LEtranger de Camus Excipit Analyse

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L’Etranger de Camus, excipit : analyse

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Par Amélie Vioux

Voici un commentaire de l’explicit (excipit) de L’Étranger d’Albert Camus.

L’extrait commenté va de « “Lui parti, j’ai retrouvé le calme” » jusqu’à la fin du roman.

Excipit de l’Etranger, introduction :


Albert Camus écrit L’Étranger en 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale. Nombre de
ses œuvres seront marquées par cette guerre et par les sentiments nés de l’absurdité du
monde et du besoin de révolte face aux crimes commis par les hommes.

L’Étranger fait partie de ce que Camus appelle « le cycle de l’absurde » et transpose en


roman sa philosophie de l’absurde.

Malgré le meurtre presque inconscient commis par Meursault au chapitre 6, malgré le


procès qui s’ensuit et sa condamnation à mort, l’explicit du roman nous montre un
Meursault calme et en paix avec lui-même.

C’est un contraste fort avec la scène précédente, lors de laquelle il s’était violemment
disputé avec l’aumônier venu chercher des signes de repentir.

Questions possibles à l’oral de français sur l’épilogue de L’Etranger :


♦ Dans quelle mesure cet épilogue ramène-t-il la paix ?
♦ Quelle évolution montre cet excipit chez Meursault ?
♦ Meursault est-il un héros à la fin du roman ?

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♦ Dans quelle mesure cet excipit illustre-t-il la philosophie de l’absurde de Camus ?
♦ Meursault est-il toujours un étranger ?
♦ Quelle est la vérité à laquelle parvient Meursault dans cet épilogue ?

Annonce du plan

Nous verrons dans cette analyse que Meursault, qui a paru détaché et distant du monde tout
au long du roman, semble désormais entrer en communion avec l’univers (I), et se
réconcilier avec sa mère et avec lui-même (II). Pour terminer, nous noterons que le roman
se clôt sur l’acceptation totale de son destin par Meursault (III).

I – Communion avec le monde

A – Un sentiment de paix

Meursault, personnage d’ordinaire peu bavard, est entré dans une colère noire lorsque
l’aumônier est venu lui rendre visite dans sa cellule.

Ce déchaînement de violence, quoique purement verbale, a vidé Meursault de toute son


énergie et lui permet de « “retrouv[er] le calme ”».

La violence du verbe « “se jeter ”» indique l’intensité de sa colère et son besoin de


récupérer (« “je me suis jeté sur ma couchette” » ).

Il tombe dans une sorte de coma réparateur (« “je crois” que j’ai dormi ») et se réveille à la
nuit tombée, comme en témoignent la présence d’« “étoiles ”». L’apaisement et le sommeil
sont liés comme le souligne le rapprochement des termes « paix » et « endormi » : « “La
merveilleuse paix de cet été endormi ”» .

C’est un homme nouveau qui sort de ce sommeil. Il ne craint pas la mort, au contraire, il
semble plus vivant que jamais, si l’on en croit l’éveil des sens qui accompagne l’éveil de
l’esprit : l’ouïe (« “des bruits de campagne ”»), l’odorat (« des odeurs »), le goût (« sel ») et
le toucher (« “rafraîchissaient ”»).

B – La communion avec la nature


Sa première sensation est celle des « “étoiles sur le visage ”» : la cellule autour de lui a
disparu, il semble qu’il ne reste que la nature plongée dans la nuit, qui contraste avec
l’agressivité du soleil aveuglant dans le chapitre 6.

D’abord simplement posée « sur » lui, elle agit ensuite directement sur Meursault :
♦ Les bruits « mont[ent] jusqu’à [lui] »;
♦ Les odeurs « rafraîchiss[ent] » son front dans la chaleur de la nuit;
♦ « “La merveilleuse paix de cet été endormi entr[e] »” en lui.

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Meursault évoque la campagne (« “des bruits de campagne ”») et la mer “(« comme une
marée ”») en usant d’un vocabulaire mélioratif (« “merveilleuse paix »,
« rafraîchissaient ”») qui témoignent de l’effet positif qu’a sur lui la nature.

