Philosophiascientiae 487
Philosophiascientiae 487
Philosophiascientiae 487
Paul Gochet
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/philosophiascientiae/487
DOI : 10.4000/philosophiascientiae.487
ISSN : 1775-4283
Éditeur
Éditions Kimé
Édition imprimée
Date de publication : 1 avril 2006
Pagination : 23-39
ISBN : 2-84174-392-6
ISSN : 1281-2463
Référence électronique
Paul Gochet, « Qu’est-ce que la réalité ? Les réponses de Quine et de H. Zwirn », Philosophia Scientiæ
[En ligne], 10-1 | 2006, mis en ligne le 10 juin 2011, consulté le 18 janvier 2021. URL : http://
journals.openedition.org/philosophiascientiae/487 ; DOI : https://doi.org/10.4000/
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Paul Gochet
Université de Liège
dans un sens qui n’a aucun rapport avec le sens du terme chez les mar-
xistes). Par exemple, Quine avance des arguments visant à justifier l’éli-
mination des prédicats dispositionnels (“soluble”, “malléable” etc.). La
chimie a réussi a éliminer ces “vestiges de croissance” et à définir la so-
lubilité de l’eau en termes de structure moléculaire [Quine 1969, 135].
La paraphrase de la langue naturelle dans une langue formelle peut
servir à différents usages. L’un d’eux est de permettre l’application des
techniques de déduction destinées à faciliter le raisonnement. Dans Le
Mot et la Chose, la notation canonique joue un autre rôle. Elle sert à
dégager les traits les plus importants de la réalité.
Prenant position contre Brentano qui avait fait un sort à la relation
d’intentionnalité et aux attitudes propositionnelles (croire que, désirer
que) braquées sur des objets intentionnels (l’objet de la croyance, l’objet
du désir), Quine écrit : “[s]i nous voulons dépeindre la structure véritable
et ultime de la réalité, le schème canonique qui nous convient est le
schème austère, qui ne connaît pas d’autres citations que la citation
en discours direct, et qui ne connaît pas d’attitudes propositionnelles,
mais seulement la constitution de la matière et le comportement des
organismes” [Quine 1999, 307]. 2
Quant à l’ontologie minimale dont la science a besoin, Quine la décrit
en ces termes dès 1954 : “[n]otre ontologie provisoire de la science, notre
domaine provisoire des valeurs des variables de quantification se ramène
à ceci : les objets physiques, les classes d’objets physiques, les classes des
éléments de ce domaine combiné, et ainsi vers le haut [Quine 1980, 218].
Revenant sur la question en 1992, il écrit “[m]on ontologie provisoire
continue à consister en quarks et leurs composés, en classes de telles
choses, en classes de telles classes et ainsi de suite, tant qu’elle n’est pas
démentie par une donnée évidentielle” [Quine 1992, 9].
En mettant sur le même pied les questions ontologiques du philo-
sophe et celles des savants des différentes disciplines, Quine rejette la
croyance selon laquelle les questions de philosophie sont d’insignifiantes
questions de mots qu’on tranche à coups de définitions. Une question
comme “peut-on justifier le raisonnement par récurrence sans postuler
de classe infinie ?” est une question d’ontologie philosophique non tri-
viale qu’on ne peut résoudre par une convention. Contre toute attente,
une réponse affirmative à cette question a été fournie par Quine en 1963.
Ce résultat est une des nombreuses contributions personnelles de Quine
à l’ontologie des mathématiques3 . La preuve du résultat de Quine repose
2 Sur la question de l’intentionnalité, nous renvoyons le lecteur au livre d’Elisabeth
précisions suivantes : “D’une manière générale, l’état d’un système peut être exprimé
sur n’importe quelle base de l’espace de Hilbert des états possibles. Toute grandeur
physique étant associée à une observable, opérateur hermitien, il existe toujours une
base de l’espace de Hilbert formée de vecteurs propres de l’observable. C’est lorsque
l’état du système est exprimé dans cette base, que la projection sur un des vecteurs de
la superposition a lieu après la mesure. Dans le cas d’un état de position lx > +lx′ >,
tel est bien le cas car chacun des vecteurs lx > et lx′ > est un vecteur propre de
l’observable de position”.
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Remerciements
Cet article a paru initialement dans la revue belge Réseaux, Ciephum,
Mons, numéros 94-95-96, 2002, pages 201–213. Nous remercions Madame
Claire Lejeune, éditeur, de nous avoir autorisé à le reproduire.
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6 Nous sommes très reconnaissant à M.Hervé Zwirn d’avoir bien voulu relire notre
texte et y apporter des corrections et des précisions. Si des erreurs devaient subsister,
elles sont les nôtres.
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