FS New Technologies FRA
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FS New Technologies FRA
juillet 2023
Cette fiche ne lie pas la Cour et n’est pas exhaustive
Nouvelles technologies
Adresses IP
Benedik c. Slovénie
24 avril 2018
Cette affaire portait sur le fait que la police slovène ne s’était pas procuré de décision de
justice aux fins de la consultation de données sur un abonné associées à une adresse IP
dynamique que les autorités de police suisses avaient enregistrée lors de la surveillance
des utilisateurs d’un réseau de partage de fichiers. L’accès à ces données permit
d’identifier le requérant, qui sur ce réseau avait partagé des fichiers, notamment des
images pédopornographiques.
La Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation de l’article 8 (droit
au respect de la vie privée) de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a
jugé en particulier que l’utilisation par la police d’une certaine disposition juridique pour
obtenir les données sur l’abonné associées à l’adresse IP dynamique n’avait pas satisfait
à la norme de la Convention selon laquelle l’ingérence doit être « prévue par la loi ». La
disposition en question manquait de clarté, n’offrait pratiquement aucune protection
contre l’ingérence arbitraire, ne prévoyait pas de garanties contre l’abus ni de
surveillance indépendante des pouvoirs de police en jeu.
Requête pendante
Le Marrec c. France (requête n° 52319/22)
Requête communiquée au gouvernement français le 7 mars 2023
Dans le cadre d’un traitement des données de connexion du requérant, qui était
bénéficiaire d’une allocation de solidarité sociale, l’organisme gestionnaire (Caisse
d’allocations familiales) détecta que ce dernier avait soumis une déclaration trimestrielle
des ressources depuis une adresse IP située à l’étranger. Un contrôle de sa situation
fut alors entrepris et, à l’issue de celui-ci, le bénéfice de l’allocation lui fut retiré,
avec effet rétroactif. L’intéressé se plaint du traitement de ses données de connexion
(notamment la géolocalisation de son adresse IP), qu’il estime n’avoir pas été entouré
de garanties légales suffisantes, ainsi que de l’absence de réponse des tribunaux
nationaux à son grief selon lequel le traitement de ses données de connexion était
attentatoire à sa vie privée.
La Cour a communiqué la requête au gouvernement français et posé des questions
aux parties sous l’angle de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) ainsi que de
l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention.
Antennes paraboliques
Khurshid Mustafa et Tarzibachi c. Suède
16 décembre 2008
Cette affaire portait sur une décision judiciaire de ne pas prolonger un bail privé
en raison du refus des locataires, un couple marié d’origine irakienne ayant trois enfants
mineurs, de retirer une antenne parabolique destinée à capter les émissions de télévision
de leur pays d’origine. Le propriétaire proposa aux requérants de rester s’ils acceptaient
Fiche thématique – Nouvelles technologies
Applications mobiles
Magyar Kétfarkú Kutya Párt c. Hongrie
20 janvier 2020 (Grande Chambre)
Cette affaire portait sur une application mobile qu’un parti politique avait mise à la
disposition des électeurs pour leur permettre, dans le cadre d’un référendum sur
l’immigration organisé en 2016, de prendre, publier et commenter anonymement une
photographie de leur bulletin de vote nul. Le parti requérant se plaignait d’une violation
de ses droits garantis par l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention.
La Grande Chambre a jugé en particulier que la disposition de la loi électorale interne sur
laquelle les autorités s’étaient appuyées pour conclure à une violation du principe de
l’exercice des droits conformément à leur but n’avait pas permis au parti requérant de
prévoir qu’il pourrait être sanctionné pour la mise à disposition de pareille application,
qui relève de l’exercice de la liberté d’expression. Compte tenu de l’incertitude
considérable qui entourait les effets potentiels de la disposition légale litigieuse appliquée
par les autorités internes, elle a conclu que la restriction en cause n’était pas conforme
aux exigences découlant de la Convention. En outre, les dispositions en question
n’étaient pas formulées avec suffisamment de précision pour exclure tout arbitraire et
permettre au parti requérant de régler sa conduite. Il y avait donc eu violation de
l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention.
Courrier électronique
Copland c. Royaume-Uni
3 avril 2007
La requérante fut engagée par un établissement d’enseignement postscolaire, un organe
établi par la loi et géré par l’État, en qualité d’assistante personnelle du principal.
À partir de fin 1995, elle dut travailler en étroite collaboration avec le principal-adjoint.
Son utilisation du téléphone, du courrier électronique et d’Internet fut surveillée
à l’instigation du principal-adjoint. D’après le gouvernement britannique,
cette surveillance visait à vérifier que la requérante n’abusait pas des installations
professionnelles à des fins personnelles.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et de
la correspondance) de la Convention. Elle a relevé tout d’abord que les appels
téléphoniques passés depuis des locaux professionnels sont de prime abord couverts par
les notions de « vie privée » et de « correspondance ». Il s’ensuit logiquement que
2
Fiche thématique – Nouvelles technologies
3
Fiche thématique – Nouvelles technologies
Helander c. Finlande
10 septembre 2013 (décision sur la recevabilité)
Cette affaire portait sur la plainte d’un détenu, l’administration carcérale ayant refusé de
lui faire suivre un message à caractère juridique que son avocat avait envoyé à l’adresse
électronique officielle de la prison.
La Cour a déclaré la requête irrecevable pour défaut manifeste de fondement, dans
la mesure où l’avocat du requérant avait immédiatement été informé que son courriel
ne serait pas transmis à son client, et que lui-même et son client avaient toujours été en
mesure de communiquer rapidement au moyen du téléphone, de lettres ou de visites
en personne. Par ailleurs, la Cour a reconnu que la législation finlandaise actuelle
ne permet pas de garantir la confidentialité des échanges avocat-client par courriels,
et que l’administration carcérale avait donc une raison sérieuse de ne pas faire suivre
le message.
Sérvulo & Associados - Sociedade de Advogados, RL c. Portugal
3 septembre 2015
Voir ci-dessous, sous « Données électroniques ».
M.P. c. Portugal (n° 27516/14)
7 septembre 2021
L’ex-mari de la requérante avait accédé à des messages électroniques qu’elle avait
échangés sur un site de rencontres et il les avait produits, sans son consentement,
dans le cadre, d’une part, d’une procédure qu’il avait engagée en vue de la répartition
de l’autorité parentale et, d’autre part, d’une procédure de divorce. Le tribunal
aux affaires familiales n’avait finalement pas tenu compte de ces messages.
La requérante se plaignait du fait que les juges n’avaient pas sanctionné son mari pour
les avoir divulgués.
La Cour a conclu à la non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et
de la correspondance) de la Convention, jugeant que l’État portugais s’était acquitté de
l’obligation positive qui lui incombait de garantir les droits de la requérante au respect de
sa vie privée et au secret de sa correspondance. Elle a observé, en particulier, que les
effets de la divulgation des messages litigieux sur la vie privée de la requérante avaient
été limités, ces messages n’ayant été divulgués que dans des procédures civiles dans
le cadre desquels l’accès du public aux dossiers de ce type de procédures était restreint.
La Cour a noté aussi que les messages en question n’avaient pas été examinés
concrètement, le tribunal aux affaires familiales n’ayant finalement pas statué sur le fond
des demandes formulées par le mari. Pour la Cour, les autorités portugaises avaient mis
en balance les intérêts en jeu en respectant les critères établis dans sa jurisprudence.
En outre, dès lors que la requérante avait renoncé à toute prétention civile dans le cadre
de la procédure pénale, seule restait à trancher la question de la responsabilité pénale
du mari, question sur laquelle la Cour ne saurait statuer.
