Mémoire: Cour Internationale de Justice
Mémoire: Cour Internationale de Justice
Mémoire: Cour Internationale de Justice
(Djibouti c. France)
MÉMOIRE
de la
RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI
15 mars 2007
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
PLAN du MEMOIRE
INTRODUCTION.....................................................................................................................................
9
Lettre du Ministre des Affaires Etrangéres au Greffier de la Cour internationale de Justice, Pa-
ris, 25 juillet 2005 ;
Rapport du Lieutenant Yahya Mohamed Magareh, Recherche des causes de la mort de M. Ber-
nard Borrel, 24 mars 1999 (1 6 procès-verbaux non annexés) ;
Cabinet de Mme Leila Mohamed Ali, Juge d'instruction, Ordonnance de subdelégafion,9 fé-
vrier 2002 ;
Cabinet de Mme Leila Mohamed Ali, Juge d'instruction, Procès-verbal de transport et de cons-
taradion sur les lieux, 1" mars 2002 ;
Lettre du Ministre des Affaires Etrangéres et de la Coopération Internationale charge des rela-
tions avec Ie Parlement A son Excellence Monsieur Dominique De Villepin, Ministre des Affai-
res Etrangères et de la Coopération de la République Franqaise, Djibouti, 16 décembre 2003 ;
Lettre de Monsieur Isrnael Ibrahim Houmed, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux chargé
des Droits de I'Homme à Monsieur Dominique Perben, Ministre de la Justice, Garde des
Sceaux, Djibouti, 10 aotit 2094 ;
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18. Lettre de Laurent Mesle, Directeur du Cabinet du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice ii
Monsieur Pierre Vimont, Directeur du Cabinet du Ministre des Affaires Etrangtres, Paris, le'
Octobre 2004 ;
Lettre de Laurent Mesle, Directeur du Cabinet du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice à
Son Excellence Monsieur Rachad Farah, Ambassadeur de la République de Djibouti, Paris, 27
janvier 2005 ;
Lettre de Monsieur Ali Abdi Farah, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux chargé des Droits
de l'Homme à son Excellence Monsieur Michel Barnier, Ministre des Affaires Etrangères de la
République Française, Djibouti, 18 mai 2005 ;
Lettre de Francis Szpiner, Avocat, B Monsieur Bellancourt, Doyen des Juges d'lnsxniction pr6s
le Tribunal de Grande Instance de Versailles, Paris, 1 1 octobre 2005 ;
Communiqué du Ministére des Affaires étrangères suite l'entretien entre M. Philippe Douste-
Blazy et Mme Borrel, Toulouse, 20 octobre 2006 ;
Introduction
1. D'une superficie de 23.000 km2, la République de Djibouti est située dans la corne de
I l'Afrique, au débouché du détroit de Bab El Mandeb qui sépare la Mer Rouge de
l'Océan Indien (golfe d'Aden). Son territoire est limité au nord, à l'ouest et au sud par
1'Ethiopie (450 km de frontiéres), au sud-est par la Somalie (65 km) et à l'est par
l'Océan Indien (sur 372 km de côtes). La capitale est Djibouti. Le pays compte environ
620.000 habitants. Entre 1862 et 1977, année de son Indépendance, Djibouti £ut une co-
lonie fmgaise sous les noms successifs de Territoire d'Obock, Cote française des Soma-
lis et enfin Territoire français des Afars et des lsças.'
2. Le présent mémoire fait suite, dans le delai prescrit par l'Ordonnance de la Cour du 15
novembre 2006, à l'introduction par la République de Djibouti, le 4 janvier 2006,
conformément à l'article 40, paragraphe 1 du Statut de la Cour internationale de Justice
et à l'article 38 du Rèiglement de la Cour, de la requete suivante : « i?equête de la Ré-
publique de Djibouti contre la République française pour violadion, envers la Républi-
que de Djibouti, de ses obligations internationales se rattachanr à l'entraidejudiciaire
en matière pénale ».'
3. L'objet du diffdrend soumis la Cour porte sur le refus des autorités gouvernementales
et judiciaires françaises d'exécuter une commission rogatoire internationale concernant
la trmçrnission aux autorités judiciaires djiboutiennes du dossier relatif la procedure
d'infomation relative 1' rr Affaire contre X du chef d'assassinat sur la personne de
Bernard Borrel », en violation de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale
entre le Gouvernement de la Rkpublique de Djibouti et le Gouvernement de la Républi-
que française du 27 septembre 1986, ainsi que sur la violation connexe d'autres obliga-
tions internationales pesant sur la République française envers la République de Dji-
bouti.
' Ces informations sont tides du site klectsonique du Ministère français des Affaires étrangkres,
htt~:llwww.dirilomatie,~ouv.fr/frIpays-ns 833tdiibouti 369/mdex.htrnl
Requete introductive d?instance, p. 1.
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voir 10 coopération internationale et les relations amicales entre les nations }bm3 L'un
des principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies est celui qui engage les
Etats a régler de maniére pacifique leurs différends et la Cour internationale de Justice,
organe judiciaire principal des Nations Unies, représente en l'espèce le moyen le plus
approprié pour résoudre le différend qui oppose actuelIement la République de Djibouti
a la République française et restaurer ies relations amicales entre ces deux Etats. Ainsi,
la République de Djibouti souhaite que la Cour parvienne à une solution positive du
différend afin de débloquer une situation qui perdure et qui ternit la coopkration inter-
nationale entre les deux Etats.
6. Trois types de manquements sont attribuables aux autorités françaises :primo, man-
quements dans l'application du Trait6 de coopération et d'amitié entre la République
française et la République de Djibouti du 27 juin 1977 ;secundo, manquements dans
l'application de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouver-
nement de la Republique de Djibouti et le Gouvernement de la République française du
27 septembre 1986; tertio, manquements 5 l'égard des règles relatives à la protection
internationale dont jouissent certains ressortissants djiboutiens.
8. Dans sa regudte du 9 janvier 2006 la République de Djibouti avait d'abord rappelé que
tant elle que la République fiançaise sont parties au Statut de la Cour en leur qualite
d'Etats membres de l'Organisation des Nations Unies. Elle avait noté également que
seule la République de Djibouti figure dans la liste des Etats ayant reconnu, aux termes
de l'article 36 paragraphe 2 de son Statut, la juridiction obligatoire de la Cour (Dkclara-
tion de la reconnaissance de la cornpetence obligatoire de la Cour internationale de Jus-
tice, 18juillet 2005, Annexe 1).La France, en effet, ne figure plus parmi ces Etats, des
lors qu'elle a retire sa déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour.
10. C'est 21 éon escient que cette confiance était placée. La République de Djibouti, en ef-
fet, comptait sur l'attachement de la France au règlement pacifique des différends in-
ternationaux et sur son respect pour la Cour internationale de Justice, ainsi que pour le
rôle éminent de celle-ci dans ce domaine : des sentiments que, bien entendu, Djibouti
partage entièrement, comme le démontre dYai11eursde manière particulièrement &la-
tante sa d6claratian unilatérale précitee.
4
Requdte introductive d'instance, 4 janvier 2005, par. 20, p. 10.
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13. C'est donc sans surprise, mais avec grande satisfaction, que la République de Djibouti a
pris çomaissance de la lettre du Ministre des Affaires etrangires de la République fian-
çaise au Greffier de la Cour, en date du 25 juillet 2006, portde à la connaissance de la
C o u le 9 aout 2006~,faisant état de la décision de la France d'accepter la compétence
de la Cour pour connaître de la requete de Djibouti en application et sur le seulfon-
dement de 1 'article 38, paragraphe 5 (.,.) H du Règlement de la Cour (Lettre du Minis-
tre des Affaires etrangères au Greffier de la Cour internationale de Justice, Paris, 25
juillet 20Q6,Annexe 2) Suite A cette déclaration, la Cour a inscrit à son rôle géndral le
présent diffèrend.
14. Au vu de ces évènements et du consentement plein et entier des deux Parties que ceux-
ci véhiculent, la cornpetence de la Cour a régler le présent différend en application de
I'article 38, paragraphe 5 , du Règlement de la Cour est incontestable. 11 est également
incontestabIe que le différend subjudiçe est d'« ordre juridique D, puisqu'il porte sur
l'interprétation et l'application d'engagements de nature conventionnelle et coutumière
liant les Parties. De surcroît, la France, du fait même d'avoir accepté la compétence de
la Cour à juger du bien-fondé des (( demandesformule'es (...) par la République de Dji-
bouti » dans sa requete, ne saurait de toute f q o n pas faire valoir désormais (sous peine
d'irrecevabilité) que l'une ou l'autre de ces demandes échapperaient à Ia compétence
de la Cour sous prétexte qu'elles seraient dépourvues du caractère juridique requis
(voire en alléguant n'importe quelle autre raison).
15. Quant au point soulevé par la déclaration française précitée, du 25 juillet 2006, selon
lequel l'article 38, paragraphe 5, représenterait en l'espece le « seul fondement » de la
compétence de la Cour, la République de Djibouti tient à déclarer formellement qu'elle
se reserve au contraire le droit d'invoquer le cas échéant d'autres instruments interna-
tionaux liant les Parties qui seraient eux aussi pertinents pour fonder la compétence de
la Cour aux fins du présent differend.
17. Certes, l'attitude ainsi exprimée par la France témoigne d'une conception extrêmement
restrictive quant au rôle qu'il convient d'accorder à la Cour internationale de Justice en
matière de règlement des différends internationaux entre Etats : une conception indiscu-
tablement très lointaine de celle de Djibouti qui, bien au contraire, a souverainement
decidé de se soumettre très largement à la juridiction obligatoire de la Cour {{ de plein
droit et sans convention spéciale n (suivant la formule de l'article 36, paragraphe 2, du
Statut).
18. En tout état de cause, la République de Djibouti n'entend nullement contester qu'en
l'espèce, en tant que conséquence de la rencontre entre la requete djiboutienne et
l'acceptation française, l'étendue ratione rnateriae de la compétence de la Cour est ri-
goureusement délimitée. 11 convient cependant de mettre trés précisément en exergue
ce que cette délimitation signifie : sans aucun doute, la Cour est habilitée A se pencher
uniquement sur les demandes telles que formulées dans la requete djiboutienne, et sur
rien d'autre ; mais il y a accord entre les Parties à ce qu'elle puisse connaître de la tota-
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Iité de ces demandes et les régler entiérement, sous tous leurs aspects et avec toutes
leurs implications.
19. Ainsi, toutes les demandes qui figurent dans la liste résultant des paragraphes 4,5 et 6
de la requête de la République de Djibouti, telles qu'elles sont précisées dans le présent
mémoire, relèvent incontestablement de la compétence rufione mareriae de la Cour.
Autrement dit, la France ne saurait contester que la Cour est, d'une part, pleinement
compétente pour juger de toutes et chacune des violations dent, suivant la requete de la
République de Djibouti, la France s'est rendue responsable envers Djibouti ; et que,
d'autre part, la Cour est également compétente pour établir toutes les conséquences, de
quelque type que ce soit, se rattachant a chacun des faits illicites dont la France aura été
jugée responsable.
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20. Le différend entre la République de Djibouti et la République française trouve son ori-
gine dans la procédure ouverte par les autorités judiciaires françaises à la suite de la
mort du Magistrat Borrel sur le territoire de la République de Djibouti. Si la détermina-
tion des faits matériels et l'établissement des responsabilités proprement di~esdans
cette affaire relèvent de la compétence stricte des autorités internes de chacun des Etats
concernés et n'intéressent pas directement le présent différend, une chronologie des
principaux éléments ayant conduit à la naissance de celui-ci est indispensable.
22. La mort du juge Borrel sur le territoire de la République de Djibouti a donné lieu à dif-
férentes thèses quant aux causes du décès, Si la th& du suicide a tout d'abord kt6 pri-
vilégiée, celle-ci a éte mise ultérieurement en doute suite B une expertise médico-légale
privée conduisant à l'ouverture d'une information {{ contre X du chef d'assassinat sur la
personne de Bernard BorreE. ».
