Extrait de La Publication: Une Question Est Une Réponse. Paul Claudel

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Éditeur : Stéphane Chabenat


Directeur de collection : Olivier Dhilly
Suivi éditorial : Clotilde Alaguillaume
Conception graphique : Emmanuelle Noël
Conception couverture : Rémi Pépin

Les éditions de l’Opportun


16, rue Dupetit Thouars
75003 PARIS

www.editionsopportun.com
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Aïda N’Diaye

Toute vérité est-elle


bonne à dire ?
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Sommaire

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Toute vérité est-elle bonne à dire ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ......... 7


Le mensonge et le secret
peuvent être justifiés et utiles..........................20

Parce que la vérité a un coût, cela ne


signifie pas que nous ne devons pas la dire,
quel qu’en soit le prix.....................................32

Une condition : ne pas dire la vérité


n’importe comment à n’importe qui..............42

Qu’en disent les philosophes ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ....... 59


Platon ou « le courage de la vérité »...............62

Kant ou le « prétendu droit de mentir


par humanité ».................................................73

Nietzsche ou la vérité « au sens


extra-moral »..................................................81

Sartre ou « la responsabilité totale »...............88

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Toute vérité
est-elle bonne
à dire ?

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Toute vérité est-elle bonne à dire ?


La vérité est un idéal ambivalent…
Lorsque Pierre Desproges mourut, il ignorait
de quoi. Sa femme et ses médecins choisirent de
ne pas lui dévoiler cette information, espérant
sans doute alléger ses derniers mois de vie, et,
peut-être, obtenir une amélioration de son état,
tant on sait que le moral du patient peut influer
sur sa santé. En agissant de la sorte, les médecins
ne firent qu’appliquer les dispositions prévues par
le code de déontologie médicale, qui stipule bien
que, si le médecin doit à son patient « une infor-
mation loyale, claire et appropriée sur son état,
les investigations et les soins qu’il lui propose »,
« un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un
diagnostic ou d’un pronostic graves » et même

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qu’ « un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec


circonspection1 ».
Ainsi apparaît l’ambiguïté de la vérité. Loin
d’être « bonne » absolument, elle semble ici nui-
sible, potentiellement dangereuse, et ne devant
être maniée qu’avec prudence et « circons-
pection ». D’ailleurs, le proverbe auquel notre
question fait référence s’écrit à la négative :
« Toute vérité n’est pas bonne à dire. » Or, à
l’opposé de cette méfiance à l’égard de la vérité,
on peut être spontanément tenté de la considérer
comme un idéal. Si l’on compare, par exemple,
la vérité à l’un de ses contraires, le mensonge,
celui-ci a immédiatement une connotation néga-
tive. À l’inverse, la vérité semble, elle, d’emblée
positive, souhaitable.
Cet idéal de vérité touche à un large panel de
domaines. C’est un idéal de justice – le système
judiciaire ne doit-il pas permettre la « manifes-
tation de la vérité » ? Un idéal religieux – même
si le mensonge ne constitue pas un péché capital,
il n’en reste pas moins réprouvé et, au contraire,
la sincérité et la véracité encouragées, comme
le prouve par exemple la pratique de la confes-

1. Code de déontologie médicale, édition de juillet 2002.

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sion nécessaire à l’obtention du pardon. Un idéal


social – l’interdit du mensonge n’est-il pas l’un
des principaux piliers de l’éducation transmise
aux enfants, pas seulement pour ce que le men-

Toute vérité est-elle bonne à dire ?


songe aurait d’immoral mais aussi pour ce que le
mensonge a de nuisible, la vie en société n’étant
possible qu’entre individus qui peuvent se faire à
peu près confiance. Un idéal moral – là encore,
le mensonge est réprouvé car il est souvent syno-
nyme de recherche d’intérêts particuliers qu’une
conduite morale, gratuite et désintéressée, doit au
contraire nous apprendre à fuir. Un idéal psycho-
logique – une existence saine ne repose-t-elle pas
sur une connaissance et une conscience claires et
fiables de soi ? Et enfin, un idéal épistémologique
– la recherche de la vérité étant l’objectif du tra-
vail scientifique.

