Loi Valeur

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La loi de la valeur reste une théorie des transformations

et des contradictions du capitalisme contemporain

Jean-Marie Harribey

Séminaire de l’ART-François Perroux


« Transformations du capitalisme contemporain et théorie de la Valeur-travail »
Paris, 3 mars 2004

La théorie de la valeur de Marx n’a cessé d’être rejetée depuis son origine. Sa mort fut
maintes fois annoncée, déclarée, et ce par quelques-uns des plus grands noms que compte la
« science économique », de Böhm-Bawerk à Samuelson, en passant par Schumpeter. Situant
la source de la valeur pour le capital dans l’exploitation de la force de travail, elle ne pouvait
manquer de soulever hostilité et dénégations de la part de théoriciens qui ne faisaient pas
mystère de leur adhésion aux finalités du capitalisme et à sa régulation par le marché. Les
difficultés méthodologiques de la transformation des valeurs en prix de production avaient
donné l’occasion de récuser en bloc la théorie de la valeur et de l’exploitation ainsi que
l’ensemble de la critique des rapports sociaux capitalistes qui en découlait. Mais la théorie de
la valeur de Marx avait également été rejetée dès la fin du XIXe siècle au sein même du
mouvement marxiste ou apparenté, sous l’impulsion de Bernstein et Bortkiewicz. Le
renouvellement de la théorie des prix de production apporté par Sraffa1 avait suscité dans les
années 1960-70 un nouvel intérêt pour cette discussion qui s’était soldée par un divorce entre
néo-ricardiens affirmant l’inutilité des valeurs par rapport aux prix et marxistes maintenant les
deux champs théoriques de la valeur et des prix2.
Aujourd’hui, le problème de la transformation se résout mal ou bien par rapport aux
vues de Marx. Il se résout mal si l’on adopte la solution de Seton et Morishima fondée sur la
notion de salaire réel, valeur d’un panier de marchandises, la force de travail étant une
marchandise semblable aux autres. Cette solution ne permet pas en effet de retrouver la
double égalité posée par Marx entre somme des valeurs et somme des prix d’un côté et
somme des plus-values et somme des profits de l’autre. De plus, elle rend inutile la
connaissance des valeurs-travail pour calculer les prix obtenus à partir de la seule matrice des
coefficients techniques de production.
Le problème se résout bien par rapport aux intuitions de Marx si l’on adopte la solution
proposée séparément par Gérard Duménil et Duncan Foley et reformulée par Alain Lipietz3.
Cette fois-ci, la force de travail n’est pas une marchandise comme les autres et le salaire est
monétaire. Celui-ci se définit comme la fraction de la valeur ajoutée que les salariés arrachent
dans la lutte des classes et sa fixation ne dépend pas des prix de production. Il en résulte que
la valeur de la force de travail ne subit pas la transformation, et, par suite, de l’hypothèse
somme des valeurs nettes = somme des prix nets de production, on tire la conclusion que
somme des plus-values = somme des profits et que le taux de profit dépend du taux de plus-
value et de la composition organique du capital exprimée en prix de production.
La théorie de la valeur de Marx, dont le but essentiel, rappelons-le, n’est pas de fournir
une théorie des prix mais une théorie du profit, c’est-à-dire une théorie des rapports sociaux
capitalistes, pourrait être considérée comme achevée car la condition nécessaire et suffisante
du capital est parfaitement établie : il faut et il suffit que le taux d’exploitation de la force de

1
. P. Sraffa [1970].
2
. Voir P. Salama [1975].
3
. G. Duménil [1980] ; D. Foley [1982] ; A. Lipietz [1983].
2

travail soit positif. Eh bien, le débat rebondit. Et il rejaillit par un tout autre biais. Ce n’est
plus la méthodologie de Marx qui est incriminée, ni la logique interne de la loi de la valeur, ce
sont ses conditions historiques de validité. La loi de la valeur fondée sur le travail social
n’aurait plus cours dans le capitalisme contemporain marqué par l’irruption d’une troisième
révolution technique dans laquelle la connaissance deviendrait la principale force productive
de valeur en lieu et place de la force de travail, l’une étant bien sûr déconnectée de l’autre
pour les besoins de la démonstration. Cette thèse constitue l’ossature principale des
théorisations d’un capitalisme appelé « cognitif ». La valeur trouverait sa source dans un
ailleurs de la production, essentiellement en amont de celle-ci et, par extension, dans tous les
actes de la vie hormis… le travail. Le paradoxe est tel que la valeur disparaîtrait mais serait
partout : aussi bien notre temps de chômage que notre respiration, nos émotions, nos amours,
méditations, réflexions seraient créateurs de valeur. Nous voudrions montrer ici l’inanité de
ces thèses qui oscillent entre l’évanescence de la loi de la valeur et l’extension abusive de la
notion de création de valeur.
La clarification de cette question est d’autant plus nécessaire que, parallèlement à la
révolution technique qu’il impulse, le capitalisme bouleverse les rapports sociaux pour leur
donner une configuration susceptible de lui procurer un champ de valorisation nouveau et,
pourquoi pas, quasi infini. Ainsi, la libéralisation accompagnant le régime d’accumulation
financière mondial s’attaque aux services non marchands, aux systèmes de protection sociale
(santé et retraites) et tente de parachever la révolution bourgeoise du droit de propriété en
étendant celui-ci aux ressources naturelles vitales (eau et air notamment) et aux connaissances
qui seront demain à la base de l’activité économique. La mise en pièces de la sphère non
marchande et le recul de la sphère de la gratuité se font, d’une part, au prétexte du parasitisme
des activités publiques non marchandes, et, d’autre part, au nom d’une mauvaise allocation
des ressources si elles sont exemptes de droits de propriété. Il convient donc de réfuter les
assertions aussi brutales que dénuées de rigueur scientifique sur le soi-disant caractère
improductif du travail employé dans des activités non marchandes pour au contraire
démontrer que, primo, si ce travail-là ne produit pas de valeur pour le capital, il n’en produit
pas moins de la richesse, et que, deuzio, la richesse représentée par les ressources naturelles
et intellectuelles doivent échapper à la valorisation capitaliste4.
Aussi, la tâche théorique délicate à accomplir consiste à délimiter et restreindre le
champ de la production de valeur pour le capital à celui au sein duquel est mise en œuvre de
la force de travail soumise au capital, et, simultanément, à retrouver une conception élargie de
la production de richesse sociale, intégrant cette fois l’ensemble des forces de travail créant
des valeurs d’usage. Nous essaierons ici de contribuer au premier aspect5, ayant apporté une
contribution au second dans le cadre d’une communication récente au séminaire MATISSE6.

