Le Financement de L'enseignement Supérieur Au Cameroun: Hilaire de Prince Pokam
Le Financement de L'enseignement Supérieur Au Cameroun: Hilaire de Prince Pokam
Le Financement de L'enseignement Supérieur Au Cameroun: Hilaire de Prince Pokam
S’il est un défi majeur auquel se trouve confronté l’enseignement supérieur au début
de ce XXIe siècle en Afrique en général et au Cameroun en particulier, c’est bien
celui de sa survie sur les plans de la culture, de l’économie et de la gestion1. Comme
l’écrit William S. Saint, « à des degrés divers, on considère généralement que les
principaux problèmes de l’enseignement supérieur en Afrique sont la qualité, l’utilité
pratique, le financement, l’efficacité, l’équité et la gestion » (Saint 1993:6). Pourtant,
la nécessité d’atteindre les objectifs assignés à l’enseignement supérieur implique
la mise en œuvre de stratégies efficientes. Or au Cameroun, le financement et la
gestion de l’enseignement supérieur public relèvent presque entièrement de l’État.
Malheureusement, depuis plusieurs décennies, ce secteur éducatif est confronté à
une crise profonde dont l’origine se situe, entre autres, dans le déséquilibre croissant
entre les besoins nécessaires pour assurer un enseignement de qualité et les ressources
disponibles. Les budgets des universités ne suffisent pas à couvrir leur fonctionnement.
Une des raisons des crises financières réside dans le fait que l’aide diminue, et la
recherche d’un financement suffisant constitue une quête constante de la plupart
des institutions publiques. Le gouvernement a été contraint par la Banque mondiale
de revoir ses recettes et ses dépenses lorsqu’elle lui a imposé les plans d’ajustement
structurel. En outre, les institutions privées dont la création est autorisée depuis
1993, date de la réforme universitaire2, ne sont pas mieux loties, d’autant que la
situation économique actuelle de l’État n’est pas de nature à laisser espérer une aide
quelconque de sa part. Pourtant, pour la plupart des établissements d’enseignement
supérieur, les objectifs financiers sont clairs : disposer de fonds suffisants pour
mettre au point l’infrastructure académique indispensable à l’accueil d’un nombre
106 L’enseignement supérieur au Cameroun depuis la réforme de 1993
d’entre eux ont leurs soins de beauté financés par plusieurs membres de la famille.
S’agissant des loisirs, 3 pour cent des étudiants sont financés par un autre membre de
la famille et 4,8 pour cent par plusieurs membres de la famille.
Quant aux étudiants eux-mêmes, 4,6 pour cent affirment que leurs études sont
financées par leur propre salaire mensuel et 12,3 pour cent par leur travail de vacances.
Plusieurs d’entre eux financent diverses charges par leur salaire mensuel ou le travail
de vacances : frais de scolarité 6,1 pour cent, logement 6,5 pour cent, alimentation
8,3 pour cent, achat de leurs documents 16,1 pour cent, transport 17,2 pour cent,
habillement 29,1 pour cent, soins de beauté 32,7 pour cent, loisirs 33,8 pour cent.
En dehors des frais de scolarité, les contributions provenant des salaires mensuels
des étudiants sont inférieures à 1 pour cent pour les autres charges.
Le tableau ci-dessous indique de manière plus détaillée ces différentes sources de
financement et la nature des charges.
Tableau 5.1 : Répartition de la participation des familles et des étudiants au
financement de l’université à l’Université de Dschang et de Douala en 2009-2010
Personnes assurant la prise en charge
Nature des charges Parents Autre membre Plusieurs membres L’intéressé
% de la famille % de la famille % %
Frais de scolarité 55,2 6,5 9,9 6,1
Logement 55 6,8 6,8 6,5
Alimentation 53,3 5 10,8 8,3
Achat de documents 47,2 5,1 9,2 16,1
Transport 44,9 4,8 7,9 17,2
Habillement 31,7 4,4 8,8 29,1
Soins de beauté 25,3 3 5,6 32,7
Loisirs 23,6 3 4,8 33,8
Dans l’ensemble, après l’État, les familles et les étudiants constituent des acteurs
précieux dans le financement de l’enseignement supérieur, comme le démontre ce
tableau. Leur contribution était de 32 pour cent entre 1999 et 2005 (Brossard et
Foko 2007:48). Elle est assez élevée, comparée à celle des autres pays d’Afrique
francophone dont les données sont disponibles (Brossard et Foko 2007 : 48). Les
droits d’inscription constituent à côté des subventions de l’État la seconde source
de financement des universités publiques. En 2007 par exemple, ils constituaient
35 pour cent du budget de l’Université de Buéa (University of Buéa Strategic Plan:7).
