650-Texte de L'article-1931-1-10-20220513
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650-Texte de L'article-1931-1-10-20220513
KEHEL Mohammed
Enseignant chercheur
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion - Casablanca
Université Hassan II de Casablanca - Maroc
Laboratoire de Recherche Prospective en Finance et Gestion (LRPFG)
[email protected]
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Attribution License 4.0 International License
Résumé
Avec l’ère de la mondialisation, l’ancrage territorial se présente comme une alternative idéale
pour le développement des territoires surtout que le développement d’un pays passe
nécessairement par le développement de ses territoires. Dans cette logique, la « collectivité
territoriale » renforce de plus en plus sa place prépondérante en tant qu’acteur de
développement économique et social.
Notre contribution propose d’approcher une action qualifiée de « complémentaire » aux
différentes actions, à caractère interne, déjà entreprises par les collectivités territoriales pour
gérer les affaires locales. Il s’agit précisément de l’action à l’international à travers la
coopération décentralisée. L’étude traite ainsi la coopération décentralisée et son rôle dans la
promotion du développement des collectivités territoriales au Maroc. Une analyse de l’état de
lieux dans notre pays s’avère nécessaire pour montrer les avantages et les faiblesses de cette
action surtout avec le renforcement du processus de la décentralisation par l’instauration de la
régionalisation avancée, à partir de 2014 dans notre pays, comme étant un nouveau modèle de
développement économique et social.
Abstract
With the era of globalization, territorial anchoring presents itself as an ideal alternative for the
development of territories, especially since the development of a country necessarily involves
the development of its territories. In this logic, the "territorial community" is increasingly
strengthening its preponderant place as an actor in economic and social development.
Introduction
D’après Franck Petiteville (1995)1, la coopération décentralisée désigne toutes « les opérations
mises en œuvre directement ou sous leur impulsion, ou avec leur soutien par les collectivités
territoriales ». Ainsi, avec l’arrivée de la mondialisation et l’ouverture du monde, de nouvelles
perspectives ont été identifiées par les collectivités territoriales en matière de coopération. En
effet, le développement territorial peut retrouver dans la coopération décentralisée un levier
pour dynamiser la croissance des collectivités territoriales surtout si cette coopération est
orientée beaucoup plus vers des projets concrets à caractère économique qui sont générateurs
de la valeur et de la richesse. De leur part, Noisette et Rachmuhl (2007)2 ont montré dans leur
1
Petiteville Franck. (1995), La coopération décentralisée. Les collectivités locales dans la coopération Nord-Sud,
Paris, L’Harmattan.
2
Noisette P. & Rachmuhl V. (2007), Rapport sur la coopération décentralisée et le développement urbain.
L’intervention des collectivités locales, Ministère des Affaires étrangères et européennes, Paris.
rapport que la coopération décentralisée a subi une évolution à travers le temps et qui a été
influencée par cinq grands facteurs : « La dimension européenne, la mondialisation, la
décentralisation administrative, l’émergence de l’approche territoriale et la recherche d’un
modèle spécifique d’intervention, aux côtés des autres formes de coopération ». Par ailleurs,
Marie-Helène Chambrin (2008) avance que l’avènement de la coopération décentralisée à
caractère économique constitue un changement de paradigme naît des évolutions stratégiques,
économiques et environnementales que connaît le monde et qui sont adossées à l’échec
qu’éprouvent les politiques de développement suivies par les pays. Dès lors, le rôle assigné au
territoire comme « un construit social » engageant une coopération entre tous les acteurs locaux
constitue une plateforme pour développer également des actions à l’international. De ce fait,
toute action susceptible d’apporter une contribution efficace au développement des collectivités
territoriales est considérée comme la bienvenue.
C’est dans la logique de cette dynamique territoriale que s’inscrit notre contribution qui essaye
de répondre à la problématique suivante : Quel rôle peut jouer la coopération décentralisée dans
le développement des collectivités territoriales marocaines essentiellement avec la mise en
place de la régionalisation avancée à partir de 2014 ? Quel est le niveau territorial à privilégier
pour la coopération décentralisée au Maroc ?
