protéger.
La Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants décline diverses modalités
d’exercice de ses droits. Elle a été signée par la France à Strasbourg le 25 janvier 1996 et
approuvée en 2007381. La loi autorisant l’approbation de la Convention et le décret en portant
publication ont permis à la France de se situer parmi les Etats européens dans lesquels ce texte
est entré en vigueur382.
Les Etats parties devaient déclarer un certain nombre de droits procéduraux de l’enfant. La
ratification par la France donne ainsi aux droits de l’enfant un nouvel outil de protection dont
la finalité est de permettre l’exercice effectif de ses droits dans le cadre des procédures
judiciaires le concernant. Parce qu’il est particulièrement précis et détaille les droits effectifs
des enfants dans les procédures les concernant, ce texte se remarque : en dépit de précisions
apportées par les Etats parties quant aux modalités d’exercices de certains droits, il s’agit
véritablement d’un recueil, précis, détaillé et explicité, utilement favorable pour l’application
du contradictoire auprès de l’enfant.
Néanmoins, la mise en application des dispositions de la Convention devant le juge
français a suscité des interrogations383. Le Comité permanent, instauré pour « suivre les
problèmes relatifs à la Convention »384, a émis des recommandations, qui ne remplacent pas
des dispositions plus explicites relative à la mise en application du contenu de la Convention
au sein des Etats parties. Le caractère « self executing » de cette Convention est alors mis en
avant par certains auteurs385, les diverses dispositions de la Convention étant suffisamment
précises pour être mises en œuvre.
381
Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants, adoptée par le Conseil des ministres du
Conseil de l’Europe le 25 janv. 1996, signée par la France le 4 juin 1996, approuvée en France par la L. n° 2007-
1155 du 1er août 2007 ; décr. n° 2008-36 du 10 janv. 2008.
382
A. GOUTTENOIRE et P. BONFILS, « Panorama - Droits de l’enfant - juin 2007 - juin 2008 », D., 2008, n° 27, p.
1854.
383
Ibid., p. 1855.
384
Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants, op. cit., art. 16.
143
La Cour européenne des droits de l’homme assure un statut de protection de l’enfant, dont
elle garantit la protection de manière indirecte386. Concernant sa résidence, elle juge que
l’intérêt supérieur de l’enfant peut avoir un double objet : lui garantir une évolution dans un
environnement sain et maintenir les liens avec sa famille. En matière d’enlèvement
international d’enfants, la Cour s’est référée à la Convention de La Haye du 25 octobre
1980387, dont l’objectif est de lutter contre de tels événements dans l’intérêt de l’enfant.
216. Le droit international et le droit européen ont évolué de manière à favoriser la prise en
considération de l’enfant. La protection de l’enfant a engendré un statut et l’adoption de règles
particulières.
Le principe du contradictoire fait que chaque partie a droit à la parole dans le cadre d’un
procès. La procédure devant le juge des enfants implique donc la prise en considération de la
personne de l’enfant. Progressivement, le droit consacre les pratiques par l’adoption de textes
de droit interne, découlant de manière naturelle des traités internationaux et des textes
européens388.
217. Le droit interne s’est progressivement conformé aux textes internationaux et européens
pour garantir à l’enfant une protection spéciale. Il a peu à peu été conduit à protéger l’enfant
de manière autonome, sans se référer à la sanction d’un tiers. La réforme du début des années
2000 sur la réaffirmation du principe du contradictoire en assistance éducative découle de
cette réflexion.
218. Depuis la Révolution française, période de remise en cause importante concernant les
385
A. GOUTTENOIRE et P. BONFILS, « Panorama - Droits de l’enfant - juin 2007 - juin 2008 », op. cit., p. 1855.
386
CEDH, 6 déc. 2007, n° 39388/05, MAMOUSSEAU et WASHINGTON c/ France, AJ famille 2008 83, obs.
A. BOICHE, in Ibid., p. 1855.
387
Convention tendant à faciliter l’accès international à la justice, conclue le 25 oct. 1980 à La Haye.
388
Comme c’est le cas du principe du contradictoire en assistance éducative, qui, rappelons-le, était une
pratique qui a été consacrée par des textes au début des années 2000.
144
institutions, de nombreux textes ont été adoptés en matière de protection de l’enfance389, qui
révèlent plusieurs mouvements. Avant tout, cette protection découle des règles relatives à
l’autorité parentale. Les premiers êtres protecteurs de l’enfant sont ses parents. A ce titre, et
dès sa naissance, ils ont des devoirs à son égard : notamment les devoirs de surveillance et de
protection. S’ils sont défaillants, l’Etat intervient. Ce système a vu le jour à la suite de la
condamnation d’auteurs d’infractions contre l’enfant, en particulier s’agissant de
représentants légaux. Le statut d’enfant à protéger s’est développé à l’ombre de la notion de
danger, qui a évolué en parallèle à la notion d’intérêt de l’enfant dans les textes
supranationaux. Le statut de l’enfant à protéger a été déterminé par une évolution de la
sanction du parent responsable à la protection de l’enfant à proprement parler.
389
Les textes ne seront pas listés ici de manière exhaustive, pour une liste des textes de 1793 à 1990, se référer
à https://www.onpe.gouv.fr/historique et au site de Légifrance en consultant le Code civil et le Code de l’action
sociale et des familles ; le premier texte relatif à la protection de l’enfant en France est la loi Guizot du 22 mars
1841 relative au travail des enfants, destinées à protéger l’enfant contre une exploitation économique
excessive.
390
L. BELLON, L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, op. cit., p. 99.
145
sur la question des violences sexuelles sur les enfants, en particulier lorsqu’elles sont
commises dans le milieu familial. Jusqu'en 1995, pour ces motifs, les procureurs de la
République saisissaient le juge des enfants uniquement en assistance éducative. Maintenant,
ils orientent aussi les procédures vers la justice pénale. La justice cherche ainsi à s'adapter en
partie à l'enfant391. La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression
des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs a renforcé les droits des enfants
et leurs garanties procédurales. Elle a prévu l'audition filmée de la victime pour limiter le
nombre d'interrogatoires, l'accompagnement d'un enfant par un adulte au cours des différentes
étapes de la procédure et la désignation systématique d'un administrateur ad hoc pour l'enfant.
Le parent prévenu de violences sur son enfant peut toutefois être acquitté ou relaxé. Le cas
échéant, le juge des enfants doit tirer les conséquences de cette décision de justice et clôturer
en assistance éducative le dossier ouvert en raison des dites violences. Le danger n'est alors
pas établi.
Le juge des enfants est le juge de la protection de l'enfant. Il n'est pas « le juge de la
sanction du parent coupable »392 : les mesures d'assistance éducative sont parfois impuissantes
devant l'énergie destructrice de certains parents lorsque la séparation est conflictuelle. Il est
légitime de s’interroger sur ce qu'apporte l'assistance éducative à la protection des enfants en
danger393.
L’approche qui a consisté à prendre en charge d’abord les enfants victimes a dégagé une
conception particulière des droits de l’enfant qui ont été renforcés. On peut aussi constater
qu’il existe un décalage de traitement entre l’enfant à protéger de son environnement familial
et l’enfant à protéger de tiers qui ont commis des violences à son égard et auxquels le
contradictoire s’applique de façon différente.
220. Par la suite, la protection des enfants a émergé de façon autonome, et non plus à travers
la considération d’une personne fautive. Cette évolution a accompagné les modifications
relatives aux droits de usagers, plus particulièrement leur accès à la procédure et au caractère
contradictoire de celle-ci. Reconnus à part entière dans le système de protection de l’enfant,
des droits comme la consultation du dossier et le droit d’être entendu ont pu ainsi être
accentués.
L’ordonnance n° 58-1301 du 23 décembre 1958 relative à la protection de l’enfance et de
391
Ibid., p. 99.
392
Ibid., p. 104.
146
l’adolescence en danger a marqué le début de la protection de l’enfance et son adoption a
laissé présager une montée des besoins394. Elle est intervenue dans un contexte d’insuffisance
du système de protection de l’enfance, de multiplicité des textes législatifs et de procédure,
révélant un manque d’harmonie de l’ensemble. Adoptée à la suite de l’ordonnance du 2
février 1945, elle a découlé de ce texte, renforcé ses dispositions, et a tendu à harmoniser les
pratiques et les procédures. A partir de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la
protection de l’enfance, le législateur et le pouvoir réglementaire ont organisé et précisé le
statut de l’enfant, particulièrement lorsqu’il est concerné par des procédures judiciaires395. En
donnant au juge des enfants un outil conceptuel pour protéger les enfants, le législateur l’a
invité à appréhender la situation de danger dans toute sa complexité et non seulement à l'aune
de la faute d’un ou des parents396. La loi du 14 mars 2016 n° 2016-297 relative à la protection
de l’enfant avait pour objet de compléter la loi précédente. Elle a rappelé que son intérêt doit
être la préoccupation centrale du dispositif de protection de l’enfance. Le texte contient
diverses précisions ayant pour objectif de renforcer les dispositions existantes en matière de
protection de l’intérêt de l’enfant, comme par exemple l’instauration systématique de la
désignation d’un administrateur ad hoc par le juge dans le cadre de la procédure d’assistance
éducative, lorsque l’enfant se trouve en conflit avec ses représentants légaux. On voit ici
l’accentuation du principe du contradictoire et de la prise en compte de la parole de l’enfant
en assistance éducative.
Afin de consolider l’action de cette loi et de protéger les enfants, le Conseil national de la
protection de l’enfance a été installé dans le paysage institutionnel. Il peut être saisi de toute
question concernant la protection de l’enfance. L’une des priorités de la Secrétaire générale
du Conseil national de la protection de l’enfance est que le Conseil impulse la mise en place
d’outils de référence qui garantiraient une meilleure équité dans les traitements de situations
dans l’ensemble du territoire397. Confirmant la volonté de la Secrétaire générale, la Ministre
des famille, de l’enfance et des droits des femmes a exprimé son ambition de « changer le
regard sur l’enfance et de placer l’enfant, son parcours et ses besoins, ses attentes, au centre
393
Ibid., p. 108.
394
J.-P. JURMAND, « Justice des mineurs et investigation, un siècle d’histoire 1890-1990 », Les cahiers
dynamiques, févr. 2011, n° 51.
395
A. GOUTTENOIRE et P. BONFILS, « Droits de l’enfant. Juin 2008 - mai 2009. », op. cit., p. 1918.
396
L. BELLON, L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, op. cit., p. 120.
397
« “Je suis attentive à ce que l’intérêt de l’enfant ne soit pas l’occasion de régler des questions qui
concernent les adultes”. 3 questions à Marie DERAIN, secrétaire générale du Conseil national de la protection
de l’enfance », JCP G, sept. 2017, n° 39, p. 1734.
147
de toute action institutionnelle le concernant »398.
Le domaine de la protection de l’enfance étant la première volonté du Défenseur des droits,
le rapport sur les droits de l’enfant de 2017 met ainsi en avant la volonté de l’Etat de travailler
sur le pilotage national, la coordination des différents acteurs et une meilleure prise en compte
des besoins de l’enfant en danger399. Le rapport du Défenseur des droits, remis au Président de
la République le 20 novembre 2017400, a salué la loi égalité et citoyenneté n° 2017-86 du 27
janvier 2017, qui a amélioré la capacité du mineur d’exercer son droit d’expression et
d’association : tout mineur peut librement devenir membre d’une association, accomplir des
actes relatifs à la gestion de l’association et participer à sa fondation, dans la mesure où il est
âgé de plus de seize ans, sauf si ses parents refusent. L’intérêt principal de cette disposition
est de mettre en avant une articulation des droits du mineurs avec ceux de ses parents, dont le
refus se limite à un droit de véto. Les droits du mineur sont ainsi consolidés, et on peut faire
un parallèle avec ses droits procéduraux. Le statut de l’enfant accentue ses droits à une
protection, mais aussi ses droits dans la procédure : si le juge des enfants a pour objectif de le
protéger, il adapte le principe du contradictoire pour le lui rendre accessible.
398
A. PHILIPPOT, « Le Conseil national de la protection de l’enfance, dernier né auprès du Premier ministre »,
JCP G, La semaine du droit, les acteurs, mars 2017, n° 11, p. 469.
399
A. GOUTTENOIRE, « “Au miroir de la Convention internationale des droits de l’enfant” ... A propos du
rapport du Défenseur des droits sur les droits de l’enfant en 2017 », op. cit., p. 2304.
400
Le rapport du Défenseur des droits de 2018 a été remis au président de la République le 20 novembre 2018.
Celui-ci est davantage consacré aux mineurs jusqu’à six ans, in TOUBON J., De la naissance à 6 ans : au
commencement des droits, Rapport du Défenseur des droits remis au président de la République, 20 novembre
2018 ; J.-M. PASTOR, « Le défenseur des droits consacre son rapport annuel aux enfants de moins de sept
ans », Dalloz actualité, nov. 2018 ; « La prime-enfance au coeur du rapport 2018 du Défenseur des droits -
Veille », JCP G, nov. 2018, n° 48, p. 1243.
148
Le principe du contradictoire s’adapte au statut du mineur délinquant, qui émane des textes
supranationaux (A) et se précise dans le droit interne (B).
221. Le statut du mineur délinquant est à mettre en parallèle avec l’application des droits de
la défense. Enfant à sanctionner et à protéger, il a le droit de se défendre, d’être défendu et
d’être entendu. Le principe du contradictoire doit donc s’adapter à cet esprit afin de conjuguer
sanction et protection, et de rendre la procédure compréhensible au mineur.
222. Ce statut est progressivement apparu dans les textes supranationaux, parallèlement à
celui du mineur à protéger. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’appellation de « statut du
mineur délinquant », et non de « statut de mineur délinquant » : le vocabulaire employé met
en avant que le statut est celui du mineur délinquant, comme s’il lui appartenait ou découlait
de l’acte transgressif. Ce statut n’est donc pas une caractéristique extérieure au mineur
délinquant, mais un aspect inhérent à lui.
Le statut du mineur délinquant apparaît dans le droit international et européen. La Cour
européenne des droits de l’homme s’est prononcée sur l’intérêt supérieur de l’enfant en
matière pénale, en se référant à l’article 3 §1 de la Convention internationale des droits de
l’enfants et à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au procès
équitable401. Sur ce double fondement, elle a invoqué l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour a
ainsi rappelé que l’article 3 impose à l’Etat d’administrer aux détenus les soins médicaux dont
ils ont besoin et que, s’agissant des mineurs, leur intérêt supérieur, combiné à l’interdiction de
traitements inhumains et dégradants, impose que le mineur dont on envisage l’incarcération,
fasse toujours l’objet de soins médicaux et plus particulièrement d’un examen médical pour
déterminer son état de santé, préalablement à la détention. La Cour a également condamné la
Russie pour violation du procès équitable à propos de l’accès à la justice. Elle a jugé que la
procédure pénale doit toujours être organisée dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.
La Cour souhaite que la procédure tende à un délicat équilibre : préserver l’intérêt supérieur
de l’enfant sans renoncer aux garanties procédurales fondamentales applicables à un mineur
401
CEDH, Grande chambre, 23 mars 2016, n° 47152/06, BLOCKHIN c/ Russie, in P. BONFILS, « Panorama - Droit
des mineurs - juin 2016 - juin 2017 », op. cit., p. 1733.
149
auteur d’infractions pénales402.
223. Même si le mineur auteur d’infractions doit être sanctionné, il doit aussi être protégé.
Les droits de la défense et le contradictoire doivent s’appliquer à lui et s’adapter à la
spécificité du droit pénal des mineurs. On peut constater que l’acte de sanctionner ne s’oppose
pas à ce que le procès lui soit compréhensible et accessible. Au contraire, mieux le procès
aura été compris, plus la sanction est susceptible de l’être.
224. Depuis le début du XXème siècle, les lois de la République ont constamment reconnu
l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge et la nécessité de
rechercher le relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et à leur
personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées.
La spécialisation de la juridiction et la création de procédures appropriées met en exergue que
la procédure s’adapte à la personne qu’elle juge et le contradictoire s’adapte également au
mineur jugé.
225. Par ailleurs, il résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 que doivent être respectés, à l’égard des mineurs tout comme à l’égard des
majeurs, le principe de la présomption d’innocence, le principe de la nécessité et de la
proportionnalité des peines, ainsi que celui des droits de la défense403. L’ordonnance du 2
février 1945 prévoit un véritable régime dérogatoire pour les mineurs auteurs d’actes de
délinquance. Ces choix législatifs ont été opérés depuis la loi du 22 juillet 1912 qui a créé une
juridiction spécialisée pour juger les mineurs, appelée tribunal pour enfants et adolescents.
Cette loi a prévu que le rapporteur « entend l’enfant, recueille près de toute personne tous
renseignements et procède à toutes vérifications qui lui paraîtront nécessaires dans l’intérêt
du mineur ». C’est le début du respect du contradictoire et de l’audition de l’enfant dans le
cadre pénal. Il est à noter que la loi se réfère également à l’intérêt du mineur et prévoit que le
402
Ibid. p. 1733.
403
V. Code pénal notes sous art. 122-8.
150
tribunal statue après audition des personnes impliquées dans la procédure404. Elle précise
également la notification de la décision du tribunal405.
226. Ces choix législatifs ont conduit de nombreuses personnes à caractériser le statut du
mineur délinquant comme largement exorbitant du droit commun, tant sur le plan de la
responsabilité pénale que sur celui du régime procédural406. Dans une décision du 29 août
2002407, le Conseil constitutionnel, reconnaît de manière explicite la spécificité de la justice
des mineurs. Depuis cette décision, la jurisprudence a été fournie pour venir préciser la
spécificité de la justice pénale des mineurs408. Plusieurs lois ont aussi été adoptées pour aller
dans ce même sens409.
227. En dépit des règles destinées à améliorer le statut du mineur délinquant vers un statut
plus protecteur, on peut s’interroger sur son statut exact au cours du procès pénal, ce qui peut
altérer l’application du contradictoire à son égard. Parfois, il peut pâtir de règles de procédure
moins favorables que celles applicables aux majeurs410. Sont cités comme exemples la retenue
des mineurs âgés de dix à treize ans, qui est plus sévère que la garde à vue des majeurs en ce
qu’elle est la seule mesure privative de liberté encourue par un mineur âgé de moins de treize
ans, ou encore la possibilité d’enquête officieuse par le juge des enfants, présente encore
jusqu’au 1er octobre 2020, date d’entrée en vigueur du Code de la justice pénale des mineurs,
qui prive le mineur d’un certain nombre de droits auxquels il a droit dans le cadre du respect
du contradictoire. Même si les textes ont évolué de manière à supprimer la mesure de
protection jeunes majeurs, l’esprit d’accompagnement de ces adultes en devenir a toujours été
404
Art. 5 de la loi du 12 juillet 1912 : « La chambre du conseil statue après avoir entendu l’enfant, les témoins,
les parents, le tuteur ou le gardien, le rapporteur, s’il en a été commis, ainsi que le ministère public et le
défenseur ».
405
Art. 7 de la loi du 12 juillet 1912 : « Dans le délai de dix jours, toutes les décisions de la chambre du conseil
sont notifiées à personne ou à domicile, par lettre recommandée du greffier, au mineur et à son défenseur, aux
père et mère, tuteur ou gardien, et au procureur de la République ».
406
V. notamment V. AUGER, « Remarques de principe sur le statut du mineur délinquant », Gaz. Pal., avr. 2000,
p. 661.
407
Cons. const., n° 2002-461, 29 août 2002 : D., 2003, Somm. 1127, obs. L. DOMINGO et S. NICOT.
408
V. Code pénal notes sous art. 122-8.
409
L. n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi
Perben II ; L. n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ; L. n° 2011-267 du 14 mars
2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2 ; L. n°
2011-1940 du 26 déc. 2011, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants ; et voir en ce
sens les travaux de la commission VARINARD en 2007 remis le 3 déc. 2008.
410
V. AUGER, « Remarques de principe sur le statut du mineur délinquant », op. cit. p. 661.
151
conservé411. La situation du mineur délinquant devenu majeur a également posé question412.
Ayant commis un acte de délinquance alors qu’il était mineur, le majeur est jugé par le
tribunal pour enfants même s’il est majeur au jour du jugement, ce qui consiste pour certains
comme la seule solution « qui permet d’assurer le respect de la légalité »413. Cette disposition
contribue à sa protection.
228. Le statut du mineur auteur d’infractions pénales a ainsi évolué : de mineur sans garantie
procédurale, il est devenu un mineur aidé de plus en plus efficacement et à qui le respect du
contradictoire a été peu à peu reconnu dans les textes. Le mineur est aujourd’hui pris en
compte dans son intérêt414.
La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a également
modifié l’ordonnance du 2 février 1945 sur plusieurs points. Son ambition était de rendre la
justice plus efficace, plus simple, plus accessible et plus indépendante415. Le Gouvernement
semble se concentrer sur la forme et l’organisation de la procédure. Une meilleure
accessibilité de la justice par les usagers permettrait peut-être que la mise en œuvre des droits
de la défense et du contradictoire soit mieux acceptée.
229. Une application spécifique du principe du contradictoire devant le juge des enfants
découle donc du statut attribué au mineur. Enfant à protéger, mineur délinquant, sont autant
de dénominations qui engendrent des applications particulières du principe du contradictoire.
La justice des mineurs conduit les professionnels à s’adapter à la personne de l’enfant dans
l’application des principes procéduraux. Mais, malgré les garanties accordées en amont, des
dérives peuvent survenir. Il appartient à tout professionnel de se former régulièrement pour
prendre de la hauteur et garder en mémoire l’esprit général dans lequel il exerce ses fonctions.
411
Par exemple, si le jeune majeur est confié à l’Aide sociale à l’enfance avant ses dix-huit ans, il est possible
qu’un contrat jeune majeur soit signé dans ce cadre administratif, ce qui permet alors de passer d’une prise en
charge judiciaire à un suivi administratif au-delà de la majorité.
412
V. en ce sens notamment P. BONFILS, « Libres propos sur la situation du mineur devenu majeur », Dr. pén.,
déc. 2007, p. 7 et s.
413
Ibid., p. 9.
414
S.-C. LIN, Les principes directeurs du droit pénal des mineurs délinquants, Aix-en-Provence, Aix-Marseille,
2017, p. 253 : tout en respectant les autres principes directeurs du procès, l’auteur propose de se fonder sur
l’intérêt de l’enfant et non sur la minorité pour justifier la spécialisation de la justice pénale des mineurs.
415
V. notamment P. BONFILS, « Panorama - Droit des mineurs - juin 2016 - juin 2017 », op. cit., p. 1733.
152
statut spécifique, mais aussi en fonction des droits particuliers qui lui sont accordés.
230. Après avoir abordé le statut particulier de l’enfant, il est nécessaire d’étudier les règles
relatives à son accès au droit.
Sa compréhension de la procédure et l’application du contradictoire dépendent de son
accès au droit, d’autant plus que ces règles sont actuellement en pleine évolution, grâce aux
progrès du droit (A) et à l’apport de la technique (B).
231. La façon dont le droit est accessible est primordiale pour l’application du principe du
contradictoire, qui implique, rappelons-le, que le mineur et ses représentants légaux aient
connaissance des arguments de chacun en vue d’en débattre à l’audience.
232. Pour répondre à des objectifs de prévention, le rôle du juge est de faire en sorte que
l’enfant se prenne davantage en charge à partir du moment où le magistrat l’a informé de
l’existence et de la teneur des lois dès son plus jeune âge416. Comment parler aux enfants pour
les rendre responsables en dépit des difficultés ?
Une juge interrogée pour les besoins de cette étude s’exprime sur la manière utilisée en
audience avec l’enfant pour lui faire prendre conscience des choses. Controversée dans ses
méthodes en tant que juge des enfants, elle cite comme contre-exemples les éducateurs, les
psychologues, les avocats qui l’entourent et dictent trop aux enfants la conduite à tenir 417. Ne
416
F. DOLTO, L’enfant, le juge et la psychanalyste, Gallimard, 1999, p. 34.
417
Ibid., p. 42.
153
les laissent pas être eux-mêmes, ils donnent des conseils au lieu de les suggérer418.
233. La multiplication des textes contribue à une dysharmonie de l’ensemble et prouve que le
droit est en pleine évolution. Le droit se concentre sur une évolution plus qualitative pour
pallier cette désorganisation et garantir une justice qui assure à l’enfant « une défense adaptée,
entière et efficace »419, et une application des principes procéduraux et du contradictoire qui
soit plus efficace. Surtout sur les garanties procédurales, le droit doit évoluer pour s’adapter et
pour « gommer les inégalités territoriales et garantir un réel accès aux droits pour les plus
vulnérables »420.
418
Ibid., p. 43.
419
C. JEREZ, Le juge des enfants, entre assistance, répression et rééducation, Sofiac, 2001.
420
A. PHILIPPOT, « Le Conseil national de la protection de l’enfance, dernier né auprès du Premier ministre »,
op. cit., p. 469.
421
F. DOLTO in A. RUFFO, Parce que je crois aux enfants, 1988, préface.
422
M. BELOT, « Accès au droit : les apports de la loi “J21” », D., mars 2017, n° 10, p. 560.
154
d’avoir connaissance des arguments adverses.
236. La Convention internationale des droits de l’enfant prend en compte la fonction remplie
par les médias concernant l’accès de l’enfant au droit : les Etats parties reconnaissent
l'importance de cette fonction et veillent à ce que l'enfant ait accès à une information et à des
matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui
visent à promouvoir son bien-être social, spirituel et moral, et sa santé physique et mentale423.
A cette fin, les Etats parties encouragent les médias à diffuser une information et des matériels
qui présentent une utilité sociale et culturelle pour l'enfant et répondent à l'esprit de l'article
29, ainsi que la coopération internationale en vue de produire, d'échanger et de diffuser une
information et des matériels de ce type provenant de différentes sources culturelles, nationales
et internationales. Les Etats parties autorisent également la production et la diffusion de livres
pour enfants et les médias à tenir particulièrement compte des besoins linguistiques des
enfants autochtones ou appartenant à un groupe minoritaire. Ils favorisent l'élaboration de
principes directeurs appropriés destinés à protéger l'enfant contre l'information et les matériels
qui nuisent à son bien-être, compte tenu des dispositions des articles 13 et 18. L’enfant peut
ainsi être informé de ses droits procéduraux de diverses manières.
237. L’accès de l’enfant au droit est primordial pour sa participation à la procédure en vue du
respect du contradictoire. Son assimilation de la procédure dépend de sa compréhension du
155
droit pour une meilleure efficacité du contradictoire.
Le Défenseur des droits s’est attelé à cette question en 2017 : il a participé au lancement
d’Educadroit.fr, service numérique attaché à la promotion des droits de l’enfant. Fondé sur les
idéaux de la Convention internationale des droits de l’enfant, cet outil pédagogique sensibilise
le jeune public au sujet des droits de l’enfant424. Il part du principe que l’enfant, ignorant et
insouciant, a besoin de développer son esprit critique afin de contribuer à la construction
harmonieuse de sa personnalité. Educadroit se veut ainsi accessible tant aux enfants qu’aux
enseignants et éducateurs qui seraient amenés à travailler en contact avec lui. Le site est
composé de supports pédagogiques destinés à toucher les enfants de manière directe. Les
professionnels de l’éducation disposent ainsi d’un espace pour se former, à travers des vidéos
en ligne, pour pouvoir intervenir dans la sphère juridique. Cette plateforme se veut davantage
créatrice de questionnements et de supports de dialogue avec l’enfant, plus que de réponses
uniques sur les droits de l’enfant en soi.
Si l’enfant développe son esprit critique, il sera mieux à même de respecter le principe du
contradictoire et d’interroger les professionnels magistrats, avocats, administrateur ad hoc et
éducateurs afin d’avoir accès au dossier et de s’exprimer à l’audience et lors des auditions.
Être entendu est tout aussi important pour l’enfant et lui permet, à travers la procédure,
d’avoir accès au droit.
238. Appartenant à toute personne partie à une procédure, ce droit est particulier lorsqu’il est
exercé par l’enfant. Un droit d’être entendu et une démarche d’audition de l’enfant adaptée à
sa personne proviennent de la spécificité du statut de l’enfant. Même si le droit d’être entendu
n’implique pas le devoir pour le juge de prendre en compte la parole de l’enfant, ce droit,
adapté à l’enfant, est nécessaire pour respecter le contradictoire lors des différentes phases de
la procédure.
423
Article 17 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
424
A. PHILIPPOT, « “Le droit ne doit pas rester une notion vide de sens pour les enfants”. 3 questions à Jacques
Toubon, Défenseur des droits », JCP G, oct. 2017, n° 41, p. 1846.
156
Nous en aborderons le principe (A), avant d’en étudier la mise en œuvre (B).
239. Objet d’évolutions, ce droit n’a pas toujours été accordé à l’enfant, dont la parole est
pourtant un élément incontournable du contradictoire. Il permet au juge de se fonder sur les
éléments apportés lors des débats pour prendre sa décision. La parole de l’enfant apporte des
arguments utiles à la prise de décision.
Nous nous pencherons également sur le droit pour l’enfant d’être entendu devant le juge
aux affaires familiales, car les règles relatives à la prise en compte de la parole du mineur par
le juge des enfants en découle. Précisons que l’enfant est partie à la procédure pénale et civile
devant le juge des enfants, alors qu’il est concerné par la procédure relative à l’autorité
parentale. Le droit d’être entendu ne garantit pas que sa parole soit prise en compte, mais
seulement qu’il puisse exprimer son sentiment.
240. La prise en compte de la parole de l’enfant a une influence sur lui-même, sur son
attitude lors du procès, et sur la fonction de juger du magistrat. L’idée de participation de la
jeunesse n’est pas récente425. La fin de la deuxième guerre mondiale a donné lieu à un essor de
mouvements de la jeunesse et d’éducation populaire. Ce point a son importance pour la
définition de la politique ultérieure concernant la jeunesse, marquée par deux objectifs
contradictoires : la volonté de lui donner une image positive et la peur devant ce qu’elle
représente. Les années 1970 et la crise économique ont généré des mouvements de
délinquance, des difficultés d’insertion sociale et, en conséquence, des politiques publiques
inadaptées qui ont conduit au développement d’objectifs de prévention.
425
M. CAHN, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
157
La parole de l’enfant, prise en compte dans l’éducation, s’avère un élément structurant lors
de la phase des apprentissages426. Cette démarche est indispensable pour construire son regard
sur le monde. Transposant ce discours au tribunal, la parole de l’enfant s’avère tout aussi
indispensable afin de construire son regard sur le procès. Un écueil réside toutefois dans le
fait que le juge puisse s’approprier la parole de l’enfant, l’interpréter ou lui donner des sens
divers, car il n’y a pas qu’une parole, mais des paroles427.
L'ancienne avocate Andrée Ruffo, nommée juge par la suite, explique que lorsqu’elle a
rencontré Françoise Dolto, celle-ci lui a d’abord enseigné l'importance de la parole et « de ne
jamais cesser de travailler à faire entendre la voix des enfants »428. C'est sans doute grâce à
l'influence de Françoise Dolto qu'elle a peu à peu appris, en tant que juge, « à travailler non
pour les enfants, mais avec les enfants »429. Elle cite des exemples d’échanges avec de très
jeunes enfants afin de leur expliquer l'importance d'être sages durant une audience. Ainsi,
Andrée Ruffo explique qu’« on sait […] qu'il faut écouter l'enfant, aller en profondeur,
prendre en compte sa souffrance. On sait qu'il faut accepter que cette souffrance soit dite,
qu'elle soit entendue, qu'elle soit acceptée pour la justice, si l'on veut éviter que le jeune
récidive, s'enfonce dans la délinquance. On le sait, mais le manque de moyens fait que, de
plus en plus souvent, on n'agit pas en conséquence »430. Les enfants exposés au danger ne sont
pas ceux qui se trouvent devant le tribunal, mais les autres, ceux qu’on ne va pas chercher431.
C'est ainsi que dans une logique de justice de rapidité, de traitement de dossiers toujours
plus nombreux, la qualité des audiences s’altère. Le juge ne peut, en conséquence, faire
circuler librement la parole de chacun et prêter attention à la parole de l'enfant. En dehors de
l’âge, le concept de vulnérabilité est à prendre en considération à propos de la parole de
l’enfant432. Trois niveaux sont à prendre en compte : l’association de l’enfant aux décisions
qui le concernent, le recueil de sa parole et l’intégration des enfants dans la prise de
décision433. Le recueil de la parole de l’enfant se situe à deux étapes : le processus (comment
accompagner l’enfant dans la société) et la production (quel résultat peut-on escompter du
processus, que fait-on de l’opinion de l’enfant). On découvre ainsi à quel point est essentielle
la co-construction avec l’enfant.
426
C. ESCOT, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
427
F. HAGEMANN, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
428
F. DOLTO, L’enfant, le juge et la psychanalyste, op. cit., p. 13.
429
Ibid., p. 15.
430
Ibid., p. 20.
431
Ibid., p. 26.
432
F. GRANET, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
158
Certains intervenants questionnés dans le cadre de cette recherche partagent leur
expérience de l’audition de l’enfant : dans les affaires familiales, l’exercice du recueil de la
parole de l’enfant peut être délégué à des médiateurs, alors que le juge des enfants, lui, ne
peut déléguer cet exercice et doit y procéder lui-même. Peut-être est-ce dû au fait que,
contrairement à la procédure devant le juge aux affaires familiales, l’enfant est lui-même
partie à la procédure. Pour certains magistrats, entendre un enfant est simple434, alors que
d’autres trouvent cela délicat et délèguent volontiers cette mission.
La prise en compte de la parole de l’enfant en vue du respect du contradictoire est donc
différente en fonction du cadre civil ou pénal, selon que l’enfant est partie ou concerné par la
procédure.
241. Influencée par le droit international et européen, la consécration du droit pour l’enfant à
être entendu a pour conséquence de lui attribuer une nouvelle place dans la procédure. Cette
mesure évolue avec le temps et aboutit à la mise en place d’un régime de droit commun de
l’audition de l’enfant en justice prévue à l’article 388-1 du Code civil. Il s’articule avec des
régimes particuliers lorsque l’enfant est concerné par les procédures.
242. Le droit pour l’enfant d’être entendu est incontournable pour le respect du contradictoire
car il engendre les dispositions relatives à son audition par le juge des enfants. Ce droit est
consacré par les traités internationaux. Il part du droit de chaque personne à être entendue
dans toute procédure le concernant, et se décline en un droit particulier pour l’enfant dans les
textes spécifiques relatifs aux mineurs. La Déclaration universelle des droits de l’homme
433
G. AVENARD, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
434
J. BIGOT, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
159
prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue435. La Convention
internationale des droits de l'enfant trouve son origine dans les droits de l’homme consacrés
par les textes internationaux précédents, pour ajouter des notions de protection de l’enfance et
adapter les droits de l’homme à cet objectif. Ainsi, elle reconnaît le droit pour l’enfant de
s’exprimer et de voir que son opinion est respectée. L'article 12 dispose que « les États parties
garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son
opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en
considération eu égard à son âge et à son degré de maturité »436. Ainsi, la Convention
internationale des droits de l’enfant « permet d’envisager les droits de l’enfant comme des
droits de l’homme vus à travers le filtre de l’enfance »437.
Toutefois, la portée de l’article 12 est restée limitée jusqu’en 2005 faute de reconnaissance
de son applicabilité directe dans le droit français. La Cour de cassation avait jugé que les
dispositions de la Convention ne pouvaient être invoquées devant les tribunaux, parce que les
obligations créées à la charge des Etats parties n’étaient pas applicables en droit interne 438. La
Cour de cassation avait confirmé sa position dans plusieurs arrêts439, s’appuyant sur l’article 4
de la Convention de New York du 26 janvier 1990, invoquant que les dispositions de la
Convention s’appliquaient aux Etats parties et ne pouvaient être invoquées devant les
juridictions internes440. La Cour de cassation avait précisé que ce défaut d’applicabilité
concernait non seulement l’article 12 de la Convention, mais aussi toutes ses dispositions.
435
Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, art. 10 « Toute personne a droit, en
pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et
impartial, qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle ».
436
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 45. ; A. VAISSIER-CATARAME, L'audition de
l'enfant en justice, in Droit de l'enfant et de la famille, Hommage à Marie-Josèphe GEBLER, presse universitaire
de Nancy, 1998, p. 161 et s.
437
A. GOUTTENOIRE, Répertoire de procédure civile - Mineur, D., juin 2015 n° 5.
438
Cass. civ. 1re, 10 mars 1993, no 91-11.310, arrêt LEJEUNE, Bull. civ. I, no 103 ; M.- C. RONDEAU-RIVIER, « La
Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant devant la Cour de cassation : un traité mis hors-jeu »,
D. 1993. Chron. p. 203 ; F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, « L'application de la Convention de New York sur les droits de
l'enfant », note sous Cass. civ. 1re, 10 mars et 2 juin 1993, D. 1994. Somm. p. 34 ; J. RUBELLIN-DEVICHI, « La
réception des conventions internationales par les juges français en droit de la famille [chronique de droit de la
famille] », JCP G. 1993. I. p. 3688 ; C. NEIRINCK et P.- M. MARTIN, « Un traité bien maltraité. À propos de l'arrêt
Lejeune », JCP G. 1993. I. p. 3677 ; J. GARRIGUE, Droit de la famille, Dalloz, 2018, p. 26.
439
Cass. civ. 1ère, 2 juin 1993, n° 91-17.487, D. 1993. IR p. 153 ; Defrénois 1993. 1370, obs. J. MASSIP ; F.
DEKEUWER-DÉFOSSEZ, article préc. – Cass. civ. 1ère, 15 juill. 1993, n° 91-18.735 et n° 92-05.015, 2 arrêts, JCP G.
1994. II. P. 22219, obs. Y. BENHAMOU ; D. 1994. 191, note J. MASSIP ; – Cass. civ. 1ère, 4 janv. 1995, n° 92-
20.682, Bull. civ. I, n° 2.
440
J. MASSIP, note préc. sous Cass. civ. 1re, 15 juill. 1993 ; J. HAUSER, « La CIDE : la Cour de cassation persiste et
signe ! », RTD civ. 1993. P. 814.
160
243. Le Conseil d’Etat s’est prononcé dans le même sens : sa jurisprudence a été constante
en la matière441. Le Conseil d’Etat a procédé disposition par disposition, ne considérant pas
que l’intégralité de celles-ci n’étaient pas d’applicabilité directe et adoptant ainsi une position
plus nuancée442. Pour autant, la jurisprudence du Conseil d’Etat a eu, elle aussi, une portée
limitée. Comme exemple d’interprétation plus nuancée, le Conseil d’Etat avait jugé
d’applicabilité directe l’article 3 §1 de la Convention internationale des droits de l’enfant,
relatif à son intérêt supérieur qui doit être considéré comme primordial dans toute décision qui
le concernant443.
244. En matière de droits de l’enfant, la démarche du Conseil de l’Europe est de donner des
normes aux Etats membres afin de mettre en place des garanties suffisantes pour accorder à
l’enfant des droits effectifs. Ainsi, le droit pour l’enfant d’être entendu est un droit
fondamental444. Ajouté au fait que les juges doivent être en mesure de motiver leurs décisions,
selon que l’enfant a été ou non entendu, ou selon que son point de vue a été ou non pris en
compte par le juge, celui-ci doit être en mesure de motiver sa décision par rapport à l’enfant.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté le 13 mars 2009 une
recommandation intitulée « Promouvoir la participation des enfants aux décisions qui les
concernent »445. Elle a invité le Comité des ministres à « préparer des lignes directrices
européennes pour une justice adaptée aux enfants ».
245. Le droit de l’Union européenne a joué aussi un rôle considérable dans l’évolution du
droit de l’enfant à être entendu dans les procédures le concernant. Le règlement Bruxelles II
bis446 y consacre plusieurs dispositions447. Le préambule est éloquent en la matière. On y lit
que « l'audition de l'enfant joue un rôle important dans l'application du présent règlement,
441
CE, 3 juill. 1996, PATUREL, requête n° 140872, JCP G. 1996. I. p. 2279, obs. C. ROUAULT.
442
CE, 30 juin 1993, requête no 136601, CAMEARA, JDJ nov. 1993. P. 33 ; CE 29 juill. 1994, requête no 143866,
Dr. enf. fam. 3/1994, no 40, p. 129 ; AJDA 1994. P. 841, concl. M. DENIS-LINTON ; RDSS 1995. P. 167, obs.F.
MONEGER ; CE 10 mars 1995, DEMIRPENCE, requête no 141083 D. 1995. 617, note Y. BENHAMOU ; D. 1998. 15,
concl. R. ABRAHAM ; CE 3 juill. 1996, requête no 140872, PATUREL, JCP G. 1996. I. p. 2279, obs. C. ROUAULT ; J.
RUBELLIN-DEVICHI, chronique de droit de la famille, JCP G. 1997. I. p. 3996.
443
CE, 22 sept. 1997, CINAR, requête no 145518, JCP G. 1998. II. P. 10051, comm. A. GOUTTENOIRE-CORNUT ;
RTD civ. 1997. P. 908, obs. J. HAUSER.
444
R. JENSDOTTIR, « Garantir le droit de l’enfant à une famille : la perspective du Conseil de l’Europe », nov.
2018., in « Résidence alternée - justice sociale et droits de l’enfant », op. cit.
445
V. Recomm. no 1864.
446
Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 nov. 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et
l’exécution des décisions en matière matrimoniales et en matière de responsabilité parentale abrogeant le
règlement (CE) n° 1347/2000.
161
sans que cet instrument ait pour objet de modifier les procédures nationales en la matière ».
Le champ d’application du règlement est le domaine des affaires familiales. Néanmoins, sa
lecture est essentielle pour la procédure devant le juge des enfants également. La Charte des
droits fondamentaux de l'Union européenne, adoptée le 7 décembre 2000 et entrée en vigueur
avec le Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, consacre, de manière générale, la possibilité
pour les enfants d’exprimer leur opinion en fonction de leur âge et de leur degré de maturité.
Elle leur confère ainsi un nouveau fondement supranational à leur droit d’être entendus. En
revanche, elle se situe en retrait par rapport aux autres textes internationaux et internes en
consacrant des valeurs, alors que les autres textes consacrent ce droit. La Cour de justice de
l’Union européenne a interprété le sens et la portée du droit de l’enfant à être entendu. Elle a
analysé l’article 42 du règlement Bruxelles II bis au regard de l’article 24 de la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne448. Elle en a déduit que le droit de l’enfant à être
entendu ne devait pas être une obligation, mais une possibilité. La juridiction de l’Etat
membre doit vérifier que l’enfant a eu la possibilité d’être entendu. La Convention
européenne sur l’exercice des droits de enfants449, à l’article 3, mentionne le droit de l’enfant
d’exprimer son opinion dans les procédures le concernant. Le texte prévoit surtout que
l’enfant doit être informé de son droit à être entendu et des conséquences de cette audition. En
ce qu’il traite de l’exercice des droits des enfants à proprement parler, ce texte présente une
originalité certaine450.
246. Le droit pour l’enfant à être entendu est apparu dans le droit national avant d’être
consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant. La loi du n° 75-617 du 11
juillet 1975 portant réforme du divorce avait déjà reconnu la faculté pour le juge de procéder à
l’audition du mineur, dans la mesure où celle-ci était nécessaire et ne lui portait pas préjudice.
Le magistrat peut entendre l’enfant, si celui-ci le demande, à condition de motiver sa décision,
selon l’article 388-1 du Code civil.
447
V. en ce sens les articles 11, 23, 41 et 42 du règlement.
448
CJUE, 22 déc. 2010, aff. C-491/10 « Joseba Andoni Aguirre Zarraga c/ Simone Pelz », Rev. crit. DIP 2012. p.
172, obs. H. MUIR WATT ; Europe n° 3, mars 2011. Comm. p. 118, obs. L. IDOT ; Procédures n° 2, févr. 2011.
Comm. p. 59, obs. C. NOURRISSAT ; D. 2011. Pan. p. 1374, obs. F. JAULT-SESEKE ; RTD eur. 2001. p. 482, obs. M.
DOUCHY-OUDOT.
449
La Convention a été signée par la France le 4 juin 1996, soit quelques mois après son adoption par le Comité
des ministres du Conseil de l'Europe, le 25 janvier de la même année, a été ratifiée par le décr. n° 2008-36 du
10 janv. 2008 (portant publication de la Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants, adoptée à
Strasbourg le 25 janv. 1996, après que la loi n° 2007-1155 du 1er août 2007 (autorisant l'approbation de la
Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants) eut autorisé cette ratification.
450
A. GOUTTENOIRE, Répertoire de procédure civile - Mineur, op. cit. n° 19.
162
Les années 2005 à 2007 ont donné lieu à une véritable consécration du droit de l’enfant à
être entendu. Les dispositions de l’article 12 de la Convention internationale des droits de
l’enfant étant plus favorables que le droit interne, et les dispositions du règlement Bruxelles II
bis étant différentes par rapport à la législation française, le droit national s’est aligné afin de
maintenir l’article 388-1 du Code civil. La loi du 5 mars 2007 relative à la protection de
l’enfance a modifié cet article, offrant davantage de garanties à l’enfant, venant ajouter des
garanties supplémentaires comme la possibilité à l’assistance d’un avocat, renforçant donc
l’assistance du mineur en justice. Le Comité des droits de l’enfant s’est prononcé le 12 juin
2009 sur cette modification : il a mis en avant qu’il est préoccupant que l’enfant doive en faire
personnellement la demande pour être entendu. Mais qu’en est-il de la demande effectuée par
un représentant de l’enfant ? Il a relevé aussi que la restriction selon les seuils d’âge est source
d’inégalité.
248. Les articles 388-1 et 388-2 du Code civil, les articles 338-1 à 338-9 du Code de
procédure civile relatifs à l'audition de l'enfant en justice et l'article 4-1 de l'ordonnance du 2
février 1945 garantissent la parole de l’enfant en justice au niveau national. Ainsi, le droit
s’adapte au statut de l’enfant pour créer des dispositions qui lui sont applicables dans son
intérêt et qui participent au respect du recueil de sa parole en justice pour faire une bonne
application du contradictoire.
Le rapport du Défenseur des droits en 2017 désigne certaines dispositions de la loi du 18
novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle comme ne tenant pas
451
Article 338-12 du Code de procédure civile « Dans le respect de l'intérêt de l'enfant, il est fait un compte
rendu de cette audition. Ce compte rendu est soumis au respect du contradictoire».
163
suffisamment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant452. Que les parents informent le mineur
de son droit d’être entendu ne satisfait pas les exigences de participation aux procédures
relatives à l’autorité parentale. On peut légitimement s’interroger sur le régime du droit de
l’enfant à être entendu dans le cadre d’une procédure devant le juge des enfants. Certains
s’étonnent de la distinction attribuée par la loi française au début des années 1990 entre les
enfants de moins de treize ans et ceux de plus de treize ans à propos de leur audition, ou de la
valeur attribuée à leurs déclarations453 .
Il s’agit avant tout d’une question de formation des parents, mais aussi des professionnels
du droit. L’évolution des procédures en matière familiale prévoit toujours davantage l’absence
du juge pour une administration plus rapide de la justice. Ce mouvement est qualifié
d’impasse surtout pour l’enfant en bas âge454. Qu’en est-il s’agissant de l’évolution des
procédures devant le juge des enfants ? L’absence de juge conduit à s’interroger sur le sens de
l’audition de l’enfant et plus particulièrement sur la personne réceptrice de cette parole. Ce
serait alors aux avocats de se charger de donner sens à la parole de leur jeune client avec
toutes les responsabilités que cela implique.
249. Le droit de l’enfant de participer aux décisions qui le concernent a connu une
progression en 2007, avec l’adoption d’une législation qui assure au mineur un rôle actif dans
l’exercice de ses droits, notamment à travers son audition455. Deux conditions ont été
soulevées par la loi : la procédure doit concerner l’enfant, qui doit être doué de discernement.
La question la plus délicate se pose finalement quand l’enfant qui souhaite être entendu en fait
lui-même la demande. Le juge des enfants doit alors se demander s’il doit l’entendre. Certains
affirment qu’il est indispensable que le juge entende l’enfant456. Il est non seulement
important que l’enfant rencontre celui qui va décider -surtout s’il s’agit d’une volonté
exprimée par lui- mais le juge a aussi une fonction pédagogique dans cette audition. Il doit
informer l’enfant que son audition n’est qu’un élément sur lequel il peut s’appuyer pour
prendre sa décision, afin qu’il n’en porte pas la responsabilité. Le recueil de la parole de
l’enfant est surtout l’occasion pour le juge de le rassurer, de délimiter son intervention et de
452
TOUBON J., Au miroir de la Convention internationale des droits de l’enfant, Rapport du Défenseur des droits
remis au président de la République, 20 novembre 2017, op. cit, in A. GOUTTENOIRE, « “Au miroir de la
Convention internationale des droits de l’enfant” ... A propos du rapport du Défenseur des droits sur les droits
de l’enfant en 2017 », op. cit., p. 2303.
453
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit.
454
J. HAUSER, « Sans juge », JCP G, févr. 2017, n° 6, p. 237.
455
A. GOUTTENOIRE et P. BONFILS, « Panorama - Droits de l’enfant - juin 2007 - juin 2008 », op. cit., p. 1854.
164
déculpabiliser l’enfant. Le rôle du juge ne se limite donc pas à un simple recueil de sa
parole457.
Les professionnels considèrent que l’enfant devrait être systématiquement accompagné de
son propre avocat lorsqu’il s’agit de recueillir sa parole. Cela permettrait non seulement de le
protéger, mais aussi d’expliciter la décision du juge en dehors de la salle d’audience. Par cette
démarche spécifique, les professionnels se situent ainsi pleinement dans le respect du
contradictoire qu’ils adaptent.
Ainsi, l’enfant bénéficie du droit d’être entendu par le juge dans la procédure pénale ou
civile à laquelle il est partie. Comme le juge doit s’adapter à la personne de l’enfant, la mise
en œuvre du recueil de sa parole en vue du respect du contradictoire est délicate.
La mise en œuvre du recueil de la parole de l’enfant est spécifique et vise à concrétiser ses
droits. Le recueil de sa parole diverge selon qu’il s’exerce dans le cadre d’un procès pénal (1)
ou de l’assistance éducative (2).
250. Le recueil de la parole de l’enfant se produit lors des auditions et lors de l’audience. Le
juge s’appuie sur les déclarations de l’enfant, les confronte avec les arguments des autres
personnes impliquées et avec les éléments versés au dossier. Le recueil de sa parole fait donc
partie intégrante du respect du contradictoire. Lors des auditions préalables au jugement, le
juge entend le mineur sur sa version des faits afin de prendre une décision adaptée pour le
suivi de la procédure. Lors du jugement, il l’entend sur les faits, puis sur sa personnalité, afin
de prendre une décision adaptée à la sanction et à ses besoins.
251. On peut penser que le recueil de la parole de l’enfant diffère selon qu’il s’agit d’un
enfant auteur ou d’un enfant victime, parce que l’enfant victime doit être protégé davantage
456
J. BIGOT, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
165
que l’enfant auteur. Or, un enfant auteur est un enfant à protéger au même titre qu’un enfant
victime. Pourtant, les dispositions légales applicables à l’un ne sont pas les mêmes que celles
applicables à l’autre.
252. La loi prévoit le recueil de la parole de l’enfant auteur d’une infraction pénale. Cette
audition a lieu dans le cadre d’un procès pénal dont les différents stades se déroulent devant le
juge des enfants, devant le juge d’instruction ou devant le tribunal pour enfants.
253. La loi prévoit le recueil de la parole de l’enfant victime. Cette audition a lieu devant des
juridictions spécialisées : par le juge d’instruction s’il est victime d’un mineur ou d’un
majeur ; par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants s’il est victime d’un mineur ; ou
devant des juridictions pour majeurs s’il est victime d’un majeur. Ce recueil est d’autant plus
délicat que le recueil de la parole de l’enfant s’effectue dans une justice des adultes devant
laquelle il est victime. En outre, il s’agit souvent de mineurs victimes d’infractions sexuelles
de la part de majeurs, ce qui ajoute des complications et conduit à développer des mécanismes
de protection renforcés.
Tout différent est le recueil de la parole de l’enfant dans le cadre de l’assistance éducative.
254. Le recueil de la parole de l’enfant s’exerce ici dans la situation où il est victime de son
environnement familial et social. Il est donc d’autant plus délicat à pratiquer par le juge que
les représentants légaux accompagnent le plus souvent l’enfant lors des auditions et de
l’audience. Souvent, les juges procèdent donc à l’audition de l’enfant séparément et
préalablement à celle de ses parents afin de garantir la libre expression de l’enfant et un
contradictoire plus précis. Nous effectuerons des parallèles avec le recueil de la parole de
l’enfant devant le juge aux affaires familiales, exercé de manière différente car l’enfant n’est
pas partie à la procédure. Le contradictoire n’est donc pas appliqué de la même manière.
457
J. BIGOT, ibid.
166
255. L’audition de l’enfant dans les procédures le concernant a longtemps été considérée
comme une garantie à lui accorder. Devant le juge des enfants, le mineur est partie à la
procédure. Dans la procédure d'assistance éducative, l'audition de l'enfant est érigée en
principe – à la différence de la procédure de divorce –, à moins que son âge ou son état ne le
permette pas458. Pourtant, aujourd’hui, certains se demandent si ce droit n’expose pas les
mineurs à un danger supplémentaire. Ce raisonnement conduit à s’interroger sur la capacité
des parents à entendre et à accepter ce que l’enfant dit au juge459. L’enfant doit pouvoir le
rencontrer directement. Le juge aux affaires familiales a aujourd’hui la possibilité de ne plus
retranscrire le contenu de la parole du mineur par écrit. Cela rappelle la faculté du juge des
enfants de retirer une pièce du dossier d’assistance éducative qui conduirait à une situation de
danger pour l’enfant, une autre partie ou un tiers. Mais cette disposition interroge sur le
respect du débat contradictoire.
Deux difficultés peuvent être mises au jour : la première se situe du côté de ce que le juge
va comprendre du discours de l’enfant, surtout si ses parents manipulent sa pensée. Le juge
doit alors réussir à discerner ce qui appartient à l’enfant de ce qui est induit par les parents ; la
seconde tient à la capacité du juge de caractériser comme personnel le grief porté par l’enfant.
Les professionnels ont encore beaucoup à apprendre sur ces pratiques. Le juge doit être
conscient que les situations s’apprécient au cas par cas et se garder de toute systématisation
des dispositifs qu’il peut appliquer.
Deux garanties peuvent être accordées durant la procédure afin de prendre conscience de
ces écueils et d’y remédier : l’enfant doit toujours être accompagné d’un avocat et garder un
droit de véto sur toute décision qui s’appliquerait à lui460. Le sentiment de sécurité s’ajoute
alors à l’intérêt supérieur de l’enfant. La parole de l'enfant ne doit pas toujours être
intégralement prise en compte. Il est en effet essentiel que le mineur comprenne que sa parole
ne fait pas la décision, mais que cette décision appartient au juge. Un auteur indique que nous
méconnaissons les facultés de compréhension d'un enfant461. Toutefois, sa parole est à prendre
avec précaution, pour ne pas lui faire porter un poids et le placer comme enjeu, en tant que
manipulé ou manipulable462.
458
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 97.
459
J. BIGOT, « Respecter la parole de l’enfant dans le choix de sa résidence après séparation des parents? », 22
nov. 2018, in « Résidence alternée - justice sociale et droits de l’enfant », inédit, op. cit.
460
J. BIGOT, « Respecter la parole de l’enfant dans le choix de sa résidence après séparation des parents? », op.
cit., in « Résidence alternée - justice sociale et droits de l’enfant », inédit, op. cit.
461
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 97.
462
J. BIGOT, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
167
Une triple difficulté est soulignée463 : la différence entre ce qu’il a en tête et la manière de
le verbaliser, le temps écoulé depuis les faits qui mène à une fabulation du parent et à un
discours tronqué et la manipulation de l’enfant par le ou les parents. La Cour de cassation
précise les conditions de l’audition de l’enfant en justice en matière familiale464 : c’est
l’intéressé, à savoir le mineur, qui doit formuler sa demande d’audition au juge à propos de sa
résidence et non une assistante sociale.
256. Afin de remédier aux écueils inhérents au recueil de la parole de l’enfant et ainsi
garantir un contradictoire plus précis, plusieurs choses sont envisageables465. Il est important
de garder à l’esprit le caractère d’authenticité de la parole de l’enfant. Dans cet objectif, les
professionnels doivent procéder à ce recueil sans aucune idée préconçue, de quelque nature
qu’elle soit. Si le professionnel en prend conscience et y réfléchit, il parviendra à une
meilleure écoute et à une meilleure considération de la parole de l’enfant.
La formation initiale et continue des magistrats, des éducateurs, des avocats, des
administrateurs ad hoc est importante, surtout pour ceux qui vont procéder à l’audition de
l’enfant. Aussi la gestuelle est-elle essentielle dans l’audition de l’enfant et le magistrat ne
doit pas seulement être attentif à ce qu’il entend, mais également à ce qu’il voit. Deux juges
des enfants interrogées dans le cadre de cette recherche indiquent avec force qu’un travail
supplémentaire leur serait nécessaire et suggèrent que les juges soient sensibilisés au recueil
de la parole de l’enfant dans le respect du contradictoire.
Il semble que la meilleure manière d’enrayer la situation conflictuelle entre l’enfant et ses
parents est d’intégrer ces derniers aux démarches effectuées par le juge avec l’enfant. Le juge
pourrait par exemple convoquer les parents quelques semaines après avoir entendu l’enfant,
afin d’expliciter ce qu’il a retenu de cette audition et intégrer pleinement les parents à cette
démarche. Cependant, si le cadre est plus souple en matière d’affaires familiales, la procédure
devant le juge des enfants se prête plus difficilement à ce type de travail.
Une difficulté réside également dans la retranscription de la parole de l’enfant : il peut se
trouver en situation de danger si ses propos sont retranscrits puis lus par ses représentants
463
F. HAGEMANN, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
464
Cass. civ. 1ère, 19 sept. 2007, n° 06-18.379 : D., 2007 AJ 2541 ; AJ famille 2007 432 obs. J.-B. THIERRY, RTD civ.
2008 100, obs. J. HAUSER ; Dr. Fam. 2007, Comm. n° 192, obs. P. MURAT.
465
« Résidence alternée - justice sociale et droits de l’enfant », inédit, op. cit., M. SCATTAREGGIA, lors d’une
table ronde relative aux « Droits de l’enfant et résidence alternée dans les lois et pratiques. Coup de projecteur
sur le cas français », la directrice de l’association Thémis s’est exprimée sur le cas de l’Alsace et des pratiques
des juges aux affaires familiales.
168
légaux. La retranscription de sa parole est un élément essentiel de la procédure et de la
préservation de son intérêt. La question est donc de savoir ce que le juge peut retranscrire.
C’est là que l’article 1187 alinéa 4 du Code de procédure civile, qui permet au juge des
enfants d’exclure une pièce du dossier prend tout son sens, bien que cela puisse engendrer une
altération du respect du contradictoire. Les principes de procédure s’adaptent à l’impératif de
protection de l’enfant.
Tenu au contradictoire, le juge aux affaires familiales semble disposer d’une marge de
manœuvre plus étendue que le juge des enfants, car il est plus libre de ce qu’il retranscrit et de
la manière de procéder. Les juges doivent envisager les situations au cas par cas, ce qui
continuera à mettre les professionnels en difficulté. C’est également la spécificité du recueil
de la parole de l’enfant et de sa retranscription, qui, même si elle engendre des difficultés,
rend la démarche plus riche.
169
Conclusion du chapitre
170
171
172
Chapitre 2 - L’adaptation au contentieux relatif à
l’enfant
260. La procédure pénale a été adaptée au mineur délinquant. Son âge et sa fragilité sont en
effet susceptibles de provoquer des difficultés de compréhension pour l’exercice des droits de
la défense. L’exclusion de la publicité des débats a ainsi été érigée en principe du droit
processuel par l’article 1 alinéa 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 et l’article L. 12-3 du
Code de la justice pénale des mineurs prévoit la publicité restreinte des audiences des
juridictions statuant à l’égard des mineurs, sauf disposition contraire précisée dans le code.
Cette disposition favorise son accompagnement par ses représentants légaux et renforce les
466
V. pour une description des juridictions pour mineurs S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, op.
cit., p. 157 et s. ; P. KOLB, Droit pénal général, Gualino, 2016-2017, pp. 285 et 327 ; Y. MAYAUD, Droit pénal
général, Droit fondamental, Paris, 2018, pp. 381 et 540 ; P. CANIN, Droit pénal général, Hachette supérieur,
2018, pp. 76 et 138 ; J. LARGUIER, P. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, op. cit., pp. 41 et
171.
173
droits de la défense pour faciliter leur exercice467.
261. La mise en examen peut être définie comme la « notification officielle des faits
reprochés au mineur »468. Elle est notifiée à l’intéressé par le juge des enfants ou par le juge
d’instruction. Il est nécessaire que le contradictoire s’exerce lors de la mise en examen, acte
ponctuel, pour continuer à s’appliquer lors de la phase pré-sentencielle. Cette étape est
primordiale et le contradictoire doit s’y exercer pleinement.
262. L’application du principe du contradictoire au stade de la mise en examen n’a pas été
toujours établie de manière claire : cette application, qui relevait des pratiques, n’a été inscrite
dans les textes que progressivement. Le moment de la mise en examen est une étape
467
A. GOUTTENOIRE, « Les principes du droit processuel relatif au mineur délinquant », AJ pénal, févr. 2005, p.
51.
468
Définition donnée oralement par une juge des enfants du TGI du ressort étudié, afin de rendre plus
accessible cette étape complexe ; auparavant nommée inculpation, elle a changé d’appellation par la loi n° 93-2
du 4 janvier 1993 réformant la procédure pénale, cette expression étant plus respectueuse de la présomption
d’innocence, il est nécessaire d’apporter cette précision car des professionnels de la Protection judiciaire de la
jeunesse s’expriment encore en parlant d’inculpation.
