Le Roman de Merlin

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Le Roman de Merlin

Contextualisation :
C’est un extrait d’un roman médiéval écrit au début de XIIIème siècle. Il a été paru en 1210.
Roman(z) = Romanice (en « roman »), c’est le contraire de Latine (en « latin » ). Cette langue
finira par décrire le texte écrit dans cette langue, et enfin, le genre écrit dans cette langue.

La naissance du roman date de 1150 environ : les romans d’Antiquité. Les premiers romans
sont écrits en vers, en octosyllabes de rimes suivies. C’est un genre presque poétique. Le
Roman de Merlin, c’est le tout premier roman en prose, c’est aussi le premier roman d’un
cycle de romans, qui raconte l’ensemble de l’histoire du monde Arthurien, de la création
jusqu’à sa ruine.

À la fin du XIIème siècle arrive le roman breton avec le Chrétien de Troyes. Nous avons un
extrait qui va raconter la naissance de Merlin. Merlin nait d’un plan diabolique, l’œuvre
s’ouvre sur un conseil de démons dans les enfers. Ils souhaitent envoyer sur Terre,
l’Antéchrist, un démon , qui a la capacité de se reproduire (un incube). Il s’acharne sur une
famille précisément, il tue les bêtes qui appartiennent aux paysans, ils meurent et il ne reste
plus qu’une seule fille. L’incube finit au bout d’une nuit de la rejoindre dans son lit, Merlin
est créé. Le père de Merlin est donc un démon, et de cette ascendance démoniaque, Merlin
reçoit un pouvoir, celui de connaitre tout le passé. En plus, du côté de sa mère, elle passe à
deux doigts de l’exécution car elle ne devait pas faire cela, Merlin a une ascendance divine, il
a également le pouvoir de connaitre le futur. Cependant, la mère de Merlin a été enfermée
dans un tour pendant la grossesse, car elle a fauté avec le démon, mais on attend que Merlin
soit né pour que la mère soit exécutée. Ce va être une naissance diabolique, tant sur le côté
physique que sur les pouvoirs qui va lui être conférés.

Analyse :

Ligne 1 : Le bébé ne ressemble pas à un bébé, il ressemble plutôt à un vieillard. Sa


