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La typologie sémiotique des modalités. Une mise au point

Article in Semiotica · April 2020


DOI: 10.1515/sem-2018-0123

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Sémir Badir
University of Liège
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Semiotica 2020; aop

Sémir Badir*
La typologie sémiotique des modalités.
Une mise au point
https://doi.org/10.1515/sem-2018-0123

Résumé: On enquête dans cet article sur le concept de modalité comme il a été
élaboré dans la théorie sémiotique, distinctement des approches linguistique et
logique, à l’instigation d’A. J. Greimas, puis largement employé dans l’analyse
des textes. Si la modalité répond tout d’abord de la possibilité de présence d’un
verbe modal (pouvoir, vouloir, savoir), bientôt l’effort théorique des sémioticiens
a tendu à rendre compte des différentes modalités au moyen d’une structure
sémantique. L’exposé de cinq travaux poursuivant cet effort de systématisation
(Rengstorf. 1976. Pour une quatrième modalité narrative. Langages 43. 71–77 ;
Greimas et Courtés. 1979. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du
langage. Paris: Hachette ; Greimas et Fontanille. 1991. Sémiotique des passions.
Paris: Seuil ; Fontanille et Zilberberg. 1998. Tension et signification. Liège:
Mardaga ; et Fontanille. 2003 [1999]. Sémiotique du discours. Limoges: PULIM)
nous permettra de proposer, dans un premier temps, un bilan. On remarquera,
dans un second temps, que les extensions et justifications successives n’ont pas
toutefois été sans introduire des contradictions dans la conception théorique de
la modalité. Nous mènerons alors les développements nécessaires en vue d’une
définition plus raisonnée du concept de modalité et d’une refonte générale du
système des modalités.

Mots-clés : modalité, mode d’existence, énonciation, action mentale, subjectiva-


tion, structure sémantique

Abstract: This paper explores the concept of modality as it has been elaborated
in French semiotic theory, distinctively from linguistic and logical approaches,
at the instigation of A. J. Greimas, then widely used in text analysis. If modality
originally refers to modal verbs (such as pouvoir, vouloir, savoir in French), soon
the theoretical effort of semioticians has tended to assemble the different moda-
lities into a semantic structure. As a first step, the work of five different authors
(Rengstorf. 1976. Pour une quatrième modalité narrative. Langages 43. 71–77 ;
Greimas et Courtés. 1979. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du
langage. Paris: Hachette ; Greimas et Fontanille. 1991. Sémiotique des passions.

*Corresponding author : Sémir Badir, Semiotics and Rhetoric, Université de Liège, 3 place
Cockerill, Liège 4000, Belgium, E-mail : [email protected]
2 Sémir Badir

Paris: Seuil ; Fontanille et Zilberberg. 1998. Tension et signification. Liège:


Mardaga ; et Fontanille. 2003 [1999]. Sémiotique du discours. Limoges: PULIM)
will provide an opportunity for a general overview of the achievements of this
undertaking. It will be noted however, as a second step, that consecutive
extensions and justifications have not been without introducing contradictions
in the theoretical conception of modality. The necessary developments will
consequently be offered with a view to producing a more reasoned definition
of the concept and a general revision of the semantic structure of modalities.

Keywords : modality, modes of existence, enunciation, mental act, subjectiva-


tion, semantic structure

On se propose ici de reprendre la question des modalités en sémiotique. Celle-


ci inclura une question regardant la modalité, son concept et sa définition,
mais on sait que ce concept est resté très largement sous-pensé – pas seule-
ment en sémiotique – au profit de la variété de ses espèces, les modalités, soit
qu’on ait en vue leur distribution catégorielle – modalités aléthiques, ontiques,
déontiques, etc. – ou qu’on cherche à rendre compte de prédicats modaux
jugés fondamentaux – ordinairement, il s’agit de pouvoir, vouloir, savoir et
devoir – par des critères sémantiques. De fait, la question de la modalité
semble assez difficile et n’apparaît souvent que lorsqu’on cherche à poser les
limites de sa variété. Aucun consensus n’existe à ce sujet entre les linguistes,
d’autant que ceux-ci ont évidemment constaté que les modalités ne s’expri-
ment pas de la même manière selon les langues et ne trouvent pas partout,
selon l’offre lexicale et les tournures syntaxiques figées, les mêmes distinctions
sémantiques. Il est dès lors prévisible que la modalité soit diversement conçue
en fonction de l’extension que l’on fixe à son domaine de manifestation. Ceci
vaut pour l’étude des langues mais trouve à se reproduire dans l’étude d’autres
objets sémiotisables.
Le présent article présentera un bilan – où en est-on sur cette question en
sémiotique ? – à partir duquel il s’agira de repérer les points aveugles qui ont
nui à la conception de la modalité et de proposer des révisions sur quelques
points théoriques relatifs à la typologie des modalités.

1 Entre linguistique et logique


Pour commencer, il convient de dire quelques mots permettant de situer la
démarche des sémioticiens sur la question des modalités. Comme cela est
Les modalités 3

arrivé bien souvent dans leur histoire intellectuelle, les sémioticiens ont pris le
relais de chercheurs de deux autres disciplines, la linguistique et la logique,
lesquelles avaient campé des positions assez tranchées, même si des recoupe-
ments demeurent possibles – et c’est heureux – entre leurs descriptions
respectives.
Les linguistes cherchent à rendre compte d’une série hétérogène de formes
linguistiques en fonction d’une modélisation sémantique. Ce biais sémantique
constitue pour eux un écart de conduite : d’habitude, les formes linguistiques
trouvent dans leur morphologie et leur comportement syntaxique les distinc-
tions nécessaires à leur description. Cependant, comme la comparaison entre
les langues a montré que des formes tout à fait distinctes, tels par exemple une
tournure syntaxique avec verbe modal, d’un côté, et une flexion verbale, de
l’autre, sont susceptibles, non seulement de signifier la même chose, mais de
représenter les moyens linguistiques réguliers délégués à cette signification, il
leur a paru pertinent de donner une base sémantique à la description de telles
formes. C’est ainsi qu’une typologie de catégories sémantiques est établie afin
de servir de base à la description des diverses formes des modalités
linguistiques.
L’objectif des logiciens est tout autre. Il consiste à prévoir, en vue des
inférences propositionnelles et de leurs règles, divers degrés « modalisant » la
portée véridictoire d’une proposition. Ces degrés sont quantifiables (par exemple
dans les modalisations temporelles : jamais, une fois, toujours, jusqu’à tant) ou,
à tout le moins, qualifiables d’une manière oppositionnelle univoque (comme
c’est le cas des modalisations déontiques : obligatoire, interdit, permis, faculta-
tif). L’approche de la modalisation véridictoire est par conséquent strictement
déductive ; elle consiste à construire des modalités sous la forme de systèmes
logiques, lesquels sont généralement modélisés en fonction du carré logique des
oppositions. Il n’arrive donc pas, comme c’est si souvent le cas avec les formes
linguistiques, qu’une forme modale logique soit plurivoque ou équivoque.
D’ailleurs, pour exprimer les formes modales, les logiciens recourent
généralement aux symboles mathématiques, les formes linguistiques étant
utilisées comme des paraphrases non contraignantes.
L’objectif (descriptif ou normatif), l’extension du domaine (notamment par
l’inclusion ou non du temporel) et l’expression (attestée en langue ou forgée
symboliquement) de l’étude de la modalité sont ainsi très nettement distingua-
bles dans les deux disciplines. Le recoupement de l’étude menée respectivement
en linguistique et en logique ne concerne finalement que le recours à une base
sémantique et quelques figures modales particulières relevant des catégories
aléthique et déontique.
4 Sémir Badir