1. Capital et travail sont toujours dans la même relation dialectique

Bien que la mode de la « nouvelle économie » ait fait long feu, certains théoriciens
croient déceler une nouvelle forme de capitalisme qu’ils appellent « cognitif ». André Gorz
explique dans son dernier livre L’immatériel que la connaissance devient « principale force
productive »7. Selon Antonella Corsani, il se produit « une autonomisation de la sphère de la

4
. Sur ces différents thèmes, voir J.M. Harribey [1997-a].
5
. La première partie du présent texte est une version abrégée d’une communication « Le cognitivisme, nouvelle
société ou impasse théorique et politique ? » au colloque de l’Université de Reims-Champagne-Ardenne « Les
transformations du capitalisme contemporain : faits et théories, Etat des lieux et perspectives », 31 mars, 1er et 2
avril, http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/valeur/cognitivisme.pdf.
6
. J.M. Harribey [2003].
7
. A. Gorz, L’immatériel, Connaissance, valeur et capital, Paris, Galilée, 2003, p. 13.
3

production de connaissances, en tant que sphère de d’accumulation capitaliste en soi » et « Le


capital ne soumet plus la science pour la rendre adéquate à sa logique d’accumulation, à ses
lois de valorisation à travers le système de la fabrique et dans un processus de production de
marchandises. Sa valorisation vise immédiatement, et de l’intérieur, la sphère de production
de connaissances, le processus de production des connaissances par des connaissances. »8
Ainsi se réaliserait la prophétie de Marx : « Cependant, à mesure que se développe la
grande industrie, la création de la richesse réelle dépend moins du temps de travail et du
quantum de travail de travail employé que de la puissance des agents mis en mouvement au
cours du temps de travail, laquelle à son tour – leur puissance efficace – n’a elle-même aucun
rapport avec le temps de travail immédiatement dépensé pour les produire, mais dépend bien
plutôt du niveau général de la science et du progrès de la technologie, autrement dit de
l’application de cette science à la production. […] Dans cette mutation ce n’est ni le travail
immédiat effectué par l’homme lui-même, ni son temps de travail, mais l’appropriation de sa
propre force productive générale, sa compréhension et sa domination de la nature, par son
existence en tant que corps social, en un mot le développement de l’individu social, qui
apparaît comme le grand pilier fondamental de la production et de la richesse. […] Dès lors
que le travail sous sa forme immédiate a cessé d’être la grande source de la richesse, le temps
de travail cesse d’être nécessairement sa mesure et, par suite, la valeur d’échange d’être la
mesure de la valeur d’usage »9.

1.1. La richesse n’est pas la valeur


Alors que Marx n’a cessé de répéter la différence entre richesse et valeur et que le
travail n’était pas la seule source de richesse10 mais qu’il était la seule source de valeur, les
théoriciens du cognitivisme confondent souvent les deux idées et, pire, mettent cette
confusion sous la plume de Marx : « Ainsi, par-delà la critique radicale du concept de travail
et de l’économie politique de Smith, l’analyse marxienne s’inscrit-elle de fait à l’intérieur du
chemin tracé par Adam Smith, qui fait de la fabrique et du travail divisé le fondement de la
production de richesse et de valeur. […] La fin du capitalisme est vue ici comme une crise de
la loi de la valeur, car, avec le développement des forces productives impulsé par la
technologie capitaliste, la création de richesse ne repose plus sur le temps de travail mais
dépend du niveau atteint par la science et la technologie. […] C’est donc le capital, sa logique
d’accumulation, qui impulse, comme on l’a vu précédemment, le processus d’accumulation
des connaissances et fait que le travail n’est plus la source de la valeur, et que le temps de
travail cesse d’être sa mesure ; par conséquent la valeur d’échange cesse d’être la mesure de
la valeur d’usage. […] Autrement dit, face à l’émergence de la connaissance, la théorie
marxienne de la valeur ne tient plus. »11 Nous examinerons plus loin en quoi la
dégénérescence de la valeur ne signifie pas la dégénérescence de la loi de la valeur.
Rappelons pour l’instant que Ricardo écrivit : « La valeur diffère donc essentiellement de la
richesse, car elle ne dépend pas de l’abondance, mais de la difficulté ou de la facilité de
production. Le travail d’un million d’hommes dans les manufactures produira toujours la
même valeur, mais pas la même richesse. » 12 On ne peut donc que rester surpris de lire que :
« L’économie politique, qui s’affranchit de la philosophie pour se constituer en tant que
discipline à part entière à la fin du XVIII e siècle, se veut science de la richesse. Elle va

8
. A. Corsani [2003, p. 57].
9
. K. Marx [1980, tome II, p. 192-193].
10
. « Le travail n’est donc pas l’unique source des valeurs d’usage qu’il produit, de la richesse matérielle. Il en
est le père, et la terre la mère, comme le dit William Petty. » K. Marx [1965-a, p. 571].
11
. A. Corsani [2003, p. 64-65]. Voir aussi P. Dieuaide [2001].
12
. D. Ricardo [1992, p. 289].
4

chercher l’origine de la richesse, de la valeur, à l’intérieur du système de la fabrique et à partir


