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Quels sont les processus qui conduisent à la déviance ?

I. Normes et contrôle social

Les sociologues ont montré le caractère social des comportements individuels. Les individus
entretiennent des relations sociales entre eux et font partie de groupes sociaux plus ou moins
vastes. Ils appartiennent à une famille, ils travaillent dans une entreprise, ils peuvent adhérer à
club sportif, à un syndicat, ils sont les membres d'une nation… Au sein de ces différents
groupes, des manières de vivre ensemble se développent, parfois communes à l’ensemble des
groupes, parfois spécifiques à certains d’entre eux. Ces règles de vie en société, appelées aussi
normes sociales, s'appuie sur un ensemble de valeurs propres aux groupes.
Les valeurs sont des idéaux collectifs plus ou moins formalisés qui orientent nos conduites
(l’égalité, la liberté, l’honnêteté, l’argent,…sont des valeurs). Elles dépendent du groupe
social d'appartenance (les valeurs promues par les religions ne sont pas les mêmes que celles
de la Mafia) et de la société globale (les valeurs collectives des sociétés traditionnelles ont
laissé la place aux valeurs individualistes des sociétés modernes).

Les normes sociales sont des modèles de comportement socialement acceptés qui découlent
du système de valeurs de la société ou des groupes sociaux et qui régissent les conduites
individuelles et collectives (le respect d'autrui implique des règles de politesse, les
interdictions du meurtre, du vol, et l'aide aux personnes en danger...).
Ces normes peuvent être :
- formelles, autrement dit formulées explicitement sous forme de lois, de règlements et
de codes officiels (droit pénal, code de la route,…) : on parlera aussi de normes
juridiques.
- informelles consistants en préceptes et conventions qui, tout en n’étant pas l’objet de
lois, sont supposés être respectés par les individus (les règles de politesse, les règles de
comportement à table...). Dans ce cas, on parlera plus volontiers de moeurs, de
coutumes.

Les règles de vie en société sont extérieures à l'individu et impérative selon Emile Durkheim.
Les individus doivent s'y conformer sous peine de sanctions de la part du groupe ou de la
société. Il faut donc s'interroger sur les moyens qu'utilisent la société et les groupes sociaux
pour rendre les individus conformes aux attentes du groupes ou de la société.

Le contrôle social désigne l’ensemble des processus par lesquels les membres d’un groupe
entraînent les acteurs sociaux à respecter et reproduire les modèles de comportements
conformes aux valeurs et aux normes en vigueur. Il s’agit donc de voir comment la société
procède pour faire respecter les règles.
Norme : désigne une règle de conduite dont la transgression est sanctionnée. Elles sont
spécifiques à un groupe social ou à une société.

Les normes informelles (normes sociales) sont des principes ou des modèles de conduite
propre à un groupe sociale ou à une société imposée de manière informelle par la coutume ou
les usages sociaux. Elles régulent les comportements par des sanctions positives ou négatives.
Les normes informelles font l’objet de sanction informelles comme la désapprobation, la
moquerie, l'exclusion du groupe, etc.
Les normes formelles (normes juridiques) sont des normes qui tendent à organiser le
fonctionnement de la société ou d'un groupe social par des règles de droit. Elles sont inscrites
dans un texte juridique (code pénal, code civil, règlement intérieur). Elles sont générales (elles
s'appliquent sur tout un territoire), impersonnelles (elle vaut pour toutes les personnes) et
obligatoires (elles sont imposées). Elles font l'objet de sanctions juridiques (formelles).

Si la socialisation des individus consiste en une intériorisation des normes sociales en vigueur
au sein d'un groupe ou d'une société, toute transgression de ces normes semble a priori faire
obstacle au lien social. Pourtant, y a-t-il véritablement lieu d'opposer normes et déviance ?

Le contrôle social désigne l’ensemble des processus par lesquels les membres d’un groupe
entraînent les acteurs sociaux à respecter et reproduire les modèles de comportements
conformes aux valeurs et aux normes en vigueur.

Au sens large le contrôle social consiste à édicter des normes sociales et juridiques fondées
sur un ensemble de valeurs et à les faire respecter afin d’obtenir une certaine conformité
sociale ce qui doit permettre d’obtenir également une certaine cohésion sociale
Au sens restreint, il comprend les mesures destinées à faire respecter les règles et à
sanctionner la déviance.
Le contrôle social est lié à l’existence de normes et à leur intériorisation par les membres du
groupe social (donc au processus de socialisation).
Rappel : Normes: règles de conduite qui guident les comportements de chacun. Les normes
sont liées à des principes moraux: les valeurs. On peut distinguer les normes sociales (ou
informelles) et les normes juridiques (ou formelles).