174
nécessaire pour expliquer au mineur et à ses représentants légaux le déroulement de la
procédure et l’exercice des droits de la défense. Le respect du contradictoire nécessite une
certaine pédagogie pour expliquer la teneur de la procédure au mineur. La prise de conscience
de la responsabilité lors de la mise en examen peut permettre au mineur un début de
resocialisation, s’appuyant ainsi sur une pédagogie de la responsabilité469. En dépit de la prise
en compte de l’éducatif et d’un assouplissement progressif de la procédure, la nécessité d’une
information préalable est affirmé avec plus de force que chez les majeurs470. La mise en
examen, point de départ d’une réflexion et de la compréhension de la procédure, est donc le
début d’une certaine pédagogie de la responsabilité. Le Code de la justice pénale des mineurs
prévoit cependant la suppression de la mise en examen telle qu’on l’a connue jusque-là.
Quelle place aura alors l’information du mineur et de ses représentants légaux sur les
démarches à accomplir durant la procédure ?
263. La manière dont la mise en examen intervient et son déroulement sont nécessaires pour
l’application du contradictoire et ont fait l’objet de modifications au gré des évolutions
législatives.
Le droit pénal des mineurs a suscité un regain d’intérêt à partir des années 2000 471.
Marquée par les évolutions internationales et européennes sur le statut de l’enfant, la France a
tenté de se doter d’un outil législatif moderne le plus performant possible472. La mise en
œuvre d’un Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 a amélioré la prise en compte du
mineur auteur, tandis que la situation du mineur victime était encore régie par l’ordonnance
du 2 février 1945473. Cette donnée montre une divergence entre la prise en compte du mineur
victime et du mineur auteur par le droit pénal, ce qui se manifeste également concernant
l’exercice du contradictoire. Le mineur victime a ainsi été pris en compte au regard des
atteintes dont il fait l’objet et de sa situation personnelle474. Les violences commises à son
encontre ont également retenu l’attention du législateur475, ce qui a généré une procédure
469
C. LAZERGES, « De l’irresponsabilité à la responsabilité pénale des mineurs délinquants ou relecture des
articles 1 et 2 de l’Ordonnance du 2 février 1945. A l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Ordonnance
du 2 février 1945 », RSC, 1995, n° 1, p. 150.
470
J.-F. RENUCCI, « Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir », op. cit., p. 89.
471
Ibid., p. 79 et s.
472
Ibid., p. 81.
473
Ibid., p. 81.
474
J.-F. RENUCCI, « Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir », D., 2000, pp. 82-84 ; L. n° 94-653
du 29 juill. 1994 relative au respect du corps humain vise la situation familiale du mineur.
475
Ibid., p. 84.
175
particulière notamment concernant le droit à un avocat. Le mineur auteur a été considéré au
regard des besoins éducatifs dont il fait l’objet, mais aussi au vu de la sanction qui se révèle
indispensable476. Dans ce cadre pénal, ce sont les droits de la défense et un contradictoire plus
formel qui s’appliquent.
264. Ces orientations ont été confirmées par un Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998
qui, arrêtant les orientations du Plan gouvernemental de lutte contre la délinquance des
mineurs, préconisait la responsabilisation des mineurs sans pour autant négliger la protection
de l’enfance477. La reconnaissance de la responsabilité du mineur ne s’opposerait pas alors à
sa protection. Au contraire, la responsabilisation du mineur engendrerait une réflexion
favorable à la « désistance »478 et à la réinsertion. Cette démarche de responsabilisation du
mineur peut être entreprise par le biais de la réalisation du contradictoire, qui peut aider le
mineur à comprendre la procédure et à s’orienter vers des choix de vie positifs. Elle peut être
évoquée lors de la mise en examen, lorsque le magistrat notifie officiellement les faits
reprochés au mineur. La loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d’innocence a apporté
un certain nombre de modifications notables dans la procédure concernant le mineur auteur
d’infractions479. Elle a modifié quatre articles de l’ordonnance du 2 février 1945 et en ajoute
un au texte original. Le mineur est désormais informé quant à la nature de l’infraction dès son
placement en garde à vue, ce qui garantit un respect renforcé du principe du contradictoire au
niveau de la mise en examen, étape durant laquelle l’application du contradictoire se
poursuivra.
Après les lois Perben I et II, le mouvement de responsabilisation des mineurs délinquants
n’a pas remis en question le principe de la primauté de l’éducatif ni l’originalité du droit pénal
de fond qui leur est applicable480. Un rééquilibrage a eu lieu : plus fondamentalement,
l’autonomie substantielle du droit pénal des mineurs se prolonge par une autonomie
processuelle481. Peut-être peut-on donc en déduire que l’application du contradictoire
476
Ibid., p. 88.
477
Ibid., p. 90.
478
La désistance est le processus qui engendre l’arrêt ou la sortie de la délinquance et l’étude des causes de ce
processus.
479
L. n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes, in E. TAMION, « La loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence et le mineur auteur
d’infraction », LPA, juill. 2001, n° 140, p. 15 et s. ; F. ARCHER, « La réforme du droit des mineurs délinquants »,
Dr. pén., déc. 2011, n° 24, p. 9.
480
P. BONFILS, « Le droit pénal substantiel des mineurs, in dossier les mineurs délinquants », AJ pénal, févr.
2005, n° 2, p. 48.
481
Ibid., p. 48.
176
s’effectue de manière autonome et spécifique devant le juge des enfants. Cette répartition du
contradictoire dans l’ordonnance du 2 février 1945 montre que ce texte adapte son application
au contentieux relatif à l’enfant.
265. La mise en examen est la première étape à laquelle le mineur est convoqué, en présence
de ses représentants légaux, dans un double objectif : le juge des enfants ou le juge
d’instruction informe le mineur de manière officielle des faits qui lui sont reprochés ; ce
temps est le point de départ des mesures pré-sentencielles qui vont ponctuer le parcours du
mineur. A ce titre, l’audience se limite à une notification officielle et ne donne pas lieu à un
débat. Le juge des enfants doit souvent rappeler ce point aux mineurs, qui profitent de ce
temps devant le magistrat instructeur pour se justifier, la présence de l’avocat induisant pour
eux un droit de se défendre sur le fond. Or, la défense à proprement parler intervient le jour du
jugement.
Le contradictoire continue de s’exprimer lorsque le juge informe le mineur et ses
représentants légaux des droits dont ils disposent. Au stade de la mise en examen, le principe
du contradictoire consiste donc surtout en l’information du mineur et de ses représentants
légaux à propos leurs droits et l’évolution de la procédure.
266. Il est primordial que le contradictoire soit mis en œuvre lors de la mise en examen. Ce
moment ponctuel permet au juge d’informer le mineur des faits qui lui sont reprochés, de
l’évolution possible de la procédure, et de ses droits à bénéficier d’une assistance. On peut
dire que lors de ce moment, le juge se positionne comme garant du contradictoire pour
l’intégralité de la procédure. Ces démarches permettent au mineur de se projeter dans son
parcours judiciaire.
267. Le contradictoire s’applique lors de l’ouverture d’une instruction482 puisque le juge des
482
E. DREYER et O. MOUYSSET, Procédure pénale, 2019, p. 220 ; G. ROUSSEL, Procédure pénale, Vuibert, 2019
2018, pp. 104 et 124 ; C. RENAULT-BRAHINSKY, Procédure pénale, op. cit., p. 221 et s. ; J. PRADEL, Procédure
pénale, op. cit., p. 846 et s.
177
enfants ou le juge d’instruction met en place les démarches d’information, de convocation et
d’audition. Si le suspect est informé de la nature de l’infraction qui lui est reprochée et de ses
droits durant l’enquête, il n’est pas avisé de la nature des preuves recueillies contre lui, ce qui
conduit Monsieur Roussel à affirmer que le contradictoire est « quasiment absent de la phase
d’enquête »483. Mais cette affirmation doit être nuancée car le contradictoire apparaît de plus
en plus, notamment grâce à une communication accrue des éléments du dossier et à
l’expression de nouveaux droits reconnus aux parties tels le dépôt de requêtes en
annulation484.
268. La fonction d’information remonte aux origines mêmes de la justice des mineurs, entre
1890 et 1900. Certains juges rendirent l’instruction obligatoire pour les mineurs, bannissant
ainsi procédure de flagrant délit et voie de citation directe à leur égard. Leurs efforts, relayés
par le Comité de défense des enfants traduits en justice, furent couronnés de succès485.
269. Par leur information et leur convocation durant la phase d’instruction, la place des
représentants légaux a été renforcée par le Code de la justice pénale des mineurs, qui y
consacre le chapitre 1 du titre III. L’article L. 431-1 prévoit ainsi que « le juge d’instruction
avise les représentants légaux du mineur et la personne ou le service auquel le mineur est
confié des poursuites dont celui-ci fait l'objet. L’avis mentionné à l’alinéa précédent est fait
verbalement avec émargement au dossier ou par lettre recommandée. Il mentionne les faits
reprochés au mineur et leur qualification juridique. Il précise également qu'à défaut de choix
d'un avocat par le mineur ou ses représentants légaux, le juge d'instruction fera désigner un
avocat d'office par le bâtonnier ». L’article L. 431-2 dispose que « quel que soit l’objet de la
convocation du mineur par le juge d’instruction, ses représentants légaux et la personne ou le
service auquel il est confié sont convoqués simultanément pour être entendus par le juge dans
les conditions prévues à l’article L. 310-1 ».
270. Le mineur est poursuivi devant le magistrat selon des modalités simples et selon des
modes de poursuites accélérées. Les modes de poursuite simples permettent de laisser la place
à l’évolution du mineur lors de la phase pré-sentencielle qui est plus longue, tandis que les
modes de poursuites accélérées permettront un jugement plus rapide en raison de la
483
G. ROUSSEL, Procédure pénale, op. cit., p. 84.
484
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, op. cit., p. 1006.
178
particulière gravité des faits reprochés ou de la nécessité de juger le mineur rapidement au vu
de l’enquête. Nous ne traiterons donc ici que des modes de poursuites qui engendrent une
instruction. Les modes de poursuites simples concernés sont la requête simple, la convocation
par officier de police judiciaire aux fins de mise en examen et la requête avec présentation du
mineur par déferrement. Il est à noter que les modes de poursuite vont être modifiées par le
Code de la justice pénale des mineurs, ayant pour objectif l’accélération du jugement sur la
culpabilité. Il convient de se demander si le rythme de poursuite du mineur délinquant
perturbe le bon déroulement du contradictoire.
271. Les modes de poursuites simples permettront au mineur d’évoluer durant la phase pré-
sentencielle.
La requête simple est prévue par l’article 5 alinéa 2 de l’ordonnance du 2 février 1945.
C’est un document qui comprend l’identité du mineur et les faits reprochés. Le document
saisit le juge des enfants et fixe une date de convocation pour interroger le mineur.
La convocation par officier de police judiciaire aux fins de mise en examen provient de
l’officier de police judiciaire pour donner suite à une injonction du procureur de la
République, qui a décidé que l’enquête était suffisamment étayée pour mettre le mineur en
examen, selon les articles 5 alinéa 3 et 8-1 de l’ordonnance du 2 février 1945. A l’issue du
dernier interrogatoire, l’officier de police judiciaire remet alors la convocation au mineur en
mains propres.
La requête avec présentation du mineur par déferrement est une procédure durant laquelle
le procureur de la République ordonne aux enquêteurs d’amener le mineur pour être entendu
immédiatement par le juge des enfants. Il s’agit d’une procédure rapide, mais avec une
instruction préalable.
Lors de ces différents modes de poursuite, le contradictoire s’applique en amont de la mise
en examen, par l’information du mineur sur ses droits et sur l’évolution de la procédure, et par
sa convocation.
272. A ce stade, le contradictoire est mis en place à travers les diverses démarches
procédurales effectuées lors de l’ouverture de l’instruction : information des parties sur leurs
droits et convocations.
485
J.-P. JURMAND, « Justice des mineurs et investigation, un siècle d’histoire 1890-1990 », op. cit., p. 80.
179
Lors de la mise en examen et de l’ouverture d’une instruction, le juge peut prononcer des
mesures pré-sentencielles. A ce moment, le contradictoire continue de s’exercer.
273. Le juge peut prononcer des mesures éducatives ou probatoire (contrôle judiciaire) qui
permettent d’accorder au mineur le temps d’évoluer jusqu’au jugement, dans l’esprit de
l’ordonnance du 2 février 1945. Le contradictoire s’applique également lors de cette période
qui va durer plusieurs mois, voire plusieurs années486. Au tribunal, il s’applique par des
convocations en vue d’auditions éventuelles ; hors du tribunal et dans l’attente des échéances
judiciaires, le service chargé de l’exécution de la mesure, souvent la Protection judiciaire de la
jeunesse, pourra réexpliquer au mineur de manière régulière son rôle dans la procédure. La loi
du 15 juin 2000 relative à la présomption d’innocence a réaffirmé le principe obligatoire de
l’instruction pour les mineurs délinquants487 et a insisté sur le caractère essentiel des mesures
pré-sentencielles.
486
Il est préférable que la période pré-sentencielle, qui précède le jugement, ne dure pas plus de quelques
mois. En effet, l’attente du jugement est anxiogène pour les mineurs et les familles et il est nécessaire de ne
pas trop s’éloigner de la mise en examen afin qu’ils puissent être encore concentrés sur les explications du juge
dont ils ont bénéficié.
487
L. n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes.
488
C. DAOUD et B. DE VAREILLES-SOMMIERES, « Droit pénal des mineurs : saisine directe, nouvelle « PIM » et
césure du procès, in Dossier la justice des mineurs », AJ pénal, 2012, p. 324., p. 324.
489
J.-F. RENUCCI, « Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir », op. cit., p. 89.
490
Ibid., p. 89.
491
C. LAZERGES, « De l’irresponsabilité à la responsabilité pénale des mineurs délinquants ou relecture des
articles 1 et 2 de l’Ordonnance du 2 février 1945. A l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Ordonnance
du 2 février 1945 », op. cit., p. 150.
180
devoirs. Il est primordial que cette période soit suffisante pour permettre au mineur de
comprendre la procédure sans en perdre de vue les objectifs. C’est lors de cette période que le
contradictoire joue son rôle auprès du mineur et de ses représentants légaux, en leur
permettant d’être informés de la manière de l’organiser, de déposer des pièces au dossier et
d’y avoir accès.
Afin de lui permettre d’évoluer jusqu’à son jugement, le juge dispose de mesures aux
objectifs variés, répertoriées dans le référentiel des missions de protection et d’éducation, créé
en 2005 pour réunir dans un socle commun les textes et mesures applicables aux mineurs
délinquants. A ce stade de la procédure, il dispose de mesures éducatives et probatoires.
L’article L. 311-1 du Code de l’action sociale et des familles répertorie les missions d’intérêt
général et d’utilité sociale dans lesquelles s’inscrit l’action sociale et médico-sociale.
Certaines de ces mesures sont plus propices à l’application du contradictoire. Sans
assimiler cette démarche à une sanction, il est nécessaire que le mineur rencontre
régulièrement le juge pour que le contradictoire s’applique avec force492. C’est en cela qu’il
est adapté au contentieux relatif à l’enfant.
275. Ainsi, l’application du principe du contradictoire est le plus notable dans des mesures
telles que la mesure judiciaire d’investigation éducative (même si l’application du
contradictoire se remarque plus tard comme décrit ci-dessous), les mesures restauratives
(réparation pénale), les mesures probatoires, donc contraignantes (contrôle judiciaire) et les
mesures mobilisant le parcours d’insertion (mesure d’activité de jour).
Ainsi, la liberté surveillée préjudicielle s’avère être un cadre global mais insuffisant pour
l’application du contradictoire (1), tandis que les meures dites à objectifs représentent un
cadre plus précis (2).
276. Le juge des enfants peut prononcer une mesure de liberté surveillée préjudicielle qui
consiste en un suivi global. En dépit de l’accompagnement constant du mineur jusqu’au
181
jugement que permet cette mesure, elle permet insuffisamment l’application du contradictoire.
L’ordonnance du 2 février 1945 évoque cette mesure à plusieurs endroits : les articles 8, 8-1 et
10. Celle-ci s‘articule autour d’une double dimension : la surveillance et l’intervention
éducative. A titre provisoire, elle permet, à partir de l’acte de délinquance, d’engager une
action éducative dont la portée, sur l’évolution du mineur, est prise en compte lors du
jugement. A ce stade de la procédure, la mesure est prononcée par le juge des enfants en
chambre du conseil. Sa durée est fixée jusqu’au jugement et ne peut dépasser la majorité.
Durant son exercice, elle fait rarement l’objet de convocations par le magistrat et ne permet
pas suffisamment l’application du contradictoire. Dans ses articles L. 323-1 et suivants, le
Code de la justice pénale des mineurs supprime la mesure de liberté surveillée préjudicielle au
profit d’une mesure éducative judiciaire provisoire qui peut comprendre divers modules
auxquels le mineur doit se soumettre : insertion, réparation, santé, placement (article L. 112-
2). Dans cette mesure unique, le juge peut insérer tout travail à effectuer dans l’intérêt du
mineur. Par sa ressemblance avec la mesure de liberté surveillée, il est fort à parier qu’elle ne
permettra pas suffisamment l’application du contradictoire.
Au contraire, les mesures dites à objectifs s’avèrent être un cadre plus précis pour
permettre l’application du contradictoire.
277. Dans l’objectif d’avoir une connaissance plus approfondie de la personnalité du mineur
et de son environnement, le juge des enfants peut prononcer une mesure judiciaire
d’investigation éducative, prévue par les articles 5-1 et 8 de l’ordonnance du 2 février 1945,
L. 322-7 du Code de la justice pénale des mineurs. Cette mesure -également prononcée dans
les mêmes objectifs dans le cadre civil- permet au juge des enfants d’analyser les causes du
passage à l’acte délictueux et la corrélation avec l’environnement familial et/ou social dans
lequel le mineur évolue. Elle accentue la primauté de l’éducatif durant la phase
492
Le mineur peut être convoqué pour des difficultés, mais aussi pour remarquer une évolution positive de son
parcours, ce qui conduira le mineur à se projeter plus sereinement.
182
d’instruction493. A ce stade de la procédure, l’objectif de la mesure doit être particulièrement
précisé au mineur et à ses représentants légaux, cette démarche facilitant pour la suite la
compréhension de la procédure et de l’application du contradictoire. Puisqu’elle conduit le
juge des enfants à avoir une connaissance approfondie de la situation du mineur et de sa
famille, elle est intrusive. Il est donc nécessaire que le mineur et la famille aient conscience de
son importance et en comprennent les enjeux et les conséquences dès le début de la
procédure.
En réalité, considérée comme inutile, cette mesure était dans le passé rarement adoptée
pour des faits peu graves494. De la même façon, et toujours actuellement, l’examen médical au
stade de l’instruction, considéré également comme une mesure d’investigation, est délaissé.
Pourtant, l’acte de délinquance pourrait être un indicateur de la mauvaise santé du mineur 495.
Cette possibilité d’examen médical pourrait être reconsidérée et utilisée en vue de l’évolution
positive du mineur. Cette mesure consiste surtout en des questionnements relatifs à l’origine
du passage à l’acte délictueux. Durant son exercice, le mineur et ses représentants légaux
peuvent en trouver des explications. Le rapport rédigé par la Protection judiciaire de la
jeunesse figure au dossier et il est particulièrement utile pour l’application du contradictoire
que le mineur et ses représentants légaux puissent le consulter, en vue de débattre en
connaissance de cause à l’audience.
Afin d’accompagner le mineur dans son évolution, en fonction de ses besoins, le juge des
enfants peut prononcer d’autres mesures éducatives qui n’ont pas pour objet une investigation,
mais un accompagnement. Elles ne se limitent donc pas à un questionnement -démarche
passive-, mais supposent un accompagnement -démarche active-.
278. Le juge des enfants peut ainsi prononcer une mesure d’aide ou de réparation, dont
l’objectif précis est de réparer le dommage causé à la victime (réparation directe) ou à la
société (réparation indirecte). Créée dans un mouvement de justice restauratrice, elle a été
introduite dans l’ordonnance du 2 février 1945 par la loi du 4 janvier 1993 portant réforme du
Code de procédure pénale. Elle est prévue à l’article 8-1 inséré dans l’ordonnance du 2 février
1945 par la loi du 1er juillet 1996 et à l’article 12-1. Ces dispositions ont été suivies par des
493
F. TOURET-DE COUCY, « Justice pénale des mineurs : une théorie éprouvée par la pratique », AJ pénal, févr.
2005, p. 56.
494
Ibid., p. 57.
495
Ibid., p. 57.
183
textes d’application496.
La réparation est prononcée à l’égard d’un mineur auteur d’une infraction pénale, à qui il
est proposé de réaliser une activité d’aide ou de réparation au bénéfice de la victime
(réparation directe) ou dans l’intérêt de la collectivité (réparation indirecte). Les deux
modalités peuvent être réunies. Dans tous les cas, une action d’aide en faveur de la victime est
bénéfique pour la collectivité, et inversement, une action d’aide en faveur de la collectivité est
bénéfique pour la victime. Les réparations directes sont difficilement réalisables car elles
impliquent la prise en considération de la victime, démarche délicate puisque le service prend
l’auteur en charge.
En pratique, le juge des enfants explique la mesure de réparation au mineur lors de la mise
en examen et lui demande son accord. L’exécution d’une mesure de réparation est
subordonnée à la reconnaissance des faits par le mineur, à l’accord de celui-ci et de ses
représentants légaux. C’est à travers ces démarches que le contradictoire apparaît de façon
prégnante. Le procès-verbal d’accord est joint à la procédure. Confrontés au stress de la mise
en examen, il n’est pas rare que les mineurs donnent leur accord pour effectuer la mesure de
réparation, sans en avoir compris ni le sens ni la portée, mais en ayant saisi, pour la suite de la
procédure, l’importance d’accepter. Le service de la Protection judiciaire de la jeunesse se
trouve alors en difficulté pour réaliser la mesure avec le mineur, qui, réfractaire, ne reconnaît
plus les faits.
A ce stade de la procédure, l’application du principe du contradictoire prend de
l’importance : plus le juge des enfants s’assure que le mineur a compris la mesure, plus sa
mise en œuvre est facile et bénéfique. La mesure de réparation peut être prononcée en
parallèle avec une liberté surveillée préjudicielle, un contrôle judiciaire ou un placement.
279. Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, le juge des
enfants peut prescrire une mesure d’activité de jour au titre des diligences antérieures au
jugement497. L’objectif de cette mesure est d’inscrire le mineur dans un parcours d’insertion
susceptible de l’aider dans le processus de désistance. Créée à la suite de la rédaction du
496
Circ. du 11 mars 1993 relative à la mise en œuvre à l’égard des mineurs de la mesure de réparation pénale ;
circ. de politique pénale du 15 juill. 1998 ; circ. d’orientation du 24 févr. 1999 relative à la Protection judiciaire
de la jeunesse ; circ. de politique pénale du 13 déc. 2002.
497
B. BOULOC, « La prévention de la délinquance des mineurs », RSC, 2007, n° 3, p. 573 et s. ; P. BONFILS, « La
réforme de l’ordonnance de 1945 par la loi du 10 août 2007, in La loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre
la récidive », AJ pénal, sept. 2007, p. 210. ; P. BONFILS, « Les dispositions relatives au droit pénal des mineurs
délinquants dans la loi prévention de la délinquance », D., 2007, n° 15, p. 1031.
184
référentiel, elle n’y figure pas et fait l’objet de textes qui déterminent sa mise en œuvre498.
Pour les mineurs âgés d’au moins dix ans, la mesure comprend l’exécution de travaux
scolaires, un avertissement solennel, ou encore un placement pour trois mois maximum et
renouvelable une fois, sans excéder un mois pour les mineurs âgés de dix à treize ans. Le
placement s’effectue dans un établissement d’éducation permettant la mise en œuvre d’un
travail psychologique, éducatif et social en rapport avec les faits, ou pour une durée d’une
année scolaire dans un établissement doté d’un internat avec possibilité de rentrer dans la
famille le week-end et lors des vacances.
En réalité, la mesure d’activité consiste en la construction dynamique d’un parcours
d’insertion avec le mineur et ses parents. Le placement n’est encouru que si la mesure
d’activité de jour n’est pas respectée. Si l’environnement familial et social ne lui permet pas
de répondre à l’exécution de la mesure, le mineur sera intégré dans un lieu qui la rendra
possible.
L’article 16 ter de l’ordonnance du 2 février 1945 définit l’activité de jour. Elle est
exécutée auprès d’une personne morale de droit public, d’une entreprise privée, d’une
association agréée, ou au sein de la Protection judiciaire de la jeunesse. Le juge qui la
prononce en fixe la durée qui ne peut excéder douze mois, et les modalités d’exercice.
Les juges des enfants attendent des services mandatés que le mineur soit constamment en
activité dans des dispositifs adaptés. En réalité, s’il n’est pas prêt à s’insérer dans la société,
cette attente est un leurre. Il serait donc bénéfique que les juges convoquent le mineur de
manière plus régulière durant l’exécution de la mesure, afin de lui en rappeler les objectifs,
leur nécessité pour son évolution afin de lui permettre de se projeter vers le jugement.
L’application du contradictoire est par conséquent résiduelle en pratique, mais il serait
opportun de faire évoluer cette situation dans le sens d’une application plus régulière.
280. Le juge des enfants peut également prononcer des mesures probatoires, dont l’objectif
est que le mineur fasse ses preuves499. Le contrôle judiciaire a été instauré par la loi du 17
juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens. Elle est
applicable aux mineurs pour lesquels sont instaurées des dispositions particulières. Il se
498
Circ. de la DPJJ du 18 févr. 2008 relative à l’application dans les services et les établissements de la
Protection judiciaire de la jeunesse de la mesure d’activité de jour ; circ. d’orientation du 3 avr. 2012 relative à
l’action d’éducation structurée par les activités de jour dans les établissements et services du secteur public de
la Protection judiciaire de la jeunesse.
499
L. SAUVAGE, « Rôle et fonctionnement de la PJJ », AJ pénal, févr. 2005, p. 54.
185
trouve réglementé aux articles 8 et 10-2 de l’ordonnance du 2 février 1945, à l’article 33 créé
par la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, qui en
renforce le formalisme500, et aux articles L. 331-1 et suivants du Code de la justice pénale des
mineurs. Il est aménagé par des textes administratifs501. Il s’agit d’une mesure pénale
prononcée uniquement à l’égard des mineurs qui encourent une peine d’emprisonnement
correctionnel ou de réclusion criminelle. Contraignante et restrictive de libertés, elle se situe
entre la liberté et la détention provisoire. Le contrôle judiciaire est décidé à titre de mesure de
sûreté pour garantir la représentation en justice de la personne mise en examen ou pour les
nécessités de l’instruction502. Au caractère contraignant de la mesure doit être ajouté un
caractère éducatif pour aider le mineur à respecter les obligations que le service de la
Protection judiciaire de la jeunesse mettra en place.
La loi du 9 septembre 2002 permet de placer sous contrôle judiciaire les mineurs âgés de
treize à seize ans, même si un non-respect implique une incarcération503. Certains auteurs
considèrent le contrôle judiciaire comme instituant un rapport de force ou de menace, que les
juges doivent utiliser à bon escient504. La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la
délinquance en modifie sensiblement les dispositions, déjà réformées de manière importante
par la loi Perben II505.
Le régime du contrôle judiciaire, entre détention et liberté, permet au juge de garder le
mineur à disposition durant l’enquête. S’il déroge à ses obligations, le juge peut le convoquer
afin de les lui rappeler ainsi que l’évolution de la procédure, ce qui présente un intérêt pour un
respect plus efficace du contradictoire. C’est pourquoi le référentiel des mesures de la
Protection judiciaire de la jeunesse impose la rédaction de rapports tous les six mois, pour
500
F. LE GUNEHEC, « Loi d’orientation et de programmation pour la justice réformant la justice pénale des
mineurs, Loi n° 202-1138 du 9 septembre 2002 », JCP G, oct. 2002, n° 43, p. 1882 ; M. GIACOPELLI, « Les
dispositions procédurales de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 applicables aux mineurs et majeurs
délinquants », JCP G, juin 2003, n° 23, p. 1039.
501
Circ. du 24 août 1993 relative à la loi 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale ; circ.
du 20 déc. 2000 présentant les dispositions de la loi du 15 juin 2000 ; circ. du 7 nov. 2002 relative à la
présentation des dispositions portant réforme du droit pénal des mineurs et de certaines dispositions résultant
de la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice ; circ. du 28 mars 2003 sur la
mise en œuvre du programme des centres éducatifs fermés : cadre juridique, prise en charge éducative et
politique pénale.
502
E. DREYER et O. MOUYSSET, Procédure pénale, op. cit., p. 279.
503
J.-P. ROSENCZVEIG, « La loi d’orientation et de programmation sur la justice. Une promesse tenue ? Pas
évident », D., 2002, n° 30, p. 2340.
504
Ibid., p. 2340.
505
P. BONFILS, « La réforme de l’ordonnance de 1945 par la loi prévention de la délinquance, in la loi n° 2007-
297 relative à la prévention de la délinquance », AJ pénal, 2007, p. 213 ; P. BONFILS, « Les dispositions relatives
au droit pénal des mineurs délinquants dans la loi prévention de la délinquance », op. cit., pp. 1033 et 1034.
186
permettre au juge d’avoir connaissance de l’évolution de la situation.
Il appartient au juge des enfants de bien informer le mineur et ses représentants légaux sur
la nature contraignante de cette mesure, sur son contenu (les obligations que le mineur doit
respecter), ainsi que sur les conséquences en cas de non-respect des obligations. De la bonne
information du mineur dépend notamment la bonne compréhension de la mesure probatoire,
et son respect par le mineur506. La loi prévoit donc que l’instauration d’un contrôle judiciaire,
sa révocation en cas de non-respect, ou la modification des obligations en cours de procédure
font l’objet d’un débat contradictoire, en présence du parquet, du mineur et de ses
représentants légaux. Un arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2019 a rappelé les
conditions dans lesquelles l’avocat doit être présent auprès du mis en examen durant une
audience de révocation de contrôle judiciaire507. En l’espèce, la procédure était criminelle. La
chambre criminelle précise que le juge des libertés et de la détention doit convoquer l’avocat
choisi par l’accusé sans solliciter un avocat commis d’office. Cet arrêt a complété une
décision antérieure de la chambre criminelle non publiée du 8 avril 2014 (n° 14-80.741), qui
avait alors rappelé que le délai de cinq jours dans lequel l'avocat du mis en examen doit être
convoqué conformément à l'article 114 du Code de procédure pénale n'est pas applicable au
débat contradictoire précédant une révocation de contrôle judiciaire.
281. Il est à noter que, de manière générale, le législateur a entendu en 2007 renforcer le
caractère contradictoire de la procédure pénale508. Il a répondu de manière générale aux
critiques de la Cour européenne des droits de l’homme qui invoquait que la France ne
garantissait pas un nombre suffisant de voies de recours et de demandes d'actes, ni la
recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile à la saisine préalable du ministère
public509.
Le législateur a également renforcé les droits des mineurs au cours du procès pénal. D’une
506
C’est pourquoi l’information concernant l’éventuelle orientation vers un contrôle judiciaire est expliquée au
mineur dès sa garde à vue, lorsque les réquisitions du procureur de la République en font mention.
507
Cass. crim., 13 févr. 2019, n° 18-86.559 : D. 2019. 385 ; AJ pénal 2019. 215. Note D. MIRANDA ; RSC 2019.
426. Note F. CORDIER.
508
L. n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, in B. BOULOC, « Le
renforcement du caractère contradictoire de la procédure pénale », RSC, sept. 2007, n° 3, p. 573 et s. ; H.
MATSOPOULOU, « Renforcement du caractère contradictoire, célérité de la procédure pénale et justice des
mineurs, commentaire de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure
pénale », op. cit., p. 6 et s.
509
H. MATSOPOULOU, « Renforcement du caractère contradictoire, célérité de la procédure pénale et justice
des mineurs, commentaire de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure
pénale », op. cit., p. 6 et s.
187
part, la loi prévoit l’assistance obligatoire des mineurs victimes de certaines infractions par un
avocat, insérant un article 706-51-1 dans le Code de procédure pénale. L’article 706-47 du
même code mentionne les infractions concernées. D’autre part, la loi prévoit également de
renforcer l’enregistrement audiovisuel obligatoire de leurs auditions. L’article 706-52 du
Code de procédure pénale vise à généraliser ce procédé, supprimant l’obligation d’obtenir le
consentement préalable des mineurs victimes ou de leur représentant légal510. Pourtant, en
veillant à assurer ces garanties, le dispositif peut ne pas répondre à l’objectif de célérité du
procès pénal. Au stade des mesures pré-sentencielles, le contradictoire s’exprime surtout par
le fait que le mineur et ses représentants légaux soient informés et convoqués lors des étapes
de la procédure.
282. La période pré-sentencielle est souvent source d’angoisses pour les familles et les
mineurs. Aussi est-il important que le principe du contradictoire soit particulièrement respecté
à ce stade. Les garanties et les droits dont bénéficient les usagers renforcent le sentiment de
sécurité qu’ils vont ressentir lors de cette phase. Le rôle du contradictoire est donc surtout de
clarifier et d’assurer les garanties essentielles en vue du jugement.
§2 - Au stade du jugement
510
Ibid., p. 10.
188
disposé à comprendre la décision, en vue de se diriger vers la phase post-sentencielle.
Le Code de justice pénale des mineurs prévoit l’accélération du jugement des mineurs en
prévoyant le jugement sur la culpabilité après un délai de dix jours à trois mois à l’issue de
l’enquête511. On peut se demander comment le contradictoire s’appliquera alors si
l’instruction est supprimée, si la mise en examen, nécessaire pour l’information des
représentants légaux et du mineurs n’existe plus en tant que telle et si la période pré-
sentencielle, nécessaire pour la constitution du dossier et la construction des arguments de
chacun, est écourtée.
284. Le jugement des mineurs se décline de deux manières : à juge unique en cabinet devant
le juge des enfants ou en formation collégiale au tribunal pour enfants, composé du juge des
enfants assisté de deux assesseurs512. Le choix du cadre s’effectue par le juge en fonction de
deux critères : la gravité des faits reprochés et la peine encourue. Cette possibilité de choix
dans l’orientation de la procédure découle de la logique éducative de la justice des mineurs513.
285. Les enjeux de la défense du mineur délinquant sont plus conséquents et plus présents
devant le tribunal pour enfants. L'article 13 chapitre 3 de l'ordonnance du 2 février 1945
dispose que « le tribunal pour enfants statuera après avoir entendu l'enfant, les témoins, les
parents, le tuteur ou le gardien, le ministère public et le défenseur ». Il peut entendre les co-
auteurs ou complices majeurs à titre de renseignements. Madame Benec’h Le-Roux précise
qu’« à l'inverse de ce qu'il se passe dans le cabinet du juge pour enfants, le tour des paroles est
fortement cadré et orchestré par le juge »514. Le jugement se déroule en six phases dirigées par
le juge des enfants : l'instruction des faits, l'éducation et la personnalité du mineur, l'audition
de la victime et la plaidoirie de la partie civile, les réquisitions du procureur, la plaidoirie de la
défense, la décision du tribunal pour enfants. Le contradictoire, déjà mis en place et assuré
lors de la période pré-sentencielle, doit être appliqué par le juge lors de l’audience, ce qui va
fixer son application pour en faire perdurer les effets lors de la période post-sentencielle.
511
W. ROUMIER, « Instauration d’un Code de la justice pénale des mineurs », op. cit., p. 49.
512
C. RENAULT-BRAHINSKY, Procédure pénale, op. cit., p. 227 et s. ; J. PRADEL, Procédure pénale, op. cit., p. 919
et s. ; C. AMBROISE-CASTEROT et P. BONFILS, Procédure pénale, op. cit., p. 378 et s.
513
F. TOURET-DE COUCY, « Justice pénale des mineurs : une théorie éprouvée par la pratique », op. cit., p. 57.
189
dispositions concernant le jugement des mineurs délinquants515. Certaines règles du droit
pénal des majeurs, telles la procédure de comparution immédiate, sont expressément écartées
par la loi, alors que d’autres telles relatives au recours à un interprète, à l’administration de la
preuve ou au déroulement de l’audience demeurent compatibles avec le traitement judiciaire
des mineurs et la protection de l’enfance. On ne peut toutefois se contenter purement et
simplement de ces mesures516. En effet, un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme
a précisé qu’il est essentiel, afin de respecter le droit au procès équitable, de prendre en
considération un enfant accusé compte tenu « de son âge, de sa maturité et de ses capacités
sur le plan intellectuel et émotionnel, et de prendre des mesures de nature à favoriser sa
compréhension de la procédure et sa participation à celles-ci »517. Cette jurisprudence, qui
renforce l’importance du contradictoire, vient conforter la particularité de la procédure pénale
des mineurs sur le plan européen518.
287. Depuis le début des années 2000, les textes traduisent un durcissement des modes de
jugement du mineur délinquant. On peut s’interroger sur l’impact de ces dispositions sur le
respect du contradictoire. La loi du 9 septembre 2002 avait permis au parquet de saisir le
tribunal pour enfants dans un délai de huit jours pour les multirécidivistes519. Le mineur était
jugé dans un délai d’un mois. Cette mesure, préoccupante520, insistait sur le rapprochement de
la justice des mineurs avec celle des majeurs521.
Monsieur Rosenczveig espère que les magistrats ont usé de cette nouvelle disposition avec
parcimonie522. Le fait de juger un mineur dans un temps réduit peut être de nature à
l’empêcher de comprendre la procédure et ses enjeux, faisant ainsi obstacle à une bonne
application du contradictoire. La question d’un contradictoire renforcé peut se poser dans ces
514
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, PUR 2008, 2006,
p. 3 et s.
515
L. n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes ; la loi rajoute un article 24 alinéa 3 à l’ordonnance du 2 février 1945.
516
E. TAMION, « La loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence et le mineur auteur d’infraction », op.
cit., p. 21.
517
CEDH, T. c/ Royaume-Uni, 16 déc. 1999, §84, reprise dans un arrêt V. c/ Royaume-Uni du même jour, n°
24888/94, §86, in Ibid., p. 21.
518
Ibid., p. 21.
519
J.-P. ROSENCZVEIG, « La loi d’orientation et de programmation sur la justice. Une promesse tenue ? Pas
évident », op. cit., p. 2340.
520
Ibid., p. 2340.
521
J. CASTAIGNEDE, « La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 ; un nouveau regard porté sur le droit pénal des
mineurs », D., 2003, n° 12, pp. 784 et 785.
522
J.-P. ROSENCZVEIG, « La loi d’orientation et de programmation sur la justice. Une promesse tenue ? Pas
évident », op. cit., p. 2340.
190
modes de jugement.
Par ailleurs, il est opportun de s’interroger sur les répercussions du prononcé de peines
planchers adopté par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance,
réduisant le pouvoir d’individualisation de la peine par le juge et traduisant un durcissement
de la justice des mineurs. Il est également intéressant de s’interroger sur les impacts de la loi
n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des
mineurs. Ce durcissement du traitement judiciaire des mineurs a-t-il eu une répercussion sur
le contradictoire ? Cette atteinte à la liberté des juges a-t-elle été de nature à les influencer
dans l’application du contradictoire et sur la qualité du procès ? Il convient peut-être de faire
un parallèle entre le durcissement du traitement des mineurs et l’application des principes de
procédure.
523
Ce principe avait déjà été étendu par la Loi n° 96-585 du 1er juillet 1996 portant modification de
l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Le texte avait procédé à une
extension de l’ajournement aux mesures éducatives, à un assouplissement ou disparition des conditions de
l’ajournement, à un raccourcissement des délais de l’ajournement, et à une exclusion de certaines formes
d’ajournement, in F. LE GUNEHEC, « Aperçu rapide sur la loi n° 96-585 du 1er juillet 1996 relative à l’enfance
délinquante », JCP G, juill. 1996, n° 30-35 ; J. PRADEL, « Encore des aménagements à la procédure pénale
applicable aux mineurs. A propos de la loi du 10 août 2011 », JCP G, sept. 2011, n° 37, p. 1589 ; F. ARCHER, « La
réforme du droit des mineurs délinquants », Dr. pén., décembre 2011, n° 24, p. 9 ; S.-C. LIN, Les principes
directeurs du droit pénal des mineurs délinquants, op. cit., pp. 86 et 103.
524
Art. 132-58 et 132-65 du Code pénal ; C. DAOUD et B. DE VAREILLES-SOMMIERES, « Droit pénal des
mineurs : saisine directe, nouvelle « PIM » et césure du procès, in Dossier la justice des mineurs », op. cit., p.
322.
191
adaptée à son évolution après examen de sa situation525. En fonction de sa capacité de
compréhension, le mineur doit donc être informé de cette possibilité pour être préparé à un
report du prononcé de sa peine, cette information contribuant au respect de la contradiction.
Le développement de la césure du procès pénal, réabordé lors des questionnements relatifs
à la création du Code de la justice pénale des mineurs en 2018, est globalement décrit comme
étant une bonne chose. Cette possibilité ne doit toutefois pas remettre en cause « le principe
essentiel concernant les mineurs de réduire la réponse au seul acte sans tenir compte de sa
personnalité et de sa trajectoire et donc de ne pouvoir permettre de se prononcer sur la
déclaration de culpabilité lors du déferrement »526. La césure du procès apparaît de manière
encore plus claire avec le Code de la justice pénale des mineurs, qui prévoit une audience sur
la culpabilité puis une audience sur la sanction, ce qui aura une incidence non négligeable sur
l’application du contradictoire puisque la procédure est structurée différemment.
289. Depuis le début des années 2000, l’abaissement de l’âge de la délinquance juvénile,
conjugué à l’aggravation des peines encourues par des mineurs âgés de seize à dix-huit ans -et
surtout se trouvant à un âge proche de la majorité- contribue finalement à un durcissement de
la répression à leur égard527. En conformité avec ce mouvement, la politique pénale conduit à
aligner le traitement pénal des mineurs âgés de seize à dix-huit ans sur la politique pénale
applicable aux majeurs. Plus les mineurs commettent d’infractions, plus le traitement de la
délinquance est durci, ce qui est peut-être une réflexion conduite par la politique criminelle,
conduite alors à apporter une réponse plus sévère à des actes qui se multiplient.
Or, cette attitude n’apporte pas d’amélioration ni de solution à la délinquance des mineurs.
Ce durcissement de la législation entraîne aussi un recul du contradictoire car, conjuguée à la
demande de célérité de la réponse pénale, il supprime les temps de réflexion nécessaires au
mineur pour préparer sa défense. Ce durcissement contribue en outre à faire perdre au mineur
sa confiance en la justice, ce qui fait qu’il serait moins enclin à saisir le sens de la procédure
et à se diriger vers une compréhension de celle-ci, aussi expliquée soit-elle. Peut-être serait-il
opportun d’effectuer une réflexion différente afin de mieux garantir la prise en compte du
525
P. BONFILS, « La réforme du droit pénal des mineurs par la loi du 10 août 2011 », D., sept. 2011, n° 33, p.
2292.
526
F. CREUX-THOMAS, « Magistrats - « Créer un Code de justice des mineurs me semble une excellente chose
même s’il serait souhaitable qu’il concerne tout à la fois l’assistance éducative et l’enfance délinquante ». - 3
questions à Thierry Baranger, premier vice-président du tribunal de Bobigny, président du tribunal pour
enfants ... », JCP G, déc. 2018, n° 51, p. 1358.
192
contradictoire.
290. On peut penser que le contradictoire ne s’applique plus lors de la phase post-
sentencielle parce que, dans la majorité des cas, le mineur n’est plus conduit à se présenter
devant le juge des enfants, l’échéance des mesures, sanctions ou peines, ne donnant pas lieu à
une comparution. En outre, les dispositions relatives à l’accès au dossier et à la connaissance
des arguments des autres personnes impliquées ne s’appliquent plus puisque le jugement a été
rendu. Or, certaines mesures, sanctions ou peines donnent lieu à une extension de
l’application du contradictoire, pour les mêmes raisons que celles de la période pré-
sentencielle, c’est-à-dire pour continuer à expliquer au mineur régulièrement ses droits et ses
devoirs. De plus, le service de la Protection judiciaire de la jeunesse peut rappeler au mineur
ses droits et l’objectif de la procédure.
291. Le juge des enfants peut prononcer diverses mesures, sanctions et peines, selon qu’il
siège comme juge unique (cabinet ou chambre du conseil) ou en formation collégiale (tribunal
pour enfants). Certaines des mesures qu’il peut prononcer lors de la période d’instruction se
retrouvent dans la phase post-sentencielle, telles que la liberté surveillée, la mesure éducative
judiciaire, la mesure d’activité de jour et la réparation pénale.
Le principe du contradictoire est indispensable à la bonne compréhension de la décision
par le mineur et par ses représentants légaux. C’est pourquoi le déroulement du jugement
répond à des règles particulières. Ainsi, l’évolution de la procédure doit être rappelée, la
continuation de celle-ci doit être expliquée, et la mesure, sanction ou peine prononcée, doit
être explicitée, ce qui constituera la garantie d’une phase post-sentencielle acceptée par le
mineur.
Après le jugement, le contradictoire s’efface progressivement car l’échéance de la mesure,
sanction ou peine, n’est pas marquée par une audience devant le juge des enfants. C’est alors
527
P. BONFILS, « La réforme de l’ordonnance de 1945 par la loi du 10 août 2007, in La loi du 10 août 2007
renforçant la lutte contre la récidive », op. cit., p. 365.
193
au service mandaté d’appliquer le contradictoire et de rappeler au mineur et à ses
représentants légaux le sens de la mesure et de la procédure passée. S’ils perdent de vue le
sens de la sanction, leur adhésion ou leur participation au suivi judiciaire devient incertaine,
une audience est alors possible en cours de suivi post-sentenciel pour réexpliquer au mineur le
sens de la décision et du suivi qui en découle.
292. Certaines sanctions ont donc plus d’impact pour l’application du contradictoire lors de
la phase post-sentencielle, comme c’est le cas de certaines mesures éducatives prononcées
avec un objectif précis (mesure d’activité de jour), du placement dans le cadre pénal, de
certaines sanctions éducatives prononcées dans un cadre précis (réparation pénale, stage de
formation civique, notamment), des peines probatoires (emprisonnement délictuel assorti de
la mise à l’épreuve) et du travail d’intérêt général. Les aménagements de peines permettent
également une application du contradictoire plus efficace.
Nous allons étudier dans quelle mesure ces dispositions favorisent l’extension de
l’application du contradictoire après le jugement (a).
Le Code de la justice pénale des mineurs prévoit de modifier l’arsenal législatif concernant
les sanctions applicables. On peut s’interroger sur les incidences de ces dispositions sur
l’extension de l’application du contradictoire (b).
293. Le juge des enfants peut d’abord prononcer des mesures éducatives à durée variable, en
cabinet ou au sein du tribunal pour enfants528. Si l’échéance est courte, la mise en place de la
mesure est théoriquement proche du jugement. On peut donc espérer que le contradictoire
appliqué lors du jugement a encore un effet.
En revanche, si l’échéance est éloignée, le sens du procès perd de son efficacité avec le
temps et le contradictoire s’estompe. Pour le service mandaté, peu de moyens existent pour
avoir recours à l’intervention du juge des enfants en vue de recadrer le mineur. Certes, une
audience est possible, mais l’absence de caractère coercitif de la mesure éducative peut
194
affecter l’efficacité du contradictoire.
294. La mesure d’activité de jour peut être prononcée depuis la loi du 5 mars 2007 relative à
la prévention de la délinquance529. Le principe et sa mise en place sont identiques à la mesure
prononcée durant la phase d’instruction. Elle est prévue aux articles 15 et 16 ter de
l’ordonnance du 2 février 1945. Pour les mêmes raisons que dans la période pré-sentencielle,
les juges attendent que le mineur soit sans cesse en activité. En pratique, il est peu probable
qu’il soit disposé à s’insérer dans la société. Durant l’exécution de cette mesure, les juges ne
convoquent le mineur que rarement, ce qui fait perdre la notion de devoirs lui incombant.
L’absence de caractère coercitif de cette mesure renforce le mineur dans son impression que
le non-respect de l’exécution de la mesure ne lui fait encourir aucun risque.
296. Le tribunal pour enfants peut prononcer ensuite des sanctions éducatives531. Elles ont
été créées par la loi du 9 septembre 2002 et constituent une réponse intermédiaire entre la
528
V. notamment J. LARGUIER, P. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, op. cit., pp. 173 et
174.
529
B. BOULOC, « La prévention de la délinquance des mineurs », op. cit., p. 573 et s. ; P. BONFILS, « Les
dispositions relatives au droit pénal des mineurs délinquants dans la loi prévention de la délinquance », op. cit.,
p. 1031.
530
L. SAUVAGE, « Rôle et fonctionnement de la PJJ », op. cit., p. 54., p. 54.
531
Ibid., p. 54 et 55 ; P. BONFILS, « Les dispositions relatives au droit pénal des mineurs délinquants dans la loi
prévention de la délinquance », op. cit., p. 1032 ; J. CASTAIGNEDE, « La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 ;
un nouveau regard porté sur le droit pénal des mineurs », op. cit., p. 781 ; J. LARGUIER, P. CONTE et P. MAISTRE
DU CHAMBON, Droit pénal général, Dalloz, Paris, 2018, pp. 174 et 175 ; les sanctions éducatives sont variées :
confiscation d’un objet ayant servi à la commission de l’infraction ou qui en est le produit ; interdiction de
paraître, pour une durée qui ne pourrait excéder un an, dans le ou les lieux dans lesquels l’infraction a été
commise, à l’exception de ceux où réside habituellement le mineur ; interdiction, pour une durée qui ne saurait
excéder un an, de rencontrer la ou les victimes désignées par la juridiction ou d’entrer en relation avec elle(s) ;
interdiction, pour une durée qui ne saurait excéder un an, de rencontrer les co-auteurs désignés par la
juridiction ou d’entrer en relation avec eux.
195
mesure éducative et la peine, à l’égard des mineurs âgés de dix à treize ans qui, jusqu’alors,
ne pouvaient faire l’objet que de mesures éducatives532. Elles figurent à l’article 2 de
l’ordonnance du 2 février 1945 et avec l’insertion d’un article 15-1 issu du décret du 5 janvier
2004 pris pour l’application de cet article et relatif à la sanction éducative de stage de
formation civique. Elles sont mentionnées à l’article 122-8 du Code pénal et sont précisées
dans des textes administratifs533.
297. La réparation pénale est prévue aux articles 12-1 et 15-1 de l’ordonnance du 2 février
1945534. Son objectif est d’apporter une réponse judiciaire mieux adaptée aux faits commis et
à la personnalité du mineur lorsque les mesures éducatives apparaissent inappropriées, ou se
sont révélées sans effet, et que le prononcé d’une peine constituerait une sanction trop sévère.
Elles permettent également de répondre de manière plus efficiente aux actes commis par le
mineur et pour lesquels aucune peine ne peut être prononcée. Caractérisée comme une
nouvelle utopie535, elle reste néanmoins une mesure adaptée pour se centrer sur la capacité
restauratrice du mineur. Les mineurs concernés présentent des profils qui ne sont pas
forcément orientés vers un parcours récidivant ou d’incarcération, mais dans une démarche
d‘altruisme et de conscience de leur environnement536.
L’application du contradictoire est intéressante, puisque le mineur est conduit à travailler
sur l’existence de la loi pénale et sur les conséquences de sa transgression. Le service chargé
de l’exécution de la mesure peut également expliquer au mineur ses droits et ses devoirs.
298. L’obligation de suivre un stage de formation civique peut être prononcée pour une durée
qui ne peut excéder un mois. Cette sanction est un cas particulier et consiste en une activité de
formation portant sur les fondements de l’organisation sociale et les devoirs qu’impose la vie
en société. Il se distingue du stage de citoyenneté proposé par le parquet comme alternative
aux poursuites, ou par le tribunal pour enfants comme peine ou obligation d’un sursis avec
532
F. LE GUNEHEC, « Loi d’orientation et de programmation pour la justice réformant la justice pénale des
mineurs, Loi n° 202-1138 du 9 septembre 2002 », op. cit., p. 1882.
533
Circ. du 7 nov. 2002 de la Direction des affaires criminelles et des grâces : présentation des dispositions
portant réforme du droit pénal des mineurs et certaines dispositions de droit pénal spécial résultant de la loi
d’orientation et de programmation de la justice du 9 septembre 2002 ; circ. conjointe de la Direction de la
Protection judiciaire de la jeunesse et de la Direction des affaires criminelles et des grâces du 28 septembre
2004 relative à la mise en œuvre de la sanction éducative de stage de formation civique.
534
L. SAUVAGE, « Rôle et fonctionnement de la PJJ », op. cit., p. 54.
535
C. DAOUD et B. DE VAREILLES-SOMMIERES, « Droit pénal des mineurs : saisine directe, nouvelle « PIM » et
césure du procès, in Dossier la justice des mineurs », op. cit., p. 325.
536
Ibid., p. 325.
196
mise à l’épreuve. La nature de cette mesure, qui se fonde sur des objectifs d’apprentissage et
de vie en société, peut permettre de rappeler le principe du contradictoire. L’existence du
groupe est susceptible d’en accentuer les effets positifs.
299. Quatre nouvelles sanctions éducatives ont été créées par la loi du 5 mars 2007 relative à
la prévention de la délinquance, et sont prévues aux articles 15-1 alinéa 7 à 10 de
l’ordonnance du 2 février 1945. Il s’agit du placement, pour un mois maximum, dans une
institution ou un établissement public ou privé d’éducation permettant la mise en œuvre d’un
travail psychologique, éducatif ou social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu
de résidence habituel ; de l’exécution de travaux scolaires ; et du placement dans un
établissement scolaire doté d’un internat pour une durée correspondant à une année scolaire,
avec autorisation pour le mineur de rentrer dans sa famille lors des fins de semaines et des
vacances537. Ces sanctions éducatives, axées sur l’hébergement et la réinsertion du mineur,
permettent d’introduire la notion de contradictoire.
300. Le tribunal pour enfants peut prononcer des peines538. La loi du 9 septembre 2002 a
permis également le prononcé de peines à l’égard des mineurs âgés de plus de treize ans. Le
caractère coercitif permet au juge de garder un certain contrôle sur le mineur, et, en cas de
manquements à ses obligations, de les lui rappeler lors d’audiences en même temps que ses
droits et ses devoirs. Ce type de sanction garantit donc une existence du contradictoire plus
pérenne au stade post-sentenciel.
301. Une peine d’emprisonnement peut être prononcée à l’égard du mineur. Dans ce cas, la
décision est assortie de l’exécution provisoire et le mineur est incarcéré à l’issue du
jugement ; ou elle n’est pas assortie de l’exécution provisoire, auquel cas le mineur doit
purger sa peine ultérieurement et est dans tous les cas convoqué devant le juge des enfants
dans ses fonctions de juge d’application des peines, en vue d’un aménagement ; le mineur est
condamné à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis simple qui s’étend sur une durée
de cinq ans ; ou encore le mineur se voit condamné à une peine d’emprisonnement délictuel
537
P. BONFILS, « La réforme de l’ordonnance de 1945 par la loi prévention de la délinquance, in la loi n° 2007-
297 relative à la prévention de la délinquance », op. cit., p. 211.
538
L. SAUVAGE, « Rôle et fonctionnement de la PJJ », op. cit., p. 54.
197
assortie de la mise à l’épreuve, pour une durée ne pouvant être inférieure à douze mois 539 ni
inférieure à trois ans. Cette dernière disposition retiendra notre attention parce que cette
modalité d’exécution de la peine donne lieu à un suivi éducatif par un service mandaté et
l’application du contradictoire y est intéressante. Cette peine, introduite dans le Code pénal
aux articles 132-41 à 132-53 par la loi du 17 juillet 1970, tend à renforcer la garantie des
droits individuels des citoyens. Ses modalités procédurales sont décrites par les articles 738 à
747 du Code de procédure pénale. Le sursis avec mise à l’épreuve, applicable aux mineurs
sous le même régime que pour les majeurs, est mentionné dans l’ordonnance du 2 février
1945 aux articles 20-10 et 33 depuis la loi du 9 septembre 2002. Elle a conduit à un
durcissement de la législation applicable au mineur délinquant et permet de combiner la mise
à l’épreuve avec une mesure de placement ou une liberté surveillée, en transférant au juge des
enfants la possibilité de révoquer le sursis540. Des textes administratifs prévoient les modalités
d’application541.
Finalement, ces mesures de contrôle, aussi négatives qu’elles paraissent, permettent au
mineur de se trouver dans un cadre éducatif en vue d’une amélioration de son parcours et de
sa situation. Le cadre judiciaire contraint permet que le juge reste en lien avec le mineur en
cas de manquement à ses obligations et puisse lui rappeler ses droits et ses devoirs lors d’une
audience contradictoire, le parquet devant être systématiquement présent lors de ces
audiences. Le contradictoire continue donc à s’appliquer lors de ces audiences.
302. Le stage de citoyenneté est une peine que le tribunal pour enfants peut prononcer. Il
s’agit d’une période de réflexion de trois jours qui conduit le mineur à se retrouver en groupe
avec d’autres mineurs, afin de réaliser une réflexion dans sa globalité. Certains auteurs la
caractérisent comme une réponse citoyenne542. La réflexion aiderait les mineurs à croire en
leur capacité à reconsidérer leur environnement543. En vigueur depuis le 1er octobre 2004 et
créé par la loi du 9 mars 2004, le stage de citoyenneté a été rendu applicable aux mineurs âgés
539
Le délai d’épreuve ne pouvait être inférieur à dix-huit mois jusqu’au 30 décembre 2006, et à douze mois à
partir de cette date, en raison de la mise en application de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice
aux évolutions de la criminalité.
540
F. LE GUNEHEC, « Loi d’orientation et de programmation pour la justice réformant la justice pénale des
mineurs, Loi n° 202-1138 du 9 septembre 2002 », op. cit., p. 1883.
541
Circ. du 7 nov. 2002 présentant les dispositions portant réforme du droit pénal des mineurs et de certaines
dispositions du droit pénal spécial résultant de la loi du 9 septembre 2002 ; circ. du 28 mars 2003 relative à la
mise en œuvre du programme des centres éducatifs fermés.
542
C. DAOUD et B. DE VAREILLES-SOMMIERES, « Droit pénal des mineurs : saisine directe, nouvelle « PIM » et
césure du procès, in Dossier la justice des mineurs », op. cit., p. 324.
543
Ibid., p. 324.
198
de treize à dix-huit ans par l’introduction d’un article 20-4-1 dans l’ordonnance du 2 février
1945544. Il ne doit pas être confondu avec le stage de citoyenneté proposé par le parquet dans
le cadre de l’alternative aux poursuites pénales, ni avec la sanction éducative de stage de
formation civique. Dans le cadre qui nous concerne, il peut être prononcé comme alternative à
l’emprisonnement ou au titre d’une obligation de mise à l’épreuve. Ce projet doit être validé
par le parquet et ne peut être mis en œuvre que par le secteur public de la Protection judiciaire
de la jeunesse. Le non-respect de cette peine peut entraîner l’incarcération du mineur, pour
une période d’un ou deux mois, selon ce qui est fixé par la juridiction de jugement. Cette
peine conduit notamment le mineur à se pencher sur l’exécution de la procédure et peut
engendrer une continuité de l’application du contradictoire.
544
Le stage de citoyenneté applicable aux majeurs figure à l’article 131-5-1 du Code pénal.
545
Circ. du 11 mai 1984 relative à l’application de la peine d’intérêt général aux mineurs ; décr. du 22 nov. 1976
modifié par le décr. du 22 mars 1993 relatif à la mise sous protection judiciaire et au travail d’intérêt général
prononcé par les juridictions des mineurs.
546
F. LE GUNEHEC, « Loi d’orientation et de programmation pour la justice réformant la justice pénale des
mineurs, Loi n° 202-1138 du 9 septembre 2002 », op. cit., p. 1882.
199
positionner sur la suite à donner à la procédure. La recherche de l’adhésion du mineur à cette
peine et sa convocation en cas de difficulté d’exécution sont de nature à renforcer le caractère
contradictoire de la procédure post-sentencielle.
Les peines prononcées à l’égard des mineurs peuvent être aménagées selon des
dispositions spécifiques, surtout lorsqu’il s’agit de peines d’emprisonnement délictuel ou de
réclusion criminelle prononcées sans exécution provisoire, c’est-à-dire sans que
l’incarcération n’intervienne immédiatement à l’issue du jugement. La loi du 15 juin 2000
relative à la présomption d’innocence précise certaines dispositions concernant l’application
des peines. Un véritable mouvement de judiciarisation des décisions du juge de l’application
des peines est envisagé. Le débat contradictoire est renforcé, l’assistance de l’avocat est
précisée, les modalités relatives à la motivation de la peine et à l’appel sont modifiées547.
Conformément aux règles relatives à l’application des peines des mineurs condamnés, le juge
peut prononcer un placement extérieur, une semi-liberté, un fractionnement ou une suspension
de peine ou une libération conditionnelle. La loi du 9 septembre 2002 a rétabli l’importance
du juge des enfants dans le domaine de la détention des mineurs, puisqu’il devient juge de
l’application des peines548. La loi instaure en outre des mécanismes tels que les mineurs
encourent un risque accru d’incarcération549. La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de
la délinquance modifie les modalités du placement extérieur qui peut désormais s’exercer à
partir d’un centre éducatif fermé, selon l’article 33 modifié de l’ordonnance du 2 février
1945550.