Les recettes estudiantines sont très importantes, car non seulement elles constituent
plus de 90 pour cent de toutes les recettes des universités, mais elles présentent
une courbe évolutive ascendante et leurs réalisations sont les plus constantes. Cela
reflète la croissance de la population estudiantine et les efforts faits par les autorités
compétentes pour recouvrer les recettes y afférentes. De ce fait, elles constituent la
110 L’enseignement supérieur au Cameroun depuis la réforme de 1993
source de financement la plus sûre pour des universités comme celle de Dschang
(Mboh2003:19). Cependant, le paiement des frais de scolarité par les étudiants ne
se fait pas toujours de gaieté de cœur. Déjà en 1991, des grèves ont eu lieu dans
l’unique Université de Yaoundé pour contester l’idée de paiement et en 2005, la
grève quasi générale qui a ébranlé toutes les institutions publiques durant le second
semestre, portait également sur l’annulation de ces frais de scolarité5.
• Les institutions universitaires
Les établissements publics mobilisent des ressources propres, complémentaires
aux ressources publiques, notamment en offrant des formations supérieures
professionnelles attractives, des formations continues, et en réalisant des activités
génératrices de revenus et des investissements.
coûte un million de FCFA par an. À l’Université de Yaoundé II, à la Faculté des
sciences juridiques et politiques, le DESS de droit des affaires internationales et
fiscalité coûte 700 000 FCFA. Le DESS/master en stratégie, défense, sécurité,
gestion des conflits et des catastrophes, coûte 750 000 FCFA pour les Camerounais
et ressortissants de la CEMAC et 1 million de FCFA pour les autres. Le DESS/
master en droit de la propriété intellectuelle, coûte 800 000 FCFA. À la faculté des
sciences économiques de la même université, le DESS en économie des transports
et logistique des échanges coûte 750 000 FCFA.
Cette professionnalisation des enseignements est devenue l’une des
préoccupations du ministère de l’Enseignement supérieur, à travers la création et
la consolidation des filières professionnelles dans les facultés, avec pour objectif
stratégique : au moins une filière professionnelle par faculté à l’horizon 2005 et
par département à l’horizon 2010 (Rapport sur le développement de l’enseignement
supérieur au Cameroun 2004:12). Cependant, en ce qui concerne le montant
des formations professionnelles, il existe un vide juridique. L’arrêté du ministre
de l’Enseignement supérieur de 2006 fixant les conditions de création, le régime
des études et des évaluations de la licence professionnelle dans les établissements
d’enseignement supérieur au Cameroun est resté muet sur ce point, ce vide permet
à chaque établissement de fixer ce montant à sa guise, ce qui ne manque pas de faire
planer sur les esprits la crainte de l’arbitraire dans la fixation de ces frais.
Les données du tableau ci-dessus indiquent une régression relative des prévisions
allouées à l’enseignement supérieur si l’on s’en tient au pourcentage du budget par
rapport au budget global depuis la réforme. Car en dehors des deux premières années,
ce budget n’a jamais atteint 2 pour cent du budget de l’État, ce qui suggère que le
financement de l’enseignement supérieur ne constitue pas vraiment une priorité
de l’État, surtout si l’on tient compte de l’évolution des allocations dans d’autres
secteurs d’activité couverts par le budget de l’État ou dans les pays de la sous-région
Afrique centrale. Le document de synthèse de la stratégie sectorielle, qui tient
aussi bien compte de l’éducation de base et du secondaire que de l’enseignement
supérieur, fait le même constat. On peut y lire ce qui suit : « au cours de l’année
de base (2002), les recettes de l’État représentent 17,9 pour cent du PIB, et les
dépenses courantes pour le secteur, 15,8 pour cent de celles-ci, soit un montant
de 214 milliards de FCFA, ce qui équivaut à 2,8 pour cent du PIB. Ce chiffre est
sensiblement inférieur à la moyenne régionale (3,3 pour cent) » (Abe 2007:15).
