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Formation
Universitaire en
Orthophonie de
Strasbourg
Faculté de Médecine
MÉMOIRE
en vue de l’obtention du
CERTIFICAT DE CAPACITÉ D’ORTHOPHONISTE (CCO)
présenté par :
Alizée MARY
ÉTUDE LONGITUDINALE DE LA COMMUNICATION DES
PATIENTS APHASIQUES POST-AVC :
Passation du Test Lillois de la Communication,
à différents moments du parcours de soins
Année universitaire 2015-2016
Je tiens tout d’abord à remercier mes deux directrices de mémoire, Mme Emmanuelle
Furcieri et Mme Sara Merlino. Merci pour l’attention portée à cette étude et pour le temps
que vous m’avez consacré tout au long de cette année de travail.
Je remercie également l’ensemble des patients, qui ont accepté de participer à cette étude et
qui m’ont permis de les suivre au cours de leur parcours de soins, en m’accordant leur temps
et leur confiance.
Mes copines de promo pour avoir égayé ces quatre années de formation ! Merci à Charlie,
mon alsacienne de cœur, et à Anso, ma coloc’ de 4A, pour tous ces super souvenirs…
Tous mes proches, mes copines du Mans et ma Partenaire, pour leur soutien inébranlable,
leur écoute, leur patience et leurs nombreux encouragements.
Mes parents, pour avoir toujours cru en moi et pour m’avoir permis d’apprendre ce métier si
riche, avec une mention spéciale pour les relectures tardives de Papa. Merci pour tout…
Ma Lélé, ma sœur, qui m’a supportée et motivée et qui a su être présente dès qu’il le fallait…
Enfin, un merci tout particulier à Charles. Merci pour ton soutien infaillible et pour ta force
tranquille si apaisante. Merci de m’accorder cette confiance infinie depuis des années…
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION
................................................................................................................................................
7
CHAPITRE
1
-‐
ASSISES
THEORIQUES
................................................................................................
10
1.
AVC
et
Aphasie
..................................................................................................................................
11
1.1.
Accident
vasculaire
cérébral
.................................................................................................
11
1.1.1.
Définition
..............................................................................................................................
11
1.1.2.
Physiopathologie
...............................................................................................................
11
1.1.3.
Épidémiologie
.....................................................................................................................
12
1.2.
Parcours
de
soins
des
patients
victimes
d’AVC
............................................................
12
1.2.1.
Unité
neurovasculaire
.....................................................................................................
12
1.2.2.
Prise
en
charge
post-‐UNV
..............................................................................................
13
1.2.3.
Centre
de
rééducation
.....................................................................................................
14
1.2.4.
Retour
à
domicile
..............................................................................................................
15
1.3.
Conséquences
de
l’AVC
et
aphasie
.....................................................................................
15
1.3.1.
Séquelles
fréquentes
........................................................................................................
16
1.3.2.
L’aphasie
...............................................................................................................................
16
1.3.3.
Classification
des
aphasies
............................................................................................
16
1.3.4.
Sémiologie
aphasique
selon
l’approche
cognitive
..............................................
17
4
1.2.3.
Constitution
de
l’échantillon
........................................................................................
34
5
1.2.
Deuxième
hypothèse
................................................................................................................
70
1.3.
Troisième
hypothèse
................................................................................................................
72
1.4.
Quatrième
hypothèse
...............................................................................................................
72
1.5.
Validation
de
l’hypothèse
générale
....................................................................................
73
6
INTRODUCTION
7
Le langage est une capacité, définie comme le propre de l’Homme, dont la fonction est
de permettre la communication. Cette capacité est perturbée lorsque des affections
neurologiques comme l’accident vasculaire cérébral (AVC) surviennent brutalement dans le
cerveau. L’aphasie, séquelle fréquente de l’AVC, peut engendrer une altération plus ou moins
sévère des capacités linguistiques. Toutefois, des habiletés communicationnelles des patients
aphasiques peuvent être préservées.
Alors que, pendant longtemps, l’évaluation et la rééducation de l’aphasie étaient
centrées sur les déficits linguistiques, elles évoluent désormais vers des approches plus
globales davantage orientées vers la communication. En effet, les courants pragmatiques et
fonctionnels soulignent l’importance de l’emploi contextuel des ressources linguistiques. Ils
suggèrent ainsi de tenir compte des compétences communicationnelles des locuteurs
aphasiques, à la fois pour l’évaluation et pour la rééducation de l’aphasie.
En partant de ces constats, cette étude s’intéresse à l’évaluation de la communication
des patients aphasiques dès la phase aiguë de l’AVC. Elle résulte d’une collaboration entre
l’Unité Neurovasculaire (UNV) des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et l’Université de
Bâle, dans le cadre d’une recherche qui porte sur la rééducation de l’aphasie et le suivi
longitudinal des patients le long de leur parcours de rééducation.1
Ainsi, nous avons choisi d’étudier la communication des patients aphasiques post-
AVC d’un point de vue orthophonique en nous interrogeant plus particulièrement sur
l’évolution de celle-ci dans les mois suivant l’AVC. Pour cela, nous avons choisi de proposer
aux patients un test focalisé sur la communication – le Test Lillois de Communication (TLC),
et de leur faire passer ce test à plusieurs reprises, à différents moments de leur parcours de
soins. En adoptant une méthodologie issue de la linguistique interactionnelle, nous avons
également choisi de filmer ces passations, pour ensuite les visionner et coter les grilles.
Afin de mener cette étude, nous exposerons tout d’abord les éléments théoriques sur
lesquels se fondent notre réflexion. Nous parlerons de l’AVC et de ses séquelles, notamment
l’aphasie. Nous aborderons la question de la prise en charge médicale des patients aphasiques
1
Cette
collaboration
est
issue
d’un
projet
d’Habilitation
à
diriger
des
recherches
effectué
par
S.
Merlino
au
séminaire
d’études
françaises
de
l’Université
de
Bâle
(Intitulé
:
«
Interagir
avec
l’aphasie.
Une
étude
d’analyse
conversationnelle
des
séances
de
rééducation
à
la
parole
et
d’interactions
ordinaires
»).
En
adoptant
une
perspective
de
linguistique
interactionnelle
et
une
méthodologie
basée
sur
l’enregistrement
de
situations
naturelles,
la
recherche
vise
une
analyse
qualitative
de
la
communication
ayant
lieu
entre
locuteurs
aphasiques,
orthophonistes
et
membres
de
la
famille
(Merlino
2014
;
2015
;
à
paraître).
L’étude
propose
un
suivi
longitudinal
des
patients
le
long
de
leur
parcours
de
soins
–
de
l’hôpital,
à
la
clinique
de
rééducation
jusqu’au
retour
et
à
la
rééducation
à
domicile.
8
et de leur parcours de soins. Puis, nous nous intéresserons plus particulièrement à la
communication de ces patients d’un point de vue orthophonique. Pour cela, nous
développerons les approches pragmatiques et fonctionnelles, qui prennent en considération les
compétences communicationnelles du patient aphasique. Les différentes composantes de la
communication seront décrites.
Par la suite, nous exposerons notre problématique ainsi que les hypothèses qui en
découlent. Nous présenterons l’expérimentation de cette étude, dont la méthodologie est basée
sur la passation du test orthophonique TLC à différents moments du parcours de soins des
patients aphasiques. Les résultats seront ensuite exposés.
Après avoir discuté des résultats obtenus, nous aborderons les limites de cette étude ainsi
que les perspectives qu’elle ouvre sur la conception de l’évaluation et de la rééducation de
l’aphasie en phase aiguë.
9
CHAPITRE
1
Assises
Théoriques
10
1. AVC
et
Aphasie
1.1.1. Définition
Selon la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’accident
vasculaire cérébral (AVC) est un « déficit brutal d’une fonction cérébrale focale sans autre
cause apparente qu’une cause vasculaire ». Il survient lorsque la circulation sanguine est
interrompue vers ou dans le cerveau. L’apport en oxygène et en nutriments est alors stoppé
endommageant ainsi les tissus cérébraux environnants.
1.1.2. Physiopathologie
L’AVC « fait généralement référence à un infarctus cérébral ou à une hémorragie
cérébrale non traumatique » (Uchino & coll, 2009). En effet, il existe deux formes d’AVC à
savoir l’AVC ischémique et l’AVC hémorragique.
Les AVC ischémiques représentent 80% des cas. Ils correspondent à « la mort du tissu
cérébral due à une interruption de la vascularisation sanguine dans une région du cerveau,
causée par l’occlusion d’une artère cérébrale » (Uchino & coll., 2009). L’artère étant
obstruée par un caillot, une hypoperfusion tissulaire est alors observée.
L’étiologie des accidents ischémiques est très hétérogène. Cependant, trois causes principales
sont responsables d’environ 2/3 des cas, à savoir l’athérosclérose, les lacunes cérébrales et les
embolies cardiaques (Haïat, 2002). D’après Lesmele-Martin et coll. (2006), l’athérosclérose
est la cause principale et serait responsable de près de 50% des AVC ischémiques. Il s’agit de
la perte d’élasticité d’une artère due à un dépôt de corps gras sur sa paroi interne.
Les AVC hémorragiques représentent quant à eux 20% des cas. Il s’agit alors d’une
« hémorragie spontanée dans le parenchyme cérébral ou les ventricules due à la rupture
d’une artère » (Uchino & coll, 2009). Le tissu cérébral n’est alors plus irrigué et le sang qui
se diffuse dans l’encéphale exerce une pression sur les tissus cérébraux pouvant les
endommager voire les détruire. L’hypertension artérielle est l’étiologie la plus commune mais
le diabète ou les malformations vasculaires peuvent également provoquer un AVC
hémorragique.
11
Quelle que soit la forme de l’AVC, le bon fonctionnement cérébral est mis en péril. Il
s’agit donc d’une urgence vitale et fonctionnelle pour les patients.
1.1.3. Épidémiologie
Selon Uchino & coll. (2009), l’accident vasculaire cérébral représente l’urgence
neurologique la plus fréquente actuellement. En effet, en France, et dans les pays
industrialisés, cette pathologie représente la première cause de handicap physique acquis à
l’âge adulte, la deuxième cause de démence et la troisième cause de mortalité
(Recommandations HAS, 2009). Selon l’OMS, à l’heure actuelle, en France, un AVC
survient toutes les quatre minutes soit environ 130 000 hospitalisations complètes recensées
par an pour accident neurovasculaire.
En raison de leur fréquence, de leur gravité, du risque de récidive et de mortalité de
l’AVC, cette pathologie représente une des priorités gouvernementales en matière de santé
publique. Le Ministère de la Santé met donc régulièrement en place de vastes campagnes
nationales de sensibilisation et de prévention afin de rendre la population plus attentive aux
principaux symptômes. En effet, face à cet enjeu considérable, l’action médicale à la phase
aiguë des AVC a pour principal objectif de limiter le handicap et de réduire la mortalité (Mino
& coll., 2015). Par conséquent, l’urgence médicale de cette pathologie a permis la création
d’une filière AVC où la prise en charge précoce des patients dans des unités de soins
spécifiques est fondamentale.
Des unités spécialisées, les unités neurovasculaires (UNV) ont été créées au cours des
années 1950 et se développent plus intensément depuis 35 ans sur le territoire français. Leur
12
nombre augmente progressivement puisqu’en 2012 la France en comptait 116 contre
seulement 33 en 2007 (chiffres du Ministère des Affaires sociales et de la Santé).
L’UNV s’insère dans une filière de soins des AVC : une fois les signes d’alerte de
l’AVC identifiés, le patient est immédiatement conduit vers un centre hospitalier. Chaque
minute compte et le délai de prise en charge au moment de la phase aiguë aura une incidence
sur le pronostic de la victime ainsi que sur les risques de séquelles et de handicap. Lorsque le
diagnostic est posé et que le type d’AVC est identifié, l’équipe médicale met en place un
projet thérapeutique qui débutera au sein même de l’unité neurovasculaire où se trouve le
patient. La filière neurovasculaire des AVC s’organise donc très rapidement compte tenu de
l’urgence médicale de cette pathologie.
