Mathématiques 1

2024
MP, MPI
4 heures Calculatrice autorisée
Inégalité de Carleman
On s’intéresse dans ce problème à une inégalité établie par Torsten Carleman : si (𝑎𝑘 )𝑘∈ℕ∗ est une suite de réels
1/𝑛
strictement positifs telle que ∑ 𝑎𝑛 converge, alors la série de terme général (∏𝑛𝑘=1 𝑎𝑘 ) converge et
+∞ 𝑛 1/𝑛 +∞
∑( ∏ 𝑎 𝑘 ) ⩽ e ∑ 𝑎𝑛 .
𝑛=1 𝑘=1 𝑛=1

Le problème est constitué de trois parties largement indépendantes. La première partie commence en démontrant
un analogue intégral de cette inégalité : l’inégalité de Knopp. La deuxième partie s’intéresse à la démonstration
originale de l’inégalité de Carleman, utilisant du calcul différentiel. Enfin, la troisième partie étudie l’inégalité
de Carleman-Yang, qui est un raffinement de l’inégalité de Carleman.

I Inégalité de Knopp
Dans cette partie, on démontre l’inégalité de Knopp, souvent présentée comme analogue continu de l’inégalité
de Carleman (on justifie cette appellation en fin de partie).

I.A – Deux inégalités intégrales

I.A.1) Inégalité intégrale de Jensen
Q 1. Soit 𝑓 : [𝑎, 𝑏] → ℝ une fonction continue par morceaux à valeurs dans un intervalle 𝐽. Soit 𝜑 une
fonction continue et convexe sur 𝐽. Démontrer que
𝑏 𝑏
1 1
𝜑⎛
⎜ ∫ 𝑓(𝑡) d𝑡⎞
⎟⩽ ∫ 𝜑 ∘ 𝑓(𝑡) d𝑡.
𝑏−𝑎 𝑏−𝑎
⎝ 𝑎 ⎠ 𝑎

On pourra utiliser des sommes de Riemann.

I.A.2) Une autre inégalité intégrale
Soit 𝑓 : ℝ+ → ℝ, une fonction continue par morceaux, strictement positive et intégrable.
Pour tout 𝑥 > 0, on pose
𝑥 𝑥
1 1 1
𝑔(𝑥) = ∫ 𝑡𝑓(𝑡) d𝑡 et ℎ(𝑥) = 𝑔(𝑥) = 2 ∫ 𝑡𝑓(𝑡) d𝑡.
𝑥 𝑥 𝑥
0 0

Q 2. Déterminer la limite de 𝑔(𝑥) lorsque 𝑥 tend vers 0.

Q 3. Déterminer la limite de 𝑔(𝑥) lorsque 𝑥 tend vers +∞.
+∞
1
Notant 𝟙[0,𝑥] la fonction indicatrice de [0, 𝑥], on pourra remarquer que 𝑔(𝑥) = ∫ 𝑡𝑓(𝑡)𝟙[0,𝑥] (𝑡) d𝑡.
𝑥
0
+∞

Q 4. En déduire que l’intégrale ∫ ℎ(𝑥) d𝑥 converge et que

0
+∞ +∞

∫ 𝑓(𝑥) d𝑥 = ∫ ℎ(𝑥) d𝑥.

0 0

On pourra utiliser une intégration par parties.

I.B – Démonstration de l’inégalité de Knopp

Soit 𝑓 une fonction continue par morceaux, strictement positive, intégrable sur ℝ+ .
Q 5. Démontrer que, pour tout 𝑥 > 0,

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 𝑥 𝑥
1 e
exp ⎛
⎜ ∫ ln(𝑓(𝑡)) d𝑡⎞
⎟ ⩽ 2 ∫ 𝑡𝑓(𝑡) d𝑡.
𝑥 𝑥
⎝ 0 ⎠ 0

On pourra remarquer que ln(𝑓(𝑡)) = ln(𝑡𝑓(𝑡)) − ln(𝑡).

