J.-Sternberg - Attenion Planete Habitée

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ATTENTION
PLANÈTE HABITÉE
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JACQUES STERNBERG

DU MEME AUTEUR

Le Délit (Plon)
La Géométrie dans l'impossible
(Eric Losfeld, éditeur)
Entre deux mondes incertains (Denoël)
La Sortie est au fond de l'espace (Denoël)
L'Employé (Editions de Minuit)
La Banlieue (Julliard)
Manuel du parfait secrétaire commercial
(Eric Losfeld, éditeur)
Un Jour ouvrable (Eric Losfeld, éditeur)
La Géométrie dans la terreur (Eric Losfeld, éditeur)
Toi, ma nuit (Eric Losfeld, éditeur)
C'est la guerre, monsieur Gruber
(Eric Losfeld, éditeur)
Je t'aime, je t'aime (scénario du film d'Alain
Resnais, Eric Losteld, éditeur)
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JACQUES STERNBERG

ATTENTION
PLANÈTE HABITÉE

ERIC LOSFELD
14 et 16, rue de Verneuil
PARIS 6e
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© LE TERRAIN VAGUE 1969


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A toute fin, il faut, paraît-il, un commen-


cement.
Etrange de penser que je puisse déjà dire
comment cela se terminera: « Je mourus. »
Personne, nulle part, jamais, ne risque de se
tromper en annonçant cette fin. On peut la
conjuguer dans tous les sens, elle garde inva-
riablement sa vérité. Je mourus, je mourrai,
je suis déjà mort, je meurs, je meursirai... Le
reste a-t-il vraiment une importance ? Mourir,
voilà bien une fin d'une exemplaire banalité.
Mais, ceci pour compenser cela, tout avait
commencé de façon aussi banale : par ma
naissance, très exactement.
Je suis né, en effet, de deux mères, un peu
avant la naissance de mon père, par 32 degrés
de latitude N.-O. et un vent de force 6.
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Laquelle de mes deux mères m'accoucha la


première ? Personne n'a jamais éclairci ce
mystère. Un fait demeure flagrant : toutes
deux moururent en même temps dans des
circonstances à peu près inexplicables et
d'inextricables souffrances. Mon père accepta
ce coup du sort avec le plus grand calme. La
malchance lui était familière, à tel point qu'il
l'avait apprivoisée et qu'elle venait parfois
lui manger dans la main. Né plutôt jeune, il
avait perdu une tache d'encre avant son
mariage et ne s'était jamais consolé de cette
perte. Il faut dire que mon père, quoique
assez âgé, n'avait jamais vu le jour. Employé
au métro, il n'avait jamais quitté le monde
souterrain des ténèbres et du trafic. D'une
part, il manquait d'imagination et rien n'avait
jamais pu le convaincre de l'existence d'un
monde bâti à la surface du sol ; d'autre part,
la seule pensée de la lumière naturelle le fai-
sait pâlir de terreur. Entré à la compagnie
comme poinçonneur de la station Enfer-
Mochereau, il s'était retrouvé vingt ans plus
tard sur le même quai, mais poinçonné. En
outre, il avait perdu l'usage de la parole,
gagné l'estime de ses supérieurs et retrouvé la
foi. Et je retiens de lui, non seulement cet
exemple, mais aussi cette phrase qu'il avait
coutume de citer : « L'honnêteté est la mère
de tous les vices. » Ce fut la mienne égale-
ment.
A l'époque de ma naissance, nous habitions
un petit meublé modeste, mais propre, qui
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donnait sous la mer. C'était un endroit plutôt


humide, mais de bonne heure on m'avait
appris qu'avec de l'habitude on pouvait habi-
ter n'importe quelle habitation. Et puis mon
père n'aurait jamais pu se résigner à vivre,
comme tant d'autres, au-dessus du niveau de
ses ambitions. Son unique passion était sa
collection de timbres-poste ; il l'avait com-
mencée bien avant d'être né, et il était assez
difficile de ne pas avaler en parlant quelques
débris des millions de timbres qui se décom-
posaient en permanence dans l'eau que nous
respirions à la maison. Mais, à cela aussi, on
s'habituait et nous avions la consolation de
penser que nous avalions, non pas d'inutiles
bacilles, mais les morceaux d'un excellent
placement. En définitive, nous vivions pau-
vres, mais heureux. Jusqu'au jour où mon
père, ayant ouvert une fenêtre pour laisser
entrer un peu d'eau fraîche, se fit enlever
par un poisson de banlieue d'une espèce
inconnue que l'on disait redoutable. Ma
deuxième mère poursuivit le poisson et se
noya. Ce qui n'avait pas grande importance
puisqu'elle était déjà morte le jour de ma
naissance. Mais elle avait toujours eu à cœur
de faire les choses en deux temps.
De toute façon, il me restait une autre
mère. Ayant perdu son ménage, elle en fut
quitte pour faire celui des autres. Elle avait
d'ailleurs une grande habileté à faire des
ménages qu'elle tricotait ou crochetait avec
une stupéfiante dextérité ; au point à l'endroit
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quand elle n'avait pas la tête à l'envers, au


point à l'envers quand l'endroit était propice.
Elle était tellement adroite que, bien souvent,
il lui arrivait de terminer un tricot avant de
l'avoir commencé. Elle vivait ainsi, active et
véloce, entre l'aiguille et le chiffon, car le
moindre grain de poussière lui inspirait une
phobie panique. Elle veillait d'ailleurs au
grain nuit et jour, ne dormant jamais, tou-
jours à l'affût, la peau de chamois dans une
main, le balai dans l'autre, le plumeau dans la
troisième, des patins désinfecteurs aux pieds,
le vaporisateur dans la bouche, la longue-vue
vissée dans l'œil, ce qui lui permettait de voir
venir de loin les pellicules et les microbes
qu'elle anéantissait dès qu'ils franchissaient
le seuil de notre appartement. Remariée à un
représentant en détergent, ma mère ne vécut
même pas sa nuit de noces. A peine son repas.
Elle abattit sans sommation son mari parce
qu'il avait déposé une fourchette souillée dans
une assiette propre. Demeurée veuve pour la
deuxième fois, ma mère fit de moi un orphe-
lin qu'elle troqua aux Allocations Familiales
contre un deux-pièces qu'elle changea plus
tard contre un démeublé sans pièces et sans
cuisine. Elle nageait, ma mère maternelle.
avec une telle aisance dans le sublime qu'elle
finit par s'y noyer un samedi soir. C'est ainsi
que l'eau engloutit toute ma famille. Je lui
jurai une haine éternelle et elle me le rendit
bien. En effet, alors que j'étais entre deux
âges et en train de me laver les mains, dans
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un peu d'eau justement, j'attrapai un mauvais


