Vol5 6 Houot Copie
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Résumé
Les composts d’origine urbaine représentent une source de matière organique valorisable en
agriculture, d’autant plus dans les zones où l’élevage a disparu. Leur utilisation en agriculture est
réglementée par des normes rendues d’application obligatoire : norme NFU 44 095 pour les composts
de boue, norme NFU 44051 pour les autres amendements organiques. Ces normes garantissent
l’innocuité à court et moyen terme en limitant les concentrations en éléments traces, composés traces
organiques, inertes et pathogènes. Des méthodes de caractérisation au laboratoire permettent
d’évaluer leur valeur agronomique. Des essais au champ de longue durée permettent de mesurer les
effets de leurs apports répétés. Au vu des résultats de l’essai Qualiagro en Ile de France, l’indicateur
ISMO semble prometteur pour prédire leur capacité à entretenir la matière organique des sols. Les
apports répétés de composts améliorent la stabilité de la structure du sol. Ils stimulent l’activité
biologique, permettent d’obtenir des rendements équivalents à ceux obtenus avec une fertilisation
minérale classique. Les flux d’éléments traces représentent quelques pourcents des stocks présents
dans le sol avant épandage. Après 10 ans d’essai, aucune dégradation de la qualité des grains n’est
mesurée. De même aucune accumulation de composés traces organiques n’est observée, ni de
dégradation sanitaire des sols.
Introduction
Nous produisons annuellement 22 millions de tonnes d’ordures ménagères, 6,5 millions de tonnes de
déchets verts et 900 000 tonnes (en matière sèche) de boue de station d’épuration urbaine (ADEME,
2007). Actuellement, environ 60 % des boues sont recyclées en agriculture et le compostage des
déchets verts est maintenant largement développé. En revanche, seulement 6 % des ordures
ménagères sont traitées par voie biologique incluant compostage et méthanisation alors que ces modes
de traitement pourraient concerner les 30 % des déchets organiques fermentescibles présents dans
nos ordures ménagères. Le traitement biologique par méthanisation vise à produire de l’énergie. Le
compostage vise à stabiliser et hygiéniser les fractions fermentescibles de nos déchets, en vue
généralement de la production d’amendements organiques valorisables en agriculture, les composts.
Les travaux du Grenelle de l’Environnement ont abouti à la nécessité d’augmenter le recyclage de nos
déchets, ceci incluant le traitement biologique et le retour au sol de la fraction organique de nos
déchets. Le compostage des déchets organiques permet de fournir des amendements organiques qui
peuvent constituer une des seules sources de matières organiques (MO) disponibles dans les zones où
l’élevage a disparu, alors nécessaire pour compenser les déficits en MO pouvant exister dans les zones
d’agriculture intensive. Si la qualité des composts repose sur des critères relatifs à leur innocuité
(sanitaire et environnementale) et à leur efficacité agronomique (qualité de la MO, valeur fertilisante
azotée, …), les agriculteurs, les collecteurs de produits agricoles, les industriels de l’agroalimentaire et
plus généralement les consommateurs s’interrogent sur les conséquences de l’épandage en agriculture
de ces amendements issus du traitement de déchets. Quels sont les effets sur la fertilité des sols, sur
leur qualité ? Quel est le devenir des éléments traces, des composés traces organiques, des
pathogènes éventuellement présents dans les composts épandus ? Si la réglementation actuelle
garantit l’absence de risques à court terme, la question demeure sur les effets à plus long terme. Des
questions se posent également sur l’efficacité agronomique de ces Produits Résiduaires Organiques
(PRO) qu’il est nécessaire de maîtriser pour pouvoir les intégrer dans les itinéraires techniques des
agriculteurs. En particulier, leur valeur fertilisante doit être connue pour ajuster les fertilisations
minérales complémentaires aux besoins des cultures. Pour répondre à ces questions, les essais au
champ sont des outils permettant d’étudier les effets des épandages sur la qualité des récoltes, des
sols, des eaux circulant dans les sols.
ceux issus d’effluents d’élevage. Des critères d’innocuité sont également définis pour les matières
organiques valorisées en agriculture qui ne sont pas des amendements organiques mais des déchets
comme les boues d’épuration ou industrielles. L’obtention d’un compost conforme aux normes de
qualité requiert la maîtrise du procédé de compostage. Le compostage doit maîtriser les dimensions
sanitaires et environnementales de son procédé. Des recherches à l’aide de pilotes de compostage et
leur validation sur sites de compostage industriels permettent de mieux comprendre les déterminants de
la qualité des composts produits et de mieux maîtriser l’impact des procédés utilisés.
