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C Mennesson

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LA GESTION DE LA PRATIQUE DES FEMMES DANS DEUX SPORTS «

MASCULINS » : DES FORMES CONTRASTÉES DE LA DOMINATION


MASCULINE

Christine Mennesson

De Boeck Supérieur | « Staps »

2004/1 no 63 | pages 89 à 106


ISSN 0247-106X
DOI 10.3917/sta.063.0089
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-staps-2004-1-page-89.htm
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STAPS, 2003, 63, 89-106

R APPORT DE RECHERCHE

La gestion de la pratique des femmes


dans deux sports « masculins » :
des formes contrastées de la domination masculine
Christine Mennesson*
LARAPS, UFR-STAPS, Université Paul Sabatier, Toulouse III.
118 route de Narbonne, 31062 Toulouse Cedex 4

Résumé : Cet article envisage de comparer les processus d’intégration de la pratique des
femmes au sein de sports « masculins » afin de mettre en évidence le rôle des pratiques spor-
tives dans la production et le questionnement des catégories sexuées. On peut en effet consi-
dérer les politiques fédérales et les modes de fonctionnement des commissions féminines
comme un analyseur particulièrement pertinent pour étudier la construction sociale des
genres dans le monde sportif. Le choix du football et de la boxe se justifie par les mises en
jeu corporelles, les sociabilités et les systèmes symboliques typiquement « masculins » de
ces disciplines, et, par là même, par les résistances qu’elles opposent à l’entrée des femmes.
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La perspective comparative permet de repérer des formes contrastées d’exercice de la domi-
nation masculine. Ces différences sont en relation avec la position des pratiques dans le
champ sportif français à un moment donné ainsi qu’avec l’identité sociale des « promo-
teurs » de la pratique des femmes.

Mots clés : Sport, femmes, domination, conjoncture, stratégies

The management of women’s practice in two “male” sports :


various forms of masculine domination
Abstract: This paper compares the integration process of women’s practise in “male” sports to put in
obviousness the role of sports in the production and the questioning of gender categories. One can
consider federal policies and modes of functioning of feminine committees as a particularly relevant
indicator to study the social construction of genders in the “sports world”. The choice of football and
boxing justifies itself by the “typically male” motivities, sociabilities and symbolic systems of these
sports, and by the resistances which they set against the entrance of women. Comparative perspective
allows to identify various forms of masculine domination. These differences are connected to the posi-
tion of the practise in the French sports field in a particular conjuncture and in the social characteris-
tics of the members of the feminine committees.

Key words : Sport, women, domination, conjuncture, strategies

* [email protected]
90 Christine MENNESSON

Au cours du XXe siècle, les revendica- incorporé dans les habitus, qui considère
tions des femmes, relayées par les mouve- l’homme comme un être universel, sociale-
ments féministes, se sont particulièrement ment autorisé et préparé à entrer dans les
affirmées et ont contribué à l’évolution de la luttes de pouvoir (Bourdieu, 1998).
place des femmes dans la société et, Dans cet article, nous proposons d’étu-
conjointement, des représentations collec- dier les manières dont se manifeste la
tives des rôles assignés à l’un ou l’autre domination masculine au sein des fédéra-
sexe. Cependant, les travaux menés sur les tions de football et de boxe française à par-
rapports sociaux de sexe (Kergoat, 1992) ou tir de l’analyse des politiques fédérales à
sur la construction du genre ou « sexe l’égard de la pratique des femmes et du
social » (Mathieu, 1991) montrent que dans mode de fonctionnement des commissions
tous les domaines, du marché du travail à féminines. Ces indicateurs permettent de
l’espace privé, les processus de discrimina- mettre en évidence des différences entre les
tion et de hiérarchisation entre les sexes per- deux disciplines dans le processus de struc-
sistent. Ainsi, si les femmes investissent turation et d’intégration de la pratique des
aujourd’hui massivement le marché du tra- femmes aux fédérations initialement mas-
vail, elles sont plus concernées que les culines (Mennesson, 2000a). Après
hommes par les emplois précaires, à temps quelques précisions sur le cadre d’analyse
partiel, et se trouvent plus exposées au chô- et sur le positionnement très différent des
mage (Maruani, 1998). De la même deux disciplines étudiées dans l’espace des
manière, la meilleure réussite scolaire des sports français, nous aborderons successi-
filles ne se concrétise pas par une égalisa- vement le cas du football puis celui de la
tion des parcours scolaires, les choix boxe française en analysant à chaque fois
d’orientation restant sexués (Baudelot & les relations entre la politique fédérale à
Establet, 1992). Au sein du système sco- l’égard des femmes et les stratégies déve-
laire, comme sur le marché du travail, la loppées par les membres des commissions
mixité n’implique pas la disparition des sté- féminines pour promouvoir la pratique des
réotypes sexués (Fortino, 2002 ; Zaidman, femmes.
1996). Ces processus reposent largement
sur l’idée d’un ordre naturel des sexes, jus-
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tifiant les hiérarchies et la division sexuée 1. CADRE D’ANALYSE
du travail par une biologisation du social
(Bourdieu, 1998 ; Delphy, 1991). 1.1. La problématique des rapports
Les pratiques sportives constituent l’un sociaux de sexe
des domaines sociaux les plus intéressants
pour analyser ces processus dans le sens où Deux axes de réflexion organisent le
la mise en jeu des corps favorise de cadre d’analyse. La sociologie des rap-
manière plus accentuée qu’ailleurs une ports sociaux de sexe et les « gender stu-
reproduction des différences entre les dies » structurent le premier axe d’analyse.
sexes, souvent légitimée par un discours Dans cette perspective, les catégories
essentialiste. En même temps, l’évolution sexuées socialement construites et hiérar-
des pratiquants (et notamment des prati- chisées constituent l’un des fondements de
quantes) dans les différentes modalités de l’organisation des sociétés humaines
pratiques et l’entrée progressive des (Héritier, 1996 ; Mathieu, 1991). La domi-
femmes dans des sports dits mas- nation masculine, objectivée et incorporée,
culins questionnent les définitions domi- structure les trois niveaux de construction
nantes des catégories sexuées (Mennesson, des identités sexuées repérés par Harding
2002). De ce fait, le monde sportif peut être (1986) : le niveau symbolique ou celui des
considéré comme un analyseur particuliè- représentations collectives qui fixe les
rement pertinent d’un enjeu central du XXIe images et les modèles féminin et
siècle : l’évolution du processus de domina- masculin ; le niveau institutionnel, ensuite,
tion masculine, défini ici comme un prin- qui oriente la politique en matière de fémi-
cipe de division sexuelle du travail et de nisation ; le niveau des stratégies indivi-
vision du monde social, présent à l’état duelles enfin, qui correspond aux expé-
objectivé dans le monde social et à l’état riences des diverses formes de féminité et
LA GESTION DE LA PRATIQUE DES FEMMES DANS DEUX SPORTS « MASCULINS » 91

de masculinité. Par ailleurs, les manières tique et hygiénique et que la pratique est
de construire les genres diffèrent en fonc- investie majoritairement par les membres
tion des groupes sociaux d’appartenance, des groupes sociaux culturellement favori-
sans que l’on puisse pour autant repérer de sés (Louveau, 1991). En ce sens, la position
principe homogène expliquant les varia- des fédérations au sujet de l’intégration ins-
tions des identités sexuées d’un bout à titutionnelle de la pratique des femmes se
l’autre de l’échelle sociale (de Singly, situe au cœur d’enjeux qui participent à la
1996). L’identité sociale des acteurs insti- définition de l’identité de la discipline
tutionnels influence en partie leurs posi- (Mennesson, 2000a).
tions à l’égard de la pratique des femmes. Enfin, le monde sportif subit les effets
Enfin, le sport moderne peut être considéré des conjonctures historiques successives
comme un lieu privilégié de construction (Clément & Defrance, 1987 ; Clément,
d’une masculinité « virile » dominante Defrance & Pociello, 1994), précisant
(Messner & Sabo, 1990, 1994). Ce lien notamment les représentations domi-
originel entre sport et masculinité reste nantes à un moment donné des rôles fémi-
d’actualité dans la plupart des sports nins et masculins. Autrement dit, la fémi-
médiatisés et, en particulier, dans les sports nisation des pratiques sportives ne peut se
« populaires » mettant en jeu un certain comprendre sans prendre en compte les
niveau de violence physique (Sabo & évolutions sociales et culturelles. Ainsi, il
Panepinto, 1990). On peut donc faire l’hy- s’agit non seulement de considérer l’état
pothèse que le processus d’intégration de du système des sports à un moment donné,
la pratique des femmes dans ces disci- mais également d’analyser l’inscription de
plines pose des problèmes génériques, ce système dans une conjoncture histo-
mais qu’il suscite également des réactions rique particulière. Nous pensons en effet
spécifiques en fonction des enjeux relatifs que ces deux aspects, difficiles à distin-
à la féminisation au sein des différentes guer dans l’analyse, influencent conjointe-
fédérations. ment le processus d’institutionnalisation
Le deuxième axe d’analyse s’appuie sur de la pratique sportive des femmes et
certaines problématiques de la sociologie expliquent en partie les différences impor-
de la culture et de l’histoire sociale appli- tantes constatées au niveau du statut de la
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quées au sport. Il appréhende le monde pratique des femmes entre le football et la
sportif comme un champ structuré autour boxe française.
d’enjeux spécifiques et disposant d’une Les données utilisées dans ce travail
relative autonomie (Bourdieu, 1980 ; proviennent d’une part de l’analyse des
Defrance, 1995). La participation sportive archives des fédérations, notamment des
des femmes constitue un des éléments per- documents relatifs à la pratique des femmes
tinents pour différencier symboliquement ou émanant de la commission féminine, et,
les pratiques entre elles. Elle est en effet d’autre part, d’entretiens avec des actrices
d’autant plus forte que le mode de mise en du milieu fédéral impliquées dans la gestion
jeu du corps favorise la dimension esthé- de la pratique des femmes.