Le mineur et ses représentants légaux étant convoqués en audience devant le juge pour
aménager la peine, cette étape constitue un moment nécessaire pour rappeler leurs droits, le
contradictoire est alors pleinement applicable. L’article L. 612-1 du Code de la justice pénale
des mineurs prévoit que « lorsque le condamné est mineur, il doit être assisté d'un avocat au
cours des débats contradictoires prévus par les articles 712-6 et 712-7 du Code de procédure
pénale. Il en est de même lorsque, en acceptant un aménagement de l'exécution de sa peine, le
mineur est susceptible de renoncer à la tenue de ce débat conformément aux dispositions du
547
E. TAMION, « La loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence et le mineur auteur d’infraction », op.
cit., p. 21.
548
J.-P. ROSENCZVEIG, « La loi d’orientation et de programmation sur la justice. Une promesse tenue ? Pas
évident », op. cit., p. 2340.
549
Ibid., p. 2340.
550
P. BONFILS, « La réforme de l’ordonnance de 1945 par la loi prévention de la délinquance, in la loi n° 2007-
297 relative à la prévention de la délinquance », op. cit., p. 212.
200
deuxième alinéa de l'article 712-6 du même code ». L’article L. 612-2 précise que les
représentants légaux sont également convoqués et auditionnés lors de ces audiences. Ces
dispositions montrent que l’aménagement de peines est particulièrement propice à
l’application du contradictoire.
Le Code de la justice pénale des mineurs propose la mesure éducative judiciaire et la mise
à l’épreuve éducative, qui peuvent avoir une influence non négligeable sur l’application du
contradictoire après le jugement.
304. La mesure éducative judiciaire soulève un intérêt particulier par rapport à la mesure de
liberté surveillée, au regard de sa mise en œuvre, placée sous le contrôle du juge des enfants.
La configuration de cette mesure en modules est de nature à engendrer une modification de
ses modalités et de son contenu par le juge, à tout moment de la procédure, après audition du
mineur, de son avocat et de ses représentants légaux. Il est à préciser que le juge peut
prononcer ces modifications même en l’absence des titulaires de l’autorité parentale, à
condition qu’ils aient été convoqués régulièrement à la dernière adresse indiquée. Cette
mesure, moyen d’appliquer le contradictoire en l’absence de caractère coercitif, représente, à
notre sens, une amélioration.
305. La procédure de mise à l’épreuve éducative, proposée par le Code de la justice pénale
des mineurs, représente un intérêt certain pour la mise en œuvre du contradictoire après le
jugement. L’article L. 521-1 prévoit que cette procédure comporte une audience d’examen de
la culpabilité, une période de mise à l'épreuve éducative puis une audience de prononcé de la
sanction. Ces différentes phases permettent l’application du contradictoire après le jugement
car l’occasion est donnée au juge de rencontrer le mineur. Selon l’article L. 521-26 du Code
de la justice pénale des mineurs, en l’absence de mise à l’épreuve éducative, le juge des
enfants ou le tribunal peut se prononcer sur la sanction lors d’une audience unique sur la
culpabilité du mineur. Le projet de code précisait qu’il s’agissait d’une exception, précision
qui n’apparait plus dans le code lui-même.
201
306. Ainsi que l’affirme Madame Lazerges, « pour que le droit soit porteur d’une
responsabilisation, encore faut-il qu’il soit perçu et compris comme étant une somme de
repères avant d’être une somme d’interdits »551. Le droit doit donc être compris comme une
chose positive par le mineur pour qu’il quitte le parcours de délinquance. Si le contradictoire a
été appliqué et expliqué tout au long de la procédure, le mineur aura eu plus d’opportunités
pour comprendre son parcours judiciaire et sortir de la délinquance.
La réponse judiciaire est aujourd’hui un véritable défi face à l’incohérence des moyens 552.
Le juge des enfants doit s’accommoder de cette insuffisance. La variété des mesures, des
sanctions et des peines existantes appelle une réflexion préalable au choix de la réponse, afin
d’adapter au mieux la sanction avec la personnalité et le parcours du mineur. En conséquence,
le choix de la réponse peut paraître une véritable stratégie pour conduire le mineur vers une
évolution positive.
Plus la procédure post-sentencielle est répressive et les sanctions contraignantes, plus le
juge possède de moyens pour réintégrer le mineur à la procédure, au respect de ses obligations
et au rappel de ses droits. Faut-il aller jusqu’à penser que l’éducatif nuit au contradictoire ?
551
C. LAZERGES, « Processus de socialisation et apprentissage de la règle de droit », op. cit., p. 597 in J.
CASTAIGNEDE, « La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 ; un nouveau regard porté sur le droit pénal des
mineurs », op. cit., p. 782.
552
F. TOURET-DE COUCY, « Justice pénale des mineurs : une théorie éprouvée par la pratique », op. cit., p. 59.
202
Section 2 - La prise en compte particulière du contradictoire dans le
contentieux de l’assistance éducative
309. L’instruction de la procédure d’assistance éducative est marquée par le prononcé d’une
553
V. par exemple A. BENABENT, Droit de la famille, LGDJ, Lextenso, 2018, p. 493 et s. ; D. FENOUILLET, Droit de
la famille, Dalloz, 2019, p. 548 et s. ; V. EGEA, Droit de la famille, op. cit., p. 644 et s. ; J. GARRIGUE, Droit de la
famille, Dalloz, 2018, pp. 551 et 552 ; V. BONNET, Droit de la famille, op. cit., p. 171 et s.
554
V. EGEA, Droit de la famille, op. cit., pp. 643 et 644.
203
mesure judiciaire d’investigation. Particulièrement complexe pour l’enfant, intrusive dans la
vie des familles, et les responsables légaux se sentant remis en question dans l’exercice de
leur parentalité, il est primordial que l’ouverture d’un dossier fasse l’objet d’explications par
le juge. Il est donc nécessaire que le principe du contradictoire soutienne la procédure. La
première audience permet donc la mise en place du principe du contradictoire et son
adaptation à la procédure.
310. L’article 1182 du Code de procédure civile prévoit que le juge des enfants convoque le
mineur et ses représentants légaux dès qu’il a pris connaissance du ou des rapports
d’évaluation sociale ayant révélé une situation de danger pour l’enfant. Le respect du
contradictoire apparaît dès l’avis d’ouverture de la procédure. Lors de cette audience, le juge
explique au mineur et à ses parents les raisons pour lesquelles ils sont convoqués, et leur fait
état du contenu du rapport d’évaluation de leur situation, établi par un travailleur social du
secteur de leur domicile qui leur a rendu visite555. Les motifs et les explications donnés par le
juge des enfants permette au mineur et à ses représentants légaux de mieux comprendre la
procédure, ce qui participe au respect du principe du contradictoire. Toutefois, cette audience
n’est pas le lieu d’un débat. Elle est le moment pour le juge de savoir s’il décide que la
situation du mineur est suffisamment préoccupante et demande une évaluation plus
approfondie du danger ou du risque de danger au regard des critères énoncés à l’article 375 du
Code civil.
311. La réforme du 15 mars 2002 a apporté des précisions importantes. La nouvelle rédaction
de l'article 1184 du Code de procédure civile a imposé de façon expresse l'audition des
parties556. D’abord, le juge des enfants ne peut plus ordonner de mesure d'investigation dès la
réception de la requête du procureur de la République. Il doit auparavant entendre l'enfant et
ses parents, ce qui donne lieu à une audience aux fins de déterminer si une mesure judiciaire
d'investigation éducative est ordonnée pour évaluer le danger557. La rédaction de l'ancien
article 1184 du Code de procédure civile laissait entrevoir la possibilité d’éviter une audience.
Les juges des enfants ne prenaient pas le temps de rencontrer au préalable l'enfant et sa
555
A. GOUTTENOIRE, « La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance : à la recherche de nouveaux
équilibres », D., 2007, n° 16, p. 1091 ; la réforme de la protection de l’enfance effectuée par la loi du 5 mars
2007 améliore le dispositif de signalement des enfants en danger en précisant et uniformisant le critère
d’intervention des autorités publiques.
556
L. BELLON, L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, op. cit., p. 152 et s.
557
Ibid., p. 152 et s.
204
famille. Ensuite, le législateur a maintenu la possibilité pour le juge des enfants de prendre
une mesure de placement provisoire sans avoir entendu les parties. Cependant, le juge des
enfants doit mettre en place une audience dans le délai de quinze jours suivant le prononcé de
l'ordonnance. Les procureurs de la République pouvant faire un usage abusif de l'article 375-5
alinéa 2 du Code civil, les juges des enfants recourent peu à cette possibilité.
312. A l’issue de la première audience, le juge des enfants peut prononcer des mesures
provisoires et des mesures d’information, selon la distinction mentionnée à l’article 1184 du
Code de procédure civile. C’est lors de l’exécution de ces meures que le contradictoire se
développe, renforcé par l’intervention du service éducatif.
558
V. par exemple en ce sens P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit de la famille, op. cit., pp. 766 et 767.
559
V. par exemple V. EGEA, Droit de la famille, op. cit., p. 645.
205
précédent, le juge peut charger une personne qualifiée ou un service d’observation,
d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert d’apporter aide et conseil à la personne ou au
service à qui l’enfant a été confié, ou à la famille, et de suivre le développement de l’enfant. Il
s’agit alors d’un suivi en milieu ouvert, qui s’effectuera en complément de la mesure
d’hébergement.
La procédure d’assistance éducative issue du décret du 15 mars 2002 ajoute trois
conditions au prononcé de mesures provisoires : le juge doit rendre une ordonnance
mentionnant une « urgence spécialement motivée » ; l’article 1184 du Code de procédure
civile dispose que le juge qui a statué par ordonnance et confié un mineur à un tiers doit
procéder à l’audition des intéressés « dans les quinze jours de la décision » et prévoit que le
parquet doit transmettre au juge dans les huit jours l’ordonnance prise en urgence560.
314. Les mesures d’information permettent au juge des enfants de disposer d’une évaluation
de la situation du mineur. En raison des mesures provisoires prononcées en parallèle, elles
peuvent s’exercer simultanément. Ainsi, le juge des enfants peut ordonner toute mesure
d’investigation qu’il estime utile pour apprécier si la santé, la moralité la sécurité ou
l’éducation d’un enfant sont compromises561. Parmi celles-ci existe la mesure judiciaire
d’investigation éducative qui succède à l’enquête sociale et à la mesure d’investigation et
d’orientation éducative : elle a été instaurée par la circulaire d’orientation du 31 décembre
2010 relative à la mesure judiciaire d’investigation éducative, qui précise que « l’article 1183
du Code de procédure civile prévoit qu’en assistance éducative, le juge peut, soit d'office, soit
à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d'information
concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents. Si en matière
d’assistance éducative la démarche d’investigation est une possibilité offerte au juge, en
matière pénale il s’agit d’une obligation ». Elle est explicitée dans un arrêté du 2 février
2011.
La mise en œuvre de la mesure et son déroulement doivent être guidés par le principe de
l’intérêt supérieur de l’enfant. La circulaire ajoute que « son objectif est de recueillir des
éléments sur la personnalité du mineur, sur sa situation familiale et sociale et sur le sens des
actes qu’il pose ou qu’il subit. Dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative, les
informations et les préconisations contenues dans le rapport écrit doivent permettre au juge
560
M. HUYETTE, « La nouvelle procédure d’assistance éducative », op. cit., p. 1436.
561
Cass. civ. 1ère, 1er juill. 1968 : JCP G, 1969, II. 16090, note P. ROBERT.
206
de vérifier si les conditions d’une intervention judiciaire sont réunies et de proposer si
nécessaire des réponses en termes de protection et d’éducation, adaptées à la situation des
intéressés ». Elle est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois562.
Elle s’articule autour de plusieurs modules qui peuvent être choisis par le magistrat et sont
précisés sur l’ordonnance. Ainsi, le service habilité à mettre en œuvre la mesure saura dans
quels champs d’investigation il doit orienter sa démarche afin d’aider le juge dans la prise
d’une décision adaptée à l’enfant. Cette mesure ne constitue pas une démarche
d’accompagnement du mineur et de sa famille, mais des questionnements à propos de
l’origine et des causes de la situation actuelle qui les a amenés devant le juge des enfants et a
conduit celui-ci à se préoccuper de la situation du mineur.
Le caractère délicat de la démarche nécessite que le juge doive, autant que possible,
recueillir l’adhésion de la famille, comme le rappelle l’article 375-1 du Code civil563. Cette
disposition fait, à notre sens, partie du contradictoire car le juge, garant du contradictoire, doit
veiller à ce que la famille ait accès au dossier pour pouvoir le consulter ; si elle adhère, ces
démarches seront plus faciles. Certains juges refusent même d’engager une procédure en
assistance éducative s’ils sont conscients de l’absence d’adhésion de la famille, le suivi
s’avérant inefficace. C’est par cette notion d’adhésion que le contradictoire se développe, car
plus les justiciables se saisissent de l’aide apportée par la justice, plus ils ont de chances
d’évoluer de manière positive.
A l’échéance de la mesure, en application du contradictoire, un rapport éducatif est envoyé
au juge des enfants : il convoque à nouveau le mineur et ses représentants légaux lors d’une
audience qui le conduit à prononcer un non-lieu ou une décision d’accompagnement. La
mesure judiciaire d’investigation éducative étant une mesure provisoire, elle n’est pas
susceptible d’appel immédiat564. L’enfant qui fait l’objet d’une mesure d’investigation peut
bénéficier d’autres mesures provisoires et être placé pendant qu’il bénéficie d’une mesure
d’investigation.
562
A cet égard, la jurisprudence a précisé que le prononcé d’une mesure d’observation pour une durée d’une
année dénature cette mesure, qui ne peut dès lors s’analyser que comme une mesure d’assistance éducative
en milieu ouvert, contre laquelle l’appel est recevable : Rennes, 23 sept. 1994 : D., 1995, 294, note M.
HUYETTE.
563
D. FENOUILLET, Droit de la famille, op. cit., pp. 550 et 551.
564
Cass. civ. 1ère, 3 mars 1981, Bull. civ. I, n° 74 ; Paris, 16 déc. 1986, D., 1986, 69, note J.-F. RENUCCI ; L’article
150 du Code de procédure civile prévoit que la décision qui ordonne ou modifie une mesure d’instruction ne
peut être frappée ni d’opposition, ni d’appel, ni de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le
fond que dans les cas spécifiés par la loi.
207
315. Le contradictoire a été renforcé par la loi du 2 janvier 2002 relative aux droits des
usagers et une meilleure protection des enfants victimes a pour conséquence l’amélioration de
leurs droits et de leurs garanties procédurales. Ce mouvement de protection des enfants a été
poursuivi par la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance.
316. Le contradictoire doit être particulièrement respecté lors de la première audience et lors
de la période pré-sentencielle. Le caractère délicat et intrusif de la démarche de protection
invite le juge à vérifier le respect des garanties procédurales. Aussi peut-on se poser la
question de savoir si, au lieu de s’opposer, respect du contradictoire et protection de l’enfant
peuvent aller de pair.
Cette même logique intervient au stade du jugement.
1 – Le contradictoire et le jugement
317. Le jugement en assistance éducative a lieu en cabinet. Après lecture du rapport éducatif,
c’est le moment pour le juge d’entendre l’enfant, chacun des parents, les avocats présents (de
l’enfant, des représentants légaux), les services éducatifs de la Protection judiciaire de la
jeunesse, voire de l’Aide sociale à l’enfance. Cette audience est souvent l’occasion de stress et
de rapports de force entre les parents et le juge, surtout s’ils ont pris un avocat (pour eux seuls
si l’enfant n’est pas assisté par un avocat, distinct de celui de leur enfant dans le cas
contraire). Cette démarche peut signifier qu’ils se sentent remis en question dans l’exercice de
leur parentalité, ce qui engendre de la méfiance. Pour faciliter l’expression de la parole du
mineur, pour le protéger et pour une meilleure application du contradictoire, le juge peut
l’entendre seul, le plus souvent avant les représentants légaux.
208
318. A l’issue de la phase d’évaluation de la situation du mineur, le juge des enfants le
convoque à nouveau avec ses représentants légaux. C’est ainsi que s’applique le
contradictoire. L’article 1185 du Code de procédure civile dispose que la décision sur le fond
doit intervenir dans un délai de six mois à compter de celle qui a ordonné les mesures
provisoires. L’audience sur le fond est le lieu de décision d’une mesure d’accompagnement en
milieu ouvert, mais aussi le lieu pour s’interroger sur la poursuite des mesures provisoires,
comme le placement. Si l’audience a lieu plus tard, les mesures provisoire viennent à terme, et
l’enfant doit être remis à ses parents. L’audience au fond est un véritable lieu de débat où le
juge des enfants entend chaque personne de manière à mettre en évidence la contradiction.
Son respect est accentué par la nature du contentieux : pour le mineur et ses représentants
légaux, il ne s’agit pas ici de se défendre, mais d’argumenter.
L’article 1188 du Code de procédure civile prévoit que le juge convoque les parents ou le
tuteur, et le cas échéant le mineur, huit jours au moins avant la date de l’audience. Les
conseils des parties étant avisés, selon l’article 1189 du Code de procédure civile, il doit alors
les entendre. Il peut entendre le mineur seul, afin de protéger sa parole contre une éventuelle
instrumentalisation de la part de ses parents. L’affaire ne peut être jugée qu’en chambre du
conseil. Le juge a deux possibilités : il annonce immédiatement sa décision au mineur et à ses
représentants légaux, auquel cas il peut expliciter sa décision pour qu’elle soit comprise ; ou il
peut mettre sa décision en délibéré et la reporter. A ce moment-là, la décision est notifiée aux
parties selon les règles de l’article 1195 du Code de procédure civile, ce qui la rend
contradictoire à leur égard. La décision du juge des enfants peut être frappée d’appel, comme
le prévoient les articles 1191 à 1194 du Code de procédure civile.
319. Cette phase perdure dans le temps et, en cas de poursuite de la procédure, le juge
convoquera à nouveau le mineur et ses représentants légaux. C’est là que la nature du
contentieux se distingue de la matière pénale, car le contradictoire s’adapte aux besoins de
l’enfant au-delà de la décision, qui est une mesure de protection.
209
320. Le juge des enfants peut s’orienter vers trois types de décisions lors du jugement : si la
situation lui paraît claire et sans danger pour l’enfant, il peut prononcer un non-lieu en
assistance éducative. Si la situation lui paraît préoccupante, il peut ordonner une mesure
d’action éducative en milieu ouvert. Enfin, s’il décide que la situation nécessite un
éloignement, il peut placer l’enfant dans une structure adaptée à ses besoins. Si l’enfant est
confié à un service de l’Aide sociale à l’enfance, le juge des enfants ne peut pas prononcer
également des mesures d’assistance éducative en milieu ouvert. Elles n’auraient aucune
utilité : le suivi de l’hébergement étant réalisé par le conseil départemental, le suivi en milieu
ouvert exercé par un service de l’Etat ou par un service habilité empièterait sur les missions
du conseil départemental. En revanche, si l’enfant est déjà suivi en milieu ouvert, rien ne
s’oppose à ce qu’il soit confié par la suite à l’Aide sociale à l’enfance et dans ce cas, le juge
des enfants peut décider de la mainlevée du suivi en milieu ouvert.
321. L’ordonnance du 23 décembre 1958 a créé l’assistance éducative à l’égard des mineurs
en danger565. La mesure d’action éducative en milieu ouvert est prévue par les articles 375 à
375-9 du Code civil, 1181 à 1200-1 du Code de procédure civile modifiés par le décret du 15
mars 2002. Ses modalités sont déclinées par des textes complémentaires566. Il s’agit d’une
mesure prononcée par l’autorité judiciaire lorsqu’une famille ne peut plus protéger et éduquer
son enfant dont la santé, la moralité ou la sécurité sont en danger, ou dont les conditions
d’éducation sont gravement compromises567. Le magistrat maintient le mineur dans son lieu
de vie actuel au sein duquel s’exerce la mesure, chaque fois que cela est possible. Les
objectifs sont de faire cesser la situation de danger, d’apporter aide et conseil à la famille afin
565
Le décret du 15 mars 2002 réformant la procédure d’assistance éducative a renforcé le principe du
contradictoire et les droits des parents et des mineurs. Depuis les lois de décentralisation du début des années
1980, les conseils départementaux sont compétents en matière de protection de l’enfance. A la différence de la
protection administrative, que nous n’aborderons pas ici et qui est contractuelle de sorte qu’elle nécessite
obligatoirement l’accord des parties, la protection judiciaire est une aide contrainte. La première intervient
surtout en cas de risque de danger, la seconde lorsque le danger est avéré ou que les investigations nécessaires
sont refusées par la famille. En réalité, les contours ne sont pas si tranchés et bon nombre de procédures dans
lesquelles il existe un risque de danger se trouvent pendantes devant le tribunal, tandis que des procédures
dans lesquelles le danger est avéré peuvent se retrouver dans les services des conseils départementaux. Les
procédures peuvent également évoluer de la sphère administrative au domaine judiciaire, le principe étant
celui de la subsidiarité du judiciaire par rapport à l’administratif : tel que clarifié par la loi du 5 mars 2007
relative à la protection de l’enfance ; in notamment F. RAULT, « Protection administrative ou signalement
judiciaire : une mise au point sur les devoirs et les responsabilités des professionnels », Enfance et psy, mars
2013, n° 60, p. 66 à 75 ; A. GOUTTENOIRE, « La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance : à la
recherche de nouveaux équilibres », op. cit., p. 1090.
566
Circ. d’orientation relative à la protection judiciaire de la jeunesse du 24 févr. 1999 et circ. du 26 avr. 2002
relative au décret du 15 mars 2002 réformant la procédure d’assistance éducative.
210
de lui permettre de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre et ainsi
de lui donner la possibilité de développer ses propres capacités d’éducation et de protection, et
enfin de suivre l’évolution du mineur. Avant 2007, la mesure ne pouvait excéder deux ans,
mais pouvait être renouvelée par décision motivée.
323. La loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique prévoit quelques modifications
en matière d’assistance éducative570. En premier lieu, elle permet au juge des enfants
d’ordonner une mesure d’assistance éducative mise en œuvre par la Protection judiciaire de la
jeunesse en secteur public lorsque le mineur fait l’objet d’un placement au sein d’un service
départemental de l’Aide sociale à l’enfance. Cette possibilité est ouverte à titre expérimental,
pour une durée de trois ans, et sur réquisitions écrites du procureur de la République.
L’objectif est de favoriser une articulation entre la Protection judiciaire de la jeunesse et
l’Aide sociale à l’enfance pour les situations particulièrement complexes, telles que le retour
d’enfants qui avaient suivi leurs parents radicalisés. La pratique a mis en exergue des
difficultés de communication entre la Protection judiciaire de la jeunesse et l’Aide sociale à
l’enfance, entravant la transparence entre les administrations et les usagers, et a fortiori une
démarche contradictoire de logique communicationnelle. A travers l’exemple des situations
567
L. SAUVAGE, « Rôle et fonctionnement de la PJJ », op. cit., p. 53.
568
Cass. civ. 1ère, 29 juin 1994, n° 92-05.043 : Defrénois 1995. 321, obs. J. MASSIP ; cass. civ. 1ère, 27 mai 2003,
n° 03-05.025 : D., 2003, IR 1601 ; JCP G, 2004. I. 109, n° 5, obs. T. FOSSIER ; Defrénois 2003, 1496, obs. J.
MASSIP ; RDSS, 2003, 480, obs. F. MONEGER.
569
Cass. civ. 1ère, 3 oct. 2000, n° 99-05. 072 : D., 2001, 1054, note M. HUYETTE ; RDSS, 2001, 147, obs. F.
MONEGER ; RTD civ., 2001, 348, note J. HAUSER.
211
de parents radicalisés, la loi offre une possibilité de meilleures relations entre les
administrations. En second lieu, la loi permet au ministère public de requérir directement le
concours de la force publique pour faire exécuter les décisions de placement rendues en
assistance éducative571.
324. Les professionnels des sciences sociales ou du domaine médical ont un rôle dans le
contentieux de l'assistance éducative572. Leur action est prévue par les textes en fonction des
circonstances et des besoins relatifs à la protection de l'enfant qu’ils ont pour mission
d’identifier. En outre, des psychologues et des médecins ont la qualité d'experts dans la prise
en charge et le suivi des mineurs. Les professionnels doivent exercer une fonction
pédagogique envers le juge des enfants pour lui expliciter la gravité des symptômes.
Leurs rapports écrits, remis au juge des enfants, et leur intervention lors des débats,
constituent des éléments incontournables du contradictoire. Certains s'interrogent sur le peu
de recours aux autres procédures judiciaires alors que le contentieux de l'assistance éducative
s'accumule573. Si les procureurs de la République s'investissaient davantage dans le suivi des
dossiers en assistance éducative, certaines situations pourraient évoluer de manière positive
plus rapidement. Les poursuites pénales sont par exemple de plus en plus fréquentes en
matière d'inceste, pour mettre en évidence le caractère essentiel d'une procédure civile de
protection de l'enfant, à côté de l'intervention pénale574.
Certains soulignent que le « contentieux de l’assistance » diminue575 : le rôle de la justice
n’est pas tant de sanctionner que de venir en aide à des populations fragilisées. Le début des
années 2000 a été marqué par une exigence de sanction à la suite de laquelle le Parlement a
légiféré. Or, le juge a vocation à protéger le plus faible et ce rôle a été accentué tout au long
du XXème siècle.
570
L. n° 2017-258 du 28 févr. 2017 relative à la sécurité publique (1), JORF n° 0051, 1er mars 2017, texte n° 3,
art. 31, in « Assistance éducative », AJ famille, mars 2017, p. 162.
571
Ibid. art. 32, art. 375-3 du Code civil.
572
L. BELLON, L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, op. cit., pp. 120 et 121.
573
Ibid., p. 122 et s.
574
Ibid. p. 122 et s.
575
Ibid., p. 138.
212
dispose des moyens nécessaires à la protection des mineurs et pour adapter le contradictoire
au contentieux de la protection de l’enfant.
En matière d'assistance éducative, son action ne repose que sur quelques articles du Code
civil et sur la jurisprudence. C'est pourquoi il est difficile d'en appréhender les limites. Peu de
magistrats ont une vision d’ensemble de ce contentieux, se satisfaisant la plupart du temps de
certains aspects de procédure civile comme l'absence de communication du dossier aux
parties576. Auparavant, la procédure d'assistance éducative donnait la primauté à des aspects
inquisitoriaux au détriment du respect du principe du contradictoire. Or, la culture
professionnelle et les pratiques des juges des enfants ont évolué. La loi du 15 mars 2002 a
accompagné ce mouvement.
Les juges des enfants ayant exercé entre 1958 et 1970 se sont investis pour faire vivre cette
nouvelle fonction et pour créer les premiers services éducatifs qui allaient travailler avec eux
en matière civile. Par la suite, les juges des enfants ont davantage cherché à « constituer les
assises théoriques du contentieux et à élaborer cette culture originale qui mêle les sciences
humaines au judiciaire »577. C'est pourquoi ils se sont formés aux côtés de professionnels
comme des psychiatres, des psychologues, des professionnels de l'éducatif, en lien avec le
monde associatif et la société civile. Cette construction identitaire de la fonction a engendré le
fait que dans les années 1970-1980, la priorité était d’inventer une nouvelle façon de dire la
justice, et non pas de respecter les principes classiques de la procédure civile. Pour autant, le
fait que le contradictoire aille de pair avec la protection de l’enfant montre bien que le respect
de ces deux aspects n’est pas impossible.
Toutefois, le juge des enfants est amené à travailler dans des conditions qui nécessitent une
adaptation plus intense du principe du contradictoire dans le contentieux relatif à l’enfant.
Dans les cas d’urgence, le contradictoire est parfois mis à l’épreuve de la protection de
l’enfance (A). En outre, le manque de moyens génère des obstacles au respect des principes
procéduraux (B).
576
Ibid., p. 141.
213
A - L'urgence : le contradictoire à l’épreuve de la protection de l’enfance
326. L’assistance éducative est le contentieux dans lequel les situations d’urgence demandent
le plus de vigilance pour organiser rapidement la protection de l’enfant dans le respect du
principe du contradictoire.
577
Ibid., p. 142.
578
Ord. n° 58-1301 du 23 déc. 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger, exposé
des motifs.
579
« Protection de l’enfant. Réexamen de la situation des enfants confiés. », AJ famille, janv. 2017, p. 8.
214
contradictoire et convoquer les parties dans un délai de quinze jours à compter de leur saisine.
328. En raison de la protection de l’enfant, l’urgence implique une adaptation dans la prise
en compte du contradictoire. Les mesures sont prises rapidement au détriment d’éléments du
contradictoire, pourtant essentiels à une décision comprise par le mineur et ses représentants
légaux. Même s’il est ancien, le décret du 15 mars 2002 a prévu des aménagements à ces
exceptions, en indiquant que le parquet ou le juge des enfants ne se trouve pas dans l’illégalité
s’il procède à une audience dans les quinze jours de la prise de décision en cas d’urgence.
Cette mesure est avant tout une coordination d’un principe à l’autre, et évite de mettre les
professionnels en difficulté quant au respect des principes et des garanties dus aux
justiciables.
329. Le manque de moyens dans les juridictions conduit un magistrat interrogé dans le cadre
de cette étude à indiquer que le contradictoire est chronophage lorsqu’il est appliqué devant le
juge des enfants. Confrontés au contentieux toujours en augmentation, l’information des
parties, leur convocation, la consultation des dossiers, l’organisation d’auditions et
d’audiences, demandent du temps et des moyens financiers qui rendent parfois difficile
l’application du contradictoire dans de bonnes conditions.
330. Le manque de moyens est une difficulté récurrente dans les juridictions. Les magistrats
doivent travailler à partir d’emplois du temps organisés, mais de plus en plus chargés, ainsi
qu’avec des magistrats en nombre réduit par rapport aux besoins du traitement du contentieux.
Cela les conduit à prévoir des audiences de plus en plus tard, au mépris du respect des délais.
Un magistrat interrogé sur le respect du contradictoire devant le juge des enfants en
urgence indique que la priorité est la protection de l’enfant, et que le respect du principe du
contradictoire par la suite est évidente. De cette façon, la mesure de protection de l’enfant est
prise. Puis les professionnels s’organisent pour prévoir une audience. A partir du moment où
215
l’enfant est protégé, les formalités procédurales interviennent de manière logique et organisée.
L’application du Code de la justice pénale des mineurs demande des moyens humains
supplémentaires en termes de magistrats, de greffiers et de travailleurs sociaux. Cette
unification des dispositions relatives à la justice des mineurs laisserait augurer une meilleure
efficacité donc une meilleure cohérence.
Il serait d’ailleurs utile de réunir dans un même document les textes relatifs à l’enfance
délinquante et ceux relatifs à l’assistance éducative580.
Conclusion du chapitre
580
F. CREUX-THOMAS, « Magistrats - « Créer un Code de justice des mineurs me semble une excellente chose
même s’il serait souhaitable qu’il concerne tout à la fois l’assistance éducative et l’enfance délinquante ». - 3
questions à Thierry Baranger, premier vice-président du tribunal de Bobigny, président du tribunal pour
enfants ... », op. cit., p. 1358.
216
217
Conclusion du titre
332. Le principe du contradictoire est donc spécifique devant le juge des enfants, ce qui
provient notamment du caractère particulier de la justice des mineurs.
Nous avons essayé de démontrer que le principe du contradictoire s’adaptait au statut de
l’enfant. Être à protéger et/ou à sanctionner, il bénéficie de droits, peut avoir accès à la
procédure et être entendu par le juge. Pour que ces droits soient effectifs, leur mise en œuvre
doit s’adapter à la personne de l’enfant afin de rendre le procès compréhensible pour lui.
Nous avons également souligné que le contradictoire s’adaptait au contentieux de l’enfant
en justice, autant pour celui qui consiste à le protéger qu’à celui qui débouche sur une
sanction à son égard.
La spécificité du principe du contradictoire devant le juge des enfants découle à la fois de
l’objectif qu’il poursuit pour le mineur (lui rendre la procédure accessible pour le protéger
et/ou le sanctionner) et de sa définition qui diverge selon le contentieux.
218
Conclusion de la partie 1
La définition du principe du contradictoire devant le juge des enfants laisse entrevoir une
application tout aussi délicate.
219
220
Partie 2
L’application du contradictoire, référence
indispensable des acteurs du procès et des
personnes intervenant auprès de l’enfant
335. Les acteurs judiciaires ont pour mission de contrôler le respect du contradictoire dans sa
mise en œuvre et le pouvoir de décision. Ainsi, avec une nouvelle procédure pénale en deux
temps créée par l’ordonnance n° 2019-950 portant partie législative du Code de la justice
pénale des mineurs, (un jugement sur la culpabilité du mineur et l'indemnisation des victimes
et un jugement sur la sanction), le projet inscrit dans la loi le principe de continuité
d'intervention des acteurs : un juge, un avocat et un éducateur durant toute la procédure583.
336. L’accent est mis sur l’application concrète du contradictoire devant le juge des enfants.
Rencontre entre des principes de justice et des faits, elle peut varier en fonction de la prise en
considération des situations et des personnes impliquées dans la procédure584. Il est primordial
de s’interroger sur la conformité de la mise en œuvre concrète du concept par rapport à son
581
M. WIEVORKA, Rendre la justice, Sciences humaines, 2013, p. 7.
582
J.-P. ROSENCZVEIG, Rendre la justice aux enfants, Seuil, 2012, p. 115 et s.
583
« Présentation de la justice pénale des mineurs », JCP G, sept. 2019, n° 39, p. 945 ; « Justice pénale des
mineurs (code) : publication de la partie législative », D., sept. 2019, n° 31, p. 1713.
584
M. WIEVORKA, Rendre la justice, op. cit., p. 21.
221
analyse abstraite, c’est-à-dire sur l’existence d’une régression ou d’une valorisation.
Devant le juge des enfants, l’application du principe du contradictoire est réalisée à la fois
par ce magistrat (Titre 1) et par les acteurs intervenant auprès de l’enfant (Titre 2).
222
223
Titre 1 - La garantie du contradictoire par le juge
des enfants
338. Cependant, la logique d’action des juges des enfants est modifiée par des impératifs de
performance et de productivité qui s’ajoutent aux logiques juridiques et entravent le temps
dont ils disposent pour s’interroger sur le sens de leur action590. Aspect déjà présent dans la
justice des majeurs, la standardisation des décisions -guidée par les flux tendus- et le
traitement rapide des dossiers sans instruction préalable peuvent avoir un impact sur la prise
de décision591.
585
T. GHERA, « Les transformations numériques de la justice », Inédit, juin 2019 ; ; Y. STRICKLER, Procédure
civile, op. cit., p. 203: le juge tient ainsi un rôle essentiel dans l’instance.
586
W. CASSIERS, « Juger : dire les droits, dire le droit », in DRUET F.- X., GANTY E., Rendre justice au droit. En
lisant Le Juste de Paul Ricoeur, Presses universitaires de Namur, 1999, p. 235.
587
F. TOURET-DE COUCY, « Justice pénale des mineurs : une théorie éprouvée par la pratique », AJ pénal, févr.
2005, p. 56 et s.
588
L. BELLON, L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, op. cit., p. 14.
589
Ibid., p. 14.
590
B. BASTARD et C. MOUHANNA, Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel des affaires pénales,
PUF, Paris, 2007, p. de garde.
591
Ibid., pp. 131 et 133.
225
Le statut particulier du magistrat contribue au respect du contradictoire (Chapitre 1).
L’action spécifique du juge des enfants se place également au service du respect de ce
principe (Chapitre 2).
226
Chapitre 1 - Le statut du juge au service du respect du
contradictoire
339. L’impartialité du juge peut être rattachée au contradictoire car, « sans la libre
contradiction [elle] serait boiteuse et inversement »592. Elle peut être comprise à la fois au
niveau institutionnel, commandant l’application rigoureuse des règles relatives aux
incompatibilités professionnelles, et au niveau de l’exercice fonctionnel. Nous traiterons
exclusivement de ce dernier aspect.
L’impartialité du juge est définie à l’article B. 12 du recueil des obligations déontologiques
des magistrats comme ne s’entendant « pas seulement d’une absence apparente de préjugés,
mais aussi, plus fondamentalement, de l’absence réelle de parti pris. Elle exige que le
magistrat, quelles que soient ses opinions, soit libre d’accueillir et de prendre en compte tous
les points de vue débattus devant lui »593. Surtout, le recueil précise à l’article B. 13 que « le
magistrat manifeste son impartialité en respectant et faisant respecter le caractère
contradictoire des débats »594, et à l’article c. 38 qu’« à l’audience, les magistrats mènent les
débats ou y participent, avec tact, autorité sereine et impartialité »595.
Ainsi, dans le cadre de son activité professionnelle, il est essentiel que le magistrat fasse
abstraction de tout préjugé, adopte une attitude empreinte d’objectivité et fasse respecter le
592
G. BOLARD, « Principe des droits de la défense », in Droit et pratiques de la procédure civile, Dalloz action,
2018/2017, p. 875.
593
CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE, Recueil des obligations déontologiques des magistrats, Dalloz, 2010, p.
9.
594
Ibid., p. 9.
227
principe du contradictoire. C’est même en procédant ainsi qu’il va manifester son impartialité.
Les deux éléments sont donc étroitement liés.
L’impartialité du juge a évolué avec le temps, au gré des mouvements législatifs et
jurisprudentiels. La pratique montre également qu’il est difficile de conjuguer impartialité et
contradictoire parce que le juge ne doit pas prendre parti en appliquant ce principe directeur
du procès. Délicat exercice, le juge doit à la fois instruire et juger, sanctionner et protéger.
Les règles sont différentes selon qu’il s’agit d’aborder l’impartialité du juge des enfants en
matière pénale (§1) ou en matière civile (§2).
340. Le recueil des obligations déontologique des magistrats indique à l’article b. 18 qu’« en
audience collégiale, le prononcé de la décision pénale sur le siège, immédiatement après la
plaidoirie, accréditant l’idée de l’inutilité des débats et du délibéré, est à éviter. Seule une
discussion libre entre les membres de la formation est une garantie de la réalité de la
délibération et de l’examen des arguments avancés par chacune des parties ». Ainsi, tout
préjugement est interdit ; l’analyse des propos des parties au cours du délibéré constitue un
respect efficace du principe du contradictoire, puisque les arguments avancés seront étudiés
en vue d’adopter une décision éclairée.
C’est surtout en matière pénale que l’impartialité du juge des enfants a été remise en
question596. La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au
fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs a conduit à une amélioration
de la prise en compte de l’impartialité du juge au sein des juridictions pour mineurs.
Nous constatons ainsi une différence entre les règles antérieures à la loi du 10 août 2011
(A) et les règles postérieures, avec notamment la création de la césure du procès pénal (B).
595
Ibid., p. 22.
596
V. par exemple S.-C. LIN, Les principes directeurs du droit pénal des mineurs délinquants, op. cit., p. 203 et s.
228
jugement des mineurs
341. L’impartialité du juge des enfants en matière pénale conduit à ce qu’il ne prenne parti ni
dans l’acte d’instruire et celui de juger. Ainsi, le fait de favoriser l’éducatif pour un mineur
auteur ne doit pas empêcher le juge de sanctionner. Conjuguant impartialité et respect des
droits de la défense, il doit également respecter impartialité et cumul de diverses fonctions
telles que l’instruction et le jugement. Pour appliquer le contradictoire, il doit faciliter les
démarches relatives au dossier et les garanties attribuées aux parties sur les pièces et les
débats.
La Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée sur l’impartialité du juge des
enfants en matière pénale, en dégageant une conception stricte597. Le requérant invoquait un
grief de partialité d’un juge polonais, magistrat chargé de l’instruction dans des affaires
concernant les mineurs. Il invoquait le fait qu’il était contraire à l’article 6 §1 de la
Convention européenne des droits de l’homme que ce magistrat ait des pouvoirs aussi étendus
en matière d’instruction et de jugement des affaires. Il indiquait par ailleurs que la spécificité
de la procédure des mineurs devait conduire le juge à se prononcer dans l’intérêt de l’enfant,
ce qui s’opposait à l’application classique des principes relatifs au droit pénal des majeurs.
La Cour s’employa à rappeler la définition de l’impartialité : « un élément important de la
confiance que les juridictions se doivent d'inspirer dans une société démocratique. Ce
principe se définit d'ordinaire par l'absence de préjugé ou de parti pris et peut s'apprécier de
diverses manières », selon une double démarche : « la première consiste à essayer de
déterminer la conviction personnelle de tel ou tel juge en telle occasion ; la seconde amène à
s'assurer qu'il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute
légitime »598.
Recherchant si la manière dont l’application de la législation et de la pratique internes au
requérant avait enfreint l'article 6 §1, la Cour a conclu à la violation de ladite disposition. Elle
a invoqué « l'atteinte aux garanties d'équité lors de l'instruction conduite par le juge », qui a
non seulement conduit l’instruction de l’affaire de justice des mineurs, mais aussi « présidé la
formation de jugement du tribunal ayant déclaré le requérant auteur des faits ». Le juge n’a
pas contribué « à assurer la meilleure protection de l'intérêt supérieur de l'enfant que le
597
CEDH, ADAMKIEWICZ c/ Pologne, 2 mars 2010, requête n° 54729/00 : P. BONFILS, « L’impartialité du
tribunal pour enfants et la Convention européenne des droits de l’homme », D., juin 2010, n° 21, p. 1324 et s.
598
Voir notamment CEDH, GAUTRIN et autres c/ France, n° 21257/93 et s., 20 mai 1998, Recueil 1998-III, §58.
229
requérant était alors ». Ainsi, c’est le « cumul circonstancié des fonctions d’instruction et de
jugement »599 qui est ici sanctionné. Il s’est saisi lui-même de la fonction d’instruction et de
celle de président de la juridiction de jugement, faisant ainsi un « usage ample »600 du cumul
des fonctions.
Cette décision a intéressé de nombreux Etats dont la France, qui a une législation similaire
à celle de la Pologne601. C’est pourquoi la connaissance et la compréhension de la décision de
la Cour européenne des droits de l’homme furent essentielles pour l’évolution du droit
français. Cette décision a permis d’apporter des précisions sur le cumul de plusieurs fonctions
par le juge des enfants français, notamment sous l’angle de la protection de l’intérêt de
l’enfant. Cette décision a également permis de lier l’impartialité du tribunal et le droit de la
personne à être entendue, car, à défaut, le caractère contradictoire du procès est altéré. Si le
juge est impartial, il peut alors garantir les droits des parties et le bon déroulement du
contradictoire.
599
P. BONFILS, « L’impartialité du tribunal pour enfants et la Convention européenne des droits de l’homme »,
op. cit., p. 1324.
600
Ibid., p. 1324.
601
En France, le cumul des deux fonctions concerne le juge des enfants en matière délictuelle, l’instruction en
matière criminelle étant confiée à un juge d’instruction.
602
Cons. Const. 2 févr. 1995, n° 95-360 : D., 1995, 171, note J. PRADEL.
603
P. BLONDEL, « Le juge et le droit », in Le NCPC, vingt ans après. Actes du colloque du 11 décembre 1997,
organisé par la Cour de cassation, La Documentation française, Paris, 1998, p. 153 ; l’impartialité subjective du
juge est toujours présumée, tandis que l’impartialité objective s’apprécie par rapport à des apparences.
604
Cass. crim. 16 mai 2000, n° 99-85.444 : D., 2000, 198.
230
seraient amenés à traiter un même dossier605. En revanche, les doutes concernant l’impartialité
d’un magistrat ne sauraient s’étendre à un autre par le seul fait qu’ils siègent habituellement
ensemble606. Ensuite, un doute sur l’impartialité d’un magistrat peut exister s’il exerce
successivement des fonctions judiciaires différentes dans une même affaire. Enfin, un
soupçon sur l’impartialité peut intervenir si un magistrat exerce successivement la même
fonction judiciaire dans une même affaire. La partialité objective, c’est-à-dire des ressentis
éprouvés par un juge lors de multiples mises en examen pour le même mineur, se distingue de
la partialité subjective, qui s’apparenterait plutôt à une éventuelle antipathie ou sympathie
vers un mineur en raison de la connaissance de sa vie privée607.
La partialité du juge des enfants est ainsi structurelle et inhérente à l'ordonnance du 2
février 1945, comme à tous les contentieux qui exigent un accompagnement du justiciable par
le juge608. Lier partialité et accompagnement du justiciable est une garantie d'efficience pour
rendre la justice. Cette démarche va au-delà de l'individualisation de la décision pénale car le
juge s'engage lui-même dans le cheminement. Les règles de droit et de procédure, ainsi que la
présence de l'avocat, contribuent à l'équilibre entre la décision à prendre et l'émotion suscitée
par la situation609. Pour autant, la partialité ne doit pas intervenir car la posture impartiale du
juge lui permet de se situer de manière objective par rapport à chaque protagoniste du procès :
il peut entendre chacun d’eux de manière équitable.
Les règles applicables au juge des enfants sont différentes dans la mesure où un même
magistrat spécialisé, prenant en compte l’âge du prévenu et l’intérêt de sa rééducation, peut
intervenir à différents stades de la procédure, afin qu’il bénéficie d’un procès juste et
équitable610. La possibilité pour le juge des enfants de cumuler la fonction d’instruction et
celle de jugement a toujours fait l’objet d’un consensus quasi-unanime, car elle permet une
continuité de l’intervention judiciaire611. Pour autant, même si les fonctions n’étaient pas
incompatibles, la question était de savoir si leur cumul en droit pénal des mineurs engendrait
605
Cass. crim 5 févr. 1997, n° 96-82.050 : il en a été ainsi d’un jugement rendu en présence d’un procureur de la
République dont l’épouse siégeait à la chambre des appels correctionnels qui a statué sur l’appel de cette
décision.
606
Cass. crim 18 déc. 2001, n° 01-84.170.
607
B. BEIGNER et C. BLERY, « L’impartialité du juge, entre apparence et réalité », D., 2001, p. 24.
608
Ibid., p. 24.
609
Ibid., p. 25.
610
Cass. crim. 7 avr. 1993, n° 92-84.725 : JCP G, 1993, II, 22151, note M. ALLAIX ; D., 1993 , 553, note J.
PRADEL ; RSC, 1994, 67, obs. M. HUYETTE ; ibid, obs. C. LAZERGES ; D., 27 janv. 1994, n° 4, p. 37, note S.
BECQUERELLE.
231
une certaine partialité en étant nécessairement compatibles avec l’article 6 §1 de la
Convention européenne des droits de l’homme612. La réponse est que le cumul n’entraîne pas
d’incompatibilité avec l’impartialité, car il permet d'assurer la protection des intérêts
spécifiques des mineurs et de leur offrir des garanties procédurales équivalentes à celles des
majeurs613.
Ainsi, en permettant le cumul des fonctions dans une même affaire pénale, l’ordonnance
du 2 février 1945 ne contrevient à aucune des dispositions des conventions internationales,
qui reconnaissent en outre la spécificité du droit pénal des mineurs. Le risque d’impartialité en
formation collégiale est compensé par la présence des deux juges assesseurs délibérant
collégialement en première instance et par la possibilité d’un appel déféré à une juridiction
supérieure composée de magistrats n’ayant connu ni l’affaire ni le mineur et dont l’un des
membres est délégué à la protection de l’enfance614.
343. Les dispositions relatives à l’impartialité du juge des enfants selon la fonction qu’il
exerce et celles relatives à la césure du procès pénal qui conduisent à reporter le prononcé de
la culpabilité invitent à s’interroger sur la continuité de l’application du contradictoire.
344. L’article L. 251-3 du Code de l’organisation judiciaire a soulevé des interrogations sur
sa conformité à la Constitution. Il prévoit que « le juge des enfants qui a renvoyé l'affaire
611
J.-F. RENUCCI, in S. BECQUERELLE, « La composition de la juridiction compétente en matière d’enfance
délinquante : dérogation à la règle de procédure interne selon laquelle un même magistrat ne peut exercer
successivement dans une même affaire les fonctions d’instruction et de jugement », D., janv. 1994, n° 4, p. 37.
612
Ibid., p. 37.
613
Ibid., p. 37.
614
Cass. crim. 8 nov. 2000 : Dr. pén., mars 2001, n° 3, chron. 15, obs. C. MARSAT.
232
devant le tribunal pour enfants ne peut présider cette juridiction ». Dans la version antérieure
à la loi n° 2011-239 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la
justice pénale et le jugement des mineurs, il n’apportait aucune précision à propos des
modalités de jugement par le tribunal pour enfants.
Dans sa décision du 8 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a considéré cet article
contraire à la Constitution, tranchant dans le sens de l’impartialité objective, c’est-à-dire
concernant non pas la personne du juge mais la ou les affaires dans lesquelles il serait conduit
à intervenir. La déclaration d'inconstitutionnalité a pris effet au 1er janvier 2013. Les
dispositions critiquées ont été déclarées contraires à la Constitution en ce qu’elles
permettaient au juge des enfants ayant instruit le dossier et renvoyé le mineur en jugement, de
présider ensuite le tribunal pour enfants.
Il est vrai que le principe d’impartialité n’empêche pas que le juge instructeur puisse, à
l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou
d’éducation. En revanche, le magistrat qui a accompli les diligences utiles pour parvenir à la
manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants ne saurait
présider la juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines 615. On peut s’interroger
sur l’expression « à l’issue de cette instruction » concernant le prononcé de mesures, car c’est
le jugement qui intervient à l’issue de l’instruction. Le juge instructeur peut prononcer des
mesures lors de la mise en examen, démarche qui se distinguerait réellement de leur prononcé
à l’issue de l’instruction et lors du jugement par le président du tribunal pour enfants.
345. Deux alinéas ont été ajoutés à l’article L. 251-3 du Code de l’organisation judiciaire par
la loi n° 2011-239 du 10 août 2011 et par la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à
instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants: « le juge des enfants qui a renvoyé
l'affaire devant le tribunal pour enfants ne peut présider cette juridiction. Lorsque
l'incompatibilité prévue au deuxième alinéa et le nombre de juges des enfants dans le tribunal
de grande instance le justifient, la présidence du tribunal pour enfants peut être assurée par
un juge des enfants d'un tribunal pour enfants sis dans le ressort de la Cour d'appel et
désigné par ordonnance du premier président »616.
615
Cons. const., 8 juill. 2011, n° 2011-147 QPC : D., 28 juin 2012, n° 25, p. 1638, obs. V. BERNAUD et N.
JACQUINOT ; AJ famille, 21 sept. 2011, n° 9, point de vue, L. GEBLER, p. 391 ; AJ pénal, 22 déc. 2011, n° 12 p.
596, note J.-B. PERRIER ; RSC, 24 nov. 2011, n° 3, p. 728, note C. LAZERGES ; ibid, 26 mai 2012, n° 1, p. 227, obs.
B. DE LAMY ; RTD Civ. 2011, 756, obs. J. HAUSER.
616
L’article a été modifié par la L. n° 2011-1940 du 26 déc. 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les
mineurs délinquants.
233
Les arguments pour la modification de ce texte se situaient autour de l’intérêt du mineur,
qui est d’être jugé par un magistrat connaissant sa personnalité, au risque de faire preuve
d’une « empathie excessive »617, ou par un juge qui ne connaît pas le mineur, au risque de
rendre une décision inadaptée. Ce qui est en cause ici, ce sont les pouvoirs d’investigation du
juge de enfants sur les faits et non sur la personnalité du mineur 618. Cette décision du Conseil
Constitutionnel semble ne concerner que le jugement en formation collégiale, car elle évoque
la légitimité des assesseurs auprès du président d’audience, excluant le jugement en cabinet
qui ne serait pas soumis à ce régime.
346. En instaurant la césure du procès pénal la loi n° 2011-239 du 10 août 2011 permet au
juge des enfants de statuer immédiatement sur la culpabilité du mineur et sur l’action civile,
notamment lorsque les faits ne sont pas contestés. Par la suite, le juge des enfants peut se
prononcer sur la mesure éducative ou sur la peine, en chambre du conseil ou en tribunal pour
enfants. Mais dans ce dernier cas, si la question de la culpabilité a été tranchée ab initio et n’a
pas fait l’objet d’instruction préalable, le juge ayant déclaré le mineur coupable pourra statuer
sur la mesure ou la peine au sein du tribunal pour enfants. Le cumul des fonctions
d’instruction et de jugement est interdit, mais s’il n’y a pas d’instruction préalable, rien
n’interdit au juge qui a statué sur la culpabilité de se prononcer également sur la sentence.
Ainsi, l’exigence d’impartialité est remise « à la place qu’elle mérite au regard d'autres
principes tout aussi fondamentaux consacrés par nos engagements internationaux en matière
de justice des mineurs. Et à cette place seulement »619.
347. Le Conseil constitutionnel a confirmé sa position dans une décision du 4 août 2011 620,
position qualifiée par un auteur de « démolition méthodique du droit des mineurs »621, parce
qu’elle ignore le dixième principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à
l’existence d’une justice des mineurs. Le Conseil constitutionnel s’oppose à l’avantage de la
connaissance du mineur par la juridiction d’instruction et la juridiction de jugement.
617
L. GEBLER, « L’impartialité du juge des enfants remise en question », AJ famille, sept. 2011, n° 9, p. 391.
618
Ibid., p. 391.
619
Ibid., p. 391.
620
Cons. const., 4 août 2011, n° 2011-635.
234
convient de se demander si le cumul des fonctions d’instruction et de jugement serait
préjudiciable à l’application d’un contradictoire éclairé. En l’occurrence, pour instruire ou
pour juger l’affaire, il appartient au juge des enfants de demeurer impartial, que le mineur soit
connu de lui ou non.
349. En pratique, on constate que le juge qui a instruit l’affaire est souvent celui qui préside
le tribunal pour enfants. Le manque de moyens au sein des juridiction conduit à s’adapter.
Cette difficulté concerne surtout les petites ou les moyennes juridictions, composées d’un
tribunal pour enfants comprenant de deux à quatre juges. Divers éléments doivent être
soulignés : un juge pour l’instruction en matière pénale, un juge pour le jugement du dossier
pénal, un juge chargé de l’assistance éducative, un juge chargé du suivi éducatif pénal du
mineur ; quatre critères sont ainsi à prendre en compte, ce qui conduit à penser qu’à partir de
quatre juge des enfants ou moins, l’organisation du tribunal pour enfants est remise en
question. Le processus judiciaire français a évolué concernant la connaissance du dossier par
le juge. Le juge doit faciliter l’échange des propos lors des débats. Que le juge connaisse le
mineur est un avantage pour effectuer son travail en vue d’une décision éclairée, sans que
cette connaissance ne l’engage pour autant vers la partialité. C’est ainsi que la Cour
européenne des droits de l’homme rappelle que « la connaissance approfondie du dossier par
le juge n'implique pas un préjugé empêchant de le considérer comme impartial au moment du
jugement sur le fond »622. On peut en déduire que la connaissance du dossier et du mineur par
le juge n’empêche pas une application éclairée de la contradiction.
Les règles concernant l’impartialité du juge des enfants en matière civile sont différentes.
350. L’impartialité du juge est un principe directeur de l’instance qui conditionne les rôles
des acteurs de celle-ci « en vue d’une justice bien rendue »623. En assistance éducative, la
connaissance du mineur par le juge favorise la prise en compte de ses intérêts. Le juge prendra
621
C. LAZERGES, « La démolition méthodique de la justice des mineurs devant le Conseil constitutionnel », RSC,
2011, n° 3, p. 778.
622
CEDH, ADAMKIEWICZ c/ Pologne, 2 mars 2010, n° 54729/00.
623
A. BERGEAUD WETTERWALD, E. BONIS et Y. CAPDEPON, Procédure civile, op. cit., p. 250 et s. ; v. également
S. GUINCHARD et al., Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, op. cit., p. 895 et s.
235
vraisemblablement une décision plus éclairée et propice aux intérêts de l’enfant. La démarche
de protection est ici continue, et le juge doit l’assurer tout au long de la procédure, tant lors de
la période d’instruction que lors de la prise de décision. Le système du contradictoire, qui
consiste à respecter les garanties des parties dans la connaissance des éléments versés au
dossier et aux débats, n’entre pas en conflit avec l’impartialité, le juge se devant d’être tourné
vers l’enfant. Cette démarche, différente du rôle du juge en matière pénale qui doit favoriser
le relèvement éducatif du mineur tout en le sanctionnant, justifie les mesures prises à l’égard
du juge à propos de l’impartialité dans ce domaine.
351. La loi n’envisage pas les règles d’impartialité du juge en matière civile sous le même
angle. Le Code de procédure civile ne prévoit que des dispositions concernant l’impartialité
personnelle ou subjective. Le magistrat est soumis aux règles édictées par les articles L. 111-6
et suivants du Code de l’organisation judiciaire. La récusation d’un juge peut être demandée
en cas de conflit d’intérêts, dû à la profession de son conjoint, ce qui peut créer des
incompatibilités. De plus, un juge ne peut intervenir dans un dossier soumis à une juridiction
de second degré s’il s’est déjà prononcé dans l’affaire au premier degré. Une disposition peut
être mise en avant concernant les relations que le juge des enfants entretient avec le juge aux
affaires familiales. Un juge des enfants, compétent à charge d’appel pour tout ce qui concerne
l’assistance éducative, peut se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale prévu par le
juge du divorce, sans qu’il prenne pour autant parti dans le conflit opposant les parents du
mineur624.
352. L’impartialité du juge des enfants peut avoir une incidence sur le contradictoire, ce qui a
été plus prégnant en matière pénale. Dans tous les cas, l’impartialité qui s’impose au juge des
enfants en raison de ses obligations déontologiques, le protège en même temps afin qu’il
prenne une décision éclairée.
Autre aspect des obligations professionnelles du juge, la neutralité vient conforter
l’impartialité.
624
Cass. civ. 1ère, 26 janv. 1994 : D., 1994, note M. HUYETTE, p. 278.
236
353. La neutralité du juge concerne son positionnement dans l’exercice de ses fonctions. Elle
est prévue par le Recueil des obligations déontologiques des magistrats. Découlant de
l’attention à autrui, et plus précisément de l’écoute de l’autre625, elle consiste en ce que tout
magistrat adopte un positionnement neutre concernant l’expression de son opinion dans
l’affaire qu’il va être conduit à analyser.
L’application du contradictoire ne peut se faire que si le juge est neutre, tant dans la
constitution du dossier que dans l’écoute des arguments de chacune des parties car alors elles
seront prises en compte de manière équitable durant la procédure.
354. Ainsi, l’article e. 17 du Recueil des obligations déontologiques des magistrats dispose
que « l’attitude du magistrat reste, en toutes circonstances, empreinte de neutralité ; il ne
laisse pas transparaître de sentiments personnels, de sympathie ou d’antipathie, vis-à-vis des
personnes impliquées dans les causes dont il a à connaître ». La neutralité a été instituée afin
de protéger le justiciable de l’opinion personnelle du juge, donc de possibles dérives liées à
l’humanité de la justice. Elle protège le juge d’un éventuel grief concernant une prise de
position inappropriée, ce qui conduit à la professionnalisation de la prise de décision. La
neutralité favorise le contradictoire, en ce qu’elle demande au juge de se comporter en
professionnel, non seulement lors de la prise de décision, mais aussi de l’organisation de la
procédure et de la conduite des débats. En cela, les parties sont protégées et un contradictoire
de qualité leur est garanti.
Le juge doit être neutre à l’égard des autres acteurs du procès (§1), ainsi qu’à l’égard des
acteurs intervenant auprès de lui (§2).
625
V. également l’art. 20 de la L. org. n° 94-100 du 5 févr. 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature
modifié par la L. n° 2007-287 du 5 mars 2007. Il est à préciser que l’article C. 28 du Recueil des obligations
déontologiques du magistrat dispose qu’« au plan procédural, l’obligation de loyauté exige du magistrat qu’il
exerce les pouvoirs que les textes lui confient et ne les outrepasse pas. Il applique loyalement les principes
directeurs des procès, notamment le respect du principe de la contradiction et celui des droits de la défense. Il
fonde ses décisions sur les éléments contradictoirement débattus en se gardant de tout a priori ».
237
355. Les modifications inhérentes à la procédure, les nouvelles technologies, les algorithmes
et l’open data ont un impact direct sur le contradictoire : la manière de maintenir la
contradiction de la procédure est rendue difficile, ce dont le juge doit tenir compte.
Grâce à son positionnement neutre, le juge des enfants garantit la protection de la liberté
individuelle (A). Par ailleurs, son rôle est amené à changer (B).
357. Pour être protecteur de la liberté individuelle des personnes impliquées dans la
626
P. BLONDEL, « Le juge et le droit », op. cit., p. 103 et s. ; M.-A. FRISON-ROCHE, « Les offices du juge », in
Leges tulit, jura docuit. Ecrits en hommage à Jean FOYER, PUF, Paris, 1997, p. 463.
627
N. CAYROL, Procédure civile, op. cit., p. 189.
628
P. BLONDEL, « Le juge et le droit », op. cit., p. 103.
629
Contrairement à l’article 66 de la Constitution, qui mentionne que l’autorité judiciaire est gardienne de la
liberté individuelle, le recueil des obligations déontologiques des magistrats précise que le magistrat et gardien
des libertés individuelles, expression employée au pluriel, v. en ce sens CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE,
Recueil des obligations déontologiques des magistrats, op. cit., p. 26.
630
Légalité à application du contradictoire à protection de la liberté individuelle.
631
P. BLONDEL, « Le juge et le droit », op. cit., p. 158.
238
procédure, le juge des enfants doit être neutre envers l'enfant, les titulaires de l'autorité
parentale et les tiers, cette démarche se distinguant toutefois de la « passivité du juge »632. La
prise de décision doit être suffisamment distanciée et prononcée dans l’intérêt de l’enfant.
L’article e. 17 du Recueil des obligations déontologiques des magistrats prévoit que «
l’attitude du magistrat reste, en toutes circonstances, empreinte de neutralité; il ne laisse pas
transparaître de sentiments personnels, de sympathie ou d’antipathie, vis-à-vis des personnes
impliquées dans les causes dont il a à connaître »633. De plus, « le magistrat veille à ce que
ses propos soient intelligibles pour ses interlocuteurs, quels que soient leur culture, leur
situation ou leur état ». C’est pourquoi, outre l’obligation de neutralité, il doit être
particulièrement vigilant sur la motivation de ses décisions, étant en plus soumis à un devoir
d’explication634.
