Évolumière-Évolution Spirituelle

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Aperçu sur la méditation par

Swami Vivekananda

Nous sommes ce que nos pensées nous ont faits, aussi prenez
garde à ce que vous pensez. les mot sont secondaires. Les
pensées vivent et voyagent au loin. Chacune de nos pensées
portent l’emprunte de notre caractère.
Swami Vivekananda

Biographie de Vivekananda
:
Vivekananda et la Méditation

Se rendre maître de son esprit

Dhâranâ concentration de l'esprit

Dhyâna et Samâdhi

Dhyâna, la méditation

Thèmes de méditation

Samprajnâta et asamprajnâta samâdhi

Biographie de Vivekananda

Narendra Nath Dutta est né à Calcutta le 12 janvier 1863 Calcutta


et mort le 4 juillet 1902 à Belur Math. Disciple bien-aimé de Sri
Paramahamsa Ramakrishna qu'il rencontra alors qu'il avait 17 ans,
il fonda à la mort de son Maître la célèbre mission Ramakrishna
qui contribua à diffuser et faire connaître l'Advaita Vedanta dans
le monde occidentalisé. Swami Vivekananda transmis
l'enseignement de la méditation dans ses divers ouvrages,
notamment Les Yogas pratiques (Karma, Bhakti, Râja) dont sont
issues les extraits suivant concernant la pratique de la méditation.
Sa disciple Nivedita lui a consacré une biographie "Le Maître tel
que je l'ai Connut" (lien).

Dans la biographie Ramakrishna une âme réalisée, Christopher


Isherwood relate que :
:
« Ramakrishna avait coutume de dire qu'on peut déceler chez un
être humain dix-huit qualités (ou manifestations de pouvoir) ;
deux ou trois de ses manifestations suffisent pour attirer renom
et influence sur une individualité. Or, Ramakrishna découvrit que
Naren détenait les dix-huit qualités.»

Vivekananda et la méditation

Voici les propos de Vivekananda sur ses prédispositions à la


méditation:

« Du plus loin qu'il me souvienne, à peine avais-je fermé les yeux


pour dormir que je voyais apparaître un merveilleux point de
lumière entre mes sourcils ; alors, j'observais ses variations avec
une grande attention. Pour mieux le voir, je m'agenouillais sur le
lit et me prosternais tel un dévot devant l'autel. Ce merveilleux
point de lumière changeait de couleur et augmentait de volume
jusqu'à prendre la forme d'une boule. A la fin, il éclatait, me
couvrant de la tête aux pieds d'une lumière blanche et fluide. dès
que cela se produisait, je perdais conscience et sombrais dans le
sommeil. je croyais que chacun s'endormait ainsi. Par la suite,
lorsque j'eus grandi et que je commençais à pratiquer la
méditation, ce point de lumière m'apparaissait sitôt que je fermais
les yeux, et je me concentrais sur lui. A cette époque, je
pratiquais la méditation avec quelques amis selon les instructions
de Debendranâth Tagore. Nous nous racontions nos visions et
nos expériences, et j'appris incidemment qu'aucun d'entre eux
n'avait jamais vu ce point de lumière ni s'endormait de cette
:
façon. »

Dans la biographie Ramakrishna une âme réalisée Christopher


Isherwood décrit l'apprentissage de la méditation de
Vivekakandanda (Naren) auprès de Ramakrishna :

« Naren restait parfois plusieurs jours d'affilée à Dakshineswar ; il


passait alors ses nuits en méditation. Ce faisant, il était
incommodé à l'aube par le sifflet à vapeur de la manufacture de
jute que Chandra, au cours de sa vieillesse, avait pris pour une
trompette céleste. Râmakrishna l'avisa de méditer sur la sonorité
même du sifflet. Naren suivit ce conseil et pu constater que le
sifflet ne le distrayait plus. »

Se rendre maître de son esprit

Celui qui peut à son gré relier son esprit aux différents centres ou
l'en détacher a réussi dans le pratyâhâra. Ce mot signifie «
ramasser dans la direction de », refréner les facultés
d'extériorisation de l'esprit, le libérer de l'esclavage des sens.
Lorsque nous pourrons faire cela, notre caractère sera
véritablement formé ; c'est alors seulement que nous aurons fait
un grand pas vers la liberté. Jusque-là nous ne serons que des
machines.
:
Comme il est difficile de se rendre maître de son esprit! C'est
avec raison qu'on l'a comparé au singe devenu fou. Il y avait une
fois un singe, déjà turbulent de nature, comme tous les singes.
Comme si cela ne suffisait pas, quelqu'un lui fit boire beaucoup
de vin, si bien qu'il en fut encore plus agité. Puis il fut piqué par un
scorpion. Quand un homme est piqué par un scorpion, il saute
toute une journée ; aussi le pauvre singe se trouva-t-il dans un
état pire que jamais. Pour achever son malheur, un démon entra
en lui. Quels mots pourraient décrire l'agitation effrénée de notre
singe ? L'esprit de l'homme est comme ce singe. Par sa nature
même, il a une activité incessante, puis il s'enivre du vin du désir,
ce qui accroît son agitation. Après que le désir s'est emparé de
lui, vient la piqûre de scorpion que lui inflige sa jalousie des
succès d'autrui, et finalement le démon de l'orgueil s'installe dans
l'esprit et le fait s'attribuer une grande importance. Comme il est
ardu de maîtriser un tel esprit!