MÉTHODOLOGIE

Type de documents et période d’investigation :


Pour le football, le travail d’analyse des archives se base sur l’étude des revues « France
Football Officiel » (FFO pour les citations dans le texte) et « Foot » (F pour les citations dans le
texte), éditées par la fédération française de football, et qui publient notamment les comptes rendus
des assemblées générales, des comités directeurs et, parfois, des différentes commissions, ainsi que
des articles sur les évènements organisés par la fédération (pour la revue « Foot »). La période ana-
lysée va de 1970 (année de la création de la commission féminine) à 1999. Pour la boxe, en plus
de la revue fédérale « La lettre de la Boxe Française » (LBF pour les citations dans le texte), j’ai
eu accès aux archives de la commission féminine (CF pour les citations dans le texte), qui contien-
nent, outre les décisions officielles, les comptes rendus exhaustifs des réunions de la commission
et certains courriers adressés à la commission. La période d’analyse débute en 1980, mais les pre-
miers documents disponibles dans les archives de la commission datent de 1985.
92 Christine MENNESSON

MÉTHODOLOGIE

Caractéristiques des entretiens et statut des personnes enquêtées :


Les données exploitées dans ce travail sont issues d’une enquête plus large comprenant une cin-
quantaine d’entretiens biographiques de sportives, de dirigeantes et d’entraîneurs (Mennesson,
2000a). Pour cet article, les entretiens réalisés avec des membres (ou d’anciens membres féminins)
des commissions féminines nationales et des dirigeantes ayant au moins une responsabilité au
niveau des ligues ont été privilégiés (soit une dizaine d’entretiens d’une heure trente à deux heures).
Les femmes exerçant une responsabilité particulière au sein des fédérations (membre du comité
directeur, conseillère technique régionale, entraîneur de l’équipe de France féminine) font toutes
partie de la population enquêtée. Dans tous les entretiens, la politique menée par la fédération à
l’égard des femmes et les stratégies mises en œuvre par la commission féminine ont été largement
commentées.

1.2. Des positions différentes dans le effective et 1991 pour la création d’une
champ sportif français coupe du monde féminine.
Le début du processus de reconnais-
La position spécifique des deux pra- sance de la pratique féminine par les ins-
tiques dans le champ sportif français, leur tances nationales et internationales s’effec-
pourcentage respectif de pratiquantes, et la tue au début des années 1970, dans une
différence de conjoncture sportive et conjoncture marquée par un questionne-
sociale au moment de la création des com- ment important des formes d’organisation
missions féminines au sein des deux fédé- sociales dominantes, tant dans le système
rations (1970 pour le football et 1985 pour éducatif, que dans la famille ou le monde
la boxe française), permettent de penser du travail. La question de l’évolution des
que les enjeux relatifs à la féminisation de rôles sociaux dévolus aux femmes occupe
ces deux disciplines ne sont pas compa- une place importante dans ces débats, ani-
rables. més par des mouvements féministes parti-
Historiquement, les premières équipes culièrement actifs (Ergas, 1992). Cepen-
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de football féminin apparaissent vers 1917 dant, si cette conjoncture sociale favorise
(Prudhomme, 1996 ; Wahl, 1989). Cette globalement le développement du sport
première tentative, gérée de manière auto- féminin, notamment en permettant de
nome par des associations sportives exclu- dénoncer les discours explicites d’exclu-
sivement destinées aux femmes, connaît un sion des femmes, le monde du football
succès éphémère. Les équipes féminines résiste à ces incitations sociales, politiques
disparaissent dans les années 1930. Le et culturelles en faveur des femmes. En
football féminin réapparaît, plus de trente effet, au début des années 1970 le monde
ans plus tard, en 1968. Des équipes fémi- sportif est encore dominé par le modèle
nines évoluent au cours de festivités au sein sportif compétitif, porté par les fédérations
de clubs masculins et un début d’organisa- traditionnelles en pleine expansion. Le
tion de la pratique se met en place dans cer- football, discipline dominante sur le plan
taines régions. Le 28 mars 1970, le conseil national en termes de licenciés (quasi
fédéral de la fédération française de foot- exclusivement masculins), double ses
ball reconnaît le football féminin et désigne effectifs en dix ans (de 602 000 licenciés en
une commission d’étude chargée de son 1968 à 906 450 en 1973 et 1 309 878 en
organisation (Prudhomme, 1996). Le pre- 1978) (Herr, 1981). Pendant la même
mier championnat national est créé en période, les enjeux économiques liés à la
1974-1975. médiatisation de la pratique augmentent
Au niveau international, l’UEFA considérablement, inaugurant « l’ère de la
(Union Européenne de Football Associa- déraison » (Wahl, 1989). Dans ce contexte,
tion) décide de prendre en charge le foot- on comprend aisément le manque d’intérêt
ball féminin en 1971. Il faut cependant des dirigeants du football à l’égard de la
attendre 1982 pour que la mise en place pratique des femmes. De fait, en football,
d’un championnat d’Europe féminin soit l’objectif principal réside davantage dans le
LA GESTION DE LA PRATIQUE DES FEMMES DANS DEUX SPORTS « MASCULINS » 93

contrôle des pratiquantes que dans la formes de pratiques dites libres et informa-
« féminisation » de la pratique. Cette tionnelles valorisant de nouveaux modes
absence de politique en faveur de la pra- d’organisation et de motricités (Pociello,
tique féminine s’objective clairement dans 1995). Au-delà de cette « crise » du modèle
l’évolution des effectifs féminins. Après sportif traditionnel, la boxe française, sport
une courte période d’augmentation au relativement marginal, se trouve confrontée
début des années 1970, ces derniers stag- dans le sous-espace des pratiques pugilis-
nent et connaissent même une période de tiques à une concurrence intense pour la
régression au milieu des années 1980. En définition des formes légitimes d’opposi-
2000, les footballeuses représentent seule- tion. Dominée depuis la fin du XIXe siècle
ment 1,4 % des effectifs de la fédération par les valeurs de l’académisme et de l’es-
(soit 28 065 licenciées), soit l’un des taux thétique (Loudcher, 1996), la boxe fran-
les plus faibles des pays occidentaux. La çaise résiste mal à la montée dans les
modification très récente des positions de années 1980 de formes d’affrontements
la fédération à l’égard des femmes résulte plus durs et moins civilisés (kick-boxing,
en fait davantage de la pression des ins- full contact, boxe thaï…). Entre 1982 et
tances internationales (UEFA, FIFA) et 1991, le nombre de licenciés stagne, oscil-
d’une conjoncture nationale particulière lant entre 17 000 et 20 000 (données fédéra-
(politique récente du ministère de la tion). Dans ce contexte, la pratique fémi-
Jeunesse et des Sports en faveur des nine apparaît rapidement comme un enjeu
femmes), que d’une mansuétude soudaine central pour la fédération, devenant ainsi
à l’égard des femmes. l’un des aspects essentiels de l’identité de
Dans le cas de la boxe française, les la discipline. Non seulement les prati-
effets des conjonctures socio-historique et quantes féminines peuvent permettre de
sportive se conjuguent pour placer la pra- limiter les pertes en termes de nombre de
tique des femmes au centre d’enjeux liés à licenciés, mais elles symbolisent parfaite-
l’identité et au développement de la disci- ment la stratégie fédérale consistant à
pline. défendre le « produit » boxe française en
L’institutionnalisation de la pratique vantant ses perspectives éducatives et son
des femmes en boxe française débute au ouverture à différents publics (hommes,
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cours des années 1980. Le premier cham- femmes et enfants, mais aussi compétition
pionnat de France féminin, créé en 1982, et loisir). Cette politique volontariste de
précède la mise en place de la commission féminisation permet à la fédération de
féminine en 1985. L’organisation de la pra- maintenir puis d’accroître le nombre global
tique des femmes s’inscrit ainsi dans un de licenciés, en partie grâce à l’accroisse-
contexte historique différent de celui des ment des effectifs féminins (les licenciées
années 1970 en termes de rôles et de statuts représentent 7,4 % des effectifs en 1982,
des femmes. Si les mouvements féministes 12,2 % en 1991 et 17 % en 1998 pour
ont perdu de leur puissance militante, le 26 654 licenciés).
modèle de la femme active et salariée s’est On le voit, l’institutionnalisation de la
définitivement imposé1. L’état des rapports pratique des femmes au sein des fédéra-
sociaux de sexe au sein de la société fran- tions de football et de boxe française s’ef-
çaise au moment de la création des com- fectue dans des conjonctures socio-histo-
missions féminines influe certainement sur riques et sportives différentes. De la même
les stratégies des membres de ces commis- manière, la position des deux disciplines
sions, même si cette relation reste difficile dans le champ sportif français modifie de
à établir objectivement. façon importante les enjeux liés au déve-
Par ailleurs, le contexte sportif des loppement de la pratique féminine. Si la
années 1980 diffère également sur bien des relative autonomie du champ sportif rend
points de celui des années 1970. Le modèle difficile la mise en évidence de relations
sportif compétitif organisé dans le cadre directes entre conjoncture socio-historique
fédéral est concurrencé par de nouvelles et conjoncture sportive, ces deux niveaux