Ces unités sont spécialisées dans la prise en charge des pathologies neurovasculaires
aiguës compliquées ou non d’AVC et accueillent les patients 24h/24 et 7j/7. Elles offrent tout
d’abord une prise en charge globale et rapide comprenant le diagnostic et les soins à la phase
aiguë, le traitement des complications, la rééducation ainsi que la prévention des évènements
vasculaires. Dès la phase aiguë, tous les patients bénéficient d’une rééducation adaptée à leurs
besoins. Ces sites d’intervention disposent d’un plateau technique approprié afin de proposer
une prise en charge initiale individualisée. Des équipes pluridisciplinaires spécialisées en
pathologie neurovasculaire y interviennent de manière coordonnée. Elles sont généralement
composées de médecins, neurologues, infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes,
ergothérapeutes, orthophonistes, neuropsychologues, psychologues et assistants sociaux. La
filière de soins ainsi organisée permet de tenir compte des objectifs du patient et d’impliquer
la famille dans la prise en charge du patient (Livre HAS, 2005).
La rééducation de la motricité ainsi que du langage des patients victimes d’un AVC doit
débuter le plus tôt possible, dès que l’état de santé et de vigilance du patient le permet.
L’intervention précoce des équipes de rééducation a pour objectif principal de redonner le
maximum d’autonomie à la personne.
13
mais également l’environnement du patient. La sortie peut donc être organisée vers une
structure de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) lorsque les troubles n’ont pas encore
totalement régressé ou vers un retour à domicile.
Une étude menée par la Société Française Neuro-Vasculaire (SFNV) en 2003 a montré
que 63% des patients sont rentrés à domicile 10 jours après l’AVC. En revanche, 22% des
patients sont dirigés par la suite vers des services de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR)
ou de long séjour après 22 jours d’hospitalisation en moyenne.
En fin de séjour au sein d’un SSR, les patients sont généralement plus autonomes et
indépendants. « Cependant, 54% des patients ont toujours besoin d’une assistance partielle
ou totale au déplacement, 60% à l’habillage, 35% à l’alimentation et 50% à la continence »
(Fery-Lemonnier, 2009). Quand les déficits persistent et que la perte d’autonomie est toujours
conséquente à la sortie du SSR, il est nécessaire de poursuivre la rééducation à domicile.
14
Cependant, si le patient est âgé de plus de 60 ans et si le handicap et la perte d’autonomie sont
importants, les patients peuvent également être orientés vers des Unités de Soins de Longue
Durée (USLD), vers des Établissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes
(EHPAD) ou encore vers des maisons de retraite.
15
1.3.1. Séquelles
fréquentes
Dans les tableaux cliniques les plus courants, les patients victimes d’AVC peuvent
présenter des séquelles diverses fréquentes. En effet, des troubles moteurs peuvent survenir
sous la forme d’une hémiplégie controlatérale à la lésion ou d’une hémiparésie. De plus, les
fonctions cognitives sont généralement atteintes : troubles neurovisuels, attentionnels,
langagiers, mnésiques, praxiques, gnosiques, ou encore dyséxécutifs. Enfin, la parole est
altérée par des difficultés articulatoires (dysarthrie), des troubles prosodiques et/ou
pragmatiques.
L’aphasie peut venir perturber le quotidien du patient à la suite d’un AVC. Des études
ont montré qu’entre 21 et 38% des patients victimes d’AVC présentent des troubles du
langage de type aphasique (Engelter & coll, 2006).
1.3.2. L’aphasie
Selon Gil (2014), « les aphasies désignent les désorganisations du langage pouvant
intéresser aussi bien son pôle expressif que son pôle réceptif, ses aspects parlés que ses
aspects écrits ».
Cette pathologie est liée à l’atteinte des aires cérébrales spécialisées dans les fonctions
linguistiques situées dans l’hémisphère gauche du cerveau. En effet, les AVC représentent la
principale étiologie des aphasies puisque trois-quarts des cas sont d’origine vasculaire, et
l’aphasie en elle-même complique environ un tiers des AVC (Mazaux & coll., 2007).
Il s’agit d’un trouble spécifique du langage puisque le code linguistique est altéré mais
les autres capacités du patient peuvent être préservées en parallèle. Les perturbations sont
observables au niveau des processus d’entrée (décodage, compréhension) et des processus de
sortie (encodage, expression, production), à l’oral comme à l’écrit. Les capacités d’expression
et/ou de compréhension du langage oral et/ou écrit sont alors affectées.
De ce fait, les répercussions sur la vie quotidienne sont conséquentes puisque le patient
peut rencontrer des difficultés pour comprendre, parler, lire ou encore écrire.
16
zone cérébrale atteinte. De plus, l’évolution des modèles théoriques a également permis de
faire évoluer les descriptions et les classifications cliniques.
La classification des aphasies la plus couramment utilisée est celle de l’équipe de Boston
qui est fondée sur deux dichotomies : sur le plan langagier, on distingue la fluence et la non-
fluence, et sur le plan organique, on distingue les lésions antérieures et les lésions postérieures
(Goodglass & Kaplan, 1972, cités par Rondal & Seron, 2000).
Ainsi, il convient de retenir la classification classique opposant les aphasies de Broca dites
non-fluentes à celles de Wernicke dites fluentes.
Les aphasies non fluentes se distinguent par une expression orale réduite mais aussi
par des troubles articulatoires majeurs sous la forme de transformations phonétiques. De plus,
les patients présentent un manque du mot souvent sévère, une dysprosodie ainsi qu’un
agrammatisme. Quatre aphasies sont caractérisées par ces troubles : l’aphasie de Broca,
l’aphasie globale, l’aphasie transcorticale motrice et l’aphasie transcorticale mixte.
À l’inverse, les aphasies fluentes sont définies par un débit élocutoire fluent parfois
jargonnant et des troubles de la compréhension plus ou moins importants. Des troubles de la
répétition peuvent apparaître. Ces aphasies fluentes sont également au nombre de quatre à
savoir l’aphasie de Wernicke, l’aphasie transcorticale sensorielle, l’aphasie de conduction et
l’aphasie amnésique.
17
L’approche cognitive de l’aphasie propose des modèles théoriques expliquant le
fonctionnement normal du langage permettant d’explorer les processus cognitifs mis en jeu
lors de la compréhension et de la production du langage. Ainsi, dans le cadre de l’aphasie, le
repérage des niveaux de traitement de l’information atteints permet de cibler les troubles du
patient. Ces modèles sériels proposent donc d’adapter précisément la rééducation aux
déficiences langagières de la personne aphasique selon deux axes : rétablir une fonctionnalité
du langage en entraînant les processus déficitaires et/ou réorganiser les processus déficitaires
en les contournant grâce aux capacités linguistiques préservées (Le Dorze & Michallet, 1999).
Cette approche cognitive et les classifications qui en découlent s’appuient donc
principalement sur les déficits linguistiques des patients victimes d’AVC. De ce fait, trop
centrée sur le langage, elle ne s’intéresse pas à la communication de manière plus globale.
18
mais ne donnent pas d’informations sur l’usage du langage du patient au quotidien dans des
réelles situations de communication (citée par De Partz & Carlomano, 2000).
De ce fait, des approches complémentaires à l’approche cognitive ont alors vu le jour face
aux lourdes conséquences de l’aphasie. Elles privilégient alors le fonctionnement langagier du
patient dans sa vie quotidienne, professionnelle et familiale, ce qui impose d’adapter la
rééducation à l’environnement du patient.
La prise en charge du patient aphasique doit donc tenir compte de tous les facteurs
environnementaux ainsi que de l’influence réciproque du patient et du système dans lequel il
évolue. Les difficultés langagières rencontrées et persistantes doivent être envisagées d’un
point de vue pragmatique et écosystémique afin que la prise en charge soit orientée vers une
réadaptation fonctionnelle de la communication. De ce fait, il est essentiel d’évaluer
précisément les compétences communicatives préservées des patients aphasiques et de les
mettre en avant lors de la rééducation.
Selon Récanati (cité par Brin,
F.
&
coll., 2004), la pragmatique « étudie l’utilisation du
langage dans le discours et des marques spécifiques qui, dans la langue, attestent de sa
vocation discursive ». Plus généralement, la pragmatique s’intéresse à la relation entre les
comportements langagiers et les contextes dans lesquels ils sont utilisés. Elle propose donc de
prendre en compte le contexte dans lequel interviennent les difficultés de communication du
sujet aphasique.
L’approche pragmatique se base sur un constat que nous avons développé précédemment
à savoir qu’elle s’intéresse davantage aux capacités communicationnelles qu’aux
compétences linguistiques pures du patient. En effet, les aspects pragmatiques du langage des
19
personnes aphasiques sont moins altérés que les aspects lexicaux, syntaxiques et
phonologiques (Le Dorze & Michallet, 1999).
20
quotidien (Bénichou, 2015). La PACE fait donc intervenir différents paramètres comme
l’échange d’informations en situation duelle et l’alternance des tours de parole. Les feedbacks
apportés par le thérapeute au patient portent plutôt sur le transfert concret d’informations que
sur la qualité formelle des messages. Cette méthode permet également de renforcer la
coopération entre les partenaires au cours de l’échange. De plus, cette communication
multicanale fait appel aux gestes, aux mimiques, au dessin, aux mimes ou encore aux aides
externes comme un cahier de communication. Le patient est donc incité à combiner les
différents canaux de communication encore à sa disposition pour rendre l’échange
d’informations plus efficace et de ce fait, améliorer ses stratégies communicatives.
Cette méthode propose une alternance des rôles pour que les partenaires se retrouvent
sur un pied d’égalité : on est à la fois informateur puis devineur à tour de rôle. Ainsi, le sujet
est mis « dans les conditions les plus propices à la formulation d’un message, en accentuant
ses aspects fonctionnels (transmettre une information) plutôt que formels (utiliser des
expressions correctes) » (Clerebaut & coll., 1984).
Les exercices sont réalisés sous la forme d’un jeu de devinettes et peuvent prendre plusieurs
formes :
-‐ Les images uniques : l’informateur possède un stock d’images et en tire une au hasard.
Le devineur doit trouver ce qui est représenté sur l’image en posant des questions ou
grâce aux productions de l’informateur.
-‐ Les images en double : l’informateur et le devineur ont le même set d’images face à
eux disposées idéalement sur un lutrin. L’informateur décrit l’image choisie et le
devineur doit trouver et reconnaître l’image.
-‐ Dictée de dessins : l’informateur dicte au devineur la représentation unique qu’il
possède. Le devineur confronte alors sa réalisation dessinée avec le modèle de
l’informateur.
21
2.3.1. Compétences
communicatives
du
patient
aphasique
Ces approches cherchent donc à identifier les performances communicatives résiduelles
des patients aphasiques. Elles permettent également de repérer les stratégies développées en
situation représentative du quotidien lors de tâches qui se veulent les plus naturelles possibles
(De Partz & Carlomagno, 2000). En effet, ces approches partent du constat fréquent de
l’absence de généralisation des acquis dans des situations de vie quotidienne, pourtant
essentielle pour la réhabilitation fonctionnelle du langage.
La qualité des interactions du patient avec ses interlocuteurs est donc perturbée par
l’aphasie. Les compétences linguistiques et cognitives, nécessaires pour échanger des
messages et coopérer activement, ne permettent plus une compréhension mutuelle
satisfaisante et entraînent de nombreux incidents conversationnels (De Partz, 2008, citée par
Bonnans & Delieutraz, 2014). De ce fait, les partenaires de communication doivent alors
mettre en place de nouvelles stratégies interactionnelles, imposées par la pathologie, pour
réparer les incidents conversationnels engendrés par les déficits linguistiques. Ces adaptations
des comportements de communication demandent efforts et patience de la part des partenaires
: l’aphasie représente donc un handicap partagé par tous les interlocuteurs.
Toutefois, selon Cruz (2006), en dépit de la perte de compétence linguistique, le sujet
aphasique parvient tout de même à accomplir de manière socialement adéquate les activités
langagières dans lesquelles il est engagé. Malgré les difficultés linguistiques, les patients
aphasiques « agissent et sont reconnus comme des acteurs sociaux, des co-participants à
l’interaction ». C’est donc grâce à la mobilisation d’une grande diversité de ressources (aussi
bien verbales qu’interactionnelles, gestuelles ou corporelles) ainsi qu’au respect du tour de
parole qu’ils peuvent encore communiquer avec leurs pairs.