La dépense publique unitaire dans l’enseignement supérieur a donc baissé
au Cameroun. Car il existe une tendance à la baisse de la dépense unitaire en
pourcentage du PIB par habitant. Entre 1990 et 2003 par exemple, celle-ci a baissé
d’environ 30 pour cent (Brossard & Foko 2007:23). Cela est dû à des améliorations
de gestion, par exemple la réduction des dépenses sociales (gel de l’environnement
des bourses, privatisation de la restauration, fin de la gratuité des transports) et
promotion du secteur privé. En réduisant les subventions, l’État encourage les
établissements à chercher d’autres sources de revenus, notamment en augmentant
les frais de scolarité, surtout en ce qui concerne les formations professionnalisantes.
Le tableau ci-dessous permet de situer le montant du budget du ministère de
l’Enseignement supérieur par rapport aux autres ministères de 2007 à 2011.
Tableau 5.3 : Répartition du budget de l’État par ministère de 2007 à 2011.
114
Année budgétaire
Ministères 2007 2008 2009 2010 2011
Relations extérieures 24 270 000 000 24 284 000 000 25 760 000 000 28 784 000 000 22 071 000 000
Administration territoriale 33 316 000 000 27 337 000 000 30 124 000 000 35 992 000 000 29 622 000 000
Justice 16 343 000 000 23 089 000 000 24 499 000 000 26 329 000 000 15 570 000 000
Défense 142 198 000 000 155 203 000 000 162 085 000 000 175 355 000 000 163 963 000 000
Culture 4 569 000 000 4 569 000 000 4 687 102 000 5 252 000 000 3 296 000 000
Éducation de base 121 929 000 000 113 368 000 000 153 102 000 000 167 728 000 000 142 078 000 000
Sport et éducation physique 9 387 000 000 15 398 000 000 14 409 000 000 17 923 000 000 8 674 000 000
Communication 5 951 000 000 6 012 000 000 6 568 000 000 7 376 000 000 5 702 000 000
Enseignement supérieur 34 990 000 000 36 474 000 000 39 433 000 000 43 711 000 000 32 265 000 000
Recherche scientifique 10 447 000 000 11 855 000 000 12 586 000 000 13 157 000 000 7 825 000 000
Économie et finances 61 564 000 000 48 863 000 000 52 027 000 000 53 371 000 000 44 184 000 000
Commerce 4 207 000 000 4 078 000 000 4 240 000 000 5 405 000 000 4 277 000 000
Planification, Prof. du Dév et A.T 14 415 000 000 29 117 000 000 27 594 000 000 23 216 000 000 21 806 000 000
Tourisme 4 052 000 000 4 097 000 000 4 264 000 000 4 340 000 000 3 255 000 000
Enseignements secondaires 166 724 000 000 168 156 000 000 204 507 000 000 208 624 000 000 182 155 000 000
Jeunesse 6 112 000 000 7 161 000 000 8 501 000 000 7 820 000 000 8 136 000 000
Environnement et protec. de la nat 2 995 000 000 3 583 000 000 5 200 000 000 5 806 000 000 4 729 000 000
Industrie, mines 4 170 000 000 4 086 000 000 4 799 000 000 6 801 000 000 4 441 000 000
Agriculture et dév. rural 40 129 000 000 39 766 000 000 55 752 000 000 60 342 000 000 71 424 000 000
Élevage, pêche 10 041 000 000 9 481 000 000 15 684 000 000 20 488 000 000 20 988 000 000
Énergie et eau 18 444 000 000 18 233 000 000 18 202 000 000 44 614 000 000 92 415 000 000
Forêts et faune 13 155 000 000 15 051 000 000 20 778 000 000 17 547 000 000 20 915 000 000
Emploi et formation prof. 5 989 000 000 5 889 000 000 5 728 000 000 6 081 000 000 5 174 000 000
Travaux publics 133 609 000 000 139 506 000 000 165 985 000 000 182 282 000 000 207 000 000
Domaines et affaires foncières 10 378 000 000 10 292 000 000 10 298 000 000 15 176 000 000
Développement urbain et habitat 57 524 000 000 40 776 000 000 56 968 000 000 51 038 000 000 45 559 000 000
Petites et moy. ens. 4 415 000 000 4 406 000 000 5 989 000 000 7 222 000 000 6 238 000 000
Santé publique 105 266 000 000 87 629 000 000 113 330 000 000 123 701 000 000 151 810 000 000
3 472 000 0004
Travail et sécurité sociale 4 152 000 000 4 060 000 000 4 119 000 000 4 322 000 000
329 000 000