rhume qui m'emporta. On m'enterra le len-
demain sous une pluie battante. Je mourus un
peu plus tard : je n'avais jamais supporté les
pluies de printemps.
Mais tout cela me parut de mauvais
augure. C'était en réalité ce que l'on pouvait
appeler un piètre départ dans la vie. Je déci-
dai donc d'en prendre un autre et je remis
tout en question.
Cette fois, je naquis de...
De qui, au fait ? Et où ? Comment ? Je
m'aperçois que je serais incapable de le dire.
Voilà qui commence mal. Aurais-je perdu la
mémoire soudain ? Inutile de s'affoler, pour-
tant. Même avec des trous de mémoire par-ci.
par-là, on peut toujours s'en tirer. Suffit de
simplifier. Disons simplement que je suis né
en bonne santé aux environs de ma date de
naissance et que je passai le plus clair de mon
enfance à devenir un enfant. Quant à dire
dans quel milieu et quelles circonstances se
déroula cette enfance... Inquiétant, mais je
pourrais presque jurer qu'en fait elle ne s'est
jamais déroulée. Serait-ce possible ? Un peu
inquiet, je me lève, je me plante devant un
miroir. Pas de doute : j'ai l'air d ' u n adulte,
un peu puéril certes, mais incontestablement
adulte. A moins de supposer que j'en suis
arrivé là en prenant un raccourci temporel,
il faut donc bien admettre que j'ai e u une
enfance, une adolescence, une adultescence
également. Je pense, donc je me souviens. ET
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puis non, je pense, mais je ne me souviens de


rien. Ce qui me paraît insensé : enfin quoi,
tout le monde a des souvenirs, même les
amnésiques. Je prends ma carte d'identité, je
la consulte. Je constate, comme j'aurais pu le
prévoir, que je suis né officiellement. C'est
écrit en toutes lettres, cacheté, légalisé, tam-
ponné, signé. Bien. Etant né, j'ai dû avoir
une famille, des parents, des parenthèses, des
parenticides, comme tout le monde. Alors
quoi ? Je scrute l'horizon perdu de ce passé
et rien. Un désert de vide et de brume. Et pas
même une feuille morte dans un coin, un
mouchoir oublié. Rien du tout, vraiment. Un
gouffre de mort où rien n'a survécu. Ni un
bouton de col, ni un fond de tiroir, ni même
un parent. Heureusement, dans la vie, il n'y
a pas que les parents. Il y a aussi les inconnus,
les méconnus, les reconnus, les malconnus, les
connaissances et les déconnants, les reconnais-
sants et les méconnaissables ; les passants et
les passifs, les repassés, les dépassés et les tré-
passés. Je me concentre. Et puis non, là non
plus, rien du tout. Rien de ce passé ne m'est
resté dans la mémoire. Admettre alors que je
suis né orphelin et que je n'ai côtoyé per-
sonne dans ma vie. Qui sait? Que j'ai grandi
tout seul dans une pièce vide, insonorisée,
isolée de tout, perdue dans un désert ? Mais
même dans ce cocon, j'ai dû penser, souffrir,
ressentir, vivre des événements intérieurs,
traverser des cyclones métaphysiques. Je me
penche sur ce passé jusqu'à y tomber la tête
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la première. Je ne touche que le vide, je ne


vois ni le fond ni la forme. Rien.
Mon inquiétude tourne au malaise. Com-
ment se raconter quand on ne se souvient plus
de rien ? Raconter les autres, alors ? Mais je
ne me souviens pas d'eux non plus. Et puis
les autres ne m'ont jamais intéressé. J'ai déjà
eu suffisamment de mal à m'intéresser moi-
même. Une seule solution : oublier tout cela,
ne plus penser à rien.
Et voilà. C'était simple. Il suffisait de pen-
ser à ne plus penser pour avoir enfin des
choses à dire. Si simple, puisque l'on peut
dire n'importe quoi. Comme c'est pratique.
Plus besoin d'un passé puisqu'on en découvre
à la pelle, des passés, et des avenirs en sup-
plément, et des futurs passés et des présents
conditionnels et des imparfaits plus qu'anté-
rieurs. Tout se matérialise, se minéralise, se
densifie, s'arrange et se range. Plus besoin
de dates précises, de points de repère, de
personnages plus ou moins plausibles, d'intri-
gues, de prologues, d'aprologues ou de
dénouements. On peut planer au hasard et se
laisser tomber n'importe où, dans n'importe
quel sens. A genoux dans le Moyen Age ou
les cuisses ouvertes dans le XXI siècle, à plat
ventre entre deux galaxies ou sur le dos au-
delà des mathématiques. Je ne suis rien, je
ne suis personne, je suis tout, je suis tout le
monde. Je n'ai jamais rien vécu, j'ai tout vu
et inventé ; je ne suis jamais né, je suis mort
cent fois ; j'ai vécu toutes les vies de tous les
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hommes depuis le commencement des siècles,


j'ai ressenti tous leurs tourments, traversé
toutes leurs tourmentes. Le calendrier n'a
jamais eu cours, personne n'a jamais inventé
le cadran solaire, ni les horloges, ni les
horaires et une seconde n'a pas plus de sens
qu'une liasse de millénaires. Je veux, je vais,
je viens, je vois, je vis, je meurs tous les dix
kilomètres, je renais, j'ai toute la mémoire
du monde et, des souvenirs, j'en crée à la
chaîne, au gré de mes besoins, les oubliant
après usage, les rejetant comme s'ils n'étaient
que des pierres me permettant de traverser un
gué. Je ne sais rien, je n'ai jamais rien appris,
mon alphabet s'arrête au chiffre 4, je sais à
peine compter jusqu'à D, je confonds la
géométrie et la géographie, l'arythmie et
l'arithmétique, je ne connais rien au-delà de
l'an zéro de l'histoire. Il n'est plus aucune
heure, il ne peut plus être que la minute ou
la seconde et chaque seconde remet tout en
question, charriant avec elle de nouveaux
espaces, des trombes d'imprévus et des marées
d'impondérables. Je ne suis personne, surtout
pas moi-même, je n'ai plus de visage, de
forme ou de contours définis une fois pour
toutes, je suis n'importe qui emporté n'im-
porte où n'importe comment.
N'importe où, c'est cela... Il suffit d'opter
pour un nombre compris entre 0 et 1969.
Facile, à la portée des enfants et des électro-
niciens. Et quel sublime embarras du choix !
1899... En ce temps-là, j'étais manœuvre
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et je creusais avec d'autres ouvriers le lit où


allait se jeter le torrent du siècle à venir.
32... En ce temps-là, je suivais Jésus-Christ
et je lui disais qu'il filait un mauvais coton.
1920... En ce temps-là, je dérivais au ralenti
du Pacifique vers l'Atlantique parce que
j'avais oublié d'emporter des rames et que,
depuis dix semaines, il n'y avait pas un
souffle de vent dans les voiles de mon déri-
veur léger. 1642... En ce temps-là, j'étais
capitaine et j'aidais les Espagnols à repous-
ser Hannibal qui s'était trompé de siècle.
1928... En ce temps-là, je passais mes jour-
nées à l'asile où j'avais rencontré les années
folles dont j'étais tombé amoureux. 1916... En
ce temps-là, j'avais déserté l'armée parce que
mon unité montait au front et je me cachais
plus simplement sous le bronze d'un monu-
ment aux morts pour la patrie. 1515... En ce
temps-là, j'étais sur les bancs de l'école et je
cherchais en vain la date de la bataille de
Marignan. 1929... En ce temps-là, j'écoutais
un disque d'Armstrong et l'aiguille de mon
phonographe avait dérapé sur une note dans
l'aigu que j'écoutais, fasciné, anesthésié,
depuis six mois. 1847... En ce temps-là, je
pensais à inventer l'ampoule électrique, mais
j'apprenais avec stupeur qu'un certain Edison
venait de naître à quelques milliers de kilo-
mètres de l'endroit où je me trouvais. 1934...
En ce temps-là, j'avais demandé à une jeune
femme si elle m'aimait et, depuis deux ans,
j'attendais sa réponse, perdu dans le silence
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marécageux de ses yeux d'oiseau des ténèbres.