Ainsi, dans la cadre de l’aphasie, « il y aurait une compétence linguistique perturbée
contrastant avec une compétence interactionnelle, pragmatique, communicative préservée »
permettant aux patients de contourner les limitations linguistiques dues à la pathologie.
22
2.3.2. Évaluation
fonctionnelle
:
le
Test
Lillois
de
Communication
Généralement, les troubles de la communication des patients aphasiques sont peu évalués
par les batteries d’évaluation classiques. L’intérêt des approches fonctionnelles est donc de
proposer une évaluation complémentaire des capacités de communication des patients et du
retentissement des troubles dans leur vie quotidienne. Ces évaluations fonctionnelles montrent
donc qu’un patient peut se faire comprendre par ses interlocuteurs malgré les troubles
linguistiques importants comme le trouble d’évocation (Vaillandet, 2016).
Le Test Lillois de Communication (Lefeuvre & coll., 2000) est un test orthophonique
qui évalue à la fois l’attention et la motivation à la communication, la communication verbale
et la communication non-verbale. La passation comprend trois activités différentes permettant
d’apprécier la performance communicationnelle du patient au cours d’un entretien direct en
situation duelle.
Dans un premier temps, le thérapeute mène une interview dirigée afin d’entrer en
interaction avec le patient et d’établir une situation de communication. Les questions posées
doivent amener le patient à produire un discours à dominante informative.
Dans un second temps, le thérapeute doit amorcer une discussion dont le thème est
supposé susciter des divergences d’opinions entre les interlocuteurs permettant d’adopter un
discours de type argumentatif. La communication verbale peut alors être évaluée à travers la
prise de position et les arguments donnés par le patient. Cette activité permet d’estimer la
capacité du sujet à s’investir dans la communication. De plus, elle nous renseigne sur les
compétences pragmatiques du patient ainsi que sur la pertinence et la cohérence de son
discours.
Enfin, la dernière activité du test s’inspire d’une situation PACE (Promoting
Aphasic’s Communication Effectiveness, David et Wilcox, 1981). Le patient et le thérapeute
possèdent chacun le même jeu d’images et doivent les faire découvrir au moyen du langage
oral ou tout autre moyen de communication (gestes, pointage, regard, dessin, écriture…). Les
images choisies sont très concrètes et axées sur la vie quotidienne. L’objectif est ici de
permettre l’échange d’informations nouvelles, d’observer l’alternance des tours de parole, et
de contrôler l’émission de feed-back. Ainsi, cette épreuve propose d’analyser la
compréhension des signes non-verbaux et d’apprécier leur utilisation par le patient.
23
L’utilisation de ce test évaluant la communication, en complément des évaluations
classiques, permet d’orienter la prise en charge et la rééducation vers des thérapies plus
fonctionnelles et écologiques.
Selon Brin & coll. (2004), la communication désigne « tout moyen verbal ou non verbal
utilisé par un individu pour échanger des idées, des connaissances, des sentiments, avec un
autre individu ». La communication consiste donc à transférer des informations de n’importe
quelle forme et par n’importe quel canal disponible.
Or, comme nous l’avons vu précédemment, plusieurs auteurs (Holland, 1987 ; Goodwin,
1995) ont montré que les compétences communicatives des sujets aphasiques dépassaient
amplement leurs compétences linguistiques. Malgré les limitations langagières dues à
l’aphasie, les patients sont donc en mesure de communiquer avec leurs pairs grâce à la
multimodalité de la communication.
3.1. Généralités
La communication doit être envisagée sous ses trois aspects essentiels retrouvés dans le
Test Lillois de Communication, à savoir la motivation, la communication verbale et la
communication non verbale (Lefeuvre et coll., 2000).
De nombreuses recherches autour des comportements verbaux et non-verbaux ont
confirmé la « règle des 7% - 38% - 55% » proposée par Albert Mehrabian (cité par Cataix-
Negre, 2011). En effet, selon cette règle, la compréhension du message dépendrait du sens des
mots pour seulement 7%. 38% du message serait conditionné par la façon dont la voix de
l’interlocuteur est posée (intonation, volume). De ce fait, la compréhension reposerait donc
principalement sur les 55% restants correspondant aux gestes et aux expressions du visage.
24
L’échange entre interlocuteurs ne consiste donc pas seulement à se transmettre des
informations grâce au support verbal, mais il est également composé d’attitudes, de regards,
d’intonations, etc. De plus, les interlocuteurs doivent être en mesure de savoir gérer tous ces
comportements afin que l’échange puisse se construire entre eux mais aussi se poursuivre ou
au contraire, se terminer (Hilaire-Debove, 2016).
Ainsi, en situation de communication, la collaboration entre les divers partenaires
conversationnels assure le bon déroulement et la réussite de l’échange. Généralement, il
convient de distinguer (notamment dans la conversation), la communication verbale qui
permet de transmettre des informations via des énoncés oraux ou écrits et la communication
non verbale qui correspond à des gestes, des postures et des orientations du corps, des yeux.
Malgré cette distinction, ces modes de communication sont intriqués et fortement
complémentaires.
L’aphasie est caractérisée par des déficiences perturbant notamment l’initiative des
patients à communiquer. En effet, les lésions cérébrales dues à l’AVC sont parfois à l’origine
d’un manque d’initiative et d’un désintérêt pour l’échange. Selon la localisation de la lésion et
le type d’aphasie, les manifestations sont variables. Dans le cadre des aphasies non-fluentes,
les patients présentent une aspontanéité verbale et motrice où l’interlocuteur doit fournir des
stimulations répétées. Au contraire, les aphasies fluentes sont caractérisées par un
25
débordement verbal plus ou moins cohérent et par de nombreuses digressions (Lefeuvre et
coll., 2000).
De plus, l’examen d’un patient atteint de troubles du langage doit toujours tenir compte du
fait que les tâches cognitives sont complexes et que les performances des sujets peuvent être
variables d’un instant à l’autre. Par conséquent, les troubles aphasiques peuvent être aggravés
par la fatigue (Gil, 2014). La notion de fatigabilité doit donc être prise en considération dans
l’attention et l’investissement du patient aphasique dans l’interaction.
Sur le plan verbal, la capacité de communication du patient aphasique est variable selon
le type d’aphasie qui est à l’origine de la présence ou non de certains symptômes.
L’importance des troubles expressifs sémantiques, syntaxiques et les désorganisations
phonétiques viennent déstabiliser l’échange entre deux partenaires créant une forme
d’incohérence. De plus, les troubles de la compréhension peuvent être source de malentendus
voire de ruptures de communication. En revanche, les compétences pragmatiques sont
généralement plutôt bien conservées chez les patients aphasiques (Lissandre & coll., 2000).
Basée sur les notions de compétence et de conversation, la définition sociale de l’aphasie
a donc évolué : il s’agit d’un « trouble acquis du langage, d’origine neurologique, qui
masque la compétence normalement révélée par la conversation » (Le Dorze & Michallet,
1999).
Dans toute communication, le feed-back est primordial. Il peut être défini comme
toute forme de signal informatif renvoyée à l’interlocuteur pour assurer la régulation et la
compréhension du message. Ce principe de réciprocité et de rétroaction donne un rôle actif
dans l’échange à chacun des deux partenaires de communication. Il désigne la manière dont
l’interlocuteur répond et réagit au message transmis par le locuteur : il peut s’agir d’une
26
réponse verbale ou non verbale. Ce retour permet d’apprécier la compréhension du message et
d’ajuster le discours en cas de besoin.
C’est donc principalement grâce à la communication verbale que les partenaires entrent en
interaction demandant une utilisation rapide et efficace du langage. Cependant, lorsque que
celle-ci vient à être perturbée par une pathologie telle que l’aphasie, le patient doit pouvoir
trouver des stratégies autres que verbales pour entrer en communication avec les autres. C’est
pourquoi la communication non-verbale joue un rôle primordial dans les relations
interpersonnelles.
27
L’utilisation du geste chez le patient aphasique n’est pas systématique. En effet, même
s’il peut venir en soutien ou suppléer le déficit verbal, le recours au geste dépend des
capacités résiduelles du patient mais aussi de sa personnalité et de ses troubles associés
(troubles praxiques par exemple). Les études ont démontré qu’une personne aphasique
présentant une atteinte sémantique utilisait plus fréquemment les gestes car ils favoriseraient
l’activation du concept, la récupération phonologique du mot et ainsi que sa production
(Mazaux & coll., 2007).
En revanche, les regards et les mimiques conservent leur signification relationnelle
habituelle et permettent de maintenir l’échange ou bien d’attirer l’attention du partenaire de
communication.
La communication para-verbale concerne quant à elle toutes les unités qui accompagnent
la parole et qui sont transmises par le canal auditif. Les patients aphasiques présentent une
prosodie variable (montées et chutes intonatives), des modifications de l’intensité de la voix
et du débit d’élocution. Ce sont principalement les aspects temporels de la prosodie tels que la
durée, le rythme, la segmentation et l’intensité vocale qui sont perturbés dans le cadre de
l’aphasie. Ainsi, l’échange est alors ralenti du fait des pauses, des silences et des hésitations
pouvant engendrer un sentiment de malaise chez les interlocuteurs. De plus, il a été démontré
que la prosodie peut être utilisée par le patient aphasique pour communiquer et cela même
quand les ressources linguistiques résiduelles sont très limitées (Goodwin, 1995).
28
CHAPITRE
2
Problématique
et
Hypothèses
29
1. Problématique
Comme nous l’avons exposé précédemment, les capacités communicationnelles du patient
aphasique victime d’un AVC sont mieux préservées que ses capacités linguistiques pures. La
production et la compréhension du langage peuvent être atteintes sans pour autant priver le
patient de toute communication avec ses pairs.
30
2. Hypothèses
Nous posons donc l’hypothèse générale que la communication globale du patient devient
de plus en plus fonctionnelle en post-AVC.
• Première hypothèse :
• Deuxième hypothèse :
La communication non-verbale est investie par les patients aphasiques lorsque le langage oral
est déficitaire.
• Troisième hypothèse :
Malgré les limitations langagières, les patients aphasiques s’engagent dans l’interaction et
font preuve d’attention et de motivation pour la communication.
• Quatrième hypothèse :
31
CHAPITRE
3
Méthodologie
32
1. Terrain
et
passation
du
test
1.1. Suivi
longitudinal
Afin d’étudier la compétence de communication des patients aphasiques d’un point de vue
orthophonique ainsi que l’évolution de celle-ci au cours des premiers mois suivant l’AVC,
nous avons choisi de leur faire passer le Test Lillois de Communication (TLC) plusieurs fois
au cours de leur parcours de soins.
De plus, nous avons documenté ces passations par des enregistrements vidéo. Ce suivi
longitudinal des patients nous a ainsi permis de réaliser un véritable travail de « terrain » et
donc d’englober à la fois la collecte de données et l’observation participante (Mondada et
Mahmoudian, 1998). Les rencontres multiples avec les patients dans différents contextes ont
toujours été suivies par des prises de notes et des réflexions post-rencontres.
Tous les patients recrutés pour notre expérimentation n’ont pas suivi le même parcours de
soins. Nous organisions donc les passations en fonction du lieu où se trouvait le patient :
centre de rééducation, retour à domicile avec ou sans prise en charge libérale. Le cadre de ces
passations était donc très différent selon l’endroit où nous rencontrions les patients.
De plus, la réalisation de ces rencontres et rendez-vous nous a demandé un travail de prise
de contact avec les patients et leur entourage, mais aussi avec le centre de rééducation ou
l’orthophoniste exerçant en cabinet libéral.
1.2. Population
Afin de mener à bien notre expérimentation, nous avons établi des critères d’inclusion et
d’exclusion pour sélectionner nos patients que nous allons à présent détailler.
33
- Les patients devaient être motivés et étaient informés dès le départ des différentes
passations au cours de leur parcours de soins.
- Les patients devaient être de langue maternelle française.
34
Notre échantillon final comportait donc six patients : trois hommes et trois femmes allant
de 47 à 88 ans. Dans le tableau suivant, nous allons présenter ces patients en précisant leur
sexe, leur âge, la localisation de l’AVC ainsi que les lieux où se sont déroulées les différentes
passations du TLC.