1. Le taux d’activité des femmes de 25 à 54 ans passe de 45 % en 1968 à 79 % en 1994 (Données sociales,
1996, INSEE).
94 Christine MENNESSON

d’analyse sont cependant indispensables pays nordiques). Dans cette conjoncture,


pour comprendre le sens des politiques les dirigeants français sont contraints d’ac-
fédérales à l’égard des femmes et étudier cepter une certaine évolution pour respec-
les stratégies des membres des commis- ter les directives de l’UEFA, sans pour
sions féminines. autant s’engager dans une politique de
développement de la pratique des femmes.
Le secrétaire général de la fédération et
2. LE FOOTBALL : UNE POLITIQUE délégué à l’UEFA, informé de la décision
DE DÉVELOPPEMENT DE LA PRA- de l’UEFA d’accepter cette nouvelle disci-
TIQUE DES FEMMES LACUNAIRE pline, demande dès 1972 à la commission
féminine de respecter les directives euro-
2.1. Une évolution contrainte péennes et justifie la création d’une com-
mission restreinte chargée de les appliquer
L’intégration du football féminin dans (FFO, avril 1972).
la fédération et la mise en place d’une com- L’ignorance teintée de mépris à l’égard
mission chargée de gérer son développe- de la pratique des femmes s’exprime en
ment visent à contrôler une pratique jugée quelque sorte par le silence des structures
inappropriée pour les femmes. Le rapport fédérales sur cette discipline dans tous les
moral du directeur général de la fédération, textes de bilan ou de prospective (rapports
rédigé à l’occasion du conseil fédéral de moraux, plan d’action…). Le plan d’action
1970, illustre clairement cette volonté : pour 1993/1996, présenté par le président
« Ainsi le veut notre temps. En foot de la fédération, n’évoque à aucun moment
comme dans d’autres domaines, la femme a les féminines, mais insiste sur l’accueil de
fait reconnaître ses droits. Ne nous plai- la masse et des jeunes… masculins (F,
gnons pas. Les membres de votre conseil ne juillet 1993). Pour les 25 ans du football
sont pas des misogynes. Dès le 30 Août, ils féminin, le nouveau président de la FFF, y
reconnaissaient le football féminin que consacre un éditorial pour souligner que le
l’article 1 des statuts charge d’ailleurs la football féminin « souffre de n’être que peu
FFF d’organiser, de développer et de ou mal connu et de trop de clichés et
contrôler » (FFO, juillet 1970). d’idées reçues ». Il invite le nouveau
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Contraints par les évolutions sociales et Conseil National du Football Amateur
culturelles, les dirigeants de la fédération, (CNFA) à intensifier ses efforts et, « sans
choisissent de contrôler le développement aller jusqu’à dire que la féminine est l’ave-
de la pratique féminine plutôt que de nir du football, elle doit très largement y
l’ignorer. La reconnaissance de la pratique contribuer » (F, avril 1995). En 1996 pour-
des femmes par l’UEFA s’inscrit dans la tant, lors de l’assemblée générale, il établit
même perspective : un bilan en quatre points : l’équipe de
« le nombre des femmes pratiquant le France, nos espoirs, nos militaires et nos
football s’accroît sans cesse dans beaucoup cadets. Le football pratiqué par les femmes
de pays européens, bien que les mass n’est toujours pas évoqué (F, février 1996).
médias ne le reconnaissent pas et expriment Le plan d’action pour 1996/2000, pour le
plutôt leur désaccord. Pour contrôler effi- premier mandat du CNFA, n’évoque pas
cacement ce mouvement, l’UEFA a nommé davantage la pratique féminine. La sépara-
une commission spéciale » (FFO, juin tion avec la pratique professionnelle ne
1973). D’une certaine manière, les diri- favorise pas davantage le football féminin.
geants du football européen rassurent un Le premier axe développé s’intitule pour-
milieu largement défavorable à la pratique tant « foot et société », société apparem-
des femmes par une volonté de contrôle. ment exclusivement masculine. En 1999,
Si la reconnaissance de la pratique des au cours de son allocution, le président
femmes par la fédération française de foot- reprend les trois axes développés par le
ball précède celle des instances euro- directeur technique national et évoque le
péennes, l’organisation du football féminin souhait d’Aimé Jacquet, auréolé du pres-
français accuse cependant un retard consi- tige des vainqueurs de la coupe du monde,
dérable par rapport à bon nombre de pays d’apporter beaucoup d’attention au déve-
européens (notamment l’Allemagne et les loppement du football féminin, des petits
LA GESTION DE LA PRATIQUE DES FEMMES DANS DEUX SPORTS « MASCULINS » 95

clubs et du foot d’entreprise (F, février dernières doivent jouer avec un ballon
1999). Ce soutien appuyé d’Aimé Jacquet « minime » et la durée des matchs est limi-
au football féminin a été vécu comme un tée à 2 fois 35 minutes (FFO, avril 1970).
événement important dans le milieu du Le passage de la durée réglementaire des
football, ce qui témoigne paradoxalement matchs féminins à 2 fois 45 minutes est
des pesanteurs de cette institution à l’égard imposé par l’UEFA seulement en 1992,
des femmes. Le premier bilan évoquant le malgré les réticences de nombre de diri-
football féminin en 1998 le situe parmi les geants français. Le dirigeant du club de B.
« actions non réalisées », confirmant ainsi M. déclare par exemple :
cette situation. Plus récemment, l’igno- « Je suis surpris de cette décision, les
rance de la pratique féminine semble pro- filles n’ont pas les mêmes qualités athlé-
gressivement (et timidement) remise en tiques que les garçons » (F, septembre 1993).
question. L’allocution du président à l’as- Ces propos synthétisent les résistances
semblée générale du 12 juin 1999 explique de la plupart des dirigeants fédéraux à
en partie les raisons d’une telle évolution. l’égard de la pratique des femmes.
Signalant la position réservée de beaucoup Difficiles à repérer dans les journaux fédé-
de clubs à l’égard de la pratique féminine, raux en raison de leur position « politique-
il affirme : ment » incorrecte, les propos de respon-
« Cela doit être une de nos priorités dans sables fédéraux stigmatisant le niveau de
les années à venir pour rivaliser avec les jeu des femmes et le manque de conformité
fédérations, notamment en Europe, très en sexuée des joueuses sont récurrents
avance par rapport à nous » (F, juin 1999). (Mennesson, 2000).
Conformément à ce que les historiens
La France fait figure de pays rétrograde du sport et de l’éducation physique repè-
en matière de football féminin et les mau- rent systématiquement, les références au
vais résultats internationaux d’une équipe discours médical pour justifier l’inadapta-
disposant de moyens ridicules comparés à tion des femmes à la pratique, ou tout du
ceux de ses rivales européennes objectivent moins les spécificités de son jeu, sont fré-
l’absence de politique de développement. quentes. Dès 1969, un rapport sur le foot-
Par ailleurs, les récentes incitations minis- ball féminin est demandé à la commission
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térielles en faveur de la pratique féminine médicale de la FFF (FFO, septembre
menacent de sanctionner une fédération 1969). Cette demande est réitérée à inter-
qualifiée de « machiste », notamment lors valles réguliers. Les conclusions des rap-
des Assises Nationales sur le sport féminin ports les plus récents sont éloquents et réaf-
(29 au 29 mai 1999). firment la hiérarchie des pratiques entre les
hommes et les femmes. En 1995, les
« experts médicaux » affirment la spécifi-
2.2. Une relative permanence des stéréo- cité du jeu des jeunes femmes :
types sexués « médicalement, les filles s’orienteront
vers un football joué par les filles et psy-
L’importance des représentations très chologiquement, l’affirmation de la fémi-
stéréotypées du féminin dans le milieu des nité orientera différemment les comporte-
instances dirigeantes du football explique ments des femmes vers plus de finesse et de
en partie les difficultés d’organisation de la subtilité » (F, avril 1995).
pratique des femmes. Au début des années Ces déclarations, légitimées par le statut
1970, en France comme en Europe, la mise médical de leurs auteurs et largement diffu-
en place de compétitions est laborieuse. sées dans la revue fédérale, témoigne de la
Les dirigeants souhaitent « ne pas se préci- permanence de représentations très tradi-
piter pour le moment » et « envisager la tionnelles des femmes dans le milieu fédé-
création d’épreuves féminines après un ral. En 1998, un article présente les particu-
examen approfondi » (FFO, septembre larités médico-physiologiques du football
1969 et juin 1973). Les modalités d’adapta- féminin en affirmant : « les blessures
tion des règlements proposées par les diri- seraient deux fois plus nombreuses chez les
geants révèlent une représentation particu- femmes et il est également possible qu’un
lière des capacités des femmes. Ces problème de proprioception soit plus fré-
96 Christine MENNESSON