La première chose à faire est donc de rester assis pendant


quelque temps et de laisser courir sa pensée. L'esprit bouillonne
continuellement. Il est comme le singe qui saute de tous côtés.
Laissez le singe sauter tant qu'il voudra ; vous n'avez qu'à
attendre et observer. Savoir, dit le proverbe, c'est pouvoir, et c'est
bien vrai. Jusqu'à ce que vous sachiez ce que fait l'esprit, vous ne
pouvez pas vous en rendre maître. Rendez-lui les rênes, peut-être
beaucoup de pensées laides y entreront-elles. Vous serez
stupéfait de voir qu'il vous est possible d'entretenir de telles
pensées. Mais vous constaterez que chaque jour les divagations
de l'esprit deviennent de moins en moins violentes, et que l'esprit
lui-même est chaque jour plus calme. Pendant les premiers mois,
vous verrez dans l'esprit un grand nombre de pensées, plus tard il
y en aura déjà moins, puis, au bout de quelques mois beaucoup
:
moins encore, jusqu'à ce que finalement vous soyez parfaitement
maître de votre esprit. Mais pour cela il faut vous exercer
patiemment tous les jours. Dès qu'on donne la vapeur, la machine
doit tourner ; dès que des objets sont devant nous, nous devons
les percevoir. Aussi un homme, pour prouver qu'il n'est pas une
machine, doit-il démontrer qu'il n'est soumis à aucune
domination. Cette maîtrise de l'esprit, par laquelle on l'empêche
de se relier aux différents centres, est le pratyâhâra. Comment
peut-on y parvenir? C'est un travail immense, qui ne s'accomplit
pas en un jour. On ne peut réussir qu'après des années de lutte
patiente et continue.

Lorsque vous aurez pratiqué le pratyâhâra pendant un certain


temps, passez à l'exercice suivant, à la dhâranâ, qui consiste à
fixer l'esprit sur des points déterminés.

Dhâranâ concentration de l'esprit

Qu'entend-on par fixer l'esprit sur des points déterminés?


L'obliger à sentir certaines parties du corps à l'exclusion des
autres, essayer par exemple de n'avoir conscience que d'une
main, à l'exclusion des autres parties du corps. Lorsque le chiffe,
le contenu mental, est restreint et confiné à un certain endroit,
c'est la dhâranâ. Cette dhâranâ est de diverses espèces, et il vaut
mieux l'accompagner d'un peu d'imagination. L'esprit doit être
amené par exemple à penser à un seul point du cœur, ce qui est
:
très difficile. Il est plus facile d'imaginer que là se trouve un lotus,
resplendissant d'une lumière étincelante, et de fixer l'esprit sur
lui. Ou bien pensez au lotus du cerveau et voyez-le rayonnant de
lumière. Ou bien encore pensez aux différents centres dont nous
avons parlé dans la sushumnâ.

Le yogin doit toujours s'exercer. Il devrait s'efforcer de vivre seul ;


la compagnie de différentes espèces de gens est pour l'esprit une
cause de distraction ; il ne doit pas parler beaucoup, parce que
parler distrait l'esprit ; il ne doit pas travailler beaucoup, parce que
trop de travail distrait l'esprit ; on ne peut pas se rendre maître de
son esprit après une journée entière de dur labeur. Celui qui
observe les règles que je vous ai indiquées devient un yogin.