Tableau 1 : Données récapitulatives des patients de l’étude2
Passations
TLC
Patients
Sexe
Âge
AVC
1ère
passation
2ème
passation
3ème
passation
AVC
ischémique
1
M.
F.
M
47
UNV
IURC
IURC
sylvien
gauche
AVC
ischémique
2
M.
G.
M
49
UNV
IURC
IURC
sylvien
gauche
AVC
ischémique
3
Mme
H.
F
88
UNV
Domicile
Domicile
sylvien
gauche
AVC
ischémique
Orthophoniste
Orthophoniste
4
Mme
I.
F
70
UNV
sylvien
gauche
libérale
libérale
AVC
fronto-‐
5
M.
J.
M
69
UNV
Domicile
Domicile
insulaire
gauche
AVC
ischémique
6
Mme
K.
F
76
UNV
Domicile
Domicile
sylvien
gauche
2
Afin
de
préserver
l’anonymat
des
patients
recrutés,
nous
avons
choisi
de
modifier
35
Pour tous les patients, la première passation du test se déroulait donc toujours à l’unité
neurovasculaire (UNV) des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS).
Les patients sont hospitalisés dans ce service en phase aiguë après l’AVC. Cet
environnement est très médicalisé afin de surveiller leur état de santé. Les patients sont donc
généralement alités et scopés (surveillance de la tension, rythme cardiaque…). Ainsi, les
câbles viennent parfois gêner leur mobilité.
De plus, à la suite d’un AVC, les patients sont très fatigables et leur concentration est
parfois plus limitée. Il était donc parfois nécessaire d’ajuster la passation du TLC en fonction
des possibilités de chacun.
Deux des six patients ont été suivis à l’Institut Universitaire de Réadaptation Clémenceau
(IURC) sur le site d’Illkirch (à proximité de Strasbourg), à savoir M. F. et M. G. En effet, ces
deux patients ont été pris en charge en centre de rééducation en raison de troubles moteurs
importants. Du fait de la durée de leur séjour, les deuxièmes et les troisièmes passations ont
donc également été réalisées au centre. Pour ces séances, l’orthophoniste du centre
programmait nos rendez-vous avec le patient. Il nous mettait également son bureau à
disposition.
Une des patientes, Mme I., a quant à elle été suivie dans le cadre de ses séances
d’orthophonie en cabinet libéral. En effet, nous organisions les rencontres directement avec
l’orthophoniste et les passations se déroulaient dans son bureau au cabinet.
Enfin, pour les trois derniers patients (Mme H., M. J. et Mme K.), les passations ont eu
lieu directement à domicile puisqu’ils sont rentrés chez eux directement après
l’hospitalisation à l’UNV. Ce cadre était donc particulier puisque nous entrions au sein de
l’environnement familial du patient. À plusieurs reprises, le conjoint ou les enfants du patient
étaient également présents au moment de la passation.
36
2. Test
Lillois
de
Communication
Dans le cadre de cette étude, nous souhaitons nous intéresser à l’évolution de la
communication des patients aphasiques tout au long de leur parcours de soins. Pour mener
cette expérimentation, nous avons choisi d’utiliser la grille d’évaluation du Test Lillois de
Communication (Lefeuvre, Delacourt, Wyrzykowsky, et Rousseau, 2000). En effet, ce test
orthophonique permet d’apprécier trois composantes de la communication à savoir la
motivation du sujet à communiquer, ses comportements verbaux et ses comportements non-
verbaux. Cette évaluation écologique nous a donc permis de mettre en évidence d’éventuels
progrès au cours de notre expérimentation.
La passation du Test Lillois de Communication (TLC) est basée sur un entretien direct en
situation de communication duelle entre le patient et l’examinateur. Les conditions doivent
alors être reproductibles et standardisées afin d’obtenir une fiabilité satisfaisante.
Généralement, ce test n’est pas proposé en première intention aux patients puisqu’il
s’intéresse particulièrement aux compétences communicationnelles du patient et non pas à ses
compétences linguistiques pures. Ce mémoire étant centré sur la communication des sujets
aphasiques, ce test nous a alors semblé pertinent pour observer comment le patient parvient à
transmettre son message, quel que soit le canal de communication utilisé et la sévérité initiale
de l’aphasie. De plus, grâce à un score chiffré, le TLC nous a permis de mettre en évidence
une éventuelle évolution au fil du temps en comparant les profils successifs d’un même
patient.
37
2.1.1. Interview
dirigée
La première partie du test consiste à mener une interview dirigée pour entrer en
interaction avec le patient et établir une situation de communication la plus naturelle possible.
Les questions posées par l’examinateur sont supposées susciter l’intérêt du patient et faciliter
son investissement puisqu’elles concernent des sujets affectifs à savoir sa vie familiale et
professionnelle. Il s’agit également de se montrer attentif aux propos du patient pour que cette
épreuve ressemble à un échange naturel et non pas à un interrogatoire.
2.1.2. Discussion
Dans un second temps, l’examinateur doit amener progressivement la discussion qui
constitue la seconde épreuve du test. L’objectif de celle-ci est d’amener le sujet à produire un
discours de type informatif. Le thème proposé par l’examinateur doit alors susciter des
divergences d’opinions entre les interlocuteurs afin que chacun puisse prendre position et
proposer des arguments. Cette épreuve permet alors d’affiner les observations notamment sur
la capacité du sujet à s’investir dans la communication et sur ses compétences pragmatiques.
38
2.2. Passation
du
TLC
Dans la plupart des cas, la passation du TLC s’est faite en relation duelle mais parfois
l’orthophoniste du service ou une stagiaire étaient également présentes. Nous étions donc
nous-même assise face au patient, généralement séparés par un bureau ou une tablette si le
patient était encore alité.
Au cours des passations, notre objectif était de mettre le patient en confiance et d’établir
une situation de communication la plus naturelle possible. En se plaçant au même niveau que
lui, nous évitions ainsi qu’il ne se sente en situation d’évaluation ou d’interrogatoire. Il
s’agissait alors d’instaurer une discussion spontanée au cours de laquelle le patient pouvait
s’exprimer librement.
Lors de nos entretiens avec les patients, nous leur faisions passer le TLC sur une séance
d’un peu moins d’une heure. Selon les capacités et les performances du sujet, nous adaptions
les épreuves. En effet, lors de la première séance au sein de l’UNV, l’épreuve de discussion
n’était pas systématiquement réalisée car la production orale des patients était souvent réduite.
De plus, pour réduire le temps de passation compte tenu de la fatigabilité des patients,
l’épreuve d’inspiration PACE était parfois modifiée en proposant un nombre réduit de cartes.
Cependant, les cartes étaient sélectionnées de manière à observer tous les comportements non
verbaux potentiellement attendus.
Chaque passation était espacée de la suivante par un intervalle suffisant afin d’être en
mesure de comparer les scores obtenus aux passations successives du TLC. Notre
expérimentation s’est déroulée entre les mois de septembre 2015 et avril 2016. Cependant,
tous les patients n’ayant pas été recrutés au même moment, les intervalles entre les passations
n’ont pas été tous équivalents. Globalement, les intervalles allaient de huit jours au minimum
à deux mois maximum. En effet, pour les patients rencontrés à la fin de l’expérimentation, les
passations ont été relativement rapprochées en raison du temps imparti pour cette étude.
39
3. Enregistrement
vidéo
3.1. Choix
méthodologique
Comme nous l’avons expliqué auparavant, cette étude utilise l’approche méthodologique
de l’analyse conversationnelle (Sacks, Schegloof, Jefferson, 1979) et donc une démarche de
constitution de corpus de données naturelles, enregistrées en audio et vidéo (Mondada, 2012).
Nous avons ainsi utilisé une prise de vue particulière, qui prend en considération le
contexte dans lequel la passation du TLC se déroule et donc tous les participants à
l’interaction. En effet, en suivant un principe de base de l’approche conversationnelle, nous
avons reconnu la place centrale que joue l’interlocuteur du patient aphasique pour le
déroulement de l’interaction et la réalisation de l’activité. Nous avons ainsi choisi de filmer à
la fois le patient et nous-même. Nous avions donc accès aux regards et à leurs directions, aux
mimiques et aux gestes des deux participants (manipulation des cartes par exemple). De plus,
lorsque les passations se déroulaient à domicile, nous entrions dans l’environnement familial
du patient.
40
3.2. Dispositif
d’enregistrement
Au fur et à mesure de notre expérimentation, les conditions d’enregistrement ont évolué
pour gagner en précision et en qualité. En effet, l’Université de Bâle a mis à notre disposition
une caméra numérique HD, un dictaphone ainsi qu’un trépied.
Lors des séances, nous installions ce matériel dans la pièce avant le début de la passation.
Nous disposions la caméra sur le trépied à hauteur des visages des participants et nous
posions le dictaphone sur la table.
Le corpus de données a donc été constitué grâce à l’enregistrement de 18 passations d’une
durée variable allant de 20 minutes à une heure.
Les logiciels Quick Time, VLC et iMovie ont été utilisés pour le visionnage des films.
41
4. Visionnage
et
cotation
L’enregistrement vidéo nous a permis d’être plus investie lors de la passation du test et
d’être en réelle interaction avec le patient mais aussi de créer un support pour le travail de
cotation des grilles et d’analyse. Au cours des passations, nous pouvions alors échanger
facilement avec le patient sans se soucier des items à coter et sans prendre de notes en même
temps. Le support vidéo nous permettait alors de visionner la séance par la suite afin de coter
la grille d’évaluation du patient plus précisément et d’observer finement chaque
comportement communicationnel produit.
Chacune des quatre rubriques comporte plusieurs items permettant d’obtenir un score.
Chaque item comporte lui-même plusieurs propositions auxquelles il faut attribuer un certain
nombre de points en fonction de notre appréciation qualitative. On accorde alors un certain
nombre de points selon les observations réalisées.
Nous allons maintenant détailler la cotation des grilles des trois domaines de la
communication explorés à travers le TLC : attention et motivation, communication verbale,
communication non verbale.
42
4.2. Communication
verbale
La grille de communication verbale permet d’évaluer les capacités du patient à
transmettre un message au moyen d’énoncés verbaux. Les déficits relevés ne sont pas
analysés d’un point de vue linguistique mais permettent de constater leur retentissement sur la
communication. Les trois premiers items concernent les prérequis à la communication verbale
à savoir la compréhension verbale, le débit verbal et l’intelligibilité de la parole. Les trois
autres items portent quant à eux sur l’informativité et la pertinence du discours. Cette grille
totalise un score global maximum de 30 points.
43
CHAPITRE
4
Analyse
des
résultats
44
Le Test Lillois de Communication permet donc de dresser un profil communicationnel
(cf : Annexe 2) à partir des résultats obtenus dans les trois parties du test. Par la suite, nous
allons détailler ces résultats en proposant pour chaque patient une description des trois
domaines évalués par le TLC : attention et motivation, communication verbale et
communication non verbale. Volontairement, nous n’analyserons pas les scores globaux que
nous jugeons peu représentatifs de la communication globale des patients.
D’une part, nous avons réalisé une analyse quantitative grâce aux scores chiffrés obtenus
par les patients. Ainsi, nous avons accompagné l’analyse des résultats par un graphique en
bâtons pour chacun des six patients. Chaque graphique représente alors les scores obtenus
dans les trois domaines de la communication explorés à chacune des trois passations de notre
test, symbolisées par trois couleurs différentes. Par ailleurs, nous avons également regroupé
tous les scores de nos six patients dans un tableau récapitulatif (cf : Annexe 3).
D’autre part, au delà du TLC, les enregistrements des passations nous ont permis de
réaliser une analyse plutôt qualitative de la communication des patients à travers des
observations cliniques. Nous reprendrons donc chaque item du profil communicationnel du
TLC tout en détaillant spécifiquement les compétences et difficultés observées pour chaque
patient.
1. Monsieur
F.
Lorsque nous rencontrons M. F. à l’UNV pour la première fois, il présente une aphasie
d’expression à la suite d’un AVC ischémique sylvien gauche. Le discours est non-fluent,
marqué par un manque du mot et quelques persévérations, mais l’échange est possible au
moyen de questions fermées. La compréhension est également perturbée et fluctuante. De
plus, les troubles langagiers de M. F. sont aggravés par la fatigue et des troubles attentionnels.