23. Le 19 octobre 1995, le çorps du magistrat fiançais Bernard Boml, conseiller technique
du Ministre djiboutien de la Justice, est découvert à moitié carbonisé à 80krn de la ville
de Djibouti, au lieu dit le rr Goubet Al Kharab }), par une patrouille de la police de
I ' m é e fiançaise sise a Djibouti (dénommée la « prévôté )>).
24. Les militaires de la prévôt6 avisent alors immédiatement les autorités civiles et militai-
res fran~aisesainsi que les autorités djiboutiennes, seules compétentes pour conduire
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les investigations. Après les constatations d'usage, le corps du défunt est rapatrié a Dji-
bouti et déposé à la morgue du Centre hospitalier français des années Bouffard.
25. Sur réquisition de la Gendarmerie de Djibouti-ville, la dépouille fait l'objet d'un exa-
men médico-légal qui conclue à un d e c b probablement dû à une asphyxie consécutive
à une immolation par le feu, Les premiers déments de l'enquête effectuée par la gen-
damerie djiboutienne suggèrent donc la thèse du suicide par immolation. A cette épo-
que déjà, les autorites de la République de Djibouti font montre d'une coopération sans
faille afin de diligenter, avec toutes les précautions dues, l'enquête relative à la mort du
juge Borrel. En effet, la prévôtk française, bien que non compétente au plan judiciaire,
servait d'interface entre les autoritks djiboutiennes, l'épouse de la victime et les autori-
tés diplomatiques françaises.
27. Cette information permettra de découvrir que Monsieur Borrel a laissé, juste avant sa
mort,deux lettres à l'intention de son épouse. Dans la première lettre, le défunt indi-
quait a sa femme ne pas avoir dépensé une somme d'argent retirée et lui demandait de
recréditer leur compte. Dans la seconde lettre intitulée « Ce que j e dois », le défunt in-
diquait à sa femme le moyen de vendre l'ensemble de sa collection de médailles et de
décorations au meilleur prix. A ce titre, le rapport d'enquête rédigé dans le cadre de ta
premiere commission rogatoire internationale soulignera que {{ le contenu de cette 1eth.e
semble ainsi trahir l'ipitepatiopt du ridacteerr de rnetpe en ordre ses affaires personnelles
avant d'accomplir 1 'i~.rémédiable» (Rapport de synthèse de la Brigade criminelle de
Paris au Juge d'Instruction au Tribunal de Grande Instance, 2 1 septembre 1999, p. 8,
Annexe 3).
29. Sur demande de Madame Borrel, une étude médico-légale est réalisée à titre privé le 8
juillet 1997. Cette étude met en doute la thése du suicide, indiquant que rr dufait de
l'absence de suie dam les voies aériennes supérieures, et de la présence d'une plaie
considérée comme pst-naorlem, la mort ne semblait pas consécutive am brûlures »
(Annexe 3). A cette époque, et à plusieurs reprises, Madame Borrel met directement en
cause par voie de presse les différents acteurs djiboutiens de l'enquête ainsi que les
membres de la mission française de coopération i Djibouti, tout en sollicitant dans le
même temps la délocalisation du dossier Borrel au profit de la juridiction parisienne.
Madame Borrel sous-entendait que son mari avait à traiter, dans le cadre de ses fonc-
tions, de dossiers sensibles pouvant compromettre le pouvoir politique djiboutien en
place ou de nature à gêner les relations diplomatiques franco-djiboutiennes. En outre,
elle accusait un Officier de la gendarmerie française d'être intervenu constamment au
cours de l'enquête djiboutienne afin d'en influencer le résultat dans le sens de la thèse
du suicide.
30. Une information est alors ouverte {{ contre X du chef d'assassinat sur la personne de
Bernard Borrel » au cabinet de Madame Moracchini, juge d'instruction à Paris, Ma-
dame Borrel ainsi que le Syndicat de la Magistrature s'étant constitués parties civiles.
L'ouverture de cette information marque le prolongement d'une coopération exem-
plaire et de bonne foi de la part des autorités djiboutiennes dans le cadre de l'affaire
Borrel.
Fidèle à I'esprit de coopération de bonne foi qui anime les relations d'entraide judi-
ciaire entre la République de Djibouti et la République française et soucieux du respect
des obligations internationales qui lient la République de Djibouti h I'égard de la Rkpu-
blique française en vertu de Ia Convention d'entraide judiciaire en rnatikre pénale entre
le Gouvernement de la Rkpublique de Djibouti et le Gouvernement de Ia République
fran~aise(ci-après la « Convention d'entraide judiciaire D), le juge d'instruction au Tri-
bunal de Première Instance de Djibouti, Madame Leila Moharned Ali, délivre une
commission rogatoire en date du 10 mars 1999 i la Brigade criminelle de Djibouti aux
fins d'information suivie pour rechercher les causes de la mort de Bernard ~orrel.'
Celle-ci est exécutée sans réserve et en toute transparence par Ies officiers djiboutiens
de police judiciaire comme en attestent les différents procès-verbaux annexés au rap-
port du Chef de la Brigade criminelle djiboutienne (Rapport du Lieutenant Yahya Mo-
hmed Magareh, Recherche des causes de la mort de M. Bernard Borrel, 24 mars 1999
(1 6 procès-verbaux non annexés), Annexe 5).
internationale. En effet, le rapport souligne que {r nous avons accompli fous nos acres
avec l'assistance de deux collègues de la police française (brigade criminelle de Pa-
ris) » (Annexe 5).
36. En outre, Madame Leila Mohamed Ali a remis le 24 mars 1999 à Madame Moracchini
et à Monsieur Roger le Loire, la copie certifiée conforme de tous les actes établis en
exécution de la commission rogatoire internationale ainsi que les scellés requis (Procés-
verbal de remise, 24 mars 1999, Dossier nO13/96/A, Annexe 6), et ce sans obstruction
aucune des autorités judiciaires ou exécutives djiboutiennes toujours en vue de la facili-
tation de l'entraide judiciaire en matiére pénale et du prompt règlement de l'affaire
« Borrel D. A ce titre, Madame Moracchini et Monsieur Roger le Loire ont apposé leur
signature sur le procès-verbal de remise et certifié avoir rr reçu lesdits scellés er copie
des actes établis en exécution de [leur] commission rogatoire internationale en date du
30 octobre 1998 ainsi que leurs annexes x9
37. Toutefois, l'&aire « Borrel » connaît peu aprks un nouveau rebondissement, dû au fait
qu'un ancien officier de la garde présidentielle djiboutienne en attente d'un statut de ré-
fiigié en Belgique, Monsieur Al Houmekani, déclare ài la presse française que la mort
du magistrat Borrel serait bel et bien le résultat d'un assassinat et non d'un suicide. Plu-
sieurs personnes, parmi lesquelles le Président de la République de Djibouti en per-
sonne, le Chef des services de renseignement djiboutiens et le Chef d'Etat-Major de la
Gendarmerie Nationale, sont mises en cause par cette déclaration.
38. C'est dans ce contexte qu'une deuxième commission rogatoire internationale est de-
mandie par les autorit6s judiciaires françaises. Celle-ci, comme la premikre commis-
sion rogatoire internationale, est exécutée par les autorités; de la République de Djibouti
dans le strict respect des obligations internationales par elle souscrites A l'égard de la
République française et dans l'esprit de coopération qui a toujours animé les relations
entre la République française et Djibouti, notamment dans le domaine de l'entraide ju-
diciaire. Pourtant, la Republique de Djibouti aurait pu à juste titre s'offusquer du fait
que la justice française ait semblé accorder du crédit - si infime soit-il - a des accusa-
tions diffamatoires visant l'honneur et l'intégrité d'un Chef d'Etat et aurait pu en tenir
argument pour s'abstenir de cooperer pleinement à l'exéçution de la deuxième commis-
sion rogatoire internationale. II n'en sera rien, les autorités djiboutiennes préférant of-
frir toute la coopération judiciaire necessaire à clarifier le dossier Borrel et garantir par
ricochet la bonne poursuite de I'entraide judiciaire en matière ptnale y &rente.
lbid.
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40. Ainsi qu'en attestent sans exception tous les procès-verbaux et le rapport du Cornman-
danî de la Police judiciaire à Madame Leiln Mohamed Ali, tous les moyens ont étk mis
en œuvre par les autorités djiboutiennes, de bonne foi et dans un veritable esprit de
coopération, pour faciliter l'exécution de ladite commission rogatoire (Rappori du
Commandant Omar Houssein Hassan, Commission rogatoire internationale, ordon-
mnce de subdélégation, ST no13l/PJ/2000, 12 mars 2000 (22 proces-verbaux non-
annexés), Annexe 8). Les membres de la famille de Monsieur Al Iloumekani, ancien
Officier de la garde présidentielle djiboutienne, ont été auditionnés ainsi que les victi-
mes d'actes délictueux çomrnis par Monsieur Al Hournekani. Mieux, une réquisition a
kt&adressée a la compagnie aérienne Air France afin de procéder à certaines vérifica-
tions. Une autre réquisition a ité adressée au Directeur général de Djibouti Télécom en
vue d'identifier et de communiquer les appels téléphoniques extérieurs de certaines
personnes mentionnées dans Ie dossier Borrel (Annexe 8).
44. Alors qu'une issue semblait se dessiner dans le dossier Bonel, un nouvel évènement
survint : le 23 juin 2000, la Chambre d'accusation de Paris dessaisit les juges Morrac-
chini et Le Loire du fait de leur refus dynviter la partie civile (Madame Borrel et le
Syndicat de Ia magistrature) dans leur déplacement A Djibouti. Le dossier Borrel est
transmis à Monsieur Jean-Baptiste Parlos, juge d'instruction au Tribunal de Grande
Instance de Paris. Ce dernier transmet aux autorités de la République de Djibouti une
troisième et ultime commission rogatoire internationale. A nouveau, les autorités dji-
boutiennes, animées par un sentiment de confiance et un esprit de coopération, exkcu-
tent ladite commission rogatoire de bonne foi et dans Ie respect des principes de cour-
toisie qui doivent guider les relations entre nations ainsi qu'en conformité avec les
obligations internationales de la République de Djibouti a l'égard de la République
française.
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46. Madame Borrel et le Syndicat de la magistrature s'étant constitués parties civiles dans
l'affaire « Borrel n, ils n'ont pas hésité à accuser de manière virulente et diffamatoire,
et ce par presse interposée, certaines autorités exécutives et judiciaires djiboutiennes.
Malgré ces accusations, les autorités djiboutiennes ont choisi de ne pas opposer de fin
de non recevoir à la demande d'exécution de la troisième commission rogatoire interna-
tionale alors qu'elles auraient pu exiger au préalable que les parties civiles ne soient pas
prgsentes à l'audition de certains témoins et au moment de la constatation et de la re-
constitution sur le lieu oh le corps du juge Borrel avait été découvert le 19 octobre 1995
(Rapport du Capitaine Yahye Moharned Magareh, 2 mars 2002, p. 4, Annexe 10).
47. Le souci de coopkration compléte et de bonne foi, ainsi que la volonté ferme de faire
toute la lumière sur Ie dossier Bortei, conduiront les autoritts djiboutiennes faire abs-
traction de toute susceptibilité au nom de l'entraide judiciaire entre la République fian-
çaise et la République de Djibouti. La troisième commission rogatoire internationale est
exécutée sans aucun obstacie d'ordre procidural, formel ou matériel sous la responsabi-
lite du Chef de la Brigade Criminelle et des Affaires spéciales de Djibouti, suite à
l'ordonnance de subdeiégation délivrée le 9 février 2002 par Madame Leila Moharned
Ali, juge d'instruction au Tribunal de Première instance de Djibouti (Cabinet de Mme
Leila Mohamed Ali, Juge d'instruction, Ordonnance de subdéE&gatio~r, 9 février 2902,
Annexe 11).
