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Acad. Roy. Scienc. d'Outre-Mer
Biographie Belge d'Outre-Mer,
T. IX, 2015, col. 396-399
VAN LANCKER (Jules), Fondateur et dirigeant
d’entreprises agro-industrielles, pastorales et commer-
ciales en Afrique centrale (Denterghem, 14.01.1887 –
Bruxelles, 14.09.1954).
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C’est au cours de son service militaire qu’il fit en 1934, il installe son poste principal à Kolo-Fuma, sur
dans le corps du génie (peloton scaphandrier) que le nouveau tracé du chemin de fer Matadi-Léopoldville.
s’amorça la carrière coloniale de Jules Van Lancker. En 1941, la Compagnie reprend les plantations de
En effet, il servit sous les ordres de Robert Thys qui sisal à Kitomesa et, un an plus tard, une petite zone
apprécia ses qualités d’intelligence, de courage et de d’huilerie à Kenge.
ténacité et l’engagea en 1910 à la «Mission d’Etudes Enfin, c’est en 1953 que Van Lancker sort des fron-
des Forces Hydrauliques du Bas-Congo» qu’il avait tières du Congo belge pour participer à la création de la
constituée et qu’il dirigeait. Parcourant à pied les bas- SAFEL (Société Africaine d’élevage) en Afrique-Equa-
sins des rivières Mpozo, Kwilu et Inkisi, Jules Van toriale française.
Lancker fit la connaissance de cette région des Cata- L’ensemble des activités de la «Compagnie JVL»
ractes qu’il a profondément aimée et marquée de son au Congo belge employait avant l’indépendance plus
empreinte. de deux mille cinq cents agents et travailleurs congolais
La forte personnalité de Jules Van Lancker, son et soixante expatriés. Outre les installations industrielles
esprit d’initiative et sa très grande capacité de travail le et commerciales, ateliers, bureaux, magasins, usines et
poussent alors à créer sa propre entreprise. Aussi, après factoreries, elle a établi une importante infrastructure
un bref séjour en Belgique pour raisons de santé, il sociale: logements en matériaux durables, dispensaires,
s’installe à son compte à Madimba, au cœur d’une zone écoles, chapelles, centres de sport et de loisir. La société
de production vivrière. Il y ouvre des factoreries pour la a en outre créé et aménagé un important réseau routier
vente d’articles de traite et l’achat de produits vivriers, dans ses concessions et ses zones d’huilerie.
ce qui lui permet d’assurer l’approvisionnement des La Compagnie avait trois secteurs principaux d’acti-
centres de Boma, Matadi et Léopoldville durant la vité: agro-industrielles, commerciales et pastorales.
guerre 14-18. En 1915, il exécute, à la demande de En matière agro-industrielle, le centre de Kolo com-
l’Administration, l’étude et le relevé topographique du prenait, outre une usine d’huile de palme et une autre
futur port de Léopoldville. d’huile de palmiste, une unité de désodorisation et de
Dès 1920, Jules Van Lancker s’intéresse à la produc- raffinage d’huile d’arachides et d’autres huiles végé-
tion d’huile de palme et installe une huilerie à Bwense. tales, une limonaderie, une boulangerie. Plusieurs huile-
Rentré en congé en Belgique en 1921, il épouse Maria ries de palme furent installées au Kwilu/Kwango et, à
De Brabandere qui l’accompagne au Congo la même Kitomesa, une corderie et une ligne de tissage de toile
année. Elle l’épaulera toute sa vie avec beaucoup de de sacs.
sensibilité, d’efficacité et d’abnégation. Ils auront quatre Les activités commerciales de la «Compagnie JVL»
enfants. s’étendirent de Matadi à Kikwit avec trois magasins de
En 1922, Jules Van Lancker devient administra- gros, quinze magasins de détail et soixante factoreries.
teur-directeur général de la Compagnie du Congo Belge S’y ajoutait un département d’import-export très actif,
(CCB) et, dès l’année suivante, s’installe dans la région important des articles d’alimentation et exportant de
de Kolo, au sud de Thysville (aujourd’hui Mbanza- l’huile de palme, de l’huile et des tourteaux de palmiste,
Ngungu). Il y constitue la S. A. «Plantations Jules Van ainsi que du Rauwolfia et des fibres d’Urena lobata
Lancker» et commence à établir des plantations de riz, pour lesquels trois centres de triage et de conditionne-
de café et de palmiers qui couvriront progressivement ment furent établis.