La socialisation est un de ces moyens. Elle correspond au processus par lequel un individu
apprend et intériorise, tout au long de sa vie, les normes et les valeurs en vigueur dans la
société. Si l’individu est bien régulé, il a intériorisé les normes et les valeurs de sa société. Il
va adopter un comportement conforme par un simple contrôle social interne : La marche à
pied, le fait de se tenir assis en cours, s'habiller,..résultent de ce processus d'apprentissage.

Les sanctions sont une autre façon d’obtenir que l’individu se conforme aux normes sociales.
Il existe des sanctions négatives ( punitions…) ou positives ( compliments…) que s’attire un
individu selon qu’il transgresse les normes ou qu’il s’y conforme

On distingue :

Contrôle social interne/externe:


- le contrôle social interne est exercé par l’individu lui-même
- le contrôle social externe est exercé par l’entourage (plus ou moins proche) des
individus.
Contrôle social informel/formel:
- le contrôle social formel est assuré par des groupes sociaux spécifiques et les sanctions
sont généralement écrites. Il est exercé par des institutions spécialisées (police-
justice…ecole..))
- le contrôle social informel s’exerce au cours des interactions sociales et il a un
caractère non institutionnel (pressions implicites). les règles de vie en commun ne sont
pas écrites et sont plus diffuses (famille, groupes de pairs, gangs...).
- Cette distinction est parfois difficile à établir car les deux formes de contrôle social
peuvent coexister au sein d’une même institution.

Le contrôle social a plusieurs objectifs

- Protéger la société des comportements individuels déviants


- Protéger l’individu contre lui même
- Maintenir l’ordre social
- Favoriser la prévisibilité des comportements

Le contrôle social évolue avec la société :

Les sociologues ont mis en avant plusieurs grandes évolutions dans les sociétés occidentales
développées :

Le contrôle social s'est élargi à de nombreux domaines :


En se civilisant la société, sous l'influence des élites sociales, a établi un nombre croissant de
normes sociales telles que les règles d'hygiène (se moucher, cracher….), les règles de
politesse (courtoisie, conversation, règles de maintien à table), les règles liées au corps (la
nudité, la pudeur...). Norbert Elias a décrit ce "processus de civilisation" (1939) qui conduit la
société à se civiliser et à se pacifier. Cependant, il est difficile de prouver que les sociétés
traditionnelles avaient moins de normes sociales que les sociétés modernes. En fait, elles
étaient différentes parce que la société était moins différentiée.

Le contrôle social est devenu de plus en plus formel :


Autrefois, les groupes primaires (la famille, le clan, la tribu, le voisinage, la communauté
religieuse) exerçaient un contrôle étroit sur le comportement des individus. Le contrôle social
est essentiellement informel. L'individu n'existe que par le groupe. Tout comportement
déviant va se traduire par l'exclusion. (Rappel : solidarité mécanique chez Durkheim)
De nos jours, la société s'est individualisée, urbanisée et étatisée. Le contrôle social est de plus
en plus confié à des institutions spécialisées (police, animateurs sociaux, école...) qui
obéissent à des règles juridiques. (Solidarité organique chez Durkheim : division sociale du
travail : specialisation des fonctions)

Le contrôle étatique s'est renforcé :


La prison moderne est conçue pour discipliner les corps et les esprits. La privation de liberté
se substitue aux exécutions sur la place publique ou aux sanctions physiques. Michel
Foucauld dans "surveiller et punir" (1975) décrit cette mise en place du contrôle étatique qui
se poursuit avec la mise en place de technologies modernes pour encadrer tous les aspects de
la vie des individus (fichier anthropométrique, carte d'identité biométriques,
vidéosurveillance, fichiers informatiques, surveillance des traces laissées sur Internet...) ce qui
met, peu à peu, en cause le respect de la vie privée.

II La deviance

- Le conformisme: il adhère à la fois aux objectifs et aux moyens socialement valorisés.