quent chez la femme » (F, avril 1998). raine de cette opération consistant à réserver
L’utilisation du conditionnel est surprenante la tribune sud aux femmes. Interrogé sur le
dans un document a priori scientifique ou football féminin lors de la promotion de
tout du moins présenté comme tel. En fait, l’opération, le président déclare : « on ne
aucune étude réellement scientifique n’a été peut pas rester à la traîne » (F, septembre
effectuée. L’utilisation du discours médical 1998), indiquant par là même le chemin à
illustre la force et la permanence des préju- parcourir en la matière.
gés des hommes de la fédération à l’égard Face à l’ignorance, au mépris et aux
de la pratique des femmes. Cet usage très représentations des hommes de la fédéra-
caricatural de la légitimité médicale, systé- tion associant la féminité à un processus de
matique dans la première moitié du séduction fondé sur l’apparence voire le
XXe siècle pour justifier l’éthique de la « sex-appeal », la commission féminine
« modération » et l’exclusion des femmes privilégie deux stratégies : celle de la
des compétitions sportives, situe en réalité modération et celle de l’image.
l’archaïsme du milieu de la fédération de
football dans l’espace sportif, et d’une cer-
taine manière, sa domination « culturelle ». 3. LA COMMISSION FÉMININE AU
Ce discours est en effet non seulement SEIN DE LA FÉDÉRATION DE FOOT-
impensable dans la majorité des disciplines BALL : STRATÉGIE DE LA MODÉ-
sportives, mais souvent stigmatisé. Les RATION ET DE L’IMAGE
commentaires de l’entraîneur de l’équipe
féminine sur le « manque d’agressivité » ou Pour comprendre les stratégies de la
« le laxisme » des filles renforcent ces commission féminine au sein de la fédéra-
représentations (voir F : mars 1991, mars tion française de football, il faut d’abord
1992 et octobre 1993). préciser le mode de désignation des
De la même manière, l’évolution récente membres de cette commission et la nature
et contrainte des positions de la fédération à des liens qui les unissent à cette dernière.
l’égard des femmes n’exclut pas cependant Les membres de cette commission sont
la permanence des stéréotypes sexués. A ce cooptés et proposent à leur tour de nouveaux
sujet, les choix effectués pendant la coupe membres, proches des orientations de la
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du monde masculine sont évocateurs. commission. L’élection en tant que repré-
Malgré l’engagement de Fernand Sastres et sentante féminine au conseil d’administra-
de Michel Platini en faveur de la promotion tion de la fédération s’effectue globalement
du football féminin pendant la coupe du de la même manière. Marylou, qui remplit
monde en France (F, janvier 1995), la fédé- ce mandat depuis plusieurs années, a été for-
ration choisit, pour la cérémonie précédant tement incitée par l’ancien président à se
la finale, de confier à Yves Saint-Laurent et présenter à ce poste. Selon elle, ce choix fut
Pierre Bergé un défilé de mode censé repré- dicté par sa féminité et sa modération2. Très
senter l’excellence féminine et culturelle investie dans le football, ce statut construit
française, plutôt qu’un match féminin. Ce toute son identité sociale. Elle est donc par-
choix témoigne d’une vision très stéréoty- ticulièrement redevable aux dirigeants de la
pée des catégories de sexe. Apparemment fédération, tout comme Babette, l’actuel
satisfaite de l’opération et soucieuse de entraîneur de l’équipe de France féminine et
moderniser une image vieillotte (résultant en membre de la commission féminine, nom-
partie de l’ignorance de la pratique fémi- mée à temps complet à la fédération alors
nine), la fédération propose de renouveler ce qu’elle se trouvait dans une situation profes-
genre d’action avec l’opération « Femmes, sionnelle précaire. Même s’ils ne se trouvent
femmes, femmes : la victoire est en elles », à pas dans des situations tout à fait similaires,
l’occasion du match France/Andorre du les membres de cette commission remplis-
14 octobre 1998. Sophie Talman, Miss sent souvent des fonctions importantes au
France 1998, est bien évidemment la mar- niveau fédéral et sont donc sanctionnables.

2. « Je ne dis pas ça pour la frime, mais j’étais la plus féminine (des candidates) et ça…Il m’a dit (le président)
« il faut ressembler à une fille quand tu viens parmi les machos pour les convaincre », entretien de Marylou réalisé
le 25.03.1996.
LA GESTION DE LA PRATIQUE DES FEMMES DANS DEUX SPORTS « MASCULINS » 97

« Marylou » et « Babette » : deux femmes dévouées à la cause du football féminin

Première femme au comité directeur de la fédération, Marylou a aussi été pendant de nom-
breuses années la présidente de la commission féminine. Elle débute le football en 1970, à 20 ans,
au sein de l’une des premières équipes alsaciennes. Elevée dans une famille de footballeurs, elle
s’investit dans l’organisation du football féminin en France. Au fil des ans, ses fonctions à la fédé-
ration lui prennent de plus en plus de temps et elle change de situation professionnelle pour rem-
plir pleinement ses fonctions fédérales. Elle quitte son emploi de secrétaire et accepte un poste de
standardiste chez Adidas. Elle considère le football féminin comme toute sa vie. Elle lui sacrifie
ses jours de congé et sa vie familiale (elle décide de ne pas avoir d’enfants). Même si elle critique
en aparté le machisme des hommes de la fédération, elle tient toujours à valoriser leurs efforts en
faveur des « filles » et regrette le manque de conformité corporelle et sexuelle de certaines joueuses.
A l’issue d’une carrière de joueuse internationale remarquée, Babette participe activement aux
travaux de la commission féminine avant d’accepter le poste d’animatrice du football féminin à la
fédération, après avoir échoué au concours d’entrée en STAPS. Seconde d’Aimé Mignot, l’entraî-
neur des féminines pendant plusieurs années, elle lui succède à ce poste après l’obtention de son
brevet d’état. Moins vindicative que Marylou au sujet de la conformité des footballeuses aux
normes sexuées et sexuelles, elle défend cependant ardemment la politique de la fédération à
l’égard de la pratique féminine. Célibataire, elle « joue » elle aussi l’essentiel de son identité sur sa
réussite dans le milieu du football.

