Cat Devant Un Oeil Rouge

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RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON

Paix – Travail - Patrie Peace – Work - Fatherland


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MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT MINISTRY OF HIGHER EDUCATION
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UNIVERSITÉ DE DOUALA UNIVERSITY OF DOUALA
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FACULTÉ DE MÉDECINE ET FACULTY OF MEDICINE AND
SCIENCES PHARMACEUTIQUES PHARMACEUTICAL SCIENCES
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CAT DEVANT UN ŒIL ROUGE

M1 – Médecine

SEMESTRE 2 (Année académique 2022-2023)

Dr ABOUBAKAR HASSAN, Maitre-Assistant.


E-mail : [email protected]

Superviseurs
Pr DOHVOMA Viola, Maitre de conférences agrégé.
E-mail : [email protected]

Pr EBANA MVOGO Côme, Professeur agrégé.


E-mail : [email protected]
Dr ABOUBAKAR HASSAN : CAT devant un œil rouge, M1 ; 2023

OBJECTIFS

1. Définir « l’œil rouge »

2. Citer 5 étiologies de l’œil rouge

3. Citer 5 symptômes et 5 signes d’un œil rouge

4. Décrire 4 pathologies responsables d’un œil rouge

5. Identifier 5 critères de gravité d’un œil rouge

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Dr ABOUBAKAR HASSAN : CAT devant un œil rouge, M1 ; 2023

PLAN

INTRODUCTION

1 – DEFINITION

2 – INTERET

I- GENERALITES

1 – RAPPELS

2 – PATHOGENIE

II- CAT DIAGNOSTIQUE

1 – INTERROGATOIRE

2 – EXAMEN CLINIQUE

3 – EXAMEN PARACLINIQUE

4 – FORMES CLINIQUES

5 – CRITERES DE GRAVITE

III- CAT THERAPEUTIQUE

1 – BUT

2 – MOYENS

3 – INDICATIONS

4 – RESULTATS

5 – SURVEILLANCE

CONCLUSION

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Dr ABOUBAKAR HASSAN : CAT devant un œil rouge, M1 ; 2023

INTRODUCTION

1- DEFINITION
« L’œil rouge » est un syndrome clinique ophtalmologique marqué principalement par la
coloration rougeâtre de l’œil à travers la muqueuse conjonctivale. Cette rougeur est due à une
augmentation de la vascularisation locale ou à une rupture vasculaire.
La rougeur oculaire constitue une situation d’urgence oculaire très fréquente. C’est une
manifestation clinique de nombreuses pathologies oculaires, des plus bénignes aux plus
menaçantes pour la vision. L'analyse précise des caractéristiques d'un œil rouge et des
éventuels éléments associés permet de distinguer les principales orientations diagnostiques.
Face à un œil rouge, le clinicien devra avant tout rechercher et éliminer un facteur
traumatique, car la démarche et la prise en charge seront différentes. Ce cours va traiter
essentiellement l’œil rouge non traumatique. Les traumatismes oculaires feront l’objet d’un
autre cours.
2- INTERET
 Epidémiologique: l’œil rouge est un motif fréquent de consultation en ophtalmologie.
 Diagnostique: l’étude soigneuse des signes permet de faire le diagnostic et de prévoir le
degré de gravité.
 Pronostique: certaines étiologies peuvent causer la cécité.

I- GENERALITES
1- RAPPELS
1-1. La conjonctive
La conjonctive est une muqueuse translucide richement vascularisée qui tapisse la face
postérieure des paupières (conjonctive palpébrale), et s’invagine pour former des culs-de-sac.
Elle se prolonge sur la partie antérieure de la sclérotique (conjonctive bulbaire) et s’arrête au
niveau du limbe sclérocornéen.