Tel est le pouvoir du yoga que la moindre parcelle fera un bien


immense. Il ne fera de mal à personne mais sera bienfaisant pour
tous. D'abord il apaisera l'excitation nerveuse, il apportera le
calme, il nous donnera une vue plus exacte des choses. Le
caractère en sera meilleur et la santé également. Une bonne santé
sera l'un des premiers signes, ainsi qu'une belle voix. Les défauts
de la voix se corrigeront ; ce sera l'un des premiers résultats que
l'on constatera. Ceux qui s'exercent beaucoup obtiendront
encore bien d'autres signes. Parfois on entendra des sons,
comme un carillon de cloches qui sonneraient dans le lointain, se
mélangeraient et viendraient frapper l'oreille comme un son
continu . Parfois on verra des choses, comme par exemple de
petites taches de lumière qui flottent et deviennent de plus en
plus grandes. Lorsque cela se produira, vous saurez que vous
faites de rapides progrès.
:
Ceux qui veulent être des yogins et qui s'exercent sérieusement
doivent au début se préoccuper de leur régime alimentaire. Quant
à ceux qui désirent seulement s'exercer un peu pour la vie
courante de chaque jour, qu'ils, ne mangent pas trop; sous cette
réserve, ils peuvent manger ce qu'ils veulent. Pour ceux qui
désirent faire des progrès rapides et s'exercer assidûment, un
régime strict est absolument nécessaire. Ils trouveront
avantageux de se nourrir exclusivement de lait et de céréales
pendant quelques mois. Lorsque l'organisme s'affine de plus en
plus, on constatera au début que la moindre irrégularité rompt
votre équilibre. Une bouchée de plus ou de moins dérange tout le
système tant qu'on n'en a pas acquis une maîtrise parfaite.
Ensuite on peut manger tout ce qu'on veut.

Lorsqu'on commence à se concentrer, le bruit d'une épingle qui


tombe semble un coup de tonnerre à travers le cerveau. Au fur et
à mesure que les organes s'affinent, les perceptions s'affinent
également. Telles sont les étapes par lesquelles on doit passer ;
tous ceux qui persévèrent réussiront. Renoncez à toute
argumentation et à toutes les autres distractions. Les parlottes
intellectuelles desséchées correspondent-elles à quoi que ce soit
? Elles ne font que troubler l'esprit et le déséquilibrer. Il est des
plans plus subtils auxquels nous devons atteindre. Y arriverons-
nous par des paroles ? Renoncez à toute conversation inutile. Ne
lisez que les livres écrits par ceux qui sont arrivés à la réalisation.

Soyez comme l'huître perlière. Dans une belle fable indienne, on


raconte que s'il pleut au moment où l'étoile Svâti (Arcturus)
:
monte à l'horizon, et qu'une goutte de cette pluie tombe dans une
huître, la goutte devient une perle. Les huîtres le savent, aussi
viennent-elles à la surface lorsque l'étoile brille, et essaient-elles
d'attraper les précieuses gouttes de pluie. Quand une goutte
tombe sur elles, elles referment très vite leurs écailles, plongent
au fond de la mer et là, transforment patiemment la goutte en
une perle. C'est ainsi qu'il faut être . D'abord écoutez, puis
comprenez, puis renonçant à toute distraction, fermez votre
esprit aux influence extérieures, et consacrez-vous au
développement de la vérité qui est en vous.

Comment savons-nous qu'un homme en samâdhi n'est pas


descendu au-dessous de la conscience, n'a pas dégénéré au lieu
de s'élever? Dans aucun des deux cas, les œuvres ne sont
accompagnées d'égoïsme. La réponse à cette question, c'est que
les effets, le résultat des actions nous permettent de distinguer
entre ce qui est au-dessous et ce qui est au-dessus. Lorsqu'un
homme tombe dans un profond sommeil, il arrive sur un plan qui
se trouve au-dessous de la conscience. Il fait fonctionner son
corps continuellement : il respire, il bouge peut-être dans son
sommeil, sans que cela soit accompagné d'aucun sentiment
d'ego ; il est inconscient, et lorsqu'il émerge de son sommeil il est
de nouveau le même homme qu'auparavant. Le total de la
connaissance qu'il possédait avant de s'endormir reste inchangé
et ne s'accroit aucunement. Il ne lui vient aucune illumination.
Mais lorsqu'un homme entre en samâdhi, s'il était un simple en y
entrant il en ressort un sage. Quelle est la différence? Pour l'un de
ces états, l'homme ressort exactement le même qu'il y était entré
; pour l'autre état, l'homme en sort éclairé, il est devenu un sage,
un prophète, un saint, toute sa nature est changée, sa vie est
:
transformée, illuminée. Voilà les deux effets. Les effets étant
différents, les causes doivent l'être également. Comme cette
illumination avec laquelle un homme revient du samâdhi est
beaucoup plus élevée que ce que pourrait donner l'inconscience,
beaucoup plus élevée que ce que pourrait donner le raisonnement
dans un état conscient, ce doit être un état supraconscient, et on
appelle le samâdhi l'état supraconscient.