Les résultats obtenus par M. F. au TLC lors des trois passations sont donc présentés dans
le graphique suivant.
45
Résultats
TLC
M.
F.
30
25
20
Scores
obtenus
20
16
15
12
12
12
1ère
passaOon
10
10
2ème
passaOon
6
4
4
3ème
passaOon
5
0
ANenOon
et
MoOvaOon
CommunicaOon
verbale
CommunicaOon
non
verbale
Domaines
de
la
communica]on
explorés
46
simplifications. Par la suite, la compréhension s’est nettement améliorée pour devenir
satisfaisante à la dernière séance.
• Débit : le débit de M. F. reste limité au fil des séances. Malgré une amélioration
progressive de celui-ci, la fluence du patient reste diminuée.
• Intelligibilité de la parole : une légère dysarthrie est présente due à la paralysie
faciale droite du patient. L’intelligibilité de la parole reste correcte même si
l’interlocuteur doit parfois suppléer à ses difficultés de décodage par une mobilisation
attentionnelle et par des inférences.
• Informativité et pertinence du discours :
- Au niveau lexical : le manque du mot de M. F. est très prononcé lors des deux
premières séances. Il n’est pas compensé et l’informativité de son discours est donc
très réduite. Au cours de la dernière séance seulement, les troubles d’évocation sont
moins importants, rendant alors son discours plus fluide et plus informatif.
- Au niveau syntaxique : la syntaxe employée par M. F. ne contribue pas à la
communication. En effet, les tournures sont élémentaires et réduites mais
l’interlocuteur peut tout de même en déduire le sens.
- Au niveau idéique et pragmatique : Au cours des trois passations, les réponses
données par M. F. ne sont pas explicites et nous devons alors poser des questions
fermées pour obtenir des précisions. Le patient maintient le thème de l’échange mais
n’apporte des informations nouvelles qu’à la dernière passation. De plus, d’un point
de vue pragmatique, M. F. adapte son discours aux connaissances de son interlocuteur
seulement lors de notre dernière séance.
§ Feed-back verbaux : M. F. n’envoie pas de feed-back verbaux témoignant
d’éventuelles difficultés de compréhension mais est capable de réajuster son discours
quand nous lui envoyons un feed-back négatif.
§ Utilisation du langage écrit : ce canal n’est pas utilisé par le patient.
Les scores obtenus par M. F. en communication verbale ont donc augmenté à chaque
passation. Au départ, le patient est très limité en expression verbale notamment en raison d’un
manque du mot important et de difficultés en compréhension. De plus, le patient commence à
avoir conscience de ses troubles et refuse parfois les questions lorsqu’elles le mettent en
échec. M. F. nous répond souvent « je sais pas, je sais plus, je vois pas » et ne s’engage que
très peu dans l’interaction.
47
Dès la deuxième passation, M. F. est plus présent dans l’échange et prend des initiatives
verbales. Lorsque nous posons des questions au patient, il répond souvent par « oui » et
reprend les mots clés de nos phrases. Les réponses sont peu explicites et nous devons poser de
nombreuses questions fermées pour satisfaire nos interrogations. Le discours de M. F. reste
donc laconique en raison de ses troubles langagiers encore importants.
Enfin, lors de la dernière passation, le manque du mot de M. F. est plus discret lui
permettant alors d’expliquer plus aisément ses idées. De plus, nous avons pu observer une
différence notable entre le langage spontané et le langage contraint chez M. F. En effet, en fin
de séance, le patient s’exprime plus aisément et de manière plus fluide qu’au cours de la
première passation.
48
- Au niveau idéique : M. F. n’utilise pas de séquences de signes non verbaux pour
définir plus précisément le référent évoqué.
§ Feed-back non verbaux : À partir de la deuxième séance, M. F. est capable d’émettre
des feed-back non verbaux témoignant de ses difficultés de compréhension. Lors de la
dernière séance, il est en mesure de réajuster son discours lorsque nous lui envoyons
des feed-back non verbaux négatifs.
§ Dessin : M. F. n’a pas recours à cette modalité.
Les scores obtenus en communication non verbale par M. F. montrent clairement qu’il n’a
pas recours à cette modalité. En effet, malgré nos incitations, le patient refuse
catégoriquement d’utiliser les gestes ou les mimes pour nous faire deviner les cartes. Il
explique ne pas comprendre l’intérêt de nous faire deviner par des gestes alors qu’il peut le
dire. Il utilise le langage oral même si celui-ci le met parfois en échec en raison d’un manque
du mot persistant. De plus, M. F. est un homme assez peu expressif dans son discours mais
également au niveau de ses gestes ou de ses expressions faciales.
2. Monsieur
G.
Lorsque nous rencontrons M. G. pour la première fois, il présente une aphasie
d’expression sévère consécutive à un AVC ischémique sylvien gauche. Il est non-fluent et sa
production orale verbale se limite donc à quelques mots isolés. La communication avec le
patient est possible seulement au moyen de questions fermées appelant une réponse par
« oui » ou « non ». L’échange sera plus facile lors des passations successives grâce à la
récupération du patient.
Les résultats obtenus par M. G. au TLC lors des trois passations sont donc présentés dans
le graphique suivant.
49
30
Résultats
TLC
M.
G.
28
25
22
20
Scores
obtenus
16
16
15
1ère
passaOon
9
2ème
passaOon
10
6
6
5
3ème
passaOon
4
5
0
ANenOon
et
MoOvaOon
CommunicaOon
verbale
CommunicaOon
non
verbale
50
• Intelligibilité de la parole : sa parole n’est pas toujours intelligible. En effet, une
importante dysarthrie s’est révélée lorsque M. G. a pu produire des mots. Nous
devions donc recourir à une mobilisation attentionnelle importante ainsi qu’à des
inférences pour comprendre ses productions verbales.
• Informativité et pertinence du discours :
- Au niveau lexical : les troubles d’évocation (manque du mot) de M. G. limitent
considérablement l’informativité de son discours. En revanche, il ne produit pas de
paraphasies.
- Au niveau syntaxique : la construction syntaxique des phrases se limite à des formes
élémentaires, des mots isolés. Cependant, malgré l’agrammaticalité des tournures,
l’interlocuteur peut en déduire le sens.
- Au niveau idéique et pragmatique : les réponses fournies par M. G. sont adaptées mais
insuffisantes pour satisfaire nos interrogations. Nous devons alors poser des questions
fermées pour obtenir des précisions. Le thème de l’échange est peu développé mais
néanmoins maintenu. En effet, le patient ne peut apporter des informations nouvelles
qu’au cours de la troisième passation seulement mais n’est pas en mesure d’introduire
de nouveaux thèmes. En revanche, M. G. veille toujours à ce que son discours soit
adapté à nos connaissances et que tous les référents évoqués soient connus.
§ Feed-back verbaux : M. G. n’est capable de nous envoyer des feed-back verbaux
témoignant de ses difficultés de compréhension qu’au cours de la dernière passation.
En revanche, dès la deuxième séance, il est en mesure de réajuster son discours
lorsque nous produisons nous-même des feed-back négatifs.
§ Utilisation du langage écrit : Ce canal de communication n’est jamais utilisé par le
patient, y compris sur incitation. Lors du bilan orthophonique réalisé à l’UNV, M. G.
écrivait avec la main gauche (patient droitier) mais les automatismes étaient touchés.
L’écriture était difficile et il rencontrait des difficultés au niveau de l’orthographe.
Les scores obtenus par M. G. dans le domaine de la communication verbale ont donc
nettement augmenté entre les passations. En effet, nous avons observé une progression
constante des scores grâce à la récupération de son langage oral. Lors de la première
rencontre, M. G. ne pouvait produire seulement que quelques mots isolés comme « oui, non ».
En revanche, lors des rencontres successives, nous avons pu observer une diversification des
productions verbales du patient. Il est par exemple en mesure de m’expliquer qu’il a des
51
séances d’orthophonie, d’ergothérapie et qu’il participe à l’atelier chant à l’IURC. Il produit
également des phrases simples « c’est bien ; bonne chance ; plus maintenant ».
Cependant, d’un point de vue qualitatif, son langage reste très réduit en raison des
troubles majeurs d’évocation et des difficultés syntaxiques persistantes. Nous avons donc
constaté d’importants temps de latence dans l’échange en raison du manque du mot important.
Afin d’étayer le patient, nous devons utiliser majoritairement des questions fermées pour
l’aider à répondre plus facilement. Par exemple, lorsqu’il évoque son métier de carreleur,
nous lui demandons s’il fait plutôt des chantiers chez des particuliers, s’il est employé ou s’il
a sa propre entreprise. Le patient peut alors répondre par oui ou non ou même reprendre
certains mots de notre question pour y répondre : « chez des particuliers », « à mon compte ».
52
- Au niveau idéique : Lors de la deuxième séance seulement, il est capable d’utiliser des
séquences de signes non verbaux pour définir plus précisément un référent (concret ou
abstrait).
§ Feed-back non verbaux : Hormis au cours de la première passation, M. G. émet des
feed-back non-verbaux témoignant de ses difficultés de compréhension. En effet, il
porte la main à sa tête ou soupire par exemple. De plus, le visage de M. G. est très
expressif ce qui nous permet d’interpréter aisément ses affects.
§ Dessin : il n’utilise jamais le dessin.
L’évolution des scores en communication non verbale est donc très riche chez M. G. En
effet, lors de la première passation au sein de l’UNV, le patient n’a pas recours à ce canal de
communication.
Lors de la deuxième séance, M. G. présente une communication verbale encore très
réduite et se saisit alors des gestes pour communiquer. Nous observons donc un grand
investissement de la communication non verbale. Il s’agit alors d’un relai fonctionnel lui
permettant d’échanger et de s’investir dans l’interaction.
Enfin, lors de la dernière séance, nous constatons de nouveaux changements. Le score de
communication non verbale est alors plus faible car il s’en sert nettement moins. En effet, M.
G. a récupéré sur le plan verbal et peut alors produire des mots isolés. Il n’a alors recours aux
gestes seulement lorsqu’il ne peut pas dire un mot en particulier. Il s’efforce de chercher le
mot et de le dire pour n’utiliser le canal non verbal qu’en dernier recours. Au cours de la
discussion par exemple, nous parlons d’un chantier auquel il a participé et il produit
principalement des explications verbales.
3. Madame
H.
Mme H. est hospitalisée à l’UNV à la suite d’un AVC ischémique sylvien gauche
responsable d’une aphasie d’expression modérée. En effet, la production est non-fluente
marquée par un manque du mot important.
Les résultats obtenus par Mme H. au TLC lors des trois passations sont donc présentés
dans le graphique suivant.
53
Résultats
TLC
Mme
H.
30
27
26
24
25
Scores
obtenus
20
16
16
16
15
1ère
passaOon
2ème
passaOon
10
3ème
passaOon
6
6
6
5
0
ANenOon
et
MoOvaOon
CommunicaOon
verbale
CommunicaOon
non
verbale
Domaines
de
la
communica]on
explorés
54
n’entravent cependant pas l’informativité du discours car ils sont compensés par des
explications, des périphrases.
- Au niveau syntaxique : la syntaxe employée est correcte.
- Au niveau idéique et pragmatique : les réponses de la patiente sont de plus en plus
précises au fil de séances et satisfont nos interrogations. Le thème de l’échange est
maintenu et Mme H. apporte des nouvelles informations dès la deuxième passation.
En revanche, elle n’introduit pas spontanément de nouveaux thèmes. Les éléments de
son discours sont organisés de façon logique et sont tout à fait adaptés aux
connaissances de l’interlocuteur.
§ Feed-back verbaux : Mme H. émet des feed-back verbaux comme des questions
mots et réajuste spontanément son discours lorsque nous lui signalons nous-même des
difficultés de compréhension au moyen de feed-back verbaux négatifs.
§ Utilisation du langage écrit : la patiente n’utilise pas ce canal de communication. En
effet, elle nous explique avoir d’importantes difficultés pour lire et écrire : « je ne
comprends pas, je n’enregistre pas ».