Affaires sociales 6 158 000 000 5 919 000 000 7 442 000 000 7 589 000 000 4 329 000 000
Promotion de la fem. et de le fam. 5 415 000 000 5 403 000 000 5 903 000 000 5 728 000 000 3 611 000 000
Postes et télécom 10 991 000 000 11 208 000 000 12 016 000 000 12 641 000 000 10 018 000 000
Transports 8 080 000 000 13 365 000 000 15 167 000 000 11 758 000 000 10 469 000 000
L’enseignement supérieur au Cameroun depuis la réforme de 1993
Fonction publique et réforme adm 12 028 000 000 11 583 000 000 12 513 000 000 12 660 000 000 11 005 000 000
Pokam : Le financement de l’enseignement supérieur au Cameroun 115
type sponsoring sont conclus avec certaines entreprises qui sont de plus en plus
qualifiées de citoyennes parce qu’elles essaient d’atténuer l’esprit de profit qui
caractérise naturellement leurs activités. De tels accords ont permis à l’entreprise
MTN de financer la formation doctorale à l’École supérieure des sciences et
techniques de l’information et de la communication (ESSTIC) de l’Université
de Yaoundé II à hauteur de 4 millions de FCFA. L’entreprise Orange a équipé
des laboratoires et apporté un soutien financier à l’enseignement professionnel
à l’Université de Yaoundé I. L’Autorité aéronautique équipe les laboratoires de
l’Université de Yaoundé I, pour les recherches relevant de son domaine d’action.
Plusieurs entreprises sponsorisent également les jeux universitaires.
De 1998 à 2001, les Brasseries du Cameroun ont offert de la boisson aux
athlètes. De 2002 à 2011, MTM a offert des tee-shirts aux finalistes et officiels,
des cordes, des badges, trophées, médailles et maillots lors des finales. MTN a
même construit le stade de basket de l’Université de Dschang pour les jeux qu’elle
a organisés.
Au Cameroun, les membres de la communauté ont coutume de contribuer
volontairement à l’éducation en espèce ou en nature. Ces contributions peuvent
être motivées par des considérations philanthropiques ou d’intérêt personnel tel
qu’un statut dans la société, les gains politiques escomptés, le gain d’un emploi
pour soi ou pour un proche, etc. Ainsi, certaines institutions publiques reçoivent
de temps en temps des dons. Des terrains pour la construction des campus
notamment. La population de Soa a offert à l’État un site de 300 000 hectares
pour la construction de l’Université de Yaoundé II. Celle de Souza a offert aussi
des hectares de terrains à l’Université de Douala, en vue de son extension. Une
élite locale de la ville de Dschang avait offert les premiers bâtiments de l’université
de cette localité. Enfin, un homme d’affaires de la région de l’ouest, Fotso Victor,
avait offert à l’État son collège polyvalent, qui est devenu l’Institut Fotso Victor
rattaché à l’Université de Dschang.
faire payer pour que les États aient plus d’argent à dépenser pour l’éducation de
base (Brouillette & Fortin 2004:11).
Cela représente une opportunité pour l’État camerounais qui ne pourra pas
financer l’expansion de l’enseignement supérieur avec les fonds publics, compte
tenu de l’accroissement prévisible de la demande. Le pays devra compter sur les
ménages pour financer à titre privé les frais de scolarité, ainsi que sur l’action
des entrepreneurs privés pour le développement de l’enseignement supérieur
privé. Cependant, la ressource financière constitue une variable importante,
non seulement dans la création, mais surtout dans l’efficacité, la survie et le
développement des institutions privées. Cette situation est préoccupante dans
la mesure où l’État ne leur accorde aucune subvention. Les données officielles
disponibles en provenance du ministère de l’Enseignement supérieur (ainsi
que celles recueillies au cours de nos enquêtes) « indiquent clairement que les
subventions à l’enseignement supérieur privé ne sont généralement pas octroyées »
(Tsafack Nanfosso 2006:110).