La démarche du sémioticien paraît se situer, sur ce sujet comme sur d’au-


tres, à l’entre-deux de celles de leurs prédécesseurs.1 « À l’entre-deux » ne veut
pas dire que les sémioticiens en auraient fait la somme – en tout cas on n’en
trouve pratiquement aucune mention dans les travaux de ceux qui se sont
occupés de la question – ni d’ailleurs la moyenne théorique – l’objectif de
l’étude et l’extension du domaine leur sont spécifiques, comme on aura l’occa-
sion de le constater. Si l’on peut néanmoins estimer qu’ils occupent une position
médiane, c’est en raison de leur conduite épistémologique, déductive comme en
logique, mais avec une mise en rapport insistante avec l’étude de formes
empiriques attestées, comme chez les linguistes, bien que ces formes soient
souvent extraites d’un corpus littéraire ou mythologique au lieu d’appartenir
au langage ordinaire.

2 Cinq versions graphiques d’une typologie


Les modalités ont été au centre des préoccupations collectives des sémioticiens
durant une grosse décennie, débutant avec la préparation d’un numéro de
Langages spécialement dédié à cette question, coordonné par Ivan Darrault
(1976) et réunissant les points de vue de linguistes, de logiciens et de
sémioticiens. Au bout du compte, c’est-à-dire dans les années 1980, les
développements des sémioticiens sur les modalités sont tels que plusieurs
d’entre eux proposeront une théorie modale de la sémiotique plutôt qu’une
théorie sémiotique des modalités, tant ce concept semble avoir permis, s’il ne
l’a suscité, la singularisation de la pensée.2 Les ouvrages qui ont poursuivi cette
voie paraissent, à bien des égards, étranges au lecteur d’aujourd’hui ; il s’agit,
par ordre de publication, Essai sur les modalités tensives de Claude Zilberberg
(1981), Le discours et son sujet de Jean-Claude Coquet (1984) et, un peu plus tard,
La charpente modale du sens de Per Aage Brandt (1992). Après cette période, les
modalités ne sont pas abandonnées, loin s’en faut, mais leur intégration dans
l’appareil théorique de la sémiotique est donnée pour acquise. Les ouvrages de
synthèse en donnent des présentations presque à chaque fois différentes mais
concordantes sur l’essentiel.

1 Pour une présentation de la logique modale et de ses origines, voir Ballarin (2017) et pour un
historique des approches linguistiques des modalités, voir Gosselin (2010).
2 Greimas lui-même n’hésitait pas à noter, en introduction à une étude portant sur le savoir et
le croire, que « la construction d’une grammaire sémio-narrative était depuis longtemps conçue
comme l’élaboration d’une grammaire modale » (Greimas 1983: 115).
Les modalités 5

Comme il ne saurait être question dans un bilan de suivre toutes les pistes
théoriques que la conception des modalités aura suscitées en sémiotique, c’est
en fonction de cette concordance que l’on poursuivra l’exposé, gageant que c’est
à partir d’elle qu’une stabilisation de l’usage et de la définition de la modalité
peut être envisagée. Les petites différences de présentation ne seront toutefois
pas complètement ignorées car celles-ci se révéleront assez éloquentes pour la
discussion théorique.
Cinq présentations graphiques, échelonnées sur vingt-trois ans, serviront de
guide. Nous les reproduisons ci-dessous exactement, avec juste ce qu’il faut de
complément pour qu’elles soient intelligibles.
La première se trouve dans l’article de Rengstorf (1976: 74) paru dans
Langages (Figure 1).

Figure 1: La catégorie de la modalisation selon Rengstorf (1976)

La catégorie de la modalisation se subdivise en deux autres catégories, la


compétence (X) et la motivation (Y), chacune d’entre elles faisant l’objet
d’une seconde subdivision régie par la même opposition entre modalisation
endotaxique (end) et modalisation exotaxique (ex), laquelle, selon l’auteur, est
équivalente à l’opposition entre psychique et physique, quoique élevée à un
niveau plus abstrait. Les barres obliques signalent des signifiés, comme
c’est le cas depuis l’article que Greimas a consacré à « La mythologie
comparée » en 1963 (repris dans Greimas 1970). Ainsi, « le /savoir/
est une /aptitude/ + /psychique/ ; le /pouvoir/ est une /aptitude/ + /phy-
sique/ » (Rengstorf 1976: 72).
La seconde présentation graphique est un tableau à double entrée (Tableau 1)
inséré dans l’article « Modalité » de Sémiotique 1, le dictionnaire rédigé par
Greimas et Courtés (1979: 231).
6 Sémir Badir

Tableau 1: La catégorie des modalités selon Greimas et Courtés (1979).

MODA- virtua- actuali- réali-


LITÉS lisantes santes santes

exo-
DEVOIR POUVOIR FAIRE
taxiques
endo-
VOULOIR SAVOIR ÊTRE
taxiques

Bien que Greimas et Courtés renvoient à Rengstorf, sont exotaxiques « les


modalités susceptibles d’entrer en relation translative (de relier des énoncés
ayant des sujets distincts) et comme endotaxiques les modalités simples (reliant
des sujets identiques ou en syncrétisme) » (Greimas et Courtés 1979: 231). Il
semble ainsi que le renvoi à Rengstorf concerne les termes endotaxique et
exotaxique, non leurs définitions. L’autre entrée du tableau différencie les
modalités selon des modes d’existence (qui ont leur propre entrée dans le
dictionnaire) auxquels « la tradition saussurienne en linguistique, que
N. Chomsky n’a d’ailleurs pas démentie (et qui, en philosophie, remonte très
loin) nous a habitués » (Greimas et Courtés 1979: 231). On y reviendra.
La troisième présentation, dans Sémiotique des passions de Greimas et
Jacques Fontanille (1991: 44), prend l’aspect d’un carré sémiotique (Figure 2).

Figure 2: La catégorie des modalisations selon .Greimas et Fontanille (1991)

Les contraires devoir et pouvoir représentent des « modalisations exogènes,


modalisations du sujet hétéronome », les subcontraires savoir et vouloir des
« modalisations endogènes, modalisations du sujet autonome » (Greimas et
Fontanille 1991: 44).
La quatrième présentation fait retrouver Fontanille et Zilberberg à l’occasion
de leur ouvrage commun Tension et Signification où un chapitre entier est
réservé à la modalité. Le tableau présent dans Sémiotique 1 y est reproduit
(Fontanille et Zilberberg 1998: 172) avec un changement terminologique mineur
Les modalités 7

(endogène et exogène ont été mis à la place d’endotaxique et d’exotaxique,


conformément à l’emploi de Sémiotique des passions). Une vingtaine de pages
plus loin (Fontanille et Zilberberg 1998: 190), un second tableau (Tableau 2) en
reprend la matière avec les additions d’une colonne – celle des modalités
potentialisées – et d’une ligne inférieure dénommant des catégories modales
ainsi qu’une modification sur les modes d’existence qui, d’agissant, deviennent
agis (virtualisé au lieu de virtualisant, et ainsi de suite).