caractéristique principale est son savoir, qui se voit sur son physique. Il nait avec ces
caractéristiques, il ne les apprends pas. La première phrase se présente avec un
paryponoïan, c’est un effet déceptif pour le lecteur, on s’attend à quelque chose, et on reçoit
une autre chose dont on ne s’attendait pas. C’est une réaction de rejet et non pas d’amour
comme il peut en général y avoir lors d’un accouchement. Nous avons un effet de surprise
car nous avons d’abord la réaction que l’’enfant procure (« qui n’i eüst molt grant paor ») ,
avant l’explication juste après (« por ce qu’eles le virent plus pelu et plus grant poil »). C’est
une démarche d’induction. C’est un personnage qui est spécial, il a des pouvoirs
extraordinaires (déplacement très rapide, savoir…), il est très poilu, hirsute, c’est un être
démoniaque. L’apparence de Merlin, dans le contexte judiciaire de sa mère, constitue une
preuve de sa culpabilité. Il y a une allitération en « V », en plus d’une polyptote (voir
plusieurs formes d’un même mot). L’insistance du sens de la vue occulte l’absence totale du
sens de l’ouïe qui est normalement attendue lors de la naissance du bébé (cris, pleurs…), or
ici ce n’est pas le cas, la naissance est singulière, ce qui le rapproche de ses origines divines.
L’arrivée du bébé se fait révoquer par des verbes, qui sont très factuels et qui sont dépourvu
de tendresse et d’affection. C’est un bébé qu’on hésite à toucher, elles ont peur, elles le
montre donc à la mère. C’est un enfant qui échappe à la norme, celle des autres enfants.
Après la réaction des gardes qui ont vu le bébé, vient la réaction de la mère. La mère
présente la même réactions que les autres femmes (gardes). C’est une réaction qui est
beaucoup plus attendue car elle est plus personnelle. Ici en effet, le lecteur n’est pas déçu ,
c’est une réaction immédiate, avec une énumération de verbes d’action, qui est précise et
très rapide. Elle sert à évoquer la découverte de l’enfant par sa propre mère. Cette réaction
de la mère est intéressante, elle se fait au discours direct, c’est la mère directement qui
s’exprime. Il avait « LA mère » (ligne 3) et non pas « SA mère ». Elle est donc une simple
génitrice, alors que « SA mère » serait bien sa propre mère affective. Le bébé est considéré
comme un objet qu’on prend (le reçurent), qu’on regarde (le virent) et qu’on balade d’un
endroit à l’autre (le mostrèrent). La difficulté de tenir cet enfant dans ses bras, ne réside pas
dans l’enfant lui-même mais au contraire dans la réaction qu’il inspire. Il faut sacrer le plus
rapidement possible le bébé avant qu’il meure. C’est un sacrement qui est urgent, car il y a
une orientation qui n’est pas la même que la société médiévale, ici la mère a fait le signe de
croix, ils doivent vite le baptiser, et grâce au baptême il faut combattre la présence
démoniaque qui est présente en Merlin, pour également essayer d’avoir une influence
divine. On ne va pas à la mairie au Moyen-Âge, on va à l’Église, afin de faire rentrer le bébé
dans l’existence sociale, ça le fait entrer dans la communauté des chrétiens également. Il
s’agit donc de combattre l’influence démoniaque en s’aidant de l’influence religieuse. Merlin
est celui qui fonde le peuple arthurien. Il y a un parallélisme de construction qui permet de
renforcer l’affiliation du grand-père et du petit fils. Nous avons aussi cette vision positive de
cette affiliation avec cette notion de « preudom ». Le narrateur fait un ellipse, il ne raconte
pas le baptême, la réaction de ceux qui ont transporté l’enfant, du prêtre qui l’a baptisé… Ici,
à nouveau nous avons l’idée d’une petite enfance inhabituelle d’une autre femme qui pense
qu’allaiter un bébé est une corvée. Au bout de 9 mois, le bébé n’est plus allaité, c’est donc le
sevrage. Ce sont des notes très brèves sur l’enfance de Merlin. Le lecteur sait que Merlin
possède des pouvoirs et il attend de voir quand est-ce que ces pouvoirs vont être révélés.
Nous avons un dernier paragraphe sur la pilosité de Merlin, mais il ne s’agit plus seulement
d’évoquer la peur, ou tout autres réactions négatives, il s’agit d’évoquer une autre
dimension : le pelage l’apparente au diable (au début du texte), le pelage lui donne une
apparence plus vieille (à la fin du texte). Ici, l’enfant nait vieux à la fois au physique, mais
aussi en termes de valeur, il nait sage, il a plein de connaissances. On a donc un personnage
qui échappe au temps, durant le roman, il sera difficile de donner un âge à Merlin (en plus
du fait qu’il change souvent d’apparence). Là encore, l’accélération du récit se confirme avec
le paragraphe suivant. Nous avons à nouveau une ellipse de 9 mois, avec une nouvelle
dimension qui est abordée par le narrateur. Le dialogue entre les gardes de la tour et de la
mère de Merlin, rappelle les circonstances de la naissance de Merlin. La mère de Merlin va
être condamnée pour quelque chose qu’elle n’a pas commis. Le dialogue renoue avec ce qui
avait été interrompu par la problématique judiciaire, ici, le traitement qui sera réservé à la
mère de Merlin. Le sursis que la mère de Merlin avait est désormais finit. Nous avons une
image de la mère qui est maternelle à la ligne 20 : « elle tint son enfant entre ses bras ».
Vient ensuite un hyperbole, avec « et plora molt durement » qui signifie en français, et
pleura à chaudes larmes. La providence est le fait que Dieu entend qu’il aide l’humanité.
Nous avons un lien qui commence à se construire, le mot « providence » est à rapprocher
des dons que possède Merlin qui lui ont été donnés par Dieu, et qui vont faire de l’enfant
l’incarnation de la providence, mais sa mère ne le sait pas encore. Pour la première fois
Merlin va parler, c’est la première fois que Merlin est à l’origine de l’action est de parler.
Tout d’abord, à la ligne 24, il s’agit de montrer le caractère de cette parole. On ne s’attend
pas à ce qu’un enfant parle à cet âge-là, et formule un discours aussi construit. Or,
l’étymologie du mot « infans » signifie en latin le mot « bébé », c’est celui qui ne sait pas
parler. Donc, cette périphrase qui parait anodine, désigne Merlin non pas par son nom mais
par une périphrase qui désigne son statut d’enfant mais aussi d’un être qui ne peut parler
(alors qu’il parle). Ce qui rend la prise de parole de Merlin d’autant plus extraordinaire. Cette
prise de parole est précédée d’une action précise (ligne 25 « et dist en riant »). En effet, dans
la suite du roman, lorsque Merlin va annoncer une prophétie, il va se mettre à rire juste
avant de parler. Car le rire au moyen-âge est l’expression d’une puissance diabolique. Le rire
déforme le visage donc cela enlaidie et est une forme de manifestation diabolique. Merlin,
lui, possède bien cette part démoniaque car il sait ce qu’il en est de la part de responsabilité
de sa mère. Ici, Merlin à la connaissance exacte de sa conception, il a la connaissance de tout
ce qu’il veut. Cette première parole a le caractère de la prophétie car l’expression est
extrêmement péremptoire (décisive, déterminante). Il formule un discours extrêmement
bien construit. En revanche, le premier discours de Merlin, la première fois qu’il parle, il
parle soit au passé, soit au futur, cela révèle bien qu’il a la connaissance du passé et du futur,
cela montre bien ses dons pour la connaissance. On peut également se douter de l’extrême
surprise de sa mère. Tout comme le lecteur, sa mère ne se doutait pas qu’il réponde.
L’extrait se termine donc sur l’effet de la surprise, qui est évoqué par une énumération (ligne
27). Avec l’accumulation de cette énumération, cela montre bien la réaction de la mère,
notamment sans les réflexes parentaux (ne pas faire tomber son enfant).

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