… qui pose doublement le problème


Deux remarques donc s’imposent ici. D’abord,
nous constatons que la vérité touche à un éventail
très large de domaines qui concernent les diffé-
rents aspects de notre existence, du théorique au
pratique, de l’individuel au collectif, du moral
au politique et au social. Là réside la première
dimension de notre problème, car s’il nous faut

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répondre pour toute vérité, il nous faut donc trou-


ver une solution générale, valable pour la vérité
absolument, sans varier en fonction des circons-
tances ni des cas particuliers.
Ensuite, nous voyons aussi que, en dépit
d’une connotation éminemment positive de la
vérité, son ambivalence ne fait pas de doute. À
l’évidence, si le mensonge, les secrets sont mon-
naie courante, là encore dans bon nombre de
domaines, c’est bien parce que dire la vérité de
manière systématique pose problème. Comment
expliquer sinon que nous ayons tant de mal à
nous y tenir alors que dans le fond nous savons
que nous le devrions ? Nous avons donc affaire
à un idéal ambivalent, et c’est bien là l’origine
du problème que nous allons essayer de résoudre.
Nous savons que nous avons un devoir de vérité,
il nous semble toutefois impossible de nous y
tenir… Que faire ?

Comment dire la vérité pour qu’elle reste « bonne » ?


Si la vérité peut être dangereuse, ce n’est
toutefois pas nécessairement par elle-même.
Revenons ainsi au code de déontologie médi-
cale. Il nous indique que l’une des sources de
nuisance de la vérité est son énonciation. La

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vérité n’est pas dangereuse en elle-même, mais


seulement dans la mesure où elle est dite :
inviter les médecins à n’annoncer un diagnos-
tic fatal qu’avec circonspection et de manière

Toute vérité est-elle bonne à dire ?


intelligible par le patient suppose en effet que le
dévoilement de la vérité peut avoir un caractère
brutal contre lequel il faut se prémunir. Ce n’est
donc pas tant la vérité qui pose problème que le
fait et la manière de la dire.
Ce caractère brutal tient d’abord à la soudai-
neté du dévoilement de la vérité. Si l’on reprend
justement cette image du dévoilement (en grec
la vérité se dit alêthéia qui signifie précisément
« dévoilement »), de la révélation, il y a comme
un basculement au moment où la vérité est dite
et où l’on passe de l’ombre, de l’ignorance et de
l’insouciance qui l’accompagne, à la confronta-
tion directe avec la vérité. Il faut donc s’interroger
sur ce processus de dévoilement, pour qu’il soit
justement plus un processus qu’un instant, pour
penser la préparation, l’accompagnement néces-
saires afin que la vérité ne soit pas seulement dite
mais aussi acceptée.
Le risque d’une vérité énoncée trop bruta-
lement semble être en effet son inefficacité :
confronté à un tel choc, l’interlocuteur ne
sera pas en mesure de l’entendre. Ce risque

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ne concerne pas seulement celui qui entend


mais aussi celui qui dit la vérité. Révéler que
c’est la Terre qui tourne autour du Soleil
expose au bûcher. Dire la vérité ne repré-
sente pas seulement un risque pour les autres
mais aussi pour soi ! Ce qui pose problème
ici et rend la vérité potentiellement néfaste,
c’est donc bien le fait et la manière de la dire.
La brutalité du dévoilement de la vérité peut
aussi tenir au langage employé. C’est la rai-
son pour laquelle la question se pose avec tant
d’acuité en médecine où le déséquilibre entre
un médecin, doté de compétences scientifiques
et techniques, et un patient, la plupart du temps
ignorant en la matière, fragilise ce dernier. La
vérité devrait donc, pour ne pas être nuisible,
être dite dans le langage adéquat, allégorique,
imagé, peut-être même édulcoré. Alors le pro-
blème de la radicalité de la question apparaît à
nouveau, sous une autre forme. À supposer que
nous trouvions que toute vérité soit, absolument
et inconditionnellement, bonne à dire, qu’il
faille toujours dire la vérité, cela signifie-t-il
pour autant qu’on doive la dire n’importe com-
ment et à n’importe qui ?