Cette disposition est primordiale pour le respect du contradictoire, car rendre ses propos
compréhensibles permet aux justiciables d’agir dans leur intérêt et au juge de protéger la
société. Acteur de la « contradiction réciproque », le juge met en œuvre des règles qui
s’imposent aux acteurs du procès avec le concours loyal des parties, démarche nécessaire à la
solution du litige635. Le juge des enfants doit évoluer dans un cadre plutôt libre qui lui permet
de définir les moyens propres à sa mission. Ce processus implique notamment la
responsabilité de respecter les engagements donnés au justiciable, se situant dans une relation
personnalisée, « emblématique d’une évolution contemporaine des relations de pouvoir vers
des relations d’autorité »636. Le juge intervient dans un cadre libre, mais lorsqu’il intervient
conformément à la règle de droit, son intervention est rigoureuse, ce qui est source de
débat637. Pour autant, la tâche du juge ne doit pas être allégée par l’accroissement des
obligations des plaideurs : le juge et les parties doivent concourir à l’équilibre de l’implication
de chacun dans la procédure, l’objectif principal, au-delà de la prise en compte des intérêts,
étant ici de « chercher la meilleure justice possible »638.
632
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 173.
633
CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE, Recueil des obligations déontologiques des magistrats, op. cit., p. 36.
634
Ibid., p. 36.
635
M.-L. MATHIEU-IZORCHE, « Le juge et la contradiction », in Le nouveau code de procédure civile, 1975-2005,
Economica, 2006, p. 297.
636
T. BARANGER et G. NICOLAU, L’enfant et son juge, la justice des mineurs au quotidien, Hachette Littératures,
Les Docs, 2008, p. 19 ; la loi du 9 mars 2004 aménage cette relation personnalisée depuis le stade de
l’instruction jusqu’à l’application des peines.
637
P. BLONDEL, « Le juge et le droit », op. cit., p. 139.
638
G. BOLARD et S. GUINCHARD, « Le juge dans la cité », JCP G, 2002, n° 137, p. 984.
239
358. Un mouvement paradoxal actuel consiste à remettre en cause l’efficacité du pouvoir du
juge judiciaire tout en étendant sa fonction, ce que certains nomment la « crise du juge »639.
C’est dans ce contexte que le juge doit appliquer le contradictoire et rester neutre, ce qui peut
être mis à mal par la remise en cause de l’efficacité de son pouvoir.
L’office du juge civil est progressivement redéfini par la doctrine et par la jurisprudence,
faisant ainsi fluctuer les implications concrètes du principe dispositif640 : en fonction du rôle
du juge dans le procès, celui des parties est alors conduit à évoluer en parallèle, les deux
interventions fonctionnant de manière équilibrée. En conséquence, le juge doit mener le
procès autrement, en fonction des arguments des parties. L’office du juge pénal évolue
différemment en raison du rapport que les justiciables ont à l’autorité. L’autorité du juge des
enfants est remise en question en même temps que celle des adultes en général. Cette
précision est ici essentielle, dans la mesure où le juge des enfants incarne tant la fonction
pénale que la fonction civile. On peut se demander comment légitimer l’extension des tâches
du juge alors que son autorité même n’est plus comprise par le justiciable. Ce mouvement est
susceptible de mettre le juge en difficulté pour assurer son office en restant neutre et dans le
respect de la liberté individuelle.
359. Le rôle du juge et la façon dont il exerce ses attributions connaissent des changements
susceptibles d’influencer la manière d’appliquer le contradictoire.
Le mouvement d’amélioration et de simplification des procédures pénale et civile conduit
déjà le juge des enfants à s’adapter (1). Les nouvelles technologies, les algorithmes, l’open
data et leur place de plus en plus importante au sein des juridictions engendrent une réflexion
sur leur utilisation par le juge, dont l’action se modernise alors, et sur leur impact sur le
justiciable et sa compréhension du procès (2).
639
J. LENOBLE, « Crise du juge et transformation nécessaire du droit », in La crise du juge, La pensée juridique
moderne, Paris, Bruxelles, 1996, p. 139.
240
1 – La rénovation du rôle du juge par l’amélioration et la simplification de la
procédure
361. D’abord, la procédure, qu’elle soit civile ou pénale, a vocation à être améliorée et
simplifiée dans un objectif de regain de la confiance des justiciables. Ceux-ci ont perdu
confiance en la justice en raison par exemple de décisions trop aléatoires prises par les
magistrats et de la perte de l’autorité symbolique de la justice au quotidien. Ainsi sont
proposées de nouvelles mesures sur le fond (contenu de la procédure) et sur la forme (moyens
à mettre en place).
Le magistrat va devoir s’adapter à cette nouvelle conception de la procédure et à l’objectif
de ce processus en adoptant une démarche d’empathie envers le justiciable. Tout se passe
comme si l’on se souciait en quelque sorte de « prendre soin » de l’usager du service public
de la justice, qui a perdu confiance en l’institution de régulation du système sociétal.
L’application du principe du contradictoire n’en est qu’améliorée, l’objectif de celle-ci étant
la compréhension du procès par le justiciable. Le juge des enfants est particulièrement
impacté par ces changements car il est dans une démarche de protection du mineur et d’écoute
de ses représentants légaux, moyens à l’aide desquels il met en œuvre le contradictoire.
640
Le principe dispositif consiste à ce que les parties ont l’initiative du procès et en déterminent le contenu. Il
s’agit d’un postulat du droit judiciaire français.
641
Rapp., « Améliorer et simplifier la procédure », dirigé par F. AGOSTINI et N. MOLFESSIS, qui figure parmi les
cinq chantiers de la justice, remis à la garde des Sceaux le 15 janv. 2018 ; in ; « Restitution des chantiers de la
Justice », JCP G, n° 4, 22 janv. 2018, Actualités, p. 161.
241
qu’ils se sentent impliqués et rassurés à la fois dans leur parentalité et dans l’évolution de la
procédure.
642
J. THERON, « Améliorer et simplifier la procédure civile ; Comment regagner la confiance des justiciables ? »,
JCP G, févr. 2018, n° 9-10, p. 403.
643
« Développement de la communication électronique en matière civile et clarification de la date de
notification d’un acte à l’étranger », JCP G, mai 2019, n° 19, p. 506.
644
J. THERON, « Améliorer et simplifier la procédure civile ; Comment regagner la confiance des justiciables ? »,
op. cit., pp. 402 et 406.
645
Ibid., p. 404.
646
Ibid., p. 405., à propos de Cass. soc. 16 nov. 2016, n° 15-17.163 : JurisData n° 2016-024095, in notamment
Ibid., étant une procédure non contradictoire, le requérant doit motiver spécialement des circonstances
particulières qui justifient cette nécessité de contradiction. Dans certains textes spéciaux toutefois, cette
motivation particulière n’est pas exigée. En matière sociale par exemple, la Cour de cassation pose une
exigence de proportionnalité afin que les droits des justiciables absents soient améliorés, afin qu’alors la
démonstration des circonstances particulières justifiant une procédure non contradictoire ne soit pas
nécessaire. Le rapport propose que ce point jurisprudentiel soit intégré dans un code.
647
S. DETRAZ, « Amélioration et simplification de la procédure pénale », JCP G, sept. 2018, n° 8, p. 341 à 344 ;
« Restitution des chantiers de la Justice », JCP G, n° 4, 22 janv. 2018, Actualités, p. 161 : il est à noter que le
rapport, concernant le sens et l’efficacité de la peine, se calque vers le modèle de justice des mineurs pour
242
précédent l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et
de réforme pour la justice envisageait une « réécriture raisonnée » du Code de procédure
pénale à moyen terme et une « révision des principes directeurs de l’organisation de notre
procédure pénale » à long terme, concernant une fusion des moyens d’investigation648.
L’enquête s’est vu attribuer un certain caractère contradictoire lorsqu’elle se prolonge au-delà
de deux ans, notamment avec un accès amélioré au dossier649. Cette mesure est essentielle
afin de promouvoir un contradictoire éclairé et plus fluide à toutes les étapes suivantes de la
procédure.
La procédure pénale applicable aux mineurs a également été modifiée par l’adoption du
Code de la justice pénale des mineurs, créant une organisation différente de la procédure :
l’instruction telle qu’on l’a connue est supprimée et le mineur sera jugé lors de deux
audiences distinctes, sur la culpabilité puis sur la sanction, étant séparées par une période de
plusieurs mois. La neutralité du juge s’exercera dans ce contexte. Cette modification de la
procédure entraîne une modification des délais et donc une modification dans l’application du
contradictoire.
365. Ces mesures positives s’inscrivent au soutien d’un contradictoire plus fluide aux
différents stades de la procédure, puisque tout est simplifié en amont, devient plus clair pour
les professionnels, donnant de fortes chances à la décision d’être mieux accueillie par le
justiciable.
366. « Passant d’un ordre juridique à un fonctionnement systémique »650, le droit connaît
aujourd’hui une révolution profonde qui affecte la structure des obligations juridiques. « La
légalité classique, qui associait le droit à un ordre politique et social territorialisé » s’efface au
profit d’une « légalité radicalement inédite qui confond la norme avec un système »651. Cela
signifie que le centre de gravité du système juridique, auparavant le législateur, migre
préconiser une connaissance approfondie du profil du condamné (familial, professionnel, psychologique, etc. .)
et donc un renforcement de l’enquête de personnalité avec la création, là aussi, d’un dossier unique de
personnalité, afin de privilégier les peines alternatives, notamment pour les courtes peines (plus de peine
d’emprisonnement de moins d’un mois, pas d’emprisonnement effectif pour une condamnation à moins de six
mois, sauf impossibilité matérielle d’aménager une autre peine) ; J. LEBLOIS-HAPPE, « La réforme de l’enquête
par la loi de programmation 2018-2022 revue par le Conseil constitutionnel », op. cit.
648
S. DETRAZ, « Amélioration et simplification de la procédure pénale », op. cit., p. 342.
649
Ibid., p. 342.
650
A. GARAPON, « Le devenir systémique du droit », JCP G, mai 2018, n° 21, p. 1014.
651
Ibid., p. 1015.
243
aujourd’hui vers l’individu.
Cette évolution a des répercussions sur l’application du contradictoire par le juge, qui ne se
limite plus à l’application de la loi, mais doit savoir si le justiciable a compris les enjeux et ses
droits en vue de connaître les arguments adverses. Le respect du contradictoire ne se limite
donc plus à l’application de la loi mais s’inscrit dans un système. Le droit systémique est
constamment à la recherche d’un équilibre dans la relation entre lui-même et le justiciable,
impliquant ce dernier dans le processus652. Le juge est le tiers qui va intervenir non plus en
dehors mais dans le système en s’y incluant653. Le droit a perdu de son imperium, mais il n’a
pas perdu pour autant de sa jurisdictio, pouvoir de dire le juste, puisque l’usage public de la
parole reste la première arme du droit. Cela lui confère une supériorité par rapport au
développement du numérique et de la justice considérée comme un marché (mouvement de
marchéisation), qui sont des régulations sans langage654. Autrement dit, le droit comme
système influe sur le fonctionnement d’une juridiction, mais non sur la façon de dire la
justice. En conséquence, l’office du juge peut en être modifié sur la façon d’appréhender le
droit, voire de le mettre en œuvre. L’oralité demeure donc un aspect important de la
contradiction.
652
Ibid., p. 1017.
653
Ibid., p. 1018.
654
Ibid., p. 1021.
655
Rapp. de la mission d’information sur le redressement de la Justice « Cinq ans pour sauver la justice »,
présenté à la commission des lois du Sénat le 4 avril 2017, n° 495 (2016-2017).
244
alternatif des litiges et des outils de justice prédictive656. L’intervention du Ministère de la
justice a été ici indispensable pour assurer la complémentarité entre une justice traditionnelle
et une justice plus innovante657.
Ensuite, la mission proposait de rendre la justice plus proche en développant la conciliation
et en permettant un accès plus large à l’avocat.
Enfin, la mission s’orientait vers une amélioration du travail des magistrats658 : la
conciliation pourrait être développée pour être plus efficace dans les litiges de la vie courante.
Un certain temps est peut-être nécessaire afin que la justice soit prête à être simplifiée, tant les
vingt dernières années ont donné lieu à une complexification, notamment en raison de
l’adoption d’un excès de lois. Dans ce contexte, le juge peut se trouver en difficulté pour
respecter la neutralité qui lui incombe.
656
N. FRICERO, « Les chiffres clés pour sauver la justice : 5 ans, 4 objectifs, 127 propositions ! A propos du
rapport de la mission d’information sur le redressement de la Justice », JCP G, mai 2017, n° 19-20, pp. 900 et
901.
657
Ibid., p. 901.
658
Ibid., p. 901.
245
368. L’action du magistrat en général, et du juge des enfants en particulier, est compliquée
par les nouvelles technologies, les algorithmes et l’open data. La prise en compte de ces
facteurs modifie sa manière de conduire la procédure. Le délai de traitement des dossiers, par
exemple, est affecté par ces mouvements, et le juge des enfants doit s’adapter.
370. La mission de recherche Droit & Justice a publié un rapport pluridisciplinaire, intitulé «
Comment le numérique transforme le droit et la justice vers de nouveaux usages et un
bouleversement de la prise de décision ». Ces données auront un impact majeur sur
l’application du contradictoire puisque le numérique ne se préoccupe plus seulement de
l’analyse du droit et des solutions de justice, mais concerne aussi la prise de décision
directement. Comment le numérique arrive-t-il à influencer la prise de décision ? L’arrivée de
la technologie conduit le magistrat à s’adapter à la prise en compte de la règle de droit, à son
application et au processus de prise de décision. Certains aspects comme la prédictibilité de la
décision de justice conduisent à penser que les décisions seront prédéterminées, allant à
l’encontre de la réflexion et du temps nécessaire de délibération entre l’écoute des parties et la
659
F. CREUX-THOMAS, « propos recueillis par, « Je n’annoncerai pas de grand soir législatif. Je veux que notre
système fonctionne et que l’on lève les blocages » », JCP G, oct. 2017, n° 42, p. 1864.
660
T. GHERA, « Les transformations numériques de la justice », op. cit.
246
prise de décision. Pour autant, aucun de ces deux aspects ne porte préjudice au caractère
humain de la justice ni à la qualité de la prise de décision.
Un volet de ce rapport présente le fonctionnement d’outils numériques concernant
l’analyse mathématique du droit.
Un autre volet retrace les résultats d’une enquête menée auprès des présidents des
tribunaux de grande instance, des cours d’appel de métropole et d’Outre-mer et de la Cour de
cassation dans l’objectif de connaître leur perception de ces outils, leurs attentes et leurs
suggestions. Les magistrats soulignent la nécessité de réguler leur conception et
d’accompagner leurs usages.
Un dernier volet montre que les dynamiques internes au champ juridique, qui se traduisent
par l’« appropriation des nouveaux outils par les acteurs du droit », seront déterminantes dans
le processus de changement caractérisé par une montée en puissance des algorithmes au sein
de la justice. Les résultats de l’enquête soulignent à quel point le numérique va transformer
l’application du droit et des principes de procédure et parmi eux, le contradictoire. Les
magistrats se préoccupent en outre de la modernisation de l’exercice de leur profession.
371. De nouveaux termes entrent dans le monde judiciaire et dans le fonctionnement des
tribunaux, compliquant la tâche des professionnels. Les nouvelles technologies regroupent les
outils virtuels qui vont s’intégrer dans les pratiques quotidiennes des professionnels :
algorithmes, logiciels, bases de données.
Un algorithme peut être défini comme l’ensemble des règles opératoires propres à un
calcul, une suite de règles formelles.
L’open data ou big data est une importante base de données, ouverte à tous, qui va
permettre aux professionnels et aux justiciables un accès plus simple aux données juridiques.
La data ou la donnée est « une information de type particulier ; elle est stockable, analysable
et transmissible par voie électronique »661. Dans la procédure judiciaire, la donnée peut être
par exemple l’état civil des usagers, ou les décisions de justice elles-mêmes, créant des
difficultés pour la sécurité juridique et l’anonymat des usagers.
Ces termes d’algorithmes et d’open data suscitent notamment deux difficultés :
l’adaptation du juge des enfants aux nouvelles technologies et la compatibilité de la justice
des mineurs avec un système de calculs. C’est dans ce contexte que les juges des enfants
661
M. BOURGEOIS et al., « Sans data juridique, les possibilités d’innovation sont beaucoup plus réduites », JCP
G, avr. 2018, n° 15, p. 701.
247
devront continuer à appliquer le contradictoire en toute neutralité. Ces nouvelles manières
d’exercer la justice vont-elles influencer l’application du contradictoire auprès du mineur et
de ses représentants légaux ?
662
C. RENAULT-BRAHINSKY, Procédure pénale, op. cit., p. 34.
663
Rapp., Institut Montaigne, « Justice : faites entrer le numérique », remis à la garde des Sceaux le 13 nov.
2017, in F. CREUX-THOMAS, « propos recueillis par, “L’organisation judiciaire, l’accès à la justice, les méthodes
de jugement et l’exécution des décisions seront nécessairement transformés par le numérique”, 3 questions à
Guy Canivet, premier président honoraire de la Cour de cassation, ancien membre du Conseil Constitutionnel,
président du groupe de travail sur la Justice de l’Institut Montaigne », JCP G, nov. 2017, n° 47, p. 2142 ;
« “Justice : faites entrer le numérique” : l’Institut Montaigne remet son rapport à la garde des Sceaux », JCP G,
n° 47, 20 nov. 2017 », 1244, p. 2143.
664
L. CADIET, « L’accès à la justice. Réflexions sur la justice à l’épreuve des mutations contemporaines de
l’accès à la justice », D., mars 2017, n° 10, p. 522.
665
La mission Droit et justice menée par une équipe dirigée par I. SAYNE, V. PERROCHEAU, Y. FAVIER et N.
MERLEY a établi que les barèmes sont diffusés chez les magistrats. Certains sont officiels en matière civile en
réponse à des contentieux techniques, pour essentiellement calculer l’indemnisation des victimes, et en
matière pénale au parquet pour orienter les poursuites, d’autres, plus officieux, permettent aux magistrats
d’avoir des repères dans leur activité professionnelle. Le concept de barème recouvre un ensemble d’outils,
parfois qualifié de « lignes directrices » ou de « référentiels », et constitue une aide à la décision. Il n’en reste
pas moins que certains relèvent du « bricolage », in P. JANUEL, « Quand les magistrats bricolent leurs
barèmes », Dalloz actualité, sept. 2019.
248
373. La loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice contient
plusieurs dispositions relatives au numérique667: l’encadrement des services en ligne d’aide à
la saisine des juridictions ; le dossier de procédure numérique en matière pénale ; l’open data
et la publicité des décisions de justice. Même si des changements notables sont à remarquer,
la transformation numérique demeure relative668. Toutefois, pour respecter la contradiction, le
juge, tout en restant neutre, doit s’adapter entre un accès numérique et un accès plus
traditionnel à la procédure.
374. Le rôle du juge concernant l’accès de l’enfant au droit laisse entrevoir des possibilités
innovantes. De nombreux médias apparaissent pour sensibiliser l’enfant au droit et à ses
droits : le site internet Educadroit.fr propose aux parents et aux professionnels des vidéos
destinées à informer l’enfant. Pour appliquer le contradictoire, le rôle du juge est de se mettre
au niveau de l’enfant pour rendre son propos accessible et d’informer les représentants légaux
des supports existants. On peut penser que durant les mesures prescrites par le juge des
enfants, cet exercice pourrait être pratiqué davantage par les professionnels de l’éducatif et
par les représentants légaux. Mais l’implication du juge dans la démarche garantit la
cohérence de la chaîne éducative et judiciaire.
376. La même juge des enfants constate une réelle envie d’apprendre de la part des
justiciables, et il en va de même pour les personnes nées avant les années 1980. Par ce biais,
chacun peut se procurer l’information en effectuant des recherches, ce qui est plus aisé que de
devoir se déplacer en juridiction. La magistrate indique que les justiciables lui posent souvent
des questions, après s’être renseignés sur internet ou avoir pris connaissance de telle ou telle
666
L. CADIET, « L’accès à la justice. Réflexions sur la justice à l’épreuve des mutations contemporaines de
l’accès à la justice », op. cit., p. 522., p. 522.
667
C. BLERY, « Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : aspects
numériques », D., mai 2019, n° 19, p. 1069.
249
possibilité à la télévision. Elle doit alors rester neutre quand elle leur apporte une réponse
précise.
Un mouvement accompagne les nouvelles technologies, c’est la vulgarisation du droit
véhiculée par les supports d’information. Ainsi, le justiciable devient informé par ce biais et
peut solliciter le juge des enfants non en tant qu’expert, mais en tant que maillon de la chaîne
de communication intra-judiciaire. A défaut de moyens humains pour assurer la justice, le
justiciable devient alors acteur de la procédure. Face à cette nouvelle façon de procéder du
justiciable, le juge doit rester neutre.
377. On peut dire que le contradictoire est assuré d’une manière qui a évolué : les arguments
de chacun sont dématérialisés et le juge l’organise autrement. La juge des enfants interrogée
souligne les avantages de cette évolution : chacun est compréhensible dans ses propos, le
contradictoire est assuré lors des entretiens et des audiences, c’est un véritable gain de temps.
Ainsi, les professionnels sont mieux disposés à s’interroger sur la manière d’assurer à l’enfant
une meilleure protection.
668
J.-B. THIERRY, « Réforme de la justice - La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, loi de réforme pour la justice
numérique ? », op. cit., p. 524.
669
B. DONDERO, « Justice prédictive : la fin de l’aléa judiciaire ? », D., mars 2017, n° 10, p. 532 et s.
670
Y. MENECEUR, « Quel avenir pour la « justice prédictive » ? Enjeux et limites des algorithmes d’anticipation
des décisions de justice », JCP G, févr. 2018, n° 7, p. 319.
671
T. CASSUTO, « La justice à l’épreuve de sa prédictibilité », AJ pénal, 2017, p. 336.
250
Cette manière d’appréhender la justice bouleverse la fonction ordonnatrice du temps car
elle annonce ab initio une décision probable, le temps de la procédure est ainsi modifié672.
Cette révolution change donc la manière d’adopter les décisions de justice. La dimension
temporelle dans le procès ne se limite plus au délai raisonnable de jugement, mais elle surgit
ailleurs. L’heure serait donc à la justice prédictive673, rendue possible par la loi n° 2016-1321
du 7 octobre 2016 pour une République numérique, par l’exploitation d’algorithmes de
l’ensemble des décisions de justice françaises674.
379. Une précision apportée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de réforme pour la
Justice concerne le recours au traitement algorithmique. L'article 4-3 de la loi n° 2016-1547
du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle précise en outre que
lorsque le service en ligne est fondé sur un traitement algorithmique ou automatisé de données
à caractère personnel, les parties doivent en être informées et y consentir expressément. La
partie qui en fait la demande peut obtenir la délivrance des règles de ce traitement et de ses
principales caractéristiques et doit pouvoir obtenir une information « (…) en détail et sous une
forme intelligible (…) » sur la manière dont le traitement a été mis en œuvre675.
380. Ces éléments ont un impact direct sur le contradictoire. On peut s’interroger sur le
devenir des convocations, des modes d’information des parties et des tiers, et sur l’adaptation
à l’enfant des nouveaux modes d’information676. Ces nouvelles manières d’envisager la
justice auront une incidence directe sur le contradictoire, puisque celui-ci rend le procès plus
lisible et que l’introduction de l’intelligence artificielle met en question le droit au procès
équitable677. Le justiciable peut ainsi être trompé en amont du procès et le juge pourrait être
influencé par cette décision678. Le magistrat serait conduit à se transformer en un technicien
672
Un parallèle est à effectuer avec la notion de temps utile vue dans la première partie, titre 1, chapitre 1, car
le temps pour déposer les arguments et que les parties en prennent connaissance doit être suffisamment long
pour permettre la réflexion et la maturation, tandis que le temps de la décision devient plus court.
673
L. CADIET, « L’accès à la justice. Réflexions sur la justice à l’épreuve des mutations contemporaines de
l’accès à la justice », op. cit., p. 527.
674
N. FRICERO, L’essentiel de la procédure civile, op. cit., p. 124.
675
J.-B. THIERRY, « Réforme de la justice - La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, loi de réforme pour la justice
numérique ? », op. cit., p. 524.
676
Cela amène à nous interroger plus largement sur la manière d’éduquer les enfants dans le futur avec les
nouveaux outils tels que les tablettes, sur la manière de conduire l’enfant vers ces nouvelles technologies pour
les utiliser de manière adaptée.
677
V. l’article de S.-M. FERRIE, « Les algorithmes à l’épreuve du droit au procès équitable », JCP G, mars 2018,
n° 11.
678
Ibid., pp. 500 et 502. ; B. DONDERO, « Justice prédictive : la fin de l’aléa judiciaire ? », op. cit., p. 537.
251
du droit, « automate »679 et non plus en praticien.
Après un accueil intéressé de ces nouveaux procédés, une réflexion critique a émergé sur
leurs effets680. En matière pénale en particulier, la prédictibilité judiciaire interroge. En effet,
la matière sacralise des valeurs protectrices de la société et on se demande comment une
expression statistique peut, de manière automatique, rendre compte de faits et d’intentions681.
381. L’intelligence artificielle est un sujet qui s’immisce de plus en plus dans le domaine du
droit, conduisant à s’interroger sur la crainte des juges à propos de son arrivée car elle remet
en question leur pratique. Les justiciables ayant eux-mêmes accès à leurs droits, on peut se
demander quelle sera la place du juge dans la mise en œuvre de ces droits, dans l’information
de ces droits à destination des usagers, donc dans l’application du contradictoire.
L’objectif est ici d’appréhender le degré d’intelligence des moteurs de recherche. Si l’on
suit la méthode de Monsieur Croze682, si l’on se met à la place du justiciable, et si, sur le
moteur de recherche Google, on tape « quels sont mes droits de parent dans une procédure
devant le juge des enfants ? », la base de données génère des onglets sur les droits
fondamentaux des familles dont les enfants sont placés et sur leurs droits dans le cadre de
mesures éducatives, sur l’audience devant le juge des enfants en assistance éducative, ou
encore sur le droit de l’enfant d’être entendu en cas de divorce683. Ainsi, Google est un
assistant juridique virtuel qui permet d’informer les justiciables.
Plus spécialisé, le site www.service-public.fr ne répond pas à la question posée si elle est
ainsi formulée. Il convient d’être plus précis et de taper des mots-clés « droits – procédure –
juge des enfants ». Alors, la base de données fournit des fiches pratiques (protection du
mineur en danger par le juge des enfants, procédure devant le tribunal pour enfants concernant
le mineur délinquant, audition d’un enfant par le juge en cas de séparation ou de divorce des
parents, coût moyen d’un procès, ou droit de visite et d’hébergement en cas de séparation des
parents)684.
679
S.-M. FERRIE, « Les algorithmes à l’épreuve du droit au procès équitable », op. cit., p. 297.
680
Y. MENECEUR, « Quel avenir pour la « justice prédictive » ? Enjeux et limites des algorithmes d’anticipation
des décisions de justice », JCP G, févr. 2018, n° 7, p. 317.
681
T. CASSUTO, « La justice à l’épreuve de sa prédictibilité », op. cit., p. 334.
682
H. CROZE, « Comment être artificiellement intelligent en droit », JCP G, sept. 2017, n° 36, p. 1498.
683
Recherche effectuée à partir du moteur de recherche https://www.google.fr le 8 février 2018.
684
Recherche effectuée sur le site internet https://www.service-public.fr le 8 février 2018, aboutissant au lien
suivant https://www.service-public.fr/particuliers/recherche?keyword=droits+-+proc%C3%A9dure+-
+juge+des+enfants.
252
382. Google est plus accessible aux justiciables pour d’éventuelles recherches, la
consultation d’autre sites plus spécialisés nécessitant un minimum de formation juridique. En
outre, une telle indexation ne peut être que partiellement automatique car elle nécessite un
traitement humain685. La personne doit donc effectuer une réflexion pour orienter sa demande
d’information. Tout se passe comme s’il était logique qu’un dialogue s’instaure entre
l’ordinateur et l’utilisateur686, dans lequel le juge n’a plus de place. Dans ce contexte, le
justiciable recherche lui-même l’information relative à ses droits sans l’intervention du juge,
et alors le juge n’a plus qu’à appliquer le contradictoire lors des audiences lorsqu’il se trouve
face à face avec le justiciable.
383. On espère que l’intelligence artificielle ne consiste pas à supplanter les professionnels
du droit en les remplaçant par les outils numériques, mais à leur fournir des outils pour
faciliter leur travail ou, en tout cas, pour travailler différemment 687. Le fonctionnement
intelligent de la machine permettra de choisir dans l’analyse des documents, de filtrer les
éléments les plus pertinents, exigeant du juge qu’il maîtrise les modes de raisonnement
inscrits dans les algorithmes688. Il devra toutefois rester vigilant à ne pas être influencé par les
algorithmes et à rester neutre par rapport à cette nouvelle intelligence. Il devra également
appliquer le contradictoire en se référant aux textes de loi et non uniquement à ces données
intelligentes.
384. De plus, les magistrats civilistes se verront peut-être bientôt dotés de logiciels complets
d’assistance à la rédaction leur permettant de rédiger leurs décisions à partir de bibliothèques
mises à jour689. L’objectif serait d’assurer la qualité et la cohérence de la jurisprudence, ce qui
correspondrait à une demande accrue de prévisibilité et d’efficacité dans le travail du juge
civil, pour que le justiciable reçoive, dans un délai raisonnable, une décision conforme au
droit positif690. La spécificité de la fonction de juger serait préservée, et les professionnels
seraient accompagnés en juridiction vers ce changement.
685
H. CROZE, « Comment être artificiellement intelligent en droit », op. cit., p. 1498.
686
Ibid., p. 1499.
687
M. CLEMENT, « Les juges doivent-ils craindre l’arrivée de l’intelligence artificielle ? », D., janv. 2017, n° 2, p.
104.
688
Ibid., p. 104.
689
B. GARDEZ DE SOOS, « Les nouveaux défis du magistrat 2.0 ou la création d’outils d’aide à la rédaction pour
le juge civil », JCP G, juill. 2017, n° 28, p. 1384.
690
Ibid., p. 1384.
253
385. Pour ne pas perdre de vue l’application du contradictoire, cette révolution demande que
les professionnels du droit s’impliquent davantage dans ces problématiques691. L’objectif
serait ici d’intégrer l’éthique à l’intelligence artificielle, de la conception à l’utilisation692. Ce
mouvement marquerait « un recul du droit dur à la faveur d’un droit souple, négocié,
choisi »693. Si ce mouvement était encadré par une certaine éthique, le juge conserverait un
positionnement neutre par rapport aux acteurs du procès, ce qui est nécessaire à la mise en
œuvre du contradictoire.
387. Ainsi, les nouvelles terminologies et l’évolution du rôle du juge mettent à l’épreuve son
office et l’application du contradictoire auprès des parties.
Le juge des enfants doit également être neutre à l’égard des autres magistrats qui
interviennent auprès de lui.
388. Le juge des enfants doit être neutre par rapport au juge aux affaires familiales et au juge
d’instruction. Il peut être conduit à intervenir en même temps qu’eux : tandis que le juge aux
691
M. CLEMENT, « Les juges doivent-ils craindre l’arrivée de l’intelligence artificielle ? », op. cit., p. 104.
692
A. BENSAMOUN et G. LOISEAU, « L’intelligence artificielle à la mode éthique », D., juill. 2017, n° 24, p. 1371 :
c’est pourquoi le Comité économique et social européen (CESE) favorise la transparence afin que les systèmes
d’intelligence artificielle soient acceptés, sécurisés, respectant la vie privée des personnes et compréhensibles
et contrôlables par l’homme.
693
Ibid., p. 1372.
694
CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE, Recueil des obligations déontologiques des magistrats, op. cit., p. 37.
254
affaires familiales prend en charge un dossier de séparation conjugale et d’attribution de droits
de résidence, le juge des enfants peut être amené à statuer sur l’existence d’un danger, alors
que le juge d’instruction peut intervenir lorsque le mineur a commis un acte délictueux. Plus
complexes encore sont les situations d’enfants victimes, où le juge d’instruction est alors saisi
comme magistrat instructeur, l’un ou les parents de l’enfant étant mis en cause.
389. La question se pose de savoir dans quelle mesure et dans quels cas chaque magistrat a le
droit d’obtenir des informations. Cette démarche a une influence directe sur l’application du
contradictoire, surtout sur la connaissance du dossier par les parties, parce qu’en fonction des
cas, les pièces du dossier des autres magistrats peuvent être versées au dossier du juge des
enfants. On peut donc se demander de quelle manière ces démarches peuvent être faites en
concourant à l’intérêt de l’enfant et en respectant le principe du contradictoire.
Les dossiers peuvent être communiqués par le juge des enfants au juge aux affaires
familiales (A) et au juge d’instruction (B).
391. Les compétences d’attribution du juge des enfants et du juge aux affaires familiales
diffèrent : le premier se prononce dans l’urgence et le second pour une situation plus durable,
ce qui explique que la procédure, la place dévolue à l’enfant et l’application du contradictoire
diffèrent. La question est de savoir si malgré tout, le juge des enfants parvient à rester neutre.
255
Il est nécessaire de rappeler le contexte dans lequel ces magistrats exercent afin d’envisager
pourquoi et comment le juge des enfants est conduit à recevoir des éléments du dossier
concernant l’autorité parentale696.
392. Le juge aux affaires familiales et le juge des enfants ont des compétences
concurrentes697 mais aussi complémentaires698. Leurs attributions et les critères de leur
intervention ne sont pas les mêmes. Le juge aux affaires familiales fixe les modalités
d’exercice de l’autorité parentale, alors que le juge des enfants intervient pour protéger le
mineur d’une situation de danger en vertu de l’article 375 du Code civil. Les difficultés
surviennent en cas de décision du juge aux affaires familiales antérieure à la saisine du juge
des enfants, lors des questions relatives au droit de visite, lors de la séparation des parents
après l’intervention du juge des enfants. Dans ces trois cas, les interventions des deux
magistrats se croisent et leurs décisions respectives doivent être cohérentes. La Cour de
cassation précise qu’il résulte de l’article 375-3 alinéa 2 du Code civil que, lorsqu’une
décision du juge aux affaires familiales est intervenue sur les modalités d’exercice de
l’autorité parentale, le juge des enfants ne peut prendre les mesures d’assistance éducative
prévue à l’alinéa 1er de cet article (confier l’enfant à l’autre parent, à un tiers ou à un service)
que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé
postérieurement à cette décision699. Il en va différemment lorsqu’il s’agit d’aborder le cas
particulier des relations avec des tiers quand le mineur est placé. Le juge des enfants est alors
seul compétent pour statuer sur les relations entre celui-ci et des tiers700.
695
M. HUYETTE, « La communication des dossiers d’assistance éducative aux juges aux affaires familiales », D.,
2004, n° 23, p. 1627.
696
P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit de la famille, op. cit., p. 496 à 498.
697
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Dalloz, 2014, p. 487 ; J.-M. PERMINGEAT, « Les
compétences concurrentes du juge des enfants et du juge aux affaires familiales », AJ famille, 2013, p. 280 ; C.
JEREZ, Le juge des enfants, entre assistance, répression et rééducation, op. cit., p. 97 et s.
698
J.-M. PERMINGEAT, « Les compétences concurrentes du juge des enfants et du juge aux affaires familiales »,
op. cit., p. 280.
699
Cass. civ. 1ère, 14 juin 1988, n° 8680.050, Bull. 1988, I, n° 192 ; cass. civ. 1ère, 12 janv. 1994, n° 92-05.030, Bull.
1994, I, n° 17 ; cass. civ. 1ère, 14 mars 2006, n° 05-13.360, Bull. 2006, I, n° 161 ; cass. civ. 1ère, 4 mars 2015, n°
13-24.793 ; cass. civ. 1ère, 14 nov. 2007, n° 06-18.104, Bull. 2007, I, n° 358.
700
Cass. civ. 1ère, 9 juin 2010, n° 09-13.390, Bull. 2010, I, n° 130.
701
Décr. n° 2009-398 du 10 avr. 2009 relatif à la communication de pièces entre le juge aux affaires familiales,
le juge des enfants et le juge des tutelles : depuis la loi du 12 mai 2009, le juge des tutelles n’est plus concerné
256
intervenaient dans le cadre d’une « coopération informelle inégalement respectueuse du
principe du contradictoire »702. Le décret reprend la solution de la Cour de cassation qui a
systématisé cette information réciproque entre le juge des enfants et le juge aux affaires
familiales703, allant dans le sens d’une « imprégnation prudente de la procédure de protection
de l’enfance par le principe de la contradiction »704. Cette solution dépasse l’obstacle
juridique de la confidentialité du dossier d’assistance éducative et de la violation du
contradictoire par sa consultation ouverte à d’autres magistrats sans que les parties en aient
été informées. Non seulement le juge aux affaires familiales peut se renseigner sur les pièces
du dossier du juge des enfants, mais il peut même fonder sa décision sur celui-ci. L’article
1072-1 du Code de procédure civile impose au juge aux affaires familiales de vérifier si une
procédure d’assistance éducative est ouverte à l’égard d’un mineur avant de statuer sur une
question relative à l’autorité parentale. Si c’est le cas, il peut demander au juge des enfants de
lui transmettre une ou plusieurs pièces du dossier. Cette communication est soumise à la
réserve de similitude des parties entre les deux procédures, limite destinée à éviter que des
personnes n’ayant pu avoir accès au dossier dans le cadre de la procédure d’assistance
éducative en obtiennent connaissance par le biais de la procédure relative à l’autorité
parentale705.
On peut légitimement se demander si le juge des enfants doit systématiquement se
renseigner sur l’existence ou non d’un dossier en cours devant le juge aux affaires familiales
en matière d’autorité parentale. Dans tous les cas, selon l’article 1187-1 du Code de procédure
civile, il peut ne pas transmettre certaines pièces du dossier demandées par le juge aux affaires
familiales, lorsque la communication de ces documents serait de nature à faire courir un
danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers.
En outre, selon l’article 1072-2 du Code de procédure civile, une copie de la décision du
juge aux affaires familiales est transmise au juge des enfants si elle intervient en cours de
procédure d’assistance éducative, ainsi que toute pièce qui lui semble utile.
par ce décret, ayant perdu toute compétence en matière de mineurs depuis ladite loi., in M. LA MESTA, J.
LEBORGNE et E. BARBE, « Communication de pièces entre le juge aux affaires familiales, le juge des enfants et
le juge des tutelles, présentation du décret n°2009-398 du 10 avril 2009 », AJ famille, mai 2009, p. 216.
702
C. CASTELLA, « L’échange d’informations entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales », AJ
famille, 2013, p. 475.
703
Cass. avis, 1er mars 2004, n° 00-40.001, Bull. civ. n° 1 : D., 2004, n° 23, note M. HUYETTE, p. 1627 à 1629 ; JCP
G, 6 oct. 2004, n° 41, p. 1744, note T. FOSSIER ; D., 2005. 1826 ; ibid. 1821, obs. M. DOUCHY-OUDOT.
704
A propos du Rapport DESCHAMPS, in T. FOSSIER, « La communication du dossier d’assistance éducative au
juge aux affaires familiales », JCP G, oct. 2004, n° 41.
705
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 489.
257
394. Le juge aux affaires familiales n’a aucune marge d’appréciation concernant les pièces
sollicitées par le juge des enfants et doit lui transmettre les pièces demandées 706. La
réciproque n’est pas vraie, le juge des enfants pouvant restreindre la transmission des pièces.
En conséquence, il existe une interdépendance entre les deux juridictions lorsque des
procédures sont ouvertes devant elles simultanément.
396. Ainsi le risque de contrariété de décisions entre le juge des enfants et le juge aux
affaires familiales existe, mais il est limité par l’objectif de la procédure d’assistance
éducative, par le caractère temporaire de l’intervention du juge des enfants, et par le
développement de la communication d’informations entre les deux juridictions708. Une juge
des enfants interrogée précise que les rapports entre les juges des enfants et les juges aux
affaires familiales ont en pratique beaucoup évolué. Elle souligne que cette évolution a
amélioré l’application du contradictoire par les juges des enfants : le contradictoire est moins
rigoureux auprès du juge des enfants qu’auprès du juge aux affaires familiales, en raison du
cadre de la protection de l’enfance. Les lois du 5 mars 2007 et du 18 novembre 2016 ont
donné des prérogatives supplémentaires aux juges des enfants, renforçant ainsi la position
judiciaire de ce magistrat : auparavant contraint d’indiquer le lieu de placement d’un enfant, la
loi du 5 mars 2007 lui a permis de ne plus le révéler. La magistrate indique que cet élément
706
C. CASTELLA, « L’échange d’informations entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales », op. cit.
707
Ibid.
708
J.-M. PERMINGEAT, « Les compétences concurrentes du juge des enfants et du juge aux affaires familiales »,
op. cit., p. 280.
258
s'inscrit dans une démarche de respect du contradictoire puisque le juge peut (mais n’est pas
tenu de) motiver son refus de dévoiler le lieu du placement.
397. Il convient de rester vigilant pour que le juge des enfants, connu pour être moins
exigeant sur le principe du contradictoire709, ne soit pas trop sollicité pour servir la procédure
relative à l’autorité parentale. Il doit donc fournir un effort particulier de neutralité face au
respect des principes de procédure et à la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant. Une
uniformisation des règles procédurales concernant le traitement de l’urgence ou le
contradictoire a été proposée afin que des principes d’application communs aux différentes
procédures puissent s’imposer710.
Lorsque le juge des enfants est conduit à communiquer des dossiers au juge d’instruction,
sa neutralité s’impose également.
398. Cette action doit se faire en toute neutralité afin de respecter le principe du
contradictoire. Les compétences d’attribution du juge des enfants et du juge d’instruction sont
différentes : si le premier est animé en matière civile par la protection de l’enfant et en matière
pénale par le relèvement éducatif du mineur, le second recherche avant tout la manifestation
de la vérité. En conséquence, même si des mesures éducatives sont prononcées par le juge
d’instruction, on peut constater en pratique que ce magistrat laisse peu de place à l’éducatif.
La situation est néanmoins plus simple lorsque, dans sa carrière, le juge d’instruction a exercé
les fonctions de juge des enfants.
Le juge des enfants et le juge d’instruction peuvent, eux aussi, avoir des compétences
concurrentes : en vertu des articles 5 et 9 de l’ordonnance du 2 février 1945, le juge
d’instruction peut connaître des affaires concernant les mineurs. Alors qu’en matière
criminelle il est seul compétent, dans les autres domaines, il partage sa compétence avec le
juge des enfants.
709
L. GEBLER, « L’enfant et ses juges. Approche transversale des procédures familiales », AJ famille, oct. 2007,
p. 390.
710
Ibid., p. 394.
259
399. Cela pose la question de la connaissance du mineur par l’un et par l’autre et de la
transmission des documents nécessaires à cette connaissance711. Trois cas méritent d’être
signalés.
Dans le premier cas, un mineur est victime d’une infraction sexuelle commise par l’un de
ses parents, mis en examen devant le juge d’instruction. L’article 706-49 du Code de
procédure pénale impose au juge d’instruction de faire connaître au juge des enfants
l’existence d’une procédure et de lui communiquer toute pièce utile712. Le texte mentionne le
caractère « utile » des pièces et on peut supposer que c’est le juge des enfants qui apprécie
leur utilité afin de l’aider dans sa décision.
Le deuxième cas est celui d’un mineur suivi en assistance éducative et ayant commis un
délit durant le déroulement de cette mesure, ce qui nécessiterait une information. Il serait alors
suivi à la fois par le juge des enfants et par le juge d’instruction. Dans la mesure où en cas de
mineur victime, la transmission de pièces est motivée par la protection de l’enfant, on peut en
déduire que si le mineur est déjà suivi en assistance éducative, la transmission n’est pas
nécessaire, puisque le juge des enfants est déjà saisi. La pratique montre que le juge de
l’assistance éducative peut ne pas être informé du dossier du mineur devant le juge
d’instruction.
Le troisième cas vise un mineur déjà suivi dans le cadre pénal par le juge des enfants et qui
a commis un acte de délinquance, le conduisant à être déféré devant le parquet. Le juge
d’instruction saisi l’ayant mis en examen, une période pré-sentencielle s’ouvre devant ce
magistrat. Dans une logique de cohérence du parcours du mineur, le juge des enfants et le
juge d’instruction se coordonnent pour le prononcé des mesures, ce qui n’est pas fréquent.
400. Une juge des enfants indique que, sur ce point, les juges des enfants n’ont eu pendant
très longtemps aucune obligation de communiquer le moindre élément au juge d’instruction.
Une évolution a eu lieu par volonté de protéger les mineurs victimes et de spécialiser
l’exercice de l’instruction des mineurs. Dans tous les cas, les objectifs de chaque procédure
étant distincts, il semble que la communication soit moindre entre le juge des enfants et le
juge d’instruction qu’elle ne l’est entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales.
711
Il est à noter que l’article 322-8 du Code de la justice pénale des mineur précise que « Le juge d'instruction
saisi d'une procédure concernant un mineur transmet au juge des enfants les pièces devant être versées au
dossier unique de personnalité ». Ce dossier ne peut être utilisé que dans les procédures pénales suivies devant
les juridictions pour mineurs.
712
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 1215.
260
401. Le cas des mineurs victimes d’infractions sexuelles est le seul dans lequel des pièces du
dossier d’instruction se trouvent au dossier d’assistance éducative. Si le juge des enfants
demande ces pièces au juge d’instruction, elles figurent dans le dossier, ce qui, en application
du contradictoire, peut entraîner leur consultation par le mineur et par ses représentants
légaux.
Conclusion du chapitre
402. En raison du statut du juge, qui exige à la fois impartialité et neutralité, l’application du
principe du contradictoire devant le juge des enfants est un exercice délicat. Ce magistrat doit
garantir l’application du contradictoire, surtout au regard des évolutions procédurales
actuelles et des nouvelles technologies.
403. L’application du contradictoire par le juge des enfants a progressivement été renforcée
par les textes et par la jurisprudence.
Après avoir envisagé le statut du juge des enfants et son positionnement à l’égard des
parties et des autres juges impliqués, nous pouvons aborder son action au service du respect
du contradictoire.
261
262
Chapitre 2 - L'action du juge des enfants au service du
respect du contradictoire
404. Le juge des enfants agit au cours de la procédure afin de respecter et faire respecter le
principe du contradictoire. Il est ainsi garant du respect des droits de chacune des parties713.
Or, une juge des enfants interrogée pour les besoins de cette étude indique que si le respect du
contradictoire est absolu en matière pénale, il est plus imprécis en matière civile. Elle ajoute
que l’intervention dans des situations de danger conduit à d’autres prises de position, même si
la priorité reste toujours de tendre vers le respect du contradictoire. C’est pourquoi le juge des
enfants doit s’adapter en fonction du cadre dans lequel il intervient.
Son action étant au service du respect du contradictoire, il est garant du dossier (Section 1).
Il doit également assurer la bonne circulation de la parole lors des débats (Section 2), ce qui
soutient, renforce et prolonge la garantie relative au dossier.
Le juge des enfants est garant des pièces écrites qui se trouvent au tribunal. Il veille à la
constitution du dossier de l’enfant (§ 1).
Par ailleurs, il garantit la connaissance du dossier de l’enfant par les parties (§ 2), ce qui
conditionne le respect du contradictoire.
263
§1 – Le juge des enfants garant de la constitution du dossier de
l’enfant
406. La manière dont est constitué le dossier assure une meilleure mise en œuvre du
contradictoire, le document étant plus facilement exploitable à la fois par le juge et par les
parties. Qui mieux que le juge, impartial, peut garantir sa constitution ? Or, le contenu du
dossier peut représenter un danger pour l’enfant, qui peut être exposé à des éléments qu’il
pourrait ne pas comprendre. C’est pourquoi le juge doit garantir la constitution du dossier
dans une démarche de conciliation entre respect du contradictoire et protection de l’enfant.
A cette fin, le juge des enfants garantit non seulement la présence des pièces au dossier
(A), mais aussi l’échange des pièces entre les parties (B).
Pour garantir la présence des pièces au dossier, le juge des enfants doit contrôler leur
communication par les parties dans les délais requis. Il vérifie donc la composition exhaustive
du dossier (1).
Le juge des enfants, garant de la protection de l’enfant, conduit un véritable travail
d’analyse entre les pièces présentes et les demandes de consultation, pour décider du maintien
ou du retrait d’une ou de plusieurs d’entre elles en vue de protéger l’enfant ou une partie. Il a
ainsi la faculté de retrier un élément du dossier (2).
407. Si le dossier est complet, les parties peuvent disposer d’éléments suffisants pour
connaître les arguments des uns et des autres en vue de s’organiser pour les débats. Le juge
des enfants apprécie en outre l’exhaustivité du dossier pour organiser une audience et prendre
une décision. Cette exhaustivité garantit donc l’application du contradictoire.
408. Gardien de la procédure, le juge des enfants vérifie l’exhaustivité des pièces du dossier
lors des différentes étapes du procès : le dossier doit être alimenté de manière progressive par
713
G. FLECHEUX, « Le droit d’être entendu », op. cit., p. 152.
264
les parties et évalué par le juge, ce qui conduit ce dernier à fixer une date d’audience. En
pratique, cela lui demande d’examiner deux éléments : il doit d’abord vérifier qu’un nombre
suffisant de pièces ont été déposées pour que le dosser soit jugé. Il doit ensuite évaluer si les
pièces sont utiles et si le temps dont les parties ont disposé a été suffisant pour en prendre
connaissance et les échanger.
409. L’article 5-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit que le dossier unique de
personnalité, quant à lui, « est actualisé par les investigations menées dans la procédure
pénale en cours et par les éléments de procédures d’assistance éducative et pénales
postérieures ; il est versé au dossier de chacune de ces procédures ». Le dossier est donc
alimenté progressivement au fur et à mesure de l’avancement de toutes les procédures en
cours. Le Code de procédure civile prévoit de manière générale les dispositions relatives à la
constitution du dossier et à son accès dans les articles 1190 et suivants.
410. En pratique, les juges des enfants privilégient la clarté de la procédure, indispensable à
la compréhension de la réponse judiciaire : c’est pourquoi en matière pénale ils peuvent se
dispenser des règles de l’ordonnance du 2 février 1945, parfois au mépris du temps nécessaire
à la compréhension du mineur714. Les juges des enfants mettent l’accent sur la simplicité
comme fil directeur pour l’application de la loi, préférant appliquer les procédures les moins
lourdes pour atteindre leurs objectifs715. Il ne nous semble pas incompatible d’articuler clarté
et simplicité de la procédure avec compréhension du mineur. Au contraire, plus la loi et le
dossier sont clairs et simples, mieux le mineur peut les comprendre.
Il convient pourtant d’être vigilant au temps nécessaire pour cette compréhension. Une
magistrate interrogée dans le cadre de cette étude indique que la culture judiciaire et la
consultation du dossier ont profondément modifié la conception de la fonction de juge des
enfants. Il convient que le juge soit vigilant à ne pas se laisser dévier vers un comportement
arbitraire qui porterait préjudice à la constitution du dossier et à une application neutre et
impartiale du contradictoire. Certains précisent que le « dossier devrait être le principal garde-
fou contre l’arbitraire », le juge et les acteurs judiciaires étant « interprètes des lois
applicables à une situation mais aussi de la vérité placée en position mythique à partir de
laquelle l'échange symbolique peut s'établir, hors de la mêlée quotidienne, sous l'égide de la
714
F. TOURET-DE COUCY, « Justice pénale des mineurs : une théorie éprouvée par la pratique », op. cit.
715
Ibid.
265
loi »716.
412. L’article 1187 alinéa 4 du Code de procédure civile prévoit cette faculté pour le juge,
apportant ainsi une limite à la connaissance du dossier717 : « par décision motivée, le juge
peut, en l'absence d'avocat, exclure tout ou partie des pièces de la consultation par l'un ou
l'autre des parents, le tuteur, la personne ou le représentant du service à qui l'enfant a été
confié ou le mineur lorsque cette consultation ferait courir un danger physique ou moral
grave au mineur, à une partie ou à un tiers »718.
Un climat très conflictuel et de nombreuses procédures opposant les parents du mineur
peuvent justifier ce choix719. Il n'est pas rare que les travailleurs sociaux soient confrontés à
des éléments de l'investigation qui permettront au juge des enfants, une fois informé, de
prendre une décision adaptée à la protection de l'enfant. Or, ces éléments, versés au dossier et
à la connaissance des parents, peuvent s'avérer directement préjudiciables à l'enfant. La
tentation est alors grande d'adresser au juge des enfants une note additionnelle, mentionnant
716
A. BRUEL, « Un bon juge ou un bon débat », in La justice des mineurs : évolution d’un modèle, LGDJ, Paris,
1995, p. 65 et s.
717
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Dalloz, 2014, p. 514 et 782 ; L. BELLON, L’atelier du juge,
à propos de la justice des mineurs, op. cit., p. 148.
718
La décision doit alors être notifiée dans les huit jours à la seule partie qui a demandé la consultation (article
1190 al. 3 du Code de procédure civile).
719
Cass. civ. 1ère, 6 juill. 2005, n° 04-05.011 : D., 2005, n° 40, p. 2794 et s., note M. HUYETTE.
266
qu’elle ne doit pas être versée au dossier ou que ces données ne soient pas évoquées lors des
débats. Même si cette faculté ne compromet pas légalement le contradictoire, on peut se
demander si le retrait d’une pièce du dossier est conforme à l’intérêt du mineur et des
familles.
413. Concernant le dossier unique de personnalité, et parce qu’il comprend des pièces issues
de procédures pénales et civiles, l’article 5-2 alinéa 8 de l’ordonnance du 2 février 1945
prévoit la faculté pour le juge de s’opposer à la remise de la copie d’une ou plusieurs pièces
du dossier par l’avocat : « il ne peut être délivré de copie de tout ou partie des pièces qu’il
comprend qu’aux seuls avocats, pour leur usage exclusif. Les avocats peuvent transmettre
une reproduction des copies ainsi obtenues exclusivement au mineur poursuivi s’il est
capable de discernement, à ses père et mère, tuteur ou représentant légal, qui doit attester au
préalable, par écrit, avoir pris connaissance des dispositions du neuvième alinéa du présent
article. L’avocat doit, avant cette transmission, aviser le magistrat saisi de la procédure qui
peut, par décision motivée, s’opposer à la remise de tout ou partie de ces reproductions
lorsque cette remise ferait courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie
ou à un tiers ».
414. L’intérêt de cette disposition réside dans l’intervention de l’avocat avant l’action du
juge. L’accès aux pièces du dossier ne passe pas ici par l’accès direct, mais par la
reproduction des pièces par l’avocat et leur transmission aux parties. Le juge peut ainsi
s’opposer au travail de l’avocat avec son client. Conforme au respect du contradictoire, cette
action du juge se justifie aussi par le souci de la protection.
415. Une juge des enfants indique toutefois qu’il est rare que les juges retirent certaines
pièces du dossier. Elle se fonde sur la situation d’un enfant à l’encontre de qui son ou ses
représentants légaux auraient commis des violences. Il s’agit alors du dossier pénal du majeur
mis en examen, et non pas du dossier de l’enfant. Les parents étant mis en examen par un juge
d’instruction, il est fréquent que des mesures de protection interviennent dans l’urgence, dès
le début de l’instruction, souvent dans les quinze jours. A ce moment-là, les dossiers sont peu
fournis. Toutefois, les parents et les enfants sont au fait de la réalité de la situation, même si
les magistrats sont conduits à être vigilants en raison de la protection de l’enfant et de la
présomption d’innocence. En début d’information, des pièces peuvent être retirées du dossier
pour préserver l’intérêt des enfants victimes de leurs parents, conformément au contradictoire.
267
Garant de la présence des pièces au dossier, le juge des enfants l’est aussi lorsque les
parties doivent échanger des éléments.
B – Le juge des enfants garant des échanges des pièces entre les parties
416. Selon le Code de procédure civile, le juge des enfants doit faire observer et observer lui-
même le principe de la contradiction. Pour cela, il est soumis à l’application de l’article 15 de
ce code : « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de
fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et
les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa
défense ».
417. Afin de clore les mouvements du dossier et les échanges des pièces en vue de
l’audience, le législateur accorde une importance à l’acte de l’ordonnance de clôture 720. Il
convient donc de se référer à cet acte et à la date à laquelle il a été pris, pour évaluer si le délai
de communication des pièces a eu lieu « en temps utile » -selon la formule de l’article 15 du
Code de procédure civile- ou de manière tardive. Il s’agit surtout de contribuer à l’équilibre
des plaideurs, et non de sanctionner le plaideur négligeant qui a produit des pièces de manière
tardive721.
Devant le juge des enfants, on se fonde sur l’ordonnance de renvoi devant le tribunal ou
devant le juge en matière pénale, et sur l’échéance de l’instruction figurant dans l’ordonnance
qui ordonne une mesure d’investigation à l’issue de la première audience en assistance
éducative.
720
A. BLAISSE, « Le problème des pièces et conclusions tardives (principalement devant le tribunal de grande
instance) », JCP G, 1988, p. 3317.
721
Ibid., p. 3317.
268
La première solution fait figure de « voie de la sagesse »722 pour éviter une révocation de
l’ordonnance de clôture avant que celle-ci ait été rendue. On peut toutefois s’interroger sur le
déroulement de la procédure si elle est interrompue en raison d’une indélicatesse de la part de
l’un des plaideurs.
La deuxième solution intervient alors que l’ordonnance de clôture a déjà été rendue, sa
révocation paraissant aller à l’encontre de la stabilité du procès judiciaire. Cela contribue à
porter préjudice à la sécurité du plaideur victime.
La troisième solution envisage non plus l’ordonnance de clôture, mais les conclusions et
pièces elles-mêmes. Le débat est déplacé et le fait d’écarter ces pièces, même si elles ont été
déposées tardivement, pourrait altérer la décision.
Dans tous les cas, le dépôt des pièces en temps utile fait partie de la définition du
contradictoire. Mais il n’est pas rare que les parties prennent conscience de la date de
l’audience et se mobilisent tardivement, puisque l’audience leur permet de se projeter, ce qui
n’était pas le cas à un stade antérieur de la procédure.
La constitution du dossier devant être garantie, le juge des enfants agit pour que les parties
aient connaissance des éléments pour s’organiser en vue du jugement.
419. Le juge des enfants contrôle l’accès et la consultation du dossier par les parties afin d’en
garantir la prise de connaissance dans le respect du contradictoire.
Les règles sont différentes selon qu’il s’agit du dossier pénal (A) ou du dossier d’assistance
éducative (B).
420. Concernant l’accès et la consultation du dossier pénal, le rôle du juge n’est pas
déterminé clairement par la loi. Pour appliquer le contradictoire, il est néanmoins nécessaire
que le juge informe les parties qu’elles peuvent disposer de copies par l’intermédiaire de leur
722
Ibid. p. 3317.
269
avocat. Par ailleurs, le juge a un rôle concernant l’organisation de son greffe pour permettre
en pratique l’accès et la consultation du dossier.
421. L’article 5-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit l’accès au dossier unique de
personnalité du mineur. Il dispose qu’« il est accessible aux avocats du mineur, de ses père et
mère, tuteur ou représentant légal, et de la partie civile, aux professionnels de la Protection
judiciaire de la jeunesse et aux magistrats saisis de la procédure. Toutefois, les avocats de la
partie civile ne peuvent avoir accès aux informations issues d’investigations accomplies lors
des procédures d’assistance éducative dont le mineur a fait l’objet ».
L’accès au dossier pénal n’est pas direct, les parties ne peuvent y avoir accès et le consulter
elles-mêmes, cette démarche n’étant permise qu’aux avocats. Sur demande du juge, le greffe
doit donc effectuer un tri des documents d’assistance éducative contenus dans le dossier
unique de personnalité afin de les exclure de la consultation par les avocats de la partie civile.
L'accès au dossier par l’avocat au cours de l'instruction préparatoire permet l'information des
parties sur les actes accomplis au cours de cette phase procédurale et la possibilité, le cas
échéant, de les contester par la demande d'actes723. Cette information participe au
contradictoire puisqu’elle permet aux parties d’accomplir des actes et de s’organiser. Cette
démarche a également comme objectif que les parties puissent préparer leur défense en vue du
jugement.
Il est souvent intéressant que le mineur soit confronté au contenu de son dossier, dans le
cadre d’une discussion avec son avocat, et surtout aux procès-verbaux des forces de l’ordre
qu’il a signés quelques mois auparavant. Le mineur est souvent étonné et n’a plus la même
perception du passage à l’acte et des faits. L’accès au dossier est une démarche intéressante
pour des infractions relatives aux personnes, ce qui peut déclencher chez le mineur de
l’empathie pour la victime.
422. La consultation du dossier pénal est permise uniquement par les services qui
interviennent auprès de l’enfant. Elle est régie par l’article 5-2 alinéas 6 et 7 de l’ordonnance
du 2 février 1945, les « personnels du service ou de l’établissement du secteur associatif
habilité saisi d’une mesure judiciaire concernant le mineur » étant soumis au secret
professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du Code pénal. Ces
services ne participent pas de manière directe au contradictoire car ils ne sont pas parties à la
270
procédure. Leur intervention est cependant nécessaire pour retranscrire le contenu du dossier
au mineur et aux représentants légaux et pour préparer l’audience. L'ordonnance du 2 février
1945 ne détermine pas strictement les règles qui régissent la consultation des dossiers pénaux.
A défaut, c'est donc l’article 114 du Code de procédure pénale qui s'applique724.
