Fake News
Fake News
Fake News
tragédie
Jayson Harsin, Traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Richet
Dans Pouvoirs 2018/1 (N° 164), pages 99 à 119
Éditions Le Seuil
ISSN 0152-0768
ISBN 9782021372748
DOI 10.3917/pouv.164.0099
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UN GUIDE CRITIQUE
D E S FA K E N E W S :
DE LA COMÉDIE À LA TRAGÉDIE
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1. Citation « truquée » de Karl Marx, qui écrit en fait : « Tous les grands événements se
répètent pour ainsi dire deux fois […], la première fois comme tragédie, la seconde fois comme
farce » – Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852), Paris, La Table ronde, 2001, p. 172.
(N.d.T.)
P O U V O I R S – 1 6 4 . 2 0 1 8
Fake news :
d’où vient le terme, d’où vient le phénomène ?
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mention spécifiant qu’elles sont truquées. La plupart des dictionnaires
n’ont pas encore d’entrée pour fake news. Ce n’est cependant pas le
100 cas du Cambridge Dictionary, qui donne la définition suivante : « Des
histoires fausses qui ont l’apparence de nouvelles, disséminées sur internet
ou utilisant d’autres médias, et créées soit pour influencer les opinions
politiques, soit en tant que blagues 2. » Partons de cette définition pour
explorer les défis épistémologiques que les chercheurs doivent relever
afin d’éviter de produire un savoir chimérique à propos des fake news.
L a p r e m i è r e f o i s c o m m e fa r c e : l e « Da i ly S h ow »
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réponses qui recoure au terme fake news dans le sens associé au « Daily
Show », avant 1999. Le terme semble avoir été très peu utilisé avant
cette date (un peu plus de cent articles dans les principaux journaux 101
anglophones entre 1990 et 1998, juste avant le lancement des fake news
du « Daily Show ») 4. Ceux qui utilisent le terme font en général référence à
un canular (quelque chose qui ne s’est pas passé mais est présenté comme
un fait réel) qui a trompé la presse traditionnelle et / ou les journaux
télévisés et leurs lecteurs / téléspectateurs ; ou alors à un gag perpétré
par les médias pour berner ou distraire leurs auditeurs (comme la célèbre
émission d’Orson Welles « War of the Worlds », en 1938). Entre 1999
et 2007 (pour s’en tenir à une période de huit ans), le nombre d’articles
concernés passe à plus de mille sept cents, la plupart citant le « Daily
Show ». Entre 2008 et 2012 : mille huit cents articles ; de 2013 à 2015 :
mille six cents ; de 2016 à 2017 : deux mille et plus. À partir de 2016, le
terme semble renvoyer exclusivement à des histoires complètement
inventées, ou très trompeuses, publiées en ligne.
D e l a c o m é d i e à l a t r ag é d i e
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Computational Propaganda définit les fake news comme « des informa-
tions fallacieuses, trompeuses ou incorrectes, prétendant être de réelles
102 informations concernant la politique, l’économie ou la culture 7 ». Edson
Tandoc et ses collègues pensent que la notion de fake news implique
l’intention de tromper ; ils notent la présence résiduelle des fake news
dans la satire et la parodie mais soulignent qu’elles se distinguent alors
d’autres contenus définis comme fake news car elles présentent des
clauses de non-responsabilité (même si c’est simplement dans un titre,
comme on peut le voir en consultant The Onion) 8. Alors que la notion
de fake news renvoie de plus en plus à un contenu complètement faux
ou inventé, il existe encore des fake news parodiques, mais celles-ci
posent désormais un problème : les usagers des réseaux sociaux (et, à
l’occasion, les politiciens) se méprennent en les considérant issues d’un
travail de journaliste professionnel 9.
Cependant, un autre problème dans la définition des fake news vient
du fait qu’on leur attribue l’intention de tromper à des fins politiques.
Il semble que, dans leur modèle commercial, certains producteurs de
fake news ont l’intention de tromper seulement pour gagner de l’argent,
grâce à l’attention que reçoivent les fake news et leur circulation, qui
ont des effets politiques involontaires (provoquant des croyances et
des méprises, qui ont une influence sur l’élaboration des programmes).
Convergence of New and Old Trends in Mediated us Politics », Southern Review : Commu-
nication, Politics and Culture, vol. 39, n° 1, 2006, p. 84-110.
6. « Digital News Report 2017 », DigitalNewsReport.org.
7. Laura Hazard Owen, « Brits and Europeans Seem to Be Better than Americans at Not
Sharing Fake News », NiemanLab.org, 9 juin 2017.
8. Edson C. Tandoc Jr, Zhen Wei Lim et Richard Ling, « Defining “Fake News” », Digital
Journalism, 30 août 2017.