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49. Qui plus est, les autorités judiciaires djiboutiennes choisissent d'autoriser pow la se-
conde fois la justice française accompagnée de Madame Borrel, d'un avocat de la partie
civile et du représentant du Syndicat de la magistrature à enqueter en toute serénité au
palais présidentiel et a entendre ses plus hauts responsables aux fins de confirmer ou
d'infirmer les déclarations de Monsieur A1 Houmekani, ancien officier de la garde pré-
sidentielle djiboutienne, sur les circonstances qui seraient à l'origine de la mort de Ber-
nard Borrel (Cabinet de Mme Leila Mohamed Ali, Juge d'instruction, Procès-verbal de
transport er de consta~ationsur les lieta, le' mars 2002, Annexe 12).
50. Une exhumation du corps du juge Borrel est effectuée en juin 2002 sur décision du juge
Parlos, pour réaliser de nouvelles expertises. L'instruction aboutira à la pubiiçation, en
décembre 2002, d'expertises médicales et toxicologiques n'excluant pas qu'une tierce
personne ait pu intervenir dans la mort du juge Borrel et estimant que l'hypothèse de
l'homicide ne peut être totalement écartée. Entre-temps, le juge Parlos a été muté à la
Cour de cassation et lui succède i présent Madame Sophie Clément, vice-présidente du
Tribunal de Grande Instance de Paris et cinquième magistrat chargé d'instruire l'affaire
(( Borrel D.
rné une certaine confusion, les attaques et accusations incessantes contre les autorités
djiboutiennes se multipliant dans la presse française.
53, Suite à la levée partielle du « secret defense >) en mars 2004, Madame Borrel et ses
avocats de nouveau accusent Djibouti et son Président d'stre à l'origine du prétendu as-
sassinat du juge Borrel.
l3 Ibid.
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dans cette affaire les autorités djiboutiennes, notamment dans le cadre de commissions
rogatoires internationales. En particulier, chaque fois que le concours des autorités
djiboutiennes a été demandé, celles-ci l'ont accordé sans délai » (Déclaration de la
porte-parole adjointe du Quai d'Orsay, Paris, 19 avril 2004, Annexe 15).
II. 3.1 La demande d'exécution d'une commission rogatoire internationale émise par la
République de Djibouti
dent Jacques Chirac à l'Elysée, Monsieur De Boncorse et son conseiller judiciaire, éga-
lement Directeur de Cabinet du Garde des Sceaux, Monsieur Le Mesle. Ces derniers
expriment leur regret quant à la lenteur de l'instruction du dossier Borrel et à la mise en
cause des autorités djiboutiennes. Ils s'engagent à ce que le Procureur de Paris trans-
mette ledit dossier au parquet de Djibouti. A ce titre, le Procureur de Paris, Monsieur
Yves Bot, confirme au Procureur de la République de Djibouti que dès qu'il aura accu-
sé réception d'une lettre officielle en ce sens, le dossier sera transmis à Djibouti.
59. Fort des assurances données par ces représentants du Gouvernement fiançais de vouloir
mettre un terme à cette situation judiciaire, le Procureur de la République de Djibouti
introduit, en date du 17juin 2004, une commission rogatoire internationale demandant
la transmission par la partie française du dossier concernant la procédure d'information
relative à l'affaire « Borrel )) (Lettre du Procureur de la République de Djibouti au Pro-
cureur de la République près le Tribunal de Grande' Instance de Paris, Djibouti, 17 juin
2004, Annexe 16), et ce en application de la Convention d'entraide judiciaire en ma-
tière pénale entre le Gouvernement de la République de Djibouti et le Gouvernement de
la République fiançaise.
60. La demande d'exécution d'une commission rogatoire internationale émise par la Répu-
blique de Djibouti fait suite aux complications juridiques et judiciaires auxquelles a
conduit l'affaire (( Borrel )) depuis 1996, mais aussi et surtout à la détérioration progres-
sive des relations entre la République française et la République de Djibouti du fait de
la vaste campagne de dénigrement, d'accusation et de diffamation des plus hautes auto-
rités djiboutiennes par médias interposés. Le Procureur de la République de Djibouti ne
manque pas de relever dans sa lettre du 17juin 2004 qu'« en mettant en cause les plus
hautes autorités djiboutiennes de manière systématique et sur la base des déclarations
fantaisistes, la partie civile et [les] médiasfrançais essayent d'orienter l'information
judiciaire actuellement en cours à Paris )) (Annexe 16) tout en soulignant que nous
sommes aujourd'hui disposés à rouvrir le dossier si la justice française nous communi-
que les éléments du dossier Borrel ».14
l4 Ibid.
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62. La République de Djibouti a fait montre d'une flexibilité particulière à l'égard des for-
malités dans l'exécution des trois commissions rogatoires demandées par la République
française. Ainsi que l'a rappelé le Ministre de la Justice djiboutien dans une lettre
adressée à son homologue français le 10 août 2004, (( en son temps la République de
Djibouti n 'avaitpas hésité à se dessaisir de sa propre procédure, à accepter que des
policiers, des magistrats, la partie civile et ses avocats viennent à Djibouti pour enquê-
ter sur la mort de Bernard Borrel ;la République de Djibouti avait même accepté, que
des magistratsfrançais viennent instruirejusqu 'à l'intérieur du Palais présidentiel »
(Lettre de Monsieur Ismael Ibrahim Houmed, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux
chargé des Droits de l'Homme à Monsieur Dominique Perben, Ministre de la Justice,
Garde des Sceaux, Djibouti, 10 août 2004, p. 5, Annexe 17)
63. En réponse, par lettre du 1" octobre 2004, le Directeur du Cabinet du Garde des
Sceaux, Laurent Le Mesle, informe Monsieur Pierre Vimont, Directeur du Cabinet du
Ministre des Affaires étrangères, que le juge d'instruction chargé du dossier Borrel
(( seul compétent pour délivrer les copies de pièces (ce qui matériellement représentent
sic 35 tomes) estime que ce courrier ne revêt pas les formes requises par la convention
franco-djiboutienne d'entraide judiciaire en matière pénale du 2 7 septembre 1986 et
refuse d'exécuter cette demande )) (Lettre de Laurent Mesle, Directeur du Cabinet du
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice à Monsieur Pierre Vimont, Directeur du Cabi-
net du Ministre des Affaires Etrangères, Paris, le' Octobre 2004, Annexe 18). Monsieur
Le Mesle précise qu'un (( courrier exposant les difJicultés rencontrées va être adressé
par le Procureur de Paris au Procureur de Djiboutipour lui permettre de lui transmet-
tre une commission rogatoire internationale répondant aux conditions de forme )), tout
en réitérant son engagement que la demande de communication de pièces sera satisfaite
(( en tenant compte du nécessaire délai qu'imposera la copie des 35 tomes de laprocé-
''Ibid.
l6 Ibid.
Mémoire Page 28 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
65. En réponse à cette demande, les autorités judiciaires djiboutiennes reçoivent le 27 jan-
vier 2005, par le truchement de l'Ambassade de la République de Djibouti en France,
une lettre de Monsieur Le Mesle, Directeur du Cabinet du Ministre de la Justice, des
assurances indiquant que la remise du dossier, conformément aux obligations prescrites
par la Convention, interviendra avant la fin du mois de février 2005, une fois accom-
plies les formalités bureaucratiques nécessaires (Lettre de Laurent Mesle, Directeur du
Cabinet du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice à Son Excellence Monsieur Ra-
chad Farah, Ambassadeur de la République de Djibouti, Paris, 27 janvier 2005, Annexe
21). L'engagement de Monsieur Le Mesle - engagement qui lie le Ministère de la Jus-
tice et 1'Etat frayais dans son ensemble - est sans équivoque : « J'ai demandé à ce que
tout soit mis en œuvre pour que la copie du dossier de l'instruction judiciaire relative
au décès de Monsieur Bernard Borrel soit transmise au Ministre de lajustice des afiai-
res pénitentiaires et musulmanes de la République de Djibouti avant la fin du mois de
février 2005 (ce délai s'explique par le volume du dossier dont il y a lieu de faire la
copie). J'ai par ailleurs demandé au Procureur de Paris de faire en sorte que ce dos-
sier ne connaisse aucun retard injustijié ».'' En conséquence, la République de Djibou-
ti était en droit d'attendre légitimement que lui soit enfin transmis le dossier Borrel, en
exécution de la commission rogatoire internationale et dans l'esprit de coopération de
bonne foi qui doit animer les relations entre Etats en matière d'entraide judiciaire.
66. Cette attente légitime est renforcée par la Déclaration du porte-parole du Ministère des
Affaires étrangères en date du 29 janvier 2005, déclaration qui fait suite à la décision
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
67. Toutefois, une telle attente fut à nouveau déçue, l'attitude des autorités judiciaires h-
çaises empêchant de donner suite aux promesses faites. Le l l février 2005, le juge
d'instruction parisien aurait refusé la transmission du dossier Borrel aux autorités judi-
ciaires djiboutiennes au motif que la transmission de ce dossier est contraire aux inté-
rêts fondamentaux de la France. Ce fait nouveau, s'il est avéré, s'inscrirait entièrement
en porte à faux avec l'engagement des autorités fiançaises de « demander au Procureur
de Paris de faire en sorte que ce dossier ne connaisse aucun retard injustifié » (An-
nexe 21).
68. Le 18 mai 2005, le Ministre des Affaires étrangères djiboutien écrit à son homologue
fiançais pour lui rappeler que malgré les assurances données tout au long de la procé-
dure, « à ce jour lapartie française n 'apas honoré ses engagements » et lui demander
de « bien vouloir faire exécuter dans les meilleurs délais ladite commission rogatoire ))
conformément aux dispositions de la Convention d'entraide judiciaire (Lettre de Mon-
sieur Ali Abdi Farah, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux chargé des Droits de
l'Homme à son Excellence Monsieur Michel Barnier, Ministre des Affaires étrangères
de la République Française, Djibouti, 18 mai 2005, Annexe 23).
69. Le 6 juin 2005, malgré les engagements antérieurs, fermes et répétés de la part des au-
torités françaises, l'Ambassadeur de France à Djibouti écrit au Ministre des Affaires
étrangères djiboutien pour l'informer sans motivation aucune que I'Etat français n'est
pas en mesure de faire exécuter la commission rogatoire internationale. Les termes em-
ployés par l'Ambassadeur de France à Djibouti sont des plus équivoques : « Après
consultation de mes autorités, je suis au regret de vous informer que nous ne sommes
plus en mesure de donner suite à cette demande » (Ambassade de France en Républi-
Mémoire Page 30 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
70. En plus du refus de ne pas transmettre le dossier Borrel en plaçant de ce fait la Répu-
blique de Djibouti devant le fait accompli, la justice française a manqué à l'égard des
autorités djiboutiennes, et ce en violation des obligations internationales de la Républi-
que française, dans la mesure où elle a convoqué, entre autres, le Chef de 1'Etat djibou-
tien, le Chef de la Sécurité Nationale et le Procureur de la République pour être enten-
dus comme témoins assistés dans le cadre d'une plainte pénale pour subornation de té-
moin contre X. Plus tard, elle ira jusqu'à émettre et diffuser des mandats d'arrêt inter-
nationaux contre des ressortissants djiboutiens jouissant d'une protection internationale.