du travail qui est spécifique à ce système. »13

1.2. La valeur et les conditions de la valeur


Lorsque Marx définit le concept de mode de production, la base matérielle de celui-ci
est constituée des forces productives et des rapports de sociaux de production dans lesquelles
les premières sont mises en œuvre. Une relation dialectique unit ces deux niveaux mais qui
n’autorise pas à les assimiler. Dans un univers conceptuel différent mais dont la portée
critique est loin d’être mineure, John Maynard Keynes fait en quelques lignes de la Théorie
générale la distinction entre valeur et conditions de la valeur dont il conclut que le travail est,
au sens propre du terme, le seul facteur de production. « Au lieu de dire du capital qu’il est
productif il vaut beaucoup mieux en dire qu’il fournit au cours de son existence un rendement
supérieur à son coût originel. […] Nos préférences vont par conséquent à la doctrine pré
classique que c’est le travail qui produit toute chose, avec l’aide de l’art comme on disait
autrefois ou de la technique comme on dit maintenant, avec l’aide des ressources naturelles,
qui sont libres ou grevées d’une rente selon qu’elles sont abondantes ou rares, avec l’aide
enfin des résultats du travail passé incorporés dans des biens capitaux, qui eux aussi
rapportent un prix variable suivant leur rareté ou leur abondance. Il est préférable de
considérer le travail, y compris bien entendu les services personnels de l’entrepreneur et de
ses assistants comme le seul facteur de production ; la technique, les ressources naturelles,
l’équipement et la demande effective constituent le cadre déterminé où ce facteur opère. »14
Ces distinctions conceptuelles semblent méconnues par les théoriciens du capitalisme
cognitif. Quand Yann Moulier Boutang écrit que « l’activité gratuite en amont et en aval de ce
qui est considéré par l’économie politique (toutes écoles confondues) comme le seul travail
méritant rémunération, est la source principale de valeur » 15, ne commet-il pas deux erreurs ?
D’abord, l’économie politique n’a jamais dit que la force de travail marchande était la seule
force de travail méritant rémunération, mais qu’elle était la seule force de travail engendrant
de la valeur monétaire et donc engendrant du revenu. Ensuite, l’activité gratuite en amont et
en aval de la production monétaire représente le « cadre » de la valeur dont parle Keynes.
Carlo Vercellone est sans doute victime de la même illusion en écrivant : « Ces
métamorphoses font que la source de la "richesse des nations" se déplace aujourd’hui de plus
en plus en amont de l’activité des entreprises. C’est de plus en plus en amont de la sphère du
"travail salarié et de l’univers marchand", dans la société, et notamment dans le système de
formation et de recherche que se trouve la clé de la productivité et du développement de la
richesse sociale. »16 René Passet, quant à lui, se réfère à l’OCDE pour tenter de corroborer les
mêmes thèses : « Au-delà du "juste à temps" le constat est généralisable. "La productivité, dit
Pierre Veltz, directeur de l’Ecole nationale des ponts et chaussées, tient désormais surtout à la
qualité des interfaces entre les acteurs qui interviennent dans les processus productifs."
L’OCDE elle-même souligne le phénomène : "Plus l’importance de la technologie est grande
dans les économie, plus les entreprises doivent habituellement pouvoir compter sur un
"environnement" propice à l’innovation technologique […] , les avantages comparatifs liés à
la technologie sont non seulement propres à l’entreprises mais sont aussi fortement tributaires
de facteurs extérieurs à l’entreprise. " »17 On l’a compris, l’ « environnement » de l’OCDE est
exactement le « cadre » de Keynes mais la pertinence de l’OCDE est loin d’atteindre celle de
l’économiste anglais.

13
. A. Corsani [2003, p. 59].
14
. J.M. Keynes [1969, p. 223].
15
. Y. Moulier Boutang [2001-a, p. 24], cité par A. Gorz [2003, p. 74].
16
. C. Vercellone [2003, p. 260].
17
. R. Passet [2003, p. 324].
5

On peut adresser les mêmes remarques à A. Corsani quand elle écrit : « Ce ne sont donc
pas le capitalisme industriel et ses fabriques, et encore moins le travail divisé, qui sont la force
du changement, la source de la valeur, mais bien les "fortes volontés, les esprits vigoureux"
libérés des contraintes propres au système féodal. Dans l’analyse de Schumpeter, ces esprits
sont ceux que recèle la figure clé, celle de l’entrepreneur, produit de la bourgeoisie. […] Le
point qui me semble vraiment essentiel c’est le fait qu’en reconnaissant dans l’innovation la
seule source de valeur, Schumpeter soit amené à sortir des schémas méthodologiques sur
lesquels s’est fondée toute l’économie politique et pose le problème d’une théorie de la
production créatrice qui ne peut avoir lieu qu’en dehors de la fabrique et de sa logique
homogénéisante. » 18 Hélas, avec sa théorie du profit, Schumpeter se situe bien en deçà de
Keynes.
Patrick Dieuaide retrouve la notion de cadre de la valeur de Keynes mais sans en
mesurer la portée : « Comme expression d’une nouvelle norme d’ajustement, le changement
organisationnel porterait avec lui les conditions d’une nouvelle fonctionnalité du capital
productif, source de "création de valeur". […] La valeur "nouvellement créée" serait le fait
non pas d’une rationalisation du temps de travail immédiat et parcellisé (comme temps
dépensé en énergie physique ou intellectuelle) mais de gains de temps portés par le mode
d’organisation des entreprises et, plus particulièrement, par le surplus de productivité globale
dégagé de l’action combinée de l’accumulation de capital fixe (de plus en plus immatériel) et
de la collectivité des travailleurs considérée comme telle. La "création de valeur" serait le fait
de conditions techniques et sociales particulières qui réduisent les temps de production et de
circulation des marchandises selon deux modalités principales : par la coopération des
travailleurs entre eux pour concevoir et organiser leurs propres activités ; par l’inclusion des
moments et des conditions de la circulation dans les engagements de production des
entreprises. Ces conditions sont d’une grande portée du point de vue de la dynamique du
capitalisme. »19 P. Dieuaide ne voit pas que les conditions énumérées augmentent la
productivité du travail, c’est-à-dire, de manière tautologique, diminuent la valeur.

1.3. La valeur et la loi de la valeur


La démarche des théoriciens du cognitivisme ne partirait-elle pas d’une mauvaise
interprétation du texte de Marx ci-dessus ? Marx parle de la distanciation de plus en plus
grande entre le travail vivant et les richesses créées, c’est-à-dire le travail et les valeurs
d’usage, mais jamais il ne parle de distanciation entre travail et valeur. Au contraire, au fur et
à mesure de l’augmentation de la productivité du travail et de la disparition du travail vivant –
et pour Marx il s’agit d’une « proposition tautologique »20 – la valeur d’échange disparaît elle
aussi, ce qui est, jusqu’au bout, conforme à la loi de la valeur. A. Gorz a raison de faire
remarquer21 qu’il arrive à Marx de parler indifféremment de richesse et de valeur, notamment
quand celui-ci dit : « Dès lors que le travail sous sa forme immédiate a cessé d’être la grande
source de la richesse, le temps de travail cesse d’être nécessairement sa mesure… » Sans
doute Marx a-t-il en tête la contradiction du capital : « Il contribue ainsi, malgré lui,
activement à la création des moyens du temps social disponible, tendant à réduire le temps de
travail nécessaire pour la société tout entière à un minimum décroissant et à libérer ainsi le
temps de tous aux fins de leur propre développement. Mais sa tendance est toujours de créer
d’un côté du temps disponible, et, d’un autre côté, de le convertir en surtravail. S’il réussit
trop bien dans la première entreprise, il souffre alors de surproduction et le travail nécessaire
se trouve interrompu faute de ce que du surtravail puisse être valorisé par le capital. Plus cette
contradiction se développe, plus il s’avère que la croissance des forces productives ne peut