9. Emmett Rensin, « The Great Satirical-News Scam of 2014 », NewRepublic.com, 6 juin
2014.
Les fake news sont ensuite utilisées par des stratèges partisans qui espèrent
voir la désinformation se propager (et qui ne tirent aucun intérêt des
profits pécuniaires réalisés par ceux qui les produisent). Par ailleurs,
il existe des producteurs de fake news qui dès le départ ont l’intention de
tromper à des fins politiques (et non pour gagner de l’argent). Mais il y
aura quand même de l’argent à gagner pour les médias (et pas seulement
pour les adolescents de Macédoine discutés plus loin 10) qui les jugent
dignes d’être publiées, espérant attirer un auditoire fasciné. Ce dernier
point est tout à fait évident quand on songe aux propos du pdg de la
vénérable chaîne d’information américaine cbs News s’agissant de la
popularité de Donald Trump et de sa candidature fondée sur le bombar-
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dement incessant de rumeurs et de fake news : « Ce n’est peut-être pas
bon pour l’Amérique, mais c’est très bon pour cbs 11. » On peut donc
dire que les fake news découlent de deux types d’intérêts différents qui 103
s’entremêlent : fins économiques / effets politiques et fins politiques / effets
économiques.
Si ça ressemble à un canard
et si ça fait « coin coin »…
10. Samanth Subramanian, « Meet Macedonian Teens Who Mastered Fake News and
Corrupted the US Election », Wired.com, 15 février 2017.
11. Cité par Paul Bond, « Leslie Moonves on Donald Trump : “It May Not Be Good for
American, but It’s Damn Good for cbs” », HollywoodReporter.com, 29 février 2016.
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d’insister sur le fait que seule la version plus policée compte. Cependant,
le fait que les fake news imitent parfois le style du journalisme tradi-
104 tionnel est important pour comprendre comment elles établissent leur
crédibilité auprès de certains auditoires, ce qui va parfois jusqu’à la forme
que prend l’adresse internet, qui est souvent choisie afin de ressembler à
celle d’un site d’information : abcNews.com.co, TheNewYorkEvening.
com ou WorldNewsReport.com 12.
Ce ne sont pas seulement les consommateurs d’information malchanceux
qui deviennent la proie des fake news. Parfois, les journalistes tradi-
tionnels ont produit des fake news ayant influencé l’évolution d’évé-
nements « réels ». Le cas le plus célèbre est celui de l’échange entre
le magnat William Randolph Hearst et son correspondant à Cuba à
la veille de la guerre hispano-américaine, en 1898. Au correspondant
qui annonçait : « Tout est tranquille. Il n’y a pas de problème ici. Il n’y
aura pas de guerre », Hearst répondit : « Fournissez-moi les photos, je
vous fournirai la guerre. » Selon une pratique courante à l’époque de la
presse à sensation, Hearst força aussi ses correspondants à « inventer »
des histoires à propos de soldats espagnols commettant des atrocités à
Cuba et du danger qui menaçait les Américains là-bas 13.
Le journalisme professionnel est lui-même à la fois la victime et le
complice de nombreux cas de diffusion stratégique de fake news. Dans
le passé, c’étaient avant tout les autorités qui manipulaient les organes
de presse pour leur faire publier des fake news fabriquées par le gouver-
nement, les cas les plus graves étant ceux qui ont justifié la guerre :
12. Craign R. McClain, « Practices and Promises of Facebook for Science Outreach :
Becoming a “Nerd of Trust” », Journals.plos.org, 27 juin 2017.
13. Judith L. Sylvester et Suzanne Huffman, Reporting from the Front : The Media and the
Military, Lanham (Md.), Rowman & Littlefield, 2005, p. 4.
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une indemnité aux victimes de la catastrophe provoquée à Bhopal par
ce géant américain de l’agrochimie 14. Plus fréquemment, des organes de
presse comme le New York Times sont obligés de publier des démentis 105
et d’apporter des corrections après avoir publié des articles à partir de
canulars sur Twitter, à l’instar de celui-ci : « À cause d’une erreur de la
rédaction, une version antérieure de cet article attribuait de façon incor-
recte une déclaration sur Twitter au gouvernement de Corée du Nord. Le
gouvernement nord-coréen n’a pas dénigré un exercice militaire conjoint
entre les États-Unis et la Corée du Sud parce qu’il démontrerait “une
ignorance totale de la science balistique”. Cette déclaration venait de
dprk News Service, un compte Twitter parodique 15. » Un autre exemple,
qui concerne encore une fois le New York Times, touche le cœur même
du journalisme professionnel. Fin juillet 2012, Nick Benton, journaliste
spécialisé dans les questions de technologie, retweeta un canular publié
dans une rubrique du quotidien américain par son collègue Bill Keeler,
qui défendait WikiLeaks 16. Les sympathisants de WikiLeaks avaient en
fait fabriqué cette rubrique de façon très réaliste, bernant ainsi des millions
de personnes sans doute, y compris d’autres journalistes. De même, en
France, qui peut oublier le canular de l’été 2004, d’après lequel « une
jeune femme de 23 ans avait déclaré s’être fait agresser » dans le rer d ?