Données électroniques
S. et Marper c. Royaume-Uni
4 décembre 2008 (Grande Chambre)
Cette affaire portait sur la rétention indéfinie dans une base de donnée des empreintes
digitales et données ADN (échantillons cellulaires et profil ADN 1) des requérants après
que les procédures pénales dirigées contre eux se furent soldées par un acquittement
pour l’un et un classement sans suite pour l’autre.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la
Convention. Elle a considéré notamment que l’usage des techniques scientifiques
modernes dans le système de la justice pénale ne pouvait être autorisé à n’importe quel
1
. Les profils ADN sont des données numériques qui sont stockées sur support électronique dans la base de
données ADN du Royaume-Uni avec des renseignements sur la personne à laquelle ces données se rapportent.
4
Fiche thématique – Nouvelles technologies
prix et sans une mise en balance attentive des avantages pouvant résulter d’un large
recours à ces techniques, d’une part, et des intérêts essentiels s’attachant à la protection
de la vie privée, d’autre part, et que tout État revendiquant un rôle de pionnier dans
l’évolution de nouvelles technologies portait la responsabilité particulière de « trouver le
juste équilibre » en la matière. Elle a conclu que le caractère général et indifférencié du
pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN
des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions mais non condamnées,
tel qu’il avait été appliqué aux requérants en l’espèce, ne traduisait pas un juste
équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu.
B.B. c. France (n° 5335/06), Gardel c. France et M.B. c. France (n° 22115/06)
17 décembre 2009
Cette affaire portait sur l’inscription dans la base de données nationale des délinquants
sexuels de trois hommes reconnus coupables de viol sur mineurs de quinze ans
par personne ayant autorité.
La Cour a conclu à la non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée)
de la Convention. Elle a estimé que la durée de conservation des données (30 ans
au maximum) n’était pas disproportionnée au regard du but poursuivi par
la mémorisation des informations, à savoir la prévention des infractions pénales. Elle a
relevé qu’en outre, la consultation de ces données était exclusivement accessible à
des autorités (tribunaux, police et autorités administratives) astreintes à une obligation
de confidentialité, et dans des circonstances précisément déterminées.
Shimovolos c. Russie 2
21 juin 2011
Cette affaire portait sur l’enregistrement d’un militant des droits de l’homme dans
la « base de données des surveillances », où des informations sur ses déplacements
par train et par avion en Russie avaient été consignées, ainsi que son arrestation
survenue dans ce contexte.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la
Convention. Elle a observé que la création et la mise à jour de la base de données ainsi
que ses modalités de fonctionnement étaient régies par un arrêté ministériel qui n’avait
jamais été publié ni d’une autre manière été rendu accessible au public et a
en conséquence estimé que le droit russe n’indiquait pas avec une clarté suffisante la
portée et le mode d’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré aux autorités internes
pour recueillir et conserver dans la base de données des informations sur la vie privée
de particuliers. Singulièrement, le droit interne ne présentait sous une forme accessible
au public aucune indication des garanties minimales contre les abus. La Cour a conclu
également dans cette affaire à la violation de l’article 5 (droit à la liberté et à
la sûreté) de la Convention.
Mandil c. France, Barreau et autres c. France et Deceuninck c. France
13 décembre 2011 (décisions sur la recevabilité)
Les requérants étaient des « Faucheurs volontaires » qui avaient participé à l’arrachage
de cultures expérimentales de betteraves transgéniques. Le requérant dans la première
affaire se plaignait de sa condamnation pénale pour refus de se soumettre à un
prélèvement biologique en vue de son inscription sur le fichier national automatisé des
empreintes génétiques ; les requérants dans la deuxième affaire estimaient que leur
inscription au fichier national automatisé des empreintes génétiques d’une part, et la
condamnation pénale pour certains d’entre eux pour refus de se soumettre à
un prélèvement biologique d’autre part, avaient constitué une atteinte à leur droit au
respect de la vie privée ; le requérant dans la troisième affaire prétendait notamment
que l’ordre de prélever des cellules renfermant ses données génétiques avait constitué
une atteinte disproportionnée à son intégrité et à sa vie privée.
2
. Le 16 septembre 2022, la Fédération de Russie a cessé d’être Partie à la Convention européenne des droits
de l’homme (« la Convention »).
5
Fiche thématique – Nouvelles technologies
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
Ivashchenko c. Russie 3
13 février 2018
Cette affaire portait sur des copies faites par des douaniers russes des fichiers contenus
dans l’ordinateur portable d’un photographe journaliste et dans d’autres outils
de stockage.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de
la Convention jugeant que, dans l’ensemble, le gouvernement russe n’avait pas
démontré que la législation et la pratique appliquées en l’espèce avaient fourni des
garanties nécessaires contre les abus lorsqu’il s’agit d’appliquer la procédure de
prélèvement d’échantillon douanier à des données électroniques contenues dans un
appareil électronique.
Libert c. France
22 février 2018
Cette affaire portait sur le licenciement d’un employé de la SNCF après que la saisie de
son ordinateur professionnel avait révélé le stockage de fichiers à caractère
pornographique et de fausses attestations réalisées au bénéfice de tiers. Le requérant se
plaignait en particulier du fait que son employeur avait ouvert des fichiers personnels
figurant sur le disque dur de son ordinateur professionnel en dehors de sa présence.
La Cour a conclu à l’absence de violation de l’article 8 (droit au respect de la vie
privée) de la Convention, jugeant que les autorités françaises n’avaient pas excédé la
marge d’appréciation dont elles disposaient en l’espèce. Elle a constaté en particulier que
la consultation des fichiers par l’employeur du requérant répondait à un but légitime de
protection des droits de l’employeur, qui peut légitimement vouloir s’assurer que ses
salariés utilisent les équipements informatiques qu’il met à leur disposition en conformité
avec leurs obligations contractuelles et la réglementation applicable. La Cour a
également observé que le droit français contenait un principe visant à la protection de la
vie privée suivant lequel, si l’employeur pouvait ouvrir les fichiers professionnels, il ne
pouvait subrepticement ouvrir les fichiers identifiés comme étant personnels. Il ne
pouvait procéder à leur ouverture qu’en présence de l’employé. Les juridictions internes
avaient jugé que ce principe ne faisait pas obstacle à ce que l’employeur ouvre les
fichiers litigieux, ceux-ci n’ayant pas été dûment identifiés comme étant privés. Enfin,
la Cour a considéré que les juridictions internes avaient correctement examiné le moyen
du requérant tiré d’une violation de son droit au respect de sa vie privée et estimé que la
décision de ces juridictions s’était fondée sur des motifs pertinents et suffisants.
Catt c. Royaume-Uni
24 janvier 2019
Le requérant, un militant de longue date, se plaignait de la collecte et de la conservation,
dans une base de données de la police relative à l’« extrémisme national », de données
personnelles le concernant.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la
Convention. Elle a jugé en particulier que les informations détenues sur le requérant
révélaient ses opinions politiques et qu’elles nécessitaient de ce fait une protection
particulière. Elle a tenu compte également de l’âge du requérant, qui avait 94 ans, et du
fait qu’il ne s’était jamais rendu coupable d’actes de violence et qu’il était peu probable
qu’il en commette à l’avenir. La Cour a également observé que si la collecte
d’informations sur son compte avait été justifiée, leur conservation ne l’avait pas été,
compte tenu notamment de l’absence de garanties telles que des délais.
Buturugă c. Roumanie
11 février 2020
Cette affaire portait sur des allégations de violence conjugale et de violation du secret de
la correspondance électronique par l’ex-époux de la requérante, qui dénonçait des
défaillances dans le système de protection des victimes de violences de ce type.
3
. Le 16 septembre 2022, la Fédération de Russie a cessé d’être Partie à la Convention.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
de 1994 sur les services de renseignement 4 était dépourvu de base légale, que cet
article ne posait aucune exigence d’autorisation judiciaire, qu’il n’y avait aucune
information publique sur la manière dont il pouvait être utilisé pour autoriser une
ingérence dans les systèmes, et qu’il n’y avait aucune obligation de filtrer les
informations recueillies pour en exclure les données non pertinentes. Ils ajoutaient que
la possibilité de saisir la Commission des pouvoirs d’enquête (Investigatory Powers
Tribunal) ne constituait pas un recours effectif, cette commission ne statuant pas sur les
cas relevant de l’article 7 de la loi en question.
