Questionsdecommunication 9438
Questionsdecommunication 9438
Questionsdecommunication 9438
26 | 2014
La pornographie et ses discours
Agnès Felten
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/9438
DOI : 10.4000/questionsdecommunication.9438
ISSN : 2259-8901
Éditeur
Presses universitaires de Lorraine
Édition imprimée
Date de publication : 31 décembre 2014
Pagination : 389-393
ISBN : 978-2-8143-0233-4
ISSN : 1633-5961
Référence électronique
Agnès Felten, « Pascale DELORMAS, Dominique MAINGUENEAU et Inger OSTENSTAD, dirs, Se dire écrivain.
Pratiques discursives de la mise en scène de soi », Questions de communication [En ligne], 26 | 2014,
mis en ligne le 31 décembre 2014, consulté le 23 novembre 2023. URL : http://
journals.openedition.org/questionsdecommunication/9438 ; DOI : https://doi.org/10.4000/
questionsdecommunication.9438
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Pascale Delormas, Dominique Maingueneau et Inger Ostenstad, dirs, Se dire écr... 1
Agnès Felten
RÉFÉRENCE
Pascale DELORMAS, Dominique MAINGUENEAU et Inger OSTENSTAD, dirs, Se dire écrivain.
Pratiques discursives de la mise en scène de soi, Limoges, Lambert-Lucas, 2013,
coll. Linguistique, 140 pages
1 L’analyse du discours dans les études littéraires (2004, Toulouse, Presses universitaires du
Mirail) est un ouvrage collectif qui interroge la présence du discursif. Il est constitué
d’articles provenant d’un séminaire qui a eu lieu en mars 1995 et dont l’analyse est
parue dans la revue Langages dans sa 117 e livraison. Dominique Maingueneau et Ruth
Amossy y établissent une approche mettant en exergue l’importance de s’intéresser au
discours pour comprendre une œuvre. Se dire écrivain. Pratiques discursives de la mise en
scène de soi est un recueil issu d’un second séminaire sur le même sujet qui a eu lieu à
Paris à la Fondation Maison des sciences de l’homme du 11 au 13 décembre 2008. Leurs
interrogations sur des problématiques relevant des sciences humaines et sociales ( SHS)
concernent autant la littérature que les sciences du langage. L’ouvrage met en évidence
l’importance de l’analyse discursive dans les études littéraires. Il rassemble différentes
contributions centrées sur la question de la mise en scène de l’auteur afin de vérifier
certaines notions d’analyse du discours portant sur des œuvres littéraires reconnues
dans la francophonie, en Angleterre, en Norvège et en Allemagne.
et jugés célèbres à travers leurs propres publications. Par conséquent, les écrits de
jeunesse ne correspondent pas vraiment à un scénario auctorial. L’auteur en devenir ne
peut pas encore donner une image de lui alors qu’il peine à trouver son écriture et ce
qu’il envisage de concevoir en tant qu’écrivain. Quoi qu’il en soit, l’écrivain a toujours
des leçons à tirer de l’image que donne de lui le critique. Ce dernier a donc un rôle
important dans la construction de son image. Quant aux personnages, ils peuvent aussi
remplir une fonction de miroir, et ils parviennent souvent à renvoyer une image de
l’auteur. Pour José-Luis Diaz, la question qui semble la plus importante est celle de
l’inscription de l’image d’auteur dans le texte. Il est indéniable que, quand il s’impose
dans le texte, l’auteur met en place différentes prises de paroles et des dispositifs
génériques identifiables, parce que souvent récurrents. Le scénario auctorial construit
son image d’écrivain, mais il conditionne sa vie également. L’image qu’il se fait de lui-
même et qu’il donne à voir oriente son mode de vie. De plus, s’il donne une certaine
image de lui-même, il présente aussi un regard sur son œuvre et ce qu’il dit de ses
ouvrages révèle tout autant son image que les autres constructions imaginaires ou
réelles apportées par lui-même ou les autres. En définitive, certains poètes sacrifient
aux conventions et le romantisme mélancolique fait état de nombreux clichés
facilement identifiables. En somme, il est intéressant d’établir qu’il existe bien une
corrélation entre les scénographies auctoriales et le discours choisi par les auteurs.
6 Quant à Pascale Delormas (pp. 51-67), elle se rapproche de Dominique Maingueneau par
deux aspects, celui de la paratopie et celui de l’analyse du discours. Elle s’intéresse aussi
à la notion d’ethos, définie par la rhétorique comme l’ensemble des traits de caractère
habituels d’un groupe, ou le style d’un orateur. L’ethos est une notion proche de celle de
l’image d’auteur. La paratopie est un champ d’étude qui comporte plusieurs domaines,
ceux de l’