Selon l’afp, les assaillants « agressent une femme et lui dessinent des croix
gammées sur le ventre ». Selon des « sources policières », « les six agres-
seurs, d’origine maghrébine et armés de couteaux, ont coupé les cheveux
14. Alan Cowell, « bbc Falls Prey to Hoax on Anniversary of Bhopal Disaster », The New
York Times, 4 décembre 2004.
15. Cité par Matt Novak, « New York Times Falls for that Fake North Korea Twitter
Account », Gizmodo.com, 5 juillet 2017.
16. Craig Silverman, « Fake Bill Keller Column Represents Emerging Form of Social Hoax »,
Poynter.org, 30 juillet 2012.
de la jeune femme, avant de dessiner au feutre noir trois croix gammées sur
son ventre ». Durant les vingt-quatre heures suivantes, la France sembla
scandalisée par cet « événement », qui donna même lieu à une dénonciation
publique du président Chirac 17. Mais un problème vint interrompre ce
tourbillon d’indignations : il s’agissait en fait d’une fake news.
E n t r ac t e : l e c o n s o m m at e u r a to u j o u r s r a i s o n
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réelles et des informations truquées afin de les différencier, il peut être
judicieux d’examiner la manière dont les consommateurs d’informa-
106 tions définissent ces dernières.
On peut raisonnablement penser que, lorsque quelqu’un déclare :
« Cela paraît être une vraie information », il veut dire que le contenu
semble similaire à ce qu’il attend en général de ce qui est produit par le
journalisme professionnel. Cependant, selon les gens, le sens de ce qui
est appelé « information » change. Selon l’étude internationale de l’institut
Reuters sur l’usage des informations numérisées en 2016, environ 70 %
des Américains s’informent (dans quelle proportion ?) en ligne, et près
de la moitié sur les réseaux sociaux, un pourcentage bien plus élevé pour
les enfants du millénaire, d’après le Pew Research Center ; en compa-
raison, environ 40 % des Français ont recours aux réseaux sociaux pour
se tenir informés 18. Et le plus populaire de ces derniers est Facebook.
Mais un aspect intéressant de la méthodologie de certaines de ces
enquêtes sur la consommation d’informations est qu’elles ne définissent
pas le terme « information ». Elles partent du principe qu’il s’agit de
quelque chose d’acquis, que tout le monde se sert de la même acception,
ce qui peut entraîner différentes définitions implicites et des résultats
biaisés. Une des études qui ont le plus tenté de donner une définition est
celle du Pew Research Center basé aux États-Unis, qui, en 2017, demanda
aux personnes interrogées si elles obtenaient des informations « souvent »
ou « parfois » en ligne. Ensuite, et c’est important, cette étude poussa
plus avant pour connaître les sources et réalisa que 75 % des personnes
interrogées obtenaient leurs informations à partir de « nouveaux organes
de presse », alors que les autres les obtenaient auprès d’amis ou de leurs
familles. L’enquête ne définit pas les « nouveaux organes de presse », mais
on peut imaginer que cela recouvre un spectre assez large allant de cnn
à Breitbart.com ou DailyKos.com (dans le cas français, les exemples
pourraient aller de tf1 et du Monde à FdeSouche.com et SalonBeige.fr),
de même que des sites internet souvent considérés comme présentant
des fake news ou fournissant fréquemment des fake news définies de
façon normative, tels que ceux créés durant la campagne présidentielle
américaine (« Trump Force One », « One Nation under God », « Hillary
Clinton Revolution ») 19. Nous avons besoin de données plus spécifiques
pour savoir ce que « les informations » signifient pour les gens, et pas
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seulement pour savoir où ils se les procurent. Ce qui pourra aussi nous
aider à mieux comprendre la dynamique des fake news.
Étant donné tous ces exemples et définitions concurrentes des fake 107
news, il convient peut-être de considérer ces dernières comme relevant
d’un certain type de désinformation, similaire à la propagande tradition-
nellement associée à l’État ou au gouvernement. Les fake news s’ins-
crivent dans un phénomène historique et culturel communément désigné
par le terme de post-vérité et présentant toutes sortes d’options agres-
sives dans leur répertoire (certains préféreront parler de leurs « armes »
dans un « arsenal » constitué en vue de mener une « guerre de l’infor-
mation »), incluant différentes « bombes » communicationnelles (des
bombes à rumeurs, des bombes Google, des bombes Twitter). En dépit
d’une conceptualisation insaisissable, les fake news peuvent être vues
utilement tel un portail donnant accès à d’importants débats concernant
les défis épistémiques et en matière de confiance posés à la vie politique
contemporaine (et à la vie sociale en général).