Ces précisions permettent de mieux en France était satisfaisante, les uns en dif-
comprendre les deux stratégies collectives fusant périodiquement des dossiers aux
de la commission féminine : la « modéra- titres prometteurs, les autres en appréciant
tion » des revendications, et la mise en une « politique » rarement suivie d’effets.
scène de la « féminité ». La seconde stratégie consiste à
répondre aux attentes (effectives) des
hommes de la fédération en mettant (en
3.1. Etre « modérée » et « féminine » tentant de mettre) en scène la féminité des
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membres de la commission et des joueuses
La stratégie de la modération est per- (notamment celles de haut-niveau). Cette
ceptible dans le discours des membres de la stratégie renforce certaines analyses de
commission et dans certains comptes ren- dirigeants de la fédération, non diffusées
dus de réunions. Marylou insiste sur la dans la revue officielle mais exprimées
nécessité de présenter ses requêtes avec sans réserve dans les discussions infor-
calme, en souriant, en mettant en évidence melles, évoquant le « manque » de confor-
sa conformité aux normes sexuées domi- mité corporelle des joueuses comme une
nantes, et en formulant des demandes « rai- raison suffisante pour ne pas développer
sonnables ». De manière générale, les davantage leur pratique.
membres de la commission soulignent la Les membres de la commission n’hési-
nécessité de « ne pas froisser » la fédéra- tent pas à se prêter au jeu et à poser en tenue
tion, de faire « preuve de patience », d’ef- « féminine ». Sur une plaquette d’informa-
fectuer les démarches « avec diligence » (F, tion dédiée au football féminin et diffusée
décembre 1972 et… novembre 1996), et par la fédération en 1995, la capitaine de
par là même de formuler une opinion posi- l’équipe de France et membre de la commis-
tive sur la politique fédérale à l’égard des sion féminine pose en tenue sportive puis en
femmes. Babette affirme par exemple : « on tailleur. Le titre des photos, « Bernadette
nous a donné tous les moyens pour Constantin, l’élégance dans la vie comme
réussir », après un résultat décevant des sur le terrain », résume à lui seul la stratégie
Françaises à l’occasion d’une rencontre de l’image. Mais l’exemple le plus évocateur
internationale (F. Juillet 1995). Du côté est certainement celui de la « politique du
fédéral comme de celui de la commission tailleur », imposée par décision de la com-
féminine, il s’agit finalement de faire mission féminine aux joueuses de l’équipe
comme si la situation du football féminin de France à l’occasion de toutes leurs actions
98 Christine MENNESSON

de représentation3. Une double page est des licenciés, représentant une des 13 com-
consacrée à la diffusion de deux photos missions du Conseil National du Football
grand format des joueuses posant en tailleur Amateur, la commission pouvait-elle mettre
Daniel Hechter (F, juillet 1995) (membre en place d’autres stratégies ? Comme l’in-
influent du milieu du football). dique Marylou, « au moins, ils me disent
Cette stratégie4 de la féminité visant à bonjour et m’écoutent quand je prends la
démontrer la conformité sexuée (et sexuelle) parole ». Très attentive aux attentes des
des joueuses ne joue pas uniquement sur hommes pendant des années, elle déclare
l’image. Elle s’exprime également par des récemment être « écoeurée » par des années
prises de position très « traditionnelles » sur de luttes sans de réelles avancées :
les rôles féminins. Il s’agit de rappeler par « Le football féminin en France est dans
tous les moyens la volonté des joueuses une situation critique. Les joueuses ne sont
(telle que la commission féminine l’ima- pas préparées à l’accès au plus haut-
gine) de respecter les définitions dominantes niveau, les résultats ont été désastreux en
des catégories de sexe (tout du moins dans le Norvège. Il n’y a pas de travail en profon-
milieu du football masculin). La conclusion deur dans les districts et dans les ligues. Le
de l’intervention de Babette lors de la confé- nombre d’équipes n’évolue pas. Il n’y a
rence internationale de la FIFA (Fédération pas une grande volonté de mettre en place
Internationale de Football Amateur) sur le un grand football féminin en France. La
football féminin illustre cette stratégie : situation est grave » (F, décembre 1998).
« Je serai tentée de dire, pour conclure, Cette déclaration de la représentante du
que le football féminin « modèle » ses entraî- football féminin au sein du conseil fédéral et
neurs à sa propre image, dans le respect de première animatrice de la commission fémi-
l’individu, et avec un esprit de famille, que, nine illustre l’inertie de la fédération. Elle
peut-être, seules les femmes, grâce à la place suscitera peu de réactions officielles. Le dis-
maternelle importante qu’elles occupent cours de Babette après la même compétition
dans la cellule familiale, savent transposer ne déroge pas à la modération habituelle.
dans leur sport » (Babette, conférence inter- De fait, si les femmes ont récemment
nationale de la FIFA, 7-8 Juillet 1999). obtenu le droit d’utiliser les installations du
centre de formation national de
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Clairefontaine, la commission féminine n’a
3.2. Un rapport de force très défavorable jamais réussi à imposer des mesures incita-
tives efficaces en faveur du football fémi-
Il est difficile d’évaluer le bénéfice des nin. L’idée de solliciter les clubs profes-
stratégies utilisées par les membres de la sionnels pour participer au développement
commission féminine. La position de la de la pratique féminine ou celle d’imposer
fédération à l’égard du football féminin n’a la diffusion de matchs féminins pendant la
guère évolué, sauf peut-être ces toutes der- négociation des contrats entre les chaînes
nières années. L’avancée qui reste d’ailleurs télévisées et la fédération, longtemps
à confirmer semble davantage résulter de débattue en commission féminine, est pour
pressions internationales et nationales que l’instant refusée par la fédération.
de l’action de la commission féminine. Le rapport de force semble nettement
Nous constatons en effet un rapport de force plus favorable aux femmes dans la fédéra-
très défavorable aux femmes. Avec 1,4 % tion de boxe française.

3. « Je n’arrête pas de leur dire aux filles (de l’équipe de France) : « soyez féminines, soyez gracieuses, essayer
de ressembler à des filles… ». D’ailleurs, elles vont avoir des tailleurs, c’est plus joli que de se déplacer en survê-
tement ou en jean », Marylou, entretien du 25.03.1996.
4. Nous entendons par stratégie les « procédures mises en œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par un
acteur (individuel ou collectif) pour atteindre une ou des finalités (définies explicitement ou se situant au niveau de
l’inconscient), procédures élaborées en fonction de la situation d’interaction, c’est-à-dire en fonction des diffé-
rentes déterminations (socio-historiques, culturelles, psychologiques) de cette situation » (Lipiansky, Taboada-
Léonetti et Vasquez, 1990, p.24).
LA GESTION DE LA PRATIQUE DES FEMMES DANS DEUX SPORTS « MASCULINS » 99

4. LA PLACE DES FEMMES : UN codifié et nourri de culture, qui s’inscrit


ÉLÉMENT IMPORTANT DANS LE dans une logique de l’honneur et de la
DÉVELOPPEMENT DE LA FÉDÉRA- dignité de l’affrontement » (plaquette d’in-
TION DE BOXE FRANÇAISE formation fédérale, 2000). Dans la lutte
l’opposant « à des disciplines exotiques
En boxe française, la volonté de main- générant l’animalité et la violence sur les
tenir l’accroissement des effectifs féminins, rings » (LBF, mai 1997), la féminisation
dans une conjoncture particulièrement dif- de la pratique améliore la lisibilité du
ficile pour la fédération dans l’espace des « produit » boxe française en l’euphémi-
pratiques pugilistiques, constitue une sant et en le légitimant moralement. Les
dimension importante de la politique fédé- éditoriaux de la Lettre de la Boxe
rale. Cette situation place la commission Française, revue d’information de la fédé-
féminine dans une position relativement ration, rappellent sans cesse les données de
confortable pour défendre la pratique des la lutte symbolique de définition de la
femmes et participer à l’évolution de la bonne modalité de pratique, entre la boxe
politique fédérale. Par ailleurs la différen- française, discipline éducative régie par
ciation initiale des modalités de des valeurs humanistes, et les autres
pratique féminines et masculines favorise formes de boxes poings-pieds, sacrifiant la
la reconnaissance de la pratique des déontologie et le respect des individus au
femmes. profit d’enjeux financiers (LBF, sept-oct.
1998). La féminisation des effectifs consti-
tue, dans cette perspective, l’une des com-
4.1. La promotion d’une forme de pra- posantes symboliquement fortes de l’iden-
tique « féminine » tité de la discipline. Le choix d’une
pratiquante féminine pour fêter le passage
Le premier championnat de France de la barre des 25.000 licenciés en 1996 est
féminin organisé en 1982 propose un mode particulièrement évocateur à ce sujet. Le
d’affrontement « soft », « l’assaut », président a volontairement désigné la seule
« forme de rencontre opposant deux tireurs pratiquante parmi les 10 licences arrivées
et se jugeant à l’aide d’une double nota- ce jour-là à la fédération, et la photo de la
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tion qui tient compte, d’une part, de la nouvelle licenciée recevant une paire de
maîtrise technique et du style démontré gants a été largement diffusée.
par le tireur, et, d’autre part, de la préci- Cette politique volontariste a permis un
sion des touches dont toute puissance est réel essor de la pratique des femmes.
strictement exclue » (règlement fédéral, L’image fémininement conforme utilisée
mémento formation de la FFBS & DA). dans cette campagne de promotion a faci-
Cette forme de compétition, unique moda- lité la reconnaissance de la pratique fémi-
lité compétitive chez les hommes jusque nine, tout en l’inscrivant dans une modalité
dans les années 1970, ne correspond plus à de pratique spécifiquement féminine. La
ce moment-là à la modalité compétitive plaquette d’information diffusée par la
privilégiée par ces derniers. Engagés majo- fédération en 2000 identifie clairement
ritairement dans des compétitions en les motivations des femmes : « L’assaut
« combat », « forme de rencontre se séduit bon nombre de pratiquants, en par-
jugeant sur la technique, la précision, l’ef- ticulier des femmes, qui voient dans la
ficacité des coups et la combativité des boxe française un sport efficace et esthé-
tireurs », les hommes ne se sentent pas tique ». L’euphémisation de l’affrontement
questionnés par la création de compéti- joue ici un rôle symboliquement et sociale-
tions déjà plus ou moins connotées comme ment différenciateur, comme pour d’autres
féminines. La première coupe d’Europe de sports de combat. On retrouve ici une
combat masculin en boxe française a lieu opposition classique entre les pratiques
la même année (1982). Pour nuancer et corporelles privilégiant la forme, caracté-
diversifier le recrutement, l’image des pra- ristiques des groupes sociaux favorisés, et
tiquantes est fréquemment utilisée pour celles valorisant la fonction, plus prisées
promouvoir une discipline se définissant par les membres des classes populaires
comme « un sport de traditions, structuré, (Bourdieu, 1979).
100 Christine MENNESSON