Chaque institution privée analysée développe ses propres modes de
financement, tire ses ressources de ses activités propres et trouve ainsi moyen de
diversifier la base financière du système national d’enseignement supérieur. En ce
qui concerne les institutions privées d’enseignement supérieur12, leurs ressources
proviennent également des acteurs internes et externes.
Tableau 5.4 : montant des frais de scolarité et droits divers de certaines institutions privées
Établissement Spécialité Frais de scolarité Logement Restauration
Théologie 180 000 FCFA/semestre
Science de la
700 000 FCFA/an
Université santé 42 000 F
4 000 F
Adventiste Autres 230 000/semestre CFA par
CFA/mois
Cosendai Formation Étudiants : 150 000 FCFA mois
professionnelle Étudiantes : 125 000 FCFA
CISCO Professionnels : 300 000 FCFA
Sciences de la
1 100 000 FCFA 7 000 à
Université des santé
25 000 F
Montagnes Sciences et
550 000 FCFA CFA /mois
technologies
Faculté de 605 000 FCFA/an Ier cycle 600 ou 800
philosophie 715 000 FCFA/an 2e cycle FCFA selon
Université
700 000 FCFA 1er cycle le menu
Catholique faculté de
800 000 FCFA 2e cycle 32 500 F choisi
d’Afrique Théologie
1 million 3e cycle CFA/mois
Centrale
Faculté de
850 000 FCFA 1er cycle
sciences sociales
1 million 2e cycle
et de gestion
PKFokam Undergraduate 2 5 000 000/an 10 000
Institute of
Graduate 3 000 000/an FCFA/mois
Excellence
1er groupe :
Cycle BTS- Camerounais 33 500 FCFA/mois 15 000
DUTS Étrangers : 53 750 FCFA/mois FCFA/mois
2e groupe :
18 000
Licence Camerounais 45 000 FCFA/mois FCFA/mois
professionnelle Étrangers : 65 000 FCFA/mois 3e groupe :
Groupe Cycle capacité Camerounais 15 000 FCFA/mois 20 000 F 150 et 300
en droit Étrangers : 20 000 FCFA/mois CFA /mois FCFA selon
Ndi-Samba 4e groupe : le menu
Formation Camerounais 35 500 FCFA/mois 26 000 choisi
DSEP
Étrangers : 53 750 FCFA/mois FCFA/mois
5e groupe :
Licence 30 000
de lettres Camerounais 45 000 FCFA/mois FCFA/mois
modernes Étrangers : 65 000 FCFA/mois 6e groupe :
anglaises 36 000
FCFA/mois
Pokam : Le financement de l’enseignement supérieur au Cameroun 121
Tableau 5.5 : Statistique des résultats au BTS à l’Institut Siantou supérieur en 2006
Nombre de can-
Nombre d’admis Taux d’admission
didats présentés
A Sian- A Sian- à l’éche- à Siantou
Filières A l’éche- A l’éche- A Siantou supérieur
tou tou lon
lon lon supérieur par rapport
supé- supé- national au résultat
national national %
rieur rieur % national %
Action com-
1 156 877 129 509 82,69 58,04 25,34
merciale
2 Assurance 16 19 14 12 87,50 63,16 116,67
3 Banque 106 350 95 189 89,62 54,00 50,26
Communica-
4 68 157 28 56 41,18 35,67 50
tion d’entreprise
Comptabilité
5 278 1 335 71 349 25,54 26,14 20,34
et gestion
Commerce
6 104 503 56 216 53,85 42,94 25,93
international
7 Électronique 39 163 21 39 53,85 23,93 53,85
Électrotech-
8 35 314 7 42 20 13,38 16,67
nique
Économie
9 sociale et 30 30 19 19 63,33 63,33 100
familiale
Froid et clima-
10 19 49 13 16 68,42 32,65 81,25
tisation
Hôtellerie et
11 22 102 12 48 54,55 47,06 25
restauration
Informatique
12 199 788 143 292 71,86 37,06 48,97
de gestion
13 Journalisme 25 43 20 29 80 67,44 68,97
Maintenance
14 après-vente 37 73 27 42 72,97 57,53 64,29
automobile
Photographie
15 9 9 9 9 100 100 100
et audiovisuel
Secrétariat
16 92 387 38 72 41,30 18,60 52,78
bureautique
Tourisme et
17 14 16 6 6 42,86 37,50 100
loisirs
S/totaux I 1 249 5 215 708 1 945 56,89 37,30 36,40
130 L’enseignement supérieur au Cameroun depuis la réforme de 1993
marché du travail. C’est ce que confirment nos enquêtes selon lesquelles 70 pour
cent des étudiants estiment que le paiement des frais de scolarité les pousse à plus
d’exigence envers leur institution – contre 30 pour cent de l’avis opposé.