Pour la présente discussion, je considère les fake news comme des
informations dont on peut démontrer que la ou les principales alléga-
tions sont fausses ou impossibles à prouver. Par exemple, il pourrait
s’agir d’une information sur la malhonnêteté et les inexactitudes
répétées de Donald Trump (ce sont des faits), mais qui insisterait sur une
affirmation qu’il n’a jamais faite (fake news). Ou encore d’articles et
d’émissions de bonne facture, imitant dans leur style et leur présen-
tation les aspects formels du journalisme traditionnel. Mais il pourrait
aussi s’agir d’allégations provenant d’un journalisme citoyen amateur,
19. Lilian Bounegru et al., « A Field Guide to Fake News : A Collection of Recipes for
Those Who Love to Cook with Digital Methods (Chapters 1-3) », Papers.ssrn.com, 24 août
2017.
telles que : des articles sur des chefs d’État présentant des certificats de
naissance truqués grâce à Photoshop (Obama) ou de faux documents
sur leur patrimoine (Macron) ; des cartes « prouvant » que les armes
de destruction massive de Saddam Hussein ont été déplacées en Syrie ; et
de bonnes vieilles rumeurs politiques largement diffusées dans l’intention
évidente de miner la crédibilité d’un adversaire, d’influencer les percep-
tions des citoyens ou d’encombrer le débat public. (Et l’on pense ici
au cas français : le programme « abcd de l’égalité » a-t-il réellement
imposé l’enseignement d’une théorie du genre radicale et de l’éducation
sexuelle – recourant à des cours de masturbation – aux enfants, de la
maternelle au lycée ? Débattons-en 20.)
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D’où viennent les fake news ?
108
Les origines ou causes présumées des fake news, comme celles de la
post-vérité en général, sont fréquemment les organes d’information et
internet. Cependant, depuis la publication de rapports concernant les
publicités russes sur Facebook 21, on commence à prêter plus d’attention
aux algorithmes et aux modèles commerciaux. Très peu de théories, si
ce n’est aucune, s’intéressent aux acteurs ou communicants politiques
eux-mêmes. Très peu aussi osent avancer que la culture plus large de
promotion du capitalisme néolibéral puisse avoir quelque responsabilité
dans l’apparition du phénomène des fake news.
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parler des « fermes de clicks » financées par la Chine et la Russie, et qui
ont été découvertes dans des pays comme la Thaïlande 24.
Un cas sans doute mieux connu est celui des adolescents macédoniens 109
qui travaillaient apparemment pour le gouvernement russe et qui ont
diffusé des fake news sur les candidats à l’élection présidentielle améri-
caine de 2016. Cet exemple démontre comment les stratèges politiques
exploitent les acteurs économiques. Selon la bbc, beaucoup de fake news
pro-Trump / anti-Clinton « provenaient d’une petite ville de Macédoine
où des jeunes gens les utilisaient comme un moyen de devenir riches,
payant Facebook pour promouvoir leurs messages et engrangeant les
bénéfices induits par le nombre très élevé de visites sur leurs sites 25 ».
À propos de ce modèle commercial de fake news exploitable politi-
quement, Craig Silverman dit que les principaux moteurs de recherche,
réseaux de publicité (tels que Google Ads) et plateformes de réseaux
sociaux ont aidé à attirer l’attention sur les fake news et à les disséminer,
en jouant les intermédiaires entre les agences de publicité et les produc-
teurs de reportages basés sur des fake news, et en finançant ces derniers :
« Plus de soixante sites Web qui publient des fake news tirent des revenus
de réseaux de publicité, et la plupart d’entre eux travaillent avec des
réseaux majeurs tels que Revcontent, Google AdSense et Content.ad. »
Une autre étude dit avoir « trouvé plusieurs cas où des sites de fake news
ont été chassés d’une plateforme et sont simplement passés sur une autre
pour continuer à gagner de l’argent », avant de conclure que « l’industrie
23. Madeleine Aggeler, « You Can Buy Instagram Likes from a Vending Machine », Bustle.
com, 8 juin 2017.
24. Nick Bilton, « Friends, and Influence, for Sale Online », Bits.Blogs.nyTimes.com, 20 avril
2014.
25. Richard Gray, « Lies, Propaganda and Fake News : A Challenge for Our Age », bbc.
com, 1er mars 2017.