Il représente le modèle de réussite pour les institutions de régulation. Une société
demeure stable et cohérente tant que les conformistes représentent une large partie de
la population.
- La normalité comprend tous les actes que la société admet même s'ils sont
répréhensibles du point de vue de la morale ou de la loi. A partir du moment où une
fraction très importante de la population adopte cette conduite qui est condamnable,
moins elle sera déviante. L'intensité de la déviance varie donc en raison inverse de sa
fréquence parce qu'il est impossible au sein d'un groupe que les gens réprouvent avec
une indignation extrême des agissements fréquents.
- La déviance est une différence négativement perçue. Ainsi, l'homosexualité après
avoir été jugé comme un crime est devenu, à la suite des combats des homosexuels, un
pratique acceptée et reconnue par la société. Les déviants peuvent être selon
R.K.Merton des "innovateurs" ou des "rebelles" qui font évoluer les normes sociales
au point de transformer une déviance en normalité.

Quel sont les processus qui conduisent à la deviance ?

Dans Outsiders, le sociologue américain Howard Saul Becker construit une théorie
interactionniste de la déviance, en réaction à la tradition fonctionnaliste de Merton qui définit
la déviance comme la transgression d’une norme définie d’un commun accord. Il refuse, en
particulier, du fonctionnalisme l'idée que la déviance soit le produit de facteurs sociaux pesant
sur les individus. L'acte déviant est pour lui le résultat d'un double processus qui se construit
dans l’interaction entre les individus.

Premièrement, l'acte doit être défini comme déviant par la société. Il faut donc se poser la
question de savoir qui a produit la norme. Becker s'intéresse ainsi à ce qu'il nomme les
entrepreneurs de morale, c’est-à-dire aux acteurs qui se mobilisent pour qu'une activité
donnée soit catégorisée socialement comme déviante.

Selon cette conception, le pouvoir est à la fois la condition et l'enjeu de la création de


déviance. Il faut occuper une position dominante pour réussir à imposer sa propre conception
du bien et du mal, du normal et du pathologique.
Or, l'accès au pouvoir est inégal. Certains groupes sociaux ont plus de "chances" d'y accéder
que d'autres.
EX : Les fumeurs de marijuana / (cf les musiciens de jazz)
Ainsi, Becker cherche ainsi à montrer que la marijuana n'est devenue illégale aux États-Unis
qu'à la suite d'une campagne menée par des entrepreneurs de morale. Il montre ainsi que le
Bureau des narcotiques joue un rôle actif pour faire considérer la consommation de marijuana
comme un délit grave dans les années 30 (jusque là, la marijuana était uniquement
consommée par des immigrants mexicains mais, à cette époque elle commence à se répandre
dans le public anglo-saxon).
*Pour ce faire le Bureau lance une campagne de sensibilisation auprès des grands magazines
en faisant passer des informations pour nourrir des articles et il se sert ensuite de la
publication de ces articles pour faire pression auprès des représentants au congrès en attirant
leur attention sur une question qui fait la une de nombreux journaux.
*Cette campagne connaît un écho favorable parce que la consommation de marijuana heurte
plusieurs traits essentiels de la culture anglo-saxonne américaine : premièrement, l’éthique
protestante affirme que l’individu ne devrait jamais perdre le contrôle de soi. Deuxièmement,
«la grande importance accordée au pragmatisme et à l’utilitarisme dans la culture américaine
explique peut-être le malaise et l’ambivalence qu’éprouvent généralement les américains vis à
vis de toutes les formes d’exaltation», surtout si l’exaltation est recherchée pour elle-même, ce
qui constitue un «plaisir défendu». Enfin, la loi doit viser à défendre les individus contre eux-
mêmes ainsi que contre les risques qu’ils font encourir à leurs proches.

Le processus de carrière deviante : Becker pense, enfin, que la délinquance se construit à


travers une carrière

1ere etape : la transgression des normes


Toute étude de la déviance, pour Becker, ne doit pas penser les actions comme, en soi,
déviantes, mais comme ayant été définies comme telles par des entrepreneurs de morale. Une
conduite ne devient pleinement déviante qu’à partir du moment où elle est publiquement
désignée et traitée comme telle.
L’individu doit transgresser ainsi les normes établies par les entrepreneurs de morale.

2eme etape : l’etiquetage


D'autre part, il faut que l'acteur entreprenant une action déviante soit étiqueté comme tel lors
d'une interaction sociale.
Pourquoi applique-t-on à tel comportement et à tel individu l'étiquette de déviant ? Il est
possible de commettre des actes déviants et de ne pas être considéré comme déviant. Il est
aussi possible de ne commettre aucun acte déviant et d’être taxé comme déviant (les Noirs
aux Etats-Unis).
Le processus d'étiquetage répond à des logiques sociales qui rendent plus probable le fait que
certains acteurs soient définis comme délinquant (comme l'illustre par exemple le
comportement différent de la police envers les consommateurs de stupéfiant en fonction de
leur milieu social). Tout dépend donc de la façon dont les groupes sociaux et les institutions
réagissent dans l’interaction.