La méthodologie suivie portera sur une analyse de l’état des lieux et des perspectives de la
coopération décentralisée au Maroc à travers les données collectées auprès de la Direction
Générale des Collectivités Territoriales (DGCT)3.
Pour ce faire, nous aborderons, en premier lieu, le contexte général dans lequel s’inscrit la
coopération décentralisée au Maroc en présentant également le nouveau cadre juridique
marocain qui réglemente les actions de la coopération internationale. Par la suite, nous mettrons
en évidence les avantages à tirer de la coopération décentralisée pour les collectivités
territoriales marocaines tout en développant une comparaison entre les échelons territoriaux
privilégiés pour cette pratique. Après, nous mènerons une évaluation analytique de la
coopération décentralisée en se basant sur les projets de coopération conclus par les structures
décentralisées marocaines dans l’objectif est de faire valoir l’architecture des projets, leur
nature ainsi que les partenaires engagés soit au niveau local ou au niveau international. Enfin,
3
La Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT) est chargée de la préparation des décisions du
ministre de l’Intérieur, dans le cadre des attributions qui lui sont conférées en vertu des textes législatifs et
réglementaires relatifs aux collectivités territoriales, et du suivi de leur exécution.
Les actions de la coopération décentralisée sont l’initiation propre des collectivités territoriales.
Elles se sont développées avec l’évolution du processus de la décentralisation considérée
comme un cadre contextuel propice. La littérature a bien montré cette dépendance entre ces
deux sujets. Comme exemple, Petiteville (2011) affirme que la coopération décentralisée a
connu une évolution progressive dans un contexte favorable à la décentralisation territoriale
tout en réduisant le contrôle de l’État sur l’action des collectivités territoriales. Également,
Sagon (2012) avance que les actions de la coopération décentralisée sont liées étroitement au
processus même de décentralisation.
Pour ce qui est de notre pays « le Maroc », qui ne fait pas exception à cette tendance territoriale
qui marque le monde, il s’est engagé, depuis les premières années de son indépendance dans
une politique progressive de décentralisation-déconcentration 4 . Les différentes réformes
entreprises par le pays en matière du renforcement du développement régional
(décentralisation-concentration, charte communale, nouvelle constitution 2011, Schéma
National d’Aménagement du Territoire (SNAT), Schémas Régionaux d’Aménagement du
Territoire (SRAT)… etc.) ont été consolidées aujourd’hui par un nouveau modèle à dimension
régionale qui est « la régionalisation avancée » 5 instauré à partir de 2014. En effet, l’État
marocain a été contraint de repenser sa politique territoriale en cherchant à renforcer davantage le
4
Institution du premier régime applicable aux communes par le Dahir du 23 juin 1960.
5
Le nouveau modèle de la régionalisation avancée a été conçu suite aux orientations de Sa Majesté le Roi
Mohammed VI édictées le 6 novembre 2008.
rôle des collectivités territoriales pour qu’elles deviennent de véritables acteurs du développement
économique et social de leur territoire.
Ainsi, la coopération décentralisée trouve son essence dans ce schéma comme une action parmi
les nombreuses actions attribuées aux collectivités territoriales, c’est-à-dire un dispositif dédié
au profit du développement des territoires. Donc, une action basée sur la conclusion d’un
partenariat avec des structures décentralisées étrangères pour développer des projets de
coopération ayant comme finalité le « développement territorial » et respectant le principe d’un
accord de coopération « gagnant-gagnant ». De ce fait, la dynamisation des actions de la
coopération décentralisée notamment celles à caractère économique constituera un vecteur
d’impulsion pour le développement des collectivités territoriales marocaines.