Aucune partie civile dans l'affaire « Borrel », que ce soit Madame Borrel ou un repré-
sentant du Syndicat de la magistrature, n'a jamais été inquiétée lorsqu'elle s'est trouvée
sur le territoire de Djibouti. Plusieurs hautes autorités djiboutiennes ont été la cible
d'attaques et d'accusations diffamatoires provenant souvent des parties civiles sans
qu'aucune plainte n'ait été introduite ni aucune convocation émise à l'égard de ces per-
sonnes. Au contraire, lors de l'exécution de la troisième commission rogatoire interna-
tionale à Djibouti, par exemple, les parties civiles et leurs conseils ont pu auditionner
certains témoins et même se rendre in situ dans l'enceinte du palais présidentiel pour
procéder à certaines enquêtes.
72. Les accusations de la part des parties civiles contre les autorités djiboutiennes ont par-
fois été si véhémentes que les autorités françaises ont elles-mêmes cm judicieux et
conforme à l'esprit de coopération entre la République française et la République de
Djibouti d'intervenir officiellement pour clarifier la situation. Pour rappel, les porte-
parole du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de la Défense publient, le
20 avril 2004, une déclaration conjointe dans laquelle ils soulignent : « contrairement
Mémoire Page 31 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
aux affirmations avancées par divers organes de presse, rien dans les documents
contenzts dans le « secret défense », ne permet de conclure à la mise en cause des auto-
rités djiboutiennes. Toute autre déclaration n'est pas conforme à la réalité » (Annexe
14). La Déclaration du porte-parole du Ministère des Affaires étrangères en date du 29
janvier 2005 confirme également que « contrairement a ce qui a p u être écrit encore
récemment dans certains journaux, rien [dans les documents classifiés « secret dé-
fense ))] ne permet de conclure à la mise en cause des autorités djiboutiennes » (An-
nexe 22).
73. Malgré les précautions prises par les autorités gouvernementales françaises pour dé-
douaner les autorités djiboutiennes, les convocations à témoin de hautes personnalités
de la République de Djibouti ainsi que la diffusion de mandats d'arrêt internationaux
contre certaines de ces personnalités témoignent du fossé qui existe entre les déclara-
tions des autorités gouvernementales françaises et le comportement effectif des autori-
tés judiciaires fiançaises à l'égard de certains ressortissants de la République de Dji-
bouti jouissant d'une protection internationale.
75. Une maladresse en cachant une autre, le 17 mai 2005, le juge d'instruction Sophie Clé-
ment convoque le Président de la République de Djibouti, Son Excellence Monsieur
Ismaël Omar Guelleh, en qualité de témoin dans l'affaire Borrel (Convocation à témoin
de Monsieur le Président de la République Djiboutienne Ismaël Omar Guelleh, Paris,
17 mai 2005, Annexe 28). Ce qui souleva l'ire de l'Ambassade de la République de
Djibouti en France dénonçant auprès du Ministre des Affaires étrangères français « la
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
violation grave des règles les plus élémentaires dans le cadre d'une instruction judi-
ciaire )) tout en lui demandant de confirmer que ladite convocation est (( nulle et non
avenue, et de prendre les mesures nécessaires à l'encontre du juge d'instruction »
(Note de l'Ambassadeur de la République de Djibouti à Paris, Paris, 18 mai 2005, An-
nexe 29).
76. Là ne s'arrête pas ce mépris manifeste pour la protection internationale dont jouissent
certains ressortissants de Djibouti. Le 8 septembre 2005, une convocation, par le Doyen
des Juges d'Instruction près le Tribunal de Grande Instance de Versailles (Monsieur
Bellancourt), en qualité de témoin assisté, vise Monsieur Hassan Saïd, chef de la sécu-
rité nationale de Djibouti, et Monsieur Djama Souleiman Ali, Procureur de la Républi-
que de Djibouti. Des faits de subornation de témoin seraient reprochés à ces deux ci-
toyens djiboutiens (Tribunal de Grande Instance de Versailles, Convocations à témoin,
8 septembre 2005, Annexe 30).
77. Ainsi, d'une part, les autorités françaises ont bloqué unilatéralement la coopération ju-
diciaire entre la République française et la République de Djibouti par le refus définitif
en juin 2005 d'exécuter la commission rogatoire internationale demandée par Djibouti
concernant l'affaire (( Borrel )) ;mais d'autre part, elles se sont estimées en droit de re-
courir à la coopération de Djibouti, toujours dans le cadre de l'affaire (( Borrel », en
convoquant des ressortissants djiboutiens. L'avocat de Monsieur Hassan Saïd et de
Monsieur Djama Souleiman Ali fera remarquer explicitement cette contradiction dans
son courrier à l'intention de Monsieur Bellancourt : (( Dans le cadre de la mort du Juge
Borrel et des procédures judiciaires qui en découlent, les autorités de la République de
Djibouti ont toujours coopéré pleinement. Les magistrats et les policiers fiançais ont
eu toute latitude pour mener à Djibouti toutes les investigations qu'ils ont jugées utiles
et ce, jusqu 'à dans les locaux de la Présidence de la République. Les autorités de Dji-
bouti n 'ont pu en retour obtenir la coopération de la justice flançaise. Dans ces condi-
tions, la République de Djibouti, état souverain, ne peut accepter que cette coopération
avec l'ancienne puissance coloniale se fasse à sens unique et les deux personnes
convoquées ne sont donc pas autorisées à témoigner )) (Lettre de Francis Szpiner, Avo-
cat, à Monsieur Bellancourt, Doyen des Juges d'Instruction près le Tribunal de Grande
Instance de Versailles, Paris, 11 octobre 2005, Annexe 31).
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
78. En octobre 2006, la juge Sophie Clément a délivré des mandats d'arrêt contre deux ci-
toyens djiboutiens, Awalleh Guelleh et Hamouda Hassan Adouani. Deux autres man-
dats ont également été émis par la Chambre de l'instruction de Versailles, pour « subor-
nation de témoins » contre MM. Djama Souleiman Ali et Hassan Saïd..
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
8 1. Aucune différenciation ne saurait être opérée entre le comportement des organes exécu-
tifs et le comportement des organes judiciaires de 1'Etat français dans la violation des
obligations internationales à l'égard de la République de Djibouti, et plus particulière-
ment les obligations internationales afférentes à l'entraide judiciaire en matière pénale.
Mémoire Page 35 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
Il y a certes une diflérence d'attitude à noter dans le comportement respectif des autori-
tés exécutives et des autorités judiciaires quant au traitement de la demande
d'exécution de la commission rogatoire internationale introduite par la République de
Djibouti, dans la mesure où les autorités exécutives ont fait montre à diverses reprises
d'une apparente bonne volonté pour transmettre le dossier Borrel aux autorités judiciai-
res djiboutiennes, ainsi que de leur souci de voir s'apaiser les tensions entre la France et
Djibouti, alors que les autorités judiciaires françaises ont manqué d'afficher une sem-
blable bonne volonté .
82. Toutefois, il n'y a pas de différencede nature dans le comportement des organes exécu-
tifs et des organes judiciaires de la République française. Tant le comportement des au-
torités exécutives françaises par leurs actions, inactions et omissions que le comporte-
ment des autorités judiciaires françaises du fait de leurs oppositions permanentes et
persistantes à toute exécution de la commission rogatoire internationale introduite par
la République de Djibouti, sont pertinents aux fins d'établir la responsabilité internatio-
nale de la République française pour violation de ses obligations internationales en ma-
tière d'entraide judiciaire. Cette absence de dissociation selon la nature des organes
joue également à plein concernant le comportement des autorités judiciaires relatif aux
convocations à témoin visant de hautes personnalités de la République de Djibouti et à
l'émission et à la diffusion de mandats d'arrêt contre des ressortissants djiboutiens
jouissant d'une protection internationale. De tels faits demeurent attribuables quand
bien même les organes exécutifs de la République française ont parfois pu, sur cette
question, adopter des postures différentes de celles des autorités judiciaires. De jure
comme de facto, les comportements de ces divers organes sont tous imputables à 1'Etat
français.
83. L'Article 4 des Articles sur la responsabilité de 1 'Etatpour fait internationalement illi-
cite codifie ce principe à son paragraphe 1 : Le comportement de tout organe de
l'État est considéré comme unfait de 1 'État d'après le droit international, que cet or-
gane exerce des fonctions lénislative, exécutive, judiciaire ou autres, quelle que soit la
position qu'il occupe dans l'organisation de l'État, et quelle que soit sa nature en tant
qu'organe du gouvernement central ou d'une collectivité territoriale de l'État ».
84. Ce principe selon lequel il ne peut y avoir de dissociation au sein des organes d'un Etat
fondée sur leur nature ou leurs fonctions est un corollaire direct du ((principede 1 'unité
Mémoire Page 36 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
86. La phraséologie de l'Article 3 est sans équivoque : I'obligation d'exécuter une commis-
sion rogatoire internationale pèse sans exception sur 1'Etat requis, et non pas exclusi-
vement sur ses organes judiciaires. Seule la demande d'exécution d'une commission
rogatoire internationale doit être introduite formellement et matériellement par les or-
ganes judiciaires de 1'Etat requérant. L'Article 3 de la Convention d'entraide judiciaire
soumet 1'Etat requis à une obligation de faire qui consiste à prendre toutes les mesures
nécessaires et suffisantes pour que soient effectivement exécutées les commissions ro-
gatoires demandées par 1'Etat requérant au travers de ses autorités judiciaires.
87. L'obligation pesant sur 1'Etat requis est, en somme, une obligation de résultat, qui im-
plique notamment que les organes exécutifs de 1'Etat requis - dans le respect de la légi-
slation nationale - exigent des organes judiciaires une coopération pleine et entière
dans l'exécution des commissions rogatoires internationales introduites conformément
à la Convention d'entraide judiciaire. Partant, le refus définitif d'exécution de la com-
mission rogatoire internationale demandée par la République de Djibouti en violation
des obligations contenues dans la Convention d'entraide judiciaire, à l'instar d'ailleurs
des convocations abusives et inopportunes des hautes autorités djiboutiennes comme de
l'émission et de la diffusion des mandats d'arrêt, sont des faits imputables à 1'Etat fian-
çais. Tant les organes judiciaires que les organes exécutifs fiançais, par leurs actions et
inactions, tout comme par leurs silences, aboutissant au refus injustifié et injustifiable
- -
''Rapport de la Commission du droit international, Cinquante-troisième session 23 avril -ter juin et 2 juillet - 10
aoOt 2001, Assemblee génerale, Documents officiels - Cinquante-sixiéme session, SupplCment no 10 (A/56/10),
p. 89.
Mémoire Page 3 7 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
88. Il faut d'ailleurs remarquer que le gouvernement français n'a jamais prétendu ni impli-
citement ni explicitement que la question de la transmission du dossier Borrel relèverait
exclusivement de la compétence et de l'appréciation discrétionnaires des organes judi-
ciaires français. A aucun moment on n'a essayé, du côté français, de se prévaloir de rai-
sons tirées de la législation nationale ou de l'organisation interne de 1'Etat pour disso-
cier les actes des autorités judiciaires de ceux des organes exécutifs et tenter ainsi de
justifier le non respect des obligations découlant de la Convention d'entraide judiciaire.
Tout au contraire, l'attitude du gouvernement français durant le feuilleton diplomatique
et judiciaire qui a précédé son refus définitif d'exécuter la commission rogatoire inter-
nationale demandée par les autorités judiciaires de la République de Djibouti témoigne
amplement de la reconnaissance par ce gouvernement que les organes exécutifs comme
les organes judiciaires français sont tenus de respecter et de faire respecter les obliga-
tions internationales en matière d'entraide judiciaire souscrites A l'égard de la Républi-
que de Djibouti.
89. La lettre en date du 27 janvier 2005, rédigée par Monsieur Le Mesle, Directeur du Ca-
binet du Ministre de la Justice, corrobore cet argument : « J'ai demandé à ce que tout
soit mis en œuvre pour que la copie du dossier de l'instruction judiciaire relative au
décès de Monsieur Bernard Borrel soit transmise au Ministre de la justice des aflaires
pénitentiaires et musulmanes de la République de Djibouti avant la fin du mois de fé-
vrier 2005 [... ]J'ai Dar ailleurs demandé au Procureur de Paris de faire en sorte que
ce dossier ne connaisse aucun retard injustiJié » (Annexe 21).