Les étoiles communiquent avec lui et lui transmettent un message plein de sens : « “cette
nuit chargée de signes et d’étoiles” », qui l’aide à appréhender sereinement la mort qui
l’attend. Camus joue ici sur l’étymologie du mot « signe », qui vient de signum en latin, ce
qui peut également se traduire par « étoile ».

C – L’étirement du temps

Le choix de l’imparfait est ici significatif : ce temps qui a une valeur durative donne
l’impression que la paix et la plénitude durent dans le temps et semblent sans fin
(« “montaient », « rafraîchissaient », « entrait” »).

Les notions de temps présent, passé et futur s’abolissent pour que tout fusionne dans un
instant présent infini qui les combine : « “j’avais été heureux, et […] je l’étais encore »,
« j’étais prêt à tout revivre », « recommencer” ».

Ce mélange des temporalités et les verbes à la valeur itérative (de répétition) donnent une
idée cyclique du temps : la linéarité s’efface, il n’existe plus qu’un temps sans fin, un
temps de résurrection pour le protagoniste.

Transition : Meursault sort changé de sa dispute avec l’aumônier, comme si sa violence


verbale, cette prise de parole spontanée, l’avait amené à considérer différemment sa
situation. A quelques instants de la mort, il est apaisé, en communion avec la nature qui
l’entoure, plus lucide et présent au monde qu’il ne l’a jamais été.

II – Meursault réconcilié

A – Réconciliation avec sa mère


Cette lucidité nouvelle l’amène à repenser à sa mère « “pour la première fois depuis bien
longtemps ”» et à la comprendre.

L’évocation de sa mère marque aussi une boucle narrative, puisque le roman commençait
par l’annonce de sa mort (voir l’analyse de l’incipit).

Dans cet excipit, Meursault est frappé par la similarité de leur situation, : il attend sa mort
dans la cellule, tout comme sa mère attendait la fin de sa vie dans l’asile de Marengo, ainsi
que le soulignent l’adverbe « aussi » (« “Là-bas, là-bas aussi », « Et moi aussi ”») et la
reprise de la même structure (« “prêt(e) à tout revivre” »).

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Il se rapproche d’elle en cet instant, car il ressent la même impression de libération (« “Si
près de la mort, maman devait s’y sentir libérée” » ).

Il parvient à se détacher du regard de la société – qui voyait comme un « jeu » le fait


qu’une vieille femme se trouve un « fiancé » à la fin de sa vie – pour voir la vérité
essentielle qu’avait perçue sa mère : c’est la vie terrestre qui compte.

Il est certain désormais qu’il a eu raison de ne pas pleurer sur elle (comme le montre
l’emphase « “Personne, personne” n’avait le droit de pleurer sur elle ») – ce qui lui avait
été reproché lors du procès – car elle a embrassé la vie jusqu’au bout, acceptant l’idée de
la mort tout comme il l’accepte lui-même à ce moment.

B – Réconciliation avec lui-même

En comprenant sa mère, Meursault appréhende mieux sa propre situation.

La perspective de sa mort prochaine lui fait reconsidérer sa vie en lui donnant sa vraie
valeur, celle du bonheur terrestre : « “j’ai senti que j’avais été heureux, et que je l’étais
encore” ». Fort de cette certitude, il peut attendre la mort avec sérénité.

Cette prise de conscience paradoxale (c’est la mort qui donne la vraie valeur à la vie)
amène Meursault à s’ouvrir (« “je m’ouvrais pour la première fois ”») au monde et à
atteindre ainsi un moment de plénitude et de cohésion totale avec lui-même.

Le vocabulaire très mélioratif de cet explicit (« “libérée », « revivre », « purgé du mal »,


« tendre », « si fraternel », « heureux” ») contraste avec la situation de Meursault (condamné
à mort) et renforce le tournant psychologique qui s’opère en lui.

C – Le bilan d’une vie

Les derniers instants de sa vie sont pour Meursault l’occasion de faire le bilan de son
existence.

En revenant vers sa mère, en employant le terme enfantin « maman », il revient à ses


origines, au commencement de son existence.

Il revoit passer sa vie, comme l’indique le plus-que-parfait (« avais été »).