𝑥
1
Q 6. En déduire que 𝑥 ↦ exp ⎛
⎜ ∫ ln(𝑓(𝑡)) d𝑡⎞
⎟ est intégrable sur ℝ∗+ et que
𝑥
⎝ 0 ⎠
+∞ 𝑥 +∞
1
∫ exp ⎛
⎜ ∫ ln(𝑓(𝑡)) d𝑡⎞
⎟ d𝑥 ⩽ e ∫ 𝑓(𝑥) d𝑥.
𝑥
0 ⎝ 0 ⎠ 0

I.C – Application à l’inégalité de Carleman

On suppose dans cette sous-partie que (𝑎𝑛 )𝑛∈ℕ∗ est une suite décroissante de réels strictement positifs. On note
𝑓 la fonction en escalier qui, pour tout 𝑘 ∈ ℕ∗ , est égale à 𝑎𝑘 sur l’intervalle [𝑘 − 1, 𝑘[.
Q 7. Soit 𝑘 dans ℕ∗ . Démontrer que la fonction 𝑣𝑘 définie sur [𝑘 − 1, 𝑘] par

⎧ 1 𝑘−1 1
{ 𝑣𝑘 (𝑥) = ∑ ln(𝑎𝑖 ) + (𝑥 − 𝑘 + 1) ln(𝑎𝑘 ) si 𝑘 ⩾ 2
⎨ 𝑥 𝑖=1
𝑥
{ 𝑣 (𝑥) = ln(𝑎 )
⎩ 1 1

est minimale pour 𝑥 = 𝑘.

Q 8. Démontrer que, pour tout 𝑘 dans ℕ∗ ,
𝑘 𝑥
1 1 𝑘
∫ exp ⎛
⎜ ∫ ln(𝑓(𝑡)) d𝑡⎞
⎟ d𝑥 ⩾ exp ( ∑ ln(𝑎𝑖 )) .
𝑥 𝑘 𝑖=1
𝑘−1 ⎝ 0 ⎠

On pourra utiliser la question précédente.

Q 9. En déduire l’inégalité de Carleman dans le cas où (𝑎𝑛 )𝑛∈ℕ∗ est une suite décroissante.
Q 10. Expliquer comment on peut retirer l’hypothèse de décroissance.

II Inégalité de Carleman
On démontre dans cette partie l’inégalité de Carleman d’une manière indépendante de la partie I.
La sous-partie II.A établit l’inégalité arithmético-géométrique avec des méthodes de calcul différentiel qui per-
mettent de se familiariser avec celles qui seront utilisées dans la sous-partie II.B pour démontrer l’inégalité de
Carleman.
La sous-partie II.B est indépendante de II.A. L’inégalité arithmético-géométrique sera utilisée dans la partie III.
Soit 𝑛 dans ℕ∗ . On note 𝑈𝑛 l’ouvert (ℝ∗+ )𝑛 . Son adhérence, notée 𝑈𝑛 , est (ℝ+ )𝑛 .

II.A – Inégalité arithmético-géométrique

Soit 𝑠 > 0. On définit les fonctions 𝑓 et 𝑔𝑠 sur 𝑈𝑛 en posant, pour tout 𝑥 = (𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) ∈ 𝑈𝑛 ,
𝑛 𝑛
𝑓(𝑥) = ∏ 𝑥𝑘 et 𝑔𝑠 (𝑥) = (∑ 𝑥𝑘 ) − 𝑠.
𝑘=1 𝑘=1

On note 𝑋𝑠 le sous-ensemble de 𝑈𝑛 constitué des zéros de 𝑔𝑠 : 𝑋𝑠 = {𝑥 ∈ 𝑈𝑛 | 𝑔𝑠 (𝑥) = 0}.

Q 11. On admet que 𝑓 et 𝑔𝑠 sont de classe 𝒞1 sur 𝑈𝑛 . Donner l’expression de leur gradient en un point
𝑥 = (𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) de 𝑈𝑛 .
Q 12. Démontrer que la restriction de 𝑓 à 𝑋𝑠 admet un maximum sur 𝑋𝑠 et que ce maximum est en fait
atteint sur 𝑋𝑠 ∩ 𝑈𝑛 .
On pourra vérifier que 𝑓 est strictement positive en certains points de 𝑋𝑠 ∩ 𝑈𝑛 .
On note 𝑎 = (𝑎1 , …, 𝑎𝑛 ) un élément de 𝑋𝑠 ∩ 𝑈𝑛 en lequel la restriction de 𝑓 à 𝑋𝑠 atteint son maximum.
𝑓(𝑎)
Q 13. Démontrer qu’il existe un réel 𝜆 > 0 tel que, pour tout 𝑘 dans ⟦1, 𝑛⟧, 𝑎𝑘 = .
𝜆
𝑛 1/𝑛
1 𝑛
Q 14. Démontrer alors que, pour tout (𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) ∈ 𝑈𝑛 ∩ 𝑋𝑠 , (∏ 𝑥𝑖 ) ⩽ ∑ 𝑥 et en déduire l’inégalité
𝑖=1
𝑛 𝑖=1 𝑖
arithmético-géométrique