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Des motivations politiques claires sont à l’origine de la production
et / ou de l’exploitation stratégique des fake news, et des raisons claires
110 expliquent que certaines gens y soient sensibles. L’analyse de ces causes
ne porte pas assez sur les pratiques qui sont celles d’une politique
antidémocratique de plus en plus influencée par la communication – plus
précisément la demokadic, du grec demos (peuple) et kados (haine) 27.
Comme je l’ai noté dans mes recherches depuis 2005, la communi-
cation politique professionnelle tente de plus en plus systématiquement
de manipuler les organes d’information et l’opinion publique grâce
aux fake news. Si, depuis toujours, les journalistes et les gouverne-
ments ont colporté celles-ci de façon stratégique (événements inventés
ou versions extrêmement trompeuses de ceux-ci), et même si l’on en
entend rarement parler dans les débats contemporains autour des fake
news, les conseillers en relations publiques travaillent de plus en plus
avec des acteurs politiques disposant d’importantes ressources (argent,
26. Craig Silverman, Jeremy Singer-Vine et Lam Thuy Vo, « In Spite Of The Crackdown,
Fake News Publishers Are still Earning Money from Major Ad Networks », BuzzFeed.com,
4 avril 2017.
27. Cf. Jacques Rancière, La Haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005. Rancière
écrit : « Le double discours sur la démocratie n’est certes pas neuf. » Cependant, Rancière ne
s’intéresse pas au projet qui s’est développé tout au long du xxe siècle (un projet initialement
américain, semble-t-il) qui réifiait le peuple de la démocratie pour en faire une population
devant être administrée par des élites et leurs alliés technocratiques, en particulier grâce à
des projets de communication s’inspirant du marketing commercial et de la communication
politique (pas seulement la propagande, mais aussi l’organisation et la gestion de réseaux, des
apparences, de la suppression des informations alternatives, etc.). Aujourd’hui, le marketing
politique, la science cognitive et l’analyse du Big Data forment un projet redoutable qui
vise à gérer une démocratie turbulente. Cf. par exemple William A. Gorton, « Manipulating
Citizens : How Political Campaigns’ Use of Behavioral Social Science Harms Democracy »,
New Political Science, vol. 38, n° 1, 2016, p. 61-80 ; Drew Westen, The Political Brain : The
Role of Emotion in Deciding the Fate of the Nation, New York (N. Y.), PublicAffairs, 2007.
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commercial et dans le domaine politique ; il s’est, au sein de ce dernier,
occupé de la réputation de certains présidents américains et a également
apporté son aide à la cia dans l’organisation du coup d’État de 1954 au 111
Guatemala. En politique comme dans le commerce, il s’agissait pour lui
de convaincre les médias que quelque chose de faux se passait vraiment,
qu’ils devaient couvrir l’événement et, ce faisant, le rendre réel aux
yeux des lecteurs / téléspectateurs / citoyens / consommateurs. Environ
quatre-vingts ans après la déclaration de Bernays, Karl Rove, principal
conseiller de George W. Bush et légendaire manipulateur d’images, se
vantait en public du fait que les journalistes appartenaient naïvement
à une « communauté basée sur la réalité » alors que les stratèges comme
lui « créaient leur propre réalité », qu’ils étaient ensuite libres d’« étudier » :
« Les journalistes, expliquait-il, n’auront plus qu’à étudier ce que nous
faisons. » Pour être juste envers ces fiers manipulateurs modernes et
postmodernes de la réalité politique, il nous faut admettre qu’ils font
en fait partie d’une longue tradition de tels manipulateurs et créateurs
de fake news à l’éthique douteuse, allant du Gorgias de Platon à Joseph
Goebbels en passant par Machiavel.
Aujourd’hui, les fake news ou les bombes à rumeurs (toutes deux de
nature stratégique) fonctionnent sournoisement par le biais des réseaux
sociaux ou de substituts, ce qui libère leurs principaux bénéficiaires de
toute responsabilité éthique. Quelques cas vont nous intéresser dans la
masse d’exemples disponibles.
Après l’avalanche d’informations trompeuses diffusées entre les
attentats du 11 septembre 2001 et l’invasion de l’Irak, 2004 fut une année
28. Daniel J. Boorstin, The Image : A Guide to Pseudo-Events in America, New York (N. Y.),
Knopf, 2012.