Coupe sagittale de l’œil [passeportsante.net] :1- Conjonctive bulbaire, 2- Conjonctive


palpébrale, 3- Fornix

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1-2. Les tuniques et les milieux transparents de l’œil


Le globe oculaire a la forme d'une sphère. On lui décrit trois tuniques et des milieux
transparents.

Tuniques et milieux transparents de l’œil [bioinformatic.org]

1-2-1. Les tuniques de l’œil : externe, moyenne, interne


 La tunique externe
- La sclérotique : constitue le 5/6 postérieur de l'enveloppe externe du globe. Elle est opaque,
inextensible, résistante, de couleur blanc nacré. Sa face externe est convexe et reçoit les
insertions des muscles oculomoteurs et leurs aponévroses. Sa face interne est concave et
recouvre le tractus uvéal.
- La cornée : calotte de sphère transparente, elle est le prolongement antérieur de la
sclérotique. La cornée est entièrement avasculaire et est humidifiée en permanence pour
conserver sa transparence. La zone de transition entre la cornée et la sclérotique s'appelle le
limbe.
 La tunique moyenne ou uvée
L’uvée comprend d’avant en arrière : l’iris, le corps ciliaire et la choroïde.
- L’iris : c'est un véritable diaphragme circulaire situé dans le plan frontal, en avant du
cristallin, en arrière de la cornée et perforé en son centre d’un orifice circulaire, la pupille. Sa
face antérieure est pigmentée, de couleur variable selon les races. Il joue le rôle d’écran
protecteur en modulant la pénétration intraoculaire de la lumière.

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- Le corps ciliaire : triangulaire à la coupe, le corps ciliaire est un anneau placé en regard de
l'équateur du cristallin qu'il suspend par l'intermédiaire des ligaments suspenseurs ou zonules
de Zinn. Il porte le muscle ciliaire qui participe à l'accommodation. A sa face postérieure on
trouve les procès ciliaires qui sécrètent l'humeur aqueuse dans la chambre postérieure; elle
gagne la chambre antérieure à travers la pupille, et est éliminée au niveau de l’angle irido-
cornéen.
- La choroïde: c'est une lame de tissu conjonctif située immédiatement sous la sclérotique.
Elle est très vascularisée: c'est la membrane nourricière de l'œil.
 La tunique interne ou la rétine
Fine membrane rosée tapissant la surface interne du globe, la rétine est un tissu
neurosensoriel, capable de capter les rayons lumineux et de transmettre les informations
visuelles au système nerveux central.
1-2-2. Les milieux transparents : cornée, chambre antérieure, cristallin, vitré.
- Chambre antérieure : cavité située entre la face antérieure de l’iris en arrière et la face
postérieure de la cornée en avant. Elle est remplie de l’humeur aqueuse qui est un liquide
transparent provenant de la chambre postérieure.
1-3. L’angle irido-cornéen
C’est l’un des composants majeurs de l’œil, il constitue la principale voie de résorption
de l’humeur aqueuse par le biais d’un de ses éléments essentiels, le trabéculum. L'angle irido-
cornéen (AIC) est issu de la réunion de quatre structures oculaires indissociables: la cornée et
la sclère en avant, l'iris et le corps ciliaire en arrière.
L’humeur aqueuse (HA) est formée au niveau des procès ciliaires du corps ciliaire, à
partir du plasma. Elle est sécrétée dans la chambre postérieure et gagne la chambre antérieure
à travers la pupille avant d’être éliminée au niveau de l’angle irido-cornéen par la voie
principale trabéculo-canaliculaire (90%) et par la voie accessoire uvéosclérale (10%).
L’humeur aqueuse a une influence primordiale sur la pression intraoculaire.
1-4. La vascularisation de l’œil
La vascularisation artérielle du globe oculaire est assurée par l’artère ophtalmique,
branche de l’artère carotide interne. L’artère ophtalmique est à l’origine de l’artère centrale de
la rétine et des artères ciliaires. Ces dernières vascularisent entre autres la sclère, l’iris, le
corps ciliaires et la conjonctive.