La Cour a déclaré irrecevables les griefs des requérants tirés de l’article 8 (droit au
respect de la vie privée et de la correspondance), de l’article 10 (liberté d’expression) et
de l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, jugeant que, dans les
circonstances de l’espèce, les requérants n’avaient pas donné aux juridictions nationales,
notamment à la Commission des pouvoirs d’enquête, l’occasion que l’article 35
(conditions de recevabilité) de la Convention a pour finalité de ménager en principe aux
États contractants, à savoir celle d’examiner, c’est-à-dire de prévenir ou redresser la
violation au regard de la Convention qui est alléguée contre cet État. La Cour a noté en
particulier les arguments généraux avancés par les requérants, et soulignés aussi dans
les interventions des tierces parties, selon lesquels la surveillance dénoncée était
particulièrement intrusive et qu’il était nécessaire de prévoir des garanties dans ce
domaine. À cet égard, elle a rappelé l’importance d’examiner le respect des principes de
l’article 8 de la Convention lorsque les pouvoirs conférés à l’État sont obscurs, créant un
risque d’arbitraire, surtout lorsque la technologie disponible est de plus en plus
sophistiquée. Toutefois, cette importance renforce, dans le contexte de l’épuisement des
voies de recours internes, la nécessité de donner aux tribunaux nationaux la possibilité
de statuer sur ces questions lorsqu’ils en ont le potentiel.
Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni
25 mai 2021 (Grande Chambre)
Ces requêtes avaient été introduites après les révélations d’Edward Snowden (ancien
agent contractuel de l’Agence nationale de sécurité américaine) sur l’existence de
programmes de surveillance et de partage de renseignements entre les USA et le
Royaume-Uni. Les requérantes, des journalistes et des organisations de défense des
droits de l’homme, se plaignaient de trois régimes de surveillance mis en place au
Royaume-Uni, à savoir 1) l’interception en masse de communications, 2) la réception
d’éléments interceptés obtenus auprès de gouvernements et de services de
renseignement étrangers et 3) l’obtention de données de communication auprès des
fournisseurs de services de communication 5.
La Grande Chambre a conclu : à l’unanimité, qu’il y avait eu violation de l’article 8
(droit au respect de la vie privée et de la correspondance) de la Convention à raison du
régime d’interception en masse ; à l’unanimité, qu’il y avait eu violation de l’article 8
à raison du régime d’obtention de données de communication auprès des fournisseurs de
services de communication ; par douze voix contre cinq, qu’il n’y avait pas eu violation
de l’article 8 à raison du régime britannique de demande d’éléments interceptés auprès
de gouvernements et de services de renseignement étrangers ; à l’unanimité, qu’il y
avait eu violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention à raison tant
du régime d’interception en masse que du régime d’obtention de données de
communication auprès des fournisseurs de services de communication ; et, par douze
voix contre cinq, qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 10 à raison du régime de
4
. L’article 7 de la loi de 1994 sur les services de renseignement (Intelligence Services Act 1994 – « l’ISA »)
permet au ministre d’autoriser quelqu’un à réaliser hors des îles britanniques, sans encourir aucune sanction,
un acte qui serait réprimé par la loi s’il était fait au Royaume-Uni.
5
. À l’époque des faits, le régime d’interception en masse et d’obtention de données de communication auprès
des fournisseurs de services de communication avait pour base légale la loi de 2000 portant réglementation
des pouvoirs d’enquête (Regulation of Investigatory Powers Act 2000). Depuis lors, cette loi a été remplacée
par la loi de 2016 sur les pouvoirs d’enquête (Investigatory Powers Act 2016). Les conclusions auxquelles la
Grande Chambre est parvenue concernent uniquement les dispositions de la loi de 2000, qui formaient le cadre
juridique en vigueur à l’époque des faits litigieux.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
Requêtes pendantes
Association confraternelle de la presse judiciaire c. France et 11 autres
requêtes (nos 49526/15, 49615/15, 49616/15, 49617/15, 49618/15,
49619/15, 49620/15, 49621/15, 55058/15, 55061/15, 59602/15 et
59621/15)
Requêtes communiquées au gouvernement français le 26 avril 2017
Ces requêtes, qui ont été introduites par des avocats et des journalistes, ainsi que
par des personnes morales en lien avec ces professions, portent sur la loi française
n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.
La Cour a communiqué les requêtes au gouvernement français et posé des questions aux
parties sous l’angle des articles 8 (droit au respect de la vie privée et de la
correspondance), 10 (liberté d’expression) et 13 (droit à un recours effectif) de
la Convention.
Requêtes similaires pendantes : Follorou c. France (n° 30635/17) et Johannes c.
France (n° 30636/17), communiquée au gouvernement français le 4 juillet 2017.
A.L. c. France (n° 44715/20) et E.J. c. France (n° 47930/21)
Requêtes communiquées au gouvernement français le 8 décembre 2021
Ces requêtes portent en particulier sur l’infiltration par les autorités françaises du réseau
de communication crypté « EncroChat » et sur la captation des données stockées et
échangées avec les appareils connectés à ce réseau, leur copie et leur analyse.
La Cour a communiqué les requêtes au gouvernement français et posé des questions aux
parties sous l’angle des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable), 8 (droit au respect
de la vie privée et de la correspondance), 13 (droit de recours effectif), 34 (droit de
requête individuelle) et 35 (conditions de recevabilité) de la Convention.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
ordonné de conclure des accords de licence avec deux entreprises de radio et de fixer les
droits de diffusion à un niveau équitable. Elle alléguait notamment que ces décisions
avaient restreint les droits exclusifs des auteurs qu’elle représentait de conclure
librement des accords de licence pour l’utilisation de leurs œuvres musicales.
La Cour a conclu à la non-violation de l’article 1 (protection de la propriété) du
Protocole n° 1 à la Convention et à la non-violation de l’article 6 § 1 (droit à un
procès équitable) de la Convention. Elle a jugé en particulier que les autorités lettones
avaient ménagé un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt public (consistant à ce
que les radios obtiennent une licence leur permettant de diffuser légalement les œuvres
musicales en question, afin que le public y ait accès) et les droits de la requérante
(obtenir une juste rémunération pour l’utilisation d’œuvres musicales). Les décisions de
justice interne révélaient un souci de ménager un équilibre entre les intérêts
concurrents : les juges avaient observé que des œuvres protégées avaient été diffusées
en l’absence de licence valable pendant une longue durée et que cette situation était due
dans une certaine mesure au fait que la requérante n’avait pas su négocier efficacement
avec les entreprises de radio.
Safarov c. Azerbaïdjan
1er septembre 2022
Le requérant, qui était l’auteur d’un livre sur l’histoire de l’Azerbaïdjan, se plaignait d’une
atteinte à la propriété intellectuelle au motif qu’un particulier, sans avoir obtenu son
autorisation et sans lui verser de droits d’auteur, avait reproduit son livre et l’avait publié
sur Internet. La demande qu’il forma au civil fut rejetée, de même que son pourvoi en
cassation. L’intéressé dénonçait un manquement de l’État à son obligation de protéger
ses intérêts en matière de propriété intellectuelle et d’un défaut de motivation des
décisions rendues par les juridictions internes le concernant.
La Cour a conclu à la violation de l’article 1 (protection de la propriété) du
Protocole n° 1 à la Convention dans la présente affaire, jugeant que l’État défendeur
avait manqué à l’obligation positive qui lui incombait en vertu de l’article 1 du
Protocole n° 1 de protéger la propriété intellectuelle notamment par des mesures
de redressement efficaces.
Korotyuk c. Ukraine
19 janvier 2023
Cette affaire portait sur un livre écrit par la requérante – Commentaire scientifique et
pratique de la loi ukrainienne sur les notaires – mis à disposition sans son consentement
en téléchargement payant sur un site en ligne de manuels scolaires. Elle porta plainte à
la police en 2013 et l’enquête était apparemment toujours en cours. Devant la Cour, la
requérante se plaignait de l’absence d’enquête effective sur le téléchargement illégal de
son livre et de l’incapacité de l’État à protéger sa propriété intellectuelle.