La linéarité du temps s’efface pour Meursault. Alors que le moment du meurtre de l’Arabe
représentait une véritable rupture avec le passé; passé et présent se mêlent dans cet
épilogue pour ne former qu’une continuité cohérente, placée sous le signe de la prise de
conscience que représente l’affirmation de la valeur de la vie.

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Cette cohérence est poussée jusqu’au bout : « “pour que tout soit consommé ”» , il ne lui
« “rest[e] plus qu’à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de [son] exécution ”».
Il n’a aucun regret et a vécu son existence pleinement, il est donc désormais prêt à vivre le
dénouement de sa vie.

Transition : Si Meursault fait ainsi le bilan de sa vie, c’est qu’il comprend qu’elle touche à
sa fin. Meursault ne regrette rien et accepte pleinement ce qui l’attend, assumant sans
faillir ses actes et le destin qui est le sien.

III – Acceptation de son destin

A – Acceptation de la mort
Dans cet excipit, Meursault accepte l’idée de sa mort prochaine.

Il ne ressent pas de sentiment d’injustice, au contraire : il assume pleinement son geste


assassin. Son accès de colère contre l’aumônier, tout comme le sommeil qui a suivi, ont une
valeur cathartique : « “purgé du mal ”», il renaît en homme lucide et serein.

Accepter le caractère fini de la vie le libère, tout comme l’attente de la mort a libéré sa mère.
Il accepte la conclusion logique de ses actes, autrement dit son exécution devant un
public haineux.

B – Acceptation de son exclusion du monde des hommes

A son réveil, dans un moment de pleine communion avec la nature, Meursault entend au
loin, « “à la limite de la nuit” », des sirènes tonitruantes (« “des sirènes ont hurlé ”»).

Ce son strident (comme le montre l’hyperbole « hurler ») et l’irruption du passé composé


viennent perturber le calme et la paix qui régnaient jusque-là dans la cellule.

Cependant, Meursault reste parfaitement détaché, et même indifférent (« “Elles


annonçaient des départs pour un monde qui m’était à jamais indifférent.” »). La locution
adverbiale « à jamais », catégorique, montre une rupture nette entre Meursault et ses
contemporains. Il est désormais seul face à son destin.

Meursault embrasse alors sa différence, son « étrangeté ».

Tout comme sa mère était incomprise à la fin de sa vie, Meursault accepte d’être lui aussi un
incompris aux yeux de la société. Plus encore, il souhaite être haï de ses contemporains
(« “il ne me restait plus qu’à souhaiter […] qu’ils m’accueillent avec des cris de haine. ”»), car
c’est en refusant la pitié qu’il sera capable d’être en accord parfait avec lui-même.

C – Une illustration de la philosophie de Camus

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Il ne s’agit pas ici de savoir pourquoi Meursault a tué l’Arabe ; c’est un geste qui fait partie
de l’absurdité de la vie et Camus ne cherche pas à l’expliquer.

Ce que Camus nous montre ici, c’est la valeur de la vie, quelle qu’elle soit, et l’importance
d’assumer ses actes.

Tout comme Meursault est indifférent au monde, le monde est indifférent à lui (« “je
m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde », « De l’éprouver si pareil
à moi ”»), car l’homme ne représente qu’une poussière dans l’univers. Ce n’est pas une
chose tragique en soi, et l’oxymore « “tendre indifférence ”» le montre : il ne suffit que
d’accepter cette situation pour être en paix et se libérer.

Une fois « “purgé du mal, vidé d’espoir ”», Meursault est débarrassé des illusions qui
bercent la vie des hommes. Il voit la vérité nue et comprend que sa vie valait la peine d’être
vécue.

Le roman se clôt sur la fin de la vie de Meursault, et malgré la violence des derniers mots,
c’est un message positif que délivre Camus, en faisant l’apologie de la vie.

Explicit de L’Etranger, conclusion


On a vu dans le chapitre 6, au moment du meurtre de l’Arabe, un Meursault presque victime
des événements, un personnage passif et sans contrôle sur ses propres actes.

S’il reste étranger aux yeux des hommes, il n’est plus étranger à lui-même ou au lecteur,
capable de sympathiser avec cet homme que l’approche de la mort libère.

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