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2- PATHOGENIE
Un œil rouge résulte d'une dilatation ou d’une rupture des vaisseaux sanguins dans la
partie antérieure de l'œil. Le diagnostic étiologique peut être facilité par la différenciation
entre l'injection ciliaire et l'injection conjonctivale. L'injection ciliaire implique des branches
des artères ciliaires antérieures et indique une inflammation de la cornée, de l'iris ou du corps
ciliaire. L'injection conjonctivale implique principalement les vaisseaux sanguins
conjonctivaux postérieurs. Parce que ces vaisseaux sont plus superficiels que les artères
ciliaires, ils produisent une rougeur plus marquée, qui se déplace avec la conjonctive et
disparait avec l'application de vasoconstricteurs topiques.

II- CAT DIAGNOSTIQUE

1- INTERROGATOIRE
L’interrogatoire doit :
 Préciser le mode d’apparition
 récente ou ancienne,
 brutale ou d’installation progressive,
 unilatérale ou bilatérale (soit d’emblée soit avec un intervalle libre).
 Rechercher les signes associés
 locaux (douleur, baisse de l’acuité visuelle, prurit, sécrétions, etc.)
 généraux (céphalées, fièvre, vomissements)
 Préciser le type de la douleur
 Superficielle :
 modérée, à type de sensation de grains de sable (conjonctivite)
 plus importante, avec photophobie, larmoiement et blépharospasme (kératite
aigue)
 Profonde :
 modérée : évoquant une uvéite antérieure ou une épisclérite
 intense irradiant dans le territoire du trijumeau (hypertonie oculaire aigu)
 Rechercher une baisse de l’acuité visuelle ; l’absence de baisse d’acuité visuelle
oriente vers une conjonctivite ou encore une épisclérite (moins fréquente).
 Préciser les antécédents ophtalmologiques et généraux : ceux-ci peuvent
fréquemment donner la clé du diagnostic, par exemple dans le cas d’une uvéite ou
d’une sclérite compliquant une maladie systémique.

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 Rechercher la notion d’un traumatisme (même minime) : Devant une rougeur


oculaire dans un contexte traumatique, on s’acharnera à éliminer une plaie perforante
du globe oculaire : Il s’agit d’une urgence ophtalmologique. Le contexte traumatique
constitue également un critère de gravité devant une rougeur oculaire.
 Rechercher certaines circonstances particulières
 effort de type Vasalva : toux, éternuement, vomissement, accouchement etc.
 frottements des yeux
 épidémie

2- EXAMEN CLINIQUE
Bilatéral et comparatif
2-1. Mesure de l’acuité visuelle : de loin et de près, avec correction optique éventuelle
2-2. Examen des paupières : inspection à la recherche de rougeur et œdème
2-3. Examen des conjonctives et de la sclère:
a) Evaluer la topographie de la rougeur oculaire
 diffuse : concerne toute la conjonctive bulbaire et palpébrale
 en secteur : nasal, temporal, supérieur, inférieur
 autour du limbe : cercle périkératique (vasodilatation concentrique des vaisseaux
conjonctivaux limbiques péri cornéens sur 360°)
b) Evaluer l’aspect de la rougeur oculaire
 homogène ou en nappe : hémorragique
 hétérogène : vasodilatation
c) Examiner la sclère
 recherche de nodules
 recherche d’une nécrose
d) Everser les paupières supérieures
 recherche des papilles et follicules
 recherche du corps étranger
2-4. Examen de la cornée
La cornée normale est claire, sans altération de surface. Son examen permet
d'apprécier :