18
. A. Corsani [2003, p. 68-70].
19
. P. Dieuaide [2003, p. 237].
20
. K. Marx [1980, tome II, p. 322].
21
. A. Gorz [2003, p. 75].
6

plus être enchaînée à l’appropriation de surtravail d’autrui, mais qu’il faut que ce soit la masse
ouvrière elle-même qui s’approprie son surtravail. Lorsqu’elle a fait cela – et que, par là, le
temps disponible cesse d’avoir une existence contradictoire –, alors, d’un côté, le temps de
travail nécessaire aura sa mesure dans les besoins de l’individu social, d’un autre côté, le
développement de la force productive sociale croîtra si rapidement que, bien que la
production soit désormais calculée pour la richesse de tous, le temps disponible de tous
s’accroîtra. Car la richesse réelle est la force productive développée de tous les individus. Ce
n’est plus alors aucunement le temps de travail, mais le temps disponible qui est la mesure de
la richesse. »22 A l’encontre des théoriciens du cognitivisme, on peut dire que, pour Marx,
c’est la dissociation entre valeur et richesse qui est au cœur de la contradiction du capital dont
il avait bien vu les potentialités d’évolution : « Il donne vie à toutes les puissances de la
science et de la nature, comme à celles de la combinaison et de la communication sociales
pour rendre la création de richesse indépendante (relativement) du temps de travail qui est
affecté. »23
Le développement des forces productives conduit à l’exclusion progressive du travail
vivant du processus de production, ce qui a pour conséquence d’augmenter la productivité du
travail et donc d’abaisser les coûts de production et, à long terme, la valeur des marchandises,
évolution que renforce l’incorporation de connaissances de plus en plus grandes24. Cette
exclusion ne constitue pas une négation de la loi de la valeur en tant que tendance, mais en est
la stricte application. Contrairement aux affirmations les plus fréquentes, la loi de la valeur
n’est pas « caduque »25 dans le champ de l’économie ; elle n’a jamais été aussi valide. Mais,
d’une part, elle n’a pas et n’a jamais eu de validité en dehors de ce champ. L’ « au-delà » de
la loi de la valeur dont parle A. Gorz26 n’a de sens que dans la reconquête de champs dans
lesquels elle ne gouvernerait pas, mais dire que « (l’évolution présente) exige une autre
économie dans laquelle les prix ne refléteraient plus le coût immédiat du travail, de plus en
plus marginal, contenu dans les produits et les moyens du travail »27 est proprement dénué de
signification. D’autre part, il faut distinguer le fait de « l’écroulement de la production
reposant sur la valeur d’échange » 28 au fur et à mesure que l’automatisation progresse, ainsi
que le note à juste titre Marx, et une modification, tout à fait imaginaire, du fonctionnement
interne de la loi de la valeur reposant sur la quantité de travail social. D’ailleurs, lorsqu’il
évoque la société future débarrassée du capital, Marx n’élimine pas du tout la relation entre
travail et valeur : « Après l’abolition du mode de production capitaliste, le caractère social de
la production étant maintenu, la détermination de la valeur prévaudra en ce sens qu’il sera
plus essentiel que jamais de régler le temps de travail et la répartition du travail social entre
les divers groupes de production et, enfin, de tenir la comptabilité de tout cela. » 29
Nous soutenons donc l’idée, contre la plupart des interprétations actuelles, que
l’accumulation du capital entraîne une tendance à la dégénérescence de la valeur mais non
une tendance à une dégénérescence de la loi de la valeur, c’est-à-dire non une dégénérescence
22
. K. Marx [1980, tome II, p. 196].
23
. K. Marx [1980, tome II, p. 194].
24
. Ce point est d’ailleurs confirmé par A. Gorz [2003, p. 47]. Ce qui est curieux, c’est qu’il en tire la conclusion
de l’obsolescence de la loi de la valeur. Il affirme – et là-dessus nous sommes d’accord avec lui – qu’au fur et à
mesure que les coûts unitaires de production et de reproduction s’amenuisent, la valeur tend vers zéro et qu’on
s’achemine vers la possibilité de la gratuité, et, simultanément, il ne voit pas qu’il s’agit tout simplement de
l’application de la règle de l’amortissement s’intégrant tout à fait à l’intérieur de la loi de la valeur, la seule
nouveauté étant que l’amortissement ne s’applique plus uniquement au travail mort contenu dans les
équipements mais au travail de production et de transmission des connaissances qui peut être réparti dans un
nombre quasi infini de produits finals.
25
. A. Gorz [1997, p. 148]. Voir aussi D. Leredde [1997, p. 147-160].
26
. A. Gorz [1997, p. 145].
27
. A. Gorz [1997, p. 148].
28
. K. Marx [1980, tome II, p. 193].
29
. K. Marx [1968-b, tome II, p. 1457.
7

du critère du travail social à l’intérieur de la loi. Le critère (le travail social) et la quantité (de
travail social) doivent être pour cela absolument distingués. Sinon, puisque la loi de la valeur
est l’expression d’un rapport social, de la disparition de la première ne pourrait résulter en
effet que la disparition du second.