Tableau 1: Concentrations maximales en ETM et CTO définies dans les normes NFU 44-051 et NFU 44-095,
qualifiant respectivement les amendements organiques et les composts de boues d’épuration; flux maximum de
polluants définis dans ces 2 normes pendant 10 ans et pour chaque épandage.
NFU44-095 NFU44-051 2 normes
mg/kg MS* mg/kg MS g/ha/10 ans g/ha/épandage
As 18 18 900 270
Cd 3 3 150 45
Cr 120 120 6000 1800
Cu 300 300 ou 600 mg/kg MO 10000 3000
Hg 2 2 100 30
Ni 60 60 3000 900
Pb 180 180 9000 2700
Se 12 12 600 180
Zn 600 600 ou 1200 mg/kg MO 30000 9000
7 PCB** 0,8 - 1,2
Fluoranthène 4 4 60 6
Benzo(b)fluoranthène 2,5 2,5 40 4
Benzo(a)pyrène 1,5 1,5 20 2
* les résultats sont donnés par rapport à la matière sèche
** 7PCB: 28+52+101+118+138+153+180
Toutes les étapes du compostage permettent d’agir sur ce niveau de stabilité, de la constitution du
mélange à la conduite de la maturation. La vitesse de stabilisation de la MO des composts au cours du
compostage est dépendante du type de déchets compostés et du procédé de compostage (Figure 2)
BIO OMR
DV
c
b
La baisse des teneurs en MO est une des menaces affectant la qualité des sols (voir projet de directive
européenne). Les apports de composts contribuent à l’entretien des stocks de MO dans les sols et
pourraient même favoriser leur augmentation, donc la séquestration de C permettant ainsi de
compenser l’augmentation des émissions de CO2, un des principaux gaz à effet de serre. En outre, ces
apports améliorent la fertilité des sols en lien avec l’augmentation des teneurs en MO dans les sols:
stabilisation de la structure, libération d’éléments fertilisants pour les végétaux, stimulation de l’activité
biologique du sol…
Dans l’essai QualiAgro, les apports de composts et fumier permettent l’augmentation des teneurs en C
organique dans le sol, différemment selon le type d’amendement organique apporté (Figure 4a). Les
composts les plus stabilisés (compost de Biodéchets, BIO, ou compost de déchets verts et boues, DVB)
permettent des augmentations similaires au fumier alors que le compost OMR, encore très
biodégradable (Figure 4b) génère les augmentations les plus faibles.
14
45
12
40
10 35
g C / kg
8 30 OMR
6 %Corg 25 DVB
4 20 BIO
2 15 FUM
10
0
FUM+N OMR+N DVB+N BIO+N T+N 5
0
1998 2000 2002 2004 2006 0 20 40 60 80 100
Temps(jours)
a b
Figure 4 : a) Augmentation des teneurs en C organique du sol dans l’horizon de labour des différents traitements
(FUM, fumier ; OMR, compost d’ordures ménagères résiduelles ; DVB, compost de déchets verts et boue ; BIO,
compost de biodéchets ; T, témoin) ; b) biodégradabilité du C des composts et fumier mesurée en incubation.
L’indicateur ISMO semble prometteur pour simuler les augmentations des teneurs en matière organique
dans les sols (Houot et al., 2009). Le modèle AMG (Andriulo et al., 1999 ; Saffih et Mary, 2008) est
utilisé pour simuler l’évolution des teneurs en C organique dans le sol (Figure 5). Dans ce modèle, le
carbone organique du sol est divisé en deux compartiments : un compartiment de C actif (Ca) et un
compartiment de C organique stable qui n’intervient pas dans la dynamique du C organique au pas de
temps considéré. Le C du compartiment actif se dégrade à une vitesse annuelle k. Une proportion h du
C des PRO est incorporée au C organique actif.
Sur la base des cinétiques de minéralisation du C collectées dans la base de données ayant servi à
calibrer l’indicateur ISMO (Lashermes et al., 2009), le coefficient h a été ajusté à l’aide du module
STICS résidus (Nicolardot et al., 2001) modifié pour considérer deux compartiments de C dans les
matières organiques apportées : un compartiment biodégradable et un compartiment plus récalcitrant.
Les valeurs de coefficients h ajustées à l’aide de STICS sont bien corrélées avec les valeurs d’ISMO
(R2=0,73) qui peut donc être considéré comme un estimateur du coefficient h et utilisé pour simuler les
effets d’apports de PRO sur les teneurs en C organique des sols.
La fourniture en azote des PRO a été mesurée en absence de fertilisation minérale azotée ;
globalement, les coefficients apparents d’utilisation (CAU) diminuent dans l’ordre Boue > OMR > DVB >
Fumier composté - Fumier > BIO. La disponibilité de l’azote des boues (environ 30% du N apporté
l’année de l’apport) est supérieure à celle des composts (environ 8 à 12 % du N apporté l’année de
l’apport). Cependant, on observe une minéralisation progressive du N apporté par les composts
pendant les années qui suivent l’année de l’apport.