90. En outre, les termes employés par l'Ambassadeur de France à Djibouti dans la lettre du
6 juin 2005 adressée au Ministre des Affaires étrangères djiboutien selon laquelle
« Après consultation de mes autorités, je suis au regret de vous informer que nous ne
sommes plus en mesure de donner suite à cette demande » (Annexe 24), démontre donc
que les autorités exécutives françaises endossent entièrement le refus de « donner
suite » à la demande djiboutienne d'exécution de la commission rogatoire internatio-
nale comme le montre l'utilisation du pronom « nous ».
91. De toute façon, les actions et omissions des autorités judiciaires françaises ayant abouti
au refus de transmission du dossier Borrel sont elles aussi imputables à 1'Etat français,
comme le prévoit l'Article 4 des Articles sur la responsabilité de 1 'Etat pour fait inter-
nationalement illicite susmentionné et ainsi que l'a reconnu la Cour internationale de
Mémoire Page 38 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
Justice dans l'avis consultatif rendu dans l'affaire du Diffévend relatifà 1 'immunité de
juridiction d'un rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme à propos
des décisions des tribunaux nationaux : « Selon une règle bien établie du droit interna-
tional, le comportement de tout organe d'un État doit être regardé comme un fait de cet
État. Cette règle (...) revêt un caractère coutumier ».19
92. Toute défaillance dans la mise en œuvre des obligations internationales en matière
d'entraide judiciaire dans le domaine pénal est imputable à 1'Etat français dans son en-
semble. Aucune exception tirée de l'organisation interne de la République française ne
saurait être invoquée car en droit international, comme le Commentaire du Chapitre II
des Articles sur la responsabilité de 1 'Etat précitées, intitulé « Attribution d'un compor-
tement a 1'Etat » le précise, « un État ne peut se soustraire à ses responsabilités inter-
nationales du seul fait de son organisation interne ».*' état fiançais est responsable
du comportement de tous les organes, institutions et fonctionnaires qui sont intervenus
directement ou indirectement en rapport avec la commission rogatoire internationale
demandée par la République de Djibouti dans le contexte de l'affaire « Borrel ». Cette
attribution du comportement de ces organes à 1'Etat français demeure quand bien même
il s'agirait d'actes ultra vires commis par les organes judiciaires français ainsi que le
codifie l'Article 7 des Articles sur la responsabilité de 1'Etat pour fair internationale-
ment illicite: « Le comportement d'un organe de 1 'État ou d'une personne ou entité ha-
bilitée à l'exercice de prérogatives de puissance publique est considéré comme un fait
de l'État d'après le droit international si cet organe, cette personne ou cette entité agit
en cette qualité, même s'il outreuasse sa compétence ou contrevient à ses instruc-
tions ».
l9 Drfférend relatifà l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme,
C.I.J. Recueil 1999, p. 87, par. 62, cité dans Rapport de la Commission du droit international, Cinquante-
troisiéme session 23 avril -1er juin et 2 juillet - 10 août 2001, op. cit., p. 90. Voir aussi, Cour permanente de
Justice internationale, Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise: « Au regard du droit international
et de,la Cour qui en est l'organe, les lois nationales sont (...) [des] manifestations de la volonté et de l'activité
des Etats, au méme titre que les décisions judiciaires ou les mesures administratives ».
20 Voir Commentaire de la CDI, p. 86.
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
94. L'article le' du Traité d'amitié et de coopération entre la République française et la Ré-
publique de Djibouti du 27 juin 1977 dispose que les deux parties devront «fonder
leurs relations de coopération sur l'égalité et le respect mutuel ». Quant à l'article 2, il
précise que la République française et la République de Djibouti ((proclamentleur
ferme volonté de préserver et raffermir les liens de coopération et d'amitié existant en-
tre leurs deux pays, d'œuvrer au renforcement de la paix et de la sécurité, de favoriser
toute coopération internationale visant à promouvoir la paix et le progrès culturel,
économique et social ». Enfin, selon les termes de l'article 4 du Traité, les deux Etats
« s'engagent à développer et renforcer la coopération entre leurs deux pays dans les
domaines de la culture, des sciences, de la technique et de l'éducation ».
96. La violation de l'obligation générale de coopération par les autorités françaises est évi-
dente tant dans l'absence de bonne foi des organes exécutifs et judiciaires français dans
le traitement de la commission rogatoire internationale demandée par la République de
Djibouti que dans l'absence de réciprocité dans la coopération en matière d'entraide ju-
diciaire.
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
III. 2.2 L'absence de bonne foi de la part des autoritésfrançaises dans la coopération
avec la République de Djibouti
97. A chaque occasion qui aurait permis de maintenir ou rétablir la coopération avec la Ré-
publique de Djibouti au sujet du dossier Borrel, les autorités françaises ont d'abord
adopté une surprenante attitude dilatoire caractérisée par des lenteurs procédurales,
formelles et substantielles, et suscitant l'impression que les autorités françaises souhai-
taient finalement reporter sine die l'exécution de la commission rogatoire internationale
demandée par la République de Djibouti dans le cadre de l'affaire « Borrel ».
98. Toutes sortes d'excuses ont été utilisées par les autorités françaises pour tenter de justi-
fier de façon crédible leur manquement à l'obligation générale de coopération en vertu
du Traité d'amitié et de coopération ainsi qu'en vertu de la Convention d'entraide judi-
ciaire. Ainsi, les autorités françaises se sont d'abord réfugiées derrière de pures consi-
dérations de forme pour ne pas exécuter la commission rogatoire internationale deman-
dée par la République de Djibouti, invoquant tour à tour « les formes requises par la
conventionfranco-djiboutienne d'entraide judiciaire en matière pénale du 27 septem-
bre 1986 », le (( nécessaire délai qu 'imposera la copie des 35 tomes de la procédure
judiciaire » (Annexe 19) ou encore le « volume du dossier dont il y a lieu de faire la
copie » (Annexe 21).
99. Une telle attitude dilatoire et non coopérative transparait encore plus des convocations
abusives et injustifiées de hautes autorités de la République de Djibouti jouissant d'une
protection internationale dont le Chef de 1'Etat djiboutien. Le Ministre djiboutien des
Affaires étrangères n'a d'ailleurs pas manqué de reprocher à son homologue français
cette sorte d'acharnement judiciaire à l'encontre de la République de Djibouti, en sou-
lignant son « incompréhensionface au silence et à la passivité observée par les autori-
tés fiancaises devant les attaques mensongères dirigées à 1 'encontre de lapersonne du
président d'un pays ami de la France » (Annexe 13).
100.L'attitude non coopérative des autorités françaises aurait pu à la rigueur être compré-
hensible si la République de Djibouti avait agi de son côté en méconnaissance du prin-
cipe général de bonne foi dans l'exécution des commissions rogatoires internationales
demandées par la France. Or, bien au contraire, la République de Djibouti n'a eu de
cesse d'agir de manière transparente et avec le maximum de sollicitude dans
l'ensemble des procédures d'entraide judiciaire afférentes à l'affaire (( Borrel » : c'est
ce qu'ont reconnu les autorités françaises elles-mêmes par le biais d'une déclaration du
porte-parole du Ministère des Affaires étrangères soulignant, d'une part, « 1 'excellente
Mémoire Page 41 sur 68
de l a République de Djibouti 15 mars 2007
102. Pour l'heure, seule la République de Djibouti s'est pleinement acquittée, au sujet du
dossier Borrel, de l'obligation générale de coopération prévue par le Traité d'amitié et
de coopération et de l'obligation de coopération en matière d'entraide judiciaire décou-
lant de la Convention sur l'entraide judiciaire, en faisant preuve dans les faits d'un es-
prit de collaboration exemplaire et en déployant, de bonne foi, tous les efforts possibles
afin d'éclaircir l'affaire.
2' Ibid.
Mémoire Page 42 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
11.3. La violation des règles et procédures d'entraide judiciaire prévues par la Conven-
tion d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République de
Djibouti et le Gouvernement de la République française du 27 septembre 1986
106.La Convention d'entraide judiciaire a pour objet et pour but depermettre et faciliter la
coopération en matière d'entraide judiciaire entre la République française et la Répu-
blique de Djibouti. La Convention d'entraide judiciaire ne vise ainsi certainement pas à
gêner ou entraver cette coopération comme l'ont fait les organes exécutifs et judiciaires
de la République française en refusant unilatéralement et sans motivation aucime
d'exécuter la commission rogatoire internationale demandée par la République de Dji-
bouti aux fins de transmission du dossier Borrel.
107.L'article le' de la Convention d'entraide judiciaire stipule expressis verbis que les
deux Etats s'engagent à s'accorder mutuellement, selon les dispositions de la Conven-
tion, l'entraidejudiciaire la plus large
- possible dans toute procédure visant des infiac-
tions dont la répression est, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence
des autorités judiciaires de 1'Etat requérant ».
1 10.La violation des règles et procédures d'entraide judiciaire prévues par la Convention
d'entraide judiciaire en matière pénale découle principalement du non-respect par la
République française des articles 3 et 5 de ladite Convention.
1 12.Ainsi qu'il a été déjà mentionné, l'obligation d'exécuter une commission rogatoire in-
ternationale en vertu de l'article 3 pèse sans exception sur tous les organes de 1'Etat re-
quis. L'Article 3 de la convention d'entraide judiciaire soumet 1'Etat requis à une obli-
gation de faire qui consiste à adopter toutes les mesures nécessaires et sufisantes afin
que soient exécutées les commissions rogatoires demandées.
113. Cette obligation de faire correspond à une obligation de résultat qui implique notam-
ment que les organes exécutifs de 1'Etat requis exigent des organes judiciaires une coo-
pération pleine et entière dans l'exécution des commissions rogatoires internationales
introduites conformément à la Convention d'entraide judiciaire.
114.La seule limite introduite prévue à 1"icle 3 a trait à ce que 1'Etat requis doit faire exé-
cuter les commissions rogatoires internationales (( conformément à sa législation natio-
nale D. Toutefois, on ne saurait prétendre que l'on puisse refuser d'exécuter les com-
missions rogatoires internationales au nom du respect de la législation nationale : il va
de soi, en effet, d'après la teneur même de l'article 3, que celui-ci identifie les modali-
tés à suivre par 1'Etat requis pour réaliser positivement le résultat que la norme conven-
tionnelle impose et n'offre aucune justification pour se soustraire à l'obligation interna-
tionale en cause. D'ailleurs, la République française n'a jamais invoqué un quelconque
moyen lié à sa législation nationale comme base de son refus unilatéral d'exécuter la
commission rogatoire internationale demandée par la République de Djibouti. En effet,
soit on s'est abrité derrière des difficultés d'ordre matériel, soit on a allégué des obsta-
cles à caractère bureaucratique, soit on aurait fait vaguement appel à de prétendus et
jamais éclaircis intérêts fondamentaux de la France )) (comme l'aurait fait le juge
d'instruction Sophie Clément), sans que jamais ces empêchements aient été mis préci-
sément en rapport avec une éventuelle législation nationale.
térieur des autorités françaises n'avait aucunement laissé entrevoir que le refus
d'exécuter ladite commission rogatoire s'imposerait en raison de la législation Eran-
çaise. 11 est indéniable, en effet, que les engagements et assurances réitérés de la part de
nombreuses autorités françaises ont crée des expectatives juridiques pour la République
de Djibouti quant à l'exr2çution de la commission rogatoire internationale en conformite
avec la Convention d'entraide judiciaire.
117. L'article 5 de la Convention d'entraide judiciaire, quant à lui, se lit comme suit :
rt 1. L'Etat requis pourra surseoir à la remise des objets, dossiers ou documents
dont la communication est demandée, s'ils lui sont nécessaires pour une procé-
dure pénale en cours [...] ».