55
3.3. Communication
non
verbale
Tout comme la communication verbale, nous avons analysé la communication non
verbale grâce aux différentes composantes issues du TLC.
§ Compréhension des signes non verbaux : Mme H. saisit correctement tous les types
de gestes et mimes que nous lui proposons.
§ Expressivité : Mme H. est très expressive au niveau des gestes et des expressions
faciales principalement. Ses sourires et ses mimiques sont donc significatifs d’un point
de vue non-verbal.
§ Informativité :
- Au niveau pragmatique et interactionnel : Mme H. respecte les règles
conversationnelles et les tours de parole. Sa prosodie est adaptée, et son regard ainsi
que sa mimogestualité sont de bons régulateurs.
- Au niveau lexical : la patiente n’a pas recours à la communication non verbale
spontanément. Au cours des trois passations, Mme H. ne produit aucun geste ni mime
lors de l’épreuve PACE. Elle n’utilise que le langage verbal pour décrire les images.
- Au niveau idéique : elle n’utilise donc pas de séquences de signes non verbaux.
§ Feed-back non verbaux : Dès la première séance, Mme H. est capable d’émettre des
feed-back non verbaux témoignant de ses difficultés de compréhension (regard
interrogateur, froncement de sourcils etc.). De plus, elle peut réajuster son discours en
fonction de nos propres réactions non verbales.
§ Dessin : elle n’a jamais recours au dessin.
Mme H. obtient le même score aux trois passations successives à savoir 16 points sur 30.
En effet, la patiente est expressive et émet des signes non verbaux mais ne produit aucun
geste ou mime lors de l’épreuve PACE. Elle fait des courtes phrases pour nous faire deviner
les images « je reste assis » pour la chaise ou encore « je vais me coucher » pour le lit. Elle
utilise seulement le langage verbal, relativement fonctionnel, et n’investit donc pas du tout le
canal non verbal pour cet exercice. Malgré son manque du mot, la patiente est en mesure de
s’exprimer verbalement donc elle ne ressent pas le besoin d’avoir recours aux gestes.
56
4. Madame
I.
Mme I. est admise à l’UNV à la suite d’un AVC ischémique sylvien gauche et présente
alors une aphasie d’expression sévère. La fluence verbale est réduite au maximum puisque la
patiente est mutique lors de notre première rencontre. L’échange est possible grâce aux autres
modalités investies par Mme I.
Les résultats obtenus par Mme I. au TLC lors des trois passations sont donc présentés
dans le graphique suivant.
30
Résultats
TLC
Mme
I.
28
29
24
25
19
Scores
obtenus
20
15 12 1ère passaOon
2ème
passaOon
10
8
6
6
6
3ème
passaOon
5
0
ANenOon
et
MoOvaOon
CommunicaOon
verbale
CommunicaOon
non
verbale
Domaines
de
la
communica]on
explorés
57
4.2. Communication
verbale
La communication verbale a été analysée à partir des différentes composantes issues du
TLC que nous allons à présent détailler.
• Compréhension verbale : elle est totalement préservée chez Mme I.
• Débit : lors de la première passation, le débit est nul puisque la patiente est mutique.
Au cours de la deuxième et de la troisième séance, le débit est très réduit et donc peu
informatif par conséquent. En effet, la patiente ne peut produire que quelques mots
isolés comme « cuisine, ménage, docteur ».
• Intelligibilité de la parole : l’intelligibilité est réduite en raison des perturbations
articulatoires liées à la désintégration phonétique. L’interlocuteur doit donc suppléer à
ses difficultés de décodage par une mobilisation attentionnelle importante et par des
inférences.
• Informativité et pertinence du discours :
- Au niveau lexical : lors des trois séances, le manque du mot est massif et Mme I. ne
peut pas le compenser. L’informativité de ses propos est donc très réduite.
- Au niveau syntaxique : Mme I. peut seulement produire des mots isolés à partir de la
deuxième séance donc il n’y a pas d’énoncés, pas d’organisation syntaxique.
- Au niveau idéique et pragmatique : les réponses aux questions sont peu explicites en
raison de la réduction majeure du langage oral de Mme I. Cependant, elle parvient à
maintenir le thème de l’échange et répond à nos questions par écrit. De plus, le
discours est adapté aux connaissances de l’interlocuteur.
§ Feed-back verbaux : Mme I. émet des feed-back verbaux témoignant de ses
difficultés de compréhension à travers la production de « non » et d’onomatopées
essentiellement. Elle est capable de réajuster son discours quand nous émettons des
feed-back négatifs.
§ Utilisation du langage écrit : le langage écrit est très investi par Mme I. En effet, dès
la première séance, la patiente écrit spontanément pour communiquer et répondre à
nos questions. De plus, un cahier de communication a été mis en place avec son
orthophoniste. Mme I. s’en sert notamment pour nous parler de ses enfants et de ses
petits-enfants dont les noms ont été consignés dans ce cahier. Cependant, nous
constatons que la communication est modifiée lorsque la patiente a recours au langage
écrit car le contact visuel est rompu.
58
La communication verbale de Mme I. est donc extrêmement réduite. Mutique lors de la
première séance, la patiente peut produire quelques mots isolés par la suite. Les scores
obtenus dans ce domaine sont donc très faibles, même si nous constatons une progression au
fil des séances. De plus, en raison de la désintégration phonétique dans le cadre de son
aphasie, la patiente présente des difficultés arthriques qui rendent ses productions verbales
difficilement compréhensibles.
Au cours de la troisième séance, Mme I. essaye davantage de s’exprimer verbalement
même si elle doit parfois répéter plusieurs fois en raison des déformations de la parole. Nous
devons donc faire preuve d’une grande attention et de suppléance mentale pour déduire le
sens des énoncés en fonction du contexte. Le langage écrit est moins investi qu’auparavant
rendant alors la communication plus aisée.
59
- Au niveau idéique : Mme I. produit des séquences de signes non verbaux pour définir
plus précisément le référent évoqué. En effet, elle est en mesure de préciser son geste
ou d’en ajouter un second lorsque nous peinons à comprendre de quelle carte il s’agit.
§ Feed-back non verbaux : au cours des trois séances, la patiente émet de nombreux
feed-back non verbaux lorsqu’elle est en difficulté. De plus, elle est capable de
réajuster efficacement son discours (oral ou écrit) lorsque nous lui signalons nous-
même des difficultés de compréhension.
§ Dessin : ce canal n’est jamais utilisé par la patiente.
Mme I. est une patiente très attentive et investie dans la communication malgré son
aphasie. Ses expressions faciales sont très évocatrices et nous renseignent sur ses affects. De
plus, la patiente mobilise de nombreux gestes qui illustrent ses propos. Lors de la dernière
séance, nous remarquons qu’elle essaye plus spontanément de dire mais qu’elle accompagne
son discours de gestes. Par exemple, elle nous explique qu’elle fait la sieste l’après-midi et
nous mime le fait de dormir simultanément ou nous montre par exemple le ciel pour nous
faire comprendre que son mari est décédé. Elle mobilise tous les types de gestes lorsqu’elle ne
peut pas expliquer verbalement. En langage spontané, elle a également recours à la modalité
écrite pour exprimer certaines idées qu’elle ne peut dire oralement.
Mme I. s’engage donc pleinement dans l’interaction et met en place une communication
multimodale afin de s’assurer de la bonne compréhension de son interlocuteur.
5. Monsieur
J.
M. J. est hospitalisé à l’UNV à la suite d’un AVC fronto-insulaire gauche. Il présente
alors une aphasie mixte se rapprochant d’une aphasie transcorticale. Le discours de M. J. est
fluent même si le langage oral est marqué par un manque du mot. L’échange avec le patient
est donc tout à fait possible avec quelques aménagements de la part de l’interlocuteur.
Les résultats obtenus par M. J. au TLC lors des trois passations sont donc présentés dans
le graphique suivant.
60
Résultats
29
TLC
M.
J.
30
27
25
21
Scores
obtenus
20
18
18
16
1ère
passaOon
15
2ème
passaOon
10
6
6
6
3ème
passaOon
5
0
ANenOon
et
MoOvaOon
CommunicaOon
verbale
CommunicaOon
non
verbale
Domaines
de
la
communica]on
explorés
61
discours car le patient peut les compenser. Spontanément, il utilise le terme « truc »
dès qu’un mot lui manque. Lorsque nous intervenons pour lui demander de préciser, il
est capable de faire une périphrase pour nous expliquer son idée.
Par ailleurs, lors de la première passation, il présente quelques paraphasies
(phonologiques et sémantiques) que nous n’avons pas retrouvées par la suite.
- Au niveau syntaxique : les constructions syntaxiques sont correctes.
- Au niveau idéique et pragmatique : lors de la première séance à l’UNV, les réponses
de M. J. ne sont pas très explicites. En posant des questions fermées, nous parvenons à
obtenir des précisions. Le thème de l’échange est maintenu et développé grâce à des
nouvelles informations. De plus, le patient ne s’assure pas systématiquement que tous
les référents évoqués nous soient accessibles et n’initie pas de nouveaux thèmes.
En revanche, lors des deux séances suivantes, le discours de M. J. est tout à fait adapté
d’un point de vue idéique et pragmatique.
§ Feed-back verbaux : M. J. n’envoie pas systématiquement des feed-back verbaux
témoignant de ses difficultés de compréhension. En revanche, le patient est tout à fait
capable de réajuster son discours sous la forme de reformulations lorsque nous lui
envoyons des feed-back négatifs.
§ Utilisation du langage écrit : M. J. n’utilise jamais le langage écrit lors des
passations.
Nous pouvons observer une progression constante grâce aux scores obtenus par M. J. en
communication verbale. En effet, le score a augmenté entre chaque passation pour atteindre
29 points lors de la dernière séance (sur 30 points maximum).
Lors de la première passation de notre test, le discours de M. J. est fluent mais assez
confus. L’usage massif des termes « truc » ou « l’autre » perturbent considérablement
l’informativité du discours. Le patient se perd parfois dans des phrases trop longues et trop
complexes. De plus, M. J. utilise parfois des termes non adaptés aux connaissances de son
interlocuteur comme « mimi » pour parler de son chien ou « colonie de Granville » pour
évoquer le port. Cependant, lorsque l’on pose des questions fermées au patient, il est capable
de se recentrer et de nous faire comprendre son idée. En effet, l’échange est possible mais
nécessite de nombreuses déductions et questions de la part de l’interlocuteur.
Au fil des passations, nous observons une bonne récupération du langage oral. Nous
pouvons échanger sur des thèmes variés que le patient introduit lui-même (sport, travail,
62
loisirs etc.). Le manque du mot est toujours présent mais assez peu marqué. M. J. est fluent et
en mesure de développer un sujet, d’exprimer toutes ses idées.
63
cartes cibles en PACE (verser de l’eau, microscope, se laver les cheveux etc.). En effet, la
communication verbale de ce patient étant relativement fonctionnelle, il n’a que très peu
besoin de ce canal non verbal.
6. Madame
K.
Mme K. est hospitalisée à l’UNV à la suite d’un AVC ischémique sylvien gauche
responsable d’une aphasie modérée à prédominance expressive. La patiente peut produire de
courtes phrases, simples mais informatives. Par ailleurs, elle présente une Dégénérescence
Maculaire Liée à l’Âge (DMLA) qui complique considérablement l’épreuve PACE.
Les résultats obtenus par Mme K. au TLC lors des trois passations sont donc présentés
dans le graphique suivant.
20
16
16
16
15
1ère
passaOon
10
2ème
passaOon
6
6
6
3ème
passaOon
5
0
ANenOon
et
MoOvaOon
CommunicaOon
verbale
CommunicaOon
non
verbale
64
de la patiente attestent de son investissement dans l’interaction. Lors des séances suivantes, la
patiente est moins fatigable et encore plus engagée dans l’échange. Le score obtenu est donc
maximal dès la première séance avec 6 points sur 6.