4.2. Les oppositions au combat féminin ristiques et la trajectoire sociale des


acteurs, en influençant leurs prises de posi-
Dans ce contexte, l’engagement de cer- tion à l’égard de la pratique des femmes
taines compétitrices dans des compétitions dans une conjoncture donnée, orientent en
en combat dès les années 1983/1984 sus- partie les politiques fédérales.
cite des résistances importantes au sein de Par ailleurs, en boxe française, la lutte
la fédération. Après la création du premier pour la définition légitime de la pratique
championnat de France féminin de combat n’oppose pas spécifiquement les hommes
en 1988, J. H., futur président de la fédéra- et les femmes, comme en football, mais
tion, fait part de sa désapprobation et l’ensemble des acteurs de la fédération, et
résume la position fédérale à l’égard de la plus précisément les partisans de l’effica-
pratique des femmes : cité combative favorables à une profession-
« La pratique des femmes devrait cher- nalisation de la pratique à ceux qui défen-
cher à « tirer » notre image vers le haut, dent l’esprit aristocratique de la boxe
plutôt que de n’être préoccupée que de pou- française, basé sur la maîtrise technique et
voir faire « comme les garçons », référence l’amateurisme. Le président est en effet
qui est loin d’être idéale à mon avis… vivement critiqué par les tenants d’un
Même si c’est un peu dur à dire, nous affrontement plus dur et plus professionna-
n’avons pas à nous préoccuper de donner lisé. Ce thème structure également en par-
la prééminence à certaines « motivations tie les débats au sein de la commission
combatives » d’une minorité de prati- féminine, ce qui révèle en somme sa réelle
quantes » (lettre du trésorier et membre du intégration au sein de la fédération.
comité directeur au président de la fédéra-
tion du 11.09.1988, dossier CF).
La position du président actuel de la 5. LA COMMISSION FÉMININE EN
fédération n’a pas évolué à ce sujet. BOXE FRANÇAISE : UNE RÉELLE
Conscient de la fragilité du « produit » FORCE DE PROPOSITION
boxe française, il reste réservé sur les com-
bats féminins. Au-delà du problème des 5.1. Un rapport de pouvoir plus favo-
femmes, sa position témoigne de la perma- rable
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nence des références à l’histoire de la boxe
française comme forme courtoise d’affron- Si le système de cooptation est simi-
tement. Il est favorable à une meilleure laire à celui du football, la nature des rela-
reconnaissance de l’assaut comme moda- tions entre les membres de la commission
lité de compétition à part entière, pour les et la fédération s’en différencie nettement.
femmes comme pour les hommes. Les femmes de la commission rencontrées
Aujourd’hui, seules les pratiquantes de au cours de l’enquête entreprennent une
combat accèdent à l’équipe de France, sans carrière professionnelle indépendante du
bénéficier pour autant du statut d’athlètes monde fédéral et entretiennent des rela-
de haut-niveau compte tenu de la faiblesse tions directes et amicales avec les diffé-
de l’effectif. Le statut d’athlète de haut- rentes instances de la fédération (prési-
niveau est par là même réservé aux dent, commission compétitions…). Elles
hommes. La trajectoire sociale de J. H. possèdent également un capital culturel
peut, en partie, expliquer ses prises de posi- plus élevé que leurs homologues de la
tions au sein de la fédération5. Les caracté- fédération de football6.

5. D’origine populaire, J. H. effectue ses études de professeur d’EPS à l’Ecole Normale Supérieure
d’Education Physique, tout en acquérant des compétences de haut-niveau dans les sports de combat. Il poursuit son
cursus universitaire en obtenant le diplôme de l’INSEP et en soutenant une thèse de droit sur le sport. Il intègre
ensuite l’Ecole Nationale d’Administration et occupe actuellement un poste de magistrat à la Cour Régionale des
Comptes. On comprend mieux à la fois ses préoccupations éducatives et son souci de préserver l’amateurisme de
la boxe française, en la distinguant des boxes professionnalisées, qu’il considère comme dévoyées.
6. Les membres (ou ex-membres) de la commission féminine de boxe française rencontrées au cours de l’en-
quête possèdent toutes au moins un diplôme supérieur ou égal à bac+2, tandis que les membres de la commission
de football ont un niveau de diplôme inférieur ou égal au baccalauréat. Nos données ne nous permettent cependant
pas de généraliser cette analyse à l’ensemble des membres de ces commissions.
LA GESTION DE LA PRATIQUE DES FEMMES DANS DEUX SPORTS « MASCULINS » 101

Martine et Pascale : des actrices « indépendantes »

Martine et Pascale participent à la commission féminine depuis plus de 10 ans. La première est
l’actuelle présidente de cette commission, tandis que la seconde, première et seule femme
conseillère technique régionale de la fédération est responsable de l’équipe de France féminine.
Leurs parcours universitaire et professionnel présentent de nombreux points communs. Toutes deux
titulaires d’une licence STAPS, elles réussissent l’une le professorat d’EPS, l’autre le professorat
de sport. Leur statut professionnel ne dépend donc pas directement de la fédération, même si la car-
rière de Pascale est partiellement définie par les instances dirigeantes. Elles ne doivent pas non plus
leur reconnaissance à leur parcours sportif, tout à fait honorable, mais ne les positionnant pas
comme sportive de haut-niveau. Bref, leur position au sein de la fédération dépend de leurs com-
pétences objectives, attestées par un niveau de formation supérieur à celui des membres de la com-
mission féminine de football. A ce titre, elles se positionnent comme des actrices relativement indé-
pendantes du pouvoir fédéral et disposent par ailleurs des compétences nécessaires pour s’engager
dans les luttes de pouvoir et de définition de la pratique. Enfin, mariées et mères de famille, menant
de front carrière professionnelle, investissement sportif et vie familiale, elles sont relativement
représentatives des femmes « modernes » et ne se définissent pas uniquement par rapport à leur
investissement au sein de la fédération.

Les échanges de points de vue entre la trer sa désapprobation : « N’ayant pas été
commission féminine et les autres commis- élue par l’assemblée générale pour être un
sions sont nombreux et, s’ils suscitent des mouton, je quitte la commission et le
débats, ils demeurent toujours courtois. De comité directeur »7. Situées au centre d’une
tels échanges sont non seulement inexis- lutte de pouvoir entre différentes tendances
tants mais impensables au sein de la fédé- au sein de la fédération, les membres de la
ration de football. La relative marginalité commission féminine optent pour une stra-
de la boxe française dans le champ sportif tégie d’affirmation volontariste de la place
français favorise ce type de relations. Les de la pratique des femmes. La commission
commissions se réunissent toutes dans les féminine réussit ainsi à imposer à des ins-
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mêmes lieux (la salle de réunion de la fédé- tances fédérales très réticentes l’ouverture
ration). La pratique féminine n’est ni mar- des compétitions en combat aux femmes.
ginalisée, ni reléguée dans un lieu spéci- Organisant des rencontres en combat dès
fique. A la fédération, hommes et femmes 19858, elle obtient l’accord de la fédération
se croisent quotidiennement, et, par là pour la création du premier championnat de
même, les hommes ne peuvent ignorer la France de combat en 1988.
pratique des femmes et leur statut de diri- A partir de cette date, au consensus suc-
geante. cède un débat parfois intense entre les par-
Au-delà, la différence fondamentale tisanes du courant « académique » et celles
entre le cadre institutionnel de la boxe fran- du courant « combatif » (Loudcher, 1996).
çaise et celui du football réside dans la Cette lutte n’oppose plus les hommes et les
nature des rapports de pouvoir. En boxe, les femmes, mais deux conceptions de la pra-
femmes n’adoptent pas une stratégie de la tique socialement signifiantes. Les débats
modération. Elles affirment clairement leur récurrents sur les modalités de pratique des
mécontentement en cas de désaccord avec femmes impliquent les hommes et les
la politique fédérale. E. H., présidente de la femmes de chaque tendance dans une insti-
commission féminine en 1988, n’hésite pas tution contrôlée par le courant académique.
à démissionner de ses fonctions pour mon-