119. Comme il l'a été rappelé déjh a plusieurs reprises, le 6 juin 2005 l'Ambassadeur de
France à Djibouti a écrit au Ministre des Affaires étrangères djiboutien une courte lettre
des plus laconiques et désobligeantes, où l'on peut lire les mots suivants rr Aprés
consulfalion de mes autorités, je suis au regret de vous informer que nous ne sommes
plus en mesure de donner suite à cette demande ».22 Ainsi, aprés tant de promesses,
pour la prernikse fois il est indiqué officiellement au plus haut niveau, par le canal di-
plomatique, que 1'Etat français rehse de s'acquitter de l'obligation internationale
d'exécuter la commission rogatoire internationale requise par la République de Djibouti
en application de la Convention de 1486. Ce refùs pur, simple et définitif n'est pas ac-
compagné de la moindre motivation.
120. Cette omission constitue une violation totale de l'obligation de motivation contenue
dans l'article 17 de la Convention d'entraide judiciaire et aux ternes duquel : Tout re-
fus d'entraide judiciaire sera motivé ». L'absence totale de motivation traduit le ma-
laise des autorités françaises, mais également et surtout l'absence de motif réel à
l'origine du refus unilatéral et définitif de ne pas exécuter la commission rogatoire in-
ternationale demandée par la République de Djibouti.
121.Depuis que la République de Djibouti a introduit la présente instance devant la Cour in-
ternationale de Justiee, les autorités françaises n'ont pas ressenti le besoin d'offiir à la
partie djiboutienne un quelconque supplément d'information concernant les raisons de
leur refus. Mais même en laissant de côté ces entorses étonnantes aux usages de la
courtoisie internationale, il est à remarquer qu'aucune motivation n'a kt6 explicitée non
plus à I'occasion des communiqués de presse récents délivrés par des autorités gouver-
nementales au sujet de l'affaire « Borrel ».
122. Ainsi, par exemple, le Cornmuniquk du Ministére des Affaires étrangères suite à
l'entretien entre Monsieur Philippe Douste-Blazy et Madame Borrel précise ce qui
suit : {{ Le mialisfrsdes AHaires étrangères, M. Philippe Douste-Blazy, a reçu
Mme Borrel ir Toulouse pour un entretien. il a précisé à Mme Borrel ainsi qu'à ses
avocats qu'il souhaitaif que toute la lumière soit faite sur cetle affaire el qu'il
n 'entendaitpas s 'immiscer dans les procédures judiciaires en cours. S'a~issantplus
particulièrement du recours devant la Cour internationale de Jwsrice, le minisfre a
rappelé que la question soulevée portail sur l'interprétation donnée par chacune des
parties à la mise en aiuvre de la Convention d'entraide iudiciaire e n m la France et
''
Ambassade de France en République de Djibouti, Lettre de l'Ambassadeur Philippe Selz à son Excellence
Monsieur Mahamoud Ali Youssouf, Ministre des Affaires Etrangéres et de la Coopération Internationale, op. cit.
Mémoire Page 47 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
123. Il faut signaler que la République de Djibouti n'est pas la seule à être tenue illégale-
ment à l'écart quant aux raisons qui justifieraient le refus de la France de s'acquitter de
ses obligations internationales découlant de la Convention de 1986. Le Parlement fran-
çais se trouve en effet dans la même situation, à en juger par la réponse de la Ministre
Déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie à une question
d'actualité à l'Assemblée Nationale. La Ministre s'est ainsi exprimée : « Sur le fonds de
cette afaire et sur les procédures judiciaires en cours, vous comprendrez qu'il ne
m'appartient pas de faire des commentaires. Bien évidemment, nous souhaitons que la
lumière soit faite sur les circonstances exactes du décès du juge Borrel, le 19 octobre
1995 à Djibouti, et nous espérons que l'instruction en cours depuis près de dix ans
permettra d'apporter des réponses. Nous sommes attachés au respect du secret de l'ins-
truction et de la présomption d'innocence, et souhaitons que la justice instruise à l'abri
de la pression médiatique. Compte tenu des difficultés que nous avons à mettre en œu-
vre la convention d'entraide iudiciaire entre la France et Diibouti, la Cour Internatio-
nale de Justice a été saisie par Diibouti de cette question. Nous avons fait savoir que
nous étions d'accord pour que la Cour règle ce différend entre nos deux pays, qui re-
pose essentiellement sur des problèmes de procédures. Une première réunion'a eu lieu
à La Have le 16 octobre. Je rappelle que la iustice diiboutienne, qui a conclu à un sui-
cide et a classé l'affaire.se dit prête à réouvrir le dossier si la iustice fiancaise lui
communique des éléments nouveaux, notamment un rapport d'autopsie qui contredirait
la thèse du suicide. La transmission du dossier d'instruction n'a pu à ce jour intervenir
compte tenu de notre désaccord sur la mise en œuvre de la Convention d'entraide iudi-
ciaire, et c'est précisément ce diffrend qui est soumis à la Cour internationale de Jus-
tice de La Have )) (Décès du juge Borrel, Réponse de la Ministre Déléguée à la Coopé-
ration, au Développement et à la Francophonie à une question d'actualité à l'Assemblée
Nationale, Paris, 15 novembre 2006, Annexe 33). Il y a donc, apprend-on, des
« difficultés » et un « désaccord », quant à la mise en œuvre de la Convention
d'entraide judiciaire ; on apprend aussi que pour l'essentiel ce désaccord « repose (...)
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de la République de Djibouti 1.5 mars 2007
125. Si la violation des deux traités liant la République française à l'égard de la République
de Djibouti reposait principalement sur le comportement des autorités de cet Etat
concernant la question spécifique de la demande de commission rogatoire internatio-
nale émise par Djibouti, la coopération entre ces deux Etats s'est trouvée affectée par
une série de mesures bien plus variées qui constituent toutes des violations du droit in-
ternational général et coutumier relatif à l'obligation fondamentale de prévenir les at-
teintes à la personne, la liberté ou la dignité d'une personne jouissant d'une protection
internationale.
126.Cette obligation implique tout d'abord, par définition, une obligation d'abstention, de
caractère négatif; visant à ne pas commettre d'actes susceptibles de porter atteinte à la
protection de ces personnes. C'est à la lumière de cette dimension qu'il convient
d'examiner les deux types d'actes auxquels les autorités judiciaires françaises ont eu
recours dans le cadre de l'affaire (( Borrel », à savoir la convocation à témoin et le
mandat d'arrêt international. Malgré une nature différente quant à leur degré d'atteinte
à la personne jouissant d'une protection internationale, tous deux sont illicites au regard
du droit international général et coutumier.
127.Le premier acte a visé la plus haute autorité de la République de Djibouti, le Président
lui-même, Son Excellence Monsieur Ismaël Omar Guelleh, et ce à deux reprises, com-
portement doublé d'une attitude généralisée de mépris pour la personne du Chef de
l'Etat, en violation de l'obligation de prévenir les atteintes à sa personne, sa liberté et sa
dignité. L'émission et la diffusion de mandats d'arrêt internationaux contre des ressor-
tissants djiboutiens jouissant d'une protection internationale sont également constituti-
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
III. 4.1 La violation par les autoritésfiançaises de 1 'obligation de ne pas porter atteinte
à lapersonne, à la liberté et à la dignité du Chef de llEtat djiboutien
129.La Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes
jouissant d'une protection internationale y compris les agents diplomatiques, du 14 dé-
cembre 1973, entrée en vigueur le 20 février 1977, à laquelle la République de Djibouti
et la République française sont parties, énonce dans son article le', au titre de la défini-
tion d'une (( personne jouissant d'une protection internationale », en premier (( tout
chefd3Etat».24
23 Cette distinction entre le caractére négatif et positif d'une obligation juridique a notamment été développée par
le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, Comité des droits de I'homme, Observation genérale No.
31, La nature de l'obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, 26 mai
2004,CCPR/C/2 1fRev.1IAdd.13, par. 6.
24
L'article le', paragraphe 1, (a), se lit comme suit :
Aux fins de la présente Convention:
1. L'expression ((personnejouissant d'une protection internationale)) s'entend:
a) de tout chef d'Etat, y compris chaque membre d'un organe collégial remplissant en vertu de la constitution de
I'Etat considéré les fonctions de chef dlEtat; de tout chef de gouvernement ou de tout ministre des affaires étran-
gères, lorsqu'une telle personne se trouve dans un Etat étranger, ainsi que des membres de sa famille qui
l'accompagnent (...) ».
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
132. Le comportement des autorités judiciaires françaises contraste sérieusement avec les
principes de droit international qui viennent d'être évoqués. La convocation à témoin
émise, le 17 mai 2005, par le juge d'instruction français Sophie Clément à l'encontre
du Président de la République de Djibouti en tant que témoin dans l'affaire « Borrel ))
constitue une violation incontestable des obligations pesant sur la France (Annexe 28).
A ce titre, la nouvelle convocation émise par cette même magistrate en février 2007
pour une audition lors du Sommet Afrique-France à Cannes témoigne d'une attitude de
mépris grave de la part des autorités judiciaires françaises à l'égard des règles interna-
tionales protégeant la dignité du Chef de 1'Etat djiboutien. II est étonnant que les autori-
tés gouvernementales françaises aient quant à elles gardé un silence condamnable face
à ces violations répétées qu'elles ne pouvaient ignorer.
ls POIRAT, Florence, « Les immunitks des sujets du droit international », in Joe Verhoeven (dir.), Le droit inter-
national des immunités :contestation ou consolidation ?, Paris, L.G.D.J./Larcier,2004, p. 14.
Mémoire Page 51 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
laires, certaines personnes occupant un rang élevé dans l1Etat,telles que le chef de
1'Etat (...), jouissent dans les autres Etats d'immunités de juridiction, tant civiles que
pénales ».26 Or, cette notion ne couvre pas les seules décisions rendues sur le fond d'un
litige mais également d'autres types d'actes adoptés par un magistrat, y compris ceux
par lesquels on tenterait d'obliger les personnes en question à prêter témoignage.
135.Il sied de rappeler à ce titre que la Cour, dans l'affaire du Mandat d'arrêt, a examiné en
quoi l'émission et la diffusion d'un mandat d'arrêt international porte atteinte aux rè-
gles sur l'immunité par rapport à la nature et à la portée de cet acte. La Cour a constaté
à ce propos que l'émission même d'un tel mandat (( constitue un acte de 1 'autoritéjudi-
ciaire belge ayant vocation àpermettre 1 'arrestation ».27 Or certes, une convocation à
témoigner n'est pas en soi un acte de contrainte comparable à un mandat d'arrêt, mais
elle a tout de même indiscutablement une composante contraignante, du fait même de
l'intimation à comparaître qui est adressée à la personne convoquée : une telle intima-
tion contredit alors elle aussi l'immunité de juridiction. Les deux convocations à témoin
précitées à l'encontre du Président de la République de Djibouti, qui visaient à lui im-
poser de témoigner dans l'affaire (( Borrel », portent donc atteinte à son immunité bien
qu'il ne s'agisse pas d'actes de contrainte de même nature qu'un mandat d'arrêt.
136.Il est par conséquent indéniable que la République française s'est rendue responsable
de violation de l'obligation de ne pas porter atteinte à la dignité et à l'honneur du Chef
de 1'Etat djiboutien. Une telle négation des règles élémentaires du droit international
coutumier est confirmée lorsque l'on considère l'émission et la diffusion de mandats
d'arrêt internationaux par les autorités judiciaires françaises à l'encontre de plusieurs
ressortissants de la République de Djibouti jouissant également d'une protection inter-
nationale.