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 sa transparence : en recherchant la diminution de la transparence (localisée ou


diffuse) et les précipités rétro-cornéens (dépôts de cellules inflammatoires sur la face
postérieure de la cornée)
 son intégrité : elle se fait par le test à la fluorescéine à la recherche d’une ulcération
cornéenne. En effet, l’épithélium cornéen normal ne retient pas la fluorescéine qui par
contre se fixe sur le stroma en absence de l’épithélium ; ceci permet de colorer
électivement les ulcérations cornéennes qui peuvent être :
 une ulcération unique,
 un ulcère dendritique,
 de petites ulcérations disséminées (kératite ponctuée superficielle = KPS).
 sa sensibilité : en effleurant la cornée avec l’extrémité d’une compresse stérile (avant
l'instillation d'un anesthésique de contact). Ce test permet de définir si la sensibilité
cornéenne est présente (clignement palpébral) ou absente (pas de clignement
palpébral).
2-5. Examen de l’iris et de la pupille : à la recherche de
 synéchies irido-cristalliniennes,
 atrophie irienne, hétérochromie, nodules iriens,
 plaie irienne,
 myosis, semi-mydriase aréflective,
 neovaisseaux iriens.
2-6. Examen de la chambre antérieure
La chambre antérieure normale est décrite comme « calme » car remplie de l’humeur
aqueuse optiquement vide. Son examen se fait par l’évaluation de :
 sa profondeur
 l’effet tyndall : traduit la présence de particules inflammatoires ou hématiques,
visibles en suspension.
 la fibrine
 l’hypopion (présence de pus en chambre antérieure)
 l’hyphéma (présence du sang en chambre antérieure)
2-7. Mesure du tonus oculaire
 au tonomètre à air pulsé ou par aplanation (tonomètre de Goldmann). La valeur
normale de la pression intraoculaire se situe entre 10 et 21 mmHg.
 par palpation bi-digitale : le tonus du globe oculaire est apprécié en appuyant
doucement par pressions successives à travers la paupière supérieure sur le globe

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(comparaison par palpation symétrique des 2 globes). On peut retrouver un globe


oculaire « dur » en cas de glaucome aigu.
2-8. Examen du fond de l’œil
Permet de rechercher les atteintes du vitré et de la rétine. La dilatation est contre-
indiquée en cas de suspicion du glaucome aigu.

3- EXAMENS PARACLINIQUES
L’examen paraclinique n’est pas nécessaire pour une orientation diagnostique et
surtout pour l’initiation d’un traitement. Il peut être nécessaire dans la recherche étiologique
de certaines pathologies. C’est le cas du frottis conjonctival dans les conjonctivites, des bilans
infectieux et de recherche des pathologies systémiques dans les uvéites.

4- FORMES CLINIQUES
On peut classifier l’œil rouge en fonction de son association ou pas avec la douleur et la
baisse de l’acuité visuelle. Ceci nous permet d’avoir une certaine orientation diagnostique :
 L’œil rouge sans douleur sans baisse de l’acuité visuelle
 Rougeur diffuse : oriente vers une conjonctivite
 Rougeur localisé : oriente vers une hémorragie sous conjonctivale
 L’œil rouge avec douleur
 Sans baisse de l’acuité visuelle : sclérite ou épisclérite
 Avec baisse de l’acuité visuelle : kératite, uvéite antérieure et glaucome aigu
par fermeture de l’angle.
A- Œil rouge non douloureux sans baisse de l’acuité visuelle
1) Les conjonctivites
C’est l’étiologie la plus fréquente d’un œil rouge.
 Signes : rougeur diffuse, acuité visuelle conservée, sensation de grains de sable, prurit,
secrétions claires ou purulentes, cils collés le matin, cornée claire, PIO normale, pupille
de taille normale, reflexe photomoteur normal.
 Etiologies :
 Les conjonctivites bactériennes :
- le plus souvent bilatérales, parfois avec un intervalle libre ;
- les secrétions sont muco-purulentes ;
- un prélèvement pour examen bactériologique n’est pas nécessaire en première
intention ;