424. L’article 1187 du Code de procédure civile dispose que « dès l'avis d'ouverture de la
procédure, le dossier peut être consulté au greffe, jusqu'à la veille de l'audition ou de
l'audience, par l'avocat du mineur et celui de ses parents ou de l'un d'eux, de son tuteur, de la
personne ou du service à qui l'enfant a été confié. L'avocat peut se faire délivrer copie de tout
ou partie des pièces du dossier pour l'usage exclusif de la procédure d'assistance éducative. Il
ne peut transmettre les copies ainsi obtenues ou la reproduction de ces pièces à son client. Le
dossier peut également être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge,
par les parents, le tuteur, la personne ou le représentant du service à qui l'enfant a été confié et
par le mineur capable de discernement, jusqu'à la veille de l'audition ou de l'audience. La
consultation du dossier le concernant par le mineur capable de discernement ne peut se faire
qu'en présence de ses parents, ou de l'un d'eux, ou de son avocat. En cas de refus des parents
et si l'intéressé n'a pas d'avocat, le juge saisit le bâtonnier d'une demande de désignation d'un
avocat pour assister le mineur ou autorise le service éducatif chargé de la mesure à
723
L. MINIATO, Le principe du contradictoire en droit processuel, L. G. D. J, 2008, p. 267.
724
C. JEREZ, Le juge des enfants, entre assistance, répression et rééducation, op. cit.
725
L. ASCENSI, Du principe de la contradiction, op. cit., pp. 373 et 374.
271
l'accompagner pour cette consultation ». Le rôle du juge est donc d’organiser le greffe en vue
de la consultation et de saisir le bâtonnier d’une demande de désignation d’un avocat en cas
de refus des parents.
425. La possibilité pour les parents de se rendre au greffe à des heures fixées, et la possibilité
pour l’avocat d’obtenir une copie du dossier constituent des garanties suffisantes pour ne pas
porter atteinte au contradictoire726. Il a cependant fallu attendre le décret du 15 mars 2002
modifiant l'article 1187 du Code de procédure civile pour que le contradictoire soit amélioré
et que l'accès direct des parties au dossier soit garanti727.
426. Le juge des enfants, en vertu de l'article 1187 alinéa 1 du Code de procédure civile, va
fixer le moment précis de la consultation, ce qui paraît logique dans la mesure où il apparaît le
mieux placé pour savoir si le dossier est complet ou non. Il convient que le juge impose des
délais aux services sociaux pour le dépôt des rapports afin que les parties ne se déplacent pas
vainement728. Trois points d'amélioration de l'accès au dossier dans le cadre de la procédure
d'assistance éducative sont proposés : l’autorisation de l'avocat à délivrer des copies de tout ou
partie du dossier à son client ; la possibilité pour les parties elles-mêmes d’effectuer des
copies, si elles sollicitent l'accès direct au dossier ; la suppression de l'interdiction d'accès
direct fondé sur un danger physique ou moral grave pour le mineur, la partie ou un tiers729.
La sortie de documents du dossier à des fins de copies, que ce soit par l'intermédiaire de
l'avocat ou à l’initiative des parties, paraît contraire au principe de confidentialité des pièces
administratives. La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et
aux libertés prévoit que les parties peuvent avoir accès à toute pièce les concernant, mais la
sortie de document officiel n'est pas mentionnée. Cette proposition entre également en conflit
avec le principe du secret professionnel auquel sont soumis les travailleurs sociaux. La
suppression de l'interdiction de l'accès direct fondé sur un danger physique ou moral grave
pose la question de l’accès aux pièces et de l’interférence avec le principe de consultation du
dossier. Cependant, et au vu du réel danger que cela pourrait représenter pour le mineur, cette
726
Ibid. p. 514.
727
Ce décret a été précédé de la mise en place d'un groupe de travail, la commission « Deschamps », qui a
rendu un rapport intitulé : « Le contradictoire et la communication des dossiers en assistance éducative » ; sur
ce décret, V. notamment le commentaire de M. HUYETTE, « La nouvelle procédure d'assistance éducative », D.,
2002, chron. p. 1433 et s.
728
M. HUYETTE, « La nouvelle procédure d’assistance éducative », op. cit., p. 1437. ; L. MINIATO, Le principe du
contradictoire en droit processuel, op. cit., p. 278.
272
suppression pourrait ne concerner qu'une ou des pièces limitativement énumérées qu'un texte
prévoirait.
427. L'article 1187 du Code de procédure civile prévoit la consultation du dossier : « dès
l'instruction terminée, le conseil du mineur et celui de ses père, mère ou tuteur ou service à
qui l'enfant a été confié peuvent consulter le dossier jusqu'à la veille de l'audience ». Les
parents ou le mineur n'ont pas l'obligation d'être assistés par un avocat. La loi leur donne
simplement la faculté de choisir un avocat ou d'en faire désigner un. L'article 1186 du Code
de procédure civile dispose en effet que « le mineur, le père, la mère, le tuteur ou la personne
ou le service à qui il a été confié peuvent faire choix d'un conseil ou demander au juge qu'il
leur en soit désigné un d'office ». Le rôle du juge est donc de désigner un avocat d’office aux
personnes citées si elles en font la demande. La Cour de cassation a précisé que la loi
n’impose pas au juge des enfants de mentionner dans la décision que les parties ont pris
connaissance des pièces du dossier730. En outre, la Cour de cassation juge que le fait de
s’opposer à des parents de prendre connaissance du rapport sur lequel était fondé le rejet de
leur demande de mainlevée d’une mesure d’aide éducative en milieu ouvert constitue une
violation de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme car cela les a
empêchés de préparer leur réponse731. La consultation du dossier afin de connaître les
décisions de rejet et de préparer une argumentation est donc indispensable au respect du
procès équitable et du contradictoire.
428. Une juge des enfants interrogée dans le cadre de cette étude indique qu’il est essentiel
d’effectuer une réflexion sur l’accès au dossier des personnes fragiles, donc sur leur
accompagnement en termes de moyens matériels et humains. Elle précise que les juridictions
parviennent à obtenir que les mineurs soient accompagnés dans la consultation de leur
dossier, démarche nécessaire à la construction de leur personnalité. Néanmoins, cette
magistrate ajoute que les conditions de travail et les moyens matériels, plus riches dans le
passé, s’amenuisent : des bureaux pour recevoir les parties disparaissent en raison d’une
redistribution des locaux. Elle explique que dans son cabinet, l’accès au dossier est
réglementé de façon drastique : l’heure doit être prévue, la consultation du dossier le mercredi
729
L. MINIATO, Le principe du contradictoire en droit processuel, op. cit., p. 391.
730
Cass. civ. 1ère, 30 oct. 2006, n° 05-16.321, D., 2007, p. 1460, obs. F. GRANET.
731
Cass. civ. 1ère, 12 sept. 2012, n° 11-18.401, Journal du droit des jeunes, n° 318, oct. 2012, p. 55, in P. BONFILS
et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., pp. 514 et 515.
273
est exclue. Elle précise toutefois qu’en cas d’urgence ou pour s’adapter à l’emploi du temps
des parties, le greffe concerné organise l’accès au dossier. Pour permettre le respect du
contradictoire, des aménagements au cas par cas pallient le manque de moyens matériels et
humains732.
429. On peut se demander si la consultation du dossier sans que les parties aient la possibilité
d’en obtenir des copies est opportun. Il est probable qu’elle se fasse dans des conditions peu
propices à la réflexion et au calme nécessaire : sur un « coin de table », avec les moyens
donnés et dans l’urgence. Une simple consultation ne permet pas que les parties retiennent les
éléments figurant au dossier pour les reprendre lors de l’audience. La prise de notes est
insuffisante comparée à des photocopies sur lesquelles elles pourraient travailler à leur
domicile. La simple consultation du dossier altère donc le respect du contradictoire et des
progrès doivent encore être réalisés afin de rendre le contradictoire optimal.
Le juge des enfants est garant des pièces écrites et, parmi elles, du dossier de l’enfant.
Lorsque les parties ont communiqué leurs arguments respectifs et ont ainsi contribué à la
constitution du dossier, le juge des enfants intervient pour réguler la parole lors des débats.
430. Concernant la protection de l’individu, a fortiori lorsque la protection d’un enfant est en
jeu, une dimension logique s’ajoute à la dimension éthique et rend la procédure
obligatoirement contradictoire733. Le juge doit contribuer à cette dimension logique en
conduisant les parties à contester les propos de chacun dans le cadre d’une discussion régulée.
Le juge des enfants intervient pour faciliter les échanges verbaux. Les parties ont un rôle
primordial à jouer car la contestation des propos de chacun est essentielle pour nourrir le
contradictoire (§1). La contestation doit intervenir dans le cadre d’une discussion régulée par
le juge (§2).
732
Ce n’est pas parce que le contradictoire est présent et créé qu’il est permis, sa bonne exploitation par les
parties dépend de la mise en œuvre de paramètres organisationnels, le contradictoire devient alors accessible.
274
§1 – Le rôle primordial des parties : la contestation
431. Chacune des parties a vocation à contester les propos de l’autre ou des autres lors des
débats.
Nous verrons le principe du droit de contestation en lui-même (A), avant de nous pencher
sur son intérêt (B).
432. La contestation est non seulement un droit pour les parties, mais aussi une condition
sine qua non pour que le juge retienne les moyens, les explications et les documents produits
par les parties dans sa décision. La contestation est soumise au devoir pour le juge de
communiquer et de soumettre au débat, ce qui est également une obligation réciproque entre
les parties734. En conséquence, la contestation est un élément indispensable du contradictoire.
433. Les parties ont la faculté de « mettre en doute la teneur de l’information »735. L’instance
aménage le temps de la contestation et permet la prise de parole. Les documents remis lors du
procès doivent être compris par la partie qui souhaite les contester, elle bénéficie pour cela de
l’assistance d’un avocat.
L’article 16 du Code de procédure civile, dans son premier alinéa, oblige le juge à faire
respecter le principe de la contradiction et précise dans son deuxième alinéa qu’il « ne peut
retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits
par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement »736. Le débat
implique la possible contestation des propos de chacun, lors de laquelle chaque partie peut
produire ses arguments afin d’enrichir la réflexion et en vue du jugement. Le terme
« contestation » peut paraître abrupt, mais il ne vise que l’exercice du droit de contester, c’est-
à-dire de mettre en discussion et en doute les propos adverses. La contestation n’implique pas
733
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 143.
734
S. GUINCHARD, F. FERRAND et C. CHAINAIS, Procédure civile, op. cit., p. 361 et s.366 et s.
735
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 170.
736
V. par exemple Cass. civ. 2ème, 29 août 2019, n° 17-31.014 : JCP G, n° 37, 9 sept. 2019, p. 887.
275
la violence des propos, aussi le juge doit-il être présent pour réguler les humeurs éventuelles
des parties car dans ce domaine, « tout est question de mesure »737.
434. La contestation s’exerce lors des différentes auditions réalisées par le juge et au moment
de l’audience738. La façon dont la contestation s’organise diffère selon qu’elle se déroule en
audience pénale ou civile. La procédure d'assistance éducative est complexe et traversée de
courants divers. Elle comporte encore des aspects de la procédure inquisitoriale et doit réaliser
des progrès en matière de défense739. Pourtant, cette manière de fonctionner permet de se
centrer sur la protection de l’enfant et non sur une défense qu’il aurait à mettre en place. Si la
contestation des propos de chacun en audience pénale s’effectue dans un ordre déterminé, en
audience civile, elle peut s’apparenter à un échange, facilité par le déroulement des débats en
chambre du conseil. La nature du contentieux favorise également la discussion, l’objectif
étant de permettre à des parents d’évoluer dans l’exercice de leur parentalité. Madame Frison-
Roche met en exergue la contestabilité qui permet la contestation, qui doit avoir un intérêt
dans la progression de la dialectique judiciaire740.
La contestation est un droit pour les parties, une condition pour le juge, un élément
essentiel dans l’application du contradictoire. C’est pourquoi elle présente un intérêt certain.
B – L’intérêt de la contestation
737
A. BLAISSE, « Le problème des pièces et conclusions tardives (principalement devant le tribunal de grande
instance) », op. cit., p. 3317.
738
Ecole nationale de la magistrature, Pôle de formation, « processus de décision et de formalisation de la
justice civile », Les attributions civiles du juge des enfants, l’assistance éducative, Fascicule fonctionnel, avr.
2013, p. 42 à 45.
739
L. BELLON, L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, op. cit., p. 144.
740
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 184.
741
Ibid., p. 151.
742
Ibid., p. 151.
743
Ibid., p. 151
276
communs par leur communication, ce qui est la première manifestation du contradictoire744.
Pour que la dialectique judiciaire progresse, les éléments susceptibles d’entraîner la
conviction du juge doivent être efficacement contredits. Les parties ont un rôle important à
jouer dans l’insertion du fait et du droit dans le dialogue en articulant les faits et le droit pour
donner lieu à une argumentation : une preuve, extérieure ou non au débat, doit pouvoir être
contredite par le dialogue745. Le rôle du juge y est accentué. Il peut intervenir directement
dans le jeu des communications, et ce rôle, naturellement présent dans les procédures
inquisitoires, protège le contradictoire746. Le rôle du juge est également d’insérer le droit dans
le dialogue : il ne peut prendre en considération un fait non avancé par les parties, cette règle
étant une conséquence du contradictoire. Une initiative de sa part ne peut donc concerner que
le droit747.
436. La contestation présente un autre intérêt : le débat dans lequel elle se déroule doit être
utile à l’établissement de la vérité748. C’est pourquoi le contradictoire consiste à communiquer
à l’autre partie une pièce du dossier qui doit modifier le débat ouvert. La communication rend
la pièce interne au débat et contestable.
438. Parce qu’elle permet aux parties d’argumenter, la discussion accentue le respect du
contradictoire.
744
Ibid., p. 151.
745
Ibid., pp. 153 et 154.
746
Ibid., p. 159 et s. ; la procédure d’assistance éducative est particulière et n’est pas totalement inquisitoire,
mais les dispositions citées concernant le rôle du juge des enfants lors de la discussion lui sont pleinement
applicables en raison du soutien qu’elles apportent au contradictoire.
747
Ibid., p. 160.
748
Ibid., p. 185.
749
Ibid., p. 167.
277
Le principe de discussion est complexe à envisager (A). Le juge doit cependant en assurer
l’organisation (B).
A – Le principe de discussion
439. Après avoir écouté oralement l’échange des arguments, le juge discute avec les parties
afin que cette démarche conduise à une décision qui tient compte des diverses déclarations. La
discussion entre le juge et les parties permet donc au contradictoire de s’exercer pleinement.
440. La discussion occupe une place importante dans la logique judiciaire. Deux visions des
choses s’en dégagent : une conception formelle de la discussion présente le raisonnement
judiciaire comme étant de forme syllogistique, la majeure -règle de droit-, incontestable,
s’appliquant à la mineure -exposé des faits-750 (le contradictoire s’applique ici dans sa
fonction de protection des parties751). Une conception dialectique indique au contraire
l’importance de la connaissance des faits par le juge, qui retiendra la solution préférable entre
plusieurs règles de droit et plusieurs vraisemblances (la logique syllogistique devient une
logique de l’argumentation, la prudence étant essentielle752). Par syllogisme inversé, cet
examen des faits et du droit trouve son utilité dans la discussion753.
441. Le dialogue entre le juge et les parties est nécessaire pour mettre en place les débats
dans le respect du contradictoire. Pour que le procès remplisse sa fonction sociale, le dialogue
intérieur doit pouvoir « s’ancrer dans la discussion réelle des parties au procès »754. Il a lieu
dans l’espace délimité de la salle d’audience. Après avoir entendu chacune des parties, le juge
prend une décision, le contradictoire étant alors entendu comme « principe de construction de
la solution »755. Le fait pour les parties de « se contredire » durant la discussion est une
question de réflexion, qu’il faut organiser756.
750
Ibid., pp. 143 et 144.
751
Ibid., p. 144.
752
Ibid., pp. 146 et 147.
753
Ibid., p. 147.
754
Ibid. p. 149.
755
M.-L. MATHIEU-IZORCHE, « Le juge et la contradiction », op. cit., p. 301.
756
Ibid., p. 298 et 301.
278
La discussion doit donc se dérouler entre les parties, selon son organisation par le juge,
garant du respect du contradictoire.
443. Pour prendre sa décision, le juge doit obligatoirement entendre toutes les parties758. Il
est essentiel de distinguer entre les injonctions du juge, qui le conduisent à donner un ordre
aux parties ou aux auxiliaires de justice, à charge de l’exécuter, des invitations, qui n’obligent
pas leur destinataire mais lui permet d’exercer un droit. Aucune décision concernant un enfant
ne peut être prise, sauf pour le cas d'urgence, sans que les parents aient fait valoir leur point de
vue avec la possibilité de s'expliquer, disposition fondamentale pour garantir les droits des
justiciables759. L'urgence évoquée dans la loi ne doit pas permettre au juge de détourner cette
disposition, la véritable urgence étant rarement invoquée dans la pratique. Le juge peut
modifier les données du procès de sa propre initiative, mais il est indispensable de s’assurer
que les éléments nouveaux qu’il introduit dans l’instance soient soumis à la libre discussion
des parties760.
444. L’article 1184 du Code de procédure civile permet au juge de « prendre le temps de bien
se repérer »761, en prévoyant l'audition préalable de toutes les parties, l’appréciation du degré
de gravité de la situation d’un enfant constituant une évidente difficulté762.
757
G. BARBE, « La curée, le juge et les enfants », Gaz. Pal., juin 2019, n° 23, p. 3.
758
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 91.
759
Ibid., p. 92.
760
P. RAYNAUD, « L’obligation pour le juge de respecter le principe de la contradiction. Les vicissitudes de
l’article 16 », op. cit., p. 717.
761
Ibid., p. 92 et 93.
762
Ibid., p. 95.
279
445. Le juge peut recevoir les intéressés ensemble ou séparément. L’audition simultanée de
tous les intéressés facilite le respect du contradictoire : elle permet un débat dynamique dans
lequel le juge prend plus naturellement une position d’arbitre. Il peut également percevoir
plus aisément le fonctionnement familial. L’audition successive des intéressés présente
l’avantage d’une plus grande liberté de parole, mais elle rend plus difficile le respect du
contradictoire et risque d’amplifier les émotions763. La qualité du dialogue et son
enchaînement supposent que le juge agisse pour que les parties comprennent et saisissent les
différentes étapes de la discussion. Cet « art de plier l’auditoire à son opinion » n’est autre que
la traduction du fait que l’orateur « doit être compris de tous au même moment » : « le
premier devoir de l’orateur est donc de connaître ou de deviner la vérité de ceux qui
l’écoutent pour que ses vérités à lui s’incorporent à eux »764.
763
Ecole nationale de la magistrature, Pôle de formation, « processus de décision et de formalisation de la
justice civile », Les attributions civiles du juge des enfants, l’assistance éducative, Fascicule fonctionnel, avr.
2013, p. 40.
764
J. CHARPENTIER, Remarques sur la parole, LGDJ, Lextenso, Anthologie du Droit, 2018.
765
L. CADIET, « L’avènement du nouveau Code de procédure civile », in Le Code, Le NCPC : vingt ans après,
Actes du colloque du 11 décembre 1997, organisé par la Cour de cassation, La Documentation française, Paris,
1998, p. 64 ou 66.
280
la procédure pénale766.
447. La contradiction « implique une délimitation commune du champ du débat »767 : cela
signifie qu’elle suppose que « soit délimité un univers du discours, que soit défini un cadrage
préalable »768. Au début de l’instance, le juge s’efface pour reprendre son rôle premier lors de
l’audience. Le principe du contradictoire apparaît comme « un préalable à un véritable droit à
la parole »769 et la parole conduit à donner un caractère contradictoire aux débats. Cette
interdépendance entre la discussion et le contradictoire donne un sens au procès, le rôle du
juge étant de « permettre à chacun d’exister, en lui donnant l’assurance qu’il pourra
s’exprimer, mais aussi que sa parole sera accueillie »770.
Cette remarque est particulièrement adaptée à l’audition de l’enfant par le juge dans le
cadre de l’assistance éducative. Il a la faculté d’entendre l’enfant seul préalablement aux
débats. Ce choix est particulièrement opportun pour que l’enfant ose s’exprimer, ce qui
pourrait être difficile en présence de ses parents et de professionnels. On peut dire que cette
faculté est un aménagement de la procédure. Certains auteurs lient le juge et le débat en
arguant que l’un ne va pas sans l’autre771. La qualification du danger par le juge doit reposer
sur des faits précis. Pour assurer le respect du contradictoire et motiver une décision, le juge
des enfants ne peut se contenter de citer des expressions générales telles que « relations
fusionnelles », « carences éducatives », « immaturité des parents », « crise de l’adolescence »,
« maltraitance », « grande précarité des conditions de vie », etc. Il doit faire porter son analyse
sur des manifestations précises de danger pour l’enfant. Par exemple : « les parents émettent
des insultes fréquentes sur leur enfant de quatre ans telles que « détritus, débile » ; ils le
frappent avec une poêle sur la tête lorsqu’il fait des taches sur ses vêtements en mangeant et
l’empêchent de dormir jusqu’à minuit s’il n’a pas fait la sieste »772. L’utilisation de termes
factuels plutôt que génériques engendrera une meilleure compréhension des parents, alors
mieux à même de dialoguer.
766
Ibid., p. 73.
767
M.-L. MATHIEU-IZORCHE, « Le juge et la contradiction », op. cit., p. 300.
768
Ibid. p. 300.
769
Ibid., p. 304.
770
Ibid. p. 304.
771
A. BRUEL, « Un bon juge ou un bon débat », op. cit., pp. 65 et 72.
772
Ecole nationale de la magistrature, Pôle de formation, « processus de décision et de formalisation de la
justice civile », Les attributions civiles du juge des enfants, l’assistance éducative, Fascicule fonctionnel, avr.
2013, p. 19.
281
448. Dans le cadre pénal, l’application du contradictoire exige une organisation particulière :
l’audience n’est pas seulement le lieu de l’application de la loi et du prononcé de la sanction,
mais elle est surtout « l’occasion d’une rencontre initiatique avec la loi de l’échange et du
partage »773. Ce partage de l'espace demande « une bonne collaboration et des savoir-faire
respectueux de l'intimité professionnelle de chacun ». Souvent, tout se joue dans le temps qui
précède l’audience car il oblige aux introspections et à la préparation de cette « scène
inaugurale »774.
Le juge est le gardien des principes et de la règle, le travail de l’audience donne de la
facilité au droit pour permettre à la parole de se libérer. L’audience doit être une rencontre qui
introduit de l’humain dans le judiciaire en recherchant un sens partagé 775. Cela implique de
repérer une divergence de vue ou un conflit de cultures qui pourraient conduire à des
incompréhensions. Une certaine « pédagogie de la loi »776 y prend forme.
Monsieur Baranger, magistrat, et Madame Nicolau, professeure des universités, indiquent
que l’audience en cabinet chez le juge des enfants présente des points communs avec le
jugement en cour d’assises car la gravité des faits permet de s’intéresser à la personne777. Une
difficulté de l’audience est de mener les justiciables à la mise en mots, à l’échange de paroles,
au tri des émotions violentes. L’intervention du droit répond à la fois à l’impossibilité de
sortir d’un conflit par la parole et à la contrainte de le faire dans un rituel précis778. L’idée de
rituel est ici essentielle car il peut rassurer les représentants légaux et le mineur.
449. Un juge des enfants décrit l’audience de cabinet comme le lieu où le dialogue permet
d’approcher la difficulté familiale et ses causes et de rassurer le justiciable en réintroduisant la
loi, démarche indispensable pour contrer l’effet d’accusation ressenti de prime abord par
l’intervention des services éducatifs779. La parole étant domestiquée par la préparation des
équipes éducatives, ce moment est optimisé, l’effet étant quasi thérapeutique780. Le rôle du
juge est d’apprécier la relation de l’individu à l’autre dans une situation donnée 781. La
recherche et le recueil de l’adhésion requièrent clarté et sécurité de la part du juge quant aux
773
T. BARANGER et G. NICOLAU, L’enfant et son juge, la justice des mineurs au quotidien, op. cit., p. 96.
774
Ibid., p. 97.
775
Ibid., p. 98.
776
Ibid., p. 98.
777
Ibid., p. 99.
778
Ibid., p. 100.
779
Ibid., p. 102.
780
Ibid., p. 102.
781
Ibid., p. 103.
282
engagements concrets qu’il prend vis-à-vis des familles782.
450. Une juge des enfants interrogée pour les besoins de cette étude souligne l’évolution de
son rôle dans l’application du contradictoire concernant l’organisation de la discussion. Avant
l’audience, tout se déroule de manière fluide -principalement en raison de la présence de
l’avocat-. Lors de l’audience, le juge et le greffier vont favoriser l’équilibre de la prise de
parole. Par moment, elle s’interroge sur ce qu’elle peut dire ou non à l’audience, procédé qui
complique sa tâche en fonction de l’humeur des parents. Cela la conduit à s’adapter et, selon
ses propos, à « faire du pragmatique ».
Les juges des enfants construisent l’audience en fonction du résultat d’efficacité souhaité et
des besoins de protection de l’enfant, ce qui peut influer sur le respect du contradictoire. La
magistrate cite comme exemple le choix d’entendre une mère, et non la fille enceinte, cette
dernière devant en l’occurrence être protégée de sa mère. Le principe supérieur de la
protection de l’enfant a engendré son choix de ne pas respecter le contradictoire, guidé par la
priorisation des paramètres de la justice des mineurs. En assistance éducative, l’organisation
de la discussion par le juge est plus risquée qu’en matière pénale car elle est susceptible
d’aller à l’encontre du respect du contradictoire.
Une autre magistrate explique la différence entre le contradictoire devant le juge aux
affaires familiales et devant le juge des enfants : le contradictoire lui semble davantage
respecté par les juges des enfants qu’il ne l’était dans le passé, parce qu’ils se trouvent
aujourd’hui dans une logique très judiciaire. Les juges des enfants des années 1958 avaient
davantage la fibre éducative, plus éloignée de l’idée du débat contradictoire. Aujourd’hui, les
juges des enfants respectent le Code de procédure civile et le Code de procédure pénale.
En assistance éducative, l’ensemble est moins contraignant car le juge des enfants est le
seul magistrat dont la mission est de tenter d’obtenir l’adhésion des parties. La plupart du
temps, les justiciables doivent accepter la décision d’un juge alors que le juge des enfants doit
s’efforcer de convaincre les parties, ce qui le rend atypique par rapport aux autres magistrats.
Selon cette magistrate, le principe du contradictoire est aujourd’hui presque une règle.
782
Ibid., p. 313.
783
M.-A. FRISON-ROCHE, Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel, op. cit., p. 150.
283
Conclusion du chapitre
451. Le juge des enfants agit au service du respect du contradictoire. Il est essentiel qu’il soit
garant du dossier de l’enfant et de la juste distribution de la parole lors des débats, pour que le
contradictoire agisse comme un fil conducteur de nature à préserver la cohérence de la
procédure.
Il garantit la bonne tenue du dossier de l’enfant et sa connaissance par les parties, éléments
indispensables à la distribution de la parole : la contestation des propos de chacun se
manifeste lors d’une discussion organisée par le juge. La compréhension par les parties des
éléments du dossier, des propos des adversaires et de ceux du juge engendre le respect
284
contradictoire, et il incombe au juge de s’en assurer.
285
Conclusion du titre
452. Le juge des enfants est l’acteur incontournable qui garantit l’application du principe du
contradictoire. A cet effet, son statut particulier, impartial et neutre, le soutient et il agit de
manière concrète pour que le contradictoire soit respecté.
Au-delà des principes procéduraux, le positionnement professionnel et éthique du juge est
essentiel afin de se placer face aux usagers du service public de la justice, souvent
vulnérables, d’autant plus qu’il s’agit de mineurs et de leurs parents. Son statut demande un
travail de rigueur pour permettre aux parties, à travers le respect du contradictoire, de
comprendre le déroulement et l’issue de la procédure et de se projeter dans l’avenir.
Pour le soutenir dans son action, le juge des enfants dispose d’intervenants précieux, au
sein ou en dehors des juridictions : avocat, administrateur ad hoc, Protection judiciaire de la
jeunesse, Aide sociale à l’enfance, l’aident dans sa décision et facilitent l’application du
contradictoire.
286
287
288
Titre 2 - La contribution à la garantie du
contradictoire par les intervenants auprès de
l'enfant
453. Deux sortes d’intervenants agissent auprès du juge des enfants dans l’intérêt du mineur
et de ses représentants légaux : les auxiliaires de justice, issus du monde juridique, et les
administrations, à but social. Il nous semble que les premiers seraient acteurs du
contradictoire au tribunal, tandis que les secondes faciliteraient son application. Madame
Benec’h Le-Roux insiste sur la difficulté des relations entretenues entre l’enfant et l’avocat,
l’enfant et l’éducateur, tout comme entre l’enfant et le juge784. Les différents acteurs de la
justice des mineurs se préoccupent de son intérêt alternativement et de façon coordonnée 785.
454. Les auxiliaires de justice occupent une place de représentation et d’assistance auprès du
juge des enfants et jouent un rôle spécifique auprès du mineur. L’avocat et l’administrateur ad
hoc accompagnent l’enfant et aident le juge dans sa décision. Même si les limites du champ
d’intervention de chacun peuvent sembler complexes, le premier assure la défense du mineur
et le second représente ses intérêts.
Tous deux contribuent à la garantie du contradictoire en étant acteurs auprès de l’enfant
(Chapitre 1).
455. Les administrations interviennent dans des domaines différents (civil et/ou pénal) et à
des étapes différentes de la procédure. L’Aide sociale à l’enfance et la Protection judiciaire de
la jeunesse aident le juge dans sa décision et accompagnent l’enfant pour que cette décision
soit comprise pour lui.
Sans être directement acteurs du contradictoire, elles facilitent son application et
contribuent à la lisibilité du procès (Chapitre 2).
784
V. l’ouvrage de P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur,
op. cit.
785
Ibid.
289
290
Chapitre 1 - Les auxiliaires de justice, acteurs du
contradictoire au tribunal
456. La présence des auxiliaires de justice auprès de l’enfant est nécessaire en vue du respect
de sa personne, de sa parole et du contradictoire. Les professionnels interviennent en fonction
de leurs compétences. Ils doivent être formés à la justice des mineurs et à la spécificité de
l’enfant.
457. Depuis le début des années 1990, le rôle de l’avocat s’est accentué dans les procès de
mineurs : sa défense intervient du versant socio-éducatif au versant procédural. L’avocat du
mineur recourt à des stratégies pour faire face au parquet toujours plus répressif 787. Dans
l’intérêt du mineur, son rôle est différent en matière pénale -où l’interlocuteur direct est le
mineur- et en matière civile - où les interlocuteurs sont davantage les représentants légaux, la
procédure nécessitant toutefois l’audition du mineur-.
458. Le rôle de l’avocat est fondamental pour le respect du contradictoire : en matière pénale,
786
L. PFLUG, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit ; contrairement à l’avocat,
qui assiste le mineur, on peut dire que l’administrateur ad hoc le représente.
291
il intervient pour garantir les droits de la défense. En matière civile, il représente les intérêts
de son client qu’il accompagne dans les démarches procédurales découlant de l’application du
contradictoire. Nous aborderons uniquement l’intervention de l’avocat devant le juge des
enfants, en excluant la phase préalable à la mise en examen.
459. Une juge des enfants interrogée dans le cadre de cette étude indique qu’un travail
important a été effectué pour avoir à disposition des avocats pour enfants auprès des
juridictions. Mais les mineurs ne sont pas toujours informés de l’obligation d’être défendus en
matière pénale, ce qui créée un flou entre l’avocat choisi et l’avocat commis d’office. Ils ne
sont pas non plus informés de leur possibilité d’être représentés en assistance éducative, ce
qui engendre un manque de prise en considération de l’intérêt de l’enfant.
Des consultations d’avocats sont organisées par des dispositifs tels que la Maison des
adolescents. Une réflexion a été menée au Centre départemental de l’enfance du territoire de
Metz. La Protection judiciaire de la jeunesse est, de plus, connue pour tenir ce rôle
d’information auprès du mineur. L’essor de groupes d’avocats défendant les mineurs a fait
l’objet de réflexions : auparavant, pratique négligée et réservée à des stagiaires, la défense des
mineurs a pris de l’ampleur ; apportant de la nouveauté et de la spécificité, les avocats s’y
sont davantage intéressés788.
787
V. l’ouvrage de P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur,
op. cit.
788
Ibid., p. 19. ; P. BENEC’H LE-ROUX, « Les rôles de l’avocat au tribunal pour enfants », Dév. et soc., févr. 2006,
vol. 30, p. 155.
789
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., pp. 100 et 101.
292
pénale ait au moins le droit aux garanties suivantes : […] bénéficier d'une assistance
juridique ou de toute autre assistance appropriée pour la préparation et la présentation de sa
défense ». L’article 9 de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants
prévoit la désignation d’un représentant pour les enfants mineurs : « les parties examinent la
possibilité de prévoir que, dans les procédures intéressant un enfant, l'autorité judiciaire ait
le pouvoir de désigner un représentant distinct, dans les cas appropriés, un avocat, pour
représenter l'enfant ».
461. L'intervention de l’avocat au sein de la justice des mineurs est réglementée790. Il s’est de
plus en plus positionné en faveur de la protection de l’enfant 791. Plusieurs textes en droit
interne ont poursuivi cette réflexion, élargissant les droits de l’enfant en justice et les
prérogatives de son avocat :
- La loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements a permis à
l'enfant victime d'être entendu et défendu.
- La défense pénale du mineur est incontournable et l’article 4-1 de l’ordonnance du 2
février 1945 issu de la loi du 4 janvier 1993, a rendu la présence de l’avocat obligatoire dès la
mise en examen lorsqu’une infraction peut être retenue.
- La loi du 8 janvier 1993 modifiant le Code civil dans les affaires familiales a autorisé
l’audition du mineur dans toutes les procédures le concernant, même si l’audition de l’enfant
et son assistance par un avocat restent à l’appréciation du juge. Cette loi a néanmoins étendu
les champs d’intervention des avocats dans la défense civile du mineur.
- Enfin, la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d’innocence a permis aux mineurs
de s’entretenir avec un avocat dès la première heure de garde à vue, entretien confidentiel
dont la durée est d’une demi-heure.
462. Afin d’être opérationnels, de parvenir à assister un client mineur et d’appliquer des
règles spécifiques à ce domaine, les avocats ont besoin de formations spécifiques 792. La
790
V. les rapports suivants : S. AMBRY, « l'avocat du mineur, son mandat », 1987 ; P. CHAILLOU, « le rôle de
l’avocat dans les audiences pénales et civiles devant le juge aux affaires familiales ou le juge des enfants en
assistance éducative », 1989 ; A. GARAPON, « les problèmes liés à son intervention », 1990, in l’ouvrage de P.
BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit. ; S. AMBRY et
BENHAMOU, « la genèse et le fonctionnement des groupes de défense des mineurs », 1991 ; S. AMBRY « la
formation de l’avocat, son éthique », 2001.
791
Rapport Bouchet sur le statut et la protection de l'enfant 1991 visant à adapter le droit de la famille et le
dispositif de protection de l'enfance à l'évolution de la société, in Ibid., p. 32.
792
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 103.
293
Charte nationale de l’avocat d’enfants prévoit qu’ils doivent justifier d’une formation initiale
et continue selon les modalités fixées par le barreau. Leur présence dans les tribunaux pour
enfants peut toutefois être associée à un durcissement de la justice des mineurs 793. Les avocats
ont élaboré des stratégies pour investir leur rôle auprès des mineurs. Les réflexions des
praticiens et les changements juridiques, professionnels et sociaux qui redéfinissent son cadre
de travail, montrent de nouvelles formes de l’exercice de la profession794.
463. L’avocat de l’enfant peut être désigné par le mineur, par ses représentants légaux ou le
juge peut le faire désigner. Cette pluralité d’initiatives est destinée à renforcer les droits du
mineur, mais il serait souhaitable qu’il se voie systématiquement attribuer un défenseur795. Le
choix de l’avocat par le mineur ou par les représentants légaux est libre, mais une orientation
vers un auxiliaire spécialisé dans le droit des mineurs respecterait mieux son intérêt 796. C’est
pourquoi il est primordial que les titulaires de l’autorité parentale soient informés de cette
possibilité.
La question de la désignation d’un avocat par un enfant en bas âge s’est posée. Deux arrêts
rendus par la Cour d’appel de Rouen ont montré que la parole de l’enfant place les adultes
dans la perplexité et qu’ils acceptent plus facilement l’autonomie des droits de l’enfant que
l’autonomie de l’enfant lui-même, les deux concepts étant pourtant liés797. La question était de
savoir si une fillette de deux ans pouvait valablement interjeter appel d’une décision
d’assistance éducative par le biais de son avocat. Cette situation a permis de rappeler que
l’enfant dispose de droits sans aucune restriction d’âge : le droit de saisir le juge des enfants,
le droit de faire le choix d’un avocat et le droit d’interjeter appel. Les deux arrêts posent non
seulement une question de droit sur la capacité d’interjeter appel, mais aussi sur le droit pour
un enfant de deux ans d’avoir un avocat alors qu’il est incapable de manifester sa volonté. Le
juge des enfants peut faire désigner d’office un avocat depuis la loi du 4 janvier 1993 portant
réforme de la procédure pénale, ce qui a consacré une pratique déjà existante.
464. Les avocats ont notamment pour fonction de conseiller, d’assister et de défendre leurs
793
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit., p. 20.
794
Ibid., p. 32.
795
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 101.
796
Ibid. p. 101.
797
C. a. Rouen, ch. spéciale des mineurs, 8 août 1990 et 25 oct. 1990 : JCP G, n° 7, 12 févr. 1992, II 21794, obs.
C. NEIRINCK.
294
clients. La minorité suscite des questions particulières et justifie certaines spécificités798.
L’avocat peut être investi d’un mandat d’assistance de l’enfant lors d’un acte particulier -une
audition par exemple- ou d’un mandat de représentation ad litem pour accompagner l’enfant
dans les différents actes de la procédure qu’il va effectuer pour lui799. Comme le juge, l’avocat
recueille la parole de l’enfant et la relaie lors des débats pour appliquer le contradictoire800.
Monsieur Chaillou, magistrat, indique que le rôle de l’avocat est « capital » pendant la
période précédant le début de la procédure, pour « dédramatiser le conflit dans lequel vit
l'enfant »801. Il participe aussi à l’accès au droit en amont d’un procès 802. L’avocat est souvent
conduit à rencontrer le mineur en hâte peu avant l’audience. Il est complexe pour lui de
gagner la confiance d’un jeune justiciable rencontré dans ces conditions803. En dépit de cette
difficulté, l’avocat doit porter la parole de l’enfant devant le juge et rester dans la protection et
la défense des intérêts de l’enfant, sans se limiter à la réduction d’une peine. Il doit élaborer
des stratégies pour que les autres intervenants demeurent dans leur rôle et pour négocier une
socialisation minimale avec des mineurs et des familles souvent réticents804.
465. L'intervention de l'avocat se caractérise par deux traits principaux : « une relative
richesse de rôles » et la liberté d'action laissée par la loi et par la pratique « qu'il peut utiliser
au profit de son client, du juge et du tribunal mais aussi de la reconnaissance d'une spécificité
professionnelle dans la justice des mineurs »805.
466. L'avocat a un triple rôle dans la justice des mineurs, avec cette particularité de se situer
dans une relation de tension permanente : il est à la fois régulateur professionnel de plus en
plus fréquemment, médiateur entre le mineur et le juge, et auxiliaire du juge et du tribunal
pour enfants806. La spécificité juridique et judiciaire de la scène pénale des mineurs peut
798
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 950.
799
V. aussi en ce sens ibid., pp. 101 et 102.
800
F. HAGEMANN, « Les paroles de l’enfant », Colloque, Strasbourg, 27 févr. 2016, inédit.
801
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 40.
802
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 951.
803
P. ROBERT, in P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur,
op. cit., p. 15.
804
P. ROBERT, in P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur,
PUR 2008, 2006, p. 15 et 16 ; P. BENEC’H LE-ROUX, « Les rôles de l’avocat au tribunal pour enfants », op. cit., p.
155.
805
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 189.
806
Ibid. p. 189.
295
influencer les rôles de l'avocat807. Ses stratégies de défense avec le mineur délinquant doivent
prendre en compte plusieurs éléments : le cadre de la scène comme situation de travail, la
relation professionnelle qu'il entretient avec son client, et les rôles des autres acteurs808.
Les avocats des mineurs étant spécialisés, ils seront mieux à même de contribuer à la
garantie du contradictoire dans l’intérêt de l’enfant. Des dispositions spécifiques prévoient
leur intervention en fonction du contentieux civil ou pénal.
467. L’avocat est nécessaire pour l’exercice des droits de la défense809. Il contribue donc
intrinsèquement à la garantie du contradictoire qui en découle.
468. Le recours à un avocat pour l’enfant dans le cadre pénal est de droit, il est prévu depuis
longtemps par les textes810. L’article 4-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 exige de manière
générale que le mineur poursuivi soit assisté par un avocat811. Si celui-ci ou ses représentants
légaux n’en ont pas fait le choix, le procureur de la République, le juge d’instruction ou le
juge des enfants fait désigner un avocat d’office par le bâtonnier.
807
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit., p. 43.
808
V. l’ouvrage de P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur,
op. cit.
809
J. PRADEL, Procédure pénale, op. cit., p. 847.
810
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 26.
811
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 1035.
296
Cet article a rendu la présence de l'avocat obligatoire tout au long de la procédure, de la
mise en examen au jugement. Le mineur est obligatoirement assisté par un avocat en matière
pénale, ce qui constitue un renforcement au principe posé par l’article 6 §3 de la Convention
européenne des droits de l’homme, selon lequel « tout accusé a droit notamment à […] se
défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix »812.
469. Auparavant, le droit restait imprécis sur la défense du mineur, offrant à l'avocat un
espace de manœuvre qui pouvait lui permettre d'expérimenter des conduites originales 813. La
Cour de cassation a confirmé que cette assistance n'est pas simplement un droit car le mineur
ne peut y renoncer814. Même si la juridiction de jugement statue sur les intérêts civils815, le
mineur devenu majeur le jour du jugement est également obligatoirement assisté d’un avocat,
qui est rémunéré par des honoraires ou par l’aide juridictionnelle dans les conditions prévues
pour les mineurs par les articles 2 à 6 de la loi du 10 juillet 1991816.
470. L’assistance par un avocat est nécessaire lors des différentes étapes de la procédure afin
de contribuer à l’application du contradictoire. L’article 10 alinéa 3 de l’ordonnance du 2
février 1945 prévoit l’assistance du mineur par un avocat de manière obligatoire lors de la
première comparution : « le mineur poursuivi doit être assisté d'un avocat. A défaut de choix
d'un avocat par le mineur ou ses représentants légaux, le procureur de la République, le juge
des enfants ou le juge d'instruction fait désigner par le bâtonnier un avocat commis
d'office ». L’alinéa 1er de l’article 10 de l’ordonnance du 2 février 1945 précise que cette
désignation à défaut de choix est mentionnée dans l’avis d’ouverture de la procédure.
471. La présence de l’avocat est primordiale lors de la première comparution parce qu’il va
expliquer au mineur et à ses représentants légaux le déroulement de la procédure, afin qu’ils
puissent s’organiser pour avoir accès au dossier et se préparer en vue de l’audience. Cette
exigence d’assistance s’étend aux modalités du placement en détention provisoire, plus
812
Ibid., p. 969.
813
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit., p. 38.
814
Cass. crim., 20 févr. 2019, n° 18-85.465 : D., 7 mars 2019, n° 8, p. 434 ; Dalloz actualité, 8 mars 2019, obs. D.
GOETZ ; Gaz. Pal., 19 mars 2019, n° 11, obs. C. BERLAUD ; D., 19 sept. 2019, n° 31, 1732, obs. P. BONFILS et A.
GOUTTENOIRE.
815
Cass. avis, 27 mai 2017, n° 17-70.006 (17-009) : AJ pénal, sept. 2017, p. 402, obs. C. PORTERON ; cass., avis,
26 mai 2017, Dalloz actualité, 31 mai 2017, obs. A. PORTMANN.
816
Cass. avis, 29 févr. 2016, n° 16-002 : Dalloz actualité, 7 mars 2016, obs. A. PORTMANN.
297
spécialement lorsque le débat contradictoire est différé et que l’intéressé a demandé un délai
pour préparer sa défense avec un avocat dont il a fait le choix. Si l’avocat du mineur, choisi
par lui ou commis d’office, est absent du débat contradictoire en cas de grève, il appartient au
juge d’instruction de saisir le bâtonnier, pour qu’un autre avocat soit désigné pour le mineur
poursuivi ; à défaut, le juge d’instruction a privé sa décision d’une condition essentielle à sa
régularité817.
472. Indépendamment de cela, le rôle de l’avocat en matière pénale est essentiel : il défend le
mineur et réunit les informations qui figurent dans le dossier, ce qui permet la mise en œuvre
du contradictoire. Une avocate interrogée pour les besoins de cette recherche précise que les
rapports du service éducatif représentent un élément essentiel pour le respect du
contradictoire. Elle ajoute que dans le cadre pénal, l’avocat entend le mineur et lui parle,
contrairement à l’assistance éducative, où sa rencontre avec l’enfant est plus incertaine parce
que sa présence n’est pas obligatoire.
Le rôle de l’avocat se manifeste lors de l’échange des diverses pièces du dossier (1), au
cours des auditions et de l’audience (2).
473. Son rôle est primordial puisqu’il est le seul à avoir accès au dossier et à le consulter. Il
peut en produire des copies et les porter à la connaissance du mineur afin qu’il prépare sa
défense et puisse argumenter en vue d’un débat contradictoire.
Le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de
simplification de la procédure civile a inséré un article 796-1 dans le Code de procédure civile
qui organise la communication par voie électronique qui émane de la juridiction et de
l’avocat. Entrée en vigueur le 1er septembre 2019, cette disposition est maintenant obligatoire
et engendre un renouveau du rôle de l’avocat dans le dossier civil. Madame Bléry s’interroge
sur les procédures sans représentation obligatoire, dont fait partie la procédure d’assistance
éducative, concluant que peut-être la communication par voie électronique par l’avocat serait
817
C. a. Nancy, 14 déc. 2000 : BICC 2001. 666.
298
facultative818.
474. Les règles relatives à l’intervention de l’avocat dans le dossier sont régies par l'article
114 du Code de procédure pénale : « le dossier de la procédure est mis à [la] disposition [des
avocats] quatre jours ouvrables au plus tard avant chaque interrogatoire de la personne mise
en examen ou chaque audition de la partie civile. Après la première comparution de la
personne mise en examen ou la première audition de la partie civile, le dossier est également
mis à tout moment à la disposition des avocats durant les jours ouvrables, sous réserve des
exigences du bon fonctionnement du cabinet d'instruction. Après la première comparution ou
la première audition, les avocats des parties ou, si elles n'ont pas d'avocat, les parties peuvent
se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier ».
475. L’article 5-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit l’accès du mineur au dossier
unique de personnalité et sa consultation par l’avocat. Ce dossier est accessible aux avocats
des père et mère, du tuteur ou du représentant légal et de la partie civile ; les dispositions
issues d’une éventuelle procédure d’assistance éducative sont toutefois exclues de la
consultation des avocats des parties civiles, ce qui sera assoupli dans un avenir proche.
C’est là que le dossier unique de personnalité peut poser des difficultés d’organisation car
les greffes doivent opérer un tri entre les documents issus des procédures pénale et de la
procédure civile.
476. Le rôle de l’avocat est ici primordial : comme les parties ne peuvent avoir accès de
manière directe au dossier pénal, l’avocat peut le consulter, faire des copies et les délivrer aux
parties dans les conditions prévues par l’article 5-2 alinéa 8 de l’ordonnance du 2 février
1945. Deux cas peuvent se présenter : les parties sont en relation avec l’avocat et le perçoivent
comme un intermédiaire concernant la gestion du dossier ; l’avocat fournit un travail de mise
en lien avec les parties et les aide en leur fournissant des copies du dossier, selon les
modalités de l’article 5-2 alinéa 8 de l’ordonnance du 2 février 1945. La protection de l’enfant
et la confidentialité étant primordiales, le Code de la justice pénale des mineurs, dans son
article L. 322-10, ne permet plus à l’avocat de transmettre à son client des copies des pièces
du dossier.
818
C. BLERY, « 1er septembre 2019 : communication par voie électronique obligatoire devant le TGI », Dalloz
actualité, 2 sept. 2019 ; R. SOCHON, « Justice.fr : le citoyen peut suivre ses démarches », op. cit., p. 8.
299
Dans tous les cas, l’avocat doit être un intermédiaire entre les parties et leur dossier : plus il
se trouve en relation avec ses clients, plus leur défense peut être préparée en toute
transparence. Le rôle de l’avocat par rapport au dossier n’est donc pas unilatéral, mais
consiste en une véritable communication entre lui et les parties pour pouvoir aboutir à un
débat contradictoire constructif. Pour l’application du contradictoire, ce rôle doit demeurer en
dépit de la restriction apportée par le Code de la justice pénale des mineurs. L’avocat peut
alors mettre l’accent sur la communication orale avec son client, voire avec les représentants
légaux, non seulement pour la qualité de la défense, mais aussi pour la constitution et la
consultation du dossier.
Le travail effectué par rapport au dossier conditionne le rôle de l’avocat lors des différentes
auditions et de l’audience.
478. Lorsque le mineur auteur est entendu, l’article 4-1 de l’ordonnance du 2 février 1945
prévoit qu’il doit être assisté par un avocat819. La présence de l’avocat en cabinet a évolué car
elle est devenue systématique, ce qui est une révolution. Le scénario d'une audience pénale de
cabinet est lié aux procédures judiciaires définies dans le Code de procédure pénale 820. La
justice des mineurs se différencie de celle des majeurs par la place et la valeur accordées à
l'« oralité juridique », plus particulièrement dans le cabinet du juge821. La gestion du temps
judiciaire, difficulté organisationnelle importante pour le juge, demande qu’il attende la
présence du défenseur, une audience n’étant « complète » que si l’avocat et le mineur sont
819
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 101.
820
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit., p. 45.
821
Ibid., p. 46.
300
présents822. Le rôle de l’avocat est d’assurer la « négociation de l’ordre cérémoniel de
l’audience pénale, l’apaisement des conflits et l’organisation de la défense des mineurs »823.
479. Les enjeux de la défense sont variables en fonction des temps de procédure. L'avocat
s'exprime peu lors de la mise en examen, le rôle majoritaire étant tenu par le juge824.
L’audience du tribunal pour enfants accorde beaucoup plus de place à l'avocat du mineur825.
L’enjeu de la défense y est plutôt important car le procès est avant tout une audience de débat
et de confrontation, où l'action contradictoire confère une légitimité à la situation. Le
contradictoire est un principe d'égalité et de loyauté entre les parties qui oblige à soumettre
tous les éléments et les pièces à la critique des autres parties. Les débats occupent une position
centrale et réclament la participation et la compétence de tous les acteurs, ce qui implique
l’usage de la civilité entre les professionnels judiciaires826.
481. Afin d’établir un certain équilibre des droits avec la personne suspectée, la loi garantit la
822
Ibid., p. 47 et s.
823
P. BENEC’H LE-ROUX, « Les rôles de l’avocat au tribunal pour enfants », op. cit., p. 155.
824
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit., p. 50 et
s.
825
Ibid., p. 57.
826
Ibid., p. 65.
827
J. PRADEL, Procédure pénale, op. cit., p. 86.
301
représentation du mineur victime alors même qu’il n’est pas encore partie civile828. Cette
assistance n’est pas obligatoire, à la différence de celle d’un mineur auteur, et même si le
mineur victime est partie civile. Il est toutefois important qu’il bénéficie d’un avocat829.
L’avocat du mineur victime peut être désigné par ses représentants légaux et par son
administrateur ad hoc, mais non par le mineur lui-même, contrairement à ce qui est possible
en matière pénale pour un mineur auteur et dans le cadre de l’assistance éducative. Cette
solution est critiquable : il serait pertinent qu’un mineur victime puisse faire lui-même le
choix d’un avocat, surtout dans le cas d’infractions commises par des proches, sans devoir
attendre la désignation d’un administrateur ad hoc pour y procéder830. Mais dans les cas
prévus par les articles 706-50 et 706-51-1 du Code de procédure pénale, et si l’avocat n’a pas
été choisi auparavant, le juge d’instruction peut le faire désigner831.
482. La défense, lors d’un procès, requiert une approche technique partant de l’analyse du
dossier du mineur832. Ces actions préalables à l'audience participent à un bon déroulement du
contradictoire et le non-respect de ces phases préalables peut porter préjudice à la qualité de
l'intervention de la défense. Une relation altérée par manque de connaissance, de confiance,
ou d'échange peut placer le juge en difficulté pour donner à la défense et au mineur
l'opportunité de rendre la discussion conforme au contradictoire.
Lors des audiences pénales, on peut s’interroger sur le positionnement de l’avocat par
rapport aux autres professionnels quand il doit défendre les intérêts du mineur 833. Au tribunal
pour enfants, il est tiraillé entre son rôle, les attentes liées aux situations sociales, aux
personnes présentes, et les attentes de ces personnes834. On peut réfléchir sur la spécialisation,
la fonctionnarisation et le mandat de l'avocat du mineur835 car l’évolution qui consiste à allier
828
H. MATSOPOULOU, « Renforcement du caractère contradictoire, célérité de la procédure pénale et justice
des mineurs, commentaire de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure
pénale », mai 2007, p. 5 ; P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 1214.
829
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 1244 et s.
830
Ibid., p. 1245.
831
Cela concerne le cas où un administrateur ad hoc souhaite se constituer partie civile au nom de l’enfant
lorsqu’aucun avocat n’a été désigné, et le cas de tout mineur victime d’une infraction prévue à l’article 706-47
du Code de procédure pénale lorsque le mineur est entendu par le juge d’instruction, in Ibid., p. 1245.
832
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit., p. 87.
833
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 190.
834
Ibid., p. 190.
835
Ibid., p. 193.
302
la protection et la responsabilisation des mineurs tend à modifier le mandat des professionnels
intervenant auprès de lui836.
483. Il est essentiel pour l’avocat de prendre en compte les autres personnes. Son rôle dépend
de sa relation avec le mineur, avec ses parents et se construit en fonction du juge et des
assesseurs, des éducateurs et des experts mandatés, des plaidoiries de l'avocat de la partie
civile et des réquisitions du procureur. En aménageant à l’avocat certaines conditions de
travail, les greffiers audienciers et les huissiers de justice influent ainsi sur la défense837. En
audience, de manière générale, les avocats suivent la proposition éducative et soutiennent
l’analyse, surtout si l'argument vient en soutien de sa plaidoirie. A l'inverse, l'avocat peut se
positionner en contre-pied, affectant la valeur de la proposition.
484. On peut s’interroger sur la place et le travail de l’avocat, s’il est présent uniquement
pour faire respecter la loi et les droits de la défense ou s’il agit dans l’intérêt de la situation du
mineur. Ces interrogations surviennent car l’avocat, qui ne rencontre souvent le mineur que
devant la salle d’audience, choisit un mode de plaidoirie en fonction de cette entrevue rapide,
sans véritable connaissance de la situation. Cette difficulté est souvent soulignée par les
avocats eux-mêmes. On peut se demander alors si la défense du mineur nécessite la
connaissance de sa personnalité et le suivi de son dossier. Dans le cadre pénal, l’avocat le
défend pour réduire la peine. Le rôle de l'avocat n'est-il pas affecté par le caractère obligatoire
de sa présence dans le cadre pénal ? L’interrogation sur son rôle est permanente838.
Une juge des enfants interrogée dans le cadre de cette étude indique que dans les
procédures pénales, l’avocat ayant la parole en dernier avant le mineur, il peut effectuer des
demandes nouvelles alors qu’il s’agit d’éléments non débattus contradictoirement, ce qui peut
engendrer des dérives dans l’ordre de prise de parole : un parent, se rendant compte que les
éléments n’ont pas été débattus, manifeste sa volonté d’en discuter, l’avocat indique que c’est
à lui de s’exprimer en dernier, le cadre n’est alors plus respecté. Soutenue par une autre juge,
cette magistrate indique que les avocats, voulant absolument prendre la parole den dernier,
éprouvent des difficultés à comprendre l’importance du cadre de l’audience pénale. Toutefois,
si des demandes et des éléments nouveaux sont avancés, les juges distribuent à nouveau la
parole pour en débattre. La discussion s’apparente alors davantage à des systèmes de prises de
836
Ibid., p. 203.
837
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit., p. 103.
303
parole successives plus qu’à un seul schéma dont le cadre serait entravé. Au vu des pièces du
dossier, ayant communiqué avec son client et avec le ou les représentants légaux, l’avocat
apparaît comme le « rouage du contradictoire » selon les propos d’une juge.
485. Dans ce contentieux, la place de l’avocat est particulière parce que sa présence est
facultative, donc voulue par les parties, et son rôle est différent car il ne doit pas défendre à
proprement parler un mineur et/ou ses parents. Toutefois, il contribue à l’application du
contradictoire en accompagnant le mineur et ses représentants légaux vers le dossier, pour
qu’ils puissent prendre connaissance de ses éléments en vue d’organiser les débats.
486. Une avocate interrogée précise que les rapports écrits sont davantage attachés aux
parents qu’au mineur, contrairement à la matière pénale. Une difficulté peut intervenir sur
l’information du mineur à propos de son droit à être représenté par un avocat, cet obstacle
n’existant pas en matière pénale où la présence de l’avocat est obligatoire ; la première
audience est donc essentielle, puisque ce droit figure dans l’avis d’ouverture de la procédure.
Or, les emplois du temps des juridicions étant surchargés, la première audience n’a pas
toujours lieu. Le rôle des services éducatifs, qui rencontreront le mineur régulièrement avant
la prochaine échéance judiciaire (audition ou audience), est alors nécessaire pour l’informer
ainsi que ses représentants légaux de son droit à être représenté par un avocat.
Nous aborderons les principes et les modalités de la défense (1), avant d’étudier les
spécificités de la défense des mineurs (2).
838
Ibid., p. 112.
304
1 – Principes généraux et modalités de la défense en matière civile
487. Les principes généraux de la défense en matière civile postulent pour la liberté de choix
d’un défenseur lorsque la défense est facultative. L’avocat va défendre son client devant la
juridiction et l’aider à mettre en avant ses intérêts. Son action contribue à l’application du
contradictoire car l’avocat accompagne son client vers la consultation du dossier et lors des
débats.
488. L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme précise que « tout
accusé a droit à se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et,
s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, à pouvoir être assisté gratuitement par un
avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ».
489. L’article 18 du Code de procédure civile dispose que « les parties peuvent se défendre
elles-mêmes sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire ». L’article 19
du Code de procédure civile indique que « les parties choisissent librement leur défenseur soit
pour se faire représenter, soit pour se faire assister suivant ce que la loi permet ou ordonne ».
L’article 1186 du Code de procédure civile prévoit la représentation par avocat du mineur en
assistance éducative : « le mineur capable de discernement, le père, la mère, le tuteur ou la
personne ou le représentant du service à qui l'enfant a été confié peuvent faire choix d'un
conseil ou demander au juge que le bâtonnier leur en désigne un d'office. La désignation doit
intervenir dans les huit jours de la demande. Ce droit est rappelé aux intéressés lors de leur
première audition »839. Pour appliquer le contradictoire, l’information sur ce droit doit être
effectuée lors de l’avis d’ouverture de la procédure selon l’article 1182 alinéa 4 du Code de
procédure civile, et lors de la première audition selon l’article 1186 du même Code. Lorsque
le mineur est entendu ou partie dans une procédure, la loi prévoit qu’il doit ou peut être assisté
par un avocat840 : l’article 388-1 du Code civil le précise pour l’audition du mineur ; l’article
1186 du Code procédure civile l’indique pour la procédure d’assistance éducative.
Certains regrettent que ce texte ne soit pas allé plus loin en instaurant une représentation
obligatoire841. Après l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation
839
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 781.
840
Ibid., p. 101.
841
Ibid., pp. 511 et 512. ; T. FOSSIER, « L’accès au dossier et le rapport Deschamps », JCP G, 2002, p. 101.
305
2018-2022 et de réforme pour la justice, des professionnels de la jeunesse ont proposé que
l’avocat soit systématiquement présent auprès du mineur842. La Cour de cassation admet que,
si la mère est absente, l’avocat de l’enfant puisse s’exprimer en son nom843. La Cour
européenne des droits de l’homme précise que l’accompagnement de la mère par un avocat
tout au long de la procédure participe des garanties nécessaires au respect de son droit à une
vie familiale844. L’intervention de l’avocat doit donc concilier l’intérêt du mineur et le droit au
respect de la vie familiale des représentants légaux.
490. Les modalités de la défense sont précisées par le Code de procédure civile. L’article 416
dispose que « quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu’il en a reçu
le mandat ou la mission. L’avocat est toutefois dispensé d’en justifier ». Le mandat est donc
présumé devant la juridiction civile.
En assistance éducative, l’article 1188 alinéa 2 du Code de procédure civile indique que les
conseils des parties sont avisés des audiences et l’article 1189 alinéa 2 du Code de procédure
civile ajoute qu’ils sont entendus en leurs observations. Ces dispositions sont essentielles pour
le respect du contradictoire car elles conduisent l’avocat à participer à la procédure.
L’article 388-1 du Code civil dispose que le mineur « peut être entendu seul, avec un
avocat ou une personne de son choix ». Le texte ne prévoit pas la représentation des parties
par avocat puisqu’elle est facultative. Celle-ci paraît exclue par la formulation de l’article
1182 du Code de procédure civile : le juge « entend le père, la mère, le tuteur, la personne ou
le représentant du service à qui l'enfant a été confié et le mineur capable de discernement ».