La mesure des stocks d’azote minéral dans le profil de sol au cours de l’année montre que si la
fertilisation minérale est conduite de façon raisonnée et prend bien en compte la disponibilité de l’azote
des produits organiques, l’évolution des stocks d’azote minéral dans le profil de sol sont relativement
comparables à ceux de modalités n’ayant reçu seulement que la fertilisation azotée minérale.
Cependant, dans le cas des composts de boue, la disponibilité variable de l’azote des composts peut
entraîner des risques de lixiviation des nitrates si les composts sont apportés en fin d’été et en absence
d’implantation d’une culture piége à nitrates.
Figure 7 : Rendements relatifs par rapport au traitement témoin fertilisé (recevant une fertilisation azotée
minérale classique) dans les traitements organiques du sous-essai recevant peu ou pas de fertilisation minérale
azotée complémentaire. Les maïs 1999, 2001, 2003, 2005 et l’orge 2007 sont les cultures semées dans l’année
après un apport.
Les composts sont apportés en tant qu’amendement organique, donc sur la base de leur teneur en
carbone organique, pouvant conduire à des doses d’azote total apportées supérieures aux doses
limites de la Directive Nitrates. Pour les composts dont la disponibilité en azote est importante (par
exemple DVB), cela peut induire des reliquats azotés importants, notamment à l’entrée de l’hiver,
pouvant ainsi contribuer à la dégradation de la qualité des eaux de drainage. Ces résultats permettront
de mieux prendre en compte la dynamique de minéralisation et la disponibilité de l’azote des composts
dans le calcul de la fertilisation azotée. Par ailleurs, ils pourraient conduire également à préconiser des
apports en sortie d’hiver pour éviter les pertes d’azote minéral ou l’implantation de cultures pièges à
nitrates pour éviter la lixiviation des nitrates après l’épandage. Enfin, une partie de l’azote peut être
perdue par voie gazeuse soit par volatilisation de NH3 soit par émission de N2O, respectivement au
cours des premiers jours ou semaines après apport. Un enfouissement rapide après épandage permet
de limiter ces pertes.
La valeur fertilisante phosphatée des composts est équivalente à 70 à 90% de celle d’un engrais
phosphaté minéral. En particulier, les composts de boue apportent des quantités importantes de
phosphore.
mesurées dans les traitements témoin ne recevant pas de compost comme le montre la Figure 8
(exemples du Cu et du Zn)
Figure 8 : Evolution des concentrations relatives par rapport au traitement témoin en Cuivre et Zinc dans les
grains récoltés entre 1999 et 2007.
site QualiAgro à Feucherolles qui permet en outre de comparer les apports de composts à un fumier de
bovins, amendement classiquement utilisé en agriculture.
Les composts utilisés dans cette étude sont conformes à la réglementation au plan sanitaire. Aucune
différence entre traitements organiques ni entre traitements organiques et traitement témoin n’est
observée pour ce qui concerne la persistance des germes dans les sols ou leur détection dans les
parties récoltées des plantes (Francou et al., 2006). Cependant des interrogations se posent sur la
validité des méthodes d’analyse requise dans les normes réglementaires. Des travaux sont en cours au
niveau analytique avec l’AFNOR au niveau européen (programme HORIZONTAL ayant pour objectif de
développer des « Normes Horizontales » européennes fiables et harmonisées d’analyse dans les
boues, sols et biodéchets traités), afin de garantir la justesse des résultats. Sur la base de la
réglementation actuelle, l’utilisation de composts qui présentent une qualité microbienne conforme aux
critères réglementaires ne semble pas présenter de risques de contamination du milieu.
Conclusion
Les épandages de PRO s’ils sont effectués dans les conditions réglementaires ne présentent pas de
risques à court/moyen terme pour la qualité des sols et des récoltes. En revanche, les effets positifs sur
la fertilité du sol sont avérés dès les premiers épandages. Les valeurs fertilisantes azotées et
phosphatées des PRO sont à prendre en compte dans le raisonnement de la fertilisation minérale des
cultures. Les effets à long terme restent à évaluer ainsi que les risques d’entraînement d’éléments dans
la solution du sol vers les horizons profonds et les eaux profondes. Enfin, il semble qu’il soit nécessaire
de faire un bilan complet des sources de CTO entrant potentiellement dans les parcelles cultivées.
Cette évaluation à plus long terme nécessite sans doute le recours à des modèles prenant en compte
l’ensemble des effets observés calés sur les premières années d’observations dans les essais au
champ qui sont à l’origine des résultats présentés ici.
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