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Faut-il se méfier de la vérité en elle-même ou


seulement de ses conséquences ?
Ces éléments font apparaître une nouvelle

Toute vérité est-elle bonne à dire ?


dimension du problème, celle qui nous amène
à distinguer la vérité en elle-même, qui n’est
jamais que discours, et ses prolongements qui
représentent un danger pour les hommes et les
sociétés. Est-ce bien la vérité en elle-même qui
représente un danger, ou seulement les actions
qu’elle initie ?
Ainsi, si la vérité scientifique peut sembler
parfois dangereuse, on peut toutefois se deman-
der si ce n’est pas plutôt son prolongement
technique qui constitue un risque. Sans doute
est-il possible de montrer ce que les découvertes
scientifiques sur l’atome et la fission nucléaire
ont eu comme conséquences nuisibles aussi bien
dans l’usage civil que militaire du nucléaire.
Cependant, il existe aussi des usages positifs du
nucléaire – dans le domaine médical notamment
(rayons X, certains traitements contre le cancer
par exemple). Peut-on donc dire que ces décou-
vertes ne devaient pas être rendues publiques ?
On est tenté de répondre que non, car les
conséquences négatives de ces découvertes ne
tiennent pas à la vérité elle-même, mais aux

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décisions politiques, sociales, aux prolonge-


ments techniques qui entourent et accompagnent
ces avancées. C’est probablement là ce qui fera
dire à Einstein que « la découverte des réactions
atomiques en chaîne ne constitue pas pour l’hu-
manité un danger plus grand que l’invention des
allumettes1. »
Cela paraît d’autant plus fondé que, si l’on
donne à la vérité sa définition classique et nomi-
nale d’adéquation d’un discours avec son objet,
alors elle n’est que paroles. Certes la parole est
loin d’être inoffensive, et c’est bien pour cette
raison qu’un certain nombre de précautions doi-
vent être prises avant de dire la vérité, comme
nous l’avons évoqué, mais l’impact de simples
mots n’est-il pas moindre que celui des actions
qui en découlent ? En elle-même, la vérité ne
serait-elle pas par nature inoffensive, voire
impuissante ? Pourquoi ne pourrait-on pas tou-
jours la dire ?

1. « Pour la protection du genre humain », in Comment je


vois le monde (1934-1958), Albert Einstein, éd. Flamma-
rion, coll. « Champs ».

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Faut-il réprouver le mensonge pour lui-même ou


seulement pour ses conséquences ?
À l’inverse, la même chose peut être dite du

Toute vérité est-elle bonne à dire ?


mensonge. Si nous nous méfions de celui-ci,
n’est-ce pas pour ses conséquences négatives
plus que pour le mensonge en lui-même. Si
j’ai la certitude que la vérité ne me sera jamais
dévoilée, ne puis-je alors me satisfaire de vivre
dans l’illusion ou l’ignorance ? Nous pensons
sans doute qu’il vaut mieux savoir, par exemple
lorsque nous sommes victimes d’un adultère,
mais n’est-ce pas parce que nous craignons ce
fameux moment de la révélation, car nous pen-
sons que, un jour ou l’autre, la vérité finira bien
par éclater et que nous voulons éviter l’humilia-
tion qu’il y aurait alors à reconnaître l’ignorance
dans laquelle nous étions ?
Qu’en serait-il si nous pouvions avoir l’abso-
lue certitude que la vérité ne sera jamais révélée ?
Si nous avions le choix, ne préférerions-nous pas
alors rester dans l’ignorance ? C’est une ques-
tion récurrente du film Matrix. Au début du
film, notamment, Thomas Anderson, qui n’est
pas encore Néo, se voit offrir par Morpheus le
choix entre deux pilules, l’une (bleue) qui lui
garantit une vie d’ignorance dans le monde des