La Cour a conclu à la violation de l’article 1 (protection de la propriété) du Protocole
n° 1 à la Convention dans le cas de la requérante. Elle a relevé en particulier que, même
si les litiges portant sur des droits d’auteur étaient en général de nature civile, dans les
circonstances particulières de l’espèce, qui concernait des allégations d’infraction pénale,
l’État défendeur avait l’obligation positive, au titre de l’article 1 du Protocole n° 1, de
mener une enquête pénale effective. À cet égard, la Cour a observé que l’enquête pénale
présentait un certain nombre de lacunes. Elle a jugé qu’il résultait du cumul des
flagrantes et graves lacunes qui avaient caractérisé l’enquête pénale que l’État avait
manqué à ses obligations positives à l’égard des biens de la requérante.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
données ainsi obtenues dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre lui avaient
emporté violation de son droit au respect de sa vie privée.
La Cour a conclu à la non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de
la Convention. Compte tenu du fait que l’enquête pénale avait concerné des crimes très
graves, elle a jugé que la surveillance par GPS du requérant avait été proportionnée au
but poursuivi.
Ben Faiza c. France
8 février 2018
Cette affaire portait sur des mesures de surveillance prises à l’encontre du requérant
dans le cadre d’une enquête pénale portant sur un trafic de stupéfiants. L’intéressé se
plaignait que ces mesures – mise en place d’un dispositif de géolocalisation sur son
véhicule et réquisition à un opérateur de téléphonie pour recueillir les appels entrants et
sortants mais également « bornage » de lignes téléphoniques, permettant de suivre a
posteriori ses déplacements – avaient constitué une ingérence dans sa vie privée.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la
Convention en ce qui concerne la mesure de géolocalisation en temps réel du 3 juin
2010 par apposition d’un récepteur GPS sur le véhicule du requérant, jugeant que, dans
le domaine des mesures de géolocalisation en temps réel, le droit français, écrit et non
écrit, n’indiquait pas, au moment des faits, avec assez de clarté, l’étendue et
les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités. Le requérant n’avait dès
lors pas joui du degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une
société démocratique. La Cour a cependant pris note que par la suite la France s’est
dotée d’un dispositif législatif encadrant le recours à la géolocalisation et renforçant la
protection du droit au respect de la vie privée (loi du 28 mars 2014). La Cour a par
ailleurs conclu à l’absence de violation de l’article 8 concernant la réquisition
judiciaire adressée à un opérateur de téléphonie mobile le 24 juillet 2009 pour obtenir la
liste des bornes déclenchées par la ligne téléphonique du requérant afin de retracer a
posteriori ses déplacements. Elle a relevé à cet égard que la réquisition judiciaire avait
constitué une ingérence dans la vie privée du requérant mais que celle-ci était prévue
par la loi. Visant en outre à permettre la manifestation de la vérité dans le cadre d’une
procédure pénale relative à des faits d’importation de stupéfiants en bande organisée,
d’association de malfaiteurs et de blanchiment, la réquisition judiciaire avait poursuivi un
but légitime, à savoir la défense de l’ordre, la prévention des infractions pénales ainsi
que la protection de la santé publique. La Cour a également estimé que cette mesure
avait été nécessaire dans une société démocratique car elle avait visé à démanteler un
trafic de stupéfiants de grande ampleur. Enfin, les informations obtenues par ce biais
avaient été utilisées dans le cadre d’une enquête et d’un procès pénal au cours duquel le
requérant avait bénéficié d’un contrôle effectif tel que voulu par la prééminence du droit.
Harcèlement en ligne
Volodina c. Russie (n° 2) 6
14 septembre 2021
Cette affaire portait sur les allégations de la requérante selon lesquelles les autorités
russes auraient manqué à la protéger d’actes répétés de harcèlement en ligne.
Elle soutenait, en particulier, que son ancien compagnon aurait utilisé son nom,
ses données personnelles et des photos intimes pour créer de faux profils sur des
réseaux sociaux, qu’il aurait placé un traceur GPS dans son sac à main, qu’il lui aurait
adressé des menaces de mort via les réseaux sociaux et que les autorités n’auraient pas
enquêté de manière efficace sur ces allégations.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la
Convention, jugeant que les autorités russes avaient failli aux obligations qui leur
incombaient au titre de cette disposition de protéger la requérante de graves abus. Elle a
6
. Le 16 septembre 2022, la Fédération de Russie a cessé d’être Partie à la Convention.
16
Fiche thématique – Nouvelles technologies
relevé, en particulier, que, alors qu’elles disposaient des outils juridiques pour poursuivre
le compagnon de la requérante, les autorités n’ont pas enquêté de manière effective et
ne se sont, à aucun stade quelconque, interrogées sur ce qui aurait pu ou aurait dû être
fait pour protéger la requérante du harcèlement en ligne récurrent.
7
. Le 16 septembre 2022, la Fédération de Russie a cessé d’être Partie à la Convention.
17
Fiche thématique – Nouvelles technologies
Internet8
Perrin c. Royaume-Uni
18 octobre 2005 (décision sur la recevabilité)
Cette affaire portait sur la condamnation à 30 mois d’emprisonnement pour publications
obscènes sur Internet d’un ressortissant français établi au Royaume-Uni qui exploitait un
site internet (détenu par une société qui avait son siège aux États-Unis) montrant des
scènes sexuellement explicites.
La Cour a déclaré irrecevable, pour défaut manifeste de fondement, le grief tiré par le
requérant de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention. Elle a jugé en
particulier que la condamnation pénale de l’intéressé avait été nécessaire dans une
société démocratique aux fins de la protection de la morale et/ou des droits d’autrui, et
que la peine infligée n’avait pas été disproportionnée.
Paeffgen GmbH c. Allemagne
18 septembre 2007 (décision sur la recevabilité)
Cette affaire portait sur une action introduite contre la société requérante, qui faisait
du e-commerce, par d’autres sociétés et par des particuliers qui soutenaient que
l’enregistrement et l’utilisation par l’intéressée de différents noms de domaine sur
Internet portaient atteinte à leurs droits à la marque et / ou à leurs droits au nom et
au nom commercial.
La Cour a déclaré irrecevable, pour défaut manifeste de fondement, le grief tiré par le
requérant de l’article 1 (protection de la propriété) du Protocole n° 1 à la Convention.
Elle a jugé que les décisions par lesquelles les juridictions internes avaient ordonné à la
société requérante de retirer les domaines litigieux avaient respecté un juste équilibre
entre la protection des biens de l’intéressée et les exigences de l’intérêt général
(consistant en l’espèce à mettre fin aux violations des droits à la marque de tiers
commises par la société requérante).
K.U. c. Finlande (no 2872/02)
2 décembre 2008
Cette affaire concernait une annonce à caractère sexuel publiée sur un site de rencontres
par internet relativement à un garçon de 12 ans. La législation finlandaise en vigueur au
moment des faits 9 ne permettait pas à la police ni aux tribunaux d’exiger du fournisseur
d’accès à Internet (FAI) qu’il divulgue l’identité de la personne qui avait publié l’annonce,
et le FAI, s’estimant lié par la confidentialité, refusait de communiquer cette information.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la
Convention. Elle a considéré que la publication de l’annonce était un acte de nature
pénale, et qu’il avait désigné un mineur comme cible pour les pédophiles. Elle a estimé
que le législateur aurait dû prévoir un cadre permettant de concilier la confidentialité des
services internet avec la défense de l’ordre, la prévention des infractions pénales et la
protection des droits et libertés d’autrui, en particulier ceux des enfants et des autres
personnes vulnérables.
Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni (nos 1 & 2)
10 mars 2009
La société requérante, propriétaire et éditrice du quotidien The Times, alléguait que la
règle de droit britannique voulant que chaque consultation d’informations diffamatoires
publiées sur Internet puisse donner lieu à une action en diffamation (« la règle relative à
la publication sur Internet ») portait atteinte de manière injustifiée et disproportionnée à
sa liberté d’expression. En décembre 1999, le Times avait publié deux articles
prétendument diffamatoires à l’égard d’un particulier. Ces articles avaient été publiés sur
le site web du Times le jour de leur publication dans la version papier du journal.
8
. Voir également la fiche thématique « Accès à Internet et liberté de communiquer des informations ».
9
. Entre le moment des faits et l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, la loi sur l’exercice de la
liberté d’expression dans les médias avait établi un cadre juridique.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
19
Fiche thématique – Nouvelles technologies
Mosley c. Royaume-Uni
10 mai 2011
Cette affaire portait sur la publication, dans le journal News of the World et sur son site
internet, d’articles, d’images et de séquences vidéo dévoilant en détail les activités
sexuelles de Max Mosley. Le requérant se plaignait que le journal n’ait pas été tenu en
droit interne de le prévenir avant la publication de manière à lui permettre d’intenter une
action en référé.
La Cour a conclu à la non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de
la Convention. Elle a estimé en particulier que la Convention européenne des droits de
l’homme n’exige pas des médias qu’ils avertissent à l’avance les personnes au sujet
desquelles ils entendent publier des informations.
Ahmet Yıldırım c. Turquie
18 décembre 2012
Cette affaire portait sur la décision d’un tribunal de bloquer l’accès à « Google Sites » qui
hébergeait un site internet dont le propriétaire faisait l’objet d’une procédure pénale pour
outrage à la mémoire d’Atatürk. Cette mesure de blocage avait pour effet de verrouiller
également l’accès à tous les autres sites hébergés par le serveur. Le requérant se
plaignait de l’impossibilité d’accéder à son site internet du fait de cette mesure ordonnée
dans le cadre d’une affaire pénale qui n’avait aucun rapport ni avec lui, ni avec son site.
Il voyait dans cette mesure une atteinte à son droit à la liberté de recevoir et
communiquer des informations et des idées.
La Cour a conclu à la violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention.
Elle a estimé que la mesure en cause avait eu des effets arbitraires et que le contrôle
juridictionnel du blocage d’accès n’avait pas réuni les conditions suffisantes pour éviter
les abus.
Ashby Donald et autres c. France
10 janvier 2013
Cette affaire portait sur la condamnation de photographes de mode pour contrefaçon
pour avoir diffusé sans l’autorisation de maisons de haute couture des photographies,
prises par l’un des requérants lors de défilés de mode en 2003, sur le site internet d’une
société dédiée à la mode et gérée par les deux autres requérants.
La Cour a conclu à la non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la
Convention. Dans les circonstances de l’espèce et eu égard à la marge d’appréciation
particulièrement importante dont disposent les autorités internes, la nature et la gravité
des sanctions infligées aux requérants n’étaient pas telles que la Cour puisse conclure
que l’ingérence litigieuse était disproportionnée par rapport au but poursuivi.
Neij et Sunde Kolmisoppi c. Suède
19 février 2013 (décision sur la recevabilité)
Dans cette affaire, deux des cofondateurs de « The Pirate Bay », l’un des plus grands
sites internet au monde permettant l’échange de fichiers torrents, alléguaient que leur
condamnation pour complicité d’infraction à la loi sur le copyright avait méconnu leur
liberté d’expression.
La Cour a déclaré la requête irrecevable pour défaut manifeste de fondement. Elle a
estimé que le partage, ou le fait de faciliter le partage, de ce type de fichiers sur
Internet, même de données protégées par le copyright et à des fins lucratives, relève du
droit « de recevoir ou de communiquer des informations » au sens de l’article 10 (liberté
d’expression) de la Convention. Toutefois, elle a jugé que les juridictions internes avaient
procédé à une juste mise en balance des intérêts concurrents en jeu – à savoir le droit
des requérants de recevoir et de communiquer des informations et la nécessité de
protéger le copyright – lorsqu’elles ont condamné les requérants.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
Akdeniz c. Turquie
11 mars 2014 (décision sur la recevabilité)
Cette affaire portait sur une mesure de blocage de l’accès à deux sites internet, au motif
que ceux-ci diffusaient des œuvres musicales sans respecter la législation sur les droits
d’auteur. Le requérant, qui avait déposé sa requête devant la Cour européenne des
droits de l’homme en tant qu’utilisateur des sites en question, dénonçait en particulier
une violation de sa liberté d’expression.
La Cour a déclaré la requête irrecevable (incompatible ratione personae), jugeant que
le seul fait que le requérant subisse les effets indirects d’une mesure de blocage
concernant deux sites consacrés à la diffusion de la musique ne saurait suffire pour qu’il
se voie reconnaître la qualité de « victime » au sens de l’article 34 (droit de requête
individuelle) de la Convention. Tout en soulignant que les droits des usagers d’Internet
revêtent aujourd’hui une importance primordiale pour les individus, la Cour a néanmoins
relevé notamment que les deux sites, qui étaient des sites internet spécialisés dans la
diffusion musicale, avaient été bloqués parce qu’ils ne respectaient pas la législation
relative aux droits d’auteur. En tant qu’utilisateur de ces sites, le requérant avait
bénéficié de leurs services et il ne s’était trouvé privé que d’un moyen parmi d’autres
d’écouter de la musique. La Cour a en outre considéré que l’intéressé pouvait sans
difficulté accéder à tout un éventail d’œuvres musicales par de multiples moyens sans
que cela n’entraîne une infraction aux règles régissant les droits d’auteur.
Delfi AS c. Estonie
16 juin 2015 (Grande Chambre)
Cette affaire est la première dans laquelle la Cour a été appelée à examiner un grief
relatif à la responsabilité d’un portail d’actualités sur Internet en raison des
commentaires laissés par les internautes sur ce dernier. La société requérante, qui
exploitait à titre commercial un portail d’actualités, se plaignait que les juridictions
nationales l’aient jugée responsable des commentaires injurieux laissés par ses visiteurs
sous l’un de ses articles d’actualités en ligne, qui concernait une compagnie de
navigation. À la demande des avocats du propriétaire de la compagnie de navigation, la
société requérante avait retiré les commentaires injurieux environ six semaines après
leur publication.
La Cour a conclu à la non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la
Convention, jugeant que la décision des juridictions estoniennes de tenir la société
requérante pour responsable avait été justifiée et n’avait pas constitué une restriction
disproportionnée du droit de l’intéressée à la liberté d’expression. La Grande Chambre a
tenu compte du caractère extrême des commentaires en cause, du fait qu’ils avaient été
laissés en réaction à un article publié par la requérante sur un portail d’actualités que
celle-ci exploitait à titre professionnel dans le cadre d’une activité commerciale, de
l’insuffisance des mesures prises par la requérante pour retirer sans délai après leur
publication les commentaires injurieux, ainsi que du caractère modéré de la somme
(320 euros) que la requérante avait été condamnée à payer.
Cengiz et autres c. Turquie
1er décembre 2015
Cette affaire portait sur le blocage d’accès à YouTube, un site web permettant aux
utilisateurs d’envoyer, de regarder et de partager des vidéos. Les requérants se
plaignaient en particulier d’une atteinte à leur droit à la liberté de recevoir et de
communiquer des informations et des idées.
La Cour a conclu à la violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention,
jugeant en particulier que les requérants, enseignants dans différentes universités,
s’étaient trouvés pendant une longue période dans l’impossibilité d’accéder à YouTube et
qu’en leur qualité d’usagers actifs, eu égard aux circonstances de l’espèce, ils pouvaient
légitimement prétendre que la mesure de blocage avait affecté leur droit de recevoir et
de communiquer des informations et des idées. Par ailleurs, la Cour a observé que
YouTube est une plateforme unique permettant la diffusion d’informations ayant un
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
intérêt particulier, notamment en matière politique et sociale, ainsi que l’émergence d’un
journalisme citoyen. La Cour a estimé également que la loi ne permettait pas au juge
national de bloquer totalement l’accès à Internet et en l’occurrence à YouTube en raison
de l’un de ses contenus.