Tableau 2: La catégorisation des modalités selon Fontanille et Zilberberg (1998).

Potentialisé Virtualisé Actualisé Réalisé

Endogène ASSUMER VOULOIR SAVOIR ETRE


Exogène ADHERER DEVOIR POUVOIR FAIRE
(croyances) (motivations) (aptitudes) (effectuations)

Enfin, dans Sémiotique du discours, Fontanille (2003 [1999]: 179) reprend le


tableau paru dans Tension et Signification, en y soustrayant la dernière colonne,
celle des modalités de l’être et du faire, en substituant croire à assumer et en
faisant de menus ajustements de présentation (Tableau 3).

Tableau 3: La catégorisation des modalités selon Fontanille (2003 [1999]).

Mode Mode Mode


virtualisé potentialisé actualisé

Motivations Croyances Aptitudes


Sujet/Objet VOULOIR CROIRE SAVOIR
Sujet/Tiers DEVOIR ADHÉRER POUVOIR

Cet inventaire ne prétend pas à l’exhaustivité. D’autres propositions typologi-


ques faites par des sémioticiens concernant les modalités ont été négligées. Quoi
qu’il en soit de leur ensemble, les cinq qui ont été retenues font état d’une
continuité qu’il faut souligner. La génération des modèles (chacun d’entre eux
pouvant être considéré comme la source du suivant) s’explique à la fois par la
constance de la pensée théorique chez les auteurs cités et par une référence
implicite entre les modèles, référence naturellement favorisée par le fait que
plusieurs de ces modèles sont co-signés et se constituent pour ainsi dire dans un
8 Sémir Badir

enchaînement auctorial. Quant à leur évolution, elle dénote surtout d’une aug-
mentation, puisque l’on passe de quatre à six puis à huit modalités. Nous allons
voir cependant que la progression de cette pensée n’est pas faite que d’additions
mais qu’elle a en outre permis de radicaliser son irréductibilité face aux appro-
ches linguistiques et logiques.

3 Spécificité de la conception sémiotique de la


modalité
La pensée sémiotique des modalités est certainement assignable en premier lieu
à Greimas, auquel Rengstorf renvoie pour trois des modalités. L’article de ce
dernier s’intitule en effet « Pour une quatrième modalité narrative », ce qui
laisse clairement entendre que les autres étaient déjà employées à cette date en
sémiotique narrative. En l’occurrence, la quatrième modalité proposée est le
devoir, alors que le rôle du pouvoir, du vouloir et du savoir avait été abordé
dans plusieurs articles de Greimas (1970 [1969]: 157–183, 1983 [1973]: 49–66)
précédemment publiés. Au sujet de cette proposition, Greimas, dans l’article
paru dans le même numéro de Langages, estime que « pour intéressante qu’elle
soit, [elle] ne semble pas encore apporter de solution définitive » (Greimas 1983:
81–82). Et, dans Sémiotique 1, quoique le devoir soit pris en compte, Greimas et
Courtés apportent en effet des changements non négligeables dans la
caractérisation procédant à la distribution des modalités proposée par
Rengstorf. C’est donc que cette caractérisation, plus que l’apport d’une
quatrième modalité, est ce qui importe à leurs yeux.
Or, à cet égard, la contribution de Rengstorf ne saurait être sous-estimée car
c’est à partir d’elle que la pensée sémiotique engage une réflexion véritablement
spécifique sur les modalités. Jusque là, c’est-à-dire dans les travaux de
sémiotique narrative, l’usage des modalités trouvait déjà à se distinguer de
leurs usages linguistiques et logiques selon deux aspects. D’une part, les moda-
lisations narratives ne sont pas nécessairement liées à la présence de formes
linguistiques régulièrement attestables pour leur expression. Certes, elles sont
transposables dans une description d’action où intervient un verbe modal ou
une autre forme d’expression modale, mais les textes n’ont pas à manifester ces
formes pour que leur analyse révèle la modalisation qui s’y trouve à l’œuvre ;
ceci dit, en guise de démarcation par rapport à l’analyse du linguiste. D’autre
part, en contraste avec la démarche du logicien, l’analyse modale du sémioticien
ne cherche pas à dégager le degré de véridiction du texte mais bien un
Les modalités 9

enchaînement narratif sensé. La compétence actantielle ayant été reconnue


comme l’un des éléments fondamentaux de la syntaxe narrative, les modalités
sont présentées comme des moyens de définition et d’explicitation textuelle de
cet élément :

Sur le plan narratif, nous proposons de définir la compétence comme le vouloir et/ou
pouvoir et/ou savoir-faire du sujet que présuppose son faire performanciel. (Greimas 1983
[1973]: 53)

L’originalité de la thèse de Rengstorf consiste à définir la place dévolue au


devoir par un motif strictement structural : si l’on peut construire un rapport
d’opposition sémantique entre le savoir et le pouvoir, alors, selon un raisonne-
ment basé sur la quatrième proportionnelle, une place demande à être réservée
pour une quatrième modalité faisant face au vouloir. Ainsi, savoir, pouvoir,
vouloir et devoir ne sont pas seulement des expressions métalinguistiques per-
mettant de regrouper des variétés de formes linguistiques. Ce ne sont pas non
plus, en tout cas pas principalement, des catégories dans lesquelles s’articulent
des valeurs logiques en fonction de la contrariété et de la contradiction. Ce qui
est proposé par Rengstorf en guise d’approche sémiotique est que les modalités
soient d’abord les termes d’une structure sémantique.
Les logiciens et les linguistiques, compte tenu de leurs objectifs propres,
n’ont pas eu à procéder à une telle structuration. Sans doute ont-ils, pour la
clarté de l’exposition, proposé des classements des modalités ; mais les critères
de leurs classements ne répondent pas au principe structural et ne peuvent,
par conséquent, contribuer à la définition de la modalité. D’ailleurs, dans les
approches logiques et linguistiques, la liste des modalités demeure ouverte,
l’application du concept étant plus ou moins extensible selon la définition
retenue.
En revanche, dans l’approche sémiotique, ce sont bien les caractéristiques
comme elles gouvernent la structure des modalités qui sont à même de
déterminer le concept général de modalité. C’est certainement pour cette raison
que l’interprétation de Rengstorf est jugée par Greimas « intéressante » –
intéressante mais non « définitive ». Rengstorf a montré la voie, celle qui va
faire de la modalité un concept proprement sémiotique. Sa solution reste toute-
fois timide. Sa plus grande faiblesse concerne les caractéristiques de compétence
et de motivation. Rien n’indique en effet que ces caractéristiques produisent une
structure oppositionnelle, chose que les termes retenus par Greimas, virtualisa-
tion, actualisation et réalisation, font entendre déjà bien mieux.
L’évocation des mérites et des limites de l’article de Rengstorf conduit à faire
le bilan suivant, en quatre points :
10 Sémir Badir