Quatre situations sont possibles :

Ainsi Edwin Sutherland s'interrogeait déjà sur le traitement modéré réservé à la délinquance
en col blanc : des « actes commis par des individus de statut social élevé en rapport avec leurs
activités économiques et professionnels », qui sont bien des actes délinquants mais qu'« on
traite comme si ce n'était pas le cas avec pour effet et peut-être pour but d'éliminer tous les
stigmates faisant référence au crime ».
Ainsi, en France, les milieux d'affaire ont réussi a faire passer des lois faisant disparaître un
certain nombre de délits financiers.
Aujourd'hui, les condamnations en rapport avec la législation économique et financière
représentent moins de 1 % de la délinquance sanctionnée par les tribunaux ce qui explique la
faiblesse de la "délinquance en col blanc".
Par ailleurs, un certain nombre d'enquêtes ont montré qu’un individu aisé, commettant un acte
délinquant, échappait beaucoup plus facilement aux poursuites qu’une personne de milieu
populaire. La surreprésentation des milieux populaires dans les statistiques criminelles
officielles est donc partiellement un artefact produit par les modes d'enregistrement statistique
de la criminalité.

3eme etape : la stigmatisation


A l'étiquetage, le sociologue américain Erwin Goffman va ajouter le processus de
stigmatisation.
Pour Goffman, chaque individu est doté d’une identité sociale possédant deux dimensions :
l’identité sociale réelle(les attributs de l’individu)/l’identité sociale virtuelle (ce qu’on attribue
à un individu en fonction de son apparence).
Si un attribut (identité sociale réelle) ne correspond pas à ce qui est attendu (identité virtuelle),
il s’agit d’un stigmate c'est-à-dire un attribut qui jette un discrédit sur celui qui le possède
(couleur de peau, difformité corporelle, homosexualité...) et s’enclenche alors un processus de
stigmatisation: processus au cours duquel un individu va être qualifié de déviant, identifié
comme tel. ce qui rend le stigmate si difficile à vivre, ce ne sont pas tant ses caractéristiques
objectives que le regard que la société a dessus, qui se matérialise dans chaque interaction
avec des « normaux ».
La stigmatisation peut conduire à la marginalisation, à l’exclusion.
Mais, dans l'interaction, l'individu stigmatisé ne va rester inerte. Il va chercher dissimuler les
attributs qui le stigmatisent en exerçant un autocontrôle sur sa propre image.

4eme etape : l’entrée dans la carriere


Pour Becker, la stigmatisation de certaines catégories de la population (qui portent un
«stigmate») va avoir pour effet de les faire «entrer dans la carrière». En effet, La
stigmatisation du déviant va produire deux effets :D'une part, elle peut amener l'intéressé à
intérioriser l'image de soi qui lui est renvoyée par la société et ainsi à se définir lui-même
comme déviant.
D'autre part, elle limite ses possibilités de continuer à agir dans le cadre légal: il est difficile,
par exemple, pour un ancien détenu de retrouver un travail honnête.
Cette stigmatisation peut faire entrer l'individu dans un processus de déviance secondaire(il va
commettre de nouveaux délits) qui induit une nouvelle réaction de la société...On entre ainsi
dans une spirale, dans laquelle chaque délit appelle une réaction sociale qui contribue elle-
même à favoriser l'accomplissement de nouveaux délits.

5eme etape : l’entrée dans le métier


Ce processus a pour effet d'amplifier la déviance et d'enfermer un comportement déviant
occasionnel dans une véritable culture délinquante: l'individu entre dans la carrière déviante et
il va ainsi apprendre au contact d'autres délinquants plus chevronnés à bien faire son nouveau
métier. Il se construit une nouvelle identité.
La délinquance est donc le résultat d'un processus d'apprentissage social, qui passe par une
redéfinition de son identité sociale.

Un déviant n’est donc pas celui qui transgresse une norme, mais celui auquel cette étiquette
est appliquée avec succès. Ceci explique que les groupes sociaux soient inégalement
représentés dans les statistiques de la délinquance: certains ont réussi à rendre légitime leurs
normes sociales alors que d’autres ne parviennent pas à masquer leurs transgressions des
normes dominantes.