1.4. La place du travail


Dans Empire, Michael Hardt et Antonio Negri proposent une théorisation des
transformations du travail entraînées par le passage à une « économie informationnelle » où
prédomine le « travail immatériel », défini comme « un travail qui produit un bien non
matériel tel que service, produit culturel, connaissance ou communication »30. Ces auteurs
montrent bien l’élargissement progressif du travail productif à des catégories de plus en plus
larges d’activités soumises à l’emprise du capital. Celui-ci poursuit le processus de
socialisation du processus de production et donne son plein sens au concept de « travailleur
collectif » de Marx. Et le bouleversement apporté par les nouvelles techniques permet au
capitalisme de happer le temps de vie du travailleur, non seulement durant son temps de
travail, mais aussi hors de ce dernier. Autrement dit, la subordination du travail au capital
franchit une étape supplémentaire puisque la reproduction du capital exige la domination de
toute la société.
Cependant, la conclusion que tirent M. Hardt et A. Negri, de même qu’A. Gorz, est
dénuée de fondement : comme le travail deviendrait de plus en plus immatériel, il ne serait
plus la source de la valeur et donc du profit que s’approprie le capital. Valeur et profit
naîtraient hors de la production, en amont de celle-ci dans le processus d’accumulation de
connaissances. Cette thèse est contestable pour plusieurs raisons qui tiennent au glissement
opéré au sujet du travail. Primo, la notion de travail immatériel désigne alternativement
l’activité et le résultat de celle-ci : ce n’est guère cohérent. Secundo, concrètement, tout travail
est un geste, un acte, qui est toujours matériel et le fait qu’il soit à prédominance manuelle,
intellectuelle ou relationnelle n’y change rien. Tertio, la définition donnée du travail
immatériel est d’un piètre secours pour caractériser par exemple le service de coiffure où le
produit est immatériel mais le travail est essentiellement manuel, ou bien encore les services
aux personnes où le travail est à la fois manuel et relationnel, et surtout le travail des
nombreux techniciens de l’informatique dont la dépense d’énergie et le stress sont tout ce
qu’il y a de plus matériel en étant pourtant occasionnés par une tâche essentiellement
intellectuelle. On pourrait croire que l’expression de « travail immatériel » est un raccourci
commode pour désigner le travail dont le produit est immatériel. Il n’en est rien car les
différents auteurs sont là-dessus clairs : le travail immatériel se situe selon eux en amont du
travail de fabrication proprement dit, lui-même « envoyé à la périphérie du procès de
production ou […] carrément externalisé »31.
Cette notion de travail immatériel est d’autant plus surprenante chez Hardt et Negri
qu’elle revient à nier la catégorie marxienne d’abstraction du travail à laquelle les deux
auteurs se réfèrent pourtant, abstraction renforcée selon eux par l’automatisation et
l’informatisation32. Or Marx avait montré que le marché capitaliste valide par la vente d’une
marchandise la fraction du travail social qui y est contenue et fait ainsi abstraction des
caractères particuliers des travaux singuliers effectués par les producteurs. Le travail des
ouvriers produisant des automobiles n’est donc pas moins rendu abstrait que le travail
« informationnel » des techniciens de l’informatique lors de la vente des produits sur le
marché. Le travail est donc abstrait non par le caractère technique de la production ou par son
degré croissant d’immatérialité mais par son caractère social.

30
. M. Hardt, A. Negri, Empire, Paris, Exils Ed., 2000, p. 354-355.
31
. A. Gorz, L’immatériel, op. cit., p. 17.
32
. M. Hardt, A. Negri, Empire, op. cit., p. 357.
8

Il y a au moins une continuité sinon une cohérence dans les thèses du capitalisme
cognitif et de l’« Empire » : au départ est l’évanescence de la loi de la valeur dont découlent la
dilution des rapports sociaux et donc celle des classes ; il ne reste plus qu’à théoriser la
« multitude », faite d’un ensemble de singularités, appelée à remplacer la classe ouvrière, qui
n’aurait eu de réalité que pendant la phase du capitalisme industriel : « La classe ouvrière
industrielle n’a représenté qu’un moment partiel dans l’histoire du prolétariat et de ses
révolutions, au cours de la période où le capital était en mesure de réduire la valeur à la
mesure. »33 Curieusement, Hardt et Negri font comme s’il y avait encore un théoricien
marxiste ou sociologue critique qui identifiait aujourd’hui le prolétariat à la seule catégorie
des ouvriers : la définition qu’ils donnent du prolétariat est juste mais n’a plus rien d’original.
Ils font comme si quelque chose d’autre que la mesure intéressait le capital pour s’accumuler !
Comme si la valeur avait un autre sens pour le capital que celle qui peut se mesurer et
l’agrandir ! Hardt et Negri sont victimes de l’ambivalence du terme « valeur » appartenant au
registre de l’économie – et donc ici du capital – et aussi à celui de la philosophie, de la
politique et de l’éthique quand on parle des « valeurs ». Nous voilà donc au cœur de la théorie
du cognitivisme : le temps de travail ne mesure plus la valeur ; mieux, la loi de la valeur
s’évanouit. Et nous sommes au cœur de la contradiction de cette théorie : parce que les
logiciels ont une valeur qui tend vers zéro, ce qui est l’application stricte de l’esprit et la lettre
de la loi de la valeur, la loi de la valeur ne fonctionnerait plus ! Bien au contraire, la logique
du capitalisme, en poussant le fonctionnement de la loi de la valeur jusqu’à son point ultime,
bute sur une difficulté insurmontable : il n’y a plus de valeur appropriable. A ce point,
répétons-le : la valeur disparaît mais point la loi de la valeur, sauf à l’infini quand, alors, elle
sera devenue totalement sans objet.
Toute apparence de cohérence se dissipe donc quand les théoriciens du cognitivisme
mettent bout à bout la disparition de la loi de la valeur et l’omniprésence du travail.34 La loi de
la valeur disparaîtrait mais tout deviendrait travail et donc création de valeur. Le capitalisme
serait en crise mais il aurait devant lui un potentiel de valorisation infini. La valeur ne serait
plus mais elle serait partout : « toutes les formes de pauvreté sont devenues productives »35,
écrivent Hardt et Negri. Mais de quoi s’agit-il, de quelle valeur parlent-ils ? Veulent-ils
entendre que les chômeurs produisent de la valeur pour le capital ? Ce serait difficile à
expliquer dans une file d’attente de l’ANPE. Suggèrent-ils que tout acte de vie valorise le
capital ? Notre respiration, nos émotions, nos amours, méditations, réflexions, créatrices de
valeur ?36 On est en présence d’une confusion entre création de valeur et conditions de celle-ci
ou bien, dans les termes de Marx, d’une mauvaise appréhension de la relation entre forces
productives et rapports sociaux à l’intérieur desquels elles agissent. Là réside sans doute une
nouvelle forme de fétichisme.
La part grandissante prise par l’accumulation de connaissances dans la constitution et la
mise en œuvre des forces productives et notamment dans la formation et l’emploi de la force
de travail est un fait indéniable. Mais doit-on en tirer la conclusion qu’un détachement se
produit entre l’ensemble des connaissances et l’être humain qui les reçoit, les porte, les
enrichit et, ce faisant, « s’enrichit » lui-même ? De deux choses l’une : ou bien A. Gorz, M.
Hardt et A. Negri élaborent une nouvelle conception du travail social abstrait qui prend en

