La Nouvelle Médina de Casablanca. Le Derb Carlotti (Article) - Jean-Louis Miège, Les Cahiers d'Outre-Mer Année 1953 6-23
La Nouvelle Médina de Casablanca. Le Derb Carlotti (Article) - Jean-Louis Miège, Les Cahiers d'Outre-Mer Année 1953 6-23
La Nouvelle Médina de Casablanca. Le Derb Carlotti (Article) - Jean-Louis Miège, Les Cahiers d'Outre-Mer Année 1953 6-23
Miège Jean-Louis. La nouvelle Médina de Casablanca. Le derb Carlotti. In: Cahiers d'outre-mer. N° 23 - 6e année, Juillet-
septembre 1953. pp. 244-257;
doi : https://doi.org/10.3406/caoum.1953.1859
https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1953_num_6_23_1859
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256 LES CAHIERS D'OUTRE-MER
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généralement pendant l'été, époque des moissons et morte-saison des
industries urbaines. L'envoi de fonds à la famille restée à la campagne
est fréquent et la correspondance active.
Toutefois, ces liens tendent à se relâcher dans une population d'im¬
migrés déjà stabilisés. Les enfants naissent à la ville, y prennent femme,
se sentent Casablancais. De nouvelles influences aussi s'exercent. Et
point seulement celles, évidentes, de la vie moderne et européenne mais
aussi, plus nettement, celles des milieux anciennement urbanisés : in¬
fluence arabe et bourgeoise des fassis et des vieux Casablancais. Car le
noyau de population formé par ceux-ci est plus important qu'on ne le
dit généralement. Il y a là. un facteur social trop souvent négligé. Casa¬
blanca en 1907 comptait 25.000 Marocains installés souvent depuis long¬
temps dans la ville. En 1912 celle-ci avait déjà une quarantaine de
milliers d'habitants musulmans. Si l'on ajoute à ce chiffre ceux qui
vinrent ultérieurement des autres villes on s'aperçoit que le groupe
des vieux citadins est relativement considérable et a, du moins dans
les quartiers assez anciens comme le derb Carlotti, servi d'encadrement
à la population rurale appelée ensuite dans la ville.
Les ouvriers issus d'un milieu rural traditionnel, le plus souvent
berbère, sont soumis non seulement aux sollicitations d'une société
moderne agissant par l'école, le cinéma, l'usine et l'exemple, mais
aussi aux influences d'une bourgeoisie arabisée qui agit par son pres¬
tige, ses écoles traditionnelles, son emprise économique. Et aussi par
ses journaux et ses sociétés sportives, notamment ses équipes de foot¬
ball qui tend à devenir le grand sport marocain. C'est cette bourgeoi¬
sie qui répand le nationalisme; nationalisme d'aspect religieux s'incar-
nant dans la vénération portée au sultan, chef des croyants. La fré¬
quence de ses portraits dans les lieux publics et dans les logis des ou¬
vriers en porte témoignage.
Certes, la plupart des ouvriers demeurent entièrement absorbés par
les difficultés de leur vie quotidienne. Les liens avec la campagne, le
sentiment, malgré tout, d'une certaine amélioration de leur sort con¬
tribuent aussi à éviter toute conscience de crise. Contrairement à ce
que l'on pourrait croire, ce n'est pas chez les nouveaux urbanisés que
les problèmes apparaissent; mais chez ceux ayant atteint un certain
degré de stabilisation, lorsque se détendent les liens traditionnels et que
deviennent sensibles d'autres lignes de force.
L'école est le grand ferment. Elle fait naître l'inquiétude; et par
elle souvent cette crise de civilisation se double d'une crise sociale.
Combien de fils d'ouvriers, de petits commerçants devenus « savants »
se sentent doublement étrangers à leur milieu traditionnaliste et mo¬
deste. Que de drames les conversations avec nos élèves musulmans nous
révèlent. Un double choc affectif rythme leurs journées : la sortie du
derb vers l'école, de l'école vers la famille. Une conscience de plus en
LA NOUVELLE MÉDINA DE CASABLANCA 2 57
plus aiguë d'être étrangers à l'un et l'autre de ces milieux les saisit
à un âge où tout problème prend un caractère d'absolu. Peut-être serait-
il exagéré de parler de « métis intellectuels »; mais le mot, trop fort,
n'en éclaire pas moins le problème.
Or, il faut le dire, la plupart des Européens ignorent tout de ces
crises, vivent, indifférents aux côtés de ces masses de nouveaux cita¬
dins, sans songer que ceux-ci sont différents et des fellahs et des anciens
bourgeois des vieilles villes. Pendant toute notre enquête il ne nous a
pas été donné de rencontrer un seul Européen hasardé dans le quartier.
N'y habitent que 4 Français, un boucher qui, installé depuis 26 ans,
avoue n'avoir jamais eu de fréquentation avec la population musul¬
mane, un hôtelier, un cafetier, le directeur du cinéma, sur la route de
Médiouna, c'est-à-dire en marge du derb et ne participant nullement
à sa vie. Les deux milieux se touchent mais vivent étrangers l'un à
l'autre. Il n'existe qu'un ménage mixte, rue Opitz. Le mari est agri¬
culteur, la femme ouvrière dans une imprimerie. Mais le ménage n'en¬
tretient aucun rapport avec ses voisins, ne pratique aucune religion, vit
replié sur lui-même en marge des deux groupes.
L'administration du quartier accentue cet isolement. Les habitants
ne connaissent que le moqadem indigène, employé du khalifat d'arron¬
dissement auquel le contrôleur civil s'en remet pour toutes les questions
de détail.
Dans ce grand isolement, les nouveaux citadins, une fois relâchés
les liens tribaux, sont livrés aux influences contraires de leur patri¬
moine campagnard, des traditions urbaines arabes et de ce qu'ils peu¬
vent deviner de la vie européenne moderne.
Parmi les difficultés de l'existence quotidienne, aggravées par des
problèmes de classe et d'évolution sociale, au milieu des joies et des
peines domestiques, ainsi tiraillés, ils élaborent obscurément une civili¬
sation nouvelle.
Jean-Louis MIÈGE.