Selon César Noizet (2003)6, la coopération décentralisée doit être institutionnalisée et elle doit
disposer d’un cadre juridique. De même, elle doit s’accomplir avec l’intervention des structures
du pouvoir public local. Dans ce cadre, la nouvelle loi marocaine relative aux collectivités
territoriales de 2015 constitue le nouveau fondement juridique de la coopération décentralisée
dans notre pays. Toutefois, cette nouvelle loi ne met pas en cause l’existence au Maroc, depuis
plusieurs décennies, des pratiques de jumelage et de coopération décentralisée entre les
collectivités territoriales marocaines et celles étrangères. Son nouvel objectif est de renforcer
encore plus les approches des collectivités territoriales en matière de gouvernance locale et
6
NOIZET C. (2003) La coopération décentralisée et le développement local. Les instruments juridiques de
coopération, Paris, L’Harmattan.
La loi organique n° 111-14 relative aux régions8 stipule dans son article n° 82 : « Dans le cadre
de la coopération internationale, la région peut conclure des conventions avec des acteurs en
dehors du Royaume et recevoir des financements dans le même cadre après l’accord des
autorités publiques conformément aux lois et règlements en vigueur ».
En effet, la coopération décentralisée est considérée comme l’une des compétences propres
attribuées à l’échelon régional marocain afin de promouvoir le développement régional au
niveau de sa juridiction. Aussi, la même loi (article n° 82) interdit tout partenariat de la structure
régionale ou d’un groupement de collectivités territoriales avec un État étranger : « Aucune
convention ne peut être conclue entre une région, un groupement de régions ou un groupement
de collectivités territoriales et un État étranger ».
7
Le droit à l’exercice de relations avec les partenaires étrangers a été véritablement renforcé par la Loi n° 78-00
portant sur la Charte communale et la Loi n° 79-00 relative à l’organisation des collectivités préfectorales et
provinciales. Ces lois « ont innové en la matière en autorisant le conseil communal pour la première et le conseil
préfectoral ou provincial pour la seconde, à conclure des conventions de jumelage et de coopération, à décider
de leur adhésion aux associations des pouvoirs locaux et engager toutes formes d’échanges avec des collectivités
territoriales étrangères, après accord de l’autorité de tutelle et dans le respect des engagements internationaux
du Royaume ».
8
Dahir n° 1-15-83 du 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation de la loi organique n° 111-14 relative
aux régions.
9
Dahir n° 1-15-84 du 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation de la loi organique n° 112-14 relative
aux préfectures et provinces.
lois et règlements en vigueur. Aucune convention ne peut être conclue entre une préfecture ou
province ou leurs groupements et un État étranger ».
À côté de leur relation privilégiée avec l’État, les collectivités territoriales marocaines peuvent
développer d’autres liens avec d’autres collectivités territoriales nationales ou étrangères. En
effet, aujourd’hui et en matière de coopération, les collectivités territoriales ont plus
d’avantages que l’État. Les relations de coopération entre les collectivités territoriales de pays
différents existaient déjà, mais celles-ci n’étaient pas structurées ni disposant de moyens
humains et financiers comme de nos jours, et elles étaient limitées seulement aux liens d’amitié
« Jumelage ». Aujourd’hui, ce type de lien est devenu insuffisant ce qui a amené à définir
d’autres mécanismes de coopération plus productifs. D’où, l’émergence de la coopération
10
Dahir n° 1-15-85 du 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation de la loi organique n° 113-14 relative
aux communes.
Les collectivités territoriales peuvent facilement établir des relations entre elles, car elles sont
exonérées de formalisme et de respect des règles. L’État en tant que représentant de la
communauté, se trouve quant à lui toujours contraint de défendre sa souveraineté et son peuple.
De plus, les collectivités territoriales tirent plus d’avantages de leur relation directe avec des
collectivités territoriales étrangères. Leurs relations sont de réciprocité et non pas à sens unique.