33
. M. Hardt, A. Negri, Empire, op. cit., p. 83, 315, 483.
34
. A lire attentivement, deux options se dessinent. Pour Gorz, la loi de la valeur disparaît. Pour Hardt et Negri, il
ne s’agit que d’un problème de mesure : la valeur est partout mais n’est plus mesurable. D’où la divergence sur
l’état du capitalisme (crise pour Gorz, dynamique pour Hardt et Negri).
35
. M. Hardt, A. Negri, Empire, op. cit., p. 204.
36
. On peut comprendre alors que beaucoup de théoriciens du capitalisme cognitif soient en même temps des
partisans d’un revenu d’existence (à la place du plein emploi) qu’ils justifient par ces « nouvelles sources de la
valeur ». Si chaque individu a droit de vivre décemment grâce à un revenu garanti, quels que soient les aléas de
son existence, ce n’est pas au nom de cette justification économique peu convaincante mais au nom d’une
exigence de philosophie politique.
9

compte l’importance du savoir dans le processus productif capitaliste, et à ce moment-là il n’y


a aucune objection de principe à leur opposer ; ou bien ils récusent le concept de travail social
abstrait pour le remplacer par le « cognitif », mais il leur faut, pour le récuser, le déformer
complètement en le réduisant à du pur travail manuel, aux antipodes de la conception de
Marx. Il semble bien que la deuxième option soit celle choisie par eux 37. Elle a pour
inconvénient de fétichiser le savoir en le coupant de la force de travail en dehors de laquelle il
ne peut en réalité exister. Qu’est-ce qu’une marchandise qui serait de « la connaissance
cristallisée » sans être du travail de haute qualification cristallisé ? Il y a là un mystère ou une
contradiction que les théoriciens du cognitivisme ne dépassent pas et ce n’est pas un mince
paradoxe de les voir affirmer, et cela à juste titre, que le travailleur « se produit » lui-même.
Les théoriciens du cognitivisme croient peut-être résoudre ce paradoxe en affirmant que
le capital cherche à s’approprier les connaissances portées par les travailleurs pour se
valoriser. Et A. Gorz pointe bien la difficulté inhérente à l’appropriation d’un « capital » de
connaissances. Il a raison de souligner « la difficulté intrinsèque à faire fonctionner le capital
intangible comme un capital, à faire fonctionner le capitalisme dit cognitif comme un
capitalisme » ; et d’ajouter : « le capitalisme dit cognitif est la crise du capitalisme »38. La
socialisation de la production et de la transmission de connaissances entre en contradiction
ouverte avec leur appropriation privée. Hardt et Negri tirent une conclusion différente :
« Pourtant, alors que nous écrivons ce livre et que le XXe siècle touche à sa fin, le capitalisme
est miraculeusement bien portant et son accumulation plus vigoureuse que jamais. »39 Or, rien
n’est moins sûr. Certes, le capital a rétabli les taux de rentabilité devenus défaillants à la fin
des années 1960, mais par le biais d’un renforcement du taux d’exploitation de la force de
travail sans qu’il soit en mesure de relancer une vague d’accumulation importante :
l’évolution du taux de profit et celle du taux d’accumulation divergent nettement dans la
phase du capitalisme financiarisé.40
Yann Moulier Boutang donne un raccourci saisissant des soi-disant « nouvelles sources
de la valeur » : « L’indépendance de la sphère financière a été largement analysée comme un
"régime d’accumulation à dominante financière ou patrimoniale". Ainsi, la valeur émerge de
la sphère de la circulation monétaire tandis que la sphère de la production industrielle et
l’entreprise perdent le monopole de la création de valeur et donc du travail supposé
directement productif. » 41 On est bien en présence d’une nouvelle figure de l’illusion de la
fécondité du capital. Posons la question crûment : si « la valeur émerge de la circulation
monétaire », pourquoi les bulles financières finissent-elles toujours par éclater ?

2. La valeur est un rapport social

La difficulté théorique mise en avant par les théoriciens du capitalisme cognitif tient
moins dans un problème de mesure de la valeur que dans l’imputation de la création de valeur
à tel ou tel secteur, à telle ou telle catégorie de travailleurs. Elle est levée si l’on raisonne à
l’échelle de la société : la valeur est créée collectivement et sa mesure en est donnée par la
somme de travail globale ; ensuite, savoir comment elle se répartit en fonction des rapports de
forces est une autre histoire. Mais la loi de la valeur, telle qu’on peut la formuler à travers un

37
. Voir par exemple A. Gorz, L’immatériel, op. cit., p. 33.
38
. A. Gorz, L’immatériel, op. cit., p. 55 et 47.
39
. M. Hardt, A. Negri, Empire, op. cit., p. 330.
40
. Voir G. Duménil, D. Lévy, Economie marxiste du capitalisme, Paris, La Découverte, 2003.
41
. Y. Moulier Boutang, « Capitalisme cognitif et nouvelles formes de codification du rapport salarial », in C.
Vercellone (dir.), Sommes-nous sortis du capitalisme industriel ?, Paris, La Dispute, 2003, p. 308 ; voir aussi du
même auteur : « L’inconditionnalité du revenu comme mutation décisive du salariat dans le troisième
capitalisme émergent », Ecorev’, Revue critique d’écologie politique, n° 7, décembre 2001, p. 23.
10

modèle correct de prix de production, peut parfaitement rendre compte des contradictions de
la reproduction du capital et des réallocations de l’équivalent monétaire du travail vivant sur
l’équivalent monétaire du travail global. Nous émettons ici la thèse selon laquelle la
contradiction nouvelle du capitalisme est de vouloir transformer l’élément principal
constituant le travail vivant – la connaissance – en capital à valoriser, c’est-à-dire en une
nouvelle forme de travail mort.