Kalda c. Estonie
19 janvier 2016
Dans cette affaire, un détenu se plaignait du refus des autorités de lui accorder un accès
à trois sites internet gérés par l’État et par le Conseil de l’Europe et publiant des
informations juridiques. Le requérant alléguait en particulier que l’interdiction qui lui
avait été faite en vertu du droit estonien d’accéder à ces sites spécifiques avait emporté
violation de son droit de recevoir des informations via Internet et l’avait empêché de
mener des recherches juridiques en vue de plusieurs procédures judiciaires qu’il
avait engagées.
La Cour a conclu à la violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention.
Elle a jugé en particulier que les États ne sont pas tenus de fournir aux détenus un accès
à Internet. Toutefois, si un État contractant accepte d’autoriser un tel accès, il doit alors
motiver son refus de donner accès à des sites spécifiques. Dans les circonstances
spécifiques de l’espèce, les raisons avancées pour interdire au requérant l’accès aux trois
sites internet en question, à savoir des motifs de sécurité et des considérations de coût,
ne suffisaient pas à justifier l’ingérence dans l’exercice par l’intéressé de son droit de
recevoir des informations. Notamment, les autorités estoniennes avaient déjà pris des
mesures de sécurité quant à l’utilisation d’Internet par les détenus au moyen
d’ordinateurs spécialement adaptés à cette fin, sous le contrôle des autorités
pénitentiaires, et avaient supporté les coûts y afférents. De plus, en réalité, les
juridictions nationales ne s’étaient livrées à aucune analyse détaillée des risques en
matière de sécurité qui pouvaient découler de l’autorisation d’accès aux trois sites
additionnels en question, eu égard au fait que ceux-ci étaient gérés par une organisation
internationale et par l’État lui-même.
Voir aussi : Jankovskis c. Lituanie, arrêt du 17 janvier 2017.
Magyar Tartalomszolgáltatók Egyesülete et Index.hu Zrt c. Hongrie
2 février 2016
Cette affaire portait sur la responsabilité d’un organe d’autorégulation des prestataires
de services de contenu sur Internet et d’un portail d’actualités sur Internet pour des
commentaires grossiers et injurieux laissés par des internautes sur leurs sites web à la
suite de la publication d’une opinion critiquant les pratiques commerciales trompeuses de
deux sites web d’annonces immobilières. Les requérants se plaignaient des décisions
rendues à leur encontre par les juridictions hongroises, soutenant que ces décisions
faisaient peser sur eux en pratique une obligation de modération de la teneur des
commentaires laissés sur leurs sites par les internautes, ce qui, selon eux, allait à
l’encontre de l’essence même de la liberté d’expression sur Internet.
La Cour a conclu à la violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention.
Elle a rappelé en particulier que, même s’ils ne sont pas les éditeurs des commentaires
au sens traditionnel du terme, les portails d’actualités sur Internet doivent en principe
assumer certains devoirs et responsabilités. La Cour a toutefois considéré qu’en l’espèce,
lorsqu’ils avaient tranché la question de la responsabilité des requérants, les juges
hongrois n’avaient pas dûment mis en balance les droits divergents en cause, à savoir
d’une part celui des requérants à la liberté d’expression et d’autre part celui des sites
d’annonces au respect de leur réputation commerciale : notamment, ils avaient admis
d’emblée que les commentaires étaient illicites car attentatoires à la réputation des sites
web d’annonces immobilières.
Dallas c. Royaume-Uni
11 février 2016
Cette affaire portait sur la condamnation de la requérante pour atteinte à l’autorité de la
justice (contempt of court) parce qu’elle avait effectué sur Internet une recherche sur
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
le procès pénal dans lequel elle siégeait en qualité de juré. La requérante estimait que
l’infraction de common law d’atteinte à l’autorité de la justice n’était pas
suffisamment claire.
La Cour a conclu à la non-violation de l’article 7 (pas de peine sans loi) de la
Convention. Elle a jugé, en particulier, que le critère retenu en l’espèce pour définir
l’atteinte à l’autorité de la justice était à la fois accessible et prévisible. La fonction
créatrice de droit des tribunaux était restée cantonnée dans des limites raisonnables et
le jugement dans le procès de la requérante pouvait passer, dans une large mesure,
pour une étape dans la clarification graduelle des règles de responsabilité pénale pour
atteinte à l’autorité de la justice par le biais de l’interprétation judiciaire. Toute évolution
du droit qui en aurait résulté était conforme à la substance de l’infraction et
raisonnablement prévisible.
Pihl c. Suède
7 février 2017 (décision sur la recevabilité)
Le requérant, qui avait fait l’objet d’un commentaire diffamatoire anonyme publié sur un
blog en ligne, engagea une action civile à l’encontre de la petite association à but non
lucratif qui tenait le blog en cause, arguant que la responsabilité de celle-ci devait être
retenue pour le commentaire qui avait été posté par un tiers. Les juridictions suédoises
puis le chancelier de la Justice le déboutèrent. Devant la Cour, le requérant reprochait
aux autorités de ne pas avoir protégé sa réputation et d’avoir porté atteinte à son droit
au respect de la vie privée par leur refus d’imputer une responsabilité à l’association.
La Cour a déclaré la requête irrecevable pour défaut manifeste de fondement. Elle a
observé en particulier que, dans les affaires telles que la présente, il y avait lieu de
ménager un équilibre entre, d’une part, le droit au respect de la vie privée, et, d’autre
part, la liberté d’expression accordée aux personnes et aux collectifs de personnes qui
gèrent un portail internet. Au vu des circonstances de l’affaire, la Cour a jugé que, en
refusant de tenir l’association pour responsable relativement au commentaire anonyme,
les autorités nationales avaient ménagé un juste équilibre. En effet, même si le
commentaire en cause présentait un caractère offensant, il ne s’assimilait pas à un
discours de haine ni à une incitation à la violence, il avait été posté sur un petit blog
tenu par une association à but non lucratif, il avait été retiré le lendemain du jour où le
requérant avait déposé une réclamation dans ce sens et il n’était donc resté en ligne que
pendant neuf jours environ.
Bărbulescu c. Roumanie
5 septembre 2017 (Grande Chambre)
Cette affaire avait pour objet la décision d’une entreprise privée de mettre fin au contrat
de travail d’un employé – le requérant – après avoir surveillé ses communications
électroniques et avoir eu accès à leur contenu. Le requérant alléguait que la décision de
son employeur reposait sur une violation de sa vie privée et que les juridictions
nationales avaient failli à leur obligation de protéger son droit au respect de la vie privée
et de la correspondance.
La Cour a conclu, par onze voix contre six, à la violation de l’article 8 (droit au respect
de la vie privée et de la correspondance) de la Convention, jugeant que les autorités
roumaines n’avaient pas correctement protégé le droit du requérant au respect de sa vie
privée et de sa correspondance. Elles n’avaient donc pas ménagé un juste équilibre entre
les intérêts en jeu. En particulier, les juridictions nationales n’avaient pas, d’une part,
vérifié si le requérant avait été préalablement averti par son employeur de la possibilité
que ses communications soient surveillées et n’avaient pas non plus, d’autre part, tenu
compte du fait qu’il n’avait été informé ni de la nature ni de l’étendue de cette
surveillance, ni du degré d’intrusion dans sa vie privée et sa correspondance. De
surcroît, les juridictions nationales n’avaient pas déterminé, premièrement, quelles
raisons spécifiques avaient justifié la mise en place des mesures de surveillance,
deuxièmement, si l’employeur aurait pu faire usage de mesures moins intrusives pour la
vie privée et la correspondance du requérant et, troisièmement, si l’accès au contenu
des communications avait été possible à son insu.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
10
. Le 16 septembre 2022, la Fédération de Russie a cessé d’être Partie à la Convention.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
11
. Le 16 septembre 2022, la Fédération de Russie a cessé d’être Partie à la Convention.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
été condamné au civil pour avoir conservé sur le site internet de son journal un article
relatant une bagarre dans un restaurant, en donnant des détails sur la procédure pénale
ouverte à ce sujet. Les tribunaux nationaux avaient notamment relevé que l’intéressé
n’avait pas désindexé les tags de l’article, si bien que n’importe qui pouvait taper dans
un moteur de recherche le nom du restaurant ou de son propriétaire et avoir accès à des
informations sensibles sur la procédure pénale, alors que le restaurateur avait demandé
la suppression de l’article.