Toutefois, en se fondant sur l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de
l’homme, la Cour de cassation a jugé que « le droit à un procès équitable exige que soit
donné à chacun l’accès au juge chargé de statuer sur sa demande ; que selon ses derniers, en
matière d’assistance éducative, les parties se défendent elles-mêmes et ont la faculté de se
faire assister ; attendu que pour considérer comme non soutenu l’appel interjeté par Mme X,
l’arrêt retient qu’en application de l’article 1189 du Code de procédure civile, applicable
devant la chambre des mineurs, les parties doivent comparaître en personne pour être
entendues et ne peuvent se faire représenter par un avocat ; qu’en se déterminant ainsi et en
842
« Réforme de justice des mineurs : les 49 propositions des professionnels », op. cit., p. 621.
843
Cass. civ. 1ère, 26 sept. 2007, n° 06-16.445, BICC 15 janv. 2008, n° 31, p. 46 ; D., 2008. 266, note M. HUYETTE ;
AJ Famille 2007. 485, obs. F. C. ; RTD civ. 2008. 98, obs. J. HAUSER.
844
CEDH, 27 sept. 2011, DIAMANTE et PELLICCIONI c/ SAINT-MARIN, n° 32250/08 : Dr. fam., 2012, étude n° 6,
obs. A. GOUTTENOIRE.
306
privant Mme X de la possibilité de faire valoir ses moyens d’appel, alors que son avocat était
présent à l’audience et déclarait vouloir la représenter, la cour d’appel a méconnu les
exigences des textes susvisés »845. L’arrêt précise donc que l’accès au juge répond au respect
du droit à un procès équitable, facilité par l’intervention de l’avocat. La présence d’un avocat
seul lors de l’audience ou d’une audition n’est donc pas contraire au principe selon lequel les
parties doivent se défendre elles-mêmes. Si un avocat se présente seul lors d’une audition ou
d’une audience, il est donc conseillé de l’entendre, quitte à lui indiquer que son intervention
ne saurait dispenser le juge d’entendre son client et donc de le convoquer à nouveau.
492. La défense du mineur s’effectue à la fois contre la société et contre sa famille846, car
l’enfant doit être protégé de son environnement social et familial. Plusieurs cas peuvent se
présenter : si le mineur est assisté d’un avocat qu’il a choisi, il convient de vérifier s’il a un
discernement suffisant pour effectuer une telle démarche. Dans des situations délicates ou
conflictuelles, on vérifie également si cet avocat n’est pas aussi celui des parents (qui vont
assurer sa rémunération)847. Si le problème ne peut se régler directement avec l’avocat, il
convient d’en faire part au bâtonnier. Si le mineur demande au juge des enfants la désignation
845
Cass. civ. 1ère, 30 sept. 2009, n° 08-16. 147 : D., 2009. AJ 2427 ; AJ famille 2009. 451, obs. F. CHENEDE ; Dr.
Fam. 2010. Comm. 4, note P. MURAT ; RJPF 12/2009. 29, note F. EUDIER ; Procédures 2010, n° 405, note R.
PERROT ; RTD civ. 2009. 713, obs. J. HAUSER.
846
S. LE BRIS, « La défense de l’enfant en justice : réalité ou fiction ? », Rev. jurid. de l’Ouest, 1989, n° 2, p. 211
et s.224 et .
847
Voir à ce sujet l’article 84 du décret du 9 juin 1972, organisant la profession d’avocat « Les parties ayant des
intérêts opposés ne peuvent être ni assistées ni représentées par un même avocat…, ni par des avocats
membres d’une même Société civile professionnelle ou liés par un contrat d’association ou de collaboration ».
307
d’office d’un avocat, l’article 1186 alinéa 1 du Code de procédure civile en prévoit
expressément la possibilité. Si le mineur capable de discernement n’a pas d’avocat, mais que
le juge des enfants estime sa présence nécessaire, l’information est donnée par le juge au
mineur et aux autres parties, sans référence expresse à la notion d’intérêt de celui-ci848. Si le
mineur est convaincu de cette nécessité, il peut choisir lui-même son conseil ou demander au
juge de lui en faire désigner un d’office. Si le mineur n’en est pas convaincu, le juge des
enfants ne peut décider d’office de le faire assister. La question se pose de la désignation d’un
administrateur ad hoc sur le fondement de l’article 388-2 du Code civil, qui déciderait de la
nécessité ou non pour l’enfant d’être assisté849. Une juge des enfants interrogée demande que,
lorsque les parents sont en conflit avec les intérêts de l’enfant et que celui-ci est en âge de
s’exprimer et de se positionner, un avocat lui soit désigné pour le soutenir dans sa parole. Si le
mineur n’est pas doué de discernement, le juge ne peut pas non plus désigner un avocat
d’office. Il doit recourir à l’article 388-2 du Code civil et un administrateur ad hoc pourra lui-
même choisir ou faire désigner un avocat afin d’assurer la défense des intérêts du mineur.
493. Différents points de vue s’expriment dans le rapport annuel des droits de l’enfant
déposé par le Défenseur des droits le 20 novembre 2018850 : certains professionnels estiment
qu’un avocat devrait être désigné systématiquement pour l’enfant dans toute procédure
d’assistance éducative le concernant, quel que soit son âge. D’autres, à l’inverse, considèrent
que l’enfant non doué de discernement ne peut avoir son propre avocat en matière
d’assistance éducative ; sinon, « dans ce cas, ou bien l’avocat serait le porte-parole de celui
qui l’a désigné (parents, administrateur, Aide sociale à l’enfance) ou bien il s’instaurerait juge
de l’intérêt de l’enfant, à la place du juge, ce qui n’est pas son rôle »851. La question est en
réalité de savoir si les enfants en bas âge ont des droits effectifs. Certains répondent par
l’affirmative. D’autres considèrent au contraire que « soit le mineur possède un discernement
suffisant pour agir et il participe pleinement à la procédure, éventuellement en se faisant
accompagner mais sans avoir besoin d’un adulte pour agir à sa place, soit il est trop jeune
pour posséder le discernement suffisant et il ne dispose d’aucun droit, ce qui fait qu’il ne peut
848
Contrairement à la période précédant l’adoption du décret du 15 mars 2002, lors de laquelle l’article 1186
du Nouveau Code de procédure civile indiquait que le juge en avisait « également le mineur chaque fois que
l'intérêt de celui-ci le requiert ».
849
Cela reviendrait à remettre en cause la capacité de discernement du mineur, ce qui n’est donc pas indiqué.
850
TOUBON J., De la naissance à 6 ans : au commencement des droits, Rapport du Défenseur des droits remis
au président de la République, 20 nov. 2018, p. 43 et 44.
308
pas y avoir d’adulte pour exercer à sa place une prérogative dont il ne dispose pas »852.
En pratique, une avocate interrogée explique que le mineur est rarement représenté par un
avocat. Ce sont surtout les représentants légaux qui sont assistés. Elle ajoute qu’il est difficile
de remplir son rôle parce qu’il ne dispose pas de tous les éléments en raison de la particularité
de l’assistance éducative. Elle propose de rendre la représentation par avocat obligatoire, tout
en soulignant un double paradoxe : la spécificité de la matière nécessite que tout ne soit pas
fixé de manière rigide, alors que l’absence de systématisation porte tout de même préjudice à
l’enfant.
495. Des questions se posent853 : il convient de définir la répartition des compétences entre
un parent, l’autre parent et l’avocat si ceux-ci ne s’opposent pas à la consultation du dossier
par leur enfant. S’ils le refusent, on peut s’interroger sur la durée de l’intervention de l’avocat
quand il a été désigné par le juge : si elle s’étend pendant toute la procédure, elle s’avère bien
851
P. VERDIER, « Le choix de l’avocat de l’enfant dans les procédures d’assistance éducative », JDJ, mai 2007, n°
265, p. 34 à 36., in ibid. p. 43 et 44.
852
M. HUYETTE et P. DESLOGES, Guide de la protection judiciaire de l’enfant, Action sociale, avr. 2009, p. 22., in
ibid. p. 44.
853
Ecole nationale de la magistrature, Pôle de formation, « processus de décision et de formalisation de la
justice civile », Les attributions civiles du juge des enfants, l’assistance éducative, Fascicule fonctionnel, avr.
2013, p. 33 et 50.
309
plus drastique que la désignation faisant suite à une demande du mineur.
On peut également s’interroger sur les critères choisis par le juge pour décider un
accompagnement par un juriste ou par un service éducatif. Si un des parents se présente avec
l’enfant pour consulter le dossier, rien ne permet au juge de lui désigner un avocat d’office ou
d’exiger la présence d’un service éducatif. Si les parents refusent que leur enfant consulte le
dossier et qu’il n’a pas d’avocat, le juge peut lui en faire désigner un ou le faire accompagner
par le service éducatif déjà mandaté.
Une avocate interrogée soulève une difficulté pratique : si l’avocat est présent, il consulte
tous les éléments du dossier qu’il peut rendre accessibles aux parties présentes avec lui. Si
l’avocat est absent, il n’est pas rare que le greffe retire des éléments de la procédure afin que
les parties n’y aient pas accès. La question est alors de savoir si les pièces retirées sont
essentielles au respect du contradictoire. Cette difficulté pose la question des personnes qui
n’ont pas choisi d’avocat. Elle ajoute que le caractère facultatif de l’avocat rend plus difficile
l’application du contradictoire -qui se pose davantage dans cette matière- car la question de la
consultation du dossier n’est alors pas systématique.
496. Une autre difficulté se pose par rapport à l’interdiction pour les parties d’obtenir des
copies : elles peuvent prendre des notes, ce qui est parfois compliqué et long. Elles remédient
alors concrètement à cette interdiction en prenant des photos des pièces de la procédure à
l’aide de leur téléphone portable. Or, cette démarche va à l’encontre de la confidentialité du
dossier de l’enfant, puisque les photos sortent de la juridiction et sont accessibles à toute
personne qui peut consulter le téléphone portable. La question est également de savoir si une
photo prise avec un appareil numérique constitue une copie au sens de la loi. Le risque est le
même s’agissant des avocats qui, pour faire l’économie de la rédaction d’un courrier à
l’attention du juge aux fins de demander copie de certaines pièces, sont tentés de prendre des
photos en se passant de l’autorisation du juge.
497. Un auteur compare la défense devant le juge aux affaires familiales à la défense devant
le juge des enfants : les parents étant obligatoirement défendus dans le cadre d’un divorce, il
lui semblerait choquant que des représentants légaux ne puissent être assistés devant le juge
des enfants alors que le mineur le serait. Il pose la question de la défense générale des
catégories sociales défavorisées qui constitue, selon lui, la véritable question de la défense en
310
assistance éducative854.
499. Ainsi, le rôle de l’avocat serait non pas d’exprimer de manière directe la volonté de
l’enfant devant le juge, mais de le rassurer et de le conduire à s’exprimer857. Deux auteurs
indiquent que la présence de la personne avec qui l’enfant est entendu « ne remplit aucun rôle
de contradiction, puisque l’enfant n’est pas placé dans une position nécessitant l’intervention
d’un contre-pouvoir »858. Un autre auteur, au contraire, souligne que l’avocat peut se
positionner en contre-pouvoir judiciaire au bon sens du terme, en permettant à un enfant
même âgé de deux ans de bénéficier des services d’un avocat commis d’office afin d’utiliser
son droit d’interjeter appel859. Or, le respect du contradictoire garanti par l’avocat ne se limite
pas à l’intervention d’un contre-pouvoir dans une procédure, mais s’étend à
l’accompagnement du mineur même sans contre-pouvoir.
500. Il existe en pratique un débat récurrent entre les avocats d’enfants, pour savoir s’ils
défendent l’intérêt de l’enfant ou sa volonté. Certains auteurs se prononcent en faveur de la
volonté de l’enfant860. En réalité, il s’agit de distinguer entre le point de vue de l’enfant, son
intérêt et sa volonté. Au Québec, les auteurs et les professionnels estiment en majorité que si
854
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 98.
855
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 713.
856
C. JEREZ, Le juge des enfants, entre assistance, répression et rééducation, op. cit., p. 582.
857
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 714.
858
Ibid., p. 714.
859
C. a. Rouen, ch. spéciale des mineurs, 8 août 1990 et 25 oct. 1990 : JCP G, n° 7, 12 févr. 1992, II 21794, obs.
C. NEIRINCK.
860
S. LE BRIS, « La défense de l’enfant en justice : réalité ou fiction ? », op. cit., p. 228 et s. ; P. BONFILS et A.
GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 152.
311
l’on considère l’enfant comme une personne, il convient de respecter son point de vue sans
chercher à protéger son intérêt, tâche dévolue au parquet et au juge861. On constate que
l’intérêt de l’enfant n’est pas forcément ce qu’il souhaite, et que sa volonté ne respecte pas
son intérêt dans tous les cas. Cela dépend également de l’âge du mineur et de sa volonté. Sans
prendre en considération la volonté de l’enfant ni son intérêt, un auteur souligne que l’avocat
doit « rechercher à travers un dialogue mené avec le juge si l’esprit de la loi est respecté »862.
En définitive, « la présence de l’avocat ne fait que rétablir le principe du contradictoire et
restitue au juge sa fonction de juger en tranchant entre les droits et les intérêts en
personne »863.
501. Une avocate interrogée dans le cadre de cette étude explique que le tribunal de grande
instance auprès duquel elle exerce a diffusé une note en matière familiale, pour que le mineur
soit entendu systématiquement avant l’audience, afin d’éviter que la rencontre n’ait pas lieu
devant la salle. Peut-être serait-il intéressant d’édicter une note similaire devant le juge des
enfants en assistance éducative. Or en cette matière, il est difficile de systématiser.
Une autre avocate s’interroge sur son rôle en assistance éducative dans un cas particulier
pourtant représentatif de nombreuses situations : sur demande de la mère, elle est intervenue à
une audience de renouvellement d’aide éducative en milieu ouvert pour deux mineures âgées
de dix et treize ans. Ayant un avocat distinct, la mère souhaitait que ses enfants en aient un
également. Elle était en conflit avec le père car il avait tenté de commettre des violences à son
égard. L’avocate, désignée par le bâtonnier, n’a jamais vu les enfants et s’interrogeait sur les
modalités de rencontre des mineurs sans les parents. Elle n’a pas obtenu d’entretien avec les
enfants seules pour le moment ; elle les as rencontrées pour la première fois devant la salle
d’audience. Les mineures ne souhaitaient plus le renouvellement de la mesure, alors que le
rapport éducatif indiquait qu’elle devait se poursuivre. L’avocate se demandait comment se
prononcer et comment se départir de la parole de l’enfant : devait-elle la porter ou s’en
dégager pour ne répondre qu’à leur intérêt ? Elle souhaitait à la fois porter la parole des
enfants tout en indiquant ce qu’elle évaluait au vu de leur intérêt. Cette distinction n’est peut-
être pas obligatoire : volonté ou intérêt de l’enfant, il suffirait sans doute d’évaluer les
861
S. LE BRIS, « La défense de l’enfant en justice : réalité ou fiction ? », op. cit., p. 229.
862
C. NEIRINCK, obs. sous c. a. Rouen, ch. spéciale des mineurs, 8 août 1990 et 25 oct. 1990 : JCP G, n° 7, 12
févr. 1992, II, 21794.
863
C. NEIRINCK, « La défense de l’enfant devant les juridictions civiles », in La défense de l’enfant en justice,
1989, p. 94, in S. LE BRIS, « La défense de l’enfant en justice : réalité ou fiction ? », op. cit., p. 229.
312
situations au cas par cas pour s’adapter. Le contexte particulier de la rencontre des mineures
et l’influence de la parole de l’adulte sur celle des enfants l’ont conduite à s’interroger sur la
déontologie. Une possibilité consisterait en une demande de renvoi d’audience afin de lui
laisser le temps de rencontrer les mineures seules, mais elle explique qu’agir ainsi impacterait
sur la crédibilité de l’intervention de l’avocat en assistance éducative. Elle s’interroge sur la
marge de manœuvre de l’avocat pour rencontrer des mineurs seuls lorsque les parents y font
obstacle.
503. Rapprochant cela d’un manque de contradictoire, une juge des enfants indique que le
nombre d’avocats en assistance éducative reste faible. Les probabilités d’être assisté par un
avocat seront plus nombreuses lorsqu’une procédure est en cours devant le juge aux affaires
familiales ou que le mineur est suivi en parallèle dans le cadre pénal.
Une avocate explique que faute de débat contradictoire, la procédure d’assistance
éducative a pour conséquence que les enfants subissent des décisions qui les concernent
directement sans pouvoir exprimer leur avis865. Selon elle, le renforcement du rôle de l’avocat
et le recours à la médiation par une personne neutre, impartiale et indépendante pourraient
corriger cette défaillance. Ce positionnement nous interpelle car cette avocate part du postulat
864
« Réforme de justice des mineurs : les 49 propositions des professionnels », op. cit., p. 621.
313
de l’absence de débat contradictoire en assistance éducative, qui « provient de l’absence de
contentieux ». Or, cela va à l’encontre du travail de l’Association française des magistrats de
la jeunesse et de la famille effectué au début des années 2000 qui a conclu que le
contradictoire en assistance éducative existe. Ce constat s’oppose également aux réflexions
des magistrats interrogés dans le cadre de cette étude, qui indiquaient que le contradictoire est
prégnant dans ce contentieux. Cela signifierait-il que le contradictoire ne s’applique que dans
une procédure contentieuse ? Dans ce cas, quelle place ont les principes de procédure et les
droits des parties dans la matière grâcieuse ? Peut-être l’auteur a-t-elle souhaité mettre en
évidence la qualité de l’audition de l’enfant, auquel cas l’avocat a un rôle essentiel à jouer. La
professionnelle indique que l’avocat suscite la contradiction dans un débat judiciaire et qu’il
n’a pas sa place en assistance éducative puisqu’il n’y a pas de débat, pas d'audition, pas
d'échanges de pièces, pas de communication d'argumentations, pas de temps de préparation, et
pas d'outils juridiques pour susciter un débat.
504. L’expression latine ad hoc signifie que le professionnel est désigné « pour cela », pour
une procédure, et uniquement pour celle-ci. Cela signifie qu’il n’a pas d’autre fonction que
cette procédure délimitée dans le temps et dans les objectifs dans les aspects de la vie
courante du mineur.
L’analyse du régime de l’administrateur ad hoc est rendue complexe par sa dualité866. Il
convient de se pencher sur ses attributions devant le juge des enfants et sur le champ
d’application de son action afin de définir sa place auprès du mineur. La loi n° 2016-297 du
14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a modifié certaines dispositions concernant la
865
D. MURAOUR, « Plaidoyer pour la défense de l’enfance protégée et le déploiement de la médiation en
assistance éducative », Gaz. Pal., juill. 2019, n° 28, p. 12.
866
C. NEIRINCK, « La dualité de régime de l’administrateur ad hoc des mineurs », JCP G, mai 2000, n° 20, p. 899
et s.
314
fréquence de ses interventions.
La première impression présente une confusion quant à son cadre d’intervention auprès du
mineur : matière pénale ou matière civile, il agit surtout dans le premier cadre lorsqu’une
procédure existe pour un majeur qui a commis une infraction contre le mineur, afin de le
représenter dans ses intérêts. C’est pourquoi sa contribution à la garantie du contradictoire
devant le juge des enfants serait relative.
Dans tous les cas, l’administrateur ad hoc n’est présent que pour les enfants victimes.
315
507. L’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant dispose que « les
Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer
librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment
prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. A cette fin, on donnera
notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou
administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou
d'une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la
législation nationale ».
508. La Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants prévoit la désignation
d’un représentant de l’enfant en cas de conflit avec ses parents : selon l’article 9, « dans les
procédures intéressant un enfant, lorsqu'en vertu du droit interne les détenteurs des
responsabilités parentales se voient privés de la faculté de représenter l'enfant à la suite d'un
conflit d'intérêts avec lui, l'autorité judiciaire a le pouvoir de désigner un représentant
spécial pour celui-là dans de telles procédures ». Aux termes de l’article 4, « sous réserve de
l'article 9, l'enfant a le droit de demander, personnellement ou par l'intermédiaire d'autres
personnes ou organes, la désignation d'un représentant spécial dans les procédures
l'intéressant devant une autorité judiciaire, lorsque le droit interne prive les détenteurs des
responsabilités parentales de la faculté de représenter l'enfant en raison d'un conflit d'intérêts
avec celui-là ». Le rôle de ce représentant est déterminé par l’article 10 : fournir toute
information pertinente et des explications à l’enfant, déterminer son opinion et la porter à la
connaissance de l'autorité judiciaire, si l’enfant a un discernement suffisant.
867
Rouen, 25 mai 1993 : BICC, 1er nov. 1993, n° 1222 ; RTD Civ. 1994, p. 90, obs. J. HAUSER ; TGI La Roche-Sur-
Yon, 29 juill. 1993 : BICC, 1er mars 1994, n° 302.
316
510. Le rôle de l’administrateur ad hoc ne se manifeste pas majoritairement par l’écrit : la loi
demande qu’il adresse un rapport de fin de mission. L’article R. 53-8 du Code de procédure
pénale prévoit que : « dans les trois mois de l’achèvement de sa mission, l’administrateur ad
hoc transmet à l’autorité qui l’a désigné un rapport dans lequel sont détaillées les démarches
effectues pour l’exercice de la mission définie à l’article 706-50, et précisées, le cas échéant,
les formalités accomplies en vue du placement des sommes perçues par le mineur à
l’occasion de la procédure ». Le rapport semble se limiter à une liste des démarches
effectuées et ne consiste donc pas à relater son travail sur le fond avec le mineur dans un écrit.
La professionnelle a constaté qu’en pratique, les juges n’en prennent pas systématiquement
connaissance (elle a retrouvé des rapports agrafés aux notes de frais). On lui demande de
rédiger obligatoirement le rapport, mais elle ne sait pas auprès de qui le déposer. Elle dit que
son intervention est donc exclusivement orale.
512. Cet intervenant prend la parole en audience : il intervient avant les réquisitions du
procureur de la République, au moment où le juge laisse la place aux victimes. La
professionnelle interrogée indique qu’elle trouve davantage sa place devant un tribunal
correctionnel ou une cour d’assises, son intervention étant frustrante auprès d’un tribunal pour
enfants jugeant l’auteur mineur. Cette juridiction se préoccupe davantage du mineur auteur,
sans mettre la victime au premier plan.
Cette réalité a-t-elle une influence sur sa participation au contradictoire lors des audiences
en tribunal pour enfants lorsqu’elle y représente les mineurs victimes ? Elle accorde une
importance particulière à ce que le mineur victime soit présent à l’audience, lorsqu’il a un âge
raisonnable, aussi éprouvant que soit cet exercice, et son travail consiste essentiellement à y
préparer le mineur. Seule la victime peut verbaliser son ressenti et provoquer une prise de
conscience de son préjudice par toutes les personnes présentes. Par moments, il est trop
contraignant pour les victimes de se rendre à l’audience : elles s’efforcent d’oublier les faits
317
commis à leur encontre, ce qui complique leur mobilisation dans le procès et la réalisation du
travail.
513. L’administrateur ad hoc est partie à la procédure car il y est partie civile en tant que
représentant des intérêts du mineur. Il n’a pas le droit de consulter la procédure, contrairement
à l’avocat qui peut en faire des copies ; c’est par ce moyen que l’administrateur ad hoc a la
possibilité de consulter la procédure.
514. Par sa place et par son rôle, l’administrateur ad hoc contribue à l’application du
contradictoire. Mais c’est le cadre de son intervention qui complique cette situation :
fréquente devant le juge d’instruction, son intervention est en pratique rare devant le juge des
enfants.
515. L’administrateur ad hoc peut être désigné par le juge des enfants, par le juge
d’instruction, par le parquet ou par le président de la cour d’assises.
Nous passerons sous silence le cas de la représentation du mineur auteur devant le tribunal
pour enfants, car cette situation se produit rarement.
318
le tribunal pour enfants (2).
516. Ces victimes comparaissent non pas devant le juge des enfants, mais devant le juge
d’instruction. Il est cependant nécessaire d’étudier l’intervention de l’administrateur ad hoc
dans ce cadre pour vérifier s’il contribue au contradictoire en général. Devant le juge
d’instruction, en accompagnant les mineurs victimes, l’administrateur ad hoc contribue à
l’application du contradictoire en portant la parole de l’enfant et en représentant ses intérêts.
517. L’administrateur ad hoc est partie civile au procès pour un enfant victime d’un majeur
et non représenté par ses parents. Le parquet peut désigner l’administrateur ad hoc lorsqu’il
est informé de la procédure existante contre un mineur victime et le juge d’instruction le peut
également si une information est nécessaire, le plus souvent en matière criminelle. La
procédure se déroule devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises.
519. L’administrateur ad hoc est présent auprès de l’enfant à tous les stades de la procédure,
lors des auditions et confrontations, en application de l’article 706-53 du Code de procédure
pénale. Les modalités de désignation de l’administrateur ad hoc sont prévues par l’article 706-
868
M.-P. PORCHY, « L’administrateur ad hoc en matière pénale », D., 2004, n° 38, p. 2732.
319
51 du Code de procédure pénale. La procédure applicable à l’administrateur ad hoc dans le
cadre de procédures relatives aux infractions de nature sexuelle et aux mineurs victimes se
trouve répertoriée aux articles R. 53 à R. 53-8 du Code de procédure pénale.
520. L’administrateur ad hoc intervient lorsque des faits ont été commis volontairement
contre le mineur. Les infractions commises contre un mineur étant intentionnelles,
conformément à l’article 121-3 du Code pénal, son domaine d’intervention est large870. La loi
du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la
protection des mineurs a comblé une faille : si les infractions ont été commises par le conjoint
ou par le concubin d’un titulaire de l’autorité parentale, la protection des intérêts du mineur
n’est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l’un d’eux. Selon la
chambre criminelle de la Cour de cassation, la désignation d’un administrateur ad hoc
s’oppose à ce que le représentant légal du mineur puisse également intervenir afin d’exercer
en son nom les droits reconnus à la partie civile871.
521. La Cour de cassation a admis l’application cumulative des articles 706-50 du Code de
procédure pénale et 388-2 du Code civil, effaçant ainsi les frontières entre le cadre civil et le
cadre pénal s’agissant de la désignation d’un administrateur ad hoc872. Ces textes prévoient
son action pour représenter les intérêts d’un mineur dans des conditions sensiblement
différentes : le premier, lorsque la protection des intérêts du mineur n’est pas complétement
assurée par les représentants légaux ou par l’un d’eux ; le second, lorsque les intérêts du
mineur paraissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, cette condition étant
plus difficile à remplir que la première873. Cette distinction est importante car le Code de
procédure pénale met l’accent sur la protection de l’enfant.
En l’espèce, la mère de deux jeunes filles s’était constituée partie civile en leur nom propre
contre leur père, étant toutefois en difficulté pour exercer les droits de ses enfants. Ni le juge
869
Sur la prise en charge du mineur en tant que victime, cf. A. GOUTTENOIRE et M.-C. GUERIN, v° « Enfance »,
Rép. Droit pén. et pr. pén, oct. 2016, (actualisation août 2018), n° 128 et s. ; S. GUINCHARD et J. BUISSON,
Procédure pénale, op. cit., p. 727.
870
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 1225.
871
Cass. crim., 12 sept. 2000, n° 00-81.971 : D., 2000, IR, p. 275 ; Procédures 2001, n° 46, obs. J. BUISSON.
872
Cass. civ. 1ère, 25 oct. 2005, n° 03-14.404 : Dr. fam., 2006, comm. n° 77, obs. A. GOUTTENOIRE ; JCP G, 2005,
I, p. 199, obs. T. FOSSIER ; RPDP 2007, p. 211, obs. A GOUTTENOIRE ; M. BRUGGEMAN, « Administrateur ad hoc
du mineur : reddition sans condition de la Cour de cassation », Dr. fam., 2006, études n° 28 ; in P. BONFILS et A.
GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 1226.
873
Ibid., p. 666.
320
d’instruction, ni le parquet n’avaient désigné d’administrateur ad hoc en application de
l’article 706-50 du Code de procédure pénale. Or, le père avait effectué une demande en ce
sens auprès du juge des tutelles, ce qui permit cette désignation sur le fondement de l’article
388-2 du Code civil. La Cour de cassation a décidé que l’application de l’article 706-50 du
Code de procédure pénale n’exclut donc pas celle de l’article 388-2 du Code civil car le juge
civil est compétent pour désigner un administrateur ad hoc lorsqu’une procédure pénale est en
cours, ce qui en atténue peut-être les conditions lorsque l’article 388-2 du Code civil est pris
isolément874. Mais le juge civil peut aussi intervenir uniquement dans le cadre pénal en cas de
négligence du juge d’instruction et du parquet. Puisque le seul intérêt est la protection de
l’enfant, il est préférable, lorsque les circonstances le permettent, de combiner les textes pour
parvenir à la désignation d’un représentant.
874
Ibid., p. 1227.
875
Directive (UE) 2016/800 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la mise en place de
garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre
des procédures pénales.
321
Le cas des mineurs victimes devant une juridiction pour majeurs est le plus fréquent en ce
qui concerne la représentation d’un mineur par un administrateur ad hoc. Il se distingue de la
représentation devant le tribunal pour enfants.
524. Le cas de représentation des mineurs victimes devant le tribunal pour enfants par un
administrateur ad hoc est rare. Il peut toutefois arriver qu’il soit désigné. A ce moment-là, il
contribue à l’application du contradictoire en portant la parole de l’enfant victime.
525. L’administrateur ad hoc intervient devant le juge des enfants constitué en tribunal, dans
deux situations : en tant que partie civile d’un mineur et, plus rarement, en qualité de
représentant de mineurs auteurs. Le parquet peut désigner l’administrateur ad hoc s’il est
informé d’une instruction concernant un mineur victime.
526. Une administratrice ad hoc interrogée a occupé auparavant la fonction d’assesseur. Elle
a expliqué le cas d’un jugement. Alors que la fonction d’assesseur ne lui causait aucune
difficulté, celle d’administratrice ad hoc créait une frustration puisque le rôle de sanction de
l’auteur ressortait davantage. Elle voyait bien que le tribunal pour enfants s’occupait
davantage de la compréhension des faits et de la sanction par le mineur auteur que du mineur
victime, sujet abordé seulement en fin d’audience. Cette manière de procéder lui semblait
traduire un manque d’empathie envers la victime mineure, alors que le rôle de
l’administrateur ad hoc, partie civile, est justement de parler de cette dernière. Elle souligne la
différence selon qu’on se situe devant le tribunal pour enfants ou devant le tribunal
correctionnel : le tribunal pour enfants et les juges connaissent le mineur auteur, ce qui n’est
pas toujours le cas du tribunal correctionnel. Moins concentré sur la réparation du dommage
causé à la victime, le procès pénal des mineurs accompagne plus l’auteur.
322
Son action se place au service du contradictoire (1) et la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016
relative à la protection de l’enfant a modifié son intervention (2).
527. L’administrateur ad hoc intervient auprès du mineur dans les procédures qui le
concernent : autorité parentale et assistance éducative876. En portant la parole de l’enfant, il
permet au juge d’en prendre connaissance et aux débats de progresser en vue de la prise de
décision. Bien qu’elle soit rare dans ces cadres, son intervention devrait être plus fréquente
car elle contribue à l’application du contradictoire et favorise la protection sans empiéter sur
la fonction du juge et de l’avocat.
528. Les articles 388-2 et 389-3 du Code civil prévoyaient la désignation d’un administrateur
ad hoc dans les procédures concernant l’enfant. Le premier texte est issu de la loi du 6 avril
1910, le deuxième de la loi du 8 janvier 1993 relative au juge aux affaires familiales et aux
droits de l’enfant. L’article 389-3 du Code civil limitait les pouvoirs de l’administrateur légal
en prévoyant qu’il représentait le mineur dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels
la loi ou l’usage autorisait les mineurs à agir eux-mêmes. Cette disposition a été abrogée par
l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du
droit de la famille, à compter du 1er janvier 2016. La loi du 8 janvier 1993 a permis au juge
saisi de l’instance de désigner lui-même un administrateur ad hoc chargé de représenter
l’enfant, cette possibilité intervenant à défaut d’une désignation effectuée au préalable par le
juge des tutelles, interdisait une désignation directe par le juge saisi de l’instance877.
529. La question se pose à propos du sens de la désignation d’un administrateur ad hoc par le
juge saisi de l’instance quand le juge des tutelles l’a déjà désigné, car un conflit d’intervention
pourrait alors survenir878. Ces situations se produisent en pratique lorsque le juge saisi de
876
Sur l’administrateur ad hoc en matière civile, cf. C NEIRINCK, v° « Enfance », Rép. Droit civil, oct. 2016,
(actualisation janv. 2019), n° 749 et s. ; sur l’administrateur ad hoc en matière civile, cf. A. GOUTTENOIRE, v°
« Mineur », Rép. pr. civile, juin 2015, (actualisation oct. 2017), notamment n° 165.
877
J.-F. ESCHYLLE, « L’administrateur AD HOC (La représentation de l’enfant mineur en matière civile) », in Droit
de l’enfant et de la famille, Hommage à Marie-Josèphe GEBLER, Presse universitaire de Nancy, 1998, p. 159.
878
Ibid. p. 159.
323
l’instance est un juge aux affaires familiales. La réflexion n’est pas transposable au cas où le
juge saisi de l’instance est le juge des enfants car un mineur suivi en assistance éducative est
rarement suivi par un juge des tutelles.
530. Aujourd’hui, l’article 388-2 du Code civil dispose que « lorsque, dans une procédure,
les intérêts d’un mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, le
juge des tutelles dans les conditions prévues à l’article “383” ou, à défaut, le juge saisi de
l’instance lui désigne un administrateur ad hoc chargé de le représenter ». Cela signifie que le
juge des enfants peut désigner un administrateur ad hoc s’il est chargé d’un dossier en
assistance éducative. L’opposition des intérêts du mineurs avec ceux de ses représentants
légaux est de nature à altérer la parole de l’enfant et son recueil par le juge. L’intervention de
l’administrateur ad hoc aide à recueillir la parole de l’enfant et facilite le déroulement des
débats. Cette intervention contribue donc à l’application du contradictoire.
La Cour de cassation précise qu’une juridiction pénale peut aussi désigner un
administrateur ad hoc sur le fondement de l’article 388-2 du Code civil879. Le critère de
l’intervention ponctuelle de l’administrateur ad hoc est l’opposition d’intérêts dans la relation
parents-enfant, ce qui constitue « une situation anormale »880. L’étendue des pouvoirs de
l’administrateur ad hoc est déterminée par les droits du mineur : il ne peut dès lors obtenir une
modification des conditions d’exercice de l’autorité parentale car l’article 374 alinéa 3 du
Code civil ne mentionne pas l’enfant comme demandeur habilité881.
531. Les articles 1210-1 à 1210-3 du Code de procédure civile prévoient l’intervention d’un
administrateur ad hoc dans les procédures relatives à l’autorité parentale. Afin de pallier les
difficulté relatives au discernement du mineur et à l’opposition d’intérêts évidente avec ses
représentants légaux ou l’un d’eux, le recours à un administrateur ad hoc est possible, voire
impératif882. Mais certains considèrent que le mineur n’a pas besoin d’un administrateur ad
hoc en assistance éducative, mais qu’il a alors surtout besoin d’un avocat pour le défendre, le
879
Cass. civ. 2ème, 25 oct. 1995, n° 93-16.275 : D., 1997, Somm., p. 282, obs. F. THOMAS-LE DOUJET.
Cass. crim. 28 févr. 1996, n° 95-81.565 : R., p. 423 ; D., 1997, Somm., p. 280, obs. C. DESNOYER ; JCP G, 1996, II,
p. 22707, note G. RAYMOND ; Defrénois 1996, p. 1354, obs. J. MASSIP ; RTD Civ. 1996, p. 597, obs. J. HAUSER.
880
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 660 et s.
881
Cass., ch. mixte, 9 févr. 2001, n° 98-18.661 : R., p. 344 ; D., 2001, IR, p. 743 ; JCP G, 2001, II, p. 10514, note T.
FOSSIER ; Dr. fam. 2001, n° 53, note A. GOUTTENOIRE-CORNUT ; RJPF 2001-4/38, obs. P. GUERDER ; RTD Civ.
2001, p. 333, note J. HAUSER ; RDSS 2001, p. 833, note M. BRUGGEMAN.
882
A. GOUTTENOIRE, « L’enfant dans les procédures judiciaires : un statut en devenir », AJ famille, 2003, p. 368.
324
recours au premier étant « dévoyé »883.
532. Les deux modes essentiels de participation de l’enfant aux décisions qui le concernent
sont l’audition et l’intervention d’un administrateur ad hoc lorsque les intérêts du mineur se
trouvent en opposition avec ceux de ses représentants légaux. L’article 388-2 du Code civil
prévoit cette intervention qui lui permet d’être présent dans la procédure même s’il n’y est pas
partie, par exemple dans le cadre d’une procédure relative à l’autorité parentale884. Toutefois,
le recours à l’administrateur ad hoc reste un mode de représentation du mineur et ne constitue
pas en soi un moyen pour permettre à l’enfant d’exprimer son sentiment personnel885.
L’administrateur ad hoc intervient auprès du mineur en conflit d’intérêts avec ses
représentants légaux, et la procédure d’assistance éducative implique par elle-même ce
conflit886. Ils ont leur propre avocat, de même que l’administrateur ad hoc, qui a désigné un
conseil pour représenter le mineur. La désignation d’un administrateur ad hoc dans le cadre de
l’assistance éducative a davantage de poids que dans une procédure où l’enfant n’est pas
partie, car il exerce pour le mineur des droits dont celui-ci dispose mais qu’il ne peut exercer
lui-même à défaut de capacité. Une administratrice ad hoc interrogée explique que dans la
plupart des cas, elle est désignée par le juge des enfants. Elle ajoute que cette désignation se
fait alors contre les parents, pourtant titulaires de l’autorité parentale et investis de son
exercice.
533. La désignation d’un administrateur ad hoc pour l’enfant en assistance éducative apparaît
comme « un non-sens par rapport à ses parents » et comme « inutile »887. C’est le pouvoir de
décision des représentants légaux qui est contesté, et non leur pouvoir de représentation. Or,
l’enfant se voit reconnaître par les textes « une exceptionnelle capacité procédurale »888, ce
qui le dispense de la représentation normalement nécessaire par ses parents. La désignation
d’un administrateur ad hoc y est donc vaine puisqu’un tiers est substitué aux parents pour
exercer un droit qu’ils n’ont pas.
883
Sur l’administrateur ad hoc en assistance éducative, cf. C NEIRINCK, v° « Enfance », Rép. Droit civil, oct.
2016, (actualisation janv. 2019), n° 760 et s.
884
Cass. civ. 1ère, 23 févr. 1999 : Bull. civ. I, n° 66 ; Dr. fam. 1999, comm. n° 146, obs. A. GOUTTENOIRE-CORNUT.
885
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 683.
886
Ibid., p. 780.
887
C. NEIRINCK, « La dualité de régime de l’administrateur ad hoc des mineurs », op. cit., p. 901.
888
Ibid., p. 901.
325
534. L’hypothèse initiale consistant à dire que l’administrateur ad hoc contribue à
l’application du contradictoire parce qu’il porte la parole de l’enfant est invalidée en raison de
l’argument juridique relatif à la représentation de ses intérêts. Néanmoins, les deux aspects ne
nous semblent pas incompatibles : l’administrateur ad hoc joue un rôle juridique en ce qu’il
représente les intérêts de l’enfant, et un rôle humain en portant sa parole devant la justice.
C’est ce dernier aspect qui contribue à l’application du contradictoire.
535. Lors de l’adoption de cette loi, les professionnels de la jeunesse supposaient, avec une
certaine ferveur, que le recours à l’administrateur ad hoc deviendrait systématique en cas de
conflit d’intérêts entre l’enfant et ses parents. Or, à la lecture de ce texte, aucune disposition
n’est prévue en ce sens. Peut-être s’agissait-il là d’une volonté des professionnels de la
jeunesse, lassés d’être confrontés en permanence aux conflits parentaux chez le juge des
enfants. Il est vrai que l’intervention systématique de l‘administrateur ad hoc auprès du juge
des enfants contribuerait à l’application du contradictoire, mais elle n’apparaît pas dans le
texte.
536. Avant d’aborder les dispositions sur l’administrateur ad hoc, il convient de situer cette
loi dans la réforme de la protection de l’enfant. Cette loi comporte trois titres qui posent les
grandes thématiques et les enjeux de cette réforme : améliorer la gouvernance nationale et
locale de la protection de l’enfance, sécuriser le parcours de l’enfant et adapter son statut
lorsqu’il est placé à long terme. Si une grande partie du corps du texte consiste davantage en
un renforcement ou en une réaffirmation des principes posés par le législateur en 2007, son
article 1er apporte une nouvelle définition du sens donné à la protection de l’enfance : il place
l’enfant au centre de l’intervention, le désignant comme sujet, revenant sur une approche
considérée comme familialiste ou parentaliste de l’article L. 112-3 du Code de l’action sociale
326
et des familles. Il ne vise les parents qu’en son deuxième alinéa dans le cadre des actions de
prévention, puis en son troisième alinéa dans le cadre de l’évaluation de la situation de
l’enfant, pour adapter l’intervention. La protection de l’enfance telle que nouvellement définie
par le texte vise « à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à
soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa
sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits ». La loi tend également à
questionner et à faciliter l’évolution du statut de l’enfant dans le cadre de la protection
judiciaire : elle prévoit la désignation par le juge des enfants d’un administrateur ad hoc,
indépendant du service de l’Aide sociale à l’enfance à qui le mineur est confié. Le double
intérêt de cette nouvelle disposition est le caractère systématique de la désignation et la
distinction entre le service auquel le mineur a été confié et l’administrateur ad hoc, ce qui se
faisait en pratique mais n’était pas consacré par les textes.
537. Une juge des enfants interrogée pour les besoins de cette étude indique que la
systématisation ne serait pas efficace puisque toutes les situations d’assistance éducative ne
révèlent pas une opposition d’intérêts entre l’enfant et ses parents, sauf si l’on prend en
compte le fait que la procédure d’assistance éducative implique elle-même cette opposition
d’intérêts. Systématiser une pratique auparavant souple et limitée aux besoins de chaque
dossier risque de figer le mineur et ses représentants légaux dans un conflit d’intérêts lorsque
le juge des enfants est saisi et cela peut comporter des risques.
538. Bien que la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant traite de
la question de l’administrateur ad hoc dans son article 37, il apparaît regrettable que cette
mission ne soit pas étendue au regard d’autres dispositions du texte qui nécessiteraient très
certainement une représentation juridique de l’enfant plus clairement définie889. Un alinéa 2 a
été inséré dans l’article 388-2 du Code civil par l’article 37 de la loi du 14 mars 2016 relative
à la protection de l’enfant. Il précise que « dans le cadre d’une procédure d’assistance
éducative, l’administrateur ad hoc désigné en application du premier alinéa du présent
article doit être indépendant de la personne morale ou physique à laquelle le mineur est
confié, le cas échéant ». Il est intéressant de distinguer l’administration à laquelle l’enfant est
confié de l’administrateur ad hoc qui va le représenter en justice. Or, cet alinéa pose la
327
question de la place de l’administrateur ad hoc en assistance éducative. Devant le juge des
enfants, le mineur a des droits qu’il peut exercer. L’administrateur ad hoc n’a donc pas de
raison d’être présent, si ce n’est dans le cas où l’enfant est privé de discernement.
L’administrateur ad hoc a donc des droits limités à ceux dont dispose le mineur. Mais cette
réflexion était valable du temps où l’article 389-3 du Code civil limitait les pouvoirs du
représentant dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorisait les
mineurs à agir eux-mêmes, ce qui est le cas devant le juge des enfants.
539. Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, la tendance est à la
systématisation de l’intervention de l’administrateur ad hoc. L’idée n’est plus de limiter son
intervention en assistance éducative. Il serait intéressant d’avoir un peu de recul depuis cette
loi afin de voir si cette disposition relative à la systématisation influe sur la désignation des
représentants et conduit les juges des enfants à en désigner davantage, même si la désignation
systématique nous paraît encore bien loin d’être pratiquée. Une juge des enfants interrogée
souligne que cette systématisation ne fonctionne pas. Omettant de préciser l’intervention de
l’administrateur ad hoc dans deux cas, la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la
protection de l’enfant lui est préjudiciable : les cas des mineurs victimes d’un inceste et des
mineurs non accompagnés. Nous n’envisagerons que le premier cas pour effectuer une
comparaison avec une situation évoquée précédemment.
540. La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 vient introduire la notion d’inceste dans le Code
pénal et le réprime, mais sans préciser le caractère systématique ou non de la désignation d’un
représentant pour ces enfants victimes, alors qu’ils ont besoin d’un accompagnement et d’une
représentation pour que leur parole soit portée en justice. Nous voyons là un paradoxe : autant
la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 a renforcé les droits des mineurs victimes d’infractions de
nature sexuelle et a permis leur représentation par un administrateur ad hoc, autant la loi n°
2016-297 du 14 mars 2016 est muette à propos des situations de mineurs victimes d’un
inceste. Pourtant, l’inceste est défini comme les « viols et agressions sexuelles commis sur un
mineur par un ascendant, un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce. Sont
également concernés les conjoints, concubins ou partenaires liés par un Pacte Civil de
889
Association Thémis, « La place de l’administrateur ad hoc dans la loi du 14 mars 2016 »,
http://www.themis.asso.fr/wp-content/uploads/2017/06/aah-dans-la-loi-du-14-mars-2016.pdf, Strasbourg,
consulté le 20 mars 2019, p. 1.
328
Solidarité des personnes susvisées, s’ils ont une autorité de droit ou de fait sur le mineur »,
ainsi que le précise l’article 222-31-1 du Code pénal.
541. La seule précision apportée par la loi est que l’administrateur ad hoc soit différent de
l’organisme à qui l’enfant est confié, distinction importante pour qu’il n’y ait pas confusion
des missions dans l’esprit de l’enfant et de ses représentants légaux. Dans certains
départements, les conseils départementaux (dont dépend l’Aide sociale à l’enfance) peuvent
exercer les fonctions d’administrateur ad hoc, ce qui constitue une confusion des rôles. Les
pratiques dépendent des professionnels : certains juges des enfants désignent des
administrateurs ad hoc, d’autres précisent que l’enfant n’en a pas besoin car il est lui-même
partie à la procédure. Une juge des enfants indique que la doctrine se positionne de manière
différente sur ce sujet et que la question n’est pas réglée. Elle ajoute que l’adoption d’un texte
pour préciser les cas de désignation de l’administrateur ad hoc devant le juge des enfants
simplifierait les choses, puisque cela éviterait la grande diversité des pratiques.
542. La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 a permis des avancées dont certaines prennent
mieux en compte la parole de l’enfant. Mais la question des moyens pour garantir cette prise
en compte effective se pose encore. Si l’on se place du point de vue de la parole de l’enfant,
cela suscite des interrogations sur la contribution de l’administrateur ad hoc au contradictoire
en assistance éducative. En pratique, on peut également se demander comment les conseils
départementaux se positionnent face à leur incapacité à intervenir en qualité d’administrateur
ad hoc lorsque des enfants leur sont confiés890. Deux éléments attirent notre attention à propos
des réflexions de la doctrine : finalement, la lettre du texte se révélant neutre, rien dans la loi
ne permet de penser que le législateur ait souhaité se diriger vers une désignation
systématique de l’administrateur ad hoc en assistance éducative. Le caractère indépendant de
l’administrateur ad hoc décrit par la loi n’est pas attaché à l’assistance éducative mais à
l’organisme auquel il est affilié. Il reste aux juges des enfants à continuer à désigner des
administrateurs ad hoc en vertu de leur pouvoir souverain d’appréciation.
543. Une juge des enfants explique qu’en principe, l’administrateur ad hoc intervient lorsque
les intérêts de l’enfant ne sont pas suffisamment représentés par les civilement responsables.
329
Or, devant le juge, l’enfant s’exprime directement et fait donc valoir lui-même ses intérêts. A
priori, le magistrat ne devrait pas avoir recours à un administrateur ad hoc.
544. Se pose alors la question des enfants privés de discernement, qui ne peuvent s’exprimer
à l’audience ni faire valoir leurs droits eux-mêmes. La question de désigner un administrateur
ad hoc pour eux fut évoquée, mais la loi l’a écartée. Le rapport annuel du Défenseur des droits
déposé le 20 novembre 2018 repose la question de la représentation des enfants âgés de la
naissance à six ans : la désignation d’un administrateur ad hoc paraît être la solution la plus
protectrice de leurs droits, à charge ensuite pour ce professionnel de demander, s’il l’estime
nécessaire, la désignation d’un avocat pour leur compte. L’administrateur ad hoc a pour
mission de s’assurer que les droits de l’enfant sont respectés dans le cadre de la procédure
judiciaire et dans l’exécution de la mesure décidée par le juge, par l’administration ou par le
secteur associatif habilité. La désignation d’un administrateur ad hoc pour la procédure
d’assistance éducative, et non pour une audience isolée, devrait garantir la continuité de son
intervention, y compris dans le déroulé de la mesure judiciairement ordonnée.
890
Association Thémis, « La place de l’administrateur ad hoc dans la loi du 14 mars 2016 »,
http://www.themis.asso.fr/wp-content/uploads/2017/06/aah-dans-la-loi-du-14-mars-2016.pdf, Strasbourg,
consulté le 20 mars 2019, p. 5.
330
participe à l’application du contradictoire. De même, la présence des administrateurs ad hoc
en audience, choisie pour de bonnes raisons, contribue à l’application du contradictoire. Le
Défenseur des droits recommande à la Ministre de la Justice d’engager les moyens nécessaires
pour favoriser la désignation d’un administrateur ad hoc chargé de représenter l’enfant non
doué de discernement dans la procédure d’assistance éducative afin de lui garantir un accès
effectif à ses droits891.
546. Au sein des administrations telles que la Protection judiciaire de la jeunesse et l’Aide
sociale à l’enfance, une croyance commune veut que la désignation d’un administrateur ad
hoc puisse intervenir dès l’instant où un mineur est en opposition avec ses représentants
légaux, la procédure en cours important peu. Cela peut conduire les professionnels de ces
administrations à demander un représentant auprès de la juridiction saisie. En réalité, ce n’est
pas si simple. Si l’administrateur ad hoc est présent dans le cadre de la procédure d’assistance
éducative, c’est uniquement en raison de sa désignation dans le cadre d’une procédure pénale
en cours devant le juge d’instruction. L’administrateur ad hoc intervient alors dans le parcours
de l’enfant, n’étant acteur que dans la procédure pénale en cours, sans être convoqué par le
juge des enfants. Il serait intéressant de clarifier les cadres d’intervention pour remettre en
question ces croyances auprès des administrations.
547. Les chiffres donnés par la professionnelle interrogée montrent qu’elle a été surtout
nommée dans le cadre pénal durant les vingt dernières années : cinq fois en assistance
éducative et en cas de mineur auteur, alors que majoritairement, ses fonctions se sont
déroulées dans le cadre de procès de majeurs auteurs dont la victime était mineure, et dans
quatre-vingt-dix pour cent des cas dans le cadre d’infractions de nature sexuelle.
L’administrateur ad hoc intervient donc beaucoup auprès des mineurs, mais peu devant le
juge des enfants. La situation dans laquelle un mineur victime est également suivi par le juge
des enfants peut exister, mais l’administrateur ad hoc n’intervient alors que dans la procédure
pénale devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises et non pas devant le juge des
enfants.
891
TOUBON J., De la naissance à 6 ans : au commencement des droits, Rapport du Défenseur des droits remis
au président de la République, 20 nov. 2018, Recommandation 14, p. 44.
331
compliquée à réaliser, mais celle concernant les mineurs victimes au sens de l’article 706-50
du Code de procédure pénale serait nécessaire pour que les magistrats les intègrent mieux
dans leur pratique professionnelle892.
Conclusion du chapitre
549. De prime abord, il existe une confusion dans les rôles respectifs de l’avocat et de
l’administrateur ad hoc. Pourtant, ils sont désignés et interviennent de manière différente.
Représentants de l’enfant, ils apparaissent au moins comme des porte-parole, en raison de ses
difficultés à s’exprimer, de son incapacité, de son manque de discernement ou de l’opposition
entre ses intérêts et ceux de ses représentants légaux.
L’objet de cette étude était de démontrer si ces auxiliaires de justice contribuaient au
respect du contradictoire. L’avocat y contribue, principalement en assistance éducative, le
cade pénal étant surtout marqué par les droits de la défense. L’administrateur ad hoc serait
moins impliqué dans le respect du contradictoire ; cette restriction serait due aux limites de
son intervention qui n’a pas forcément lieu devant le juge des enfants, et lorsqu’elle a lieu,
crée un sentiment de frustration. Si l’on considère le rôle de l’administrateur ad hoc à
proprement parler, il ne se limite pas, à notre sens, à représenter les intérêts de l’enfant, mais
il porte sa parole devant la justice et contribue ainsi pleinement au contradictoire.
892
M.-P. PORCHY, « L’administrateur ad hoc en matière pénale », op. cit., p. 2735.
332
Nous allons tenter maintenant de vérifier l’hypothèse selon laquelle les administrations,
qu’il s’agisse de la Protection judiciaire de la jeunesse ou de l’Aide sociale à l’enfance,
faciliteraient la mise en œuvre du contradictoire.
333
334
Chapitre 2 - Les administrations, facilitatrices du
contradictoire en dehors du tribunal
550. Depuis 1958, le domaine social a investi les tribunaux pour enfants. Au détriment de
leur fonction de juges, les magistrats se sont placés en tant que « garants des équipes
éducatives », « clef de voûte du système socio-éducatif », et parfois de « surveillants-chefs
des institutions éducatives »893. Ils ont animé des réunions de synthèse au sein des
administrations, lors desquelles se prenaient les décisions, oubliant le lieu symbolique du
tribunal, ce qui rendait tentant de se dispenser des règles de procédure894. Un magistrat a
indiqué que ce contexte et ces manières d’intervenir ont suscité la confusion des rôles de
chacun895.
Les années d’après-guerre sont en effet marquées par l’alliance entre le droit et les sciences
humaines, qui a pu être qualifiée de « mariage de raison »896. Cette évolution traduit la
volonté politique de fonder, autour de la fonction de juge des enfants et de l’Éducation
surveillée de l’époque897, « un espace d'échange et de définition de référents communs »898.
551. Une magistrate interrogée pour les besoins de cette étude indique que la proximité du
juge des enfants avec les équipes éducatives porte préjudice au respect du contradictoire. Elle
précise que le juge des enfants aura toujours des échanges informels avec les travailleurs
sociaux, car c’est inhérent à sa fonction : les professionnels se rendent facilement dans le
bureau du juge, les magistrats visitent les établissements, ils connaissent les équipes
éducatives et établissent des liens professionnels. Incitant à l’humanité et à la souplesse, la
procédure semble moins bien appliquée car les échanges verbaux remplacent alors un écrit,
893
P. CHAILLOU, L’enfant et sa famille face à la justice, op. cit., p. 13.
894
Ibid., p. 13.
895
Ibid., p. 14.
896
P. MILBURN, Quelle justice pour les mineurs ? Entre enfance menacée et adolescence menaçante, Erès, 2009,
p. 50.
897
Appelée Education surveillée depuis sa création en 1945, la Protection judiciaire de la jeunesse a changé
d’appellation en 1995.
898
P. MILBURN, Quelle justice pour les mineurs ? Entre enfance menacée et adolescence menaçante, Erès, 2009,
p. 52 et 53 ; l’auteur explique que l'exigence d'interdisciplinarité ne permet pas à elle seule de rendre raison du
repli des références juridiques et pénales dans ce domaine.
335
mais sa flexibilité présente un aspect positif.
Cette juge des enfants ajoute que les juges peuvent provoquer le contradictoire chez les
partenaires, l’inverse étant vrai également, à savoir que les partenaires peuvent également
provoquer le contradictoire en demandant qu’une audience ait lieu et que le juge écoute
l’enfant. Elle explique que la culture du contradictoire n'est pas du tout celle de l'Aide sociale
à l'enfance ni celle des éducateurs en général, parce qu’ils ne sont pas formés en ce sens. La
nécessité du contradictoire vient du fait que le juge doit prendre une décision.
552. Les éducateurs et les experts apparaissent comme les informateurs légitimes du juge des
enfants ; ils lui apportent des éléments éducatifs essentiels à la compréhension de la
personnalité du mineur899. Les premiers sont investis d’une « délégation faute de pouvoir », et
les seconds d’une « délégation faute de savoir »900. Mais les sources d’informations du juge
ne se limitent pas aux éducateurs, les services disposent également d’assistants de services
sociaux et de psychologues. Une juge des enfants interrogée indique qu’il est nécessaire que
les administrations viennent au soutien du respect du contradictoire, ce qu’elles font de plus
en plus en pratique.
553. Si les juges des enfants disposent d'un large pouvoir d’appréciation dans leurs décisions,
ils doivent aussi s'appuyer sur les expertises et sur l'intervention des services éducatifs 901. La
compétence psychologique et pédagogique contribue à orienter leurs décisions et vient en
complément de la compétence juridique. La cohérence de l'intervention publique repose dès
lors sur une stabilité minimale des dispositions communes à l'action, à tous les niveaux902.
554. Une hypothèse serait que les administrations facilitent le respect du contradictoire. Les
899
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit., p. 111.
900
M. SIGUIER, « Expertise et aide à la décision. Délégation faute de pouvoir ? Délégation faute de savoir ?,
Dossier : pratiques d’’écriture et champs professionnels », Etudes de communication, 1992, n° 13, p. 39 à 46 : le
juge des enfants ne peut matériellement et déontologiquement se rendre auprès des familles dans tous les
dossiers qu’il suit : faute de le pouvoir, pour lui substituer, cette mission a été déléguée à des services sociaux ;
en outre, le juge des enfants n’est pas un scientifique qui connaît la médecine, la psychologie ou la psychiatrie :
pour l’aider dans sa compréhension de la personnalité du mineur, faute de savoir, il peut donc désigner des
experts qui sont spécialistes dans leur domaine ; les travailleurs sociaux et les experts aident donc le juge des
enfants dans sa décision.
901
Le terme d’expertise pour qualifier l’intervention des services éducatifs est discuté, v. en ce sens M.
SIGUIER, « Expertise et aide à la décision. Délégation faute de pouvoir ? Délégation faute de savoir ?, Dossier :
pratiques d’’écriture et champs professionnels », op. cit.
902
P. MILBURN, Quelle justice pour les mineurs ? Entre enfance menacée et adolescence menaçante, op. cit., p.
28.
336
juges ont des attentes concernant la connaissance des événements de la vie du mineur, et les
professionnels éducatifs ne sont pas toujours conscients de leur rôle en la matière.
L’Aide sociale à l’enfance et la Protection judiciaire de la jeunesse seront envisagées dans
le cadre de cette étude : elles soutiennent toutes deux l’application du contradictoire, mais à
des niveaux, dans des cadres et à des étapes différents.
Alors que l’ASE se présente comme soutien du contradictoire en assistance éducative
(Section 1), la PJJ joue ce rôle à la fois en matière civile et en matière pénale (Section 2).
Son rôle est déterminé par deux éléments : la subsidiarité de l’autorité judiciaire par
rapport à l’autorité administrative (A) et le fait qu’elle est l’élément moteur pour le respect du
contradictoire en matière civile (B).
555. Avant d’aborder l’Aide sociale à l’enfance comme élément moteur du contradictoire en
matière civile, il convient d’étudier le principe de subsidiarité de l’autorité judiciaire par
rapport à l’autorité administrative. En effet, le prononcé d’un suivi éducatif par le juge des
enfants est subordonné à la notion de danger. Si le danger n’existe pas encore mais que les
conditions d’éducation des enfants sont compromises et si les représentants légaux sont
d’accord, il est possible de mettre en place un suivi administratif, le juge des enfants n’étant
pas saisi.
Quel que soit le cadre concerné, administratif ou judiciaire, l’accord et l’adhésion des
337
parents est nécessaire au bon déroulement du suivi. Pour faciliter cette adhésion, la procédure
doit leur avoir été expliquée. Leur concours est plus évident dans le cadre administratif où
l’Aide sociale à l’enfance intervient avec force comme élément moteur du contradictoire, ce
qui est renforcé par la volonté des représentants légaux.
556. Lorsqu’il s’agit de protéger un enfant, les compétences sont réparties entre
l’administration, la justice et l’Etat903. Le conseil départemental est « l’acteur essentiel de la
protection de l’enfance »904 et en son sein, l’Aide sociale à l’enfance constitue « un acteur
privilégié de droit privé des mineurs »905 et « un instrument d’action sociale »906.
L’article L.221-1 du Code de l'action sociale et des familles prévoit les missions du service
de l’Aide sociale à l’enfance, service de l’Etat chargé « d’apporter un soutien matériel,
éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité
parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la
moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement
physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de
vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de
compromettre gravement leur équilibre ». Le 5° de cet article précise que « sans préjudice des
compétences de l'autorité judiciaire, [le service de l’Aide sociale à l’enfance est chargé d’]
organiser le recueil et la transmission, dans les conditions prévues à l'article L. 226-3, des
informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont
en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou
risquent de l'être, et participer à leur protection ».
903
L. BELLON, L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, Erès, Trajets, 2011, p. 79 ; P. PEDRON, Guide
de la Protection judiciaire de la jeunesse. Pratiques éducatives et droit de la PJJ, Paris, Gualino éditeur, Lextenso
éditions, 2012, p. 361 et s. ; P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit de la famille, op. cit., p. 761 et s.
904
P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., p. 95.
905
Ibid. p. 95.
906
P. VERDIER, Guide de l’Aide sociale à l’enfance, Dunod, 2010. in P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des
mineurs, op. cit., p. 95.