Il s’agit plutôt d’augmenter les gains de chacun et leur relation s’inscrit dans une logique de
« gagnant-gagnant ». Par ailleurs, il ne s’agit pas simplement d’affirmer le souhait d’établir une
relation de coopération entre collectivités territoriales, mais il faut aussi définir le niveau et le
cadre de cette coopération. Aujourd'hui, les axes de la coopération ne se limitent plus
simplement à des subventions ou aides financières ou à l’assistance technique, mais ils
s’étendent également à l’échange et la diffusion du savoir-faire, au renforcement des capacités
locales, à la planification stratégique, au montage de projets, à la gestion participative du
développement et à la mise en place de mécanismes de partenariat et de suivi-évaluation.
Les raisons exposées ci-dessous expliquent pourquoi l’échelon régional apparaît comme un
échelon privilégié pour l’établissement d’une collaboration entre collectivités territoriales de
pays différents :
▪ Le niveau régional plus homogène que les autres catégories de collectivités territoriales
se trouve plus adapté pour tisser des relations de coopération. Les régions cherchent à
trouver une légitimation et à développer des actions pour justifier leur existence et leur
utilité. Cela ne diminue en rien le rôle et les compétences des autres collectivités
territoriales. Mais, si on compare les écarts possibles entre régions d’un pays, cet écart
est moindre par rapport aux autres collectivités territoriales telles que les communes et
les autres collectivités situées entre les communes et la région.
On constate donc que la région marocaine est plus avantagée que les autres types de collectivités
territoriales en matière de coopération décentralisée par la nature de ses fonctions. Les régions
sont plus tournées vers l’économie et le développement, ont des fonctions de programmation et
de coordination des investissements, et de création d’une dynamique de développement
régional.
La commune à côté de la région constitue la collectivité la mieux placée pour développer des
relations de coopération. Toutefois, la différence constatée entre les communes selon leur taille,
et leur richesse peut entraver, pour certaines, le développement de relations avec d’autres
collectivités territoriales. Certes, la majorité des communes présentant une insuffisance de
moyens financiers et humains ne peuvent développer de relations internationales. Ces petites et
moyennes communes peuvent seulement lier des relations d’amitié sous forme de jumelage qui
a ses limites en matière de collaboration en vue du développement. En revanche, les grandes
communes avec des moyens humains et financiers suffisants peuvent s’engager dans ces types
de relations de coopération internationale. Quant à l’échelon intermédiaire entre la région et la
commune, c’est-à-dire la préfecture ou province, son rôle est relatif dans les relations entre
collectivités de différents pays puisque cet échelon territorial n’existe pas dans tous les pays et
dans le cas où il existe, il n’a pas la même appellation.
À cet égard, on constate que l’action publique locale a facilité l’ouverture sur de nouveaux
horizons. C’est l’exemple de l’ouverture sur la coopération internationale à travers notamment
- Facilite l’accès à des territoires géographiques non couverts par la coopération étatique.
- Cible des projets de développement local à caractère modeste, mais concret.
- Mobilise les acteurs locaux qui ne sont pas pris en charge par la diplomatie officielle.
- Inscrit les actions dans la durée.
- Mesure les actions d’abord en termes d’échange de savoir-faire, d’appui institutionnel
et de formation. Il ne s’agit donc pas de décentraliser la coopération de type classique,
mais plutôt d’une coopération spécifique menée par une autorité locale à destination
d’une autre localité locale pour partager une expérience de gestion locale et de
développement d’un territoire.
Par ailleurs, les projets de la coopération décentralisée sont l’aboutissement d’une réflexion
concertée entre les deux autorités locales. C’est d’abord une coopération "à la demande",
puisque le point de départ est l’expression d’un besoin de la part de l’autorité locale
généralement celle du Sud. Et c’est à partir de cette demande, ensuite négociée, que la
collectivité territoriale examine en fonction de son savoir-faire et de ses capacités financières
ce qu’elle peut apporter pour répondre à cette demande.
3. Synthèse de travaux
En terme de synthèse, l’ensemble des travaux de recherche développés par plusieurs chercheurs
(Delahaye (1989) ; Marie (2005) ; Franck Petiteville (1995) ; Noisette et Rachmuhl (2007) ;
Marie-Helène Chambrin (2008) ; César Noizet (2003)…) et ayant approché la relation entre la
coopération décentralisée et le développement des collectivités territoriales ont mis le point sur
les axes suivants :
- La coopération décentralisée doit être orientée vers de projets concrets qui soutiennent
le développement économique et social de la collectivité territoriale.
- La mobilisation de tous les acteurs territoriaux est un élément essentiel dans la réussite
du processus de la coopération décentralisée.
- La conception d’un projet de coopération décentralisée doit être basée sur le principe de
« gagnant-gagnant » et doit prendre en considération les besoins réels des collectivités
territoriales engagées.
- Les projets de la coopération décentralisée doivent être conçus dans une logique de
durabilité.
- L’organisation territoriale et la réglementation en vigueur des pays sont des éléments
clefs pour promouvoir davantage les pratiques de la coopération décentralisée afin de
bénéficier de ces bienfaits.
- Enfin, l’institutionnalisation de la formation des élus en matière de montage de projet
de coopération décentralisée doit être un atout pour promouvoir cette pratique à l’échelle
territoriale.
Pour bien comprendre les bienfaits de la coopération décentralisée pour les collectivités
territoriales marocaines ou ses déficiences, il est opportun de dresser un bilan analytique de la
Les principaux résultats ressortis de notre analyse sont déclinés dans les points suivants :
Les premières pratiques de la coopération décentralisée au Maroc sont représentées par les actes
de jumelages considérés comme le développement des échanges à caractère culturel, sportif ou
la mise en place d’une plateforme de pourparlers pour promouvoir des projets de coopération
plus vastes entre les collectivités territoriales partenaires. Historiquement, le premier acte de
jumelage est celui conclu par la commune de Fès avec son homologue de Florence en Italie le
8 mars 1963 à Fès dans sa phase retour (la phase aller a été signée en 1961 à Florence). Alors
que le dernier acte de jumelage, selon la DGCT, a été signé entre la commune de Bhalil
(Province de Sefrou) et la commune de Ngor en Sénégal le 25 novembre 2018. Quant à la
première convention de partenariat, elle date de 198412 avec la signature d’un accord entre la
ville marocaine de Fès et son homologue tunisienne de Qayraouane13.
Selon les données de la DGCT, le Maroc recense approximativement 57414 actes de coopération
décentralisée internationale, dont 174 actes de jumelage, 284 conventions de partenariats et 116
11
La Base de données a été développée en fonction des données disponibles au sein de la DGCT au 01.01.2019.
12
D’après les documents fournis par la DGCT-Maroc daté au 1 janvier 2019.
13
Convention signée sur la base d’un acte de jumelage conclu entre les deux villes en 1965 et s’inscrit dans la
coordination des actions au sein de l’Organisation des Villes Arabes « OVA » et de l’Organisation des Villes
Capitales Islamiques « OVCI ».
14
Selon les chiffres disponibles jusqu’au 1er janvier 2019 auprès de la Direction Générale des collectivités
Territoriales au Maroc (Ministère de l’Intérieur).
adhésions à des OING15. Ce nombre est en nette croissance ces dernières années, surtout avec
la mise en place de la régionalisation avancée, puisque de plus en plus d’accords de coopération
décentralisée sont conclus par les collectivités territoriales marocaines comme le montre
l’exemple relatif à l’évolution des 284 conventions de partenariat signées (Figure 1). En effet,
on constate que seulement entre 2016 et 2018, il y avait une signature de 117 conventions et
cette période coïncide avec la mise en place de la régionalisation avancée.
10 24
117 51
82
15
Adhésion à divers réseaux d’Organisations Internationales Non Gouvernementales des pouvoirs locaux (OING).
Plus concrètement, la DGCT avance que sur les 1590 collectivités territoriales qui composent
l’architecture décentralisée au Maroc (12 régions, 75 provinces et préfectures, 1503 communes
urbaines et rurales) seulement 89 collectivités territoriales marocaines (environ 6%) sont
arrivées à conclure des conventions avec leurs homologues étrangères. Ce chiffre très faible
interpelle une analyse plus approfondie afin de comprendre le pourquoi de la non-exploitation
de cette compétence, jusqu’à présent, par les autres collectivités territoriales (1501 collectivités
non impliquées). Et cela, étant donné que notre pays a capitalisé une grande expérience en
matière du processus de la décentralisation-déconcentration et une ample maturité dans ses
relations à l’échelle internationale. S’agit-il d’un manque de compétences des acteurs ou d’une
carence en savoir-faire en matière de coopération décentralisée ? Ou autres facteurs
déterminants ?
Actes de Conventions
Régions Total %
jumelage de partenariat
Asie 43 33 76 17%
Amérique 9 13 22 5%
Océanie - - - 0%
Objet de la convention %
Développement économique 16%
Développement social 13%
Culture et échanges culturels 12%
Protection de l’environnement 11%
Aménagement du territoire 8%
Éducation 7%
Renforcement des capacités 6%
Jeunesse et sport 5%
Tourisme 5%
Coopération institutionnelle 5%
Formation professionnelle 4%
Équipement de base 2%
Insertion à l’emploi 2%
Santé 2%
Promotion genre 1%
Total 100%
Source : Données de la DGCT au 31.12.2018
En termes de moyens financiers alloués pour la réalisation des 284 conventions de partenariat,
un budget global estimé à 137 millions de DH a été débloqué par les différents partenaires avec
une contribution respective de 34 millions DH pour les collectivités marocaines et de 105
millions DH pour leurs homologues étrangers. Ainsi, selon la DGCT-Maroc, plus de 49% du
budget global (soit 67 millions DH) ont été déjà dépensés pour couvrir le financement des
projets ayant été concrétisés jusqu’à présent.
De ce fait, les réalisations effectuées et les moyens humains et financiers déployés par les
collectivités territoriales marocaines engagées dans ces actions à l’international témoignent de
l’importance de cette stratégie de coopération décentralisée pour le développement de leurs
collectivités. Cette pratique gagne progressivement l’intérêt des autres structures décentralisées
marocaines qui ne sont pas encore engagées dans cette action surtout en les invitant à s’inspirer
du capital expérientiel de celles qui se sont déjà investies dans ce domaine. Dans ce cadre, et
afin de réaliser une grande plus-value de cette pratique, les structures décentralisées marocaines
doivent orienter davantage leurs actions à l’international vers les projets de coopération à
caractère économique ayant un lien étroit avec les besoins réels de la population locale.
35 30
30
Actes de jumelage
25
20 17
15 11
10 7
Europe 4 5
5 1 2 2 1 1 1
0
14 12
12
Actes de jumelage
10 9
8 6
6
4 3
2 2 2
Afrique 2 1 1 1 1
0
La coopération décentralisée sous forme d’accords de partenariat signés avec les collectivités
territoriales d’Europe révèle que sur les 16 pays impliqués, on retrouve également trois pays
dominants la France (91), l’Espagne (28) et la Belgique (15) qui ont signé à eux seuls 134
accords sur un total de 173 accords avec leurs homologues du Maroc (Figure 3). Toutefois, ce
nombre reste faible soit en termes de conventions signées ou en termes de nombre de pays
partenaires impliqués (16 pays sur 45 pays composant le continent européen). Les collectivités
françaises sont les collectivités ayant signé le plus de conventions avec leurs homologues
marocaines. Ce quasi-monopole atteste des liens privilégiés entretenus avec les collectivités
marocaines en plus de l’expertise des collectivités françaises dans ce domaine (4762
L’exemple des thématiques arrêtées conjointement par les autorités marocaines et françaises
pour l’appel à projets Franco-Marocain triennal 2022-2024 constitue une référence des axes
prioritaires que le Maroc adopte dans ce domaine. Il s’agit de neuf axes qui concernent :
Gouvernance territoriale et régionalisation ; Services publics locaux – renforcement des
capacités et ressources humaines, formation ; Transformation numérique et digitalisation des
services publics aux citoyens ; Développement durable : sécurité alimentaire et agriculture
durable, diffusion des pratiques de lutte contre les dérèglements climatiques et contre les
différentes formes de pollution, localisation des ODD ; Valorisation des espaces publics, du
patrimoine historique et des produits du terroir ; Planification et aménagement du territoire ;
Tourisme durable ; Développement économique local ; Jeunesse et insertion professionnelle.
Pour la relation Maroc-Afrique relative aux conventions signées, les collectivités territoriales
marocaines ont des partenaires privilégiés. Il s’agit du Sénégal avec 15 conventions, du Burkina
Faso avec 9 conventions et de la Côte d’Ivoire et le Cameroun avec 7 conventions, soit au total
environ 58% de l’ensemble des conventions signées (66). Il ressort une grande faiblesse
d’accords conclus avec les pays arabe de proximité « Le Grand Maghreb Arabe » sauf la
Tunisie et la Mauritanie (4 accords). Ainsi, une diversité de partenariat s’impose de part et
d’autre avec une orientation plus vers les accords de développement productif avec une portée
davantage économique.
16
Atlas français de la coopération décentralisée donne en détail les projets, les partenaires, le type de partenariat
et les thématiques. https://pastel.diplomatie.gouv.fr/cncdext/dyn/public/atlas/rechercheAtlasMonde.html
17
Données récentes du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Nombre de conventions
80
60
40 28
15
20 5 5 5 9 6
Europe 1 2 1 1 1 1 1 1
0
16 15
14
Conventions
12
10 9
8 7 7
6 5
4 4 4
Afrique 4 2 2
2 1 1 1 1 1 1 1
0
CONCLUSION
La coopération décentralisée se présente, en plus de son volet financier, comme une vraie
compétence qui apporte une contribution positive à la collectivité territoriale marocaine. Le
partage du savoir-faire, l’aide au développement, l’assistance technique et financière, le
renforcement de la démocratie et de la gouvernance locale sont autant d’outputs qui permettent
à la structure décentralisée marocaine sous toutes ses formes (région, commune, préfecture ou
province) d’en bénéficier. Le rôle et l’engagement de l’acteur public local constituent la clé de
voûte pour le développement de ce processus dont les actions doivent s’inscrire dans la
durabilité. En parallèle, la mobilisation de tous les acteurs locaux (entreprises, société civile,
ONG…) est bien sollicitée pour créer une dynamique territoriale globale.
Dans ce cadre, la coopération décentralisée doit s’inscrire dans une logique de création d’une
synergie entre tous les aspects de cette coopération internationale qui va de l’aide
L’expérience marocaine a montré que le Maroc s’ouvre de plus en plus à des accords de
coopération et d’échanges avec d’autres partenaires étrangers du monde entier en plus de ces
relations privilégiées qui le lient avec la Communauté Européenne comme en témoigne le
nombre de conventions signées avec les pays de ce continent. En parallèle, on assiste, au cours
de ces dernières années, à une évolution d’accords de coopération Nord-Sud ou Sud-Sud avec
d’autres partenaires d’Europe et d’Afrique. À juste exemple, nous soulignons, dans ce contexte,
que la Capitale Rabat abrite le secrétariat général des Cités et Gouvernements Locaux Unis
d’Afrique (CGLUA). Par ailleurs, une grande opportunité s’ouvre pour développer la
coopération décentralisée au Maroc à travers l’intensification des adhésions des collectivités
territoriales marocaines aux OING qui constituent un espace pour promouvoir des accords de
coopération décentralisée avec des collectivités étrangères.
BIBLIOGRAPHIE
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