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apparences, celui que nous prenons pour la réa-


lité, l’autre (rouge) qui lui permet d’accéder à
la révélation de la vérité. Or, ce choix n’a de
pertinence que si, comme c’est effectivement le
cas dans le film, la proposition de la pilule bleue
s’accompagne de la garantie de l’oubli. Choisir
la pilule bleue, c’est choisir l’ignorance mais en
ayant la garantie d’y rester.
Cela semble indiquer que nous sommes tout à
fait prêts à accepter le mensonge et les illusions,
aussi longtemps que nous pouvons en éviter les
effets négatifs. Alors on ne peut plus vraiment
dire que nous voulons ou aimons la vérité, ni
même que nous réprouvons le mensonge, mais
seulement que nous fuyons les conséquences
négatives du mensonge.

Peut-on répondre pour toute vérité ?


De même donc que la vérité ne nous inquiète
que par les conséquences nuisibles qu’elle peut
avoir, le mensonge ne nous effraie que par la
perspective de la révélation qu’il implique, car
nous supposons spontanément qu’il prendra fin
nécessairement. Nous ne craignons pas tant la
vérité en elle-même que ce qui peut en découler.
Nous ne nous méfions pas du mensonge mais

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du moment de la révélation. Comment alors se


prononcer sur la valeur de la vérité de manière
absolue, si nous ne l’abordons jamais qu’à tra-

Toute vérité est-elle bonne à dire ?


vers ses conséquences ? Comment déterminer
une attitude à adopter qui soit valable pour toute
vérité ?
En somme donc, le problème tient à ce que
nous ne pouvons nous prononcer de manière
universelle. Nous ne saurions vivre dans une
société où tout le monde ment, pas plus que
dans une société où tous disent la vérité, cette
société du « pré-mensonge » que décrit le film
The invention of lying. Mais où placer le cri-
tère ? Comment savoir quelles vérités peuvent
être dites et quelles vérités doivent être cachées
ou ne peuvent être révélées qu’avec précau-
tion ? Et si nous acceptons que toute vérité n’est
pas bonne à dire parce qu’elle peut nous nuire,
n’est-ce pas renoncer à un idéal de sincérité au
nom de notre intérêt particulier ou collectif ?
N’est-ce pas par faiblesse ou par lâcheté que
nous reculons lorsqu’une vérité nous paraît dif-
ficile ou risquée à dire ?

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Le mensonge et le secret peuvent


être justifiés et utiles
Dire la vérité peut nuire à celui qui la dit...
Nous l’avons dit, la vérité constitue un idéal
pour l’homme, et ce à plus d’un titre. Pour autant,
comme le montre l’exemple de Pierre Desproges,
le mensonge semble bien souvent justifié, pas
seulement au nom d’un banal intérêt particulier,
mais par altruisme, par humanité, pour protéger
l’autre. Il semble alors difficile de faire de la
vérité un devoir absolu, sans aucune restriction
tant elle peut s’avérer nuisible.
L’une des étapes importantes de l’éducation
ne consiste-t-elle pas à apprendre à ne pas dire
la vérité ? Les questionnements spontanés de
l’enfant (« Pourquoi la dame est-elle grosse ? »,
« Pourquoi le monsieur est-il noir ? »…) qui sont
au mieux attendrissants dans le plus jeune âge,
au pire gênants, deviennent de franches marques
d’impolitesse et de mauvaise éducation passé un
certain âge. Ainsi, un individu ne peut fonctionner
socialement sans faire usage d’une certaine dose
d’hypocrisie. Par là, il se sert d’abord lui-même,
en s’évitant les foudres et représailles, plus ou
moins importantes mais toujours réelles, de ceux

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à qui la vérité aurait été dite. « Dire la vérité est


utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux
à ceux qui la disent, parce qu’ils se font haïr1 »,

Toute vérité est-elle bonne à dire ?