des infrastructures, elles sont insuffisantes dans presque toutes les universités. Les
bâtiments, en nombre très faible, sont délabrés, les bibliothèques restent presque
vides, les laboratoires sont insuffisants. Il y a une surpopulation dans les salles de
cours disponibles et les amphithéâtres, les infrastructures sanitaires telles que les
latrines sont parfois inexistantes, le problème d’eau potable se pose parfois.
Les contraintes
Plusieurs contraintes entravent le processus actuel de financement de
l’enseignement supérieur au Cameroun. Il existe un écart entre l’offre de
financement et la demande. L’État n’a pas beaucoup amélioré son action financière
dans le domaine de l’enseignement supérieur, pendant que les autres acteurs
restent limités pour ce qui touche à leurs moyens ou à leurs contributions. C’est
ce qui fait que le financement de l’enseignement supérieur reste très insuffisant.
« Les sommes ne sont pas suffisantes pour couvrir les besoins. Car lors de l’élaboration
du budget, les charges ne sont pas prises en compte », affirme un gestionnaire d’une
université. En outre, le problème de retard dans l’arrivée des fonds se pose dans
le secteur public, comme le décrit le même responsable :
Les fonds arrivent toujours avec des retards, selon les textes, on décaisse les
subventions chaque semestre mais on peut passer des semestres sans être payé, ce
qui pose un problème, surtout que l’université agit avec des partenaires extérieurs
exigeants. On peut faire 6 mois et ce qui arrive est souvent la moitié de la première
tranche. Ce qui signifie qu’on ne peut rien faire. À présent, par exemple, notre
faculté ne fonctionne qu’avec les frais d’inscription des étudiants. [Entretien avec
le DAAF de la FSJP de l’Université de Dschang, op. cit.]
Ces retards compromettent assurément le fonctionnement des institutions. Car
« les subventions ne sont pas régulières et hypothèquent le bon fonctionnement de la
structure » [ibid.] En outre, il existe un écart entre les projections financières et
leur exécution :
Les écarts sont phénoménaux. Quand on programme ce qu’on a à faire et que l’on
ne perçoit rien, ça justifie des arriérés dans les facultés. Les charges sont au-delà de la
dotation budgétaire. Les arriérés prennent tous les aspects du fonctionnement des
établissements. Devant cette situation, nous privilégions les charges académiques
et celles des vacataires. [Ibid.]
Il y a également les indélicatesses observées dans la gestion de la quantité de fonds
mis à la disposition de l’enseignement supérieur public. À l’Université de Douala
par exemple, Ebé Macaire, intendant principal de cette institution, accusé de
détournement et placé en dépôt en 2010, s’est suicidé en 2011. La corruption
est un fléau qui gangrène les structures de l’État, y compris l’enseignement
supérieur. En 2010, une étude effectuée par le programme de renforcement des
capacités des structures de contrôle de l’État (CASC), menée dans six régions du
Pokam : Le financement de l’enseignement supérieur au Cameroun 133
pays, établit entre autres, le classement des départements ministériels jugés les
plus corrompus par les Camerounais. C’est ainsi que le ministère des Finances
vient en tête comme étant le ministère où la corruption est pratiquée de manière
systématique et généralisée. La moyenne nationale de ce ministère est de 25 pour
cent. Le ministère de la Justice, qui vient en deuxième position, enregistre
un taux national de 12 pour cent. Viennent ensuite la Délégation générale à
la sûreté nationale (12 %), les travaux publics (9 %) et des ministères comme
l’Enseignement supérieur, la Santé publique, les Transports, etc.