1948... En ce temps-là, j'étais emballeur et
j'avais emballé tout le monde en emballant
la moitié de la ville en moins de quatre mois.
1954... En ce temps-là, je traversais le désert
de l'Arizona en Solex et je me demandais
avec un peu d'inquiétude si j'arriverais à bon
port avec l'unique litre d'essence que conte-
nait mon réservoir. 1960... En ce temps-là,
je cherchais une idée depuis si longtemps que
c'est elle qui finit par me trouver et, elle, ne
me rata pas. En ce temps-là, je distribuais la
bonne parole et des faux timbres dans un
bureau de poste et il était question de me
donner la croix. En ce temps-là, j'étais
décrasseur dans une bigornerie et je décrep-
tais des faltages pendant huit heures par jour.
En ce temps-là, j'avais écrit un livre fleuve
que j'avais appelé la Bible et les éditeurs me
l'avaient refusé en affirmant que mon texte
était bavard, touffu, naïf, assez prétentieux
et que, de toute façon, ça ne se vendrait
jamais. En ce temps-là, j'étais en vacances
sous un soleil tellement solaire que, revenu
en ville brûlé, roussi, plus noir que vif, je
n'eus plus d'autre solution qu'aller lutter aux
Etats-Unis avec mes nouveaux frères de
l'ombre. En ce temps-là, j'étais secrétaire
personnel du comte Dracula et celui-ci
m'avait licencié parce qu'il m'accusait de lui
voler, par correspondance, le sang de ses
clients. En ce temps-là, j'avais renoncé au
roman parce que les miens se vendaient à
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moins de cent exemplaires, j'étais devenu


chroniqueur du plus grand quotidien de la
capitale qui, une semaine plus tard, voyait
son tirage passer d'un million d'exemplaires
à cinquante. En ce temps-là, je jouais du
saxo alto dans un orchestre de jazz et je
tenais un solo depuis si longtemps que, quand
enfin j'expirai ma dernière note, le jazz avait
eu le temps de changer quatre fois de style.
En ce temps-là, j'étais tellement abandonné,
tellement acculé à la solitude, tellement privé
d'amour et de plaisir qu'il ne restait plus que
la solution de jouir de toutes mes facultés. En
ce temps-là, j'avais conquis la fortune en
allant vendre à des amateurs d'antiquités qui
exposaient en 2089 des réchauds à gaz et des
radiateurs électriques de 1964. En ce temps-
là, je demandais à Diogène d'avoir l'obli-
geance de s'ôter de mon soleil. En ce temps-
là, j'avais inventé, en rêve, une machine à
fabriquer des rêves où l'on fabriquait des
machines à fabriquer des rêves dans lesquels,
interminablement, on fabriquait... En ce
temps-là, je désirais une jeune femme entiè-
rement enfermée dans un collant Mitoufle
dont, depuis trois mois, j'essayais en vain de
la sortir. En ce temps-là, il n'y avait rien et
je pensais à créer le monde, mais un certain
Dieu avait réussi à m'évincer. En ce temps-
là, je vendais du temps en tube et personne
n'avait le temps de m'en acheter. En ce
temps-là, oui, oui...
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1935

En ce temps-là, je me sentais d'humeur


belliqueuse et la paix régnait sur le monde.
Il sévissait même depuis quelques mois une
inexplicable crise de solidarité humaine. On
n'avait jamais vu cela. Les Etats-Unis avaient
offert une dizaine de leurs Etats, parmi les
plus riches, aux affamés d'Asie et d'Afrique.
Toutes les grandes puissances convertissaient
leurs bombardiers et leur canons en miches de
pain et en bouteilles de lait. Les soldats de
carrière endurcis étaient réduits au chômage
ou acculés au suicide. Les criminels n'avaient
pas assez d'une vie pour accabler de bienfaits
les parents de leurs victimes. Les financiers
passaient le plus clair de leur temps à répar-
tir leur fortune dans les tiroirs de leurs
employés. Des requins de l'industrie se rui-
naient pour rembourser l'argent que leurs
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pères avaient pu voler à la grande famille des


hommes. Des pays, ennemis depuis des
siècles, signaient des traités de paix éternelle,
des promesses de fidélité, des serments d'en-
traide. Quand un homme tombait à l'eau, des
centaines de passants périssaient en voulant
le secourir sans même savoir nager. Les
boxeurs se convertissaient en frères des pau-
vres, les policiers en balayeurs, les chiens de
garde en bassets d'appartement, les serpents
venimeux en vers de terre, les maîtresses de
maison en humbles servantes. Les commer-
çants se ruinaient en crédits illimités, en
offrandes, en dons aux déshérités de ce
monde. Les politiciens, pour séduire leurs
partisans, promettaient des guerres futures.
des massacres d'ici peu, des bombes et de la
misère pour tous, des soleils de mort se levant
sur une planète dévastée, mais personne n'y
croyait. On savait bien qu'ils disaient cela
pour se rendre intéressants, comme toujours.

La réalité était fort différente, je le déplo-


rais assez : il n'y avait pas la moindre guerre
en cours, ni sur mer, ni dans les airs, ni plus
haut, et rien en perspective, pas même une
menace de conflit ou un mirage de différend
entre deux pays, rien.
Bien ma chance, moi qui ne pensais, cette
année-là, qu'à me battre. Que faire en pareil
cas ? Une seule ressource : me rendre au
Bureau de Placement des Violents et leur
demander conseil.
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On m'y reçoit sans aucune agressivité, ce