1) S’il existe une conception sémiotique de la modalité, celle-ci ne saurait faire


table rase des modes de pensée qui lui sont antérieurs, quand bien même
l’habitus du sémioticien le montre économe de renvois explicites, car c’est
par l’application de ses catégories, comme elles ont été proposées par les
logiciens et les linguistes, que la notion s’est d’abord imposée. Par
conséquent, on ne s’étonnera pas de lire dans des travaux sémiotiques des
réflexions intégrant la négation comme foncteur de modalisation, distin-
guant par exemple entre devoir-être, devoir ne pas être, ne pas devoir être et
ne pas devoir ne pas être, comme ces réflexions occupent notamment la
dernière section de l’article de Greimas de 1976 ; ni des interrogations sur les
dénominations linguistiques de certaines modalités, ainsi que Greimas se les
pose dans un article consacré à la modalisation de l’être (Greimas 1983: 99).
Une conception proprement sémiotique de la modalité n’a pu être mise au
jour que dans le cours des applications. Dès lors que la catégorie de la
modalité a été effectivement appliquée dans une variété de domaines
d’étude sémiotique, d’abord en syntaxe narrative, ensuite dans l’étude des
passions, la théorie de l’énonciation (notamment Fontanille 1989), la
sémiotique tensive, etc., la théorie sémiotique de la modalité s’est peu à
peu dégagée, sans intention délibérée, et de ces champs d’application et des
usages antérieurs, logiques ou linguistiques, de la notion.
2) La typologie des modalités n’est donc pas un aspect parmi d’autres de la
théorie sémiotique, même s’il est évident que bien d’autres choses ont été
dites à leur sujet. La typologie révèle ce qu’il y a de spécifique dans la
conception sémiotique de la modalité, à savoir une structuration
sémantique universelle, en elle-même déliée de tout objectif normatif non
moins que de l’étude empirique des formes d’expression susceptibles de
manifester ses termes, comme cela se vérifie pour toute structure
élémentaire de la signification.
3) À ce titre, la version typologique présentée par Fontanille et Zilberberg
représente l’aboutissement actuel des recherches sémiotiques sur les
modalités. Une difficulté était précédemment apparue par le fait que la
modalité demandait à être conçue, afin de répondre aux exigences d’ap-
plication, comme une catégorie comptant plus de quatre membres. C’est ce
problème que faisait apparaître, avec ses six modalités, le tableau de
Greimas et Courtés tandis que les auteurs de Sémiotique des passions en
revenaient à quatre membres, laissant en suspens les modalités réalisantes,
afin d’être en mesure de raisonner la catégorie sur le modèle du carré
sémiotique. Fontanille et Zilberberg font le pari de reporter sur l’une des
caractéristiques définissant la catégorie l’intention de structuration fermée.
Ils ajoutent pour ce faire, aux trois modes d’existence déjà repérés par
Les modalités 11

Greimas, un quatrième, le potentialisé, de manière à ce que ces modes


puissent être opposés deux à deux. La catégorie a pu alors accueillir huit
termes.
4) Quant à la seconde des caractéristiques typologiques, elle est le maillon
faible de la structuration. Dans l’état actuel, l’opposition de l’endogène et de
l’exogène reste attachée à la sémiotique narrative puisqu’elle implique des
places actantielles, en particulier le destinateur, dans le discernement de
l’action modalisée.

4 Apories de la théorie sémiotique des modalités


Afin de soutenir la discussion théorique, il est utile de repérer préalablement un
certain nombre d’incohérences et difficultés argumentatives dans la théorie
sémiotique des modalités, soit que ces difficultés dépendent d’une des versions
typologiques ou qu’elles découlent de leur confrontation. Le but ici est simple-
ment de montrer que ces difficultés existent bel et bien. La discussion qui
s’ensuivra ne cherchera pas à les résoudre toutes mais à élaborer une révision
de la typologie qui, au moins, permet de les éviter. Il s’agit en somme d’avancer
une proposition théorique sans avoir la prétention qu’elle remplace les
précédentes ; simplement celle-là se trouve avertie des problèmes que celles-ci
soulèvent.

4.1 Endotaxique, exotaxique

Pour rappel, l’hypothèse typologique a débuté par une proportion : le vouloir


serait au devoir ce que le savoir est au pouvoir. Rengstorf alléguait pour cela le
critère différenciateur suivant : le savoir relève du psychique, le pouvoir, du
physique. L’inadéquation d’un tel critère pour opposer vouloir et devoir saute
toutefois aux yeux : tous deux semblent bien à ranger du côté des modalités
« psychiques ». Rengstorf reconnaît d’ailleurs aussitôt le manque de pertinence
de ce critère anthropomorphe et lui substitue « l’opposition /intérieur/ vs
/extérieur/, ou mieux encore l’opposition faite des néologismes /endotaxique/
vs /exotaxique/, où /endotaxique/ et /exotaxique/ se définissent par rapport à
l’actant-sujet » (Rengstorf 1976: 74) ; mais tant qu’il n’est pas précisé comment
leurs définitions par rapport à l’actant-sujet permettent de les différencier, le
gain paraît maigre. C’est à combler ce manque que Greimas et Courtés pour-
voient, ainsi qu’on l’a vu, en définissant l’exotaxique comme une relation
12 Sémir Badir

translative (reliant des énoncés ayant des sujets distincts), alors que l’endota-
xique relie des sujets identiques. Une difficulté demeure, toutefois. Si, à partir de
ces définitions, on voit la possibilité d’appliquer ce critère au couple vouloir
(endotaxique) – devoir (exotaxique), on la reconnaît beaucoup moins aisément
dans le couple savoir – pouvoir. Ce qui a été gagné d’un côté semble ainsi se
perdre de l’autre. Qui plus est, Michel Ballabriga (1995) a mis en doute que le
devoir, compte tenu du critère retenu, soit d’ordre exotaxique. Quand quelqu’un
se dit qu’ « il doit y arriver, coûte que coûte », on ne voit pas en effet que la
présence d’un tiers actant soit déterminante.

4.2 Actualisation, potentialisation, virtualisation

Par ailleurs, n’est-il pas étonnant que la modalité du pouvoir ne soit pas associée
au mode d’existence de la potentialisation ? Tant que ce mode d’existence ne
servait pas à la structuration des modalités, l’inconvénient paraissait moindre.
Mais avec l’introduction du mode potentialisé par Fontanille et Zilberberg, on
est amené à se demander si les termes retenus pour les modes d’existence
correspondent adéquatement à ce qu’ils désignent. Pour rappel, selon Greimas
et Courtés (1979: 9), supposément en accord avec la tradition linguistique, le
couple virtuel – actuel entre en correspondance avec le couple système – procès,
lui-même assimilé au couple langue – discours. Si l’actualisation correspond
alors, comme les auteurs le donnent à lire, au passage du virtuel à l’actuel, est-il
judicieux de considérer le pouvoir faire comme ce passage ?