III. 4.2 La violation par les autoritésfiançaises de 1 'obligation de pas porter atteinte à
lapersonne, à la liberté et à la dignité d'autres ressortissants djiboutiens jouissant
d'une protection internationale
137.Le chef de 1'Etat n'est pas la seule personne bénéficiant d'une protection internationale
selon le droit international. La Convention de 1973 précitée évoque aussi à son article 2
paragraphe 3, (( tout représentant,fonctionnaire ou personnalité ofJicielle d'un Etat
(...) qui (...) a droit conformément au droit international à une protection spéciale
26 Aflaire relative au Mandat d'arrêt du I I avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), Arrêt
du 14 fdvrier 2002, par. 5 1 .
27 Ibid, par. 70.
Mémoire Page 52 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
138.Dans cette perspective, l'émission et la diffusion de mandats d'arrêt par les autorités
judiciaires françaises pour (( subornation de témoins )) contre MM. Djarna Souleiman
Ali et Hassan Saïd, respectivement Procureur de la République de Djibouti et chef de la
sécurité nationale de Djibouti, constituent des violations supplémentaires du droit inter-
national coutumier. Les mandats d'arrêt, actes de contrainte ayant (( vocation àpermet-
tre 1 'arrestation »,selon les mots de la Cour internationale de Justice, portent incontes-
tablement atteinte à l'immunité et à l'inviolabilité des personnes concernées et font de
ce fait obstacle à 1 'accomplissement des missions spéciales que ces personnalités peu-
vent avoir à remplir, notamment dans le cadre des relations internationales bilatérales
relatives à la mise en œuvre de la Convention de 1986. Il convient de rappeler à nou-
veau à ce sujet que la Convention précitée sur les missions spéciales confirme le prin-
cipe de 1'inviolabilité personnelle et juridictionnelle des membres de ces missions. Ces
comportements illicites au regard de l'obligation de s'abstenir de porter atteinte à la
protection internationale de certains individus ont aussi été accompagnés de comporte-
ments engageant la responsabilité internationale de la République française pour ne pas
avoir su prévenir de telles atteintes.
1114.3 La violation par les autorités françaises de l'obligation de prendre toutes mesu-
res appropriées pour prévenir les atteintes à la personne, la liberté et la dignité des
personnes jouissant d'une protection internationale
139.L'obligation d'adopter des mesures positives, afin de prévenir les atteintes à la per-
sonne, à la liberté, à la dignité ou plus généralement à l'immunité de certaines person-
nes, revêt un caractère coutumier. Outre l'article 2 paragraphe 3 de la Convention de
1973, précitée, elle se retrouve dans des domaines spécifiques comme le droit des rela-
tions diplomatiques. L'article 29 de la Convention de 1961 sur les relations diplomati-
ques dispose ainsi que « la personne de 1 'agent diplomatique est inviolable. Il ne peut
être soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention. L 'Etat accréditaire le traite
avec le respect qui lui est dû, et urend toutes mesures apuropriées pour empêcher toute
28 Ibid., par. 5 1 .
Ibid.
Mémoire Page 53 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
140.Le silence, l'inaction et la passivité des autorités françaises durant les différentes étapes
de la procédure relative à l'affaire (( Borrel », comme le fait que certains organes judi-
ciaires aient pu adopter à plusieurs reprises des actes contraires au droit international,
tels que la seconde convocation à témoin de 2007, émise à l'encontre du Président de la
République de Djibouti, constituent autant d'éléments permettant d'établir la violation,
par la République française, d'une autre obligation, l'obligation générale de prendre des
mesures appropriées afin de prévenir les atteintes à la protection internationale de cer-
taines personnes.
141. L'Etatfiançais a par conséquent, d'une part, commis une série de violations des traités
internationaux de 1977 et de 1986 et, d'autre part, une violation du droit international
général et coutumier concernant la protection internationale dont bénéficient de hautes
personnalités de Djibouti. Ces faits illicites engagent la responsabilité de la République
française dès lors qu'il n'existe en l'espèce aucune circonstance justifiant de tels com-
portements.
142.Aucune circonstance n'excuse les violations du droit international commises par la Ré-
publique française. A ce titre, ni les motifs prévus dans le cadre du régime mis en place
par la Convention de 1986 pour refuser l'entraide judiciaire, ni le droit international
général de la responsabilité, encore moins le droit interne, ne sont recevables en
l'espèce, la France engageant ainsi sa responsabilité internationale.
144.La commission rogatoire internationale ayant été demandée dans le cadre et en applica-
tion même de la Convention de 1986, le refus opposé à la République de Djibouti de-
vrait relever à titre principal des règles spécifiques prévues par ce traité en son article 2
pour fonder une telle décision négative. Au contraire, les autorit6 françaises ont conti-
nué à rassurer la République de Djibouti quant à l'exécution imminente de la commis-
sion rogatoire, démontrant par là l'absence totale de nécessité ou bien de volonté de se
fonder sur l'article 2 et créant ainsi des attentes légitimes sur lesquelles la France
n'était pas légitimée à revenir ultérieurement comme elle l'a fait.
145.Et pourtant un peu plus tard, à savoir le 6 juin 2005, la France allait finalement com-
muniquer à la Partie djiboutienne qu'elle avait totalement changé d'avis et que ses en-
gagements antérieurs ne valaient rien. Comme on le sait, l'Ambassadeur de France à
Djibouti a écrit au Ministre des Affaires étrangères djiboutien pour l'informer que
1'Etat français n'était pas en mesure de faire exécuter la commission rogatoire interna-
tionale. On a déjà commenté la phrase lapidaire indiquant que (( [alprès consultation de
mes autorités, je suis au regret de vous informer que nous ne sommes plus en mesure
de donner suite à cette demande )) (Annexe 24). La violation grave de la Convention de
1986 ainsi perpétrée par ce défaut total de motivation a été mise en exergue précédem-
ment. Il convient maintenant de souligner qu'une telle absence de motivation empêche
de considérer qu'on ait voulu faire appel aux raisons justificatives énumérées à l'article
2 de la Convention.
146. Si, comme semblerait l'indiquer une lettre du juge d'instruction parisien, Madame So-
phie Clément, en date du l l février 2005, le refus d'exécution de la commission roga-
toire demandée par Djibouti serait motivé par le fait que la justice française considère
la transmission du dossier Borrel aux autorités judiciaires djiboutiennes comme étant
(( contraire aux intérêts fondamentaux de la France »,la République de Djibouti sou-
147. Les alinéas a) et b) de l'article 2 ne couvrent assurément pas une telle excuse. L'alinéa
c), bien qu'apriori plus pertinent, n'est pas non plus recevable. En premier lieu, il ap-
paraît hautement discutable qu'un juge d'instruction puisse être en mesure d'apprécier
seul les intérêts fondamentaux d'un Etat auxquels l'exécution de la commission roga-
toire internationale pourrait porter préjudice : il s'agit la d'un type d'appréciation qui,
devant porter sur les atteintes éventuelles à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre pu-
blic ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat, relève par nature de la compétence des
organes suprêmes de celui-ci.
148. En deuxième lieu, il convient de souligner que rien au cours des différentes étapes du
traitement du dossier Borrel n'avait laissé apparaître que des obstacles de principe ris-
quaient d'empêcher le fonctionnement normal de la procédure relative à l'exécution de
la commission rogatoire internationale.
149. En troisième lieu, il va de soi que l'article 2, c), de la Convention d'entraide judiciaire
1
I
ne permet pas à une des Parties de se soustraire ad libitum à ses obligations, telles que
prévues par la Convention, au moyen de la simple allégation apodictique que de pré-
tendus « intérêts essentiels » imposeraient d'agir ainsi. Il est indispensable, en effet,
que l'autre Partie contractante soit mise en mesure de comprendre quels sont exacte-
ment les intérêts fondamentaux en jeu et que, une fois la Cour internationale de Justice
saisie du règlement du différend, celle-ci puisse exercer pleinement sa compétence en
jugeant au fond de la question de savoir si les intérêts fondamentaux de 1'Etat sont ou
non correctement invoqués en l'esp6ce.
152. Aux vues des éléments pertinents relatifs au traitement de l'affaire « Borrel )) par les
autorités françaises, il est certain qu'aucune des circonstances excluant l'illicéité accep-
tées en droit international général ne peut être invoquée en l'espèce. Cela est d'autant
plus vrai que les organes exécutifs de la République française se sont expressément en-
gagés, en application de la Convention d'entraide judiciaire de 1986 à exécuter la
commission rogatoire internationale demandée par la République de Djibouti, recon-
naissant, par là même, l'absence de circonstances justifiant de s'écarter du régime
conventionnel contraignant à leur égard. En dehors de la question des circonstances ex-
cluant I'illicéité, la France ne pourrait pas non plus arguer de son droit interne pour se
soustraire à ses obligations conventionnelles.
III. 5.3 L 'impossibilitépour la France d'invoquer son droit interne aux fins de se délier
de son obligation internationale d'exécuter la commission rogatoire internationale (Ar-
ticle 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités)
153. Bien que la France ne soit pas partie à la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traités, cet instrument codifie « à bien des égards », selon la Cour internationale de Jus-
tice, le droit coutumier en la matière.30A ce titre, l'un des principes fondamentaux du
droit des traités, codifié à l'article 27 de la Convention de Vienne, est qu'« une partie
ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution
d'un traité ». Il s'agit là d'un « corollaire de la règle fondamentale contenue à 1 'article
qui la précède :le principe pacta sunt servanda »." Le droit interne doit être entendu
dans un sens large, incluant également les décisions juridictionnelles nationa~es.)~
154. Exactement comme au stade de l'attribution l'organisation interne d'un Etat ne peut
faire obstacle à l'attribution d'un comportement à l'Etat, de même la République fran-
çaise ne saurait en aucun cas invoquer les principes de son droit interne pour justifier la
violation de la Convention d'entraide judiciaire, y compris les principes de droit natio-
nal relatifs à la répartition des pouvoirs entre les organes judiciaires et les organes exé-
cutifs de 1'Etat. Par ailleurs, l'article 3 paragraphe 1 de cette même Convention ne fait
pas échec à ce principe général du droit des traités à peine évoqué, car il dispose sim-
plement que les commissions rogatoires internationales doivent être exécutées
(( conformément à la législation nationale )) : le droit interne intervient au stade de
156.En outre, la République de Djibouti a démontré que les faits internationalement illicites
dont elle est la victime, commis par la République française, découlent tant d'actions
que d'omissions. Les deux catégories sont comprises dans le concept de fait internatio-
nalement illicite, comme il ressort clairement de l'article 2 des Articles sur la respon-
sabilité de 1 'État de la Commission du droit internati~nal.~~
157.Le principe qu'un fait internationalement illicite, commis par un État, engage la res-
ponsabilité de cet État a été établi depuis longtemps et est a la base de la codification
par la Commission du droit international des articles sur la responsabilité de l'État.)'
Comme la compétence de la Cour a régler le présent différend est acquise (voir ci-
dessus Chapitre 1), il va de soi que la Cour est également et au même titre compétente à
examiner et a juger des remèdes demandés par la République de Djibouti dans la pré-
sente espèce. Dans l'affaire LaGrand la Cour a énoncé :
« S'il est établi que la Cour a compétence pour connaître d'un différend por-
tant sur une question déterminée, elle n'a pas besoin d'une base de compétence
distincte pour examiner les remèdes demandés par une partie pour la violation
en cause (Usine de Chorzbw, C.P.J.I. série A no 9, p. 22). »)6
158. Les re'mèdes demandés par la République de Djibouti sont d'un caractère varié. Evi-
demment, pour la République de Djibouti le plus important'est que la République fran-
çaise maintienne son devoir d'exécuter ses obligations internationales pertinentes. En
outre, la République de Djibouti demande la cessation des faits internationalement illi-
cites, tout comme des assurances et des garanties de non-répétition de la part de la Ré-
publique française. Enfin, la République de Djibouti demande la réparation intégrale
j4 Voir le rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-troisieme session, 23
avril- l er juin et 2 juillet- 10 aoOt 200 1 , doc. A/56/10,p. 70.