338
risque de danger ou en danger907. Il transmet un signalement au procureur de la République en
vue de saisir le juge des enfants dans trois situations, décrites à l'article L. 226-4 du Code de
l'action sociale et des familles : quand les services administratifs n'ont pas réussi à remédier à
la situation de danger par la mise en œuvre de mesures administratives ; quand la famille
s'oppose aux mesures ou ne collabore pas avec les services administratifs pour mettre fin au
danger ; quand il est impossible d'évaluer la situation d'un enfant présumé en danger.
559. Que le juge des enfants soit saisi ou non, l’Aide sociale à l’enfance soutient
l’application du contradictoire. Effectivement, c’est un principe qui s’applique également au
sein de l’Administration, puisque les représentants légaux et les mineurs doivent avoir accès à
leur dossier, prendre connaissance de la procédure et argumenter lors des temps réservés.
Que la décision du juge des enfants soit d’orienter le dossier du mineur vers un suivi
administratif ou judiciaire, l’Aide sociale à l’enfance est l’élément moteur du respect du
contradictoire en matière civile.
560. Une juge des enfants interrogée explique qu’un élément moteur est nécessaire pour le
respect du contradictoire, dans l’intérêt du justiciable ; c’est l’Aide sociale à l’enfance qui
joue ce rôle en matière civile. Elle précise que le respect du contradictoire n’est pas attaché à
la qualité de partie au procès, mais à la connaissance des éléments par l’ensemble des
907
Le risque de danger d'un côté, le danger de l'autre. C. NEIRINCK critique cette distinction dans « Enfance »
339
personnes concernées par la procédure.
561. L’Aide sociale à l’enfance est un soutien pour l’application du contradictoire devant les
usagers et devant le juge des enfants. Pour cela, l’action de l’Aide sociale à l’enfance s’inscrit
sous la responsabilité du président du Conseil départemental et dans un contexte déterminé
par les textes, qu’il convient de décrire.
563. Les mineurs confiés à l’Aide sociale à l’enfance peuvent être suivis par le juge des
enfants dans le cadre civil mais également dans le cadre pénal. Pour ces derniers, l’article 10
4° de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit qu’au stade de la mise en examen, le juge des
340
enfants et le juge d’instruction peuvent confier le mineur « au service de l’assistance à
l’enfance ou à un établissement hospitalier ». L’article 15, 4° de l’ordonnance du 2 février
1945 prévoit que « si la prévention est établie à l’égard du mineur de treize ans, le tribunal
pour enfants prononcera, par décision motivée, [notamment la][…] remise au service de
l’assistance à, l’enfance ». Il est à noter que l’article 15-1 concernant la prévention établie à
l’encontre d’un mineur âgé d’au moins dix ans n’envisage pas cette possibilité, bien que le
mineur soit plus jeune. A défaut, ce texte prévoit des mesures de placement dans des services
habilités (7°) ou dans des internats scolaires (10°).
564. Le contrôle des prestations familiales permet d’avoir un lien avec les familles pour leur
expliquer la procédure. En conséquence, cette démarche permet d’appliquer le contradictoire
d’une manière détournée et au sein même de l’Aide sociale à l’enfance.
565. La tutelle aux prestations familiales était définie jusqu’en 2007 par l'article L. 552-6 du
Code de la Sécurité sociale de la manière suivante : « dans le cas où les enfants donnant droit
aux prestations familiales sont élevés dans des conditions d'alimentation, de logement et
d'hygiène manifestement défectueuses ou lorsque le montant des prestations n'est pas
employés dans l'intérêt des enfants, le juge [des enfants] peut ordonner que les prestations
soient versées à une personne physique ou morale, dite tuteur aux prestations sociales ». La
logique judiciaire tournait donc autour de l'idée de la faute du ou des parents.
566. La loi du 5 mars 2007 a fait évoluer la logique du contentieux. On parle désormais
d'aide judiciaire à la gestion du budget familial, ce qui a donné lieu à la création d’une mesure
du même nom (MJAGBF)908. L'article 375-9-1 du Code civil dispose désormais que « lorsque
les prestations familiales […] ne sont pas employé[e]s pour les besoins liés au logement, à
l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et que l'accompagnement en économie
908
V. par exemple D. FENOUILLET, Droit de la famille, Dalloz, 2019, pp. 554 et 555 ; V. EGEA, Droit de la famille,
LexisNexis, Paris, 2018, pp. 641 et 642 ; V. BONNET, Droit de la famille, op. cit., p. 175.
341
sociale et familiale prévu à l'article L. 222-3 du Code de l’action sociale et des familles
n'apparaît pas suffisant, le juge des enfants peut ordonner qu’[elles] soient, en tout ou partie,
versé[e]s à une personne physique ou morale qualifiée, dite “délégué aux prestations
familiales” ». L'intervention du juge des enfants repose sur le critère de la subsidiarité et se
décline comme un aménagement de l'autorité parentale909. Ce type d’aide, apportée aux
représentants légaux pour les accompagner dans la gestion du budget de la famille, atténue la
notion de contrainte judiciaire et peut être un facteur de contradictoire.
567. Les familles ont en effet, dans leurs relations avec les services de l’Aide sociale à
l’enfance, des droits dont le principe est affirmé à l’article L. 223-1 du Code de l’action
sociale et des familles : « Toute personne qui demande une prestation prévue au présent titre
ou qui en bénéficie est informée par les services chargés de la protection de la famille et de
l’enfance des conditions d’attribution et des conséquences de cette prestation sur les droits et
obligations de l’enfant et de son représentant légal. Elle peut être accompagnée d’une
personne de son choix, représentant ou non une association, dans ses démarches auprès du
service. Néanmoins, celui-ci a la possibilité de proposer également un entretien individuel
dans l’intérêt du demandeur. [Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de
l’enfance, cette dernière disposition s’applique également] aux démarches du père, de la
mère, de toute autre personne exerçant l’autorité parentale ou du tuteur, auprès des services
et établissements accueillant les mineurs mentionnées aux 1° et 3° de l’article L. 222-5 ». Cet
article explique les droits des familles dans le cadre de la prise en charge du mineur par
l’Administration : aucune démarche n’est effectuée sans que les représentants légaux et
l’enfant n’en soient informés. Cette disposition pose comme principe le respect du
contradictoire par l’Administration à travers le respect de ces droits.
L’efficacité de ces mesures dépend des moyens mis en œuvre au service du contradictoire
par l’Aide sociale à l’enfance.
909
L. BELLON, L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, op. cit., p. 97.
342
Les moyens financiers et humains sont fournis par le département. L’Aide sociale à
l’enfance facilite le contradictoire au sein (A) et en dehors (B) du tribunal (A).
568. Par sa participation à la procédure prévue par les textes, l’Aide sociale à l’enfance
soutient l’application du contradictoire lors des auditions et des audiences. Les professionnels
rédigent en outre des écrits versés au dossier, consultables par les parties et invocables par le
juge.
569. Le Code de procédure civile mentionne « le service à qui l’enfant est confié ». C’est à
ce titre que l’ASE intervient auprès de l’enfant et des représentants légaux. Le service de
l’Aide sociale à l’enfance est donc inclus comme personne morale à laquelle s’applique le
contradictoire. L’article 1182 alinéa 1 du Code de procédure civile précise que, si l’enfant est
confié préalablement, le représentant du service à qui l’enfant a été confié est avisé de l’avis
d’ouverture d’une procédure. L’alinéa 2 ajoute que cette personne est entendue et que le juge
des enfants porte à sa connaissance les motifs de sa saisine. L’alinéa 4 indique que le droit
pour les parties de faire le choix d’un conseil figure dans l’avis d’ouverture de la procédure et
dans les convocations adressées au service éducatif, ce qui permet donc de les en informer.
L’article 1186 du même code mentionne le droit du représentant à qui l’enfant a été confié
de faire le choix d’un avocat. On peut s’interroger sur l’utilité de cette disposition, le seul
intérêt d’être assisté par avocat étant celui des parties. On peut penser que cela implique que
le représentant du service à qui l’enfant a été confié soit partie au procès. Cela peut ainsi
intervenir lorsque des délégations d’autorité parentale ont été mises en place, et qu’alors
l’Administration, qui supplée les parents dans l’exercice de certaines mesures, doit être
représentée pour défendre tel ou tel acte effectué dans le cadre de la procédure.
570. Le service de l’Aide sociale à l’enfance peut avoir accès au dossier au tribunal. L’article
1187 alinéa 1 du Code de procédure civile indique que l’avocat du représentant du service
peut consulter le dossier de l’ouverture de la procédure jusqu’à la veille de l’audience.
L’alinéa 2 précise que le service à qui l’enfant est confié a un accès direct au dossier de
l’enfant, sur demande, aux jours et heures fixés par le juge, jusqu’à la veille de l’audition ou
de l’audience.
343
L’alinéa 3 ajoute que le mineur doué de discernement ne peut consulter le dossier qu’en
présence de ses parents ou de son avocat. L’accompagnement par le service auquel le mineur
est confié semble donc exclu. Mais la loi explique qu’en cas de refus des parents ou d’absence
d’avocat, à défaut de lui en faire désigner un par le bâtonnier, le juge des enfants peut
autoriser le service à qui l’enfant est confié à accompagner le mineur pour cette consultation.
Les mesures concernant l’exclusion de certaines pièces du dossier par l’alinéa 4 peuvent
concerner aussi le service à qui l’enfant a été confié. L’alinéa 5 ajoute que le dossier peut
également être consulté dans les mêmes conditions par les services en charge des mesures
prévues à l’article 1183 du Code de procédure civile (mesure judiciaire d’investigation
éducative) et aux articles 375-2 et 375-4 du Code civil (placement en structure habilitée,
personne qualifiée ou service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert,
distinct du service à qui l’enfant a été confié).
On peut penser que le dossier est plus accessible aux personnes mentionnées à l’alinéa 5
qu’au service à qui l’enfant a été confié car cette dernière consultation est soumise à
l’autorisation du juge en cas d’absence d’avocat. Mais il s’agit uniquement de
l’accompagnement du mineur doué de discernement, dont les conditions sont plus strictes,
tandis qu’un référent d’un service seul peut consulter le dossier plus facilement.
On pourrait songer qu’il est plus aisé et pertinent d’accompagner un enfant pour consulter
le dossier lorsque ses parents s’y refusent et qu’il n’a pas d’avocat, cette consultation allant
dans le sens de son intérêt supérieur. Le régime plus strict décrit ci-dessus est dû au besoin de
protection de l’enfant en raison de son exposition à des éléments qu’il peut ne pas
comprendre. Une juge interrogée explique qu’elle est opposée à la consultation des dossiers
par les enfants eux-mêmes, ceux-ci étant trop exposés alors qu’ils doivent être protégés.
571. Le service est présent aux auditions et aux audiences. Il prend la parole et contribue au
contradictoire et à la décision, comme l’indiquent l’article 1184 alinéa 1 du Code de
procédure civile pour la première audience, et l’article 1189 du même code pour l’audience.
Dans les huit jours, selon l’article 1190 alinéa 1 du Code de procédure civile, les décisions du
juge sont notifiées au représentant du service à qui l’enfant a été confié. Le service de l’Aide
sociale à l’enfance facilite le contradictoire en exposant à l’écrit ou à l’oral les conditions de
vie de l’enfant au quotidien s’il est placé, et les relations parents/enfant s’il vit à leur domicile
et qu’un suivi en milieu ouvert est en cours. Les temps de préparation au contradictoire
effectués entre les professionnels et avec les parties favorisent l’intervention aux auditions et
344
aux audiences.
Le président du conseil départemental doit mettre en œuvre les moyens destinés au respect
du contradictoire. Il existe des temps d’échanges entre professionnels et la hiérarchie et avec
les usagers (1), ce qui vient au soutien des écrits (2).
572. L’oralité vient soutenir l’intervention de l’Aide sociale à l’enfance. Véritable moyen de
liaison, la verbalisation du travail effectué permet sa progression et sa synthétisation : à
travers un échange pluridisciplinaire, les synthèses entre professionnels permettent à la
réflexion de progresser. Effectué avec les parties, le bilan des mesures, appelé restitution, en
est facilité. Ces deux temps participent à l’élaboration du principe du contradictoire au sein de
l’Administration et préparent les parties au contradictoire devant le tribunal.
574. Les restitutions réunissent les différents professionnels intervenus, le mineur et ses
345
représentants légaux, pour leur expliciter les différentes étapes de la procédure et la
proposition élaborée en vue de la fin de la prise en charge. Ces moments ont pour objectif la
transparence dans l’élaboration du travail et de la proposition. Plus les échanges sont
transparents, plus les parties discernent leurs droits et leurs devoirs, mieux le contradictoire
est appliqué au sein de l’Administration, mieux il sera effectif devant le juge des enfants.
575. Il convient donc de travailler le contradictoire en amont pour qu’il soit effectif au
tribunal. Son application apparaît comme un processus de l’ouverture à l’échéance de la
procédure. Plus encore, il est intéressant que les parties participent à la construction de la
solution qui les concerne directement. Il est donc préférable qu’elles soient actrices dans la
procédure, ce vers quoi les professionnels de l’Aide sociale à l’enfance peuvent les
accompagner et les guider.
Les temps d’échanges confortent les écrits éducatifs dans l’application du contradictoire.
576. L’écrit est important dans le travail social puisque les supports rédigés vont devenir des
pièces judiciaires du dossier de l’enfant. Leur contenu doit donc être précis et impliquer
largement le mineur et ses représentants légaux. Les écrits font partie intégrante du
contradictoire parce qu’ils vont être versés au dossier, consultés par les parties et le juge va
s’y référer pour prendre une décision.
577. Une juge interrogée indique que désormais, le Code de l’action sociale et des familles
impose aux conseils départementaux des conditions supplémentaires pour le respect du
contradictoire.
578. Le projet pour l’enfant est une innovation de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative
à la protection de l’enfance. Véritable outil écrit établi par les professionnels en présence des
représentants légaux, voire du mineur, réactualisé au fur et à mesure et soumis au magistrat, il
prend la forme d’un document contractuel. Il énonce des objectifs afin de répondre aux
besoins de l’enfant et répartit leur réalisation entre les professionnels et les représentants
légaux. Rédigé avec les représentants légaux, ce document est d’emblée mis en œuvre dans
346
une démarche contradictoire.
L’article L. 223-1-1 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que ce « document
unique » est élaboré à destination de « chaque mineur bénéficiaient d’une prestation d’aide
sociale à l’enfance ». Il précise que « le projet pour l’enfant est construit en cohérence avec
les objectifs fixés dans la décision administrative ou judiciaire le concernant. Dans une
approche pluridisciplinaire, ce document détermine la nature et les objectifs d’intervention
menés en direction du mineur, de ses parents et de son environnement, leur délai de mise en
œuvre, leur durée, le rôle du ou des parents et, le cas échéant, du tiers intervenant auprès du
mineur ».
L’article L. 223-1-1 du Code de l’action sociale et des famille ajoute que « le Président du
conseil départemental est le garant du projet pour l’enfant, qu’il établit en concertation avec
les titulaires de l’autorité parentale et, le cas échéant, avec la personne désignée en tant que
tiers digne de confiance ainsi qu’avec toute personne physique ou morale qui s’implique
auprès du mineur. Ce dernier est associé à l’établissement du projet pour l’enfant, selon les
modalités adaptées à son âge et à sa maturité. Le projet pour l’enfant est remis au mineur et
à ses représentants légaux et est communicable à chacune des personnes physique ou morale
qu’il identifie selon les conditions prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant
diverses mesure d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses
dispositions d’ordre administratif, social est fiscal ».
579. Il est fondamental de retenir les aspects qui favorisent le contradictoire : le document est
établi en concertation avec le mineur et ses représentants légaux, répond à leurs droits et
engendre la transparence dans leurs échanges. Ce document leur est remis, de sorte qu’ils
peuvent en disposer. Le projet pour l’enfant fait figure de progression dans les relations entre
l’administration et les administrés, conformément à l’esprit de la loi n° 78-753 du 17 juillet
1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’Administration et le public
et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal à laquelle fait référence l’article
L. 223-1-1 du Code de l’action sociale et des familles.
580. Le projet pour l’enfant est transmis au juge au début de la procédure. Soit le juge est
saisi avant toute intervention de l’Aide sociale à l’enfance, et le projet est alors construit sur le
fondement de l’intervention judiciaire, soit le juge est saisi postérieurement, le document est
alors déposé plus tardivement dans le dossier.
347
L’article L. 223-1-1 du Code de l’action sociale et des familles mentionne que le document
est mis à jour sur la base des rapports éducatifs mentionnés à l’article L. 223-5 du Code de
l’action sociale et des familles, « afin de tenir compte de l’évolution des besoins
fondamentaux de l’enfant ». Après chaque mise à jour, il est transmis aux services chargés de
mettre en œuvre une mesure de protection.
582. Issu de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance, l’article
L. 223-5 du Code de l’action sociale et des familles prévoit l’établissement de rapports
éducatifs, relatant le contenu et les modalités de prise en charge du mineur ainsi que des
mesures d’accompagnement de la famille. Ils sont transmis au juge des enfants afin d’être
consultés par les parties comme le veut le contradictoire.
Cet article dispose que « le service élabore au moins une fois par an ou tous les six mois
pour les enfants âgés de moins de deux ans [disposition rajoutée par la loi du 14 mars 2016
relative à la protection de l’enfant] un rapport, établi après une évaluation pluridisciplinaire,
sur la situation de toute enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative. Ce rapport
porte sur la santé physique et psychique de l’enfant, son développement, sa scolarité, sa vie
sociale et ses relations avec sa famille et les tiers intervenant dans sa vie. Il permet de vérifier
la bonne mise en œuvre du projet pour l’enfant mentionné à l’article L. 223-1-1 et de
l’adéquation de ce projet aux besoins de l’enfant ainsi que, le cas échéant, l’accomplissement
des objectifs fixés par la décision de justice. Un référentiel approuvé par décret en Conseil
d’Etat fixe le contenu et les modalités d’élaboration du rapport ».
On remarque que la situation des enfants de moins de deux ans a particulièrement intéressé
le législateur. Il a jugé bon qu’un rapport soit établi plus régulièrement à leur sujet. On peut
également noter que le contenu des rapports, défini de manière stricte par la loi, peut paraître
rigide et contraster avec les situations des familles qui devraient être considérées au cas par
cas et de manière souple. Or, si la loi encadre étroitement le contenu du rapport, elle laisse
348
toute latitude à l’Administration sur les modalités employées afin de parvenir à ce contenu
précis. Les objectifs fixés par la décision de justice s’articulent pleinement avec la mise en
œuvre du projet pour l’enfant et son adéquation à ses besoins, ce dernier point étant prioritaire
par rapport aux objectifs fixés par la décision.
583. La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a précisé que
« sans préjudice des dispositions relatives à l’assistance éducative, le contenu et les
conclusions de ce rapport sont “préalablement” portés à la connaissance du père, de la mère,
de toute autre personne exerçant l’autorité parentale, du tuteur et du mineur, en fonction de
son âge et de sa maturité ». L’adverbe « préalablement » a été ajouté par le législateur ; il se
réfère à la date de dépôt des rapports au tribunal. Cette disposition a pour objectif de renforcer
le caractère contradictoire de la procédure d’assistance éducative et conduit l’Administration à
s’organiser avant que les parties formulent la demande de consulter le dossier au tribunal. Il
existe ainsi deux possibilités pour les parties d’avoir connaissance des écrits : par la
communication avec l’Administration ou par le tribunal quand les écrits ont été déposés dans
le dossier.
Peut-être le législateur a-t-il estimé utile de renforcer le caractère contradictoire de la
procédure, constatant que des dérives pouvaient avoir lieu, dans la mesure où les rapports sont
souvent déposés tardivement au tribunal et que cela empêche régulièrement les parties de
consulter le dossier. Une juge des enfants souligne que généralement, les parties ne consultent
pas le dossier au tribunal parce qu’elles sont informées du contenu du rapport par le service en
charge de la mesure. Une autre juge des enfants indique que pour les mineurs non
accompagnés, des efforts sont peut-être à fournir afin de respecter le contradictoire, car pour
effectuer les démarches nécessaires à la consultation et à la compréhension de la procédure,
l’absence de maîtrise du français est un obstacle. Peut-être le service de l’ASE a-t-il un rôle à
jouer en la matière.
La réflexion menée dans le cadre de cette étude a donné lieu à la construction d’un projet
avec un service de l’Aide sociale à l’enfance. Ce projet a permis d’évaluer les connaissances,
les repères et les pratiques des professionnels de terrain en matière de contradictoire et de les
accompagner dans son application.
585. Lors de la seconde réunion, les professionnels ont souligné le défaut de compréhension
par les mineurs et les familles concernant l’identité de juge en fonction du domaine pénal ou
civil.
586. Les professionnels ont également évoqué le rôle de l’avocat. Ils ont précisé que
l’efficacité de son rôle dépend de sa place, selon qu’il assiste le mineur ou ses parents. Dans le
premier cas, il peut être un soutien, tandis que dans le second, il peut être un obstacle à la
prise en compte de l’intérêt de l’enfant, sauf s’il a une vision globale de la famille.
Le responsable du service a indiqué qu’au cours de sa vie professionnelle, il avait eu la
possibilité de se joindre à un groupe d’avocats spécialisés dans les questions de l’enfance, afin
d’articuler les pratiques de chacun. Cette piste de réflexion comporte des risques pour le
respect du contradictoire parce que le juge doit entendre chaque corps de profession pour
prendre une décision. Cette atteinte est toutefois limitée lorsqu’il s’agit d’articuler les
propositions de chacun sur le plan procédural et non sur le fond.
587. L’Aide sociale à l’enfance met en place des moyens pour communiquer avec les
représentants légaux et le mineur : ils sont informés du travail fait en amont, qui leur est
restitué.
350
588. Le responsable de service a indiqué que la Commission d’examen du statut des enfants
confiés à l’ASE a été créée, sur la base des articles 26 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016
et 223-1 du Code de l’action sociale et des familles910. La loi prévoit « la mise en place au
sein du conseil départemental d'une commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle
chargée d'examiner la situation des enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance depuis plus
d'un an lorsqu'il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de
l'enfant paraît inadapté à ses besoins et d'examiner tous les six mois la situation des enfants
de moins de deux ans ». Cette Commission se réunit donc dans des cas particuliers. Bien que
répondant à l’impératif du contradictoire, des professionnels ont soulevé le risque né de la
composition de cette commission qui pourrait ressembler à un conseil de famille.
589. Ils précisent que l’intérêt du projet pour l’enfant réside essentiellement dans le respect
du contradictoire dès qu’un mineur est confié à l’Aide sociale à l’enfance. La difficulté se
situe dans l’opposition des parents au travail effectué. Les services sont alors contraints de se
limiter à une application neutre ou stratégique du contradictoire, afin de respecter la loi. Il est
à noter que l’adhésion diffère de la compréhension par les justiciables.
590. Le responsable du service constate que le principe du contradictoire est mis en place
sans difficulté au quotidien et qu’il n’est évoqué que lorsque son application soulève un
problème. Il aborde la difficulté de mettre en place un contradictoire de qualité parce qu’il est
alors nécessaire d’organiser des procédures et des modes de travail particuliers. En dépit de
cette complexité, les pratiques correspondent aux protocoles élaborés dans les services (projet
de services, groupes de travail).
591. Une rencontre s’est déroulée le 17 avril 2019 avec le responsable de l’Aide sociale à
l’enfance pour poursuivre la réflexion sur l’application du principe du contradictoire. Il
explique qu’un groupe de travail a été créé dans le département, intitulé « paroles de
familles », qui réunit des parents de mineurs suivis dans le cadre administratif ou judiciaire.
Les objectifs sont d’expliciter leurs difficultés, leurs facilités et de faire porter leur parole. Ils
ont par exemple souhaité modifier la formulation du courrier, abrupt, envoyé par la cellule
départementale les avisant qu’ils faisaient l’objet d’une information préoccupante. Ils ont
910
Décr. n° 2016-1639 du 30 nov. 2016 relatif à la commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle
d'examen de la situation des enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance prévue à l'article L. 223-1 du Code de
351
formulé des propositions en vue de son amélioration.
L’ASE utilise comme modèle ce groupe de travail, dans la création d’un nouveau groupe,
appelé « paroles de jeunes », et qui réunit des mineurs âgés de seize à dix-huit ans. Cette
administration facilite ainsi le contradictoire en permettant aux parents et aux mineurs de
s’exprimer et d’utiliser leur parole en vue d’améliorer la communication entre eux et avec
l’institution.
592. Son rôle est plus communément appelé « aide sous contrainte judiciaire » (A) : elle doit
accompagner le mineur et ses représentants légaux tout au long de la procédure pour
améliorer la situation, alors que la contrainte de la justice pèse sur eux. C’est une injonction
paradoxale, que le mineur et ses parents peinent bien souvent à comprendre et qui peut les
empêcher d’évoluer.
La Protection judiciaire de la jeunesse doit représenter l’élément moteur du contradictoire,
ce qui est plus efficace si le mineur et ses représentants légaux comprennent la contrainte
judiciaire (B).
594. Les modalités de prise en charge dominantes ont donné lieu à une forte contestation
entre les années 1945 et le milieu des années 1980. Dans la prise en charge judiciaire des
mineurs délinquants, ce mouvement est marqué par un retour à la notion de discernement et à
la valorisation de la contrainte et des mesures privatives de liberté. Il est possible de
distinguer trois phases : la construction de l’autonomie par rapport à l’administration
pénitentiaire, le développement d’une administration autonome et la confrontation aux
conséquences de la fin de croissance continue de l’après-guerre912.
Dans l’action éducative, « il y a le temps de la compréhension de la situation, mais parfois
aussi la nécessité d’agir assez rapidement et ne pas laisser les choses s’enkyster ou les délits
s’accumuler sans réponse »913. Ce compromis, complexe à réaliser, a intéressé le législateur
depuis le début des années 2000. Ces deux logiques n’interviennent pas sur les mêmes lignes
de temps, car une intervention rapide s’oppose au temps nécessaire à la compréhension de la
situation. Le juge devant concilier tous ces éléments, cet impératif pose également la question
des listes d’attente des mesures dans les services éducatifs914.
Une difficulté concerne les mineurs multi-réitérants et multirécidivistes qui peuvent être
les plus opposés à la contrainte judiciaire. Une idée serait de les conduire le mieux possible à
l’adhésion, afin que l’application du contradictoire s’en trouve facilitée. La commission
Varinard avait proposé l’idée des mandats de placement, consistant à « cibler les mineurs
912
F. BAILLEAU et P. MILBURN, « La PJJ à la croisée des chemins. Entre contrôle gestionnaire et pénalisation des
mineurs », Les Cahiers de la justice, éditions Dalloz, sept. 2011.
913
B. GUZNICZAK et G. MEURIN, « Education et justice, de la contrainte à l’adhésion. Entretien avec Pierre
Pédron et Patricia Vanderkerckhove », Les Cahiers dynamiques, mars 2009, n° 45, p. 55.
914
Ibid., p. 55.
353
multirécidivistes qui n’adhèrent pas »915. Mais la systématisation des solutions en fonction des
profils des mineurs comportait un risque au vu de la nécessaire individualisation des parcours.
Les peines prévues par la loi impliquant le risque d’incarcération, la contrainte existe dès
l’instant où un juge mandate un service, ce qu’il doit motiver dès l’ouverture de la procédure.
595. Cette administration doit être l’élément moteur du contradictoire même si le mineur et
ses représentants légaux s’opposent à la contrainte judiciaire. La question est alors de savoir
comment elle doit agir pour les conduire à comprendre la procédure, même s’ils ne sont pas
enclins à y adhérer.
596. Une juge des enfants interrogée indique que dans l’intérêt du justiciable, l’élément
moteur pour le respect du contradictoire en matière pénale est la Protection judiciaire de la
jeunesse. Elle distingue l’Aide sociale à l’enfance et la PJJ en fonction du cadre
d’intervention, alors que la seconde intervient également pour contribuer au respect du
contradictoire en matière civile durant les mesures judiciaires d’investigation éducative. Une
incertitude existe d’ailleurs souvent chez le travailleur social, l'avocat et l'éducateur qui
s'interrogent perpétuellement sur leur rôle respectif et sur leur façon d’aborder le
contradictoire916.
915
B. GUZNICZAK et G. MEURIN, « Education et justice, de la contrainte à l’adhésion. Entretien avec Pierre
Pédron et Patricia Vanderkerckhove », op. cit.
916
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit., p. 112.
354
la parole et facilite l'échange. La PJJ est ainsi le « garant de l’intérêt supérieur de l’enfant et
du principe d’éducabilité du mineur »917.
598. La coopération entre le juge et les éducateurs n'existe pas nécessairement, du moins pas
de la même façon que dans les années 1970. Les relations de travail entre les acteurs se sont
complexifiées, surtout du fait des changements introduits par les lois Perben de 2002 et de
2004. Suscitant un climat d'instabilité des alliances professionnelles traditionnelles, elles ont
fragilisé le consensus éducatif qui faisait loi dans le droit des mineurs918.
599. Le but commun reste d’agir ensemble dans l'intérêt du mineur. L’analyse éducative de
sa personnalité et de son parcours doit tendre vers l'objectivité. Les démarches
professionnelles sont différentes, dans la manière de proposer la situation aux débats et dans
la manière d'approcher la situation dans chaque domaine, éducation ou droit. Chacun finit par
« défendre l'intérêt du mineur en fonction de la vision de cet intérêt construite par son
idéologie professionnelle de référence »919. Alors que le juge doit assurer l’équilibre de la
justice, le professionnel éducatif « doit faire entendre le principe de responsabilité l'égard du
mineur »920. Les tensions entre le judiciaire et l'éducatif tiennent souvent à « l'obligation pour
le juge de concilier à la fois les impératifs d'ordre public et l'intérêt du mineur délinquant »921.
En cas d’impossibilité concernant la conciliation des intérêts des parties, le juge utilise
l’institution éducative, mais il est aussi garant des droits du mineur face à l'institution
éducative. Il est alors illusoire de séparer le judiciaire de l’éducatif922.
917
P. BENEC’H LE-ROUX, Au tribunal pour enfants : l’enfant, le juge, le procureur et l’éducateur, op. cit.
918
Ibid., p. 111.
919
Ibid., p. 112.
920
D. YOUF, Juger et éduquer les mineurs délinquants, Dunod, 2009, p. 217.
921
Ibid., p. 218.
922
Ibid. p. 218.
355
La Direction interrégionale avance les politiques éducatives nationales afin qu’elles soient
appliquées sur le terrain923. Les services agissent pour faciliter le contradictoire au sein du
tribunal (A) et en dehors du tribunal (B).
600. Comme l’Aide sociale à l’enfance, la PJJ est citée dans le Code de procédure civile
comme « le service à qui l’enfant est confié ». Les mêmes dispositions la concernent pour que
le juge respecte le contradictoire et que cette administration contribue à son application :
l’article 1182 alinéa 1 du Code de procédure civile concerne l’avis de l’ouverture d’une
procédure ; l’alinéa 2 du même article prévoit l’audition et la connaissance des motifs de la
saisine du juge des enfants ; l’article 1186 du Code de procédure civile règlemente le droit de
choisir un avocat ; l’article 1187 alinéa 1 et 2 du Code de procédure civile organise l’accès au
dossier par l’avocat du service ou directement par le service ; l’article 1184 alinéa 1 du Code
de procédure civile prévoit la présence des parties à la première audience, et l’article 1189 du
même code la règlemente à l’audience ; et l’article 1190 alinéa 1 du Code de procédure civile
énonce la notification des décisions sous huit jours.
601. L’ordonnance du 2 février 1945 et le Code de la justice pénale des mineurs citent
également l’intervention du service éducatif. L’article 5 alinéa 5 de l’ordonnance mentionne
que la convocation en vue de la mise en examen est notifiée dans les meilleurs délais à la
personne ou au service à qui le mineur a été confié, en l’occurrence la PJJ. L’article 5-2 alinéa
6 prévoit les règles d’accessibilité du dossier unique de personnalité par les professionnels de
la Protection judiciaire de la jeunesse. L’alinéa 6 précise que le juge des enfants peut
également autoriser sa consultation par les personnels du service ou de l’établissement du
secteur associatif habilité saisi d’une mesure concernant le mineur. Ces professionnels sont
tenus au secret sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du Code pénal.
602. L’article 10 prévoit que le juge d’instruction ou le juge des enfants avise la personne ou
le service à qui l’enfant est confié des poursuites dont il fait l’objet. Cet avis est fait
923
P. PEDRON, Guide de la Protection judiciaire de la jeunesse. Pratiques éducatives et droit de la PJJ, op. cit., p.
356
verbalement avec émargement au dossier ou par lettre recommandée. L’alinéa 2 précise que
« la personne qui en a la garde ou son représentant » sont convoqués pour être entendus par
le juge, quelles que soient les procédures de comparution. On peut se demander si cette
disposition concerne le service de la Protection judiciaire de la jeunesse ou du Conseil
départemental. L’alinéa 4 ajoute que « le juge des enfants ou le juge d’instruction pourront
charger les services du secteur public de la Protection judiciaire de la jeunesse et du secteur
associatif habilité des mesures d’investigation relatives à la personnalité et à l’environnement
social et familial du mineur ». Cette mesure d’investigation, qui n’est pas une mesure d’action
éducative dans le cadre pénal contrairement à toutes les autres, permet de réfléchir avec le
mineur et ses représentants légaux aux raisons de la commission de l’infraction.
603. Le dernier alinéa de l’article 10-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 accorde une place
particulière à la PJJ lorsque le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et
de la détention statue en cabinet sur le placement sous contrôle judiciaire du mineur. Le juge
statue après un débat contradictoire au cours duquel il entend le parquet formuler ses
réquisitions, puis il entend le mineur et son avocat. Le texte précise que « le magistrat peut, le
cas échéant, recueillir au cours de ce débat les déclarations du représentant du service qui
suit le mineur ». Il s’agit d’une faculté pour le juge, comme le montre le verbe « pouvoir », et
cette audition intervient le cas échéant, c’est-à-dire si le cas se présente, accentuant une notion
d’éventualité et une connotation de hasard. On peut en déduire que l’intervention du service
qui suit le mineur est limitée à cette possibilité et l’on peut s’interroger sur son rôle et sur sa
place dans ce type d’audience.
L’article L. 511-1 du Code de la justice pénale des mineurs prévoit que, lors des débats, le
juge des enfants ou le tribunal pour enfants entende la personne ou le service qui suit le
mineur ou auquel il est confié.
604. L’article 12 de l’ordonnance du 12 février 1945 prévoit que le service compétent établit
« un rapport écrit contenant tous renseignements utiles sur la situation du mineur ainsi
qu’une proposition éducative », à la demande du procureur de la République, du juge des
enfants ou de la juridiction d’instruction. « Ce service est obligatoirement consulté lorsqu’il
est fait application de l’article 5 de l’ordonnance du 2 février 1945, avant toute réquisition ou
décision de placement en détention provisoire du mineur ou de prolongation de celle-ci, soit
541 et s.
357
au stade de la mise en examen du mineur. Ce service doit également être consulté avant toute
décision du juge des enfants au titre de l’article 8-1 ou du tribunal pour enfants au titre de
l’article 8-3 et toute réquisition ou proposition du procureur de la République au titre des
articles 7-2, 8-2 et 14-2 ainsi qu’avant toute décision du juge d’instruction, du juge des
libertés et de la détention ou du juge des enfants et toute réquisition du procureur de la
République au titre de l’article 142-5 du Code de procédure pénale [assignation à résidence
avec surveillance électronique]. Le rapport prévu au premier alinéa est joint à la
procédure ».
Ces dispositions confèrent au service de la Protection judiciaire de la jeunesse un rôle de
consultation à tous les stades de la procédure. Si le service n’a pas été consulté avant la
décision de placement en détention provisoire du mineur, il y a lieu de constater l’inexistence
du titre de détention et de prononcer la mise en liberté924. Mais l’exigence de consultation ne
s’étend pas au cas où le juge doit se prononcer en cours de détention sur l’opportunité du
maintien de la mesure925. De même, lorsque le service de la PJJ a été consulté préalablement à
la présentation du mineur au juge d’instruction et que la chambre d’accusation infirme
l’ordonnance aux fins de liberté surveillée préjudicielle rendue par ce magistrat et ordonne le
placement en détention provisoire, l’article 12 de l’ordonnance du 2 février 1945 n’impose
pas une nouvelle consultation du service926. On peut s’interroger sur le sens de cette décision
de la Cour de cassation, car la détention provisoire est ici plus contraignante qu’une mesure
de liberté surveillée préjudicielle. On peut donc se demander pourquoi la consultation du
service n’est pas requise en cas d’infirmation d’une mesure plus légère et du prononcé d’une
peine probatoire plus sévère.
Deux limites à la consultation du service de la PJJ ressortent de la jurisprudence de la Cour
de cassation. D’une part, les règles édictées par les articles 5, 12 et 23 de l’ordonnance du 2
février 1945 ne sont pas applicables à la personne à laquelle sont imputés des crimes ou des
délits dont certains ont été commis alors qu’elle était âgée de plus de dix-huit ans. Tel est le
cas lorsque les faits reprochés ont été commis entre deux mois avant et six jours après les dix-
huit ans de l’intéressé. Il semble donc que la jurisprudence ait créé une présomption de
majorité pour les mineurs s’en rapprochant, évitant ainsi aux juridictions les difficultés dues à
la gestion des dossiers alors que le mineur est sur le point de devenir majeur927. D’autre part,
924
Cass. crim., 11 juin 1996, n° 96-81.398 : D., 1997, Somm. p. 148, obs. J. PRADEL.
925
Cass. crim., 26 sept. 1989, n° 89-84.231.
926
Cass. crim., 13 avr. 1999, n° 99-801.698.
927
Cass. crim., 9 déc. 2003, n° 03-85.587 : JCP G, 2004, IV, p. 1375.
358
le rapport du service n’est plus exigé lorsque le mineur est devenu majeur au moment où il est
statué sur la prolongation de sa détention928.
605. L’article 12 de l’ordonnance du 2 février 1945 évoque les règles relatives au jugement
en tribunal pour enfants, qui statue après avoir entendu « le tuteur ou le gardien ». On peut se
demander qui est le gardien et si la Protection judiciaire de la jeunesse peut l’être.
606. L’article 14 de l’ordonnance du 2 février 1945 alinéa 2 précise que parmi les personnes
admises à assister aux débats figurent « les représentants […] des services ou institutions
s’occupant des enfants ». La formule est plus claire et peut inclure la Protection judiciaire de
la jeunesse, dont le rôle est limité ici à une assistance aux débats. On peut en déduire que
l’intervention du service de la PJJ dans le cadre des débats n’est pas une obligation, tout
comme dans le cas du débat contradictoire en vue d’un placement sous contrôle judiciaire.
Il convient de noter que l’ordonnance du 2 février 1945 évoque l’intervention des
représentants légaux à tous les stades de la procédure. Si l’enfant est confié au département et
que des délégations totales ou partielles de l’autorité parentale sont en place, c’est le
représentant du service qui est présent aux audiences et aux auditions et qui est tenu d’en être
informé.
928
Cass. crim., 21 juin 2006, n° 06-82.516 : D., 2006, IR, p. 1989 ; AJ pén., 2006, p. 412, note C. SAAS.
359
Pour que le contradictoire soit plus facilement appliqué au tribunal, les services prévoient
des rencontres en équipe et avec les usagers afin de préparer les moments importants de la
procédure.
608. Le directeur territorial (directeur du territoire) doit mettre en œuvre les moyens pour
respecter le contradictoire. Le directeur de service (directeur d’un établissement en
particulier) applique les textes afin de mettre en place des moyens pour faire appliquer le
contradictoire dans son établissement. Il existe des temps d’échanges entre les professionnels
et la hiérarchie (1) et avec les usagers (2).
609. Dans le même esprit qu’à l’Aide sociale à l’enfance, les services de la Protection
judiciaire de la jeunesse organisent des synthèses entre professionnels (référent éducatif,
référent social, psychologue, responsable d’équipe), à différents stades de la procédure (mi-
parcours et échéances). Nous étudierons le schéma dans le service de milieu ouvert du secteur
consulté pour les besoins de cette étude. Ces synthèses conduisent les professionnels à
appliquer le contradictoire par la suite auprès des usagers en les informant du déroulement de
la procédure et du passage à une autre étape.
610. En matière civile, la Protection judiciaire de la jeunesse est habilitée à mettre en œuvre
les mesures judiciaires d’investigation éducative929. L’objectif est de proposer une solution
adaptée au parcours du mineur après une évaluation pluridisciplinaire de sa situation. Une
rencontre de présynthèse intervient au bout six semaines après le début de la mesure. Elle
réunit tous les professionnels investis du dossier en vue de rassembler les éléments recueillis,
d’apporter des pistes de réflexion sur la situation et sur la poursuite des investigations. Un
mois avant l’échéance de la mesure, l’équipe se réunit lors d’une synthèse, dont l’objectif est
de rassembler les données, les analyses de chacun et de s’orienter vers une proposition
360
commune à transmettre au juge des enfants pour l’aider dans sa décision. Ces temps, prévus
par les textes, sont décrits dans les projets de service élaborés par les directeurs de structures.
611. En matière pénale, les services de milieu ouvert sont habilités à mettre en place les
mesures ordonnées par le juge des enfants ou par le tribunal pour enfants, et les services
d’hébergement sont mandatés pour accueillir les mineurs en cas de placement. Sur les temps
de réunions entre professionnels, la loi prévoit moins de dispositions qu’en matière civile. La
seule obligation se trouve dans le cadre des mesures probatoires (contrôle judiciaire et sursis
avec mise à l’épreuve). Tous les six mois d’exercice de la mesure, le service éducatif doit
produire un écrit afin de renseigner le juge sur le respect des obligations par le prévenu ou
l’accusé. Ces écrits exercent un certain contrôle sur le mineur et peuvent être l’occasion de le
rencontrer pour lui rappeler ses obligations et les étapes de la procédure, concourant ainsi au
respect du contradictoire. En pratique, il serait préférable que les professionnels adressent un
rapport au juge de manière régulière, préparé avec le mineur voire avec ses représentants
légaux, afin de donner une continuité à l’application du contradictoire. La réalité est plus
complexe.
Les synthèses entre professionnels facilitent néanmoins les bilans effectués avec les
parties.
612. Les professionnels doivent échanger ensuite avec le mineur et ses représentants légaux
pour faire état des échanges entre eux et des conclusions du suivi. Cette démarche
accompagne le mineur et ses parents dans la compréhension de la procédure. Ce temps
d’échanges et de bilan est un outil privilégié pour appliquer le contradictoire parce que les
parties vont prendre connaissance des éléments du rapport éducatif et du commentaire du
travailleur social exprimé lors de l’audience. Par la suite, les parties peuvent consulter le
dossier et avoir accès à ce rapport. On peut donc dire que la restitution est une étape
préparatoire à la consultation du dossier et qu’elle facilite donc le contradictoire.
929
Pour des raisons budgétaires, le service public de la Protection judiciaire de la jeunesse n’exerce plus de
361
613. Les restitutions concernent essentiellement l’assistance éducative car la loi oblige le
service à faire état au mineur et à sa famille du travail effectué avant l’échéance de la mesure.
Cette restitution a pour objectif d’expliquer au mineur et à ses représentants légaux le travail
réalisé ainsi que la proposition éducative soumise au juge et de se projeter en vue de
l’audience de jugement et au-delà. Il s’agit de « rétablir une sorte d’équilibre et de justice »930.
Cette manière de procéder facilite le contradictoire et peut avoir des incidences positives : si
les parties ont saisi le sens de la procédure, elles sentiront moins le besoin de consulter le
dossier au tribunal, elles seront mieux préparées pour l’audience ou les auditions, et seront
mieux à même de s’exprimer et de faire valoir leurs droits.
614. Des bilans intermédiaires ou de conclusion peuvent également avoir lieu en matière
pénale, mais c’est une pratique qui dépend des professionnels et de leur attachement à
l’application du contradictoire.
Afin d’illustrer notre étude et de permettre aux professionnels d’être accompagnés dans
l’application du contradictoire, nous avons également mis en place un projet avec un service
de milieu ouvert de la Protection judiciaire de la jeunesse.
615. Le 11 avril 2019, nous avons rencontré le directeur d’un service de milieu ouvert afin
d’étudier l’application du principe du contradictoire. De cette discussion a émergé une
première idée de l’application du contradictoire.
mesures d’aide éducative en milieu ouvert (AEMO) depuis le début des années 2010.
930
F.- G. LORRAIN, « Le mot de la semaine – Restitution », le 8 avr. 2019 après restitution du grand débat
national, LePoint.fr, consulté le 8 avr. 2019.
362
étapes de la procédure en fonction des administrations. L’Aide sociale à l’enfance a moins de
contrainte judiciaire que la PJJ.
617. L’application du contradictoire s’organise dès l’origine et à tous les instants de la prise
en charge du mineur. La présentation d’accueil des services met en avant le positionnement de
la structure par rapport au contradictoire. La contrainte rend plus complexe son application
par la PJJ. L’ASE peut atténuer le côté contraignant en faisant en sorte que le juge ne soit plus
saisi, en se dirigeant vers une prise en charge administrative en fonction de la volonté des
parents. La Protection judiciaire de la jeunesse, elle, n’intervient que dans un cadre judiciaire
donc plus contraignant.
Pour certaines mesures, il semble moins adapté de passer du temps sur les droits et devoirs
des usagers, par exemple pour des mesures de réparation pénale. Laisser l’expression libre à
l’usager est parfois délicat. L’éducatif crée du contradictoire car la compréhension de la
personne va être travaillée. Les jalons doivent être posés pour que le contradictoire puisse être
appliqué, le service s’appuyant sur les objectifs donnés par le magistrat, créant ainsi un espace
pour faire émerger la parole.
618. Les fins de mesures divergent : pour les mesures d’investigation dans le cadre civil,
l’avis de la famille est recueilli et le magistrat évalue si le mineur et la famille ont compris.
Pour les mesures, sanctions ou peines dans le cadre pénal, l’espace est créé pour que le
mineur puisse s’exprimer (réparation pénale, stages de citoyenneté et de formation civique),
contrairement à l’exécution d’une peine (travail d’intérêt général) où l’expression du
condamné est moins prise en compte. Le contradictoire est donc mis en place autrement.
620. Le directeur de service a ajouté que la mise en application du contradictoire par l’Aide
sociale à l’enfance était finalement plus claire car elle est étayée dans le Code de l’action
sociale et des familles. L’intervention de la Protection judiciaire de la jeunesse est moins
363
encadrée, que ce soit le Code de procédure civile ou l’ordonnance du 2 février 1945 car les
méthodologies sont prévues par des textes d’application. Le directeur précise qu’il serait
pertinent de créer un guide méthodologique ou un référentiel de l’intervention de la Protection
judiciaire de la jeunesse afin de décrire les méthodologies de façon plus précise et de mieux
guider les professionnels dans l’application du contradictoire.
364
Conclusion du chapitre
621. Notre hypothèse était que les administrations facilitent l’application du contradictoire au
sein de la juridiction lorsqu’elles y ont préparé les parties. Les professionnels interrogés
précisent qu’ils ne se sentent pas investis de cette mission, alors que leur hiérarchie véhicule
son application. Le responsable d’un service ignore parfois que le contradictoire est
mentionné avec autant de précision dans les textes. En réalité, il apparaît que les
professionnels ne sont pas forcément conscients de cet aspect : ils réalisent toutefois que leur
travail au quotidien à travers les synthèses et les entretiens avec le mineur et ses parents sont
effectués pour respecter les droits des parties.
622. Les différences d’implication dans le respect du contradictoire par les deux
administrations sont, d’une part, que l’Aide sociale à l’enfance facilite le contradictoire en
matière civile alors que la Protection judiciaire de la jeunesse y contribue en matière civile et
pénale. Cette différence est due à leurs cadres respectifs d’intervention. D’autre part, le
respect du contradictoire par ces deux administrations se fait à des étapes différentes de la
procédure. En dépit de ces différences, peut être validée l’hypothèse selon laquelle ces
administrations facilitent l’application du contradictoire.
623. Une difficulté peut survenir en cas d’interventions concurrentes des administrations,
conjuguant des mesures de nature et de cadres différents. Un excès de préparation au
contradictoire peut engendrer un désordre dans l’esprit du mineur et de sa famille. C’est
pourquoi les rôles et les places de chacun doivent être expliqués et le travail de chaque
administration doit s’effectuer de façon coordonnée, comme le prévoient les derniers textes en
la matière, après le constat d’un manque d’articulation entre les deux administrations.
365
Conclusion du titre
931
C. NEIRINCK, « La dualité de régime de l’administrateur ad hoc des mineurs », op. cit., p. 904.
366
Conclusion de la partie 2
625. Grâce à son statut et à son action, le juge des enfants est garant du respect du
contradictoire : neutre, impartial, il est garant du dossier de l’enfant et de la bonne distribution
de la parole lors des débats. Son rôle est rénové par l’apparition des algorithmes, de l’open
data et de la justice prédictive. Les nouvelles technologiques demandent au juge de s’adapter
pour rendre la justice des enfants.
Pour ce faire, il est entouré de collaborateurs : les auxiliaires de justice (avocats et
administrateurs ad hoc) contribuent à l’application du contradictoire auprès de lui, tandis que
les administrations (Aide sociale à l’enfance et Protection judiciaire de la jeunesse) en
facilitent l’application.
Les parties, à savoir le mineur et ses représentants légaux, sont les bénéficiaires directs du
respect du contradictoire qui va permettre l’effectivité de leurs droits. On ne peut dire qu’ils
appliquent le contradictoire à proprement parler, même s’ils y concourent par le dépôt des
pièces au dossier et par leurs échanges. Le juge contrôle les mécanismes qui mettent en
application le contradictoire et les professionnels qui interviennent autour de lui vont l’y
aider.
367
368
Conclusion générale
626. Dans une société de la transparence et de la liberté, nous nous devons d’étudier les
mécanismes de communication qui régissent les relations humaines, dans le domaine privé ou
professionnel. Jacques Attali se livre à cette réflexion lorsqu’il étudie les nouvelles formes de
couples et d’amour qui recherchent la liberté et la franchise en s’éloignant de l’union
traditionnelle d’un homme et d’une femme, et en favorisant la parole libre au sein du
couple932.
La personne, de plus en plus individualiste et libre, s’affranchit en outre de l’autorité
unilatérale au profit du dialogue et de la négociation. Les citoyens, aujourd’hui fragilisés
notamment par le comportement des politiques, par la société de consommation et par
l’inflation législative, ont besoin de retrouver confiance en leurs institutions et en l’Etat. Pour
cela, ils réclament du dialogue et de l’information en ce qui concerne les actions des autorités.
C’est dans ce contexte qu’intervient cette étude : pour avoir confiance en la justice et pour
comprendre l’application des principes de procédure, le justiciable a besoin que celle-ci lui
soit expliquée. C’est ainsi que l’application du principe du contradictoire nécessite en outre
l’échange des pièces du dossier et la construction d’arguments, moyens de communication qui
doivent être compris et maîtrisés.
627. La définition du principe du contradictoire devant le juge des enfants est due aux divers
rôles du contradictoire et à tout ce qu’il inclut. C’est la spécificité de sa définition au regard
du contentieux et de la place de l’enfant qui lui donne un sens tout particulier.
L’application du principe du contradictoire devant le juge des enfants soulève des
difficultés quand il se heurte à d’autres principes, mais l’enrichit lorsqu’il s’applique à
l’enfant. Les nombreux acteurs de la justice des mineurs, contribuant au contradictoire ou le
facilitant, apportent chacun un élément pour participer à son accomplissement au sein de la
procédure et à sa compréhension par les mineurs et leurs représentants légaux. Le juge des
enfants est le garant du respect du principe du contradictoire, en permettant à chaque partie
d’exercer ses droits et d’avoir confiance en la justice.
932
V. l’ouvrage de J. ATTALI et S. BONVICINI, Amours. Histoires des relations entre les hommes et les femmes,
Fayard, Paris, 7 nov. 2007.
369
Aux confins du civil et du pénal, l’intervention du juge des enfants dans l’application et le
respect des principes procéduraux prend tout son sens.
628. Partant de pratiques, le contradictoire a été véritablement consacré par les textes à partir
du début des années 2000. Ce principe se révèle sous un angle nouveau au regard des
pratiques récentes relatives à la justice prédictive. Son fonctionnement dans les juridictions est
réinterrogé lorsqu’il s’agit de prendre en considération les nouvelles technologies et l’open
data. Adapté à la personne de l’enfant et au contentieux de la justice des mineurs, à l’aune de
la prise en considération de la personne de l’enfant par le droit international et européen, il
présente une spécificité à l’origine de dispositifs pratiques destinés à en assurer le respect.
L’étude du sujet a donc été particulièrement d’actualité à la fin des années 2010.
631. L’application du droit ne se limite pas aux textes, mais prend en compte l’humanité de
la justice, l’empathie et la pédagogie. C’est pourquoi le juge, surtout dans des offices
tutélaires comme la justice des mineurs, l’application des peines, les affaires familiales ou
370
encore les tutelles, doit se préoccuper également de la pédagogie qu’il apporte lors du procès.
Bon sens, communication, information, compréhension, efforts de chacun, sont autant de
qualités que les professionnels doivent déployer afin de conduire le justiciable à adopter ces
mêmes comportements car le contradictoire dépend de la considération des justiciables dans
la procédure.
632. Le contradictoire s’impose comme une règle absolue pour que justice soit faite. Selon
les cas, divers enjeux sont présents, comme la protection de l’enfant et le principe de célérité
de la justice, en raison duquel le juge dispose de moins de temps pour appliquer le
contradictoire. Une piste de travail serait de réfléchir à la création d’un principe de
proportionnalité du contradictoire selon la nécessité : doit-il être appliqué seul, ou doit-il être
combiné avec d’autres principes ? Le principe du contradictoire ne peut se maintenir que s’il
se greffe à d’autres principes car son application nécessite la prise en compte d’un autre
objectif. Il convient donc d’envisager le contradictoire avec d'autres principes généraux et non
de le reléguer comme un principe subsidiaire, car l'intérêt supérieur de l'enfant en nécessite
l’application.
633. Une magistrate interrogée souligne que la consultation du dossier par l’enfant n’est pas
une solution idéale, son contenu étant relaté dans un langage incompréhensible pour lui. Elle
propose plutôt de lui apporter davantage d’explications accessibles.
634. Les lignes directrices pour une justice adaptée à l’enfant, adoptées par le Comité des
ministres européens, vont dans le sens d’une adaptation progressive du système judiciaire au
mineur : « qu'on écrive de manière qu'il comprenne, qu'on parle de manière qu'il comprenne,
qu'on prévoie des lieux d'accueil, c’est une justice idéale qu’on n’a pas atteinte », selon ses
propos. Le Conseil des ministres européens préconise donc que « comme le garantit la
Convention européenne des droits de l’homme et compte tenu de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'Homme, le droit de toute personne d’avoir accès à la justice et à un
procès équitable – dans toutes ses composantes (en particulier le droit d’être informé, d’être
entendu, de bénéficier d’une défense et d’être représenté) – est nécessaire dans une société
démocratique et s’applique également aux enfants, en tenant toutefois compte de leur
371
discernement »933. Il reconnaît les efforts accomplis par les Etats membres en la matière, tout
en soulignant les « obstacles rencontrés par les enfants au sein du système judiciaire,
notamment le caractère inexistant, partiel ou conditionnel de leur droit légal d’accès à la
justice, la multiplicité et la complexité des procédures ».
Ces lignes directrices ont pour objectif que, dans les procédures considérées, les droits de
l’enfant soient pleinement respectés, notamment ses droits à l’information, à la représentation,
à la participation et à la protection934. Elles mettent l’accent sur le droit d’information et de
conseil des enfants935 dans une approche multidisciplinaire, pour respecter ses besoins. Cela
nécessite une formation des acteurs intervenant auprès de lui936. Ces lignes directrices suivent
l’accès au tribunal et à la procédure judiciaire par l’enfant937 et promeuvent l’organisation
d’actions par les Etats membres afin d’adapter la justice aux enfants938. Des Etats d’Europe du
Nord comme la Suède ou le Danemark sont en effet plus avancés que la France. Ils ont
beaucoup progressé pour l’accueil de l’enfant devant la justice.
635. Une réflexion à propos des lieux d'accueil serait également pertinente. Dans les
nouvelles juridictions, des salles d'attente sont adaptées aux enfants dans les cabinets des
juges aux affaires familiales et des juges des enfants. En revanche, les plus anciens locaux ne
disposent pas des espaces nécessaires et il est compliqué de les adapter. Cette magistrate
propose que l’enfant ne soit jamais entendu par un juge sans un avocat, car elle pense qu’il est
le mieux à même de lui expliquer ses droits, les enjeux et le déroulement de la procédure.
636. Le contradictoire et les droits de la défense divergent : l’un concerne plutôt la mise en
place de garanties au sein d’un système qui inclut les mouvements de pièces entre les parties
pour que chacune en ait connaissance ; l’autre permet des garanties individuelles attribuées à
chaque partie dans un objectif de défense de ses intérêts propres. On peut penser que devant le
juge des enfants, la matière pénale est considérée comme le théâtre de défense des intérêts
personnels du mineur, alors que l’assistance éducative permet davantage de mettre des garde-
fous à l’intérieur d’un système qui, à défaut, pourrait s’avérer dangereux pour l’enfant.
933
ASSOCIATION JEUNESSE ET DROIT, « Lignes directrices du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur une
justice adaptée aux enfants (adoptées par le Comité des ministres le 17 novembre 2010 lors de la 1098 ème
réunion des délégués des ministres) », JDJ, févr. 2011, n° 302, p. 41.
934
Ibid., p. 42.
935
Ibid., p. 44.
936
Ibid., p. 44.
937
Ibid., p. 45.
372
637. Après avoir livré des définitions différentes du principe du contradictoire en fonction du
contentieux, peut-être serait-il intéressant de proposer qu’elles soient inscrites dans le Code de
procédure civile, dans l’ordonnance du 2 février 1945 et dans le Code de la justice pénale des
mineurs annoncé par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de
réforme pour la justice qui a autorisé le Gouvernement à « modifier et compléter les
dispositions relatives à la justice pénale des mineurs, dans le respect des principes
constitutionnels qui lui sont applicables et des conventions internationales » et à « regrouper
et organiser ces dispositions » (article 93). Les objectifs sont de simplifier la procédure pénale
applicable aux mineurs délinquants, d’accélérer leur jugement pour qu'il soit statué
rapidement sur leur culpabilité, de renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires
adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine, notamment pour les mineurs récidivistes
ou en état de réitération, et d’améliorer la prise en compte de leurs victimes.
Peut-être serait-il encore pertinent de préciser dans le Code de procédure civile et dans le
Code de la justice pénale des mineurs que le principe du contradictoire s’applique de façon
proportionnelle en fonction de la nécessité.
638. A la lecture du Code de la justice pénale des mineurs, on constate que la procédure
remaniée offre au juge des échéances procédurales propices à l’application du contradictoire.
Dans la même ligne que l’ordonnance du 2 février 1945, l’application du contradictoire serait
plus efficace dans un cadre contraint. On ne parle du contradictoire que dans les cas difficiles.
Or, il serait positif d’en parler également à propos des mesures purement éducatives, afin que
le mineur et ses représentants légaux soient impliqués davantage. Ce procédé serait de nature
à favoriser la confiance des justiciables en la justice. On peut constater que le Code de la
justice pénale des mineurs renforce la place et les droits des représentants légaux. Il convient
cependant de veiller à ne pas empiéter sur la protection de l’enfant.
639. Le remaniement de la procédure pénale applicable aux mineurs telle que prévue par le
Code de la justice pénale des mineurs invite toutefois à la vigilance. L’agencement de la
procédure, avec l’audience sur la culpabilité qui se déroulerait dans un délai de dix jours à
trois mois après l’enquête, et l’audience sur la sanction, qui interviendrait quelques mois après
la première audience, est certes, efficace pour diminuer la période qui précède le jugement
938
Ibid., p. 47.
373
anxiogène pour les parties, mais nous interroge quand au temps suffisant dont celles-ci
disposent pour déposer des pièces au dossier, prendre connaissance des arguments figurant au
dossier et construire leur défense. L’appréhension du temps utile et du délai pourrait bien s’en
trouver modifiée. Seule la pratique permettra d’évaluer l’application du contradictoire dans ce
nouveau cadre, tout au plus se fera-t-elle différemment.
La question de l’adulte approprié, qui est informé de la procédure et accompagne l’enfant,
dont le rôle est précisé par les articles L. 311-1, L. 311-2 et L. 311-3 du Code de la justice
pénale des mineurs, soulève également des interrogations à la fois juridiquement (quel lien
cette personne aura envers l’enfant) et pratiquement (pourra-t-elle avoir accès à la
procédure ?). Il conviendra d’évaluer dans quelle mesure cette personne participe à
l’application du contradictoire.
640. Le respect du principe du contradictoire est en outre étroitement lié aux problématiques
actuelles d’accès à la justice. Les instances chargées du recrutement et les magistrats sur le
terrain tentent d’exercer leur fonction malgré un manque de moyens humains et matériels
préjudiciables à de bonnes conditions de travail.
Prétendant pallier les manques de moyens humains, les moyens matériels se développent
différemment : évolution de la numérisation, de la dématérialisation et « technologisation » du
traitement des affaires soumises à la justice. Sous cette volonté de modernisation se cachent
des difficultés liées à l’accès des usagers à la technologie et au monde judiciaire. Ce sont
justement les personnes les plus touchées par ces difficultés qui sont le plus souvent
concernées par un procès. Engendrant une déshumanisation de la justice, les réformes
actuellement entreprises compliquent et rendent l’accès à la justice encore plus difficile. Si un
justiciable ne comprend pas le droit, être défendu par un avocat ne lui apporte rien, mais lui
permet au moins d’être assisté en justice et d’assurer une certaine égalité des armes. Mais cela
ne renforce pas pour autant l’égalité devant l’accès et la compréhension de la justice. Une idée
serait de multiplier les moyens d’information et d’accompagner les justiciables vers la justice.