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 𝑛 1/𝑛
1 𝑛
∀(𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) ∈ (ℝ+ )𝑛 , (∏ 𝑥𝑖 ) ⩽ ∑𝑥 .
𝑖=1
𝑛 𝑖=1 𝑖

II.B – Démonstration de l’inégalité de Carleman

On considère l’application 𝐹𝑛 de 𝑈𝑛 dans ℝ, définie par

∀(𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) ∈ 𝑈𝑛 , 𝐹𝑛 (𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) = 𝑥1 + (𝑥1 𝑥2 )1/2 + (𝑥1 𝑥2 𝑥3 )1/3 + ⋯ + (𝑥1 ⋯𝑥𝑛 )1/𝑛 .

On note ℎ𝑛 l’application de 𝑈𝑛 dans ℝ, définie par

∀(𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) ∈ 𝑈𝑛 , ℎ𝑛 (𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) = 𝑥1 + ⋯ + 𝑥𝑛 − 1.

On admet que 𝐹𝑛 et ℎ𝑛 sont toutes deux de classe 𝒞1 sur 𝑈𝑛 .

On note 𝐻𝑛 l’ensemble 𝐻𝑛 = {(𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) ∈ ℝ𝑛 | 𝑥1 + ⋯ + 𝑥𝑛 = 1}.
Q 15. Déterminer le gradient de 𝐹𝑛 et le gradient de ℎ𝑛 en tout point de 𝑈𝑛 .
Q 16. Démontrer que la restriction de 𝐹𝑛 à 𝑈𝑛 ∩ 𝐻𝑛 admet un maximum.
On admet que le maximum de 𝐹𝑛 est en fait atteint sur 𝑈𝑛 ∩ 𝐻𝑛 .
On note 𝑀𝑛 le maximum de 𝐹𝑛 sur 𝑈𝑛 ∩ 𝐻𝑛 et on note (𝑎1 , …, 𝑎𝑛 ) un point de 𝑈𝑛 ∩ 𝐻𝑛 en lequel il est atteint.
Pour 𝑘 entre 1 et 𝑛, on note 𝛾𝑘 = (𝑎1 𝑎2 ⋯ 𝑎𝑘 )1/𝑘 .
Q 17. Démontrer qu’il existe un réel 𝜆 > 0 tel que

⎧𝛾 + 𝛾 2 + ⋯ + 𝛾 𝑛 = 𝜆𝑎1
{ 1 2 𝑛
{
{ 𝛾 𝛾
{ 2
+⋯+ 𝑛 = 𝜆𝑎2
{ 2 𝑛
⎨ ⋮
{
{ 𝛾𝑛
{ = 𝜆𝑎𝑛
{ 𝑛
{
⎩ 𝑎1 + 𝑎 2 + ⋯ + 𝑎 𝑛 =1

Q 18. En déduire que :