qui me paraît déjà mauvais signe, avec
quelque empressement au contraire, car les
amateurs se font de plus en plus rares.
— Vous battre ? me dit-on. Nous pourrions
éventuellement vous combiner un petit com-
bat dans les mois à venir. Mais à l'amiable,
bien entendu. Si nous trouvons un autre
amateur.
J'ai l'impression de me trouver dans un
club de tennis où je chercherais un partenaire
avec lequel échanger un set et quelques balles.
Il ne s'agit pas de cela, je le leur dis.
— Je voudrais une guerre, si vous voyez ce
que je veux dire.
Cette exigence provoque la perplexité.
— Une guerre ? Il y a déjà un certain
temps que nous manquons de cet article, mais
voyons...
On va voir, on consulte les archives.
— C'est dommage, me dit-on. Vous avez
manqué celle de 14-18. Elle vous aurait plu.
Il paraît qu'elle était très réussie.
Je suis désolé, je le dis. Mais on ne peut
pas naître à toutes les époques à la fois. Et
comment savoir ?
— Il y a bien celle de 40, ajoute la pré-
posée. Evidemment, elle n'éclatera que dans
cinq ans, mais on pourrait peut-être vous y
envoyer en avance.
— Elle sera bien ?
— Encore mieux que celle de 14, paraît-il.
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D'accord pour 40. J'accepte avec enthou-


siasme la proposition du Bureau de Place-
ment. Et je me retrouve sur le front de la
Somme, avec une division très divisée. Les
uns refusent le combat. Les autres ont battu
en retraite. Galvanisé, le regard plein de feu
et de métal, je monte à l'assaut, tout seul.
Une rafale de mitrailleuse m'arrache la tête.
Cette brutalité exagérée me déçoit un peu. Je
m'ajuste la tête de rechange que je porte
accrochée à mon ceinturon et je remonte à
l'assaut. Cette fois, c'est un éclat de mortier
qui m'emporte le haut du crâne. Je les trouve
vraiment un peu trop sanguinaires. Je
m'ajuste ma dernière tête de rechange pour
avoir l'air humain malgré tout et juge plus
prudent de revenir au Bureau de Placement.
— Vous n'auriez rien d'un peu moins dan-
gereux ?
On hésite à me conseiller.
— Il y aurait bien la bataille d'Azincourt.
Mais il me semble savoir qu'elle est terminée.
Il faudrait se renseigner...
— J'aimerais mieux quelque chose de
moins démodé, dis-je.
D'autant plus que tirer à l'arc m'a tou-
jours déconcerté. Avec ce genre d'engin, il est
plus facile de manquer une maison que faire
mouche dans une pomme. Heureusement, le
bureau ne manque pas de ressources et la
préposée semble avoir à cœur de me satis-
faire.
— Nous avons peut-être quelque chose
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pour vous. Depuis midi, exceptionnellement,


on nous indique un point chaud. Il y a des
mois que nous n'avions plus vu ça. Il pour-
rait bien vous convenir. Mais c'est assez loin
d'ici.
Et on me signale, en effet, un petit conflit
des faubourgs, quelque part en Amérique
centrale. J'y vais sans hésiter, transporté par
l'exaltation de savoir que, dans ces petites
guerres de quelques heures, il y a plus de
possibilités de se distinguer. A peine arrivé
là-bas, je sors de la jungle qui débouche
directement dans la principale artère de la
ville, je fonce, mitraillette au poing, une balle
m'atteint entre les yeux. Encore ! Les guer-
riers de ce siècle visent décidément toujours
au même endroit. Je me replie. Si cela conti-
nue, je finirai par me trouver à court de têtes
de remplacement. Et je reviens au Bureau de
Placement, assez déçu.
— Je les trouve un peu rapides pour moi.
dis-je.
On me signale qu'au nord-ouest de la pla-
nète Galge, en plein cœur de la galaxie des
Mollusques, une guerre d'usure oppose depuis
six mille ans les Madrépares aux Tyrges.
— Six mille ans, dis-je, un peu inquiet.
— Oh ! vous savez, le temps, là-bas...
— Et quel camp me conseillez-vous ?
— C'est difficile à dire. Les Madrépares
sont tellement lents qu'ils mettent un an à
braquer une arme, mais les Tyrges sont si
fragiles que le moindre courant d'air les
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réduit en poussière. Vous avez vos chances


des deux côtés.
Cela me paraît trop facile, vraiment. Aller
si loin pour vaincre sans péril, c'est voyager
sans gloire. Mon recul devant toute lâcheté
m'exalte à tel point que je me sens décidé à
tout, même à prendre des risques. Et faute
d'espace, il reste toujours le temps.
— Et dans le catalogue du XXI siècle, que
me conseillez-vous ?
— La guerre du 13 mars 2075, sans hési-
ter. Pas celle qui doit éclater à 10 heures du
matin, mais l'autre, celle de 16 h 40. Elle ne
durera que dix minutes et fera plus de six
cents millions de victimes.
Six cents millions seulement, cela me laisse
une chance d'en réchapper. Je n'hésite pas à
y aller voir de plus près. Je débarque dans
un monde de cendres, de cratères et de pous-
sière. Pas de doute, je suis au front. Le visage
décomposé par l'héroïsme, le revolver au
poing, le cœur sur la main, la main sur le
drapeau, je pénètre en vainqueur dans la capi-
tale ennemie, je l'occupe après avoir pro-
clamé la loi martiale, mais on me fait com-
prendre avec courtoisie qu'il est cinq heures
moins cinq et que la guerre est finie depuis
quelques minutes. J'aurais dû penser à
mettre ma montre à la minute au lieu de la
mettre à l'heure.
Soit. Puisque les coups de feu ne me réus-
sissent pas, je demande si on ne pourrait pas
me verser dans les services d'espionnage.
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— Il y a toujours de la demande de ce
côté-là, me confirme-t-on au Bureau de Pla-
cement.
Il ne me reste plus qu'à régler un problème
de conscience : pour quel côté opter. Je sonde
mes opinions politiques, je constate avec stu-
peur que je n'en ai pas. Je joue alors cette
question à pile ou face et j'en viens à offrir
mes services à un royaume réactionnaire dont
j'ignorais l'existence.
Ma première mission ne se termina pas
d'une façon très concluante. C'est pourtant
avec quelque habileté que j'arrivai à voler
dans le coffre d'un ministère ennemi une
capsule qui devait contenir un microfilm ultra-
secret, un de ces documents qui pouvaient
retourner, comme une crêpe, l'avenir de
l'humanité. Mais je m'étais trompé de cap-
sule et celle que j'avais prise était en réalité
une bombe H de poche, également ultra-
secrète. Quand on ouvrit la capsule, la bombe
raya le pays de la carte, et quelques princi-
pautés voisines du même coup. Ce qui me
laissa sans emploi.
Heureusement, il y avait d'autres pays.
Déguisé en fauteuil empire dans une répu-
blique populiste, j'arrivai à m'emparer de
plans d'attaque de la plus haute importance,
mais quand je voulus vendre ces plans au
gouvernement qui m'employait, je constatai
que celui-ci venait de passer à l'ennemi.
J'échappai par miracle au poteau d'exécu-
tion. Une fois de plus, je changeai de camp
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et de champ d'action. On me donna pour