écrit ainsi Pascal dans les Pensées.
On comprend toutefois en quoi cela ne peut
suffire à rendre le mensonge légitime : s’il ne fait
que servir celui qui ment, alors, ne risque-t-il pas
de nuire à celui qui en sera victime ? La citation
de Pascal suppose en effet que dire la vérité est
utile pour celui qui l’entend, lui permettant de
procéder à un travail sur lui-même que le men-
songe et l’hypocrisie rendent impossible.

… comme à celui qui l’entend


Cela ne va justement pas de soi non plus, et
on peut aller plus loin que ce que dit ici Pascal en
ajoutant que la vérité n’est pas seulement nuisible
pour celui qui dit la vérité, mais peut aussi être
inutile pour celui qui l’entend. Annoncée trop
brutalement, sans cette édulcoration que constitue
justement la politesse, elle est bien trop violente
pour être entendue et utilisée à bon escient par le
destinataire. Elle devient totalement inutile.

1. Pascal, Pensées, éd. Gallimard, coll. Pléiade.

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Dans Shoah, l’un des témoins interrogés


par Lanzmann, membre des Sonderkommandos
chargés dans les camps de la mort de participer
à l’extermination de leurs coreligionnaires (en
l’occurrence de couper les cheveux des femmes
destinées à être gazées), raconte comment il ne
pouvait pas être entendu lorsqu’il essayait de pré-
venir les condamnées du sort qui les attendait.
C’était tout simplement impossible : les détenues
refusaient de croire en ce qui leur était annoncé.
Dire la vérité est alors totalement inutile, tant et
si bien que, raconte le témoin de Lanzmann, il
cessa purement et simplement d’essayer de dire
la vérité et de prévenir les condamnées. Eût-il pu
le faire, à quoi cela aurait-il servi à des déportées
qui ne pouvaient, dans tous les cas, pas s’échap-
per ? Cas limite, certes, mais qui illustre que,
dans certains cas, le mensonge ne protège pas
seulement celui qui le prononce, et qu’il est utile
à celui qui le dit comme à celui qui l’entend.
Moins radicale, mais tout aussi éclairante est la
parrêsia, le « dire-vrai » (étymologiquement le fait
de tout dire, c’est-à-dire le franc-parler) évoquée par
Foucault dans Le Courage de la vérité. C’est « le
courage de la vérité chez celui qui parle et prend le
risque de dire, en dépit de tout, toute la vérité qu’il

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Conclusion
En définitive, nous voyons donc que la ques-
tion que nous nous sommes posée semble, à bien
des égards, abyssale. Nos actes et nos paroles
s’insèrent dans un environnement incertain.
Dans un tel contexte, comment savoir à coup
sûr quelles conséquences notre sincérité pourrait
avoir sur les autres, sur nous-mêmes ? Comment
prétendre affirmer de manière systématique que
la vérité serait toujours bonne ? Les philosophes
ne s’y sont pas trompés, qui ont fait de cette ques-
tion une de leurs principales interrogations, tant
la question de la vérité est une question centrale,
peut-être la première à laquelle la philosophie se
confronte.
Parler, écrire, dire, c’est en effet être toujours
dans un acte qui engage le statut et la définition de
Qu’en disent les philosophes ?

la vérité, qui n’a de sens que si on peut accorder


crédit à ce qui est dit, que si ce qui est dit peut être
tenu pour vrai. Mais, on le voit, au-delà de cette
première question du statut de la parole philoso-
phique – comme de toute parole – et de sa portée
s’engage une réflexion encore plus fondamentale
sur notre responsabilité à l’égard d’autrui, notre
capacité à la moralité, notre liberté et notre habi-
leté à dépasser nos faiblesses et nos lâchetés.

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ISBN : 978 2 3 6075 081 8
Dépôt légal : à parution
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