35 Ibid., Article 1 , p. 65 ; voir aussi Commentaire de l'article 1 , par. 2, Ibid., p. 66-67.
36 LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 485, par. 48.
Mémoire Page 59 sur 68
de l a République de Djibouti 15 mars 2007
des préjudices causés. Dans les sections suivantes la République de Djibouti exposera
ces questions plus à fond.
159. L'article 29 des Articles sur la responsabilité internationale de 1'Etat dispose que :
(( Les conséquences juridiques d'un fait internationalement illicite prévues
juridiques est établi entre l'État responsable et l'État ou les États auxquels
l'obligation internationale est due. Cela ne signifie pas que la relation juridique
préexistante établie par l'obligation primaire disparaît
Par conséquent, les obligations qui sont en jeu dans le présent différend n'ont pas dis-
paru. En effet, la République de Djibouti maintient sa requête relative à la transmis-
sion du dossier Borrel, se composant non seulement des documents présents au dossier
à la date à laquelle les autorités françaises avaient reconnu l'obligation de la France de
le transmettre à Djibouti et promis formellement ladite transmission, ou à la date de la
saisine de la Cour, mais aussi de tous les documents faisant partie du dossier tant ac-
tuellement qu'au moment où la Cour délivrera son jugement, ainsi que de tous les do-
cuments qui feront partie du dossier à l'avenir. Il en est de même mutatis mutandis
pour les obligations de la République française de respecter la personne et les irnmuni-
tés du Président de la République de Djibouti ainsi que la personne et les immunités
de certains ressortissants djiboutiens jouissant d'une protection internationale.
160.De toute évidence la République de Djibouti ne saurait être astreinte a renouveler in-
terminablement ses requêtes au Ministère de la justice français de transmettre le dossier
Borrel, au fur et à mesure que de nouvelles pièces sont versées au dossier tout au long
de la continuation des recherches et enquêtes menées par les autorités françaises. C'est
pour ces raisons que la République de Djibouti demande à la Cour de dire et juger que
l'obligation de la France quant à la transmission à Djibouti du dossier Borel a un carac-
tère continu et ne prendra fin que lorsque ce dossier sera définitivement clos et classé.
161. Dans les chapitres précédents, la République de Djibouti a démontré que la République
française n'a pas tenu l'engagement par elle pris, inter alia, dans la lettre du 27 janvier
2005 (Annexe 21) de transmettre le dossier Bonel aux autorités djiboutiennes une fois
certaines formalités remplies et qu'ensuite la République fiançaise a refusé expressé-
ment de le faire par lettre du 6 juin 2005 (Annexe 24). Par conséquent, la conclusion
que la République française a violé et continue de violer ses obligations est indéniable.
162.De même il a été établi que la République française a violé et continue de violer ses
obligations internationales relatives au respect de la personne du Président de la Répu-
blique de Djibouti et de ses immunités ainsi que celles qui ont trait au respect de la per-
sonne et des immunités de ressortissants djiboutiens jouissant d'une protection interna-
tionale.
163.Pour la République de Djibouti le premier souci est que la Cour en la présente affaire,
par son arrêt, mette fin aux violations qui continuent d'être commises par la République
française.
Voir le rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-troisième session, op.
cit., p. 233.
39 Ibid., p. 235, par. 5.
Mémoire Page 61 sur 68
de la République de Djibouti 15 mars 2007
165. L'obligation de cessation, qui fait partie, « [pJar suite dufait internationalement illi-
cite, [d']un nouvel ensemble de relations juridiques (...) )?O, constitue ainsi en soi une
des obligations internationales que comportent la responsabilité internationale de 1'Etat.
Cette obligation se distingue formellement des obligations discutées à la section précé-
dente, même si l'accomplissement de cette obligation conduit matériellement au même
résultat indiqué dans la section précédente.
166. Par conséquent la République de Djibouti prie la Cour de juger que la République fran-
çaise doit immédiatement mettre fin aux violations de ses obligations internationales,
telles que décrites dans ce Mémoire.
167. Dans le cadre du présent différend, la République de Djibouti est forcée de demander
des assurances et des garanties de non-répétition, puisque la République française est
revenue sans aucune explication sur son engagement de transmettre le dossier Borrel,
avant de refuser explicitement toute transmission dudit dossier. Ce refus a été suivi de
surcroît d'une quantité d'insinuations et accusations à l'adresse du Président de la Ré-
publique de Djibouti et de certains ressortissants djiboutiens jouissant d'une protection
internationale.
168. La République de Djibouti demande non seulement que soit mis fin à la violation de
ces obligations internationales par la République française, mais encore qu'à l'avenir
aucune nouvelle violation d'obligations internationales par rapport au dit dossier ne
survienne. Il est probable que les positions que la République française prendra lors des
phases ultérieures de la présente procédure permettront de mieux comprendre jusqu'à
quel point la situation nécessite que la République française fournisse des assurances et
garanties d'ampleur appropriée. Dès à présent, toutefois, il appert que les assurances et
garanties sollicitées sont pertinentes et indispensables.
169. Quant à la forme des assurances et garanties demandées, la République de Djibouti n'a
pas de raison de demander une assurance générale de non-répétition par rapport à
l'observation du Traité d'amitié, de la Convention d'entraide judiciaire et des autres
obligations internationales par la République française. La République de Djibouti li-
mite sa demande à des assurances et garanties spécifiques, relative à la situation
d'espèce.
170. La jurisprudence de la Cour montre que les assurances et les garanties diffèrent selon le
cas." Djibouti estime en la présente affaire qu'une offre pleine et simple d'assurances
et de garanties de non-répétition des violations constatées par la Cour est appropriée.
Le choix des moyens par lesquels ces assurances et garanties seront fournies reviendra
à la République française, sous réserve des indications que pourra fournir la suite de la
présente procédure.
IV.3. Réparation
172.Dans le jugement au fond dans l'affaire Usine de Chorzbw la Cour Permanente de Jus-
tice Internationale s'était déjà prononcé sur la substance de cette obligation :
(( Le principe essentiel, qui découle de la notion même d'acte illicite et qui
4' LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 513, par. 124-125 ; Avena et
autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004, p. 69, par. 150 ;
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt du 19 dé-
cembre 2005, par. 257.
42 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt du 19
décembre 2005, par. 259.
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IV.3.1 Restitution
174. L'obligation de procéder à la restitution se traduit, ainsi que l'a relevé la C.D.I., (<dans
le rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis ».45
Concernant le refus par la France de transmettre au demandeur le dossier Borrel,
l'obligation de remise des choses en l'état s'identifie et se confond en substance avec
l'obligation de cesser la conduite illicite et de revenir au respect de l'engagement inter-
national violé, en révoquant et mettant à néant tous les empêchements et obstacles illé-
galement survenus en cours de route (tels les refus d'autorités gouvernementales, ad-
ministratives ou judiciaires françaises d'accomplir les actes requis pour un tel respect ).
Autrement-dit, le rétablissement de la situation signifie que la France devra remettre à
Djibouti une copie de la totalité des documents, faisant partie du dossier Borrel.
IV.3.2 Indemnisation
177. La République de Djibouti demande que le montant de l'indemnité à recevoir soit fixé
par la Cour dans une phase ultérieure de la procédure, à défaut d'accord entres les Par-
ties, cette manière de procéder ayant déjà été acceptée antérieurement par la Cour dans
nombre de cas.47
IV.3.3 Satisfaction
178. Qu'une réparation puisse être fournie sous la forme de la satisfaction est une notion
également bien établie en droit international. Dans l'affaire Détroit de Corfou la Cour
internationale de Justice a énoncé qu'elle devait :
(( Pour assurer l'intégrité du droit international dont elle est l'organe, constater
46 lbid., p. 262.
47 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis dlAmerique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p.143, par. 284; Activités armées sur le territoire du Congo (République démo-
cratique du Congo c. Ouganda), arrêt du 19 dCcembre 2005, par. 260.
48
Détroit de Corfou,fond, C.I.J. Recueil 1949, p. 35 ; voir aussi Rainbow Warrior (Nouvelle-ZélanddFrance),
Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XX,p. 272 et 273, par. 122.
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49 Voir le rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-troisième session, op.
cit., p. 284.
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V. Résumé et demandes
K I Résumé
181.L'objet du différend soumis à la Cour porte sur le refus des autorités gouvernementales
et judiciaires françaises d'exécuter une commission rogatoire internationale concernant
la transmission aux autorités judiciaires djiboutiennes du dossier relatif à la procédure
d'information relative à 1' « Affaire contre X du chef d'assassinat sur la personne de
Bernard Borrel », en violation de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale
entre le Gouvernement de la République de Djibouti et le Gouvernement de la Républi-
que française du 27 septembre 1986, ainsi qu'en violation connexe d'autres obligations
internationales pesant sur la République française envers la République de Djibouti.
184. Encore et toujours dans le contexte de la même affaire, de surcroît, la France a violé et
continue de violer les principes internationaux interdisant les atteintes à la dignité et à
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la liberté des hauts représentants d'autres Etatç, et ce par la convocation de telles per-
sonnes en tant que témoins assistés devant des autoritésjudiciaires françaises et par
I%taablissement à leur égard de mandats d'arrêt internationaux.
E2 Demandes
Pour les motifs ci-dessus, ainsi que pour les motifs présentés par sa Requête introductive d'
instance du 4 janvier 2005, la République de Djibouti, tout en se réservant le droit de com-
pléter ou de modifier les gresentes conclusions et de fournir a la Cour de nouvelles preuves
et de nouveaux arguments juridiques pertinents clans le cadre du présent différent, prie la
Cour de dire et juger :
1, que lai République française a mangue aux obligations lui incombant en vertu de la
Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la Repu-
blique de: Djibouti et le Gouvernement de la Republique française du 27 septembre 1986
et en vertu du Traite d b i t i é et de coopération entre la République française et la Répu-
blique de Djibouti signé à Djibouti le 27 juin 1977 et des autres règles de droit interna-
tional applicables au présent cas, par son r e k s de donner suite à la commission rogatoire
demandée par la République de Djibouti, plus spécifiquement par son refus de transmet-
tre le dossier rr Borrel » aux autorités judiciaires de Djibouti ;
2. que la République française a manqué aux obligations découlant des principes établis du
droit international général et coutumier de prevenir les atteintes à la liberté, A la dignité
et aux immunittrs d'une personne jouissant d'une protection internationale, du fait des
convocations en tant que témoins assistés du Chef de 1'Etat djiboutien et de hauts res-
ponsables djiboutiens, ainsi que du fait de l'établissement de mandats d'met internatio-
naux contre ces derniers ;
4, que la République franqaise est tenue de cesser son comportement illicite et de respecter
scnipuleusement a l'avenir les obligations lui incombant ;
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de la République de Djibouti 15 mars 2007
5. que la République française doit exécuter sans plus tarder la commission rogatoire indi-
quée supra en remettant immédiatement en mains djiboutiennes le dossier précité ;
6 . que la République française doit retirer et mettre à néant les convocations en qualité de
témoins assistés du chef d'Et& de la Rkpublique de Djibouti et de ressortissants Djibou-
tiens jouissant d'une protection internationale pour subornation de témoins dans
r( l'affaire contre X du chef dhssassinat sur la personne de Bernard Borrel N ;
7. que la Rtpublique française doit retirer et mettre à néant les mandats d'arret internatio-
naux émis et diffusés contre des ressortissants djiboutiens jouissant d'une protection in-
ternationale ;
10. que la natuLe, les formes et le montant de la rdparation seront déterminés par la Cour, au
cas où les Parties ne pourraient se mettre d'accord à ce sujet, et qu'elle réserve A cet ef-
fet la suite de la procédure.
La République de Djibouti se réserve le droit de faire valoir taut moyen de droit et argument
supplémentaires à l'occasion des plaidoiries orales.