a) 𝜆 = 𝛾 1 + 𝛾2 + ⋯ + 𝛾 𝑛 = 𝑀 𝑛 ;
b) pour tout 𝑘 dans ⟦1, 𝑛⟧, 𝛾𝑘 = 𝜆𝜔𝑘 𝑎𝑘 , où

⎧ 𝑎
{ 𝜔𝑘 = 𝑘 (1 − 𝑘+1 ) si 𝑘 ∈ ⟦1, 𝑛 − 1⟧
⎨ 𝑎𝑘
{
⎩ 𝜔𝑛 = 𝑛
L’objectif des trois questions suivantes est de démontrer que 𝜆 ⩽ e. On suppose par l’absurde que 𝜆 > e.
𝑘+1
1 𝑘+1
Q 19. Vérifier que, pour tout 𝑘 dans ℕ, ⩽( ) .
e 𝑘+2
1 𝑘
Q 20. Démontrer que 𝜔1 ⩽ et que, pour tout 𝑘 dans ⟦1, 𝑛⟧, 𝜔𝑘 ⩽ .
e 𝑘+1
−𝑘
1 𝑘 𝜔
On pourra démontrer, pour 𝑘 ∈ ⟦1, 𝑛 − 1⟧, que 𝜔𝑘+1
𝑘+1
= 𝜔 (1 − 𝑘 ) .
𝜆 𝑘 𝑘
Q 21. Aboutir à une contradiction sur 𝜔𝑛 . En déduire que, pour tout 𝑛 dans ℕ∗ , pour tout (𝑥1 , …, 𝑥𝑛 ) ∈ (ℝ∗+ )𝑛
tels que 𝑥1 + ⋯ + 𝑥𝑛 = 1,
𝑛
∑(𝑥1 𝑥2 ⋯𝑥𝑘 )1/𝑘 ⩽ e.
𝑘=1

Q 22. En déduire l’inégalité de Carleman.

III Inégalité de Carleman-Yang

Le but de cette dernière partie est d’établir l’inégalité de Carleman-Yang, qui est un raffinement de l’inégalité
de Carleman.

III.A – Un développement en série entière

Soit 𝜑 la fonction définie par

∀𝑡 ∈ ]−1, 1[ ∖ {0}, 𝜑(𝑡) = (1 − 𝑡)1−1/𝑡 . (III.1)

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On définit aussi la suite (𝑏𝑛 )𝑛∈ℕ par

⎧ 𝑏 = −1
{ 0
∗ 1 𝑛 1
⎨
{ ∀𝑛 ∈ ℕ , 𝑏𝑛 = − ∑ 𝑏
⎩ 𝑛 𝑘=1 𝑘 + 1 𝑛−𝑘

Q 23. Justifier que 𝜑 est prolongeable par continuité en 0 et préciser la valeur de son prolongement en 0.
On notera toujours 𝜑 ce prolongement.
Q 24. Démontrer que, pour tout 𝑛 dans ℕ∗ , |𝑏𝑛 | ⩽ 1. En déduire une inégalité sur le rayon de convergence
de la série entière ∑ 𝑏𝑘 𝑡𝑘 .
𝑘⩾0
Q 25. Démontrer que, pour tout 𝑡 dans ]−1, 1[, 𝜑′ (𝑡) = 𝜑(𝑡)𝜓(𝑡), où
+∞
1 𝑛
∀𝑡 ∈ ]−1, 1[, 𝜓(𝑡) = − ∑ 𝑡 , (III.2)
𝑛=0
𝑛+2

puis que, pour tout 𝑛 dans ℕ∗ ,

𝑛−1
𝑘! 𝑛−1
𝜑(𝑛) (0) = − ∑ ( )𝜑(𝑛−𝑘−1) (0).
𝑘=0
𝑘+2 𝑘

Q 26. Conclure alors que

+∞
∀𝑡 ∈ ]−1, 1[, 𝜑(𝑡) = e (1 − ∑ 𝑏𝑘 𝑡𝑘 ) . (III.3)
𝑘=1

III.B – Démonstration de l’inégalité de Carleman-Yang

Soit (𝑎𝑛 )𝑛∈ℕ∗ et (𝑐𝑛 )𝑛∈ℕ∗ deux suites de réels strictement positifs.
Q 27. Démontrer que

+∞ 𝑛 1/𝑛 +∞ +∞ 𝑛 −1/𝑛
1
∑ ( ∏ 𝑎𝑘 ) ⩽ ∑ 𝑐𝑘 𝑎𝑘 ∑ (∏ 𝑐𝑖 ) .
𝑛=1 𝑘=1 𝑘=1 𝑛=𝑘
𝑛 𝑖=1

(𝑛 + 1)𝑛
Q 28. En considérant 𝑐𝑛 = , en déduire l’inégalité de Carleman-Yang :
𝑛𝑛−1
+∞ 𝑛 1/𝑛 +∞ +∞
𝑏𝑘
∑ ( ∏ 𝑎𝑘 ) ⩽ e ∑ (1 − ∑ ) 𝑎𝑛 .
𝑛=1 𝑘=1 𝑛=1 𝑘=1
(𝑛 + 1)𝑘

Q 29. Démontrer que, pour tout 𝑛 dans ℕ∗ , 𝑏𝑛 ⩾ 0. En quoi l’inégalité précédente est-elle un raffinement de
l’inégalité de Carleman ?

• • • FIN • • •

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