2.1. Position du problème : Réallocation de l’équivalent monétaire du travail vivant sur


l’équivalent monétaire du travail global
La thèse du cognitivisme a selon nous le tort de se rapprocher de la thèse néo-classique
du capital humain par la coupure qu’elle effectue au sein de la force de travail entre sa
composante intellectuelle et le reste de la main d’œuvre, et plus précisément en détachant les
connaissances du travailleur qui les porte42. La thèse que nous voulons soutenir ici n’a pas non
plus besoin de la très fragile théorie du travail simple et du travail complexe au sein de la
théorie de la valeur, dès lors qu’on s’en tient au concept de travail abstrait, c’est-à-dire au
travail débarrassé de ses caractéristiques concrètes : le travail complexe crée plus de richesse
(en termes de valeurs d’usage) mais pas plus de valeur que le travail simple, puisque le travail
passé à la moulinette de la loi de la valeur est du travail abstrait43.
Retenons les hypothèses suivantes correspondant à la solution de la transformation des
valeurs en prix de production qui fut proposée la première fois il y a plus de vingt ans par G.
Duménil : le salaire est le prix social de la force de travail qui résulte d’un rapport de forces et
qui est défini comme une fraction de la valeur ajoutée nette ; le salaire est d’abord monétaire
et non réel, ce qui signifie que sa fixation ne dépend pas des prix de production, contrairement
au salaire réel.
Connaissant 1) la matrice A des coefficients techniques comprenant à la fois le travail
mort accumulé dans les moyens matériels de production et la part des connaissances
humaines que le capital a réussi à s’approprier et qui est donc du capital consommé comme tel
pour être valorisé, 2) le salaire monétaire de l’unité de travail w égal à une part de la valeur
ajoutée nette, 3) le vecteur l des fractions de la quantité globale de travail vivant employées à
produire une unité de chaque marchandise, et 4) en posant l’un des prix égal à 1, on obtient
simultanément le taux de profit r et le vecteur p des prix de production :
p = (1 + r) wl[I - (1 + r) A ]-1.
L’équivalent monétaire d’une unité de travail global (EMT), c’est-à-dire mort et vivant,
est le rapport du prix de la production (PP) et de la quantité totale de travail global utilisé (T).
L’équivalent monétaire d’une unité de travail vivant (EMTV) – et non pas le salaire –
est le rapport du prix du produit net (PPN) et de la quantité totale du travail vivant utilisé
(TV).
Il n’y a aucune raison pour que ces deux équivalents coïncident sauf si le rapport du
prix de la production au prix du produit net est égal au rapport de la quantité de travail global
à la quantité de travail vivant ou bien est égal au rapport de la quantité de travail mort à la
quantité de travail vivant. En notant en outre le prix des moyens de production PMP et le
travail mort TM, leur coïncidence signifierait :
PP PPN PMP + PPN PPN PMP + PPN TM + TV
EMT = EMTV ⇔ = ⇔ = ⇔ =
T TV TM + TV TV PPN TV
PMP TM PMP TM PPN PMP
⇔ +1 = +1 ⇔ = ⇔ = = EMTM.
PPN TV PPN TV TV TM
Or ces égalités entre l’équivalent monétaire du travail vivant, celui du travail mort et
celui du travail global correspondraient à une intensité capitalistique (ou une composition

42
. Voir R. Herrera [2003] et J.M. Harribey [2004].
43
. Nous avons développé cette argumentation dans J.M. Harribey [1997-b].
11

organique du capital) égale dans toutes les branches, situation à laquelle Ricardo avait cherché
en vain un substitut qui fut inventé de toutes pièces par Piero Sraffa44 avec la marchandise-
étalon.
Le rapport EMTV/EMT qui est dans la réalité toujours différent de 1 mesure le
coefficient de réallocation de l’équivalent monétaire du travail vivant sur l’équivalent
monétaire du travail global. Lorsque ce coefficient est supérieur à 1, la valeur ajoutée nette
enregistrée ou récupérée (et non pas créée) dans une branche est supérieure à l’équivalent
monétaire du travail global qui lui est incorporé ou, ce qui est identique, l’équivalent-travail
global incorporé dans cette valeur ajoutée nette est inférieur à l’équivalent-travail vivant de la
valeur ajoutée nette. Une fraction de la valeur ajoutée nette semble issue d’autre chose que du
travail vivant : le profit miraculeux ne viendrait pas de l’exploitation et la théorie de Marx
serait donc fausse. Cette illusion est le propre de l’abstraction du travail qui n’est que
l’expression de la loi de la valeur dont Marx eut la remarquable intuition même s’il ne la
formula pas correctement.45 La théorie de la valeur, dite théorie de la valeur-travail, est une
théorie des rapports sociaux. On peut même dire que la valeur est un rapport social.46

2.2. Généralisation : du travail au travail réalloué


L’importance grandissante du savoir humain dans le processus productif peut très bien
s’intégrer dans la théorie marxienne de la valeur, à condition de concevoir celle-ci comme une
théorie macro-sociale. Il suffit pour cela de distinguer le processus social de création de la
valeur et celui d’appropriation ou de captation opéré à l’échelle capitaliste individuelle.
On sait depuis Ricardo et Marx que les prix ne reflètent pas les contenus de travail
concret incorporé. On sait aussi, parce que cela fut ensuite démontré, que Marx avait raison
d’affirmer qu’à l’échelle globale il n’y avait point de valeur qui ne provienne de la force de
travail et de profit qui ne résulte de l’exploitation de cette force. La loi de la valeur est un
processus social de réallocation du travail vivant à travers les prix. Cette réallocation peut être
décrite par le tableau suivant.