374
642. Par les rencontres avec les professionnels de terrain, des pistes de travail ont émergé et
ont donné lieu à des actions dans l’année 2018-2019. Elles se poursuivront. Magistrats,
avocats, administrateurs ad hoc, équipe de l’Aide sociale à l’enfance, équipe de la Protection
judiciaire de la jeunesse sont autant de professionnels consultés qui ont concouru à
l’élaboration de ce travail. L’exercice de leur profession montre leur attachement au respect
des droits de l’enfant. Nous avons proposé de les sensibiliser à l’application du principe du
contradictoire, en établissant un lien entre la loi et leurs pratiques professionnelles.
Harmoniser les pratiques des différents acteurs serait également intéressant, en se libérant
toutefois d’un cadre trop strict.
643. Pour les soutenir, nous avons choisi d’agir au niveau de l’Aide sociale à l’enfance. Nous
avons pris conscience de la difficulté, pour les professionnels de terrain, de se situer par
rapport à la définition et à l’application du principe du contradictoire. C’est pourquoi il nous a
semblé pertinent d’exposer des lignes directrices aux professionnels de l’ASE. Afin de les
guider tout au long de la procédure dans leurs pratiques, nous avons proposé de mettre à leur
disposition une fiche pédagogique pour chaque élément du contradictoire, avec la disposition
légale qui s’y rattache et les conditions pour la respecter. Les professionnels se sont montrés
intéressés par cet outil de travail. Ensuite, comme l’ont souligné deux juges des enfants
interrogées, il nous a semblé opportun d’effectuer une réflexion sur la parole de l’enfant :
comment la recueillir de la manière la plus neutre possible, comment faire émerger un
discours authentique, et comment rendre la justice accessible à l’enfant.
644. Certains outils existent, ayant pour support des jeux, des livres ou des sites internet.
Ainsi
Le jeu de la loi est un jeu de plateau qui ressemble au jeu de l’oie. Praticable avec un
référent, l’enfant et son ou ses parents, il peut permettre d’engager une discussion à propos de
la loi.
Un manuel illustré, utilisé au sein des services de la PJJ, permet aussi d’aborder avec
l’enfant la justice et son sens. Il est possible de l’utiliser avec les parents afin qu’ils prennent
le relais en l’absence de professionnel.
Jean-Pierre Rosenczveig et Pierre Verdier ont rédigé un ouvrage destiné aux parents, aux
375
enfants et aux professionnels939 : c’est un jeu de 250 questions/réponses sur un enjeu de la vie
quotidienne. Il peut concerner les droits de l’enfant. L’objectif est de l’accompagner dans le
développement de son esprit critique à travers une réflexion ludique sur ses droits.
Une idée serait de rassembler ces divers outils et de les mettre à la disposition des services
en guise de « boîte à outils du contradictoire enfants et familles », qu’on pourrait appeler par
exemple « j’ai le droit de pas être d’accord ».
Le responsable de l’Aide sociale à l’enfance a proposé de coconstruire cette boîte à outils
en réunissant des parents issus du groupe de travail « paroles de familles », des parents de
mineurs suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse et des professionnels des deux
administrations. Il a insisté sur le fait que le contradictoire doit être réfléchi en fonction des
attentes des familles afin de mieux les accompagner. Il lui a paru pertinent de réunir les deux
administrations, puis de coordonner les travaux effectués séparément. Il s’agit avant tout de
placer dans une rencontre un professionnel -qui représente l’autorité administrative ou
judiciaire- et une famille, dans une relation où la contrainte est amoindrie. Ce travail mettrait
la famille au centre de l’accompagnement dans une démarche de participation.
Le site internet EducaDroit.fr940 permet aux parents ou aux professionnels de se former à
l’aide de deux vidéos pour libérer la parole de l’enfant. Toute personne peut ainsi se
familiariser et se former elle-même à l’accompagnement de l’enfant.
645. Des formations continues existent également sur des sujets utiles en vue de l’application
du contradictoire. Certaines sont proposées par l’Ecole nationale de la Protection judiciaire de
la jeunesse, en site central ou en pôle territorial de formation941, d’autres par l’Ecole nationale
de la magistrature942, sur l’accompagnement des publics et sur la communication judiciaire.
L’Ecole nationale de la magistrature propose en outre un cycle approfondi d’étude de la
justice des mineurs.
646. Une idée serait de proposer une formation continue sur le principe du contradictoire et
sur les droits de l’enfant. Elle pourrait s’organiser au sein des Pôles territoriaux de formation
de la Protection judiciaire de la jeunesse, et serait accessible aux professionnels du secteur
939
V. l’ouvrage de J.-P. ROSENCZVEIG et P. VERDIER, Parents, vos droits, vos obligations, 17 avr. 2019.
940
https://www.educadroit.fr.
941
http://offre-fc.enpjj.fr/, consulté le 21 oct. 2019.
942
http://www.enm.justice.fr/sites/default/files/catalogue_formation_continue_2020_bd.pdf, consulté le 21
oct. 2019.
376
public et du secteur associatif habilité, ainsi qu’aux professionnels de l’Aide sociale à
l’enfance. La réunion des professionnels en fonction de leur diversité ne peut qu’être
enrichissante par des échanges sur leurs pratiques et elle peut contribuer à une certaine
harmonisation de l’ensemble. Ces outils et ces propositions ne sont pas exhaustifs. La
réflexion demeure ouverte.
647. Des velléités de changement apparaissent en cette année 2019, dans le cadre de la
célébration des trente ans de la Convention internationale des droits de l’enfant : nouveaux
repères professionnels, modification des règles en matière d’audition de l’enfant, adoption du
Code de la justice pénale des mineurs, nouveaux modes de jugements des mineurs
délinquants. Le juge des enfants est touché par ces réformes, tant sa tâche est spécifique.
Il est essentiel que le juge des enfants et que les personnes intervenant auprès de lui
continuent à se former et veillent à être vigilants dans l’application du contradictoire en
l’adaptant à la protection de l’enfant. Principe de procédure, le contradictoire est finalement
un principe d’humanité.
377
378
Bibliographie
I. Ouvrages
379
LARGUIER, J., CONTE, P. et MAISTRE DU CHAMBON, P., Droit pénal général, Dalloz,
Paris, 2018.
LAROUSSE, É., « Définitions : contradictoire - Dictionnaire de français Larousse », disponible
sur https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/contradictoire/18661 (Consulté le 18
septembre 2018).
VIZIOZ, H., Etudes de procédures, D., reproduction éd. Brières, 1956 2011.
B. Ouvrages spéciaux
BARANGER, T. et NICOLAU, G., L’enfant et son juge, la justice des mineurs au quotidien,
Hachette Littératures, Les Docs, 2008.
BASTARD, B. et MOUHANNA, C., Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel
des affaires pénales, PUF, Paris, 2007.
BASTARD, B. et MOUHANNA, C., L’avenir du juge des enfants; éduquer ou punir ?
Trajets, 2010.
380
BELLON, L., L’atelier du juge, à propos de la justice des mineurs, Erès, Trajets, 2011.
BENTHAM, J., Traité des preuves judiciaires, In Œuvres de J. Bentham, jurisconsulte
anglais, II, L. Hauman et Cie, Bruxelles, 1829.
BONFILS, P. et GOUTTENOIRE, A., Droit des mineurs, Dalloz, 2014.
CASSIERS, W., « Juger : dire les droits, dire le droit », in Rendre justice au droit. En lisant
Le Juste de Paul Ricoeur, Presses universitaires de Namur, 1999.
CHAILLOU, P., L’enfant et sa famille face à la justice, Toulouse : Privat, 1991.
CHARPENTIER, J., Remarques sur la parole, LGDJ, Lextenso, Anthologie du Droit, 2018.
CHAZAL, J., L’Enfance délinquante, PUF, Paris, 1983.
CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE, Recueil des obligations déontologiques des
magistrats, Dalloz, 2010.
GARAPON, A., La justice des mineurs : évolution d’un modèle, LGDJ, Paris, 1995.
GARAPON, A. et SALAS, D., La justice des mineurs : évolution d’un modèle, LGDJ, Paris,
1995.
JEREZ, C., Le juge des enfants, entre assistance, répression et rééducation, Sofiac, 2001.
381
MARX, K., Contribution à la critique de l’économie politique, Paris, 1977.
MILBURN, P., Quelle justice pour les mineurs ? Entre enfance menacée et adolescence
menaçante, Erès, 2009.
MUCCHIELLI, L., Violences et insécurité, fantasmes et réalités dans le débat français, La
Découverte et Syros, Paris, 2002 2001.
MUCCHIELLI, L., La frénésie sécuritaire, retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Paris,
2008.
SALAS, D., Les 100 mots de la justice, Que sais-je? mars 2011.
FOYER, J., De l’autorité de la chose jugée en matière civile, essai d’une définition, Paris,
1954.
FRISON-ROCHE, M.-A., Généralités sur le principe du contradictoire - Droit processuel,
Paris, Paris II, 9 juin 1988.
JOBERT, S., La connaissance des actes du procès civil par les parties, Paris 2, 2016.
LIN, S.-C., Les principes directeurs du droit pénal des mineurs délinquants, Aix-en-
Provence, Aix-Marseille, 2017.
MAYER, L., Actes du procès et théorie de l’acte juridique, Paris, sept. 2009.
MINIATO, L., Le principe du contradictoire en droit processuel, L. G. D. J 2008.
D. Actes de colloques
BLONDEL, P., « Le juge et le droit », in Le NCPC, vingt ans après. Actes du colloque du 11
décembre 1997, organisé par la Cour de cassation, La Documentation française, Paris, 1998.
BANDRAC, M., « De l’acte juridictionnel, et de ceux des actes du juge qui ne le sont pas »,
in Le juge entre deux millénaires, Mélanges offerts à P. Drai, Dalloz, Paris, 2000.
BOLARD, G., « Principe des droits de la défense », in Droit et pratiques de la procédure
civile, Dalloz action, 2017-2018.
383
BRUEL, A., « Un bon juge ou un bon débat », in La justice des mineurs : évolution d’un
modèle, LGDJ, Paris, 1995.
FLECHEUX, G., « Le droit d’être entendu », in Etudes offertes à P. Bellet, Litec, Paris, 1991.
FRISON-ROCHE, M.-A., « Les offices du juge », in Leges tulit, jura docuit. Ecrits en
hommage à Jean FOYER, PUF, Paris, 1997.
384
PICHARD, M., « L’enfant : à propos d’une polysémie », in Au-delà des codes : mélange en
l’honneur de Marie-Stéphane PAYET, Dalloz, 2012.
ARCHER, F., « La réforme du droit des mineurs délinquants », Dr. pén., déc. 2011, n° 24.
ASSOCIATION JEUNESSE ET DROIT, « Lignes directrices du Comité des ministres du Conseil de
l’Europe sur une justice adaptée aux enfants (adoptées par le Comité des ministres le 17
novembre 2010 lors de la 1098ème réunion des délégués des ministres) », JDJ, févr. 2011, n°
302.
ATIAS, C., « Une menace de perdition du judiciaire », D., mai 2013, n° 18.
AUGER, V., « Remarques de principe sur le statut du mineur délinquant », Gaz. Pal., avr.
2000.
AVENA-ROBARDET, V., « Réforme de la justice, dispositions pénales du décret du 24 mai
2019 », AJ famille, 2019.
AVENA-ROBARDET, V., « Réforme de la justice », AJ famille, 2019.
386
BONFILS, P., « Libres propos sur la situation du mineur devenu majeur », Dr. pén., déc.
2007.
BONFILS, P., « L’impartialité du tribunal pour enfants et la Convention européenne des
droits de l’homme », D., juin 2010, n° 21.
BONFILS, P., « La réforme du droit pénal des mineurs par la loi du 10 août 2011 », D., sept.
2011, n° 33.
BONFILS, P., « L’autonomie du droit pénal des mineurs, entre consécration et
affaiblissement, in Dossier la justice des mineurs », AJ pénal, 2012.
BONFILS, P., « Panorama - Droit des mineurs - juin 2016 - juin 2017 », D., sept. 2017, n° 30.
BONFILS, P., « Réforme de la justice pénale des mineurs », D., s.d.
BONFILS, P. et GOUTTENOIRE, A., « Droit des mineurs, juillet 2018 – juillet 2019 », D.,
sept. 2019, n° 31.
BOULOC, B., « Le renforcement du caractère contradictoire de la procédure pénale », RSC,
2007, n° 3.
BOULOC, B., « La prévention de la délinquance des mineurs », RSC, 2007, n° 3.
BOULOC, B., « La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 tend à la prévention de la délinquance.
Elle comprend un certain nombres de dispositions de procédure pénale », RSC, 2007, n° 3.
BOURGEOIS, M. et al., « Sans data juridique, les possibilités d’innovation sont beaucoup
plus réduites », JCP G, avr. 2018, n° 15.
BRUEL, A., « La recherche de l’adhésion en assistance éducative : hypocrisie ou tentative
d’influence? », Nouvelle revue d’ethnopsychiatrie, La Pensée sauvage, 1994, n° 27.
BRUEL, A., « Le juge des enfants et la construction de l’autorité », Informations sociales,
2003, n° 105.
BRUEL, A., « La recherche de l’adhésion », JDJ, août 2012, n° 318.
BUSSY, F., « La notion de partie à l’instance en procédure civile », D., 2003, n° 21.
CADIET, L., « L’accès à la justice. Réflexions sur la justice à l’épreuve des mutations
contemporaines de l’accès à la justice », D., mars 2017, n° 10.
CADIET, L., « Loi Belloubet - Concilier la publicité des décisions de justice et le droit au
respect de la vie privée », Procédures, juin 2019, n° 6.
CASSUTO, T., « La justice à l’épreuve de sa prédictibilité », AJ pénal, 2017.
CASTAIGNEDE, J., « La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 ; un nouveau regard porté
sur le droit pénal des mineurs », D., 2003, n° 12.
387
CASTELLA, C., « L’échange d’informations entre le juge des enfants et le juge aux affaires
familiales », AJ famille, 2013, p. 475.
CIABRINI, M.-M. et MORIN, A., « Le tribunal correctionnel pour mineurs ou la poursuite du
démantèlement de la justice des mineurs, in Dossier la justice des mineurs », AJ pénal, 2012.
CLAVEL, J., « Une réponse citoyenne, in Dossier la justice des mineurs », AJ pénal, 2012.
CLAVEL, J., « La réparation pénale une nouvelle utopie ? in Dossier la justice des
mineurs », AJ pénal, 2012.
CLEMENT, M., « Les juges doivent-ils craindre l’arrivée de l’intelligence artificielle ? », D.,
janv. 2017, n° 2.
COHEN, D., « La fonte du rôle protecteur des libertés individuelles du juge judiciaire », JCP
G, sept. 2017, n° 38.
CONTE, P., « La loi sur la prévention de la délinquance (loi n° 2007-297 du 5 mars 2007) :
présentation des dispositions de droit pénal », Dr. pén., mai 2007, n° 7.
COUDERT, F., « La procédure de jugement à délai rapproché des mineurs délinquants : un
outil attendu mais dont la mise en œuvre sera vraisemblablement limitée », Dr. pén., mars
2003.
CREUX-THOMAS, F., « propos recueillis par, « Je n’annoncerai pas de grand soir législatif.
Je veux que notre système fonctionne et que l’on lève les blocages » », JCP G, oct. 2017, n°
42.
CREUX-THOMAS, F., « propos recueillis par, « L’organisation judiciaire, l’accès à la
justice, les méthodes de jugement et l’exécution des décisions seront nécessairement
transformés par le numérique », 3 questions à Guy Canivet, premier président honoraire de la
Cour de cassation, ancien membre du Conseil Constitutionnel, président du groupe de travail
sur la Justice de l’Institut Montaigne », JCP G, nov. 2017, n° 47.
CREUX-THOMAS, F., « Magistrats - « Créer un Code de justice des mineurs me semble une
excellente chose même s’il serait souhaitable qu’il concerne tout à la fois l’assistance
éducative et l’enfance délinquante ». - 3 questions à Thierry Baranger, premier vice-président
du tribunal de Bobigny, président du tribunal pour enfants ... », JCP G, déc. 2018, n° 51.
CROZE, H., « Comment être artificiellement intelligent en droit », JCP G, sept. 2017, n° 36.
CROZE, H., « Essai de construction d’une procédure civile minimale », JCP G, juill. 2019, n°
26.
388
DAOUD, C. et DE VAREILLES-SOMMIERES, B., « Droit pénal des mineurs : saisine
directe, nouvelle « PIM » et césure du procès, in Dossier la justice des mineurs », AJ pénal,
2012.
DE FONTENAY, E. et RINGELHEIM, F., « L’historique et le judiciaire », Le genre humain,
janv. 1983, n° 7-8.
DE LAMY, B., « Droit pénal des mineurs, une singularité limitée (Cons. const. Décision n°
200-553, du 3 mars 2007 ; n° 2007-554 DC du 9 août 2007) », RSC, 2008.
DELMAS-MARTY, M., « Où va le droit ? Entre pot au noir et pilotage automatique, le droit
peut-il nous guider vers une mondialité apaisée ? », JCP G, avr. 2018, n° 14.
DETRAZ, S., « Amélioration et simplification de la procédure pénale », JCP G, sept. 2018,
n° 8.
DONDERO, B., « Justice prédictive : la fin de l’aléa judiciaire ? », D., mars 2017, n° 10.
DOUCHY-OUDOT, M., « Placement à l’ASE du mineur, les parents doivent pouvoir accéder
au dossier de la procédure », JCP G, avr. 2018, n° 16, p. 761.
DURAND, E., « Dossier “Parole de l’enfant” : brèves réflexions d’un juge des enfants sur
l’audition de l’enfant en assistance éducative », AJ famille, janv. 2014, n° 1.
ESCOT, S., « Les nouvelles formes de parentalité - formation continue Pôle territorial de
formation Protection judiciaire de la jeunesse », janv. 2017.
FERRIE, S.-M., « Les algorithmes à l’épreuve du droit au procès équitable », JCP G, mars
2018, n° 11.
FINIELZ, R., « Respect du principe contradictoire et administration de la preuve », déc. 2007,
n° 4, p. 837.
FOSSIER, T., « L’accès des parties au dossier d’assistance éducative », JCP G, sept. 1999,
vol. 35.
FOSSIER, T., « L’accès au dossier et le rapport Deschamps », JCP G, 2002.
FOSSIER, T., « La communication du dossier d’assistance éducative au juge aux affaires
familiales », JCP G, oct. 2004, n° 41.
FRICERO, N., « Procédure civile - janvier 2016-décembre 2016 », D., févr. 2017, n° 8.
FRICERO, N., « Les chiffres clés pour sauver la justice : 5 ans, 4 objectifs, 127 propositions !
A propos du rapport de la mission d’information sur le redressement de la Justice », JCP G,
mai 2017, n° 19-20.
389
FRISON-ROCHE, M.-A., BARANES, W. et ROBERT, J.-H., « Pour le droit processuel »,
Dalloz, 1993.
FUCINI, S., « Loi de réforme de la justice : principales dispositions pénales », Dalloz
actualité, avr. 2019.
GARAPON, A., « Les enjeux de la justice prédictive », JCP G, janv. 2017, n° 1-2.
GARAPON, A., « Le devenir systémique du droit », JCP G, mai 2018, n° 21.
GARDEZ DE SOOS, B., « Les nouveaux défis du magistrat 2.0 ou la création d’outils d’aide
à la rédaction pour le juge civil », JCP G, juill. 2017, n° 28.
GARDEZ DE SOOS, B. et DUPRE, J., « Renouveler et moderniser la pratique quotidienne
des magistrats », JCP G, avr. 2017, n° 14.
GARNERIE, L., « Publication de l’ordonnance créant un Code de la justice pénale des
mineurs », Gaz. Pal., sept. 2019, n° 31.
GAUTRON, V., « La fin de la singularité du modèle français de prévention de la délinquance,
in la loi n° 2007-297 relative à la prévention de la délinquance », AJ pénal, 2007.
GEBLER, L., « L’enfant et ses juges. Approche transversale des procédures familiales », AJ
famille, oct. 2007.
GEBLER, L., « L’impartialité du juge des enfants remise en question », AJ famille, sept.
2011, n° 9.
GEBLER, L., « Principales nouveautés introduites par le code de justice pénale des
mineurs », AJ famille, 2019.
GEBLER, L., « Dispositions pénales relatives aux mineurs », AJ famille, 2019.
GEBLER, L., « Dispositions pénales relatives aux mineurs », AJ famille, 2019.
GHERA, T., « Les transformations numériques de la justice », Inédit, juin 2019.
GIACOPELLI, M., « Les dispositions procédurales de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre
2002 applicables aux mineurs et majeurs délinquants », JCP G, juin 2003, n° 23.
GIUDICELLI, A., « Présentation des dispositions procédurales de la loi du 1er juillet 1996
modifiant l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante », D., 1997.
GOUTTENOIRE, A., « L’enfant dans les procédures judiciaires : un statut en devenir », AJ
famille, 2003.
GOUTTENOIRE, A., « Les principes du droit processuel relatif au mineur délinquant », AJ
pénal, 2005.
390
GOUTTENOIRE, A., « Les principes du droit processuel relatif au mineur délinquant », AJ
pénal, 2005.
GOUTTENOIRE, A., « La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance : à la
recherche de nouveaux équilibres », D., 2007, n° 16.
GOUTTENOIRE, A., « “Au miroir de la Convention internationale des droits de l’enfant” ...
A propos du rapport du Défenseur des droits sur les droits de l’enfant en 2017 », JCP G, déc.
2017, n° 51.
GOUTTENOIRE, A. et BONFILS, P., « Panorama - Droits de l’enfant - juin 2007 - juin
2008 », D., 2008, n° 27.
GOUTTENOIRE, A. et BONFILS, P., « Droits de l’enfant. Juin 2008 - mai 2009. », D., 2009,
n° 28.
GOUTTENOIRE-CORNUT, A., « La protection de l’enfant par la loi du 4 mars 2002 », Dr.
fam., déc. 2002, n° 27.
GUZNICZAK, B. et MEURIN, G., « Education et justice, de la contrainte à l’adhésion.
Entretien avec Pierre Pédron et Patricia Vanderkerckhove », Les Cahiers dynamiques, mars
2009, n° 45.
391
HUYETTE, M., « La limitation de l’accès au dossier d’assistance éducative », D., nov. 2005,
n° 40.
HUYETTE, M., « Accès au dossier ou copie du dossier? L’assistance éducative hors du
droit », D., 2007, n° 8, p. 552 et s.
392
LE BRIS, S., « La défense de l’enfant en justice : réalité ou fiction ? », Rev. jurid. de l’Ouest,
1989, n° 2.
LE GUNEHEC, F., « Aperçu rapide sur la loi n° 96-585 du 1er juillet 1996 relative à
l’enfance délinquante », JCP G, juill. 1996, n° 30-35.
LE GUNEHEC, F., « Loi d’orientation et de programmation pour la justice réformant la
justice pénale des mineurs, Loi n° 202-1138 du 9 septembre 2002 », JCP G, oct. 2002, n° 43.
LEBLOIS-HAPPE, J., « Le libre choix de la peine par le juge : un principe défendu bec et
ongles par la chambre criminelle (à propos de l’arrêt rendu le 4 avril 2002) », Dr. pén., avr.
2003.
LEBLOIS-HAPPE, J., « La réforme de l’enquête par la loi de programmation 2018-2022
revue par le Conseil constitutionnel », AJ pénal, 2019.
LEVY, L., « Oralité et contradiction en procédure écrite », JCP G, 1990, n° 31-32.
393
NEIRINCK, C., « Quand l’avocat fait défaut : l’exemple de l’assistance éducative », LPA,
févr. 1991, n° 17, p. 24.
NEIRINCK, C., JCP G, févr. 1992, n° 7.
NEIRINCK, C., « La dualité de régime de l’administrateur ad hoc des mineurs », JCP G, mai
2000, n° 20.
RAULT, F., « Protection administrative ou signalement judiciaire : une mise au point sur les
devoirs et les responsabilités des professionnels », Enfance et psy, mars 2013, n° 60.
RENUCCI, J.-F., « Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir », D., 2000.
394
ROBERT, J.-H., « Le plancher et le thérapeute. Commentaire de la loi n° 2007-1198 du 10
août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs », Dr. pén., octobre
2007, n° 20.
ROBERT-DIARD, P., « L’art de convaincre », JCP G, mai 2018, n° 19-20.
ROSENCZVEIG, J.-P., « Commentaire du rapport Naves-Cathala », JDJ, nov. 2000, vol.
199.
ROSENCZVEIG, J.-P., « La loi d’orientation et de programmation sur la justice. Une
promesse tenue ? Pas évident », D., 2002, n° 30.
ROUMIER, W., « Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice -
Projet de réforme de la justice - Veille », Dr. pén., févr. 2019, n° 2.
ROUMIER, W., « Présentation des dispositions pénales de la loi n° 2019-222 du 23 mars
2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice », Dr. pén., mai 2019, n° 5.
ROUMIER, W., « Publication des décrets d’application de la loi n° 2019-222 du 23 mars
2019 de programmation et de réforme pour la justice », Dr. pén., juill. 2019, n° 7-8.
ROUMIER, W., « Instauration d’un Code de la justice pénale des mineurs », Dr. pén., oct.
2019, n° 10.
TAMION, E., « La loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence et le mineur auteur
d’infraction », LPA, juill. 2001, n° 140.
TELLIER-CAYROL, V., « « Audition libre et garde à vue des personnes vulnérables : deux
pas en avant, un pas en arrière », in dossier « loi du 23 mars 2019 et procédure pénale », sous
la dir. de F. FOURMENT », Gaz. Pal., sept. 2019, n° 29.
THERON, J., « Améliorer et simplifier la procédure civile ; Comment regagner la confiance
des justiciables ? », JCP G, févr. 2018, n° 9-10.
395
THIERRY, J.-B., « Réforme de la justice - La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, loi de
réforme pour la justice numérique ? », JCP G, mai 2019, n° 19.
TOURET-DE COUCY, F., « Justice pénale des mineurs : une théorie éprouvée par la
pratique », AJ pénal, 2005.
VAN DE KERCHOVE, M., « La vérité judiciaire : quelle vérité, rien que la vérité, toute la
vérité? », Dév. et soc., 2000, n° 24-1, pp. 95-101.
VERDIER, P., « Le choix de l’avocat de l’enfant dans les procédures d’assistance
éducative », JDJ, mai 2007, n° 265.
VERGES, E., « Réforme de la procédure pénale : une loi fleuve, pour une justice au gré des
courants. A propos de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de
réforme pour la Justice », Dr. pén., mai 2019, n° 5.
VIATTE, J., « Les moyens relevés d’office et le principe de la contradiction », Gaz. Pal.,
1980, p. Doctr. 21.
VILLEY, M., La formation de la pensée juridique moderne, PUF, Quadrige, Paris, 2009.
396
« Réforme de la Justice : dispositions entrant en vigueur le 1 juin 2019 », JCP G, mai 2019, n°
21-22.
Procédures, juin 2019, n° 6.
« Réforme de justice des mineurs : les 49 propositions des professionnels », JCP G, juin 2019,
n° 23.
« Communication par voie électronique - Création et condition de mise en œuvre du
traitement de données « Portail du justiciable », JCP G, juin 2019, n° 24.
« Mineur devenu majeur : la publicité restreinte s’impose à l’audience statuant sur la détention
provisoire », JCP G, juill. 2019, n° 28.
« Le mis en examen ou son avocat doivent avoir la parole en dernier », JCP G, juillet 2019, n°
28.
« Comment le numérique transforme le droit et la justice vers de nouveaux usages et un
bouleversement de la prise de décision », LPA, août 2019, n° 156.
« Justice pénale des mineurs (code) : publication de la partie législative », D., septembre 2019,
n° 31.
« Présentation de la justice pénale des mineurs », JCP G, sept. 2019, n° 39.
A. Jurisprudence européenne
398
juin 2010, n° 21, p. 1324 et s.
CEDH, 27 septembre 2011, DIAMANTE et PELLICCIONI c/ SAINT-MARIN, n° 32250/08 :
Dr. fam., 2012, étude n° 6, obs. A. GOUTTENOIRE
CEDH, gr. ch., 23 mars 2016, n° 47152/06, BLOKHIN c/ Russie, D., 14 sept. 2017, n° 30,
obs. P. BONFILS
CJUE, 22 déc. 2010, aff. C-491/10 « Joseba Andoni Aguirre Zarraga c/ Simone Pelz » :
. Rev. crit. DIP 2012. 172, obs. H. MUIR WATT
. Europe n° 3, mars 2011. Comm. 118, obs. L. IDOT
. Procédures, n° 2, févr. 2011. Comm. 59, obs. C. NOURRISSAT
. D., 2011. Pan. 1374, obs. F. JAULT-SESEKE
. RTD eur. 2001. 482, obs. M. DOUCHY-OUDOT
B. Jurisprudence nationale
1. Conseil Constitutionnel
Cons. const., 11 août 1993, n° 93-326 DC, sur la spécialisation du juge des enfants, Loi
modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du Code de procédure pénale,
cons. 28 à 30
Cons. const., 2 févr. 1995, n° 95-360 : D., 1995, p. 171, note J. PRADEL
Cons. const., QPC du 8 juillet 2011, n° 2011-146 (147), JORF n° 0158 du 8 juillet 2011, p.
11978, texte n° 102 :
. D., 28 juin 2012, n° 25, p. 1638, obs. V. BERNAUD et N. JACQUINOT
. AJ famille, 21 sept. 2011, n° 9, point de vue, L. GEBLER, p. 391
. AJ pénal, 22 déc. 2011, n° 12 p. 596, note J.-B. PERRIER
. RSC, 24 nov. 2011, n° 3, p. 728, note C. LAZERGES
. ibid, 26 mai 2012, n° 1, p. 227, obs. B. DE LAMY
399
. RTD civ. 2011, 756, obs. J. HAUSER.
2. Cour de Cassation
Cass. civ. 1re, 10 mars 1993, no 91-11.310, LEJEUNE, Bull. civ. I, no 103 :
. RONDEAU-RIVIER M.- C., « La Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant
devant la Cour de cassation : un traité mis hors-jeu », D., 1993. Chron. p. 203
. DEKEUWER-DÉFOSSEZ F., « L'application de la Convention de New York sur les droits
de l'enfant », note sous Cass. civ. 1re, 10 mars et 2 juin 1993, D., 1994. Somm., p. 34
. RUBELLIN-DEVICHI J., « La réception des conventions internationales par les juges
français en droit de la famille [chronique de droit de la famille] », JCP G, 1993. I., p. 3688
. NEIRINCK C. et MARTIN P.- M., « Un traité bien maltraité. À propos de l'arrêt Lejeune »,
JCP G, 1993. I., p. 3677.
Cass. civ. 1ère, 2 juin 1993, n° 91-17.487 : D., 1993. IR 153 ; Defrénois 1993. 1370, obs. J.
MASSIP ; F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, article préc.
401
Cass. civ. 1ère, 29 juin 1994, n° 92-05.043 : Defrénois, 1995. 321, obs. J. MASSIP
Cass. civ. 1ère, 25 oct. 1994, n° 92-15.020
Cass. civ. 1ère, 2 nov. 1994, n° 93-05.078 : Bull. civ. 1994, I, n° 314
Cass. civ. 1ère, 4 janv. 1995 : Bull. inf. n° 404 du 15 avril 1995, n° 93-05.079.- CA Reims, 7
mai 1993, D., 9 mars 1995, n° 10, p. 58
Cass. civ. 1ère, 24 oct. 1995, D., Sirey, 1996, 36ème cahier, jurisprudence, note J. MASSIP, p.
513 et 514
Cass. civ. 2ème, 25 oct. 1995, n° 93-16.275 : D., 1997, Somm., p. 282, obs. F. THOMAS-LE
DOUJET
Cass. crim., 11 juin 1996, n° 96-81.398 : D., 1997, Somm. p. 148, obs. J. PRADEL
Cass. crim., 5 févr. 1997, n° 96-82.050
Cass. civ. 2ème, 18 juin 1997 : Bull. civ. 1997, II, n° 195
Cass. civ. 1ère, 23 févr. 1999 : Bull. civ. I, n° 66 ; Dr. fam., 1999, comm. n° 146, obs. A.
GOUTTENOIRE-CORNUT
Cass. crim., 13 avril 1999, n° 99-801.698
Cass. civ. 1ère, 8 juin 1999, n° 98-05.044, Bull. civ. 1999 I n° 193, p. 127, rejet du pourvoi CA
Versailles, 26 mars 1998
Cass. civ. 1ère, 8 juin 1999, JCP G, 1999, I, p. 160, obs. T. FOSSIER
Cass. crim., 16 mai 2000, n° 99-85.444 : D., 2000, 198.
402
Cass. crim., 12 sept. 2000, n° 00-81.971 :
. D., 2000, IR, p. 275
. Procédures, 2001, n° 46, obs. J. BUISSON.
Cass. crim. 8 nov. 2000 : Dr. pén., mars 2001, n° 3, chron. 15, obs. C. MARSAT
Cass. soc., 28 nov. 2000, Bull., n° 399, p. 307
Cass. crim. 20 déc. 2000, n° 00-86.499
Cass. civ., 2ème, C., 26 juin 2003, SA Tréfimétaux, Arrêts n° 971, n° 972, n° 973 : JCP G,
2003, n° 28 act. 358
403
Cass. crim., 9 déc. 2003, n° 03-85.587 : JCP G, 2004, IV, p. 1375
Cass. crim., 23 juin 2004 : ibid. n° 171 : JCP G, 2004, IV. 2782 ; AJ pénal, l 2004. 330.
Cass. civ. 2ème, 8 juill. 2004, n° 02-17.677, confirme CA Paris, aud. solennelle, 22 mai 2002
Cass. civ. 1ère, 6 juill. 2005, n° 04-05.011, n° 1171 : D., 2005, n° 40, p. 2794 et s., note M.
HUYETTE.
Cass. civ., 1ère, 14 mars 2006, n° 05-13.360, Bull. civ. 2006, I, n° 161
Cass. crim., 21 juin 2006, n° 06-82.516 : D., 2006, IR, p. 1989 ; AJ pénal, 2006, p. 412, note
C. SAAS
404
Cass. civ . 1ère, 30 oct. 2006, n° 05-16.321 : D., 2007, p. 1460, obs. F. GRANET
405
. RTD civ. 2009. 713, obs. J. HAUSER
Cass. crim., 8 déc. 2009, n° 09-82.120 : Dr. pénal 2010 obs. M. VERON
Cass. civ. 3ème, 3 févr. 2010, n° 09-10631 : BICC n° 725, 1er juill. 2010
Cass. civ. 1ère, 15 avr. 2010, n° 09-14.939
Cass. civ. 1ère, 9 juin 2010, n° 09-13.390, Bull. civ. 2010, I, n° 130
Cass. civ., 1ère, 1er déc. 2010, n° 09-11.687
Cass. crim., 22 mars 2011, n° 10-80. 203: D., 2011. Chron. 1849, obs. C. ROTH
Cass. civ. 2ème, 8 sept. 2011, n° 10-19919 : BICC n° 753, 15 déc. 2011
Cass. civ. 2ème, 20 oct. 2011, n° 10-17660 : BICC n° 756, 15 févr. 2012
Cass. civ. 2ème, 28 juin 2012, n° 11-21.051 : Gaz. Pal., 2012, 2809, note L. RASCHEL, et
3507 note C. BLERY
Cass. civ. 1ère, 12 sept. 2012, n° 11-18.401 : JDJ, n° 318, oct. 2012, p. 55
Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, n° 11-18.849 : Bull. civ. 2012, I, n° 212.
Cass. crim. 6 nov. 2013, n° 13-84.320 : P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, D., 2014, Pan.
p. 1787
Cass. crim., 19 nov. 2013, n° 12-87.641
Cass. civ. 1ère, 5 mars 2014, n° 13-13.530
Cass. civ. 2ème, 5 juin 2014, n° 13-19920 : BICC n° 810, 1er nov. 2014
Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-11976 : BICC n° 808, 1er oct. 2014
Cass. civ. 1ère, 9 juill. 2014, n° 13- 23.750.
406
Cass. crim., 9 sept. 2015, n° 13-82.518 : Dalloz actualité, 21 oct. 2015, obs. C. BENELLI-DE
BENAZE
Cass. avis, 29 févr. 2016, n° 16002 : Dalloz actualité, 7 mars 2016, obs. A. PORTMANN
Cass. civ. 1ère, 13 juill. 2016, n° 15-23.253
Cass. soc., 16 nov. 2016, n° 15-17.163 : JurisData n° 2016-024095, JCP G, n° 9-10, 26 févr.
2018, obs. J. THERON
Cass. 1ère, 4 janv. 2017, n° 15-28.935 : « Effet d'une mesure d'assistance éducative sur
l'exercice de l'autorité parentale », JCP G, 9 janv. 2017, n° 1-2, 6, Actualités, p. 15
Cass. civ. 1ère, 4 mai 2017, n° 16-16.709, « Assistance éducative : des délais mal connus et
mal sanctionnés », RTD civ, juill.-sept. 2017, p. 625-626
Cass. avis, 27 mai 2017, n° 17-009 : « Droit de la défense, Droit à l'assistance d'un avocat du
mineur devenu majeur », AJ pénal, sept. 2017, obs. C. PORTERON, p. 402-403
Cass. crim., 18 oct. 2017, n° 16-87.123 : AJ pénal 2017. 559, obs. J. FICARA
Cass. civ 1ère, 28 mars 2018, n° 16-28.010, JurisData n° 2018-004673 : JCP G, n° 16, 16 avr.
2018, p. 761, actualités 450, note M. DOUCHY-OUDOT
407
Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2018, n° 17-11.011, JurisData n° 2018-018142 : Dr. fam., n° 3, mars
2019, comm. 65, à noter également par I. MARIA, p. 65
Cass., civ. 2ème, 16 mai 2019, n° 18-10825, rejet pourvoi c/ c. a. Bordeaux, Mme Maunand, f.f.
prés. - SCP Le Bret-Desaché, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, in Gaz. Pal.,
n° 23, 25 juin 2019, p. 34, note C. BERLAUD
Cass. crim., 26 juin 2019, n° 19-82.779 : « Mineur devenu majeur : la publicité restreinte
s’impose à l’audience statuant sur la détention provisoire », JCP G, n° 28, 15 juill. 2019, p.
764 ; « Le mis en examen ou son avocat doivent avoir la parole den dernier », JCP G, n° 28,
15 juill. 2019, p. 765
Cass. civ. 1ère, 11 juill. 2019, n° 18-20.212 : Procédures, n° 10, oct. 2019, comm. 245, Y.
STRICKLER
Cass. crim., 24 juill. 2019, n° 19-83.412 : Procédures, n° 10, oct. 2019, comm. 264, A.- S.
CHAVENT-LECLERE
Cass. civ. 2ème, 29 août 2019, n° 17-31.014 : JCP G, n° 37, 9 sept. 2019, p. 887
Cass civ. 1ère, 19 sept. 2019, n° 18-15.633 : D., 2019, p. 1833
3. Conseil d’État
CE, CAMEARA, 30 juin 1993, no 136601 : JDJ, nov. 1993. p. 33
408
CE, 29 juill. 1994, no 143866
. Dr. enf. fam. 3/1994, no 40, 129
. AJDA, 1994. 841, concl. M. DENIS-LINTON
. RDSS, 1995. 167, obs. F. MONEGER
4. Cour d'appel
409
obs. J. HAUSER
5. Première instance
V. Colloques et conférences
BIGOT, J., « Respecter la parole de l’enfant dans le choix de sa résidence après séparation des
parents? », 22 nov. 2018.
ZERMATTEN, J., « L’enfant au centre de toutes les décisions : bien, bien-être et intérêt
supérieur de l’enfant », nov. 2018.
http://www.senat.fr
http://www.assemblee-nationale.fr
http://www.lemonde.fr
http://www.legifrance.fr
https://comitecedif.wordexpress.com/2012/03/05/de-la-justice-des-mineurs-dans-lemeilleur-
des-mondes consulté le 25 janv. 2016.
http://fouche-avocat.fr/procedure-ecrite-et-procedure-orale/ consulté le 14 sept. 2018.
https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2007-3-page-102.htm le 14 sept. 2018 consulté
le 14 sept. 2018.
410
« Res judicata pro veritate habetur - Pénal | Dalloz Actualité », disponible
sur https://www.dalloz-actualite.fr/breve/res-judicata-pro-veritate-habetur#.W593sugzbIV,
consulté le 17 septembre 2018.
http://www.lepoint.fr/justice-internet/au-tribunal-de-l-internet-le-proces-en-visioconference-
est-il-l-avenir-de-la-justice-23-11-2015-1983867_2081.php consulté le 1er oct. 2018.
https://www.liberation.fr/libe-3-metro/1995/01/05/un-sorcier-rend-la-justice-de-l-apaisement-
social_121142 consulté le 1er oct. 2018.
https://www.onpe.gouv.fr/historique
https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/actu/0600641742049-doctrine-confirmee-dans-son-
droit-d-acces-aux-decisions-de-justice-326839.php consulté le 12 févr. 2019.
Association Thémis, « La place de l’administrateur ad hoc dans la loi du 14 mars 2016 »,
http://www.themis.asso.fr/wp-content/uploads/2017/06/aah-dans-la-loi-du-14-mars-2016.pdf,
Strasbourg, consulté le 20 mars 2019.
F.- G. LORRAIN, « Le mot de la semaine – Restitution », le 8 avril 2019 après restitution du
grand débat national, LePoint.fr, consulté le 8 avr. 2019.
https://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2015/06/22/PJJ-et-secret-professionnel-
certitudes-et-incertitudes, consulté le 16 juin 2019.
http://www.histophilo.com/postmodernite.php, consulté le 19 juin 2019.
https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/piece-non-visee-dans-les-ecrits-violation-du-
principe-de-la-contradiction/h/7de9d49c91f55f4e2b0b0447da472dc9.html#guinchard,
consulté le 19 juin 2019.
http://offre-fc.enpjj.fr/, consulté le 21 oct. 2019.
http://www.enm.justice.fr/sites/default/files/catalogue_formation_continue_2020_bd.pdf,
consulté le 21 oct. 2019.
411
412
Index alphabétique
413
D H
Débats, 11, 19, 26, 28, 36, 38, 39, 40, 41, Humanité, 9, 13, 51, 58, 124, 125, 217,
42, 46, 49, 59, 60, 62, 74, 85, 97, 99, 309, 342, 348
100, 102, 104, 111, 113, 142, 157, 183,
194, 207, 208, 209, 214, 215, 217, 241, I
242, 244, 246, 252, 253, 256, 258, 262, Impartialité, 21, 26, 207, 208, 209, 210,
271, 277, 280, 284, 298, 299, 328, 330, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 240, 387,
332, 340, 388 388
Déclaration universelle des droits de Information, 3, 8, 28, 29, 30, 39, 51, 55,
l’homme, 3, 43, 125, 126, 145 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 74, 75, 76,
Défenseur des droits, 127, 133, 141, 149, 77, 78, 80, 81, 84, 88, 91, 94, 98, 99,
284, 304, 305 102, 103, 107, 114, 119, 140, 158, 159,
Discernement, 11, 54, 72, 74, 84, 85, 92, 161, 162, 163, 170, 175, 188, 189, 198,
96, 101, 102, 103, 110, 111, 117, 145, 223, 224, 226, 228, 230, 232, 233, 236,
149, 245, 249, 281, 282, 283, 284, 291, 239, 245, 248, 253, 268, 280, 281, 283,
299, 302, 304, 305, 307, 317, 318, 326, 291, 325, 326, 341, 342, 344, 346, 385,
343 386, 387
Discussion, 26, 28, 38, 41, 42, 45, 60, 62, Information complète, 28, 29
90, 100, 208, 248, 252, 253, 254, 255, Instance, 5, 10, 14, 19, 20, 31, 32, 33, 37,
256, 257, 258, 260, 261, 262, 278, 279, 40, 49, 56, 58, 60, 64, 73, 81, 102, 112,
335, 347, 385, 388 113, 117, 120, 140, 188, 196, 205, 211,
Dossier de l’enfant, 201, 241, 242, 245, 213, 215, 221, 246, 253, 256, 257, 258,
247, 252, 262, 274, 286, 317, 320, 340, 287, 290, 293, 298, 299, 389
388, 389 Intérêt de l’enfant, 50, 55, 60, 111, 112,
Dossier unique de personnalité, 81, 82, 116, 128, 130, 131, 133, 137, 209, 210,
83, 89, 91, 222, 238, 247, 248, 275, 330 234, 238, 268, 272, 284, 287, 288, 324
Droit d’être entendu, 11, 22, 27, 39, 65, Intérêt du mineur, 41, 50, 92, 97, 99,
95, 102, 103, 111, 132, 138, 142, 147, 136, 165, 213, 244, 265, 267, 281, 328
149, 150, 155, 241, 386 Intérêt supérieur de l’enfant, 67, 103,
Droits de la défense, 10, 12, 20, 21, 22, 127, 128, 129, 135, 149, 152, 189, 328
24, 26, 30, 31, 49, 75, 82, 94, 99, 106,
108, 109, 115, 119, 134, 135, 136, 138, J
157, 158, 159, 185, 199, 201, 207, 209,
216, 225, 267, 272, 279, 307, 385, 389 Juge aux affaires familiales, 72, 101, 102,
142, 144, 151, 152, 154, 188, 216, 233,
E 234, 235, 236, 237, 239, 260, 269, 286,
289, 298, 388
Egalité des armes, 21, 22, 23, 24, 346, Juge d’instruction, 69, 84, 90, 99, 100,
385 106, 107, 108, 109, 113, 151, 158, 160,
Emprisonnement délictuel, 177, 180, 182 161, 162, 210, 233, 234, 238, 239, 272,
Engagement du procès, 20, 32, 37, 385 273, 276, 277, 278, 293, 294, 295, 306,
Enquête officieuse, 35, 137 314, 330, 331, 388
Enregistrement audiovisuel, 34, 96, 99, Juge des enfants, 1, 7, 9, 10, 11, 12, 13,
100, 171 15, 17, 19, 20, 25, 31, 33, 34, 35, 36, 37,
38, 42, 43, 44, 45, 46, 49, 50, 51, 54, 55,
G 57, 60, 63, 64, 66, 68, 69, 71, 72, 74, 75,
Garde à vue, 68, 69, 96, 97, 98, 137, 160, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 83, 84, 89, 90, 91,
170, 269 92, 95, 96, 97, 101, 102, 103, 104, 106,
107, 108, 109, 110, 112, 113, 114, 115,
117, 118, 119, 120, 121, 123, 127, 128,
414
130, 131, 132, 134, 137, 138, 139, 142, Nouvelles technologies, 63, 217, 220, 225,
144, 145, 147, 149, 151, 152, 153, 154, 226, 227, 229, 230, 233, 240, 342, 388
155, 158, 160, 161, 163, 165, 166, 167,
168, 169, 170, 172, 176, 177, 180, 182, O
183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, Open data, 48, 217, 220, 225, 226, 227,
191, 192, 194, 195, 196, 197, 198, 200, 228, 340, 342, 388
201, 203, 204, 205, 206, 208, 209, 210, Ordonnance du 2 février 1945, 34, 35,
211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 41, 43, 44, 45, 57, 65, 67, 68, 69, 70, 71,
219, 220, 221, 228, 231, 233, 234, 235, 75, 76, 77, 82, 83, 84, 89, 90, 96, 97, 99,
236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 105, 106, 107, 112, 113, 132, 136, 137,
244, 245, 246, 247, 248, 250, 251, 252, 148, 157, 159, 160, 163, 165, 166, 167,
253, 254, 257, 259, 260, 262, 263, 265, 168, 169, 172, 173, 174, 178, 179, 180,
268, 269, 270, 272, 273, 279, 283, 285, 181, 182, 183, 211, 224, 238, 243, 245,
286, 287, 288, 290, 293, 294, 297, 298, 247, 248, 269, 272, 273, 275, 276, 314,
299, 300, 301, 302, 303, 304, 305, 306, 329, 330, 331, 332, 335, 336, 344, 345
307, 309, 310, 311, 312, 313, 314, 315,
317, 319, 321, 323, 327, 328, 329, 330, P
331, 334, 340, 341, 342, 348, 385, 386,
387, 388, 389 Peines, 4, 5, 43, 54, 89, 91, 136, 171, 174,
Justice prédictive, 52, 63, 224, 229, 340, 175, 176, 177, 180, 182, 183, 185, 213,
342 219, 222, 224, 327, 330, 336, 342, 387
Placement, 37, 68, 71, 80, 83, 88, 97, 103,
L 107, 108, 118, 160, 165, 168, 177, 178,
180, 181, 183, 187, 191, 194, 196, 197,
Liberté surveillée, 83, 165, 168, 176, 178, 237, 273, 292, 305, 314, 317, 327, 330,
181, 184, 331, 387 331, 332, 334
Liberté surveillée préjudicielle, 83, 165, Post-sentenciel, 34, 171, 172, 173, 176,
168, 331, 387 177, 180, 182, 185, 191, 192, 199, 336,
387
M Présentation immédiate, 70
Mesure d’activité de jour, 165, 168, 176, Pré-sentenciel, 34, 70, 158, 160, 162, 163,
177, 178 164, 171, 172, 173, 176, 178, 185, 186,
Mesure éducative judiciaire, 165, 176, 187, 188, 190, 239, 336, 387
183, 184 Président du conseil départemental, 312,
Mesure judiciaire d‘investigation 313, 314, 315, 318, 389
éducative, 103, 165, 166, 189, 190, 317 Présomption d’innocence, 61, 136, 158,
Mesures éducatives, 12, 91, 163, 164, 160, 164, 173, 183, 245, 269
167, 171, 174, 177, 178, 179, 231, 238 Principe directeur du procès, 24, 27, 52
Mesures probatoires, 165, 169, 334, 345 Prise de décision, 38, 46, 49, 50, 51, 59,
Mineur délinquant, 124, 134, 135, 136, 103, 112, 114, 115, 142, 144, 197, 205,
137, 138, 157, 162, 164, 172, 173, 181, 215, 217, 218, 226, 298, 385
231, 271, 328, 386 Protection judiciaire de la jeunesse, 8,
Mineur victime, 96, 99, 101, 105, 159, 12, 83, 89, 90, 113, 116, 158, 164, 166,
239, 276, 277, 278, 292, 294, 297, 306 167, 168, 169, 170, 176, 179, 182, 191,
Mise à l’épreuve éducative, 183, 184 194, 248, 263, 265, 268, 305, 307, 309,
Mise sous protection judiciaire, 178, 182 310, 312, 325, 326, 327, 328, 329, 330,
331, 332, 333, 335, 336, 338, 339, 340,
N 346, 347, 348, 390
Neutralité, 207, 216, 217, 218, 233, 234, Publicité, 21, 26, 40, 41, 48, 157, 228
237, 238, 240, 388 Publicité restreinte, 157
415
R
Rapports, 7, 12, 55, 63, 87, 93, 118, 170,
186, 191, 194, 237, 250, 274, 280, 292,
320, 321, 322, 333, 389
Réparation pénale, 165, 167, 176, 177,
179, 336
S
Sanctions éducatives, 174, 177, 178, 180
Stage de citoyenneté, 179, 181
Stage de formation civique, 177, 179,
181
Sursis avec mise à l’épreuve, 178, 179,
181, 334
Synthèses, 319, 333, 334, 338, 389, 390
T
Temps utile, 24, 28, 29, 30, 47, 87, 229,
246, 247
Travail d’intérêt général, 45, 177, 182,
336
Tribunal pour enfants, 34, 70, 71, 85, 97,
102, 113, 116, 136, 137, 151, 172, 173,
175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 193,
198, 209, 212, 213, 214, 227, 231, 265,
267, 268, 269, 271, 273, 276, 278, 292,
293, 296, 297, 310, 314, 328, 330, 331,
332, 334, 389
V
Vérité fictive, 52, 57, 58, 59, 60, 61, 62,
385
Vérité légale, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58,
64, 385
416
417
418
Table des matières
Sommaire ............................................................................................................................ 11
Liste des principales abréviations .................................................................................... 13
Introduction ....................................................................................................................... 17
Partie 1 ................................................................................................................................ 25
La définition du contradictoire, principe fondamental du procès devant le juge des
enfants ..................................................................................................................................... 25
Titre 1 – La difficulté de définir le principe du contradictoire devant le juge des
enfants ................................................................................................................................. 27
Chapitre 1 - Le rôle du contradictoire : une méthode particulière et obligatoire de
conduite du procès devant le juge des enfants ................................................................. 29
· .......................................................................................................................... S
ection 1 - Le schéma général du procès devant le juge des enfants ......................... 30
· .......................................................................................................................... §
1 - L’engagement du procès devant le juge des enfants ........................................... 30
A - Les règles de l'engagement du procès devant le juge des enfants ............. 30
1 - Les garanties générales........................................................................... 31
a - Le principe du procès équitable .......................................................... 32
b - Le principe du contradictoire au sein de l'égalité des armes .............. 34
i - Le contradictoire dans la procédure .................................................... 36
ii - Le contradictoire et le juge................................................................. 37
2 - Les garanties propres aux parties ou à l’« accusé » : les droits de la
défense .............................................................................................................. 40
B - Les actes effectués par le juge des enfants ................................................ 42
1 – La définition des actes du procès et leur connaissance par les parties .. 42
2 - Les actes particuliers effectuées par le juge des enfants dans le cadre
pénal et dans le cadre civil ............................................................................... 44
· .......................................................................................................................... §
2 - La conduite et l’aboutissement du procès devant le juge des enfants................. 48
A - La particularité de la discussion devant les mineurs et leurs représentants
légaux ................................................................................................................... 49
1 – L’oralité : richesse et écueils.................................................................. 49
2 – L’esprit général de protection de l’enfant, guide du processus de
décision et prise en compte des représentants légaux par le juge des enfants . 53
B - La difficulté de la prise de décision ........................................................... 57
1 - La difficulté de la prise de décision en matière civile ............................ 57
419
2 - La difficulté de la prise de décision en matière pénale .......................... 60
· .......................................................................................................................... S
ection 2 - Les finalités du procès devant le juge des enfants ................................... 62
· .......................................................................................................................... §
1 - La vérité légale .................................................................................................... 63
A – La notion de vérité légale .......................................................................... 63
B - Le sens de l'opposabilité de la décision pour le mineur et pour ses
représentants légaux ............................................................................................. 66
· .......................................................................................................................... §
2 - La vérité fictive ................................................................................................... 69
A – La notion de vérité fictive ......................................................................... 69
B – Le sens et l’effet de l’apaisement social pour les destinataires de la
décision................................................................................................................. 73
Conclusion du chapitre ................................................................................................ 76
420
2 - La consultation du dossier d'assistance éducative ................................ 104
· .......................................................................................................................... S
ection 2 - Principe du contradictoire et droits des personnes impliquées dans la
procédure ................................................................................................................ 107
· .......................................................................................................................... §
1 - Les droits du mineur ......................................................................................... 107
A - L'audition du mineur : le droit d’être entendu ......................................... 108
1 - L'audition du mineur dans le cadre pénal ............................................. 108
2 - L'audition du mineur dans le cadre civil .............................................. 114
B – Le droit à un avocat : le droit d’être défendu et assisté .......................... 118
1 – Le droit à un avocat dans le cadre pénal .............................................. 118
2 – Le droit à un avocat dans le cadre civil ............................................... 122
· .......................................................................................................................... §
2 - Les droits d’autres personnes ............................................................................ 125
A - L'audition d’autres personnes .................................................................. 125
1 – L’audition d’autres personnes dans le cadre pénal .............................. 126
2 – L’audition d’autres personnes dans le cadre civil ................................ 127
B – Le droit à un avocat ................................................................................ 129
Conclusion du chapitre .............................................................................................. 132
Conclusion du titre ........................................................................................................ 134
423
A - Le rôle du juge des enfants, protecteur de la liberté individuelle ............ 238
B – Le nouveau rôle du juge .......................................................................... 240
1 – La rénovation du rôle du juge par l’amélioration et la simplification de
.................................................................................................................... la procédure 241
2 – La modernisation de l’action du juge au regard des nouvelles
technologies, des algorithmes et de l’open data ............................................ 245
· .......................................................................................................................... §
2 – La neutralité du juge des enfants à l’égard des autres juges impliqués ............ 254
A – La communication des dossiers du juge des enfants au juge aux affaires
familiales ............................................................................................................ 255
B – La communication de dossiers par le juge des enfants au juge d’instruction
............................................................................................................................ 259
Conclusion du chapitre .............................................................................................. 261
Chapitre 2 - L'action du juge des enfants au service du respect du contradictoire .... 263
· .......................................................................................................................... S
ection1 - Le juge des enfants garant de la constitution et de la connaissance du
dossier de l’enfant par les parties ........................................................................... 263
· .......................................................................................................................... §
1 – Le juge des enfants garant de la constitution du dossier de l’enfant ................ 264
A – Le juge des enfants garant de la présence des pièces au dossier ............ 264
1 – La vérification de l’exhaustivité du dossier ......................................... 264
2 – La faculté de retirer un élément du dossier pour protéger les parties ou
les tiers............................................................................................................ 266
B – Le juge des enfants garant des échanges des pièces entre les parties ..... 268
· .......................................................................................................................... §
2 – Le juge des enfants garant de la connaissance du dossier de l’enfant par les
parties ..................................................................................................................... 269
A – Le rôle du juge dans l’accès et la consultation du dossier pénal ............ 269
B – Le rôle du juge dans l’accès et la consultation du dossier d’assistance
éducative............................................................................................................. 271
· .......................................................................................................................... S
ection 2 - Le juge des enfants garant d’une juste distribution de la parole lors des
débats ...................................................................................................................... 274
· .......................................................................................................................... §
1 – Le rôle primordial des parties : la contestation ................................................ 275
A – Le principe du droit de contestation ....................................................... 275
B – L’intérêt de la contestation ...................................................................... 276
· .......................................................................................................................... §
2 – Le rôle primordial du juge : la discussion ........................................................ 277
A – Le principe de discussion ........................................................................ 278
424
B – L’organisation de la discussion par le juge ............................................. 279
Conclusion du chapitre .............................................................................................. 284
Conclusion du titre ........................................................................................................ 286
426
1 - Les synthèses entre professionnels en vue de l’application du
contradictoire .................................................................................................. 360
2 - Les restitutions avec les parties : outils privilégiés de l’application du
contradictoire .................................................................................................. 361
3 – L’étude de l’application du contradictoire dans un service territorial
éducatif en milieu ouvert ................................................................................ 362
Conclusion du chapitre .............................................................................................. 365
Conclusion du titre ........................................................................................................ 366
Conclusion de la partie 2 ................................................................................................... 367
427
428
Angélique D’HUART
Le principe du contradictoire
et le juge des enfants
A l’épreuve de la pratique
Résumé
Au moment de l’adoption du Code de la justice pénale des mineurs et de l’anniversaire de la
Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, la protection de l'enfant est un
enjeu majeur de notre société et le traitement d'un sujet relatif au juge des enfants apparaît essentiel.
Acteur principal de la protection de l'enfance, le juge des enfants voit ses attributions se situer aux
confins du droit civil et du droit pénal. Il convient alors de s'interroger sur son rôle, en constante
évolution depuis sa création en 1945. Entre protection et répression, il est particulier pour le juge des
enfants de situer son intervention. Tout en assurant la protection de l'enfant, ce magistrat doit
respecter les principes de procédure qui régissent notre droit français. Le contradictoire, un des
principes directeurs, apparaît ainsi comme incontournable dans le quotidien du juge des enfants.
Toutefois, si la nécessité du respect de ce principe n'est pas à contester, sa définition est parfois
imprécise dans les textes, et son application rend la protection de l'enfant compliquée. C'est ainsi
qu’au quotidien, le magistrat de la jeunesse se doit de trouver un compromis entre le respect du
contradictoire et la protection. Cet exercice nous conduit ainsi à mettre en exergue que l'application du
contradictoire est particulière lorsqu'il est pris en compte devant le juge des enfants.
Définition imprécise, application spécifique, le sujet relatif à la mise en œuvre d’un principe de
procédure devant le juge des enfants paraît bien complexe. Néanmoins, c'est de cet aspect que
découle tout son intérêt.
Mots-clés : contradictoire – juge des enfants - mineur – représentants légaux – avocat –
administrateur ad hoc – PJJ - ASE
Abstract
At the moment, when the adoption of the penal justice code and the anniversary of the 20
november 1989 children’s rtights international convention underwent, child protection is a major issue
in our society and the investigation of a topic related to children's judge appears to be crucial.
Main actor of the childhood protection, the children's judge sees his attributions lie at the border of
civil law and criminal law. Thus, it appears interesting to study his role, which has been in constant
evolution since its creation in 1945. Torn between protection and repression, it is tricky for this
magistrate to ground his intervention. While maintaining a full protection for children, the magistrate
must comply with procedural principles, which govern our French law. Hence, the adversarial principle,
one of the principles, appears as an unavoidable principle in the children's judge everyday routine.
However, if the importance of the respect of this principle is not to contest, its definition is
sometimes blurry in the legal texts, and its application makes sometimes the child protection difficult.
Thus, the juvenile magistrate sees himself trapped in an everyday questioning to make a compromise
between the respect of the adversarial principle and ensuring protection. This everyday exercise
brings us to highlight that the application of the adversarial principle is peculiar when it is taken into
account by the children's judge.
Unclear definition, specific application, the subject relating to the implementation of a principle of
procedure before the juvenile judge seems very complex. Nevertheless, it is from this aspect that all its
interest derives.
Key words : contradictory – children’s judge – minor – legal representatives – lawyer –
administrator ad hoc – Judicial protection of youth – Child welfare
429