mission de voler un tiroir dont, paraissait-il,
le sort du monde dépendait. Cela me prit des
mois, je parvins à mes fins un soir de réveil-
lon. Au péril de ma vie, à travers réseaux,
barrages et menaces, je rapportai aux auto-
rités dont je dépendais le tiroir, mais vide.
On n'eut pas assez de mots pour m'injurier.
On m'expliqua, un peu tard, que seul le
contenu du tiroir avait de l'importance. Dom-
mage, je l'avais vidé dans une poubelle pour
ne pas m'encombrer inutilement.
Définitivement écœuré par les missions de
confiance, je décidai de ne plus accepter que
des missions de choc. Ce ne fut pas non plus
une réussite. Mes renseignements les plus
secrets, je les confiai à un agent double qui
était en réalité triple, puis j'abattis sans som-
mation un agent que je croyais ennemi alors
qu'il était mon allié parce qu'il était qua-
druple et, le même jour, je faillis provoquer
un conflit mondial en me fiant au reflet d'un
agent double qui n'était en vérité que le
double d'un agent reflet. Je compris, une fois
pour toutes, qu'avant de se lancer dans ce
métier pourtant fait pour les simples, il fal-
lait avoir de solides notions d'optique et
quelques-unes d'arithmétique.
Ces déboires me rendirent prudent, presque
timoré. C'est avec zèle que je servis l'ambas-
sadeur ennemi qui m'avait engagé comme
valet de chambre et que je devais dépouiller
des secrets de tous ses coffres. Je le quittai
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après un mois et il me délivra d'excellents


certificats que je pus accepter sans honte,
conscient de n'avoir jamais pensé à voler
quelque document secret, ni même une pièce
d'argenterie. Et ma carrière d'espion se ter-
mina brutalement dans un champ quand,
déguisé en arbre des faubourgs pour surveil-
ler l'ennemi, je vis s'approcher de moi un
paysan armé d'une hache et d'une scie.
Démasqué, désarbré, je pris la fuite, puis le
métro, comme tout le monde.
Tout compte fait, le mal ne m'avait pas
tellement bien réussi. Mais le bien ? Etrange,
je n'y avais jamais songé. J ' e n pris mon parti :
désormais, je ferais le bien.
Pour cela, sans doute suffisait-il de marcher
au hasard des rues : le malheur, ça ne man-
quait pas.
Je pris cette décision un dimanche et, dès
le lundi, je m'éveillai concerné, prêt à assu-
mer, les sens à vif, la morale en état d'alerte,
la conscience en éveil, balafré de haut en bas
par un feu intérieur qui brûlait les étapes aux
grandes artères.
La preuve ? Moi qui ne me lève jamais
avant dix heures, cette fois, dès onze heures,
je suis sur pied. Comment ? Sur un seul pied ?
Non, sur deux pieds, dont un pied de guerre,
dirait-on. L'autre étant, comme toujours,
dans la tombe. Mais trêve de métaphysique,
seule l'action compte. Après avoir avalé une
dizaine de tasses de café, j'arrive enfin à
garder les yeux ouverts et à m'arracher à ma
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chaise. Je fais un tour sur moi-même, mais


quoi assumer dans cet appartement ? Com-
ment ? Avec quelles facultés ? Moi qui n'ai
même jamais réussi à créer une planète d'im-
portance secondaire... Seule ma volonté
demeure. Qu'à cela ne tienne : mon igno-
rance remplacera mon manque absolu de
capacités.
Pour me mettre en confiance, je passe à la
pratique et convertis sans la moindre diffi-
culté l'eau chaude en eau froide rien qu'en
changeant de robinet ; je change ensuite un
pain complet en tranches de pain avec la
même facilité et un morceau de sucre en sucre
fondu. Tout va bien, je suis aussi en forme
que le Christ lui-même, il suffit en somme de
vouloir pour pouvoir et pourvoir.
Je quitte l'appartement, mais je ne dépasse
pas le palier. Le spectacle de cet ascenseur
qui, montant et descendant, gaspille des
tonnes de force motrice me révolte et me
donne à penser. Toute cette perte d'énergie
alors que toutes les ménagères de l'immeuble
s'épuisent à moudre le café, remonter les
phonographes, soulever le couvercle des pou-
belles, ou tourner la manivelle des orgues de
Barbarie qu'elles affectionnent quand leur
humeur tourne à la mélancolie. Il ne sera pas
dit que je resterai insensible à cet état de
choses. Aussitôt imaginé, aussitôt réalisé. Il
ne me faut que quelques minutes pour relier.
par un ingénieux système de poulies et d'en-
grenages toutes les manivelles de l'immeuble
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aux rouages moteurs de l'ascenseur qui désor-


mais, qu'il monte ou descende, actionnera en
même temps les multiples mécanismes domes-
tiques de la maison. J'en profite pour instal-
ler par la même occasion un sémaphore de
salon qui pourra bien servir un jour, puis un
petit moulin à vent d'appartement, ce qui
me permettra, non seulement de fabriquer à
peu de frais ma farine quotidienne, mais

pensai que c'était bien et je passai.


J'atteins la rue et constate qu'il est déjà
bien tard. Songeant à tout ce que j'ai encore
à faire, je pense un instant à décaler le
temps d'une heure ou deux, mais je renonce
à ce projet. Inutile de me lancer dans des
entreprises abstraites alors que les problèmes
concrets me dépassent déjà de toute leur
déconcréfiture. Le Christ n'était pas vite
découragé, on ne le dira jamais assez. Ou bien
il ne voyait pas très clair. Il est vrai qu'il se
passait moins de choses de son temps. Le
journal que je viens d'acheter me laisse transi
et perplexe. Qu'il fait donc peur sur cette
planète ! Que tout y est morrible ! Que faire
pour faire face sans recul, sans désir de
prendre la fuite vers un désert, un abri ou
un cimetière ? Qu'il fait froid dans ce bra-
sier ! Et comment agir quand on se sent
cerné, concerné, concassé jusqu'à la moelle
des os ? C'est qu'il s'en passe des choses en
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une seule journée, en une seule seconde. A se


demander comment en sortir sans être accom-
pagné de deux chiens de garde, de plusieurs
tueurs, d'un mirador ambulant, d'une senti-
nelle, d'une ambulance et d'un corbillard.
Un coup d'œil distrait à la une de n'importe
quel quotidien suffit à donner l'alerte : le
regard en prend un coup, une coupe, un
océan d'amer à boire.
Deux frères jumeaux sont tués à trois
cents kilomètres de distance l'un de l'autre
par une seule et même balle de revolver. Né
. le jour des morts, un homme meurt le jour
de son anniversaire. Une femme s'ouvre la
gorge sous prétexte qu'il faisait trop chaud
dans sa cuisine. Une lame de fond emporte et
projette un voilier dans un appartement du
troisième étage où les navigateurs se noient
dans la baignoire. En refermant une fenêtre,
un locataire provoque l'éboulement de tout
un quartier. Pour faire prospérer l'orphelinat
qu'il dirige, un homme a pris l'habitude de
tuer chaque soir une dizaine de parents dans
les quartiers pauvres. Tous les abonnés d'un
important journal de droite se sont retrouvés
ce matin paralysés du côté gauche. Un aigle
postal enlève un enfant en plein centre d'une
capitale dont les aigles des armoiries sont mi-
ses à mort par une foule déchaînée. Un hom-
me muni d'une paire de jumelles se fait écra-
ser par un camion qui passait sur une route
à deux cents mètres de là. Tous les possesseurs
d'un compte en banque dépassant dix mil-
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lions se retrouvent soudain quadrumanes et