Dans le but de lutter contre ce fléau, le ministre de l’Enseignement supérieur
a installé une Cellule centrale de lutte contre la corruption et de promotion de
l’éthique au sein de l’enseignement supérieur. « Débusquez-la, traquez-la, détruisez-
la exactement comme vous le faites pour les microbes », a martelé Jacques Fame
Ndongo lors de la cérémonie. Il a rappelé à la cellule qu’il restait beaucoup à faire
et a profité de l’occasion pour évoquer les missions de cette unité de lutte contre la
corruption, notamment celle de promouvoir l’éthique et la bonne gouvernance,
et pour proposer toutes les mesures pour venir à bout de ce phénomène. Il a
également exhorté les vice-recteurs, chargés du contrôle interne et de l’évaluation,
et les chefs d’établissement à s’investir personnellement et de manière efficiente.
Conclusion
En définitive, le financement de l’enseignement supérieur au Cameroun est le
résultat de la conjonction des efforts d’une multitude d’acteurs : État, étudiants,
parents, promoteurs privés, institutions locales ou internationales, etc. Cependant,
cette question du financement des institutions d’enseignement supérieur constitue
aujourd’hui encore un thème d’actualité. Car comme dans la plupart des pays
africains, l’enseignement supérieur est confronté à de nombreux défis, alors qu’il
est un vecteur de croissance et de compétitivité des économies, et qu’il contribue
également à la réduction de la pauvreté en formant les populations.
Le système de financement actuel de l’enseignement supérieur, qui repose sur
les subventions de l’État et les contributions d’autres acteurs dans le secteur public,
et sur des initiatives essentiellement privées dans le secteur privé, reste précaire et
constitue l’un des points de faiblesse de ce secteur d’activité au Cameroun19.Étant
donné que l’État est le principal financeur de l’enseignement supérieur public,
qui connaît une expansion remarquable avec la création de nouvelles universités,
et que ses subventions, en net recul, risquent de ne pas perdurer au-delà de 2015,
l’expansion de la carte universitaire rencontre le problème de la viabilité financière
de cet enseignement. Le même problème se pose avec plus d’acuité dans le secteur
privé où les contributions des acteurs ne reposent sur aucun principe de régularité
et surtout sur aucune contrainte.
Du fait de l’augmentation forte de la demande20, une politique du statu quo
(avec le maintien des modes de financement actuels) entraînerait un ajustement
134 L’enseignement supérieur au Cameroun depuis la réforme de 1993
à travers une réduction des ressources tant pédagogiques que financières par
étudiant et une détérioration des conditions d’enseignement (Brossard & Foko
2007:80). L’expérience internationale montre que les pays qui ont engagé des
réformes qui prennent en compte les contraintes évoquées au cours de cette
étude ont enregistré le développement d’un enseignement supérieur de qualité.
Plusieurs leviers peuvent donc être envisagés de façon complémentaire pour bâtir
des politiques soutenables financièrement et réalistes socialement ;les principaux
sont : améliorer la gouvernance financière, promouvoir la diversification des
sources de financement, stimuler les activités génératrices de revenus.
La rentabilisation des ressources par des activités génératrices de revenus en
vue d’assurer l’autofinancement des institutions, la nécessaire participation des
étudiants et de leurs parents au financement de leur formation, l’association
et la concertation de tous les partenaires impliqués dans le financement et la
gouvernance des institutions seront salutaires. Cette implication impose, comme
préalable à toute expérience, une réelle sensibilisation des étudiants à la bonne
gestion des biens de l’État, leur participation à la réflexion, à l’élaboration et à
l’expérimentation des réformes et la nécessaire négociation de toute participation
financière complémentaire demandée aux étudiants. Les parents, en tant que
contribuables, doivent également être impliqués dans tout processus de réforme
des institutions d’enseignement supérieur. La réflexion doit être menée avec eux
afin qu’ils soient sensibilisés à la nécessité de l’augmentation de leur contribution
au financement de l’université et aux conséquences heureuses qui en découleront
pour le mieux-être de leurs enfants.
