Sciences Sociales Et Projets New
Sciences Sociales Et Projets New
Sciences Sociales Et Projets New
~:
.,., ..
.. \.,.,
.
64 MORIBAMUR& . '.
1 ',.
I >.
Par
JEAN -PIERRE DOZON.
*
ORSTOM * PhRlS
D6VELOPPEMENT, SCIENCES SOClALES ET u>crQLJE PAYSANNE 68
JE N-PIERRE DOZON
69
-
“LOPPEMENT, SCIENCES SOCIALES ET LOGIQUE PAYSANNE JEAN-PIERRE DOZON
72 73
Aussi légitime etlouable (etsans doutenécessaire) soit-elle, cette font l’objet d’interventions et d’interprétations les plus diverses e t
conception dite alternative du développement véhicule une série de souvent les plus contradictoires, de l’autre un mode du développement
représentations concernant les sociétRs rurales africaines qui parais- dont on ignore les modes de fonctionnement, dont on méconnaît les
sent souvent s’inspirer des sciences sociales, mais ne sont en fait gukre institutions, les croyances, les traditions, etc. De ce point devue, l’étude
conformes àleurs observations. En s’appuyant sur les situations locales
des logiques e t stratégies paysannes dans le cadre d‘opérations de
et familiales, et en se défiant des Etats, des organismes internationaux,
de tout ce qui pourrait obliger ces sociétés àrompre leurs traditions, elle développement est intéressante à double titre. D’une part, elle permet
donne de l’Afrique une image archaïsante e t quelque peu stkréotypée. de corriger les visions quelque peu simplistes et stéréotypées que les
Certes A la différence de la premikre attitude, les savoirs e t les valeurs développeurs ont des sociétés africaines. D’autre part, elle conduit
traditionnels sont ici valorisés, mais la procédure est formellement insensiblement B déborder ce rôle qui lui est communément assigné, B
identique :la représentation, le clichc l’emporte sur l’analyse des faits. savoir celui d‘éclairer ou de cautionner les développeurs, en inversant le
Comme partout les sociétds africaines sont des sociétés historiques qui regard par l’étude symétrique des dispositifsd‘intervention eux-mêmes.
ont connu, bien avant la colonisation, des transformations sociales e t Mais cette inversion ne procède pas d‘un choix délibéré par lequel les
des changements d’ordre &conomique.Si depuis l’&poquecoloniale leur sciences sociales en toute objectivité arbitreraient la partie qui se joue
histoire a pris une tournure singulikre, en étant sollicitées e t souvent entre développeurs e t développés; elles émane des logiques paysannes
contraintes à fournir de la main-d‘oeuvre e t des denrées d’exportation, qui accomplissent elles-mêmes le renversement de situation, en s’ap-
elles n’en ont pas moins sauvegardé les marges d‘autonomie et dévelop- propriant A leur manière les transferts technologiques, en detournan t
pé, dans le cadre d‘économies marchandes, des logiques et des stratégies les projets de développement de leurs finalités, e t en plaçant les
qui ne sont pas A proprement parler traditionnelles. Celles-ci relevent développeurs dans une position où ils cessent d’être maîtres du jeu et
bien plutijt des capacités d‘appropriation et d’invention qui conjuguent sont à leur tour aménagés, utilisés e t interprétés.
aussi bien des formes de reproduction socio-culturelle que des processus Cette dernière remarque nous amene à conclure sur une note,
et des phénomhes sociaux inédits (propriété privée de la terre, migra- sinon optimiste, du moins qui nuance ou relativise les échecs en matikre
tions agricoles, salariat, relations villes-campagnes, etc). Le modkle de développement. Sans doute, au regard des objectifs escomptés, les
alternatif cadre mal avec ce genre de réalités, car il ne voit pas que l a résultats sont-ils souvent décevants; mais ce qu’ont montré et ce que
plupart des soci6tés rurales africaines n’évoluent pas simplement A montrent de plus en plus les sciences sociales, c’est que de semblables .
l’échelle de communautés villageoises mais sont enserrrdes dans une résultats n’ont rien de bien surprenants. Les sociétés, qu’elles soient
trame bien plus large où l’on découvre ]’Etat, la ville, de nouveaux africaines ou autres ,ne sauraient se réduire A un ensemble de <<facteurs
modes de différenciations sociales, etc. humains)) que la raison développante, aussi sophistiquée soit-elle,
;J
L‘aide que cette conception du développement apporte aux pay- pourrait maitriser de .la même façon qu’une technique de production;
sanneries africaines est sans aucun doute utile ponctuellement, et en leur résistance, leur faible réceptivité àtelle innovation, mais aussi leur
cela digne d’intérêt, mais elle ne peut aller contre la réalité et l’évolution manière de n’en retenir que quelques aspects ou de l’intégrer non dans
la logique du projet de développement mais dans la leur (c’est-à-dire
des choses, en l’occurrence contre les dynamismes propres à ces paysan-
dans la mouvance de rapports et de dynamismes sociaux spécifiques),
neries, e t être efiicace sans devenir A son tour contraignante, sans
loin de refléter des attitudes négatives nous paraît a u contraire relever
imposer le repli sur les communautés villageoises e t les traditions.
de positivités sociales. Tel est le témoignage et a u fond la raison d‘être
En définitive ces trois attitudes, malgré leurs nettes divergences, des sciences dont la tâche consiste précisémentà démêler ces positivi tés
structurent ensemble le mode du développement. Mais elles le structu- sociales; et l a meilleure façon pour les <<développeurs>>
de faire appel aux
rent de telle manière que le rapport entre <<développeurs>> et <<dévelop- sciences sociales ne consiste pas àleur demander des recettes pour lever
p k s ~s’établil toujours sur un mode asymétrique. D’un côté, en effet, on les résistances ou les <<obstacles socio-culturelss, mais d’intbgrer à leur
a des sociétés africaines qui sont surinvesties de pratiques e t de sens,
c
...
--
DBVELOPPEMENT, SCIENCES SOCIALES EX LOGIQUE PAYSANNE
74
PAR
THEOPHILE ASSA KOBY *
‘,J