4.3 Modalités réalisantes ou réalisées

Si faire a certainement une capacité modale, il n’est pas prouvé qu’il en soit de
même pour être. En français, en tout cas, la modalisation par être ne se rencontre
pas (être faire ? être être ?), alors que celle du faire (faire faire, faire être) s’entend
très bien. C’est pourtant une thèse soutenue par Greimas (1983: 71), censément
illustrée par ce que celui-ci appelle « les modalités véridictoires », sans que soit
donné le moindre exemple linguistique. Lorsque Fontanille et Ziberberg repren-
nent les trois modes d’existence déjà présents chez Greimas et Courtés, ils
négligent complètement faire faire, faire être, ainsi que les improbables être
faire, être être, pour considérer, en en reconnaissant le risque, que les modalités
réalisées sont exprimées par les prédicats faire et être en eux-mêmes, sans
nécessité de redoublement. Le risque est en effet que l’étude des modalités ne
soit plus nécessairement corrélée à une analyse de formes discursives.
Les modalités 13

4.4 Formes de la modalité

Il avait été reconnu comme une spécificité de l’approche sémiotique que les
modalités pouvaient s’affranchir, dans les textes, de la présence des formes
linguistiques répertoriées pour les exprimer. Or le risque pris ici est différent, à
savoir que même dans la paraphrase métalinguistique, celle de l’analyste, la
vertu modale assignée à un terme n’est pas linguistiquement justifiable. C’est le
cas de être, tant chez Greimas que chez Fontanille et Zilberberg, quoique pour
des raisons différentes (d’un côté la forme linguistique être être n’est pas
attestée, d’autre part, la forme linguistique être n’est pas reconnue comme
modale). Mais d’autres termes désignant les modalités chez Fontanille tombent
sous le coup de cette incompatibilité entre l’approche sémiotique et l’approche
linguistique. Adhérer n’a pas de fonction modale connue. Croire peut en avoir
une (croire faire, croire être) ; c’est pourtant une autre paraphrase, non modale,
que Fontanille (2003 [1999]: 178–179) retient : croire à quelque chose (adhérer
étant équivalent, selon lui, à croire (en) quelque chose).

4.5 Faire et être

Enfin, les deux prédicats de base sur lesquels on a coutume de faire porter la
fonction modale, faire et être, ne sont pas non plus sans susciter des questions.
Greimas construit sa théorie des modalités à partir des fonctions narratives
attribuables à ces deux prédicats : les énoncés de faire se voient attribués une
fonction de /transformation/, ceux de l’être, dits aussi « énoncés d’état », une
fonction de /jonction/ (Greimas 1983: 68). Mais il n’est pas clair, dans les
développements ultérieurs, que ce soit toujours comme énoncé d’état qu’être
soit modalisé. Par exemple, paraphraser devoir être en « nécessité », ainsi que le
propose Greimas (1983: 83), laisse entendre « l’être de l’être » non comme un
état mais bien comme une essence, un être logique qui possède une vérité
matérielle3 ; si devoir être modalisait un énoncé d’état, bien mieux l’aurait-on
paraphrasé en « normalité » : un état qui est attendu, non seulement par le sujet
mais par un tiers adjudicateur, est une situation instituée, normalisée.
Les questions portant sur le faire ne sont pas moins préoccupantes. Il
semble que Greimas entende rapporter l’agir au faire – l’acte, commence-t-il

3 Distinction dont Greimas est pourtant averti. Ainsi précise-t-il que « la jonction est la relation
qui détermine l’ “état” du sujet par rapport à un objet de valeur quelconque, les déterminations
seules, et non une “essence” du sujet permettant de connaître quelque chose à propos du
sujet » (1983: 70).
14 Sémir Badir

par établir, se définit comme « ce qui fait être » (Greimas 1983: 67). Pourtant les
deux prédicats n’ont pas le même comportement syntaxique : on fait quelque
chose, alors qu’on agit (pour, en vue de quelque chose). La fonction de /trans-
formation/, fondamentale dans la théorie greimassienne, ne paraîtrait pas si
nette si, au lieu de faire, on devait privilégier comme verbe de base des
modalités l’agir ; autrement dit, choisir l’ /action/, plutôt que la /transformation/
comme base théorique, a des conséquences sur le raisonnement des modalités et
sur leur paraphrase : dans une /action/, le sujet n’a pas à être préalablement
disjoint de son objet. Or la sémiotique, surtout la narrative, se veut être une
théorie de l’action, l’action fût-elle « en papier » (Greimas et Courtés 1979: 8).

5 Nouvelles propositions
Le temps est venu pour nous d’avancer de nouvelles propositions théoriques au
sujet des modalités. Le bilan qui a été fait des travaux précédents indique une
marche de progrès possible. Nos propositions visent à renforcer le caractère
structural de la typologie sémiotique des modalités, quitte à ce que le rapport
que les versions précédentes de cette typologie avaient noué avec des applica-
tions soit quant à lui affaibli. L’applicabilité reste naturellement un objectif
incontournable, mais il nous semble que ce dernier se trouvera, in fine, plus
aisément rempli si l’intelligibilité théorique de la typologie, eu égard à sa
prétention universelle, est rendue explicitement indépendante de tout domaine
d’objet.
On repartira ainsi de la version la plus aboutie, celle de Fontanille et
Zilberberg, pour mettre en évidence les révisions proposées. Pour commencer,
on s’intéressera à la structuration produite par les modes d’existence. Ces modes
peuvent être caractérisés autrement qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent. De fait,
leur caractérisation gagnerait à être repensée, car celle proposée par les auteurs
(1998: 130 et 132) en fait des étiquettes métalinguistiques difficilement justifia-
bles au vu de leur emploi dans la langue ordinaire, soit que cette caractérisation
échappe aux distinctions utilisables en dehors de l’analyse sémiotique (par
exemple, l’opposition entre visée et saisie), soit qu’elle paraisse contre-intuitive
(ainsi de la praxis dite « atone » du mode réalisé).
La conception sémiotique du virtuel, en particulier, ne nous paraît guère
conforme à l’usage ordinaire. On peut concevoir que la réalité virtuelle soit,
comme le suggère Sémiotique 1 (Greimas et Courtés 1979: 421), une « existence
“in absentia” ». Elle a lieu, pourtant ; les expériences virtuelles – lectures
romanesques, spectacles cinématographiques, jeux vidéos – sont réellement
Les modalités 15

vécues par les sujets. Leur absence tient à un acte mental : les sujets ne
s’attendent pas à ce que la réalité de ces expériences virtuelles soit semblable
à celle des expériences ordinaires. Comme la présence définit notre rapport
(ordinaire) au monde, les expériences de réalité virtuelle peuvent être alors
qualifiées par la valeur contraire à une présence : une absence.
Si l’on admet cette définition du virtuel, il convient de rejeter le système de
la langue, en dépit de ce qu’affirme Greimas, en dehors de ses exemples. Dans
une structure où un mode d’existence potentialisé est prévu, il paraît bien plus
convaincant que la langue, comme tout modèle, relève du potentiel. Pour lors, le
mode du virtuel sera défini comme celui d’une existence absente par la pensée
(quoique, en fait, quelque chose de cette existence puisse nous atteindre bel et
bien), tandis que le mode du potentiel qualifie une existence absente en fait.
L’opposition par la pensée vs en fait, que nous allons préciser dans un instant,
peut être reportée sans difficulté sur les deux autres modes d’existence, cette
fois de manière conforme aux réflexions de nos prédécesseurs, de sorte qu’une
structure des modes d’existence peut être formulée en fonction de son couplage
avec l’opposition présence vs absence (Tableau 4).