Les scores obtenus par Mme K. en communication verbale montrent que les capacités
langagières de la patiente sont relativement préservées. Nous observons une légère
progression mais les scores obtenus sont assez élevés dès la première passation. La patiente
65
présente un léger manque du mot qu’elle parvient à compenser. Elle nous explique d’ailleurs
« avoir du mal à coordonner les mots ». Nous pouvons également étayer la patiente au moyen
de questions fermées : nous devinons ainsi son métier dont elle ne trouvait plus le nom. En
revanche, la syntaxe, l’intelligibilité et le débit sont corrects. De ce fait, l’échange avec Mme
K. est aisé et elle est capable de donner son avis sur un thème de discussion dès la première
passation. Cependant, nous remarquons qu’en fin de séance, la patiente oublie parfois ce
qu’elle voulait dire à cause de la fatigue.
66
Mme K. obtient donc le même score aux trois passations successives à savoir 16 points
sur 30. Elle ne produit donc aucun geste ou mime pour nous faire deviner les images.
Généralement, elle produit directement le mot cible ou alors décrit l’image verbalement. En
effet, la communication verbale de la patiente étant parfaitement fonctionnelle, la patiente n’a
pas investi la communication non verbale lors de l’épreuve PACE.
Nous avons d’ailleurs rencontré des difficultés durant l’épreuve PACE en raison des
troubles visuels de Mme K. En effet, la DMLA ne lui permet pas de voir aisément ce qui est
représenté sur les photos. Elle nous dit voir du linge par exemple pour l’image représentant
l’action de verser de l’eau dans un verre. Nous sélectionnons donc les images pour écarter les
plus sombres tout en permettant l’émergence de tous les comportements non verbaux
potentiellement attendus.
67
CHAPITRE
5
Discussion
68
1. Interprétation
des
résultats
et
confrontation
aux
hypothèses
L’objectif de cette expérimentation était d’analyser l’évolution de la communication
des patients aphasiques à la suite d’un AVC. Nous allons donc à présent mettre en relation les
résultats analysés ci-dessus avec les hypothèses formulées au départ, qui pourront être
validées ou invalidées.
Pour rappel, nous envisagions que la communication des patients aphasiques devenait
de plus en plus fonctionnelle au fil des passations successives. Afin de vérifier cette
hypothèse générale, nous avions posé quatre sous-hypothèses :
1- La communication verbale s’améliore et devient de plus en plus performante au fil
des passations de notre épreuve ;
2- La communication non-verbale est investie par les patients aphasiques lorsque le
langage oral est déficitaire ;
3- Malgré les limitations langagières, les patients aphasiques s’engagent dans
l’interaction et font preuve d’attention et de motivation pour la communication ;
4- Le nombre de canaux de communication utilisés par les patients augmente.
69
De plus, d’un point de vue qualitatif, notre observation clinique nous montre que la
communication verbale de nos six patients est devenue de plus en plus fonctionnelle au fil de
nos trois passations. L’échange devenait de plus en plus aisé et informatif avec les patients.
Enfin, ce mode de communication est privilégié si les capacités linguistiques du
patient le permettent. En effet, ce canal étant le plus rapide et le plus efficace pour
communiquer, les patients aphasiques l’utilisent préférentiellement dès que possible.
Les résultats montrent donc que la communication verbale des patients aphasiques
post-AVC évolue et devient de plus en plus performante au fil des passations de notre
épreuve.
Comme attendu, notre première hypothèse concernant l’amélioration de la
communication verbale est validée.
Pour analyser les performances non verbales des patients, il convient de préciser la
composition de la grille du TLC. En effet, le total de 30 points est divisé entre plusieurs
items : compréhension des signes non verbaux, expressivité, informativité (production de
signes non verbaux) et feed-back non verbaux.
Les résultats du TLC obtenus par nos patients en communication non verbale nous
permettent donc d’observer plusieurs tendances.
Tout d’abord, nous notons que pour quatre patients (M. F., Mme H., M. J. et Mme K.),
les scores sont relativement bas. Ils oscillent en effet entre 12 et 18 points (sur un maximum
de 30). De plus, nous observons pour Mme H. et Mme K. des scores identiques lors des trois
passations : les résultats des patientes plafonnent à 16 points. M. F. obtient d’abord 12 points
aux deux premières passations puis 16 points à la dernière. M. J. obtient quant à lui 16 points
lors de la première passation puis 18 aux deux suivantes.
Les scores obtenus par ces quatre patients montrent donc une bonne compréhension
des signes non verbaux ainsi qu’une expressivité correcte. Cependant, ils n’obtiennent pas de
points concernant l’informativité puisqu’ils ne produisent aucun geste et qu’ils n’ont pas
recours spontanément à la communication non verbale. Il s’agit donc des patients dont
l’aphasie est modérée et qui sont capables de communiquer verbalement.
70
En revanche, les deux autres patients obtiennent des scores témoignant d’une
évolution dans le domaine non verbal. Pour Mme I., les scores augmentent au fil des
passations pour atteindre 29 points sur 30 lors de la dernière séance. En revanche, M. G.
obtient un score élevé lors de la deuxième passation (28 points sur 30) puis un score plus
faible (16 points). Ces deux patients, très limités d’un point de vue verbal, ont donc
massivement investi la communication non verbale, autant sur le versant expressif que
réceptif, comme le montrent les scores élevés obtenus dans ce domaine.
Cependant, nous observons que les scores obtenus en communication non verbale sont
très variables d’un patient à un autre. En effet, en fonction des compétences verbales, la
communication non verbale est plus ou moins investie.
Les patients qui présentent une réduction majeure du langage oral investissent pleinement
la communication non verbale afin de pallier leurs troubles d’expression. De ce fait, ils
obtiennent des points à la fois en production et en compréhension non verbale.
En revanche, les patients qui sont en mesure d’utiliser le langage verbal pour s’exprimer ne
produisent pas de signes non verbaux tels que les gestes. Ainsi, ils présentent un faible score
en communication non verbale, n’obtenant alors des points qu’en compréhension. Même si ce
canal non verbal est investi à minima, il reste secondaire au profit du langage oral qui reste le
canal privilégié.
Les résultats en communication non verbale révèlent donc une utilisation de ce canal
seulement lorsque les patients aphasiques sont limités en expression verbale.
Nous pensons ainsi que notre deuxième hypothèse concernant l’investissement de la
communication non verbale est validée.
71
1.3. Troisième
hypothèse
Pour quatre de nos six patients, les scores d’attention et de motivation obtenus dans la
première partie du TLC sont maximums et constants durant les trois passations.
En revanche, pour M. F. et M. G., nous obtenons des résultats qui évoluent au fil des
passations successives. Ces deux patients étaient très limités et fatigables lors de la première
passation à l’UNV et peinaient à prendre part à l’interaction. Leurs scores dans ce domaine
ont donc augmenté progressivement pour finalement atteindre le score maximal lors de la
dernière passation.
Globalement, les résultats témoignent des capacités des patients aphasiques à entrer en
interaction avec autrui et à s’adapter à la situation de communication. Dès le départ, la
majorité des patients est en mesure de prendre des initiatives dans la conversation, de faire
attention aux propos de l’interlocuteur et fait preuve de volonté pour échanger des
informations. Tous ces facteurs sont primordiaux et veillent à l’établissement et au maintien
de l’interaction (Lefeuvre & coll., 2000).
Nous estimons donc que notre troisième hypothèse concernant l’engagement des patients
aphasiques dans l’interaction est validée.
Nous avons par ailleurs remarqué que la communication non verbale est massivement
investie lorsque le langage oral est déficitaire. Les patients utilisent alors plus de gestes
lorsque la communication verbale n’est pas suffisante pour exprimer une idée.
Les enregistrements vidéo nous ont d’ailleurs permis d’observer une grande expressivité
et une diversité des signes non verbaux utilisés par les patients aphasiques. Les expressions
faciales sont fondamentales dans la communication permettant de repérer et d’exprimer
72
diverses émotions. De plus, nous constatons que le regard et le sourire sont des éléments
significatifs dans l’instauration d’un climat de confiance entre les partenaires. Tous ces
paramètres sont donc à prendre en compte dans l’interaction puisqu’ils traduisent
efficacement des messages non verbaux.
Dans l’ensemble, nous remarquons que les patients aphasiques utilisent à la fois la
communication verbale et non verbale afin d’optimiser la qualité de l’échange. Plus l’aphasie
est sévère, plus le nombre de canaux investis est important.
Nous pouvons donc dire que notre quatrième hypothèse concernant l’augmentation du
nombre de canaux de communication est validée.
Les quatre sous-hypothèses formulées sont donc validées : nous pouvons ainsi affirmer,
dans la limite des données collectées, que la communication des patients aphasiques est
améliorée dans les mois qui suivent l’AVC.
73
2. Difficultés
rencontrées,
interrogations
et
limites
Notre étude comporte certains biais méthodologiques que nous allons à présent
mentionner, de manière à nuancer les tendances précédemment dégagées.
2.1. Population
La contrainte temporelle pour la réalisation de ce mémoire nous a donc limitée pour la
constitution de l’échantillon de patients. Le nombre de patients recrutés pour cette
expérimentation est trop faible pour permettre une analyse statistique. De ce fait, nous ne
sommes pas en mesure de généraliser les résultats obtenus.
De plus, cette contrainte temporelle a également limité le nombre de passations du TLC.
Au niveau des résultats, nous n’avons pu observer que des évolutions sur un temps
relativement restreint. Il aurait été intéressant de ne pas se limiter à trois passations et d’en
réaliser plus.
Par ailleurs, la sémiologie des troubles de nos six patients est variable. En effet,
globalement, trois des six patients présentaient une aphasie d’expression plutôt sévère alors
que celle des trois autres patients était plutôt modérée. Nos résultats montrent une évolution
différente en fonction de la sévérité initiale de l’aphasie. De ce fait, nous aurions pu séparer
nos patients en deux groupes en fonction de la sévérité initiale de leur aphasie afin de
comparer leurs résultats.
Enfin, tous les patients de notre étude ne suivaient pas de rééducation orthophonique
en parallèle. En effet, M. G., Mme I. et Mme K. ont bénéficié de séances de rééducation entre
les passations contrairement aux trois autres patients. De ce fait, nous ne pouvons pas
distinguer les progrès attribuables à la rééducation orthophonique, de ceux attribuables à la
récupération spontanée de l’aphasie. Il est donc impossible d’affirmer que la rééducation
orthophonique ait influé sur les performances de nos patients.
74
2.2. Test
Lillois
de
Communication
Au cours des passations du TLC, nous nous sommes interrogée sur différents points
concernant le test en lui-même. En effet, dans la présentation du TLC, les auteurs expliquent
l’importance du caractère naturel des situations de communication mises en place avec les
patients. Lors de la passation de ce test, nous proposons au patient d’échanger sur des thèmes
imposés dont il n’a pas l’initiative. Or, comme l’explique Traverso (2007) les conversations
émergent d’ordinaire spontanément et se construisent autour d’un thème libre. Au gré des
passations, nous avons pris conscience de l’importance de la motivation dans le déroulement
de l’échange. Nous avons donc petit à petit orienté la discussion vers des thèmes choisis en
fonction des intérêts particuliers de chaque patient comme le sport, la télévision, la vie
urbaine et la vie rurale. S’intéresser aux intérêts de chaque patient permet ainsi de créer une
situation de communication plus écologique. Ce concept s’inspire d’ailleurs des approches
fonctionnelles et pragmatiques que nous avons précédemment développées.
Cependant, comme le requiert le test, nous avons veillé à ce que les thèmes évoqués
permettent toujours aux patients de produire un discours à dominante informative. Ils devaient
également susciter une divergence d’opinions afin que le patient puisse prendre position et
développer des arguments.
Par ailleurs, les comportements non verbaux des patients sont évalués seulement au cours
de l’épreuve d’inspiration PACE. De ce fait, cet exercice inscrit la communication dans un
contexte référentiel puisque le patient doit nous faire découvrir une image. Cette situation ne
reflète donc pas vraiment l’utilisation spontanée du canal non verbal tel qu’il peut l’être dans
les échanges quotidiens des patients aphasiques.
75
2.2.2. Cotation
Comme nous l’avons vu auparavant, nous avons nous-même coté chaque passation afin de
limiter les variations inter-juges. L’utilisation de ce test est soumise à notre propre
subjectivité et à notre seule appréciation clinique. Certains items, notamment ceux concernant
la communication non verbale, se sont révélés difficiles à coter. En effet, nous hésitions
parfois entre le score maximal à attribuer ou le score intermédiaire lorsque le comportement
observé ne correspondait pas précisément à la description de l’item proposée par le TLC.
Toutefois, nous avons développé une certaine expérience clinique au fil des passations
nous permettant alors d’affiner l’observation des compétences communicatives de nos
patients. De ce fait, la finesse et la justesse de notre jugement clinique s’est donc renforcée
progressivement. Notre appréciation est donc certainement plus fine et par conséquent, plus
fiable à la fin de l’étude qu’au début de celle-ci.
Nous avons émis quelques réticences quant au score global calculé par le TLC. En effet,
celui-ci prend en compte les trois scores obtenus dans les domaines explorés en se basant sur
une somme pondérée : 2,5 x (total attention et motivation) + 1,3 x (total communication
verbale) + 1,53 x (total communication non verbale). Il nous semble que ce score ne soit pas
très représentatif de la communication globale des patients aphasiques. Pour M. G. par
exemple, son score global est plus faible lors de la troisième passation que lors de la
deuxième. Cette diminution ne signe cependant pas une régression de ses compétences mais
une modification de son comportement communicatif. En effet, lors de la dernière séance, il a
moins eu recours à la communication non verbale pour pallier ses difficultés en raison de la
récupération d’une communication verbale plus fonctionnelle.
De ce fait, nous n’avons pas utilisé ce score dans l’analyse des résultats ni dans les
graphiques réalisés pour chaque patient. Nous avons tout de même consigné tous les scores
globaux de nos patients dans le tableau récapitulatif (cf : Annexe 3).
76
2.3. Conditions
de
passation
du
TLC
Par ailleurs, en raison des contraintes temporelles inhérentes à la réalisation de cette étude,
les intervalles entre les passations n’ont pas toujours été réguliers. En effet, en fonction de la
date de recrutement des derniers patients, nous avons dû raccourcir l’intervalle entre les
séances afin d’être tout de même en mesure de réaliser trois passations. Par exemple, pour
Mme K., la deuxième et la troisième passation sont seulement espacées de deux semaines. De
plus, au début de notre expérimentation, la première et la deuxième passation de M. F. ont eu
lieu à seulement huit jours d’intervalle. Il aurait été intéressant d’augmenter les intervalles
entre les passations afin d’obtenir des évolutions à plus long terme.
De plus, les enregistrements vidéo nous ont servi de support au travail d’analyse. Nous
nous sommes questionnée sur le fait que la caméra ait pu influencer le comportement des
patients et donc modifier leur attitude et leurs performances communicatives en situation
d’enregistrement. Cependant, nous avons constaté que tous nos patients avaient facilement et
rapidement omis la présence de la caméra faisant preuve d’une grande capacité d’adaptation.
77
fonction des feed-back verbaux et non verbaux envoyés par les patients, nous devions nous-
même ajuster en permanence notre discours afin de s’assurer de la bonne compréhension de
celui-ci.
Concernant la compréhension et l’attitude des patients au cours des épreuves, nous avons
constaté l’importance des pauses et des feed-back. En raison des répercussions cognitives de
l’AVC, il est essentiel de laisser aux patients des temps de réflexion pour qu’ils puissent
programmer et formuler leurs idées. Nous avons également remarqué que les soupirs étaient
typiques chez les patients aphasiques, signe non verbal de leur compréhension mais
également de leurs difficultés.
78
Par ailleurs, pour la moitié de nos patients, nous sommes donc intervenue à domicile pour
les deux dernières passations du TLC. Nous pensons que ces séances à domicile procuraient
un cadre plus rassurant à notre intervention en raison du contexte familier. Cependant, les
conditions n’étaient parfois pas optimales (présence du mari dans la pièce, présence
d’animaux domestiques etc.). De plus, les interventions des proches de nos patients durant les
passations se sont révélées être des éléments perturbateurs.
79
D’un point de vue personnel et clinique, la rencontre avec ces patients, les contacts avec
les différents professionnels et le travail en autonomie au cours de ces quelques mois ont été
des expériences très formatrices pour la future pratique du métier d’orthophoniste. En effet, ce
travail nous a demandé de développer une attitude professionnelle avec nos patients. Nous
avons dû nous adapter continuellement à chaque patient, ses troubles, mais aussi son histoire,
son vécu afin d’instaurer un climat de confiance. Pour la réussite de notre passation, nous
devions valoriser les échanges en faisant preuve d’écoute et de respect. Nous devions alors
ajuster notre discours à leurs compétences et faire émerger implicitement tous les
comportements attendus pour l’analyse de leur communication.
De plus, nous avons remarqué, notamment au cours de l’épreuve PACE, que certains
patients prenaient conscience de leurs difficultés mais également de tous les canaux de
communication qu’ils avaient à leur disposition. En début d’exercice, nous rappelions
toujours qu’ils pouvaient utiliser n’importe quel moyen pour nous faire deviner les cartes
comme la parole, les gestes, le mime, l’écriture ou encore le dessin.
Enfin, au fil des rencontres, nous avons pu instaurer un réel climat de confiance offrant
aux patients un espace de parole et d’écoute. À plusieurs reprises, des patients nous ont parlé
de leurs difficultés, de leur souffrance et des répercussions que l’aphasie avait sur leur
quotidien. Nous nous sommes cependant efforcée de cadrer notre intervention afin de ne pas
aller au delà de notre champ de compétences.
Ainsi, la confiance accordée par nos patients nous a permis de créer des situations de
communication les plus naturelles possibles lors des passations de notre test. Nous avons
alors évité la relation hiérarchique soignant-soigné au profit d’une relation plus écologique
entre le patient et nous-même.
80
3.3. Perspectives
Dans une perspective pragmatique et fonctionnelle, nous avons donc concentré notre
attention sur les performances communicationnelles des patients, sur l’utilisation du langage
en situation naturelle d’interaction plutôt que sur les performances langagières. Nous avons
ainsi mesuré l’importance d’évaluer la communication des patients aphasiques, dès la phase
aiguë, dans le but de valoriser les autres canaux disponibles notamment en rééducation.
Il pourrait donc être intéressant de réaliser des bilans centrés sur la communication dès
le début de la prise en charge et donc de ne pas se focaliser seulement les compétences
linguistiques de ces patients. Le TLC pourrait être davantage être utilisé et exploité car il nous
donne de nombreuses pistes et valorise la communication globale des patients aphasiques
contrairement aux bilans orthophoniques classiques. La passation peut être adaptée,
notamment en phase aiguë, pour réduire la durée du test.
Il est donc tout à fait envisageable d’inclure ce test dans les bilans orthophoniques
initiaux en complément des tests langagiers pour avoir une idée précise des compétences
communicationnelles des patients aphasiques.
81
CONCLUSION
82
L’objectif de notre mémoire était d’étudier la communication des patients aphasiques
après un accident vasculaire cérébral au cours de leur parcours de soins. Comme nous l’avons
vu, même si le langage est perturbé, les compétences communicationnelles sont généralement
mieux préservées.
Pour mener cette étude, nous avons réalisé un suivi longitudinal de six patients
aphasiques dès la phase aiguë à l’UNV jusqu’au retour à domicile. Nous les avons ainsi
rencontrés dans différents contextes : hospitalisation à l’UNV, séjour en centre de rééducation
et retour à domicile avec ou sans prise en charge libérale. Au cours de ce suivi, nous leur
avons proposé trois fois le même bilan orthophonique de communication, le Test Lillois de
Communication (TLC). Nous avons ainsi pu évaluer l’évolution des compétences
communicatives de ces patients au cours de leur parcours de soins.
Afin d’affiner l’observation clinique des comportements communicatifs, nous avons
filmé chaque passation. Nous avons ensuite visionné les enregistrements au moment de la
cotation du TLC.
Les résultats de notre étude montrent que la communication globale des patients
aphasiques devient de plus en plus fonctionnelle. Nous observons une amélioration de la
communication verbale au fil des passations et une augmentation du nombre de canaux de
communication investis par les patients. Nous remarquons également que la communication
non verbale est d’autant plus investie lorsque le langage oral est très déficitaire. De plus, les
performances montrent que les patients s’investissent dans l’interaction. Cet engagement dans
l’échange se manifeste par une attention et une motivation pour la communication. En phase
aiguë, l’investissement est moindre en raison de la grande fatigabilité des patients victimes
d’AVC.
Cependant, cette étude n’ayant été menée que sur un faible échantillon, nous ne
sommes pas en mesure de généraliser les résultats obtenus. Il aurait également été intéressant
d’augmenter le nombre de passations du TLC ainsi que l’intervalle entre chaque séance.
83
Notre étude montre l’intérêt d’utiliser de tests comme le TLC davantage centrés sur la
communication, et ce, dès la phase aiguë de l’aphasie. En effet, dans une perspective
pragmatique et fonctionnelle, ce type de tests permet d’évaluer précisément les moyens de
communication mis en place par les patients aphasiques. Le TLC prenant en considération les
compétences communicatives, il s’avère être un outil intéressant à exploiter dès la phase
aiguë. Il permet alors d’enrichir le bilan langagier en apportant des informations
complémentaires utiles à la rééducation orthophonique. En effet, le thérapeute peut orienter
son plan thérapeutique et s’adapter le plus possible aux besoins communicatifs de chacun. Les
moyens de communication à disposition du patient peuvent ainsi être renforcés afin de
faciliter l’échange.
Au delà des compétences linguistiques pures, il est donc très enrichissant d’un point
de vue orthophonique de s’intéresser à la communication globale des patients aphasiques. La
reconnaissance et la prise en compte des capacités communicationnelles des patients permet
de repenser l’évaluation précoce de l’aphasie mais aussi la prise en charge rééducative. Les
approches fonctionnelles, pragmatiques et plus récemment écologiques, suggèrent ainsi
d’adopter cette conception pour la rééducation des pathologies du langage en général.
84
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91
ANNEXES
92
Annexe
1
:
Formulaire
de
consentement
93
Annexe
2
:
Profil
communicationnel
du
TLC
94
Annexe
3
:
Tableau
récapitulatif
des
scores
obtenus
au
TLC
Attention
et
Communication
Communication
Patients
Passations
Dates
Score
total
Motivation
verbale
non
verbale
T1
08/09/15
4
10
12
41,36
M.
F
T2
16/09/16
4
12
12
43,96
T3
13/10/16
6
20
16
65,48
T1
12/11/16
5
4
9
31,47
M.
G
T2
07/01/16
6
16
28
78,64
T3
02/03/16
6
22
16
68,08
T1
11/02/16
6
24
16
70,68
Mme
H
T2
01/04/16
6
26
16
73,28
T3
21/04/16
6
27
16
74,58
T1
25/02/16
6
8
24
62,12
Mme
I
T2
01/04/16
6
12
28
73,44
T3
21/04/16
6
19
29
84,07
T1
10/03/16
6
21
16
66,78
M.
J
T2
31/03/16
6
27
18
77,64
T3
20/04/16
6
29
18
80,64
T1
10/03/16
6
26
16
73,28
Mme
K
T2
08/04/16
6
28
16
75,88
T3
22/04/16
6
28
16
75,88
95
RESUME
La survenue brutale de l’aphasie entraîne des répercussions sur le langage et la communication des
patients victimes d’AVC. De nouvelles approches plus globales complètent désormais les approches
traditionnelles de l’aphasie. Les courants pragmatiques et fonctionnels proposent une prise en charge
orthophonique globale du patient aphasique en centrant leur intervention davantage sur la
communication que sur les compétences langagières. Sensible à ces considérations, nous proposons
de réaliser une étude de la communication des patients aphasiques post-AVC. Nous avons réalisé un
suivi longitudinal de six patients en leur administrant trois passations successives d’un bilan
orthophonique de la communication, le Test Lillois de Communication (TLC), à différents moments
de leur parcours de soins. Les résultats témoignent d’une amélioration globale de la communication,
à la fois verbale et non verbale, de notre population dans les semaines qui suivent l’AVC. Cette étude
met donc en évidence l’intérêt de proposer des tests fonctionnels comme le TLC aux patients
aphasiques, et ce, dès la phase aiguë. Ainsi, dès les premières semaines post-AVC, la rééducation
peut s’appuyer sur tous les canaux de communication dont le patient dispose et tenir compte
davantage des compétences communicationnelles que des compétences langagières.