incapables de marcher autrement que sur
quatre pattes. Pour commémorer une défaite
nationale, six parachutistes se jettent du haut
d'un immeuble sans ouvrir leur parachute.
Un distrait avale une cuve d'eau et plonge
dans un verre. Atteint par un confetti en
pleine nuque, un fêtard meurt en plein car-
naval, les vertèbres brisées. Deux virtuoses
trouvent la mort dans la collision de deux con-
certos pour piano.
Et tout cela en un seul jour ! Que serait-ce
si je devais tomber sur un hebdomadaire ! Cela
sans parler des événements cosmiques. Trois
cents millions de squelettes indiens disputent à
quatre cents millions de squelettes hindous le
titre de peuple le plus misérable de la terre.
Deux mille ouvriers qui recherchaient dans
le désert une savonnette phénicienne meurent
de saisissement en découvrant un charnier où
étaient entassés cent mille cadavres incon-
nus tous munis d'une savonnette chaldéenne.
Dans une ville basse, la pensée devient conta-
gieuse et un homme s'y étant suicidé au gaz,
dix mille personnes suivent en quelques
secondes son exemple. Une gerbe de pétrole
jaillit en plein centre d'un gratte-ciel, noyant
trente mille employés dans un torrent de
milliards. Une bombe, perdue dans la démo-
sphère depuis la dernière guerre, retombe
enfin sur la terre et rase la capitale d'un pays
bien connu pour sa légendaire neutralité. Une
météorite heurte en plein ciel un avion qui
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s'écrase au sol avec quatre-vingts passagers,


tombant en plein centre d'une poudrière qui
explose, tuant sur le coup six cents ouvriers
et rasant par la même déflagration les trois
mille habitants d'un patelin voisin. Torturés à
mort par les jaunes d'un pays rose, les noirs
déchaînés s'en prennent aux rouges qui se
vengent sur les blancs en massacrant tous les
sangs mêlés du pays où règne la peur bleue.
Pendant que deux cents millions de squelettes
mexicains contestent déjà aux trois cents mil-
lions de squelettes indiens, récemment élus,
le titre de peuple le plus affamé de la terre.
Comment remédier à tout cela ?
Je me toise du haut en bas, je fouille mes
poches. Je constate avec commisération que
je ne suis même pas aussi grand qu'un
immeuble de deux étages et que je ne pos-
sède qu'un carnet de chèques sans provisions.
Impossible, fragile comme je suis, de servir de
barrage à un raz de marée ou de toit à un
cyclone. Tout ce que je pourrais faire, à la
rigueur, c'est envoyer à quelque région déshé-
ritée un chèque en m'excusant de ne pouvoir
y joindre les provisions souhaitées : mais jus-
tement, les provisions, c'est généralement ce
qui leur manque le plus. Alors ? On a beau
dire, mais le messie ne serait pas de trop. Son
absence se fait de plus en plus cruellement
sentir. Je pourrais éventuellement le rempla-
cer en attendant. Mais en attendant quoi ? Et à
quelle administration m'adresser pour décla-
rer dans la légalité ma nouvelle profession de
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messie par intérim ? Sans compter que cette


charge risque d'entraîner d'onéreuses contri-
butions avec taxes locales et mystiques sur
l'exercice d'une profession délibérale et sur-
taxes progressistes sur les idées de drauche.
Décidément, c'est en vain qu'on retourne
l'éternel problème dans tous les sens, rien
ne remplacera jamais le Christ qui savait si
bien guérir les aveugles, faire d'une putain
deux filles putatives, changer le vin en
whisky, assécher les déserts, rapatyliquer les
paralytiques, rendre cyclopes les borgnes,
faire d'une pierre deux coups, d ' u n coup un
couple, accoucher une souris d'une monta-
gne et mettre une tempête dans un verre d'eau
pour changer cette eau en eau tarie.
C'est dire que je reste seul face aux pro-
blèmes de la galaxie. Une décharge de panique
me traverse. A quoi bon s'intéresser au monde
si on ne peut rien pour lui ? Que la galaxie
aille se faire foutre ! Et puis non, je me
navre, je meaculpise. Si tout le monde rai-
sonnait ainsi, personne ne défendrait la veuve
et l'orphéon, personne ne mettrait du poison
dans le pain quotidien, personne ne bâtirait
des églises, des lois, des fois, des toits, des
rois, des noix, des quois. Personne ne tuerait
les poux, ne planterait les cailloux, ne casse-
rait les choux, ne plumerait les hiboux. Per-
sonne ne ferait jamais rien, si ce n'est se
terrer dans un pot en attendant un peu d'eau,
un peu d'engrais, puis la mort. Arrière mes
doutes ! Je les vaincrai, comme l'homme
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vaincu d'avance par la nature, a vaincu la


nature.
Pour me dégourdir les idées, je lance quel-
ques ballons d'essai. Ils crèvent en l'air parce
qu'il grêle pointu aujourd'hui. Je me donne
ensuite entièrement à mon élan de faire le
bien, d'améliorer le sort de la planète, de
venir en aide à n'importe qui, même à ceux
qui n'auraient jamais eu l'idée de m'appeler
au secours.
Si simple. Il suffit vraiment d'aller et venir,
d'ouvrir les yeux, puis son cœur et d'agir
ensuite. Le monde n'est qu'une vaste plaie
qui demande à être pansée. En une seule
journée, j'accumule les actes de philanthropie
les plus divers, spectaculaires ou non. La
pitié me submerge, j'en asperge le monde.
Dans le but de venir en aide aux financiers
définancés, je fais brusquement monter les
cours de la bourse, un peu trop brusquement
sans doute, car ils débordent dans le cours
des rivières et emportent tout le marché en
un seul torrent de débâcle. Je tente de prendre
ma revanche en m'apitoyant sur le sort d'un
miséreux en particulier et lui révèle en secret
comment changer le platine en argent, mais
le malheureux, dès sa première expérience,
se fait arrêter pour faux et usage de faux, ce
qui lui vaut trente ans de travaux forcés.
Déçu, nullement découragé cependant, j'avise
un groupe de chômeurs qui font la queue
devant un office du travail et, sans trop savoir
qui les paiera, rien que pour leur redonner
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quelque espoir, je leur ordonne de desceller


