Explication Linéaire N°3 - Le Vin Des Chiffonniers de Baudelaire POESIE
Explication Linéaire N°3 - Le Vin Des Chiffonniers de Baudelaire POESIE
Explication Linéaire N°3 - Le Vin Des Chiffonniers de Baudelaire POESIE
baudelaire
Introduction:
Charles Baudelaire se situe à la croisée des mouvements du Romantisme, du
Parnasse et du Symbolisme. Il publie une première fois son recueil intitulé Les
Fleurs du Mal en 1857.Mais le livre fait l’objet d’un procès pour atteinte à la
moralité. « Le vin des chiffonniers » se situe dans la section du vin. Le poème décrit
les effets que le vin déclenche sur cet homme au dur labeur. Le thème est, a priori,
peu poétique. Mais le vin est un thème de prédilection chez Baudelaire car il fait
partie de ces substances qui permettent d’explorer les facultés de l’imagination.
Strophe 2:
La présence du chiffonnier s’impose à partir d’une énumération de participes
présents, « hochant la tête, / Butant, et se cognant […] ». Le plus court, « butant », est
rejeté en début de vers suivant, ce qui le met en valeur et insiste sur la démarche
hésitante, vacillante, typique d’un ivrogne. On a un procédé d’hypotypose : la
description en actions est si vivante que le lecteur a l’impression de voir avancer le
chiffonnier.
Le verbe « épancher », qui appartient au champ lexical du vin, est employé ici pour
évoquer la parole du chiffonnier. Celle-ci est déliée par les effets de l’ivresse. C’est
aussi une parole lyrique (elle vient du « cœur »). Une analogie est donc suggérée
entre le chiffonnier et le poète.
Strophe 4:
L’accumulation des tournures passives des vers 14 et 15 (« harcelés de », « moulus
par », « tourmentés par ») et la préposition « sous » (« pliant sous ») indiquent qu’ils
subissent une situation, qu'ils sont impuissants face au sort. Cela s’oppose aux
combats héroïques décrits plus haut. Les hyperboles « moulus », « éreintés » nous
les montrent atteints dans leur intégrité physique. Ils sont même privés de dignité
puisqu’ils sont constamment courbés, « pliant sous un tas de débris ».
Le « tas de débris » est repris par la métaphore du « Vomissement confus de
l’énorme Paris », fait de la ville de Paris, personnifiée, un monstre qui submerge les
chiffonniers ployant sous les déchets produits par l’incessante activité de la
capitale.
Strophe 5:
Le terme « compagnons » insiste sur la fraternité. Il évoque une troupe de soldats,
compagnons d’armes, ce qui est confirmé par l’expression « blanchis dans les
batailles ». Les chiffonniers apparaissent comme des vétérans, grâce au participe
passé « blanchis ».
Le champ lexical de la marche triomphale des guerriers, « bannières », « feurs », «
arcs triomphaux » est énuméré. La phrase, par enjambement, se poursuit sur la
strophe 6 et se conclut par un point d’exclamation pour traduire cette exaltation
collective.
Strophe 6:
L’expression « solennelle magie » désigne positivement les pouvoirs du vin. Par
cette métaphore, l’ivresse est comprise comme le pouvoir de transformer la réalité
environnante. Les rues sinistres du vieux faubourg sont alors décorées de «
bannières », de « fleurs » et d’« arcs triomphaux ». Avec l’adjectif « lumineuse » et le
nom « soleil », le poème, qui avait commencé sous le signe de la nuit, se baigne
progressivement de lumière. Dans L’expression « ivre d’amour » L’ivresse est
métaphorique, elle correspond à l’accueil délirant, débordant d’affection et de
gratitude, que le chiffonnier s’imagine recevoir de la part du peuple. Car les
chiffonniers se voient comme ceux qui « apportent la gloire ».
Strophe 8:
« Ces vieux maudits qui meurent en silence » désignent les chiffonniers dont le
poème évoque les souffrances, tous les misérables qu’on préfère ne pas voir. Mais
l'adjectif maudit qualifie aussi les poètes incompris, rejetés de la société. On
constate donc un rapprochement possible entre le chiffonnier et le poète : les deux
endurent l’exclusion et se réfugient dans des rêves imaginaires.
Dieu est « touché de remords », ce qui signifie qu’il se sent coupable d’avoir infligé
tant de souffrances à l’humanité. On commence donc à comprendre la valeur
blasphématoire de ce poème qui accuse Dieu.
Conclusion:
Ce poème fonctionne donc d’abord comme « un tableau parisien » : il nous livre une
scène de rue révélatrice des dures conditions de vie du chiffonnier. Mais ce
chiffonnier fait l'objet d’une métamorphose poétique qui l’élève au rang de héros
triomphant et révèle les pouvoirs alchimiques du vin et de l’ivresse. Le vin prend
alors une dimension symbolique : il représente le pouvoir de la poésie capable de
transfigurer le monde, de délivrer les hommes de leurs souffrances.