7. Lettre d’E. H. du 06.06.1988, dossier CF. L’absence de documents de ce type et de manière plus générale
de tous documents polémiques dans les documents de la fédération de football auxquels j’ai eu accès ne signifie
pas forcément leur inexistence, mais exprime tout du moins la volonté de masquer systématiquement les désac-
cords à l’égard de la politique fédérale.
8. La commission féminine organise en 1985 des combats féminins. Précédant la demande de la fédération,
elle convoque un médecin qui rédige un rapport favorable, coupant court à l’un des arguments des hommes (compte
rendu de la réunion du 22.11.1985, dossier CF).
102 Christine MENNESSON

5.2. Une commission dominée par le cou- permettre l’accès des femmes à une pra-
rant « académique » tique de haut-niveau, les membres de la
commission engagent une réflexion sur les
Dès 1988, à l’occasion du bilan du pre- moyens à mettre en œuvre pour valoriser la
mier championnat de France de combat, le pratique de l’assaut. Dans son rapport du
débat s’engage au sein de la commission en 19 octobre 1996, la commission affirme :
raison du faible nombre de participantes « la pratique combat doit exister mais ne
(CF du 06.06.1988). La commission main- peut demeurer la seule forme d’expression
tient cependant ce championnat pour per- reconnue sportivement ». La commission
mettre la reconnaissance de la pratique propose également à la fédération de mener
féminine de haut-niveau. Pour compenser une étude sur le développement de la boxe
en quelque sorte cette décision, elle pro- loisir. Une fois encore, elle initie de nou-
pose la création d’une nouvelle forme de velles orientations contribuant à l’évolution
compétition, le duo, « forme de rencontre de la discipline et à sa « modernisation ».
qui oppose des couples de deux tireurs (de Le comité directeur du 22 novembre
même sexe ou de sexe différent) évoluant en 1996 donne son accord pour concevoir une
coopération et présentant une prestation compétition féminine de haut-niveau qui ne
technique et esthétique utilisant la ges- soit pas du combat. Les pratiquantes de
tuelle de la boxe française » (règlement combat rédigent un courrier exprimant leur
fédéral, mémento formation de la fédéra- inquiétude face à cette nouvelle orientation
tion). Cette nouvelle forme de compétition, (Lettre des tireuses Elite et Espoirs, février
approuvée par la fédération, contribue à 1997). Très minoritaires parmi les prati-
renouveler les modalités de pratique. On le quantes (leur lettre ne comportait que 11
voit, la commission féminine participe acti- signatures) et soutenues par des hommes
vement à l’évolution de la discipline en du courant minoritaire au sein de la fédéra-
questionnant les formes de pratiques sym- tion, elles ne parviennent pas à remettre en
boliquement les plus masculines. question cette décision. Un double classe-
En 1990, les critiques à l’égard du com- ment national, en combat et en assaut est
bat féminin au sein de la commission s’in- mis en place chez les femmes (les hommes
tensifient. Martine (future présidente de conservant un classement unique constitué
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cette commission) se demande ainsi, « si le à partir des résultats en combat). En 1998,
choix du combat que nous avons fait il y a la fédération donne son accord pour l’orga-
deux ans n’était pas un peu précipité ». Elle nisation de compétitions internationales
souhaite un « retour à un championnat de féminines en assaut. Actuellement, la
France en assaut tonique » (CF du réflexion sur la valorisation de l’assaut
18.02.1990). La position dominante du cou- comme modalité compétitive à part entière
rant académique au sein de la commission se poursuit sous l’impulsion de la commis-
féminine est de plus en plus perceptible. Les sion féminine (notamment sur la question
pratiquantes de combat, peu représentées de l’accès à l’équipe de France). Initiée par
dans la commission, tentent de contre atta- la commission féminine, cette réflexion
quer et demandent l’alignement des règle- concerne aujourd’hui aussi les hommes.
ments du combat féminin sur ceux du com- Pour J. H., « la motivation majoritaire des
bat masculin (suppression du port du pratiquantes féminines, qui réside dans le
casque) (lettre de N. J. du 15.12.1993, dos- souhait d’une confrontation ou la “forme”
sier CF). Elles sont soutenues par des l’emporte sur la “force” », serait égale-
hommes du courant « combatif », regrettant ment partagée par les hommes, « mais ça
l’absence de stages pour ces boxeuses enga- ne fait peut-être pas très viril de l’ad-
gées dans des compétitions de haut-niveau mettre » (lettre de J. H. du 11.09.1988).
(lettre du club A. du 12.10.1993, dossier L’enjeu central de la pratique féminine au
CF). Le débat, on le voit ici encore, n’op- sein de la fédération place la commission
pose pas les hommes et les femmes mais féminine dans une position favorable pour
deux conceptions de la pratique, et plus lar- promouvoir efficacement la pratique des
gement, deux visions du monde social. femmes et contribuer à renouveler celle des
Réservés par rapport au combat fémi- hommes. Après plusieurs demandes infruc-
nin, mais contraints de le maintenir pour tueuses de la commission pour organiser
LA GESTION DE LA PRATIQUE DES FEMMES DANS DEUX SPORTS « MASCULINS » 103

les grandes compétitions féminines et mas- En résumé, l’état des rapports de pouvoir
culines sur le même lieu, les championnats entre les sexes au sein des institutions
du monde 1999 de Toulouse proposaient influence les stratégies des actrices et les
pour la première fois un programme définitions du féminin qu’elles proposent.
« mixte ». On retrouve ici les perspectives des travaux
En boxe française, l’opposition entre d’Elias et de Dunning (1991) qui mettent en
deux conceptions de la pratique favorise la évidence l’importance des valeurs
promotion de la pratique féminine. Pour le « machistes » et des processus de ségréga-
moment, la position majoritaire du courant tion à l’égard des femmes dans des condi-
« académique » permet un questionnement tions sociales où le pouvoir penche nette-
relatif des formes de pratiques les plus ment en faveur des hommes. Ce constat
masculines et une certaine évolution des confirme aussi nombre de travaux sur les
définitions de la féminité et de la masculi- rapports sociaux de sexe. C’est bien la hié-
nité. Même si l’ampleur des réticences à rarchie (plus ou moins forte) entre les sexes
l’euphémisation de la discipline au sein de qui crée les différences entre le masculin et
la fédération ne permettra peut-être pas de le féminin (Delphy, 1991). Plus les femmes
mener ce questionnement à son terme, le se situent dans une position dominée et plus
débat existe et occupe une place centrale. elles se définissent avant tout par leur appar-
tenance catégorielle (Hurtig & Pichevin,
1991). De manière générale, les formes
6. CONCLUSION d’expression de la domination masculine
dans les deux pratiques ne sont pas compa-
L’étude de la politique menée par les rables et n’engendrent pas les mêmes consé-
fédérations à l’égard de la pratique des quences. Si cette forme de domination struc-
femmes et des stratégies développées par ture indéniablement le monde social (et plus
les membres des commissions féminines particulièrement le monde sportif), elle se
met en évidence des formes contrastées de révèle d’intensité variable et prend de mul-
la domination masculine. Le contexte insti- tiples visages (de Singly, 1993). Ainsi, pour
tutionnel des deux pratiques produit des reprendre l’expression de François de Singly
effets parfois opposés. En football, tout se (1993), dans le cas de la boxe française, la
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passe comme si la commission féminine, domination masculine revêt « de nouveaux
marginalisée, n’avait d’autre choix que de habits ». La situation très différente des
s’engager dans une stratégie de la modéra- membres des deux commissions permet de
tion et de l’image. D’autres travaux réalisés penser que l’on assiste actuellement dans le
sur les femmes dans le monde politique monde sportif à une bipolarisation de la
(Freedman, 1997) ou dans des professions position des femmes, évoquée par Margaret
masculines (Flament, 1988) mettent en évi- Maruani (1998) à propos du marché du tra-
dence des stratégies semblables de « sexua- vail, qui permet à certaines de réussir quand
tion » de la présentation de soi. En boxe, d’autres subissent de plein fouet les proces-
l’opposition entre deux conceptions de la sus de ségrégation.
pratique, qui expriment également deux Les données analysées dans ce travail
rapports différents au monde social, oriente pourraient éventuellement suggérer une
la vie de la fédération de manière bien plus disparition de la domination masculine
importante que l’opposition masculin dans le monde de la boxe. Cependant, les
/féminin. Cette situation permet aux données recueillies sur l’expérience des
femmes de la commission de prendre une boxeuses dans le cadre d’une enquête plus
certaine distance avec les stéréotypes vaste montrent que les processus de redéfi-
sexués utilisés par les membres de la com- nition des catégories sexuées se conjuguent
mission féminine de football. On pourrait avec des processus de reproduction de la
ainsi comparer la stratégie des membres de domination masculine (Mennesson, 2000a,
la commission féminine de boxe à celle des 2000b, 2002). Ce constat dépasse bien évi-
femmes cadres étudiées par Fortino (2002), demment le monde sportif, comme en
qui valorisent leur intégration au groupe des témoignent nombre de travaux déjà évo-
cadres au détriment d’une solidarité avec les qués (Baudelot & Establet, 1992 ; Fortino,
femmes occupant une position subalterne. 2002 ; Maruani, 1998…).
104 Christine MENNESSON