29. Cité ibid., p. 11.
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effet eu vent de cette rumeur. Beaucoup moins connaissent son origine et
l’histoire de sa circulation, très instructives pour notre objet d’étude. La
112 rumeur se fit d’abord par des voies amateur mais présentait néanmoins
des aspects qui la rapprochaient des reportages professionnels. Martin
publia un « communiqué de presse » (un terme porteur d’« autorité »)
et le fit circuler sur un forum conservateur populaire de débat en ligne,
« Free Republic », où il provoqua rapidement une discussion avant d’être
repris par des agrégateurs d’information de droite. La bombe à rumeurs
bénéficia d’une publicité supplémentaire grâce à un autre théoricien du
complot / leader d’opinion, Jerome Corsi, qui remporta le gros lot avec
son livre à succès The Obama Nation (2008).
Ce n’était là que le début de la trajectoire des fake news déclenchées
par cette bombe à rumeurs. Un nombre croissant d’Américains fut
sondé (croyaient-ils qu’Obama fût musulman ?) durant la campagne
et la présidence d’Obama. Certains observateurs ont trouvé à la fois
intéressant et inquiétant que, bien qu’elle provînt de l’extrême droite,
cette « information » fût exploitée par l’équipe de campagne d’Hillary
Clinton, rivale d’Obama lors des primaires démocrates de 2008, en la
faisant circuler par messages électroniques. La réponse de Donald Trump
à Hillary Clinton, lorsqu’elle l’accusa d’avoir colporté de façon éhontée
le mensonge raciste sur la naissance d’Obama (selon lequel son certi-
ficat de naissance était un faux), fut que la campagne démocrate (dont
elle avait la responsabilité, selon lui) avait elle-même relayé la bombe
à rumeurs selon laquelle il était musulman (si ce n’est le détenteur d’un
faux certificat de naissance) 31. Cette bombe à rumeurs zombie réapparut
30. Matthew Mosk, « An Attack that Came Out of the Ether », The Washington Post, 28 juin
2008.
31. Ben Smith et Byron Tau, « Birtherism : Where It all Began », Politico.com, 22 avril 2011.
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des élites politiques, on pense en effet à Nicolas Sarkozy, qui en a fourni
plusieurs, notamment l’allégation selon laquelle François Hollande
était soutenu par sept cents mosquées pour l’élection présidentielle 113
de 2012 ou, lors de sa tentative de retour illusoire en 2017, celle, répétée
à plusieurs reprises, qui prétendait que les enseignants ne travaillaient
que six mois par an 33.
Pour un exemple de fake news provenant de bombes à rumeurs lancées
sur internet de manière plus amateur, marginale ou anonyme, on peut
prendre celui d’une rumeur populaire sur les réseaux de droite (rappelant
celle outre-Atlantique faisant d’Obama un musulman) selon laquelle
Alain Juppé était favorable au communautarisme musulman (expression
potentiellement codée en vue de signifier « faible face au terrorisme »,
dans un contexte politique délicat, à la suite des attaques terroristes
au Bataclan et dans les locaux de Charlie Hebdo). Apparemment, cette
rumeur prit sa source en 2006 quand, en tant que maire de Bordeaux,
ledit Alain « Ali » Juppé a soutenu le projet de construction d’un « centre
culturel et cultuel musulman ». L’« information » fit le tour de réseaux
très étendus et fermés (opposés aux médias traditionnels), appelés par
Dominique Albertini et David Doucet la « fachosphère », et favorables au
Front national : « Les intox sont principalement relayées sur des nouveaux
médias hyper-militants, consommateurs de sujets que les théoriciens
de l’extrême droite nomment la “ré-information” 34. » Il est impossible
32. Associated Press, « ap fact check : Ex-Agent Didn’t Write Book Outing Obama »,
usNews & World Report, 27 décembre 2016.
33. Laure Equy, « Appels de Ramadan et des 700 mosquées à voter Hollande, l’intox »,
Liberation.fr, 26 avril 2012 ; Agathe Ranc, « Non, M. Sarkozy, les profs ne travaillent pas “six
mois dans l’année” », TempsReel.NouvelObs.com, 18 octobre 2016.
34. Dominique Albertini et David Doucet, La Fachosphère. Comment l’extrême droite
remporte la bataille du Net, Paris, Flammarion, 2016.
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publient un bail commercial sur lequel apparaît le nom du président
de la République » et qui mentionne « une villa à Marrakech » et « une
114 société à Panama » 37. Notons que Marine Le Pen, qualifiée pour le second
tour, a attisé le feu de cette bombe à rumeurs lors de son débat avec
Macron le 3 mai, lorsqu’elle affirma : « J’espère que l’on n’apprendra pas
que vous avez un compte offshore aux Bahamas. » On voit là la circu-
lation synergique entre la fake news passant par une bulle de filtrage
(sur les réseaux d’extrême droite) et ses légitimation et exploitation par
des politiciens plus visibles. Ce que je nomme « bombes à rumeurs »
constitue en fait une version particulière de fake news, car elles sont
publiées sur les réseaux sociaux comme si elles provenaient d’une sorte
de « journalisme citoyen » 38.