Tableau 4: Catégorisation des modes d’existence.

par la pensée en fait

absence virtuel potentiel


présence actuel réel

Au présent de l’indicatif, chaque verbe modal est néanmoins une réalité dis-
cursive. Je crois (agir), il veut (être), nous savons (faire) : la croyance, la volonté,
le savoir sont tenus pour des expériences réellement éprouvées par les sujets
concernés. Assurément, ce n’est pas la force prédicative du verbe modal que les
modes d’existence permettent de structurer mais bien le prédicat modalisé, et
uniquement lui. C’est l’agir ou l’être qui est virtualisé, actualisé, potentialisé ou
réalisé par la prédication modale.4
Or c’est encore au sujet qu’il faut rapporter la modalisation elle-même. Ceci
revient à dire que toute action ou toute situation, si elle est propre à un sujet,
implique une pensée. L’opposition par la pensée vs en fait peut alors servir
doublement comme moyen de structuration : pour le mode d’existence du

4 Nous tombons ainsi d’accord avec Fontanille et Zilberberg sur le point de savoir si le mode
d’existence est régissant ou régi : comme il vise le prédicat modalisé et non la modalisation, il
doit être considéré comme régi.
16 Sémir Badir

prédicat modalisé comme pour les modalités elles-mêmes. Il y aurait ainsi à


considérer des modalités prédicatives « par la pensée » et des modalités
prédicatives « en fait ». Si nous parvenons à établir de telles modalités, le
gain d’intelligibilité pour la structuration des modalités serait considérable :
d’une part, le redoublement d’une opposition conceptuelle dans la
caractérisation des modalités apporte une économie argumentative toujours
profitable (elle réduit le risque de renvoi à des concepts indéfinissables) et,
d’autre part, le critère retenu atteint les deux termes impliqués dans le fonction-
nement modal, à savoir le verbe modalisateur et le verbe modalisé.
Pour mettre davantage de chances de notre côté, précisons ce qu’il faut
entendre par « en fait » ainsi que la manière dont ce terme peut entrer en
opposition avec « par la pensée ». D’ordinaire, « en fait » est opposé à « en droit ».
Dans ces expressions, le droit est quelque chose qu’il est possible de justifier
par une fin quelconque, tandis que le fait est quelque chose dont il est possible
de témoigner par un moyen quelconque, à savoir : par les sens, par
l’expérience, par autrui, mais aussi par un enchaînement de cause à effet, et
donc par la pensée elle-même. L’opposition du fait et de la pensée n’est donc
pas contradictoire, c’est une contrariété fondée sur une opposition participa-
tive ou, si l’on préfère, tensive : par la pensée, terme intensif de l’opposition,
signifie « par la pensée seulement », là où « en fait », terme extensif, signifie
« par n’importe quel moyen, y compris la pensée ». Puisque l’opposition sert
ici à qualifier le rapport d’un sujet à un énoncé modalisé ou à la modalisation
de cet énoncé, nous pouvons reformuler l’opposition en subjectivation vs
objectivation. La subjectivation définit le rapport d’un sujet à l’énoncé
modalisé et à la modalisation uniquement selon sa pensée (son monde
« intérieur » et ses positionnements « psychiques », pour reprendre les termes
suggérés par Rengstorf) ; l’objectivation définit quant à elle le rapport d’un
sujet à l’énoncé modalisé et à la modalisation non seulement selon sa pensée
mais aussi à travers son expérience, ses sens et selon la pensée, l’expérience et
les sens d’autrui, comme ils lui parviennent par des médiations normalisées et
institutionnalisés. L’opposition entre subjectivation et objectivation est de
point de vue (ou de direction). Sans doute ce qui est présent par la pensée a-
t-il tendance à être absent en fait, et vice versa. Entre l’actuel et le potentiel
demeure néanmoins une différence de point de vue : l’actuel insiste sur la
subjectivité de l’existence d’une action ou d’une situation, le potentiel, sur son
objectivité.5

5 Cela dit en écho à une suggestion de Fontanille et Zilberberg (1998: 137) suivant laquelle la
potentialisation et l’actualisation ont des orientations inverses.
Les modalités 17

On considérera dès lors que les modalités endotaxiques ou endogènes sont


des modalités subjectivantes ; elles ressortissent essentiellement à la pensée du
sujet modal. Les modalités exotaxiques ou exogènes sont des modalités objecti-
vantes, dépendantes de la pensée du sujet modal comme de ses sens ou, tout
aussi bien, elles découlent des médiations d’autrui, et même, bien souvent, elles
regardent tout cela ensemble. La différence qu’apporte l’opposition subjectivant
vs objectivant face à la précédente opposition est que les modalités qu’elles
mettent en comparaison n’entrent plus dans un rapport exclusif. Devoir, cela
peut être vouloir, comme le donnait à entendre Ballabriga. Ainsi, par exemple, si
je prétends que je dois y arriver, c’est parce que ma pensée m’incite à trouver
ailleurs qu’en elle-même le moyen de son action : l’objectivation inclut la sub-
jectivation et la projette au dehors.
À présent qu’ont été explicitées les caractéristiques permettant la structura-
tion des modalités, il reste à remplir le tableau et à justifier la répartition des
modalités qui est opérée selon le type – subjectivant ou objectivant – de la
modalisation, en nous expliquant au passage sur le choix des termes désignant
les catégories de modalités établies selon leur mode d’existence (Tableau 5).

Tableau 5: Nouvelle catégorisation des modalités.

Modes subjectivés Modes objectivés

Modes Modes Modes Modes


virtualisés actualisés potentialisés réalisés

Modalisations CROIRE VOULOIR SAVOIR FAIRE


subjectivantes
Modalisations PARAÎTRE DEVOIR POUVOIR S’AVÉRER
objectivantes
(représentations) (intentions) (assomptions) (instanciations)

Sans doute gagnerons-nous à aller tout de suite au plus difficile, du point de vue
de l’argumentation, puisque, pour le reste, le tableau corrobore la conception
des modalités élaborée par nos prédécesseurs. Comment comprendre que, dans
un seul acte prédicatif, une modalisation subjectivante soit rapportable à un
mode d’existence objectivé ? Et, en miroir, que peut signifier la modalisation
objectivante d’un mode d’existence subjectivé ? C’est le statut octroyé aux
modalités du paraître, du devoir, du savoir et du faire qui sera ainsi commenté
en premier lieu. Nous allons le faire à partir d’exemples. Toutefois, pour ne pas
multiplier ces derniers, on examinera quatre énoncés parmi lesquels les autres
18 Sémir Badir

fonctions grammaticales du verbe – la personne, le temps, la négation et le type


phrastique – varient.
Paraître. – Absente par la pensée, une action ou une situation représentée
l’est dans ce double sens que son existence en fait n’est pas énoncée et qu’un
acte mental manifeste précisément le retrait qu’il opère sur elle en regard de ce
que serait son existence factuelle. Paraître agir et paraître être sont des
prédications modales qui expriment une telle représentation et la donnent
pour objective. Voici l’exemple :