Voilà en quelques mots la notion de samâdhi. Quelle en est


l'application? La voici. Le domaine de la raison, ou du
fonctionnement conscient de l'esprit, est étroitement limité. La
raison humaine ne peut se mouvoir que dans un petit cercle ; elle
ne peut pas en sortir. Toute tentative d'évasion est vaine, et
pourtant c'est en dehors de ce cercle de la raison que se trouve
tout ce qui est le plus cher à l'humanité. Tous ces problèmes de
l'existence d'une âme immortelle, de l'existence de Dieu, de
l'existence d'une intelligence suprême qui guide cet univers, sont
au-delà du domaine de la raison. La raison ne pourra jamais les
résoudre. Que dit-elle? Elle dit: «Je suis agnostique, je ne puis
dire ni oui ni non. » Et pourtant ces questions offrent pour nous
une immense importance.

Si l'on n'y fait aucune réponse convenable, la vie humaine n'a


pas de raison d'être. Toutes nos théories éthiques, toutes nos
conceptions morales, tout ce que la nature humaine renferme de
bon et de grand a été modelé sur des réponses qui nous sont
venues d'au-delà du cercle. Il est donc très important que nous
ayons des réponses à ces questions.
:
Dhyâna et Samâdhi

Tous les différents stades du yoga ont pour but de nous amener
scientifiquement à l'état supraconscient ou samadhi. En outre, il
est essentiel de comprendre que l'inspiration fait tout autant
partie de la nature de n'importe quel homme que de celle des
anciens prophètes. Ces prophètes n'étaient pas des êtres à part;
c'étaient des hommes comme vous et moi, mais c'étaient de
grands yogins. Ils avaient acquis cette supraconscience ; vous et
moi pouvons en faire autant. Ce n'étaient pas des hommes
différents des autres. Le fait même qu'un homme est parvenu à
cet état prouve qu'il est possible à tout homme d'en faire autant.
Non seulement c'est possible, mais il faudra que tout homme
parvienne un jour à cet état — et c'est la religion.

L'expérience est notre seul instructeur. Nous aurons beau parler


et raisonner toute notre vie, nous ne comprendrons pas un mot de
la vérité tant que nous n'en aurons pas fait l'expérience
personnelle. Nous ne pouvons espérer faire d'un homme un
chirurgien en lui donnant simplement quelques livres. Vous ne
satisferez pas ma curiosité sur un pays en m'en montrant une
carte ; j'ai besoin d'une expérience directe. Les cartes ne font
qu'exciter notre désir d'obtenir des connaissances plus
complètes. A part cela, elles sont absolument sans valeur.
S'accrocher à des livres fait tout simplement dégénérer l'esprit
humain. Fut-il jamais plus horrible blasphème que de dire que
:
toute la connaissance de Dieu est contenue dans tel ou tel livre ?
Comment l'homme ose-t-il appeler Dieu infini et essayer
cependant de L'enfermer dans les pages d'un petit livre? Des
millions de gens ont été tués parce qu'ils ne croyaient pas ce que
disaient les livres, parce qu'ils se refusaient à voir toute la
connaissance de Dieu dans les pages d'un livre. Certes ces
massacres et ces tueries appartiennent maintenant au passé,
mais le monde est encore terriblement enchaîné par la croyance
aux livres.

Dhyâna, la méditation

Pour arriver scientifiquement à l'état supraconscient, il est


nécessaire de passer par les différentes étapes du Râja-Yoga que
je viens de décrire. Après le pratyâhâra et la dhâranâ, nous
arrivons à dhyâna, la méditation

Lorsque l'esprit a été dressé à rester fixé sur un certain point


intérieur ou extérieur, il acquiert le pouvoir d'affluer en quelque
sorte vers ce point en un flot ininterrompu. Cet état se nomme
dhyâna. Lorsqu'on a intensifié sa puissance de dhyâna au point de
pouvoir rejeter la par-

de extérieure de la perception et méditer uniquement sur la partie


intérieure, sur le sens, cet état est appelé samâdhi. L'ensemble
:
des trois états : dhâranâ, dhyâna et samâdhi, est appelé
samyama. C'est-à-dire que si l'esprit peut d'abord se concentrer
sur un objet, puis continuer cette concentration pendant un
certain temps, et ensuite, par une concentration continue, ne plus
conserver que la partie intérieure de la perception dont l'objet
était l'effet, tout est alors soumis à l'esprit.

Cet état méditatif est l'état le plus élevé de l'existence. Tant qu'il
y a désir, la véritable joie ne saurait venir. Seule l'étude
contemplative, en spectateur, des objets, nous apporte la vraie
joie et le vrai bonheur. L'animal met son bonheur dans ses sens,
l'homme dans son intellect et le dieu dans la contemplation
spirituelle. Le monde n'apparaît vraiment dans toute sa splendeur
qu'à l'âme parvenue à cet état contemplatif. Pour celui qui ne
désire rien et qui ne s'y mêle pas, les multiples transformations de
la nature forment un grand panorama merveilleux et sublime.