La coopération internationale semble la voie la plus indiquée pour le
financement de l’enseignement supérieur au Cameroun. Elle est d’ailleurs
encouragée par le ministère de l’Enseignement supérieur. Il est donc indispensable
d’élaborer une méthode adéquate pour la recherche de financement auprès des
agences internationales et de prévoir un système qui assurera le maintien des
activités lorsque le financement international arrivera à son terme. En outre,
l’amélioration de la pertinence de l’offre de formation favorisera, à travers le
développement de filières technologiques et professionnelles mieux adaptées au
contexte national, la mobilisation d’importantes ressources financières.
Les universités doivent mettre l’accent sur les ressources propres générées par
elles-mêmes en sus des subventions de l’État, des droits universitaires et des fonds
issus des accords de coopération, afin d’atteindre l’objectif d’autofinancement de
l’horizon 2015.
Cette réforme du système de financement doit s’accompagner d’une
promotion de l’équité : d’abord au nom de la justice, puisqu’il convient qu’une
telle réforme n’interdise pas aux plus pauvres de suivre des cycles d’enseignement
longs quand ils en ont la capacité ; ensuite au nom de l’efficacité, parce que la non
prise en compte de l’équité voue toute réforme du financement de l’éducation
Pokam : Le financement de l’enseignement supérieur au Cameroun 135
Notes
1. « Modes de financement et de gestion des institutions d’enseignement supérieur en
Afrique », site internet : www2.aau.org/studyprogram/notpub/GAYIBOR2.pdf, consulté
le 6 octobre 2011.
2. Il existe actuellement au Cameroun 110 établissements d’enseignement supérieur
privé, selon le ministre de l’Enseignement supérieur, Africa 24 le 3 octobre 2011.
3 Elle propose à cet effet une série de moyens : encourager la privatisation, faire partager
les frais par les étudiants, établir des partenariats avec les entreprises dans le domaine
de la recherche et de l’enseignement, rechercher les dons privés et commercialiser des
espaces, des équipements et des produits de la recherche et de l’enseignement.
4. Le questionnaire a été administré à 1 000 étudiants (500 par université) choisis dans
tous les établissements des Universités de Dschang et de Douala, proportionnellement
à l’effectif total, par sexe et par niveau, des étudiants inscrits dans chaque faculté, et
en tenant compte de leur statut à l’université au cours de l’année académique 2009-
2010.
5. Au-delà de l’annulation des frais de scolarité et de l’élection des recteurs, les revendications
des étudiants portaient sur divers motifs, notamment l’inexistence des toilettes, l’absence
de tableaux et de craie dans les amphithéâtres, l’exiguïté des amphithéâtres existants, la
rareté des chambres d’étudiants, etc.
6. Dans un de ses rapports, il est écrit que « les réformes du financement passent également
par une dévolution importante du contrôle de l’État dans les questions qui touchent les
charges institutionnelles et les incitations afin que les institutions soient en mesure de
s’engager dans des activités d’économie des coûts et dans des activités rémunératrices »,
Banque mondiale, Construire les sociétés du savoir. Nouveaux défis pour l’enseignement
supérieur, Laval, Les Presses de l’université de Laval, 2003, p. 165.
7. Le groupe d’initiative économique de l’Université de Dschang (GIE-UDS) : un
exemple de dynamique durable entre développement – innovation – entrepreneuriat
universitaire, 2e séminaire atelier de restitution « Les histoires à succès de la
gouvernance universitaire en Afrique », Université de Yaoundé II, Université de Buea,
Cameroun. Présenté par Anaclet Fomethe et Martin Tchamba, 2010, p. 29.
8. Pour plus de détails, voir Évaluation de l’enseignement supérieur, p. 161-162.
9. Recueil des fiches de coopération, ministère de l’Enseignement supérieur, Yaoundé,
juin 2007, p. 48.
10. Ibid p. 122.
11. Sup Infos, n° 3, janvier-février-mars 2001, p. 15.
12. Certaines institutions internationales ne sont pas prises en compte dans cette étude
parce qu’elles ne figurent pas parmi les « institutions privées d’enseignement supérieur
136 L’enseignement supérieur au Cameroun depuis la réforme de 1993
Bibliographie
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Pokam : Le financement de l’enseignement supérieur au Cameroun 137