B. a paru agir pour le bien public.

Il est certain que B. a agi ; il a fait quelque chose, ou plusieurs choses. Pourtant,
par la pensée, cette action est déniée, rendue absente. On suppute qu’elle est
remplacée par une autre mais ce n’est pas cela que le locuteur énonce. Ce qu’il
énonce, c’est la dissociation d’une représentation mentale d’action en regard de
l’action niée. Comme le locuteur a le statut d’un observateur6 extérieur à l’action
produite (et ce statut lui serait conservé même dans un énoncé à la première
personne), sa pensée rend objectif le mode d’existence de l’action posée.
Devoir. – Les intentions d’action ou de situation sont de celles dont l’énoncé
dévoile la présence à l’esprit du sujet, sous forme d’acte mental, que cette action
ou situation soit à réaliser ou qu’elle l’ait déjà été. Devoir agir et devoir être
expriment canoniquement de telles intentions lorsque celles-ci s’imposent à
l’esprit du sujet par une cause qui lui est extérieure et qui permet, d’une certaine
manière, d’objectiver sa présence.

Je ne dois pas agir avec précipitation.

Le « je » a-t-il agi avec précipitation ou y a-t-il un risque qu’il le fasse ? L’énoncé


ne se prononce pas là-dessus. Une telle action est seulement évoquée par sa
pensée. Mais ce n’est pas du seul libre arbitre de « je » que dépend cette
évocation. Quelque chose – une expérience acquise de la situation, une recom-
mandation d’autrui, ou l’action elle-même comme elle a déjà eu lieu – sollicite
cet acte mental de présentification. L’intention se fait dès lors objectivante :
« je » rend présente une action que d’autres choses sont susceptibles de rendre
également présente, en fait ou par la pensée, quoique ce soit toujours « je » qui
en soit le sujet. La négation ne joue aucun rôle vis-à-vis de la qualification de
cette prédication modale : le mode d’existence intentionnel de l’action est

6 C’est à Fontanille qu’il revient d’avoir élaboré la théorie des modes d’existence en rapport
avec le concept d’observateur.
Les modalités 19

entièrement préservé ainsi que le type – en l’occurrence, objectivant – de


modalisation. Dans l’exemple choisi, la négation porte sur l’action (la para-
phrase métalinguistique en serait je dois ne pas agir). Si elle avait porté sur le
verbe modal (par exemple, dans Je ne dois pas toujours faire ce qu’on me dit), il
en serait exactement de même.
Savoir. – Des actions et situations qui sont énoncées pour leur absence de
fait, sans que soit pour autant niée leur présence, demeurent en suspens.
L’énoncé s’en saisit et en fait des actions et situations hypothétiques, de pures
assomptions discursives. Savoir agir et savoir être sont des prédications assomp-
tives imputées au sujet d’une telle action ou situation.

B. saura-t-il être un bon père pour ma fille ?

Que B. soit un bon père pour la fille du locuteur (plus probablement, la locu-
trice) est une situation qui, présentement, n’a pas lieu ni, dans la mesure où l’on
se prononce sur la factualité d’une situation future, ne va pas avoir lieu.
L’hypothèse en est bien formée, mais de qui dépend-elle ? Non de la locutrice,
qui pose la question, mais du sujet à qui une telle situation est imputée. C’est de
lui en effet, d’un acte mental qui lui incombe, que dépend l’évocation d’une telle
situation. C’est là son pouvoir, la puissance subjective de son esprit. C’est donc à
B. que revient, en définitive, non de répondre à la question posée par la
locutrice, mais de rendre réellement présente – ou pas – la situation évoquée.
Tout autre aurait été son rôle si la question avait porté sur la possibilité d’une
telle situation ou sa capacité à la remplir (Pourra-t-il être … ?). Dans ce cas de
figure, la présence d’une telle situation ne dépend plus seulement du sujet
concerné.
Faire. – Présente en fait, une action ou une situation instanciée l’est en ce
sens que sa présence est redoublée par l’énoncé, comme si l’énonciation avait
le pouvoir de renchérir sur son fait. Ce pouvoir est-il légitime ? Dans la mesure
où l’on considère que le sens attribué à une action ou une situation contribue à
son existence même, oui. Faire agir et faire être expriment des instanciations
qui modifient le regard que l’on porte sur le sens d’une action (ce sont des
« circonstanciations », pourrait-on dire : les actions qu’elles modalisent sont
circonstanciées) et par là, si l’on veut, sur son existence même.

B. nous a fait agir contre notre gré.

« Nous » a été le sujet d’une action ; c’est un fait dont l’énoncé témoigne. Mais,
dans le même temps, il donne à ce fait un sens original, presque déconcertant.
« Nous » serait un sujet passif : comme si, en agissant, « nous » avait été agi.
20 Sémir Badir

C’est assurément le locuteur (nous) qui prétend cela, mais ce n’est pas lui qui
rend possible le sens d’un tel fait. Le responsable du sens particulier que prend
le fait, c’est B. ; plus précisément c’est l’acte mental que le locuteur impute à
B. Par lui seul, cet acte mental fait qu’une action, en principe active, devienne,
d’une certaine manière, passive. La modalisation du faire présente ainsi l’action
de manière subjective, c’est-à-dire dépendante du point de vue d’un sujet
pensant.
On voit donc que la factualité d’une action ou d’une situation peut être établie
sans conteste, comme présence ou comme absence, et que cependant elle est
présentée à travers la pensée d’un sujet modalisant (savoir agir ou être, faire agir
ou être). À l’inverse, une action ou une situation peut être produite seulement par
la pensée d’un sujet tout en connaissant une forme d’objectivation par l’usage
d’une modalisation portant sur cette pensée en acte (paraître agir ou être, devoir
agir ou être). Il se confirme ainsi que les deux caractérisations, celle de la
modalisation par le verbe modal et celle de l’action modalisée par le mode
d’existence, sont indépendantes l’une de l’autre et peuvent agir de manière
croisée sur la prédication modale. Dans les quatre modalités examinées, la
prédication modale est dotée de ce qu’on pourrait appeler avec Zilberberg
(2006: 82) une « force concessive » : quoique les choses soient, elles paraissent
autrement ; quelle que soit ma volonté, je dois agir selon d’autres motifs ; quelles
que soient les possibilités concernant une situation donnée, le sujet sait ce qu’il
en est ; et, quiconque agisse, c’est un autre qui le fait agir.
Le rôle des quatre modalités restantes, croire, vouloir, pouvoir et s’avérer est
plus facile à concevoir car leurs caractéristiques se confirment l’une l’autre, de
sorte que ces modalités sont mues par une force implicative. Passons-les tout de
même brièvement en revue.
Croire agir (par exemple, pour le bien général) et croire être (dans les temps
ou plus fort que B.) exprime une représentation d’action ou de situation que le
sujet de la prédication évoque en l’absence de cette action ou situation dans sa
pensée, toutes choses étant indifférentes par ailleurs, en ce compris une
présence de fait.
Vouloir agir (rapidement) et vouloir être (ingénieur) exprime une intention
d’action ou de situation, passée, présente ou à venir, dans la pensée du sujet de
la prédication.
Pouvoir agir (enfin) et pouvoir être (brillant) exprime une assomption d’action
ou de situation sans que la présence de cette action ou situation soit rendue
nécessaire. L’assomption discursive suffit à son objectivation.
S’avérer agir (comme un prince) et s’avérer être (une arme efficace) exprime
une action ou une situation instanciée ou, si l’on préfère, « épinglée » par le
discours dans sa présence de fait. La construction syntaxique de s’avérer en tant
Les modalités 21

que verbe auxiliaire n’est pas admise par tous les grammairiens qui y voient, à
juste titre, un redoublement. Disons que s’avérer explicite la prise en charge par
le locuteur d’une fonction référentielle du discours, sans y ajouter d’autres
valeurs (comme le ferait se révéler, apportant une valeur événementielle, ou se
trouver, qui a une valeur argumentative).