Ces idées doivent être comprises en dhyâna, c'est-à-dire dans la


méditation. Nous entendons un son. D'abord il y a la vibration
extérieure, puis l'action nerveuse qui la transporte à l'esprit et
enfin la réaction de l'esprit. Avec celle-ci jaillit comme un éclair la
connaissance de l'objet qui a été la cause extérieure de ces
transformations successives depuis les vibrations de l'éther
jusqu'à la réaction mentale. C'est ce qu'en yoga on appelle
shabda (le son), artha (le sens), et jnâna (la connaissance). En
termes de physiologie, on les appelle la vibration de l'éther,
l'action nerveuse et cérébrale et la réaction mentale. Or ces trois
phénomènes, bien que distincts, se sont mêlés de telle sorte
qu'on n'arrive plus du tout à les distinguer. En fait nous ne
:
pouvons plus maintenant en percevoir aucun, nous ne pouvons
percevoir que leur effet combine, que nous appelons l'objet
extérieur. Tout acte de perception comprend cependant les trois
et il n'y a aucune raison que nous n'arrivions pas à les distinguer
l'un de l'autre.

Lorsque l'esprit, à la suite des préparations auxquelles il a été


soumis, devient fort et docile, lorsqu'il a obtenu la faculté de
percevoir des objets plus subtils, on doit l'employer à la
méditation. Cette méditation doit porter d'abord sur des objets
matériels et s'élever lentement à des objets de plus en plus fins et
subtils, jusqu'à ce qu'elle arrive à se passer complètement
d'objet. L'esprit doit d'abord être appliqué à percevoir les causes
extérieures des sensations, puis les actions intérieures, puis sa
propre réaction. Lorsqu'il est arrivé à percevoir isolément les
causes extérieures des sensations, l'esprit acquiert la faculté de
percevoir toutes les existences matérielles subtiles, tous les
corps et les formes subtils. Quand il parviendra à percevoir
isolément les mouvements intérieurs, il se rendra maître de toutes
les ondes mentales, en soi ou chez autrui, avant même qu'elles se
soient transmuées en énergie physique. Lorsqu'il pourra
percevoir isolément la réaction mentale, le yogin aura acquis la
connaissance de tout puisque tout objet sensible et toute pensée
sont le résultat de cette réaction. Alors il aura vu les fondations
mêmes de son esprit et il en aura une maîtrise parfaite. Différents
pouvoirs viendront au yogin ; s'il cède à la tentation de l'un
quelconque d'entre eux, la voie de tout progrès ultérieur lui sera
fermée. Telle est la conséquence néfaste de la recherche des
jouissances. Mais s'il est assez fort pour rejeter même ces
pouvoirs miraculeux, il atteindra le but du yoga, la suppression
complète de toute vague dans l'océan de l'esprit. Alors la gloire
:
de l'âme n'étant plus troublée ni par les distractions de l'esprit ni
par les mouvements du corps, l'âme brillera de tout son éclat. Et
le yogin se trouvera tel qu'il est, tel qu'il a toujours été, essence
de la connaissance, immortel imprégnant tout.

Le samâdhi est à la portée de tout être humain, et même de tout


animal. Depuis l'animal le plus bas jusqu'à l'ange le plus élevé,
chacun devra, un jour ou l'autre, arriver à cet état. C'est alors, et
alors seulement, que commencera pour cet être la véritable
religion. Jusque-là nous ne faisons que nous efforcer d'y parvenir.
Pour l'instant il n'y a aucune différence entre nous et ceux qui
n'ont pas de religion, parce que nous n'avons aucune, expérience.
A quoi sert la concentration, sinon à nous procurer cette
expérience ? Chacune des étapes par lesquelles nous devons
passer pour arriver au samâdhi a été raisonnée, convenablement
réglée, scientifiquement organisée. Si on les parcourt fidèlement,
elles nous conduiront certainement vers le but choisi. Alors tous
les chagrins cesseront, toutes les souffrances disparaîtront ; la
semence des actions se consumera et l'âme sera libre à jamais.

Les indriyas, ou organes des sens, ont une action dirigée vers
l'extérieur et entrent en contact avec les objets extérieurs. Les
mettre sous la dépendance de la volonté est ce qu'on appelle
pratyâhâra ou recueillir par devers soi.