les pavés d'un grand boulevard. Ils se ruent
sur cette offre inespérée, les pavés volent, le
boulevard s'effondre soudain et ensevelit les
courageux travailleurs sous quelques tonnes
de vase et de gravier. Faire le bien semble
moins facile que je n'aurais pu le croire. Mais
rien, ce matin, ne peut m'atteindre.
Je le prouve en me dirigeant vers les quar-
tiers misérentiels de la ville où mon besoin de
sacrifice peut avoir plus de sens et de poids.
C'est avec obligeance que je revise et répare
le revolver enrayé avec lequel un désespéré
essayait en vain de se tuer. C'est avec la même
allégresse que je fais raser un pâté d'im-
meubles particulièrement insalubres pour
envoyer les habitants loger dans un terrain
vague voisin où un bol d'air pur les attend.
En quelques minutes, je console une jeune
fille enlisée dans un chagrin d'amour, mais
elle se suicide en apprenant que moi non plus
je ne l'aime pas. Je viens en aide à un ouvrier
acculé à la misère par une grève, mais son
patron, qui a des idées de gauche, le met défi-
nitivement à la porte, le croyant solidaire des
intérêts capitalistes. Je sauve de la noyade le
treizième enfant d'une veuve qui massacre
le jour même ses douze autres enfants parce
que le chiffre treize porte malheur. Et ainsi
de suite. Autant avouer que je viens de faire
plus de victimes en dispensant le bien qu'en
me jetant dans des guerres.
Bref, ce temps-là ne me convenait pas,
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mieux valait changer d'époque. Je me rendis


donc au Syndicat d'Initiative Générale où
l'on me présenta le catalogue des années
encore disponibles. J'optai pour 1937, à deux
ans d'ici, où l'on m'affirma qu'une crise
inversée battait son plein depuis plus d'un
an.
— C'était le bon temps, quoi ! dis-je.
— Ce sera le bon temps, dit l'employée,
nous n'y sommes pas encore.
— C'est vrai. Et la température, là-bas ?
— Fort douce. En restant bien couvert, on
se baigne sans risque de prendre un rhume.
— Ah ! oui ? On peut se baigner en 37 ?
Il y a de l'eau dans ce coin ?
— Pas tellement, non. Mais on attend une
citerne d'eau qui doit venir de l'étranger.
— Et la nourriture ?
— Qu'appelez-vous exactement « nourri-
ture » ?
— Vous ne voyez pas ? Ce que l'on prend
pour se nourrir, voyons.
— Ah ! oui... Je me souviens avoir mangé
un jour. J'avais été invitée. D'après mes
fiches, en 37, on mange également.
— Je vois. Et la question du logement ?
— Du quoi ?
— Du logement. Là où l'on habite. Vous
comprenez ?
— Vous posez trop de questions, monsieur.
Si cela continue, vous allez finir par me
déshabiller et cela me dérangerait. C'est que
je suis toute nue en dessous de mes vêtements
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et le règlement l'interdit. Voulez-vous signer


ici, pour votre départ en 37 ?
Je signe pendant que la jeune femme, pour
me prouver qu'elle dit vrai, se déshabille
entièrement et me jette dans le regard un
corps nu, vraiment très nu, deux seins et des
fesses comme des phares, aveuglants, explo-
sifs, lumineux, possessifs, faits pour éclater
dans l'ombre et prendre la lumière des autres.
— Vous voyez ? me dit-elle en relevant ses
cheveux à pleines mains.
Je vois, mais oui, je vois: Elle est même
plus nue que je n'aurais pu l'imaginer et je
le lui prouverais volontiers si je ne devais pas
prendre au vol le train qui doit me mener de
35 à 37 en ligne droite et sans un seul arrêt,
Le parcours est bref. Une demi-heure plus
tard, je débarque en 37.
L'employée avait raison. La crise bat son
plein, le franc a considérablement monté, le
pouvoir d'achat est devenu illimité, les
salaires sont tellement élevés qu'ils ont
dépassé le niveau des mathématiques comp-
tables, les taxes ou les contributions n'exis-
tent plus parce que les budgets sont pleins à
craquer et que l'Etat ne sait plus quoi faire
de ses réserves d'or ; les pauvres sont tous
devenus milliardaires, les milliardaires de
naissance sont rouges de confusion, la chance
et la fortune sourient à tous à pleines dents.
la vie n'est plus qu'un éblouissement perma-
nent dans une ambiance de féerie où sein-
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tillent des myriades de paillettes d'or et de


platine.
En cinq minutes de travail, même ralenti,
on peut gagner des fortunes, mais le plus
souvent les employés licencient leurs patrons
parce qu'ils trouvent des liasses de billets de
banque dans les rigoles avant d'arriver au
bureau. Il y a du radium dans l'eau potable.
de l'uranium dans le pain que l'on mange, du
diamant incrusté dans les pavés, du pétrole
dans tous les appartements, de l'or pur dans
l'argent, du platine dans les lingots d'or, et il
suffit de déplacer quelques lattes dans tous
les parquets pour découvrir des trésors cachés.
Des milliers de clochards cossus cherchent
à perdre le plus de temps possible en cueil-
lant les orchidées de la vie au hasard des ter-
rains vagues aménagés en lieux de réception
populaires. D'autres ne pensent qu'à chasser
la joie avec des filets à papillons, mimant
l'indolence de vivre sur la pointe des pieds et
l'ivresse de regarder passer dans les caniveaux
l'interminable cortège des bateaux en papier
que tous les enfants des faubourgs fabriquent
avec des billets de banque pour le seul plaisir
de les voir couler dans la crème fraîche qui
déborde des rigoles. Le billet de banque
d'ailleurs sert couramment de papier-peint,
de bloc-notes, de mouchoir ou même
de papier hygiénique. Personne n'accepte plus
de pièces de monnaie : cela déforme les poches
et alourdit la marche. La fortune est devenue
chose tellement courante que la plupart des
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articles, au lieu d'être vendus, servent de


primes incitant les clients à cesser d'acheter.
Ou bien alors les prix ont augmenté dans
d'incroyables proportions, mais cela ne
rebute personne : parfois une miche de pain
vaut des milliers de francs et la plupart des
gens préfèrent payer le double pour s'offrir
de la brioche. L'Etat, dont les banques et les
réserves débordent d'or, ne réclame plus de
contributions aux particuliers, mais ceux-ci
déversent malgré tout leur trop-plein d'argent
dans les bureaux de perception, trop heureux
de se débarrasser à bon compte de quelques
kilos de billets de banque. La simple ména-
gère se trouve souvent à la tête d'un budget de
plusieurs millions qu'elle doit écouler en un
jour et laisse des centaines de milliers de
francs en échange d'une botte de poireaux ou
d'un kilo de tomates pour ne pas devoir jeter
à la poubelle les liasses inutiles. Des petits
employés se font construire des cités privées
taillées dans l'émeraude ou l'argent massif,
voyagent dans des trains qui leur appartien-
nent, se paient des autostrades particulières
et des balayeurs arrêtent la circulation dans
les rues qu'ils doivent entretenir puis payent
comptant les frais entraînés par la perte de
temps causée.
Les boîtes de conserve les plus banales sont
en or massif imitant le fer-blanc, les verres
taillés dans l'opale ou l'émeraude, les pou-
belles accueillent des tonnes de détritus entre
leurs parois de platine façon duralumin, le
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papier journal est strié de paillettes d'or fin,