6 Pour conclure. Essai de définition


Nos propositions n’ont pas touché au noyau des modalités sémiotiques ni à leur
rapport. Le vouloir reste au devoir ce que le savoir est au pouvoir. Seuls les
sémioticiens ont avancé avec constance un tel rapport. Aussi la structuration
sémantique des modalités n’est-elle pas seulement spécifique à leur approche ;
elle est originale : elle apporte quelque chose à la compréhension générale des
modalités.
Cette structuration prétend à l’universalité : elle vaut pour toutes les lan-
gues, et sans doute aussi pour d’autres systèmes sémiotiques. Il importe à cet
égard de ne pas se méprendre sur le statut des expressions qui ont été choisies
pour désigner les modalités ; ces expressions sont métalinguistiques. Il n’y a
donc pas d’obligation à ce qu’elles se manifestent de la même manière dans
chaque langue. C’est un vieux débat, réactivé par Benveniste (1966), de savoir si
les concepts sont instruits par les formes disponibles dans une langue donnée.
Que ces concepts soient influencés par ces formes, il n’y a pas de difficulté à en
convenir. Mais le travail du philosophe, comme celui du sémioticien, implique
une manière de désolidarisation entre l’usage ordinaire des formes de la langue
et leur usage conceptuel. C’est cette désolidarisation que la théorie linguistique
explicite par l’établissement d’un niveau métalinguistique.
Il est néanmoins souhaitable que les expressions métalinguistiques choisies
pour les modalités rencontrent en partie leur emploi dans la langue ordinaire ;
en vertu de quoi, des exemples langagiers ont pu, ici comme ailleurs, être
présentés pour leur examen. Mais en partie seulement : certains emplois de
ces verbes les rend inaptes à servir aux concepts qu’ils expriment. Un tel rejet
demande à être envisagé lorsque ces verbes ne sont pas utilisés comme auxi-
liaires mais employés dans d’autres tournures syntaxiques (notamment avec une
subordonnée complétive). En outre, certains de ces verbes peuvent avoir plu-
sieurs sens. C’est notoirement le cas, en français, de pouvoir. La modalité
exprimée par ce verbe consent à l’union de l’aptitude intellectuelle, de la
capacité matérielle et de la contingence, mais non à l’intégration de la permis-
sion, dont la prédication modale est complexe.
22 Sémir Badir

Enfin, puisque ces expressions sont métalinguistiques, il est attendu que


d’autres verbes puissent manifester les modalités qu’ils désignent. C’est le
répertoire des divers verbes auxiliaires parmi les modalités qui dessinera ainsi
la singularité de chaque langue. Chaque verbe apporte une nuance propre à la
modalité. On constate par exemple que devoir apporte une valeur morale qui
n’est pas nécessaire à l’expression de la modalité proprement dite, puisqu’aimer
l’exprime également (aimer être, aimer agir permet également de rendre présent
une situation ou une action que le sujet n’est pas seul à penser).
Parmi ces apports de valeur, il en est qui sont encore modaux, de sorte que
certaines prédications peuvent être tenues pour doublement modalisées. La
permission qu’exprime parfois pouvoir est dans ce cas ; pouvoir agir (en toute
liberté) et pouvoir être (son tuteur) conditionne l’assomption de l’action ou de la
situation d’un sujet à l’intention d’un autre sujet (individuel ou collectif et
institutionnalisé). En outre, l’indicatif mis à part, les modes verbaux personnels
ajoutent une valeur modale à la prédication d’un verbe modal : l’impératif
ajoute une intention (croyez agir = vous devez croire agir ; faites faire = vous
devez faire faire), le subjonctif, une représentation (puissiez-vous agir = vous
paraissez pouvoir agir ; qu’il doive être = il paraît devoir être), le conditionnel,
une assomption (je croirais agir = je pourrais croire agir ; il voudrait être = il
pourrait vouloir être).
Il nous reste à chercher pour le concept de modalité une définition qui soit
en accord avec l’approche sémiotique comme elle a été exposée et discutée ici.
On ne peut se contenter de décrire son fonctionnement (un prédicat portant, en le
modifiant, sur un autre prédicat) ni la concevoir au croisement de deux
caractéristiques appelant chacune une théorie sémiotique à part entière, mettons
une théorie narrative et une théorie énonciative ; il convient au contraire de
ressaisir sa valeur en vue d’une théorie sémiotique unifiée.
On raisonnera la définition de la modalité par l’argumentation suivante.
Premièrement, il n’est pas insignifiant que les modalités aient été étudiées
par les logiciens, les linguistes et les sémioticiens, c’est-à-dire dans les disci-
plines qui ont pour objet le langage, au sens large du terme. Il ne paraît pas
possible que la modalité ait un emploi ailleurs que dans le langage.
Le premier point étant tenu pour acquis, il apparaît, deuxièmement, que la
modalité porte sur un énoncé, c’est-à-dire sur ce qui, dans le langage, vise une
action ou une situation. La distinction de la pragmatique entre énoncé déclaratif
et énoncé performatif est sous-tendue par cette assomption, puisqu’elle sert à
montrer que c’est bien une action ou une situation que peut constituer un
énoncé (lorsqu’il est performatif).
Troisièmement, l’action ou la situation est contenue par la modalité, sans
que soit neutralisé le « rapport au monde » que le langage entretient par sa
Les modalités 23

visée. La modalité fait que l’action ou la situation devient l’objet d’une autre
action. La modification que le verbe modal apporte au prédicat concerne ainsi
son statut : de prédicat d’action ou de situation, il devient objet de prédication.
Quatrièmement, cette action que la modalité appelle est une action mentale.
Les diverses actions mentales susceptibles de s’exercer dans le cadre d’une
modalité semblent correspondre aux différents types de faculté de l’esprit
humain : les représentations relèvent de l’imagination ; les intentions, de la
volonté ; les assomptions, de la raison ou de l’intuition ; les instanciations, de
l’entendement entendu comme instrument de perception et de conduite.
Enfin, cinquièmement, l’action mentale comme elle est appelée par la
modalité produit une action discursive – une énonciation –, laquelle consiste
ainsi à englober une action ou une situation comme objet de cet acte mental.
Par conséquent, la modalité est le moyen par lequel une action ou une
situation est subsumée par l’énonciation d’une faculté de l’esprit.

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