Fixer l'esprit sur le lotus du cœur ou sur le centre de la tête, est


ce qu'on appelle dhâranâ. Si on le restreint à un seul point et
qu'on fasse de ce point la base, il s'élève une espèce particulière
:
de vagues mentales ; celles-ci ne sont pas emportées par
d'autres espèces de vagues, mais elles prennent
progressivement une place prépondérante, tandis que toutes les
autres reculent pour finalement disparaître ; ensuite la multiplicité
de ces vagues fait place à l'unité et il ne reste plus dans l'esprit
qu'une seule vague : c'est dhyâna, la méditation. Lorsqu'aucune
base n'est nécessaire, lorsque l'ensemble de l'esprit est devenu
une seule vague, une unité de forme, c'est ce qu'on appelle
samâdhi. Dépouillé de tout appui donné par des lieux ou par des
centres, seul le sens de la pensée est présent. Si l'esprit peut être
fixé sur un centre pendant douze secondes, c'est une dhâranâ ;
douze de ces dhâranâs forment un dhyâna et douze de ces
dhyânas forment un samâdhi.

On ne doit pas pratiquer le yoga près du feu, dans l'eau, sur un


sol jonché de feuilles sèches, là où il y a beaucoup de fourmilières,
où il y a des animaux sauvages ou des dangers, aux carrefours
des routes, où il y a trop de bruit, où il y a beaucoup de gens
pervers. (Ces indications se rapportent plus particulièrement à
l'Inde). Ne pratiquez pas lorsque le corps se sent très paresseux
ou malade, ou lorsque l'esprit est très chagrin ou très
malheureux. Allez dans un endroit qui soit bien dissimulé et où
l'on ne vienne pas vous déranger. Ne choisissez pas des endroits
malpropres. Choisissez plutôt un beau site, ou une belle pièce
dans votre propre maison. Quand vous voulez pratiquer, saluez
d'abord les anciens yogins, puis votre gourou, puis Dieu, et
ensuite commencez.

On parle de dhyâna et on donne quelques exemples de sujets de


:
méditation. Asseyez-vous en gardant le tronc bien droit et
regardez le bout de votre nez. Nous apprendrons plus tard
comment cela concentre l'esprit, comment, en prenant la
direction des deux nerfs optiques, on fait un grand pas vers la
maîtrise de l'arc de réaction, et ainsi vers la maîtrise de la volonté.

(...) La méditation aussi est un souvenir constant (de l’objet sur


lequel porte la méditation) se déversant comme un filet
ininterrompu d’huile qui coule d’un vase dans un autre. Lorsqu’on
est parvenu à cette sorte de souvenir (de Dieu), toutes les chaines
se brisent. C’est ainsi qu’on en parle dans les Écritures lorsqu’on y
envisage le souvenir constant comme un moyen de libération. Ce
souvenir, d’ailleurs, a la même forme que la vision, car il a la même
signification, comme dans le passage suivant : Quand Celui qui
est loin et prés a été vu, les chaînes du coeur se brisent, tout
doute s’évanouit et tout effet des oeuvres disparaît. Celui qui est
prés peut être vu, mais de Celui qui est loin on ne peut avoir qu’un
souvenir.

Thèmes de méditation

Voici quelques thèmes de méditation : Imaginez un lotus situé


sur le sommet de votre tête, à quelques pouces au-dessus : la
:
vertu est son centre, sa tige est la connaissance. Les huit pétales
du lotus sont les huit pouvoirs du yogin. A l'intérieur, les étamines
et le pistil sont la renonciation. Si le yogin rejette les pouvoirs
extérieurs, il arrivera au salut. Ainsi les huit pétales du lotus sont
les huit pouvoirs, mais les étamines et le pistil qui sont à l'intérieur
sont la renonciation absolue, la renonciation à tous les pouvoirs. A
l'intérieur du lotus, pensez à Celui qui est en or, au Tout-puissant,
à l'Intangible, à Celui qui a pour nom Aum, l'Ineffable, baigné
d'une lumière éclatante. Voici un autre thème de méditation :
Pensez à un espace dans votre coeur, et, au milieu de cet espace,
à une flamme qui brûle. Pensez à cette flamme comme étant votre
âme, puis voyez à l'intérieur de cette flamme une autre lumière
étincelante qui est l'Aine de votre aine, Dieu. Méditez sur cela
dans votre coeur.

La chasteté, la non-nuisance, le pardon, même au plus grand


ennemi, la vérité, la foi dans le Seigneur, tout cela constitue autant
de vrittis. Ne vous effrayez pas de n'être pas parfait en chacun
d'eux ; travaillez et ils viendront. Celui qui a renoncé à tout
attachement, à toute crainte et à toute colère, celui dont toute
l'âme est allée au Seigneur, celui qui a pris son refuge dans le
Seigneur, celui dont le coeur s'est purifié, quel que soit le désir
qu'il vienne présenter au Seigneur, le Seigneur l'exaucera.
Adorez-Le donc par la connaissance, l'amour ou le renoncement.