III La delinquance

La délinquance est un fait social normal


Selon E. Durkheim, d’une part, les sociétés élaborent des normes juridiques dont le non
respect va être sanctionné. Il n'existe donc pas de sociétés sans crimes. D’autre part, la
délinquance fait l’objet d’un enregistrement statistique qui produit un certain nombre de
régularités sociales.
Ainsi, en France, les statistiques policières enregistrent, depuis la fin des années 1960, une
montée régulière des crimes et des délits qui semble s’être interrompue récemment.

La delinquance n’est qu’une forme particulière de déviance : Elle se définit comme un


comportement déviant vis à vis de la loi qui est réprimé par l'application de sanctions
formelles négatives. Le domaine des normes sociales est donc bien plus large que celui des
normes juridiques et toutes les normes juridiques ne sont pas des normes sociales :

D'un point de vue juridique, la délinquance englobe : Les crimes jugés en cours d'assise
(assassinat, viol, vol avec violence...peine + de 10 ans) - Les délits (tribunaux correctionnels)
concernent des faits moins graves (recel, vol, rixe..peine - de 10 ans). - Les contraventions (
tribunaux de police ou des juridictions de proximité) concernent les faits les moins graves
(injures, menaces, non respect du code de la route...) - Les incivilités sont des actes qui
dérangent la vie quotidienne. Certaines sont sanctionnées par la loi et d’autres non (tapage
nocturne, non respect du passage piéton…) (la sonnerie du portable au cinéma…). Ces
incivilités peuvent être plus dérangeantes qu’un crime car elles dégradent les conditions de vie
de tous et créent un sentiment d’insécurité imaginaire ou réel

Les normes juridiques répondent à une demande sociale d’institutionnalisation d’une


règle. Elles visent à légitimer des normes sociales pour être en adéquation avec les moeurs.
Ainsi, l'évolution des lois sur le divorce ou sur l'homosexualité répond à une évolution des
modes de vie au sein des sociétés modernes. La norme juridique a d’autant plus de poids
qu’elle est convergente avec la norme socialement admise.

Les difficultés de la mesure de la délinquance

L’observation des statistiques policieres depuis les années 2000 montre que :

-Les deux-tiers des actes délinquants sont des vols et leur part a quasiment doublé au cours
des trente glorieuses. Dans le détail, le type de vol le plus important numériquement demeure
le vol de voiture et de deux roues. Toutefois on constate que les vols ont baissé depuis. La
généralisation de systèmes anti-vols performants contribue à cette évolution à la baisse depuis
les années 2000. En revanche, les vols simples et les vols avec violence commis sur des
particuliers, le plus souvent sur la voie publique ne diminuent pas ce qui contribue au
sentiment de la montée de la délinquance.
- Le nombre d'atteintes aux personnes a été multiplié par 5,6 depuis 1950 et représente de nos
jours plus de 13% des crimes et délits ce qui pourrait faire croire à une société de plus en plus
violente et ce qui accroît le sentiment d'insécurité.
- La délinquance financière appelée aussi la "délinquance en col blanc" (fraude au fisc, abus
de confiance, abus de biens sociaux, travail au noir...) après avoir fortement augmenté au
cours des années 1960, a vu sa part diminuer depuis. Elle représente de nos jours 10% des
crimes et des délits.

Toutefois s’interroger sur une évolution de la « délinquance » n’a pas beaucoup de sens car
cet ensemble regroupe artificiellement des catégories d’infraction dont la nature, les auteurs,
les victimes et les circonstances sont très différents
On note des difficultés du chiffrage de la délinquance
-Les sources statistiques sur la délinquance proviennent de différentes sources.
*Les sources policières : diffusées annuellement depuis 1972, ces statistiques sont publiées
mensuellement depuis 2002 par le Ministère de l’Intérieur et, depuis 2004, par l’Observatoire
National de la Délinquance.
Elles fournissent quatre types d'information :- Les « faits constatés » - Les « faits élucidés » -
Les « personnes mises en cause » - Les indicateurs répressifs (gardes à vue)
*Les sources judiciaires : Elles se composent : - Des statistiques des personnes mises en
causes qui sont poursuivies. - Des statistiques des personnes condamnées.

-Les statistiques de la délinquance produites par le Ministère de l'intérieur sont très


imparfaites pour le sociologue :
*Elles n'enregistrent que les « faits constatés ». Certains faits délinquants ne sont pas déclarés
par leurs victimes (viols, vols...). D'autres faits déclarés ne se sont pas produits (escroquerie à
l'assurance). Une partie de la délinquance est donc inconnue (le « chiffre noir » de la
délinquance). Seuls sont comptés ceux qui ont fait l’objet de procès-verbaux en bonne et due
forme.