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- essentiellement causées par trois bactéries : Staphylococcus aureus, Streptococcus


pneumoniae et Hemophilius influenzae.
Cas particuliers
- Conjonctivites à chlamydia :
o Conjonctivite à inclusions de l’adulte : affection sexuellement transmissible,
qui peut s’associer à une urétrite ou une vaginite.
o Trachome (conjonctivite à chlamydia trachomatis) : très fréquent dans les
pays du tiers monde et responsable de complications cornéennes très sévères
(cécité).
- Conjonctivites néonatales :
o aussi appelé ophtalmie néonatale, apparait pendant les 28 premiers jours de
vie
o il s'agit d'infections transmises par voie sexuelle lors du passage du nouveau-né
dans la filière génitale infectée de sa mère ;
o le gonocoque (débute avant le 5°jour de vie) et le Chlamydia trachomatis
(après le 5°jour de vie) sont les germes responsables les plus fréquents.
 Les conjonctivites virales :
- apparaissent par épidémie de par la rapidité et la facilité de la contagion ;
- bilatérales et s’accompagnent des secrétions claires ;
- on peut retrouver une hémorragie sous conjonctivale (adénovirus) ou une ulcération
conjonctivale (herpès) ;
- la présence d’une adénopathie prétragienne est très évocatrice ;
- l’évolution est en règle spontanément favorable en 10 à 15 jours, mais évolution
possible vers une kératoconjonctivite ;
- les germes incriminés sont : Adénovirus (le plus fréquent, « appollo »), Herpès,
Entérovirus.
 Les conjonctivites allergiques :
- rencontrées sur un terrain atopique connu le plus souvent ;
- bilatérales, récidivantes, marquées par un prurit ;
- la limboconjonctivite endémique des tropiques (LCET) rencontrée chez les enfants est
la plus fréquente chez nous.

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2) L’hémorragie sous conjonctivale


C’est une rougeur homogène, en nappe, unilatérale, indolore avec une acuité visuelle
conservée. Elle est spontanée (rechercher une HTA, le diabète, un trouble de la
coagulation) ou post traumatique (rechercher un corps étranger intraoculaire).

Hémorragie sous conjonctivale [ScienceDirect.com]

B- Œil rouge douloureux sans baisse de l’acuité visuelle


1) L’épisclérite
C’est une inflammation sclérale superficielle. L’œil présente une rougeur généralement
en secteur associée à une douleur modérée. La vision est conservée et l’examen du segment
antérieur est normal. Les épisclérites simples ou nodulaires sont le plus souvent idiopathiques,
cependant un bilan étiologique doit être pratiqué à la recherche d’une maladie de système.
2) La sclérite antérieure
Ici, la douleur est plus lancinante voire insomniante et s’associe à une photophobie.
Les sclérites antérieures (de forme diffuse, nodulaire, nécrosante avec ou sans inflammation)
sont associées dans 40 à 100% des cas à des maladies systémiques. Les étiologies de la
sclérite sont nombreuses. Les plus fréquentes sont la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de
Wegener, la polychondrite atrophiante, le lupus systémique. Des maladies infectieuses
peuvent également être en cause, parmi lesquelles la syphilis et la tuberculose.

C- Œil rouge douloureux avec baisse de l’acuité visuelle


1) Les kératites
La kératite est une atteinte de l’intégrité de la cornée, superficielle ou profonde d’origine
infectieuse, traumatique ou trophique. Elle se manifeste par une imprégnation par la
fluorescéine dans les formes superficielles, associée à une opacification cornéenne en cas
d’atteinte profonde (abcès, ulcère profond).
 Signes : douleur, photophobie, larmoiement, baisse d’acuité visuelle, cercle périkératique,
pupille de taille normale, reflexe photomoteur normal, tache sur la cornée prenant la
fluorescéine, parfois pus en chambre antérieure (hypopion).
 Etiologies :

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a- Kératites infectieuses
a-1. Kératite bactérienne : elle est liée à quatre grands groupes de bactéries : les
staphylocoques, les streptocoques, les pseudomonas et les entérocoques. Les formes cliniques
sont variables. La triade œil rouge en cercle périkératique, larmoiement purulent et
blépharospasme est constante. L’examen peut mettre en évidence un abcès cornéen, opacité
blanchâtre cornéenne qui souvent prend la fluorescéine.