« Celui qui ne hait personne, qui est l'ami de tous, qui est
charitable envers tous, qui ne possède rien, qui est dégagé de
l'égoïsme, dont l'esprit reste -égal dans la souffrance et dans le
:
plaisir, qui est indulgent, qui est toujours satisfait, qui travaille
toujours en yoga, dont le moi a été maîtrisé, dont la volonté est
ferme, dont l'esprit et l'intellect Me sont consacrés, celui-là est
Mon bhakta bien-aimé. celui qui ne cause aucun trouble, qui ne
peut pas être troublé par autrui, qui est libre de toute joie, crainte
et anxiété, celui-là est Mon bhakta bien-aimé. Celui qui n'et dans
la dépendance de rien, qui est pur et actif, qui ne se préoccupe
pas de savoir si le résultat sera bon ou mauvais, qui n'et jamais
malheureux, qui a renoncé à tout effort pour soi-même, qui reste
le même sous les blâmes et sous les louanges, avec l'esprit
silencieux, pensif, béni du peu qui se trouve être son lot, sans
foyer, car le monde entier est son foyer, et qui reste stable dans
ses idées, celui-là est Mon bhakta bien-aimé. «

(Bhagavad-Gîta, chant II, 13-19)

Dites-vous à vous-même que vous êtes fermement assis et que


rien ne peut vous ébranler. Puis rappelez-vous la perfection de
votre corps, partie par partie, de la tête aux pieds. Pensez à votre
corps comme aussi pur que du cristal, comme un parfait vaisseau
avec lequel naviguer sur l'océan de la vie. demandez à tous les
prophètes et à tous les sauveurs et à tous les esprits de l'univers
de venir vous aider.

[...]
:
Méditation sur la lumière resplendissante, qui est au-delà
de tout chagrin.

C'est une autre espèce de concentration. Pensez au lotus du


coeur, dont les pétales sont tournés vers le bas, et à travers lequel
passe la sushumnâ. Aspirez, puis lorsque vous rejetez le souffle,
imaginez que le lotus a les pétales tournés vers le haut et qu'à
l'intérieur du lotus est une lumière resplendissante. Méditez sur
cela.

Méditation sur le coeur qui a rejeté tout attachement aux


objets sensibles.

Prenez une personne sainte, un grand homme pour qui vous avez
de la vénération, un saint que vous savez être absolument sans
attachement, et pensez à son coeur. Ce coeur est devenu non
attaché ; méditez sur lui et cela calmera votre esprit. Si vous ne
pouvez y parvenir voici un autre moyen :

Méditation sur la connaissance qui vient dans le sommeil.


:
Parfois un homme rêve qu'il voit des anges venir lui parler, qu'il
est en extase, qu'il entend de la musique dans les airs. Dans son
rêve il est heureux, et lorsqu'il se réveille, il lui en reste nue
profonde impression. Pensez que ce rêve est une réalité et
méditez sur lui. Si vous ne lu pouvez pas, méditez sur n'importe
quelle chose sainte qui vous attire.

Méditation sur quelque chose qui vous sollicite comme étant


un bien.

Cela ne signifie pas n'importe quel objet pervers, mais une chose
bonne que vous aimez, un endroit que vous préférez, un paysage,
n'importe quelle idée qui jouit de votre prédilection, tout ce qui
pourra concentrer votre esprit.

40. Le mental du yogin méditant ainsi ne rencontre pas d'obstacle


depuis l'atomique jusqu'à l'infini.(Yoga sutra de Patanjali).

Par cet exercice, l'esprit arrive à contempler facilement depuis


l'objet le plus minuscule jusqu'à l'objet le. plus vaste. Et ainsi les
vagues de l'esprit s'atténuent.
:
41. Le yogin dont les vrittis sont ainsi devenues sans pouvoir
(refrénées) obtient dans le receveur, (l'instrument de) la
réception et le reçu (le Moi, le mental et les objets extérieurs) état
concentré et similitude, comme le cristal (devant différents objets
colorés). (Yoga sutra de Patanjali).

Que résulte-t-il de cette méditation constante ? Rappelons-nous


comment Patanjali, dans un aphorisme précédent, a examiné les
divers états de méditation, dont le premier est surtout matériel, le
deuxième plus subtil, et ainsi de suite vers des objets toujours de
plus en plus abstraits. Le résultat de ces méditations est que nous
arrivons à méditer aussi facilement sur les objets subtils que sur
les objets grossiers. Ici, le yogin distingue les trois éléments : le
receveur, le reçu et l'instrument de la réception, qui
correspondent à l’Âme, à l'objet extérieur et au mental. On nous
offre trois objets de méditation : d'abord ce qui est grossier,
comme les corps, les objets matériels, puis ce qui est subtil,
comme l'esprit, le chitta, et troisièmement le Purusha affecté de
qualités, c'est-à-dire non pas le Purusha lui-même, mais
l'Egotisme. Par la pratique, le yogin s'accoutume à toutes ces
méditations. toutes les fois qu'il médite, il peut écarter toutes les
autres pensées; il s'identifie à ce sur quoi il médite; il devient
comme du cristal: placé devant les fleurs, le cristal s'identifie
presque avec elles; si la fleur est rouge, il paraît rouge, et si la
fleur est bleue, il paraît bleu.
:
Samprajnâta et asamprajnâta samâdhi

L'aphorisme suivant définit le samâdhi, la concentration parfaite,


qui est le but du yogin.