* Mélanger plus d’une centaine de genres d’infraction différents (du meurtre au défaut de
permis de pêche, du non-paiement de pension alimentaire à l’escroquerie à la carte bancaire),
très diversement connus et enregistrés, appeler l’ensemble « La délinquance » et dire qu’il a
augmenté ou baissé tel ou tel mois ou année est en réalité un raisonnement dénué de sens.
*Les chiffres dépendent de l'intensité du contrôle policier. Une recherche plus active de
clandestins augmente le nombre de prises. L'abandon des recherches des petits vols diminue
l'importance du phénomène (ils ne sont consignés que dans la « main courante »). Une
présence policière dissuade les délinquants (l'influence du plan Vigipirate). Une moins bonne
implantation de la police dans une région peut paradoxalement faire baisser les chiffres en
décourageant les individus à porter plainte. À l'inverse, à nombre égal de délits et à efficacité
égale des services de police, ces chiffres augmenteraient si on augmente les effectifs de police
sur le terrain. Le pourcentage global d’élucidation de l’ensemble des faits constatés est
donc un chiffre qui n’a pas de sens. Il peut être baissé ou augmenté artificiellement, selon que
les policiers et les gendarmes ont traité plus ou moins tel ou tel contentieux dans la période
concernée.
*Les personnes mises en cause ne sont pas toutes des délinquants. D’abord il ne s’agit que
des personnes suspectées dans la petite partie des faits constatés qui ont été élucidés, et que
cette élucidation est de surcroît très variable selon les genres d’infractions. Pour ces deux
raisons, rien ne permet de penser que les personnes « mises en cause » sont représentatives de
la population délinquante. Ensuite que les personnes suspectées par la police ne seront pas
forcément reconnues coupables par la justice. Une partie des classements sans suite opérés par
les magistrats du parquet correspond en effet à des affaires dans lesquelles les policiers n’ont
pas respecté les procédures ou bien n’ont pas apporté de preuves suffisantes.
*Enfin, ces statistiques ne sont que le reflet d'un certain ordre social à un moment
donné. Un simple changement de la norme ou de la loi modifie profondément les statistiques
de la délinquance.

Compte tenu de ces difficultés, il existe un chiffre noir de la délinquance


Le chiffre noir de la délinquance est un concept utilisé pour désigner l’écart entre la
délinquance réelle et celle qui est mesurée par les statistiques policières et judiciaires.
Remarque : Ce chiffre noir ne révèle pas une volonté de dissimulation des chiffres de la part
des institutions policière et judiciaire mais résulte du fait que toute mesure est nécessairement
imparfaite.

Chiffre inconnu car on n’est jamais vraiment sur de qui n’a pas porté plainte par exemple.

Les enquêtes de victimation

Les enquêtes de victimation sont des enquêtes menées auprès d’un échantillon représentatif de
la population. L’enquête consiste à recueillir les déclarations des personnes interrogées sur les
actes délinquants dont elles ont été victimes.

Les données des enquêtes de victimation diffèrent des statistiques policières et judiciaires car
certaines victimes ne portent pas plainte mais vont déclarer lors de l’enquête de victimation
avoir été victime d’agressions et certains actes délinquants n’ont pas de victimes (leurs prises
en compte dépendent donc des activités de police)

Les enquêtes de victimation présentent plusieurs limites :


- Elles ne s’adressent qu’aux particuliers les entreprises… ne sont pas prises en compte
- Ces enquêtes gardent une dimension de subjectivité : un individu peut avoir perdu un
objet et croire qu’on lui a volé => déclare avoir été victime de vol. De plus, certaines
personnes victimes d’actes délinquants peuvent ne pas en avoir conscience (pour elles
cet acte est « normal » => cas des injures par exemple).
- Les résultats de l’enquête dépendent également de la formulation des questions posées
par l’enquêteur, du contexte social...

Les enquêtes de victimation ne permettent pas d’évaluer le chiffre noir des actes de
délinquance car elles comportent des limites. Ces enquêtes offrent un nouvel éclairage sur la
délinquance. Elles sont complémentaires aux statistiques policières et judiciaires, c’est-à-dire
qu’elles permettent de mieux analyser les actes de délinquance et leur évolution.

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