44
. P. Sraffa [1970].
45
. Pour un complément voir J.M. Harribey [2001-c].
46
. On trouvera en annexe une application numérique.
12

Réallocation de l’équivalent monétaire du travail vivant


sur l’équivalent monétaire du travail global

Equivalent Equivalent Equivalent Equivalent


monétaire travail monétaire travail
du travail vivant du travail global
vivant global
EMTV ETV EMT ET
(en unités (en unités de (en unités (en unités de travail)
monétaires) travail) monétaires)
11 = 13 12 = 14 13 = 11 14 = 12
Production
Prix du Quantité Prix du Quantité
produit brut globale produit brut globale
de travail de travail

PPB T PPB T
21 22 23 = 11/12 = 13/14 24 = 21/23
Valeur
Prix du Quantité Coefficient de
Ajoutée produit net de travail EM d’1 u. T réallocation
Nette EM d’1 u. TV vivant
(récupérée) EM d' 1 u. TV
PPN 1 PPB EM d' 1 u. T
T PPN . T
=
PPB
31 = 21/1+m 32 = 31/21 33 = 31/24 34 =32.24
Salaires
1 1 1 PPB 1 PPN .T
(m = taux 1+m PPN 1+m 1+m T 1+m PPB
de plus-value)
41 = 21-31 42 = 22-32 43 = 41/24 = 23-33 44 = 42.24
Profits = 42.11/12

m m m PPB m PPN . T
1+m PPN 1+m 1+m T 1+m PPB
51 = 11-21 52 = 12-22 53 = 13-23 54 = 14-24 = 12.51/11
Moyens de
production PPB - PPN T-1 PPB - PPB T (PPB - PPN)
T PPB

Lecture du tableau
1) On fait abstraction pour l’instant des titres des colonnes.
2) On lit la 1ère colonne (cases 11 à 51) comme la décomposition de la production en unités monétaires.
3) La VAN étant créée par le travail vivant, i.e. ici 1 unité de TV, on pose l’ETV de la VAN = 1 (case 22).
4) Salaires et profits sont alors les fractions de cette unité de travail vivant. L’ETV des moyens de production
s’obtient par différence avec la quantité globale de travail qui est connue.
5) On nomme les deux premières colonnes EMTV (de la production, de la VAN, etc.) et ETV (de la production,
de la VAN, etc.). Les deux dernières colonnes sont de la même façon l’EMT et l’ET (de la production, de la
VAN, etc.).
13

6) Une unité de travail vivant équivaut à PPN alors qu’une unité de travail global équivaut à PPB/T. Le
coefficient de réallocation est donc de PPN . T / PPB (case 24).

La réification des rapports sociaux est une pièce essentielle du processus de leur
reproduction permettant l’accumulation capitaliste, et cela particulièrement à l’époque
doublement marquée par l’avènement d’un régime d’accumulation financière et par le
bouleversement des techniques et des connaissances. Le capitalisme appelé cognitif ne
constitue pas de ce point de vue une remise en cause des rapports d’exploitation capitalistes,
au contraire.
14

Annexe : Application numérique


Soient deux branches capitalistes produisant chacune l’un des deux biens :
a : bien matériel
b : connaissance
et se répartissant la quantité totale de travail vivant T.

Le système productif est décrit par le système :


1/4 a + 1/6 b + 3/4 T → 1 a
1/2 a + 1/3 b + 1/4 T → 1 b

 1/2
A = 1/4 l = [ 3/4 1/4]
1/6 1/3
p = (1 + r) wl[I - (1 + r) A ]-1

 3-r − 1+r 
[I−(1+r)A] =  41+r 2−r 2 

− 6 3 
 3-r − 1+r
transposée 
[I−(1+r)A] =  1+r4 6 

− 2 2−r
3 

 2−r 1+r
[I−(1+r)A] = 1+r 2 
adjointe
3
3-r 
 6 4 

dét [I−(1+r)A] = 5-7r


12

 2−r 1+r
[I−(1+r)A] = 5-7r 1+r
12
-1
3 2 
3-r 
 6 4 

Si pa = 1 (c’est-à-dire une unité monétaire),


et si le taux de salaire de l’unité de travail vivant est w = 0,57 (ou 49/86) unité
monétaire, c’est-à-dire qu’il équivaut à 57% de la valeur d’une unité du bien a,
2−r
[
1 = (1+r) 86 4 4 5-7r 1+r
49 3 1 12 ] 3 

 6 
d’où r = 1/7 et pb = 51/43

Ou bien par la résolution du système d’équations linéaires :


(1/4 pa + 1/6 pb + 3/4 w) (1 + r) = pa (1)
(1/2 pa + 1/3 pb + 1/4 w) (1 + r) = pb (2)

(
(1) : pb = 1+r 2 )
6 − 3 pa − 9 w
2
6 − 3 − 9 w = 6 − 699
Si pa = 1 et w = 49/86 = 0,57, pb =1+r 2 2 1+r 172

(2) : r = 1/7 et pb = 51/43


15

Quels sont les contenus en travail de chaque bien ?


v = vA + l = l [I – A] –1
[
I−A = −1/6 3/4 −1/2
2/3 ]
[I−A] transposée
[
3/4 −1/6
= −1/2 2/3 ]
[
[I−A]adjointe = 2/3 1/2
1/6 3/4 ]
dét (I – A) = 5/12
[I−A]−1 = 8/5[2/5 9/5
6/5
]
v = (3/4 1/4) 8/5 [ ]
2/5 9/5 = (26/20 27/20)
6/5

Le bien b incorpore 1/20 (soit 5%) de plus de travail que le bien a. Pourtant la branche b
obtient un prix supérieur de 8/43 (soit 18,6%) à celui obtenu par la branche a.

Décomposition du prix de production

Produits Capital Capital Profits Valeur Production


constant variable ajoutée nette en prix de
production
Bien a 0,448 0,427 0,125 0,552 1
Bien b 0,895 0,143 0,148 0,291 1,186

Total 1,343 0,570 0,273 0,843 2,186

La réallocation du travail vivant sur le travail global

Equivalent Equivalent- Equivalent Equivalent-


Monétaire du Travail Vivant Monétaire du Travail global
Travail Vivant (en unités de Travail global (en unités de
EMTV travail) EMT travail)
(en unités (en unités
monétaires) monétaires)
Production 94/43 = 2,186 53/20 = 2,650 94/43 = 2,186 53/20 = 2,650
VAN récupérée 0,843 1 0,825 1,022
dont Salaires 49/86 = 0,570 0,676 0,558 0,691
Profits 0,273 0,324 0,267 0,331
Moyens de prod. 1,343 33/20 = 1,650 1,361 1,628

Le coefficient de réallocation du travail vivant sur le travail global est de 1,022.

Le taux de plus-value est de 0,479

La composition organique du capital q = somme des compositions par branches


pondérées par la part de la masse salariale dans la VAN de chaque branche :
q = 0,448 0,427 0,895 0,143
0,427 0,570 + 0,143 0,570 = 2,356
16

Et on retrouve bien le taux de profit :


0,479
r= 1m + q = 1 + 2,356 = 0,1427 = 1/7
17

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