Bien qu’on puisse prouver que des citoyens indépendants / non partisans
et de gauche sont victimes de fake news, plusieurs études démontrent
35. Axel Roux, « “Ali Juppé” : comment la fachosphère s’est infiltrée dans la primaire de
la droite », FrancetvInfo.fr, 23 novembre 2016 ; Pierre Leppelletier, « Après “Ali Juppé”, la
“fachosphère” s’en prend à “Farid Fillon” », Le Figaro, 19 décembre 2016.
36. Licia Meysenq, « Présidentielle : les rumeurs sur Emmanuel Macron inondent la cam-
pagne », FrancetvInfo.fr, 27 avril 2017.
37. afp, « Compte offshore : Macron accuse Marine Le Pen de propager des “fake news” »,
LeParisien.fr, 4 mai 2017.
38. Nicolas Pélissier et Serge Chaudy, « Le journalisme participatif et citoyen sur internet :
un populisme dans l’air du temps ? », Quaderni. Communication, technologies, pouvoirs, n° 70,
2009, p. 89-102.
39. Le terme a été utilisé en anglais par Pierre Bourdieu dans ses analyses de la télévision ; il
renvoie aux éditorialistes et « experts » qui doivent réagir en temps réel à toute nouvelle infor-
mation (Sur la télévision, Paris, Liber-Raisons d’agir, 1996, p. 29-32). (N. d. T.)
qu’il s’agit d’un phénomène frappant plutôt la droite. Cela n’est pas dû
au fait que la droite serait plus encline sur le plan cognitif que la gauche
à devenir victime de ces phénomènes (au contraire, la recherche expéri-
mentale constate qu’il y a peu de différence à cet égard), mais plutôt
au fait que la droite semble le plus souvent, mais pas exclusivement, se
trouver à l’origine des fake news. Plusieurs études menées aux États-Unis
montrent que, s’il existe tout de même des sites « bulles de filtrage »
qui contiennent des champs de mines de fake news pour la gauche,
le phénomène concerne davantage la droite. Deux raisons pourraient
expliquer cela, qui n’ont rien à voir directement avec le niveau d’édu-
cation des victimes des fake news.
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Tout d’abord, dans le cas des États-Unis, certaines analyses révèlent
que les citoyens qui se disent progressistes, démocrates ou indépendants
consultent une grande variété de sources d’information dans l’envi- 115
ronnement médiatique. Ils font plus confiance au journalisme établi
que leurs opposants politiques. Les conservateurs et les républicains se
réfèrent de façon massive à un petit nombre de sources d’information
penchant à droite et ne s’aventurent pas au-delà. Ils sont très méfiants
vis-à-vis du journalisme traditionnel. En outre, ils interagissent dans
la vie quotidienne et en ligne en majeure partie avec des personnes qui
partagent leurs opinions politiques (ce qui n’est pas autant le cas chez
leurs opposants) 40. Ou, comme l’explique une autre étude, les messages
postés par les personnes de droite ne renvoient souvent qu’à des « sources
partisanes qui, à leur tour, font souvent la même chose 41 ».
La droite transnationale n’est pas seulement méfiante envers le journa-
lisme professionnel ; elle le rejette et l’attaque de façon agressive, le
rendant plus vulnérable face à ceux qui exploitent les réseaux fermés
d’information et d’influence. De la Hongrie et la Pologne à la France et
au Royaume-Uni, le populisme de droite est manifestement anti-média
mais aussi anti- « experts », anti-sciences, anti-intellectuels. Donald
40. Cf. Amy Mitchell et al., « Political Polarization & Media Habits », Journalism.org,
21 octobre 2014. Environ la moitié des conservateurs ou des républicains obtiennent leurs
informations exclusivement sur Fox News. Un certain nombre s’aventurent sur des réseaux
proches, tels que ceux constitués autour de l’émission radio de Rush Limbaugh et de celle de
Sean Hannity. Les conservateurs « expriment plus de méfiance que de confiance à l’égard de
vingt-quatre des trente-six sources d’information étudiées dans l’enquête. En même temps,
88 % des conservateurs convaincus font confiance à Fox News ». En outre, sur Facebook, plus
que d’autres groupes, ils trouvent l’écho de leurs propres opinions, tout comme dans la vie
quotidienne, où ils sont 66 % à déclarer que leurs amis partagent leurs opinions politiques.
41. Craig Silverman et al., « Hyperpartisan Facebook Pages Are Publishing False And
Misleading Information at an Alarming Rate », Buzzfeed.com, 20 octobre 2016.