deux mille cinq cents hectares. Mais la réalisation la plus remarquable de Jules Van
Après 1923, il étend et diversifie peu à peu ses acti- Lancker a sans doute été son élevage de bétail Ndama.
vités. En 1924, il fonde la société SIEFAC qui s’occupe La création d’un «type Kolo» amélioré et une politique
jusqu’en 1929 d’exploitation forestière à Sensikwa mais rationnelle de ranching ― feux soigneusement dirigés,
s’installe ensuite dans le district du Kwilu pour l’ex- alternance rationnelle de pâtures et de jachères, contrôle
ploitation d’une zone d’huilerie et la création de trois vétérinaire rigoureux ― permirent d’entretenir vingt-
usines d’huile de palme. Il participe également à la cinq mille têtes de bétail sur quarante-cinq mille hec-
création de la société HPK (Huileries et Plantations du tares, performance remarquable compte tenu de la
Kwilu) à Masi-Manimba. valeur très moyenne des sols et d’une saison sèche de
C’est en 1929 que Jules Van Lancker crée son pre- plusieurs mois. Quant à l’amélioration du bétail, elle
mier noyau d’élevage dans les Cataractes, qu’il oriente permit de reconstituer les caractères originels du
rapidement vers la race Ndama. Ndama, déformés dans leur zone d’origine par des
En 1930, il constitue avec la CCB la S. A. «Compa- métissages inconsidérés. Plusieurs pays d’Afrique occi-
gnie Jules Van Lancker» dite «Compagnie JVL», qui dentale importèrent des reproducteurs des élevages de
reprend l’ensemble de ses actifs. Quatre ans plus tard, la «Compagnie JVL» pour régénérer leurs troupeaux.
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Outre le bétail bovin, la Compagnie organisa un éle-
vage de dix mille porcs et installa un abattoir, plusieurs
chambres froides, un atelier de découpe et de charcute-
rie dont les produits étaient très appréciés par les
consommateurs du Bas-Congo et de Léopoldville.
L’œuvre accomplie par Jules Van Lancker et son
rôle dans la mise en valeur de la zone Matadi-Inkisi et
du Kwango-Kwilu ont été considérables et, près de qua-
rante ans après l’indépendance, la Compagnie qu’il a
créée reste active dans la République Démocratique du
Congo. Ses qualités personnelles, ses réalisations, son
expérience africaine valurent à Van Lancker des man-
dats importants qu’il remplit avec distinction: membre
du Conseil de Gouvernement; membre de la Députation
permanente; membre de la Commission pour la Protec-
tion des Indigènes; vice-président de la Société du
Crédit au Colonat; membre du Fonds du Bien-être
indigène. La distinction de Chevalier de l’Ordre de
l’Etoile africaine lui a été décernée en 1950.
Jules Van Lancker fut toute sa vie un pionnier. Un
de ces pionniers qui, jusqu’au milieu du XXe siècle, ont
incarné l’énergie et la ténacité belges aux quatre coins
du monde et plus particulièrement en Afrique centrale.
A une époque où l’esprit d’entreprise, la force de
conviction et le dynamisme permettaient encore d’éla-
borer de grands projets, il réalisa une œuvre remar-
quable qui fait encore, malgré les aléas des dernières
décennies, l’admiration de ceux qui la découvrent.
Au cours d’une vie exceptionnellement active, Jules
Van Lancker a soulevé de multiples réactions. C’était
un homme parfois difficile parce qu’exigeant, défen-
dant énergiquement ses intérêts et ses idées, sachant
décider et faire exécuter ses décisions. Mais il était
aussi attachant, parce qu’il savait reconnaître le mérite
et le récompenser. Il savait aussi accepter que des avis
opposés lui soient présentés et n’hésitait pas à changer
d’opinion devant des arguments suffisamment convain-
cants. A diverses reprises, il a ainsi fait passer l’intérêt
général avant ses intérêts personnels. La force de son
caractère et de sa personnalité a suscité considération et
respect. Ses qualités humaines et sa cordialité lui appor-
tèrent de nombreuses et fidèles amitiés.
Un juste témoignage de reconnaissance des popula-
tions au sein desquelles il avait œuvré toute sa vie, lui
fut rendu après son décès en 1954. A leur demande, son
corps fut inhumé en 1955 à Kolo où un monument fut
érigé à sa mémoire.
18 février 1998.
V. Drachoussoff (†).
Affinités: Vladimir Drachoussoff a rencontré Jules Van Lancker dans
le cadre de ses activités dans le Bas-Congo.
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