les tessons de bouteille sont en réalité des dia-
mants et les objets ménagers les plus courants
ont été ciselés par des orfèvres, puis rehaussés
de pierres précieuses qui éclatent comme
autant de défis à la pauvreté du monde.
Pas de doute, c'est encore mieux que le
temps des cerises. Le tout est de s'y faire, de
l'admettre et de savoir comment en profiter.
Le temps d'y penser, je me retrouve à plat
ventre sur le trottoir. Force m'est de recon-
naître que j'ai trébuché sur un tas de lingots
d'or abandonnés là, à côté des poubelles.
Ebloui, j'essaie de soulever un des lingots. Je
dois renoncer, il est trop lourd pour moi. Je
traverse, j'entre dans un bureau de tabac
pour acheter une boîte d'allumettes, je donne
une pièce de monnaie, on me remet une liasse
de billets de banque pour me remercier
d'avoir franchi le seuil de cet établissement.
Je balbutie des remerciements, non sans pen-
ser qu'à ce prix-là j'aurais pu acquérir un
briquet en or. J'en suis là quand un homme
m'aborde, me demande du feu et me glisse
un chèque dans la main.
— Allez le toucher à ma place, dit-il préci-
pitamment. Il est au porteur et je n'ai pas le
temps de passer à la banque. C'est en face.
Je m'y rends et on m'y remet la somme de
trois millions en me demandant si je n'en
désire pas davantage. Je dis que non, merci
pour ne pas me singulariser et je fais même
remarquer à l'employé qu'il m'a remis une
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liasse de billets qui semblent avoir déjà servi.


Il se confond en excuses et me donne en sup-
plément une autre liasse à peine sortie de
presse. Je commence à comprendre et mes
poches commencent à se déformer. Qu'à cela
ne tienne, il est l'heure de prendre un café
et je quitte la banque, après avoir discrète-
ment empoché un fabuleux pourboire que le
portier m'a refilé en douce au passage. A
peine sorti, je suis entraîné dans une impasse
par un inconnu, sous la menace d'un revol-
ver.
— Tiens, me dit-il en me bourrant les
poches de billets de banque. Prends ça. Et
surtout, pas un mot à personne, sinon ton
compte est bon.
Le compte est bon, de toute façon : il y en
a pour une dizaine de millions. Cela ne serait
rien, si une vieille dame ne s'accrochait pas
soudain à moi en me suppliant de devenir son
légataire universel, cela pour mourir une se-
conde plus tard, renversée par un autobus.
— Voici votre dû, me dit un notaire pro-
bablement attaché aux pas de la vieille dame.
Je fais le compte, une fois de plus, mais j'y
renonce bientôt. Il y en a trop. Et mon com-
plet se déforme de plus en plus. Je finirai par
me faire remarquer dans ce monde où tout
le monde a les poches vides puisque les
balayeurs poussent des brassées de chèques et
de billets usagés dans les rigoles. Autant ache-
ter une valise sans plus tarder . Aussitôt
pensé, aussitôt décidé. J'en choisis une de
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taille modeste, mais on me donne, en prime,


une telle somme d'argent que je suis obligé
de la changer contre une valise beaucoup plus
grande. Mais c'est en vain que j'essaie de la
soulever. Au point où en sont les choses, je
ferais bien d'acquérir une grue d'apparte-
ment.
— C'est lourd, l'argent, dis-je.
— Vous préférez peut-être des billets ? me
fait-on remarquer.
En effet, à tout prendre, oui. Et on me
donne sans formalités le double de la somme
en billets de banque. Tout cela me laisse son-
geur. Que se passerait-il si j'avais l'idée de
travailler pendant quelques heures pour le
compte de n'importe quelle firme anonyme ?
Je juge plus prudent de ne pas y penser, non
sans imaginer que je coulerais sans doute à
pic dans un océan bancaire, emporté et
étouffé par des vagues d'or massif.
Je traverse une petite place, évitant les
mendiants qui brandissent des billets de ban-
que pour me racoler. Même lestée de billets,
ma valise pèse. Je décide de me décharger de
quelques liasses en me payant un repas de
gourmet dans le restaurant le plus cher de
la ville, en compagnie d'une jeune femme
dont les tarifs sexuels doivent être, à pre-
mière vue, très au-dessus de mes moyens. Je
m'en tire sans bénéfices, mais sans dépenses.
Le restaurant à trois assiettes et quatre cou-
teaux que j'ai choisi m'offre deux repas avec
les remerciements de la direction et la jeune
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femme m'offre ses faveurs, ses cuisses de


jade, son ventre de marbre, son sexe de
mousse et ses fesses de velours pour rien, pour
le plaisir et pour du beurre fondu dans lequel
je coule sans plus penser à rien.
Cela suffit comme ça. Allégé de mes désirs,
mais toujours alourdi par le poids de ma
valise, je décide de rentrer en 35. Là au
moins, l'argent me servira, signifiera la puis-
sance, la morgue et la fortune. Le temps
d'acheter une deuxième valise, de la bour-
rer de billets ramassés en hâte dans la pre-
mière poubelle venue, et je me retrouve, une
demi-heure plus tard, de 37 en 35.
Le lendemain, j'achetais une usine de
métallurgie au rabais et un immeuble de rap-
port médiocre qu'un propriétaire acculé à la
faillite fut enchanté de me céder. Le contenu
d'une valise y passa. L'autre valise, je la
laissai dans un coin. Le soir même, pour la
première fois de ma vie, je m'intéressai aux
cours de la bourse. Ce que j'y lus m'inquiéta :
les métaux n'allaient pas fort et on annonçait
une baisse spectaculaire dans les semaines à
venir. Je n'hésitai pas longtemps. Je chan-
geai mon immeuble contre un dépôt de laine
et je décidai de transformer mon usine de
métallurgie en filature. Renversement qui
entraîna certains frais car depuis longtemps
déjà l'usine fabriquait des boulons. Mais du
métal à la laine, il n'y avait qu'un pas et,
après quelques semaines de recherches, les
techniciens réussissaient, par trysmose et
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Cette planète habitée nous est familière :


c'est la nôtre. La Terre, notre patrie, ce
gigantesque bureau. Habitant : l'employé.
Ce roman torrent est, en effet, le retour
— ou la revanche — de l'Employé.
Celui-là même qui décrocha, en 1961, le
Grand Prix de l'Humour noir.
Le noir a viré au cosmique et voilà l'em-
ployé jeté aux quatre vents de la grande
épopée bureaucratique : secrétaire de
Dieu, bourreau des cuisses, bagnard dans
les caves d'une entreprise, proconsul de
direction, superman de chambre, cinéaste
de choc, messie à l'essai, emballeur
d'élite dans l'Ouest, pornographe fiscal,
et ainsi de suite jusqu'à la fin de son
temps. Cet éblouissant délire logique est
le meilleur livre de Jacques Sternberg.
Ce n'est pas peu dire.
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès
par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement
sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012
relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.
Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire
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de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

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‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒
dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

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