Les relations entre les niveaux institu- de féminisation9. Finalement, les processus
tionnels et individuels de construction des d’institutionnalisation de la pratique des
catégories sexuées apparaissent tout aussi femmes peuvent être considérés comme des
nettement dans ce travail, sans être forcé- révélateurs de l’histoire des disciplines spor-
ment de même nature dans les deux cas tives et de leurs identités successives. En ce
étudiés. En football, les stratégies des sens, la prise en compte des identités
femmes membres de la commission fémi- sexuées au même titre que celle des identités
nine semblent fortement contraintes par la sociales semble indispensable à une
représentation très stéréotypée des femmes meilleure compréhension des évolutions du
dans le milieu du football. En boxe fran- monde sportif.
çaise, si les stratégies des actrices de la
commission féminine s’inscrivent bien évi-
demment dans le cadre d’une politique GLOSSAIRE
fédérale plus favorable aux femmes, elles
orientent à leur tour certains débats et EPS : Education Physique et Sportive
influent partiellement sur le développement FFF : Fédération Française de Football
de la fédération. FFBS & DA : Fédération Française de Boxe
Par ailleurs, l’état des rapports sociaux Française Savate et Disciplines Associées
de sexe dans les fédérations dépend de plu- FIFA : Fédération Internationale de Football
Amateur
sieurs facteurs parfois difficiles à isoler. Les INSEP : Institut National du Sport et de
effets de la conjoncture historique au sens l’Education Physique
large se conjuguent à ceux de la conjoncture UEFA : Union Européenne du Football
sportive et fixent d’une certaine manière Amateur
l’ensemble des stratégies possibles. Dans le STAPS : Sciences et Techniques des
même temps, les acteurs de chaque pratique Activités Physiques et Sportives.
réagissent différemment à ces effets de
conjoncture en fonction de la position de la
discipline dans le champ sportif. Enfin, les BIBLIOGRAPHIE
caractéristiques sociales des acteurs influen-
cent également leurs stratégies et ne sont Baudelot, C. et Establet, R. (1992). Allez les
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pas, bien entendu, totalement indépendantes filles. Paris : Seuil.
de la position et de l’histoire de la discipline Bourdieu, P. (1979). La distinction. Critique
sportive (Clément et al., 1994 ; Wahl, 1989). sociale du jugement. Paris : Minuit.
Bourdieu, P. (1980). Questions de sociologie.
Le succès de la politique de la fédération de Paris : Minuit.
boxe française à l’égard des femmes s’ex- Bourdieu, P. (1998). La domination masculine.
plique ainsi en partie par la relative perma- Paris : Seuil.
nence historique de sa définition comme Clément, J.P. (1981). La force, la souplesse et
pratique « aristocratique », dominée pour le l’harmonie. Etude comparative de trois
moment par des acteurs aux caractéristiques sports de combat (lutte, judo, aïkido). In C.
sociales plutôt favorisées. Dans un autre Pociello (Coord.). Sports et société,
sport de combat comme la lutte qui connaît approche socioculturelle des pratiques
des difficultés de développement récurrentes (285-302). Paris : Vigot.
(Clément, 1981), la prise de conscience de Clément, J-P. et Defrance, J. (1987). L’évolution
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tardive, et surtout, semble plus difficile à MSH.
opérationnaliser. Les caractéristiques Clément, J.P., Defrance, J. et Pociello, C. (1994).
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les modalités de pratique, plus difficilement Presses universitaires de Grenoble.
« euphémisables » techniquement consti- Defrance, J. (1995). Sociologie du sport. Paris :
tuent des obstacles certains à cette politique La découverte.

9. De la même manière, la féminisation précoce et importante de la pratique du handball, sport collectif de


« contact », peut surprendre au regard des difficultés rencontrées par le football féminin. Ce sport collectif se déve-
loppe cependant dans une conjoncture sociale et sportive, les années 1950, nettement plus favorable aux femmes
que le début du XXe siècle, période d’institutionnalisation du football en France. Par ailleurs, la promotion du hand-
ball est essentiellement assurée par des professeurs d’éducation physique, a priori ouverts à la mixité de la pratique.
LA GESTION DE LA PRATIQUE DES FEMMES DANS DEUX SPORTS « MASCULINS » 105

Delphy, C. (1991). Penser le genre : quels pro- Mathieu, N-C. (1991). L’anatomie politique :
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106 Christine MENNESSON

Sportpraxis in zwei “maskulinen” Sportarten:


gegensätzliche Formen männlicher Vorherrschaft
Zusammenfassung: Dieser Artikel beabsichtigt den Integrationsprozess von Frauen in die Ausübung
“maskuliner” Sportarten zu vergleichen, um die Rolle der Sportpraktiken bei der Produktion und der
Frage der Geschlechterkategorien deutlich zu machen. Man kann in der Tat die Politik der Verbände
und die Vorgehensweisen der Frauenkommissionen als ein besonders guter Indikator betrachten, um
die soziale Konstruktion des Geschlechts in der Welt des Sports zu studieren. Die Wahl des Fußballs
und des Boxens rechtfertigt sich durch den körperlichen Einsatz, die Soziabilitäten und die symbolis-
chen Systeme, die in diesen Disziplinen typisch “maskulin” sind und sich von daher gegen das
Eindringen von Frauen in diese Domäne wehren. Die vergleichende Perspektive erlaubt es kontrastive
Formen der Ausübung männlicher Vorherrschaft aufzuzeigen. Diese Unterschiede hängen von den
Position der Praktiken in dem französischen Feld des Sports zu einem bestimmten Zeitpunkt ebenso ab
wie von der sozialen Identität der “Förderer” des Frauensports.

Schlagwörter: Sport, Frauen, Vorherrschaft, Konjunktur, Strategien

La gestione della pratica delle donne in due sport “maschili”:


forme contrastate della dominazione maschile
Riassunto : Quest’articolo confronta i processi d’integrazione della pratica delle donne in seno a sport
“maschili” allo scopo di evidenziare il ruolo delle pratiche sportive nella produzione e nella problem-
atica delle categorie sessuali. In effetti si possono considerare le politiche federali ed i modi di fun-
zionamento delle commissioni femminili come un analizzatore particolarmente pertinente per studiare
la costruzione sociale dei generi nel mondo sportivo. La scelta del football e della boxe si giustifica con
la messa in gioco corporee, le sociabilità ed i sistemi simbolici tipicamente “maschili” di queste disci-
pline e, nello stesso tempo, dalle resistenze che essi oppongono all’entrata delle donne. La prospettiva
comparativa permette di reperire delle forme contrastate di esercizio della dominazione maschile.
Queste differenze sono in relazione con la posizione delle pratiche nel campo sportivo francese in un
dato momento così come con l’identità sociale dei “promotori” della pratica delle donne.
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Parole chiave : congiuntura, dominazione, donne, sport, strategie.

La gestión de la práctica de las mujeres en dos deportes “masculinos” :


formas con contraste de la dominación masculina
Resumen: Este artículo planea comparar los procesos de integración de la práctica de las mujeres en
deportes « masculinos » para poner de manifiesto el papel de las prácticas deportivas en la producción
y la interogación de las categorías sexuadas. En efecto se pueden considerar las políticas federales y
los modos de funcionamiento de las comisiones como un analyzador
particularmente pertinente para estudiar la construcción social de los géneros en el mundo deportivo.
La elección del fútbol y del boxeo se justifica por las puestas en juego corporales, las sociabilidades
y los sistemas simbólicos típicamente masculinos de esas disciplinas, y, por ello mismo, por las resis-
tencias que oponen a la entrada de las mujeres. La perspectiva comparativa permite descubrir formas
con contraste del ejercicio de la dominación masculina. Esas diferencias tienen relaciones con la posi-
ción de las prácticas en el campo deportivo francés a un momento dado así como con la identidad social
de los promotores de la práctica de las mujeres.

Palabras claves : deporte, mujeres, dominación, estrategias, coyuntura

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