Kératite bactérienne associée à un hypopion [reseachgate.net]

a-2. Kératite virale : La kératite herpétique est la première cause de cécité d’origine
infectieuse dans les pays industrialisés. La forme typique est la kératite dendritique : on
observe, après l’instillation d’une goutte de fluorescéine, une atteinte épithéliale
caractéristique en feuille de fougère. Le patient présente une vive douleur trigéminée, un
larmoiement important ainsi qu’un blépharospasme majeur. L’instillation oculaire de
corticoïde est formellement contre-indiquée.

Kératite herpétique [aafp.org]

a-3. Kératite amibienne : La kératite amibienne est rare. Elle est très souvent retrouvée chez
les patients porteurs de lentilles (entretien des lentilles avec de l’eau du robinet).
a-4. Kératite fongique : Il faut l’évoquer après traumatisme par corps étranger végétal et
chez des patients porteurs de lentilles.
b- Kératites non infectieuses
b-1. Kératite secondaire à un syndrome sec oculaire

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b-2. Kératite secondaire à une malposition palpébrale : Elle est consécutive à une irritation
de la cornée par les cils.
b-3. Kératite neurotrophique : affection dégénérative caractérisée par une diminution ou
une perte de la sensibilité cornéenne provoquée par une atteinte du nerf trijumeau.
b-4. Kératite immunitaire : observée dans certains cas de conjonctivite allergique.
2) Les uvéites antérieures aigues.
L’uvéite antérieure est une inflammation qui touche la partie antérieure de l’uvée, elle est
également appelée iritis (inflammation de l’iris), cyclite (inflammation du corps ciliaire) ou
iridocyclite (atteinte de l’iris et du corps ciliaire).
Signes fonctionnels
 baisse de l’acuité visuelle ;
 douleurs oculaires : la douleur peut être très variable, parfois inexistante dans les
formes insidieuses ;
 signes irritatifs (photophobie, larmoiement, blépharospasme)
Signes à l’examen clinique
 rougeur oculaire avec cercle péri-kératique ;
 précipités rétro-cornéens : dépôts de cellules inflammatoires à la face postérieure de la
cornée ;
 phénomène Tyndall : diffraction de la lumière sur les cellules inflammatoires et les
protéines présentes dans l’humeur aqueuse ;
 l’iris, classiquement en myosis, peut être déformé en feuille de trèfle par des
adhérences de sa face postérieure à la face antérieure du cristallin (synéchies irido-
cristalliniennes) ;
 la pression intraoculaire est normale, abaissée ou augmentée.
 l’examen du fond d’œil systématique à la recherche d’uvéite postérieure associée.
Etiologies
Les étiologies sont multiples et leur diversité nécessite un bilan clinique et paraclinique
orienté. Elles sont :
 idiopathiques ;
 infectieuses : virales (herpétique, VZV, CMV), syphilis, tuberculose
 non-infectieuses : maladie de Behçet, spondylarthrite ankylosante, arthrite juvénile
idiopathique, sarcoïdose

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3) La crise aigüe de glaucome par fermeture de l’angle