Dans la présente affaire, la Cour a conclu à la non-violation de l’article 10 (liberté
d’expression) de la Convention, jugeant que les décisions des juridictions nationales
s’analysaient en une restriction justifiable à la liberté d’expression du requérant –
d’autant plus que celui-ci n’avait pas été tenu de retirer définitivement l’article de
l’Internet. En particulier, la Cour a observé que non seulement les fournisseurs de
moteurs de recherche sur Internet, mais aussi les administrateurs de journaux
ou d’archives journalistiques accessibles en ligne, comme le requérant, pouvaient être
tenus de désindexer des documents. La Cour a également approuvé les décisions
des juridictions internes selon lesquelles l’accès prolongé et aisé aux informations sur la
procédure pénale concernant le restaurateur avait porté atteinte à son droit à
la réputation.
Wikimedia Foundation, Inc. c. Turquie
1er mars 2022 (décision sur la recevabilité)
Cette affaire portait sur la demande de la Présidence de la télécommunication et de
l’informatique de supprimer des pages du site internet de la fondation requérante et sur
le blocage de l’intégralité de son site en raison de l’impossibilité technique de ne bloquer
que ces quelques pages. La requérante alléguait que le blocage de l’accès à l’intégralité
du site web Wikipédia s’analysait en une atteinte injustifiée à son droit à la liberté
d’expression et que la procédure de contrôle juridictionnel des mesures de blocage de
sites web ne réunissait pas les conditions suffisantes pour éviter les abus. Elle soutenait
qu’il n’existait aucune voie de recours effective en droit turc et que le recours individuel
dont elle avait saisi la Cour constitutionnelle était devenu ineffectif étant donné que son
activité consistait à publier le contenu des pages de son site en temps utile.
La Cour a déclaré la requête irrecevable, jugeant que la requérante avait perdu sa
qualité de victime. Elle a rappelé, en particulier, avoir conclu dans de nombreuses
affaires relatives à la liberté d’expression que le recours constitutionnel devait être
considéré comme une voie de recours à épuiser, au sens de l’article 35 § 1 (conditions
de recevabilité) de la Convention, pour de tels griefs. En l’espèce, la Cour a pris note du
caractère systémique du problème soulevé. Cependant, elle ne disposait pas d’éléments
suffisamment pertinents donnant à penser que la Cour constitutionnelle turque (CCT)
n’était pas capable de remédier au problème. En effet, la CCT avait rendu en matière de
blocage de sites web plusieurs arrêts qui lui avaient permis d’établir de nombreux
critères devant guider les autorités nationales et les juridictions appelées à examiner les
mesures de blocage. Dans cette affaire, la Cour a considéré que, par le biais du recours
individuel dont elle avait été saisie, la CCT avait reconnu en substance la violation de
l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention et avait réparé de manière adéquate
et suffisante le préjudice subi par la requérante à cet égard.
Xavier Lucas c. France
9 juin 2022
Cette affaire portait sur l’obligation de saisir la cour d’appel par voie électronique, via la
plateforme e-barreau. Alors que la cour d’appel avait admis la recevabilité du recours en
annulation d’une sentence arbitrale présenté, sur papier, par le requérant au motif que
le formulaire informatique mis en ligne ne permettait pas de saisir la nature de ce
recours et la qualité des parties, la Cour de cassation jugea au contraire qu’il aurait dû
être remis par voie électronique. Le requérant se plaignait d’une atteinte à son droit
d’accès à un tribunal, au motif que son recours en annulation avait été rejeté comme
irrecevable faute d’avoir été présenté par voie électronique.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
Téléphone portable
Breyer c. Allemagne
30 janvier 2020
En application des modifications apportées en 2004 à la loi allemande sur les
télécommunications, les opérateurs furent placés dans l’obligation de recueillir et de
conserver les données personnelles relatives à tous leurs clients, y compris les
utilisateurs de cartes SIM prépayées, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Les requérants, qui militaient pour la défense des libertés publiques et réprouvaient la
surveillance opérée par l’État, utilisaient ce type de cartes et durent par conséquent faire
. Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 (arrêts définitifs) de la Convention
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
enregistrer auprès de leurs opérateurs leurs données personnelles telles que leur
numéro de téléphone, leur date de naissance, leur nom et leur adresse. Ils se plaignaient
devant la Cour de la conservation de leurs données personnelles dans le cadre de
l’utilisation par eux de cartes SIM prépayées.
La Cour a conclu à la non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de
la Convention, jugeant que l’Allemagne n’avait pas outrepassé les limites de la latitude
(« marge d’appréciation ») dont elle jouissait dans l’application de la loi en question,
lorsqu’elle avait choisi les moyens d’atteindre les buts légitimes que sont la protection de
la sécurité nationale et la lutte contre les infractions pénales, et que la conservation des
données personnelles des requérants avait été proportionnée et « nécessaire dans une
société démocratique ». La Cour a estimé en particulier que la collecte des noms et
adresses des requérants dans le cadre de l’utilisation par eux de cartes SIM prépayées
avait constitué une ingérence limitée dans l’exercice de leurs droits. Elle a toutefois
observé que la loi pertinente offrait des garanties complémentaires et que, par ailleurs,
les justiciables pouvaient saisir des organes indépendants chargés de la protection des
données afin qu’ils contrôlent les demandes de données émanant des autorités et, le cas
échéant, former un recours.
Requête pendante
Minteh c. France (n° 23624/20)
Requête communiquée au gouvernement français le 31 mai 2021
Cette affaire porte sur la condamnation pénale du requérant, pour avoir refusé de
communiquer le code de déverrouillage de son téléphone portable aux policiers durant
sa garde à vue.
La Cour a communiqué la requête au gouvernement français et posé des questions aux
parties sous l’angle des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 8 (droit au respect
de la vie privée et de la correspondance) de la Convention.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
Vidéosurveillance
Peck c. Royaume-Uni
28 janvier 2003
Dans cette affaire, le requérant, qui souffrait de dépression, se plaignait de la divulgation
aux médias d’une séquence filmée par une caméra de télévision en circuit fermé (CTCF)
installée dans la rue et qui le montrait marchant seul avec un couteau de cuisine à la
main (il tenta par la suite de suicider en se tranchant les veines du poignet, ce que ne
montrait pas la séquence de la CTCF), cette démarche ayant eu pour conséquence que
des images de lui-même avaient été largement publiées et diffusées. Il dénonçait
également l’absence de tout recours interne effectif pour dénoncer cette situation.
La Cour a estimé que la divulgation des séquences litigieuses par la mairie n’avait pas
été entourée de garanties suffisantes et avait porté une atteinte disproportionnée
et injustifiée à la vie privée du requérant, en violation de l’article 8 (droit au respect
de la vie privée) de la Convention. L’intéressé n’avait en outre pas disposé, à l’époque
pertinente, d’un recours effectif qui lui eût permis de se plaindre d’un abus de
confiance, en violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) combiné avec
l’article 8 de la Convention.
Perry c. Royaume-Uni
17 juillet 2003
Le requérant fut arrêté après qu’eut été commise une série de vols à main armée sur la
personne de chauffeurs de taxi, puis relâché en attendant que se tienne une séance
d’identification. Comme il ne s’était pas présenté à la séance prévue ni à plusieurs autres
séances ultérieures, la police sollicita l’autorisation de le filmer en secret avec une
caméra vidéo. Le requérant se plaignait que la police l’avait filmé en secret en vue de
l’identifier puis avait utilisé le film vidéo dans le cadre des poursuites dirigées contre lui.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la
Convention. Elle a relevé que rien n’indiquait que le requérant s’attendait à ce qu’on le
filme au poste de police à des fins d’identification au moyen d’un enregistrement vidéo ni
à ce que le film soit éventuellement utilisé comme preuve à charge lors de son procès.
Le stratagème adopté par la police avait outrepassé l’utilisation normale de ce type de
caméra et constitué une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit au
respect de sa vie privée. Cette ingérence n’était par ailleurs pas prévue par la loi, la
police n’ayant pas respecté les procédures énoncées par le code applicable : elle n’avait
pas obtenu le consentement du requérant, ne l’avait pas averti de l’enregistrement vidéo
et, de surcroît, ne l’avait pas informé de ses droits à cet égard.
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
Köpke c. Allemagne
5 octobre 2010 (décision sur la recevabilité)
La requérante, qui travaillait comme caissière dans un supermarché, fut licenciée sans
préavis pour vol, à la suite d’une mesure de surveillance vidéo secrète mise en œuvre
par son employeur avec l’aide d’une agence de détectives privés. Elle contesta en vain
son licenciement devant les juridictions du travail. De même, son recours constitutionnel
fut rejeté.
La Cour a déclaré irrecevable, pour défaut manifeste de fondement, le grief de la
requérante tiré de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention. Elle a
conclu que les autorités internes avaient ménagé un juste équilibre entre le droit au
respect de la vie privée de l’employée, l’intérêt pour son employeur de protéger son droit
au respect de ses biens et l’intérêt public d’une bonne administration de la justice. Elle a
observé cependant que le poids respectif des différents intérêts concurrents en jeu
pourrait évoluer à l’avenir, compte tenu de la mesure dans laquelle de nouvelles
technologies de plus en plus sophistiquées rendent possibles les atteintes à la vie privée.
Riina c. Italie
11 mars 2014 (décision sur la recevabilité)
Le requérant, condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir commis des crimes très
graves, entre autres association de malfaiteurs de type mafieux et de multiples
assassinats, se plaignait de la vidéosurveillance constante dans sa cellule, y compris
dans les toilettes. Il affirmait que les recours internes contre ces mesures
étaient inefficaces.
La Cour a déclaré la requête irrecevable sous l’angle des articles 3 (interdiction des
traitements inhumains ou dégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale)
de la Convention, jugeant que le requérant n’avait pas épuisé les voies de recours
internes à sa disposition pour contester l’application de la mesure de vidéosurveillance.
Vasilică Mocanu c. Roumanie
6 décembre 2016
Cette affaire portait sur les conditions de détention du requérant dans les locaux de
la police. Le requérant alléguait également que sa cellule était équipée d’une caméra de
vidéosurveillance, fonctionnant en permanence et pouvant le filmer.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la
Convention, jugeant que la surveillance du requérant par une caméra, qui se trouvait
dans la cellule où il avait été placé dans les locaux de la police départementale, n’était
pas prévue par la loi interne.
Antović et Mirković c. Monténégro
28 novembre 2017
Dans cette affaire, deux professeurs de l’École de mathématiques de l’Université du
Monténégro soulevaient un grief tiré d’une atteinte alléguée à la vie privée, qui aurait
résulté de l’installation d’un système de vidéosurveillance dans leurs lieux
d’enseignement. Ils soutenaient qu’il n’y avait eu aucun contrôle effectif sur les
informations collectées et que la surveillance était illégale. Les tribunaux internes
rejetèrent toutefois leur action en réparation, considérant qu’aucune question de vie
privée ne se posait, car les amphithéâtres où les intéressés enseignaient étaient des
lieux publics.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la
Convention, jugeant que la vidéosurveillance en cause n’était pas prévue par la loi. Elle a
tout d’abord rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement lequel
arguait qu’aucune question relative à la vie privée ne se posait parce que la zone sous
surveillance était un lieu public de travail. A cet égard, la Cour a relevé en particulier
qu’elle avait considéré auparavant que la vie privée pouvait inclure les activités
professionnelles. Elle a estimé que c’était le cas dans la situation des requérants et que
l’article 8 était donc applicable. Sur le fond, la Cour a ensuite jugé que
la vidéosurveillance constituait une ingérence dans l’exercice par les requérants de leur
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Fiche thématique – Nouvelles technologies
droit à la vie privée et que les éléments de preuve montraient que cette
vidéosurveillance méconnaissait les dispositions du droit interne. En effet, les tribunaux
internes n’avaient même pas cherché à trouver une justification légale pour
la surveillance, car ils avaient décidé dès le départ qu’il n’y avait aucune atteinte à la
vie privée.
Gorlov et autres c. Russie 14
2 juillet 2019
Cette affaire portait sur la mise sous surveillance vidéo permanente de détenus dans
leurs cellules au moyen de caméras de télévision en circuit fermé. Les intéressés
voyaient en particulier dans la surveillance constante de leurs cellules, parfois par des
gardiennes, une violation de leur droit au respect de leur vie privée.
La Cour a conclu à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de
la Convention, jugeant que la mesure en question n’était pas prévue par la loi.
Tout en reconnaissant qu’il pourrait être nécessaire de surveiller certaines zones
des établissements pénitentiaires, ou certains détenus sur une base permanente,
elle a estimé en particulier que le cadre juridique entourant en Russie
la vidéosurveillance permanente n’était pas suffisamment claire, précis et détaillé
pour offrir une protection appropriée contre l’ingérence arbitraire des pouvoirs publics
dans le droit au respect de la vie privée. La Cour a conclu également, dans le chef
de deux des requérants, à la violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) de
la Convention en combinaison avec l’article 8, jugeant qu’ils n’avaient disposé
d’aucune voie de recours interne effective pour exposer leur grief de violation du droit
au respect de leur vie privée.
Voir aussi, récemment : Izmestyev c. Russie, arrêt du 27 août 2019.
López Ribalda et autres c. Espagne
17 octobre 2019 (Grande Chambre)
Cette affaire portait sur la mise sous vidéosurveillance secrète d’employées, à l’origine
de leur licenciement. Celles-ci estimaient inéquitables le recours à une vidéosurveillance
dissimulée et l’utilisation par les juridictions nationales des données ainsi obtenues
aux fins de conclure à la légitimité de leurs licenciements. Les requérantes qui avaient
signé des accords transactionnels allèguent également que la signature des accords avait
été obtenue sous la contrainte, après le visionnage des enregistrements vidéo, et que
ces accords n’auraient pas dû être admis comme preuves de la validité de
leurs licenciements.
La Grande Chambre a conclu à la non-violation de l’article 8 (droit au respect de la
vie privée) de la Convention dans le chef des cinq requérantes. Elle a jugé en particulier
que les tribunaux espagnols avaient minutieusement mis en balance les droits des
requérantes – des employées d’un supermarché soupçonnées de vols – et ceux de
l’employeur, et qu’ils avaient examiné en détail la justification de la vidéosurveillance.
Un des arguments des requérantes était qu’elles n’avaient pas été averties au préalable
de leur mise sous surveillance, malgré une obligation légale, mais la Cour a jugé qu’une
telle mesure était clairement justifiée en raison des soupçons légitimes d’irrégularités
graves et des pertes constatées, considérant l’étendue et les conséquences de cette
mesure. En l’espèce, les tribunaux internes avaient donc conclu, sans outrepasser leur
marge d’appréciation, que cette surveillance avait été proportionnée et légitime. La Cour
a conclu également dans cette affaire à la non-violation de l’article 6 § 1 (droit à un
procès équitable) de la Convention, jugeant en particulier que l’utilisation comme
preuves des images obtenues par vidéosurveillance n’avait pas porté atteinte au
caractère équitable de la procédure.
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. Le 16 septembre 2022, la Fédération de Russie a cessé d’être Partie à la Convention.
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