17. La concentration appelée connaissance correcte est celle qui


est suivie de raisonnement, discrimination, joie, égoïsme non
qualifié.(Yoga sutra de Patanjali).

On distingue deux variétés de samâdhi. L'une est appelée


samprajnâta et l'autre asamprajnâta (1).

Dans le samprajnâta samâdhi entrent tous les pouvoirs de


maîtrise de la nature. Il peut être de quatre sortes.

Il y a d'abord ce qu'on appelle le savitarka, dans lequel l'esprit


médite à mainte et mainte reprise sur un objet, en l'isolant des
autres. Dans les vingt-cinq catégories distinguées par les
sâmkhiens, il y a deux séries d'objets de méditation : a) les vingt-
quatre catégories non perceptives de la nature et b) le Purusha
perceptif unique. Cette partie du yoga repose entièrement sur la
philosophie sâmkhienne, dont je vous ai déjà parlé. Vous vous
rappelez que l'égoïsme, la volonté et le mental ont une base
:
commune, le chitta, dont ils sont tous composés. Ce chitta
absorbe les forces de la nature et les projette sous forme de
pensée. Il doit aussi exister quelque chose où force et matière ne
font plus qu'un; c'est ce qu'on appelle avyakta, l'état non
manifesté de la nature avant la création, état auquel toute la
nature retourne, à la fin de chaque cycle, pour en ressortir de
nouveau au bout d'une autre période. Au-delà encore Mt le
Purusha, qui est l'essence de l'intelligence. La connaissance est
pouvoir; dès que nous commençons à connaître une chose, nous
acquérons sur elle un certain pouvoir; de même lorsque l'esprit
commence à méditer sur les différents éléments, il acquiert sur
eux du pouvoir.
Ce genre de méditation, qui porte sur les éléments physiques
extérieurs, est appelé savitarka. Vitarka signifie question, et
savitarka « avec-question ». C'est en quelque sorte interroger les
éléments, pour qu'ils puis-sont livrer leurs vérités et leur
puissance à l'homme qui médite sur eux. L'obtention de pouvoirs
n'amène aucune libération. Elle n'est qu'une recherche de
jouissances dans cette vie, alors que cette vie ne comporte
aucune jouissance. La recherche des jouissances est toujours
vaine ; c'est la vieille, très vieille leçon qu'il nous est si difficile
d'apprendre. Lorsqu'il l'a apprise, l'homme sort de l'univers et
devient libre. La possession de ce qu'on appelle des pouvoirs
occultes ne fait qu'intensifier le monde et finalement, intensifier la
souffrance. En sa qualité d'homme de science, Patanjali est obligé
d'indiquer les possibilités que nous offre cette science, mais il ne
laisse jamais échapper une occasion de nous mettre en garde
contre ces pouvoirs. Ensuite, et toujours dans la même
méditation, lorsqu'on s'efforce de dégager du temps et de
l'espace les différents éléments, et de penser à eux tels qu'ils
sont, c'est ce qu'on appelle nirvitarka ou sans-question.
:
Lorsque la méditation fait un pas de plus, prend pour objet les
tanmâtras et les voit dans le temps et dans l'espace, on l'appelle
savichâra, avec discrimination. Lorsque dans la même méditation
on élimine le temps et l'espace et que l'on pense aux éléments
subtils tels qu'ils sont, on l'appelle nirvichâra, sans
discrimination.

L'échelon suivant est celui dans lequel on fait abstraction des


éléments, physiques ou subtils, et où l'on prend pour objet de
méditation l'organe intérieur,

1) En résumé, on distingue :

A. — Le samprajnâta samâdhi, qui se subdivise en :

a. — vitarka samâdhi, sur les éléments grossiers, lui-même


subdivisé en :

savitarka samâdhi

ii) nirvitarka samâdhi


:
b. vichâra samâdhi, sur les tanmâtras, lui-même subdivisé en
:

savichâra samâdhi

(ii) nirvichâra samàdhi.

c. sânanda samâdhi, sur l'organe pensant.

d. — asmitâ samâdhi, sur l'esprit.

B. L'asamprajnâta samâdhi, supraconscient, qui nous donne la


liberté.

Sri Aurobindo et Vivekânanda

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