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des réseaux sociaux, rapporte qu’un quart des liens sur ces réseaux
concernant l’élection présidentielle renvoyaient à des sites qui diffusent
116 des fake news. Sur huit millions de liens analysés, Bakamo conclut :
« Une exposition accrue aux sites qui répandent des mensonges, des
théories conspirationnistes, de la propagande pro-russe et des opinions
racistes pourrait jouer un rôle crucial et finalement décisif 43. » La droite
n’est pas intrinsèquement plus susceptible d’être victime des fake news ;
mais, pour le moment, elle l’est parce qu’elle semble être plus systé-
matiquement la cible de ceux qui cherchent à les exploiter de façon
stratégique.
42. Sebastian Stier et al., « When Populists Become Popular : Comparing Facebook Use by
the Right-Wing Movement Pegida and German Political Parties », Information, Communi-
cation & Society, vol. 20, n° 9, 2017, p. 1365-1388 ; Vincent Coquaz, « “Fake News” : la nou-
velle “arme” anti-média du fn », Libération, 20 février 2017 ; Paul Laubacher, « Quand Front
national et fachosphère s’essaient au “fake news” », TempsReel.NouvelObs.com, 21 février
2017.
43. « Cinq “fake news” qui ont marqué la campagne présidentielle », Europe1.fr, 21 avril
2017.
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mais de savoir quel est exactement le problème avec internet). Alors qu’il
est à la mode d’expliquer les fake news par le « biais cognitif » de l’audi-
toire, ce qui est peu analysé dans les recherches en science cognitive est 117
le traitement de l’information dans le flux habituel ou la temporalité des
nouveaux médias – la relation entre l’infrastructure de la communication
et les habitudes, l’attention et l’épistémologie 45. Comme je l’ai expliqué
ailleurs, les cybercitoyens (la plupart d’entre nous) sont constamment
sollicités par des fournisseurs d’information ou des individus recher-
chant à exercer une certaine influence et qui tentent de nous transformer
en produits ou à nous exploiter politiquement (ou les deux à la fois,
et ce sont parfois nos amis). Lorsqu’il s’agit de fake news, la tempo-
ralité de la cognition s’accélère, ce qui, selon les spécialistes en science
cognitive, ne permet pas de mettre en place des processus délibératifs
d’évaluation des informations et des débats 46. Cet état d’anti-réflexivité
se caractérise en effet par un flux temporel d’information (y compris de
fake news) très rapide dont les sujets changent constamment, passant
généralement des tâches aux contenus (ce que les spécialistes des médias
appellent « l’usage simultané des médias », « trois écrans », « toujours
connecté ») 47. La recherche expérimentale en science cognitive sur les
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certains théoriciens l’ont déjà noté 49.
La seconde catégorie d’effets importants est épistémique et
118 affective / émotionnelle. Les fake news produisent des croyances fausses
ainsi que de la confusion, et, comme souligné plus haut, elles requièrent
une vérification laborieuse, ce qui peut produire encore plus de cynisme
ou de frustration sur le plan politique – un sentiment de vertige politique.
Face à des niveaux épiques de méfiance sociale et institutionnelle 50, de
nombreuses solutions (notamment la vérification des faits) permettant
aux autorités de signaler les fake news ont peu de chance de réussir,
même si elles peuvent obtenir quelques résultats. Les gens ne font pas
confiance aux vérificateurs de faits. Pour être efficace, le travail de ces
derniers doit être vu, de façon répétée. Or, s’ils ne font pas confiance
aux vérificateurs, les gens ne seront guère enclins à consulter leur travail.
Une solution recourant à l’intelligence artificielle pourrait être très utile
si le logiciel ainsi développé était en mesure d’éliminer les fake news
dès qu’elles sont publiées (ou même au cours du processus de publi-
cation). Cependant s’ensuivrait probablement une réaction hostile vis-à-vis
des programmeurs « tendancieux » – ce qui déplacerait le problème au
niveau de la liberté d’expression. Pendant ce temps, en se concentrant
uniquement sur les fake news, nous négligeons la question des acteurs
politiques qui ont camouflé de manière croissante les tentatives de
propagande militaire afin de créer ou de supprimer la réalité de façon
demokadic. Dans un monde moins demokadic, n’aimerions-nous pas
tous contribuer à créer la réalité ?
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119
r é s u m é
Cet article est un guide critique (et non seulement descriptif) des fake news.
Il retrace l’historique du terme, tout d’abord dans les émissions satiriques
américaines, puis sa transformation en un des éléments de la « post-vérité ».
Les fakes news sont fabriquées (sans le moindre humour) comme des armes
stratégiques de tromperie (y compris dans le domaine géopolitique). Le
phénomène des fake news a des implications extrêmement dangereuses pour
la démocratie contemporaine.