C’est une affection rare, mais de pronostic très sévère en l’absence de traitement
précoce ; il s’agit d’une urgence médico-chirurgicale.
Il survient chez des sujets prédisposés, en général hypermétropes, présentant une
chambre antérieure et un angle irido-cornéen étroits ; la crise de glaucome aigu est due à la
survenue d’un blocage pupillaire qui bloque le passage de l’humeur aqueuse vers la chambre
antérieure à travers la pupille ; la racine de l’iris poussée donc en avant vient fermer l’angle
irido-cornéen, et supprimer l’écoulement de l’humeur aqueuse à travers le trabéculum.
Le blocage pupillaire survient lors du passage à l’obscurité, l’anesthésie générale,
l’utilisation des collyres mydriatiques, ainsi que tous les médicaments parasympatholytiques
(antidépresseurs tricycliques,…) ou sympathomimétiques.
Signes fonctionnels
 baisse de l’acuité visuelle : brutale et massive ;
 douleurs oculaires : très profondes, irradiant dans le territoire du trijumeau, souvent
associées à des nausées ou à des vomissements.
Signes à l’examen clinique
 rougeur oculaire avec cercle péri-kératique ;
 la transparence de la cornée est diminuée de façon diffuse par l’œdème cornéen dû à
l’hypertonie oculaire majeure ;
 la pupille est en semi-mydriase aréflexique (abolition du RPM direct, et abolition du
RPM consensuel à l’éclairement de l’œil sain) ;
 la chambre antérieure est étroite à l’examen à la lampe à fente, l’angle irido-cornéen
(s’il est visible malgré l’œdème cornéen) est fermé ;
 le tonus oculaire est très élevé, toujours supérieur à 50 mm Hg, souvent vers 80 mm
Hg : on peut alors apprécier, sans tonomètre, la « dureté » du globe oculaire par une
palpation bi-digitale à travers la paupière supérieure ;
 l’autre œil dont l’examen doit être systématique, présente le plus souvent une chambre
antérieure étroite et à l’examen gonioscopique un angle iridocornéen étroit.

5- CRITERES DE GRAVITE D’UN ŒIL ROUGE


1) Douleur
2) Baisse de l’acuité visuelle
3) Cercle périkératique
4) Test à la fluorescéine positif

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5) Hypopion ou Hyphéma
6) Hypertension oculaire
7) Anomalies de la pupille
8) port de lentille de contact, traumatisme, post-opératoire
9) symptômes systémiques : nausées, vomissements, céphalées intenses

III- CAT THERAPEUTIQUE


1- BUT
Le but du traitement est de préserver la vision et soulager le malade.
Un traitement symptomatique et étiologique adéquat doit être débuté le plus tôt possible.
2- MOYENS
 Mesures prophylactiques : lavage et désinfection des mains et instruments, usage
de mouchoirs propres et jetables.
 Moyens non médicamenteux : lavage oculaire
 Médicamenteux :
 Antibiotiques : topique (quinolones), injection sous conjonctivale
(gentamycine), systémique (quinolones)
 Antiviraux : topique (gancyclovir), systémique (acyclovir)
 Antiseptiques : topique (hexamidine)
 Antihistaminiques : topique (cromoglycate de sodium), systémique
(desloratadine)
 Corticoïdes : topique (dexaméthasone, Fluomethanolone), injection sous
conjonctivale (dexaméthasone)
 Hypotonisants : topique (dorzolamide), systémique (acétazolamide, mannitol
20%)
 Cycloplégiques : topique (atropine)
 Myotiques : topique (pilocarpine)
 Antalgiques : systémique
 Chirurgicaux : iridectomie
 Physiques : iridotomie au laser
 Lunettes photochromiques

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3- INDICATIONS
 Conjonctivite bactérienne
 Mesures prophylactiques et lavage oculaire
 Antibiotiques : collyre (1goutte/heure x 48h puis 1goutte x 4/j) ± pommade (1
application le soir). Durée du traitement : 10 à 14 jours

 Conjonctivite virale
 Mesures prophylactiques
 Antiseptiques : collyre (1goutte x 4 /j pendant 14 jours)
 Conjonctivite allergiques
 Antihistaminique : collyre (1goutte x 2/j pendant 30 jours) ± oral
 Corticoïde : collyre de faible puissance (Fluomethanolone : 1goutte x 3/j x 7 j)
 Prescription des lunettes photochromiques
 Conjonctivite néonatale
 Prophylaxie : bon suivi prénatal, traitement des infections vaginales maternelles,
polyvidone 2,5% ou tétracycline pommade (1 application, 20 min après
l’accouchement)
 Nettoyage palpébrale : avec un antiseptique
 Antibiotiques : topique (1goutte/heure x 48h puis 1goutte x 4/j pendant 10j) + général
(ceftriaxone IV : 50 – 100mg/kg pour la gonococcie ou erythromycine/azythromycine
oral : 50mg/kg/j pour le chlamydia). Il faut aussi traiter les parents.
 Hémorragie sous conjonctivale
Pas de traitement local spécifique. La résorption spontanée se fait en 2 à 3 semaines. Il
faut préconiser la prise en charge éventuelle de facteurs de risque cardiovasculaire.
 Kératite infectieuse
 Antibiotique : collyre (1 goutte/h) et pommade (le soir) à large spectre (quinolones), à
mettre en place avant de référer le patient.
 Pommade antiviral : en cas de suspicion d’une atteinte virale ; 1 application x 5/jour
 Ne jamais utiliser les collyres à base de corticoïdes.
 Uvéite antérieure aigue
 Corticoïdes locaux : collyre ou injections sous conjonctivales
 Mydriatiques : collyres pour suppression ou prévention de synéchies
 Traitement étiologique : traitement multidisciplinaire

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 Crise aigüe de glaucome par fermeture de l’angle


Le traitement doit être débuté par le généraliste et se poursuit en milieu spécialisé
ophtalmologique :
 Hypotonisants :
o Général : Acétazolamide/Diamox® IV ou oral (si le patient ne vomit pas) :
500mg 1 à 3 fois/j pendant 1 à 3 jours + mannitol 20% en perfusion flash (sur
20 minutes) de 100cc : 1 à 3 fois/j pendant 1 à 3 jours.
o Topique : Collyre (Timolol, 1goutte x 2/j)
 Myotiques : collyre (pilocarpine : 1goutte 2 à 3 fois/j ; initier 1 à 2h après
l’administration d’un hypotonisant). Les myotiques doivent être utilisés dans les deux
yeux à titre préventif.
 Traitement préventif en dehors de la crise : iridotomie ou iridectomie périphérique des
deux yeux

4- RESULTATS
Devant un œil rouge, un traitement adéquat et une référence urgente permettent de prévenir
les complications. Les hémorragies sous conjonctivales disparaissent généralement de façon
spontanée sans traitement. Traitées, les conjonctivites de l’adulte guérissent sans séquelles.
Les kératites et les conjonctivites néonatales sont des pourvoyeuses de lésions cornéennes
irréversibles lorsque le traitement n’est pas bien conduit. Dans la crise aigüe par fermeture de
l’angle, lorsque la PIO est baissée très rapidement, la douleur et l’œdème cornéen régressent
et l’acuité visuelle est retrouvée ; dans le cas contraire, il y’a risque de cécité irréversible par
ischémie du nerf optique.

5- SURVEILLANCE
Tout œil rouge nécessite une surveillance maximale de 03 jours. En cas de non
amélioration, le patient doit être référer à un spécialiste. Les paramètres à évaluer de façon
quotidienne sont : l’acuité visuelle, la douleur, la rougeur et les signes spécifiques de chaque
pathologie responsable.

CONCLUSION
L'œil rouge est un motif fréquent de consultation en urgence. Un interrogatoire orienté et
un examen clinique permettent de poser le diagnostic et d’éliminer une urgence. Les
pathologies responsables sont très variées, allant de la conjonctivite bénigne à des affections

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sévères susceptibles de mettre en jeu la fonction visuelle. Il convient donc, devant un œil
rouge, de rechercher les signes de gravité et de s’orienter rapidement vers un diagnostic précis
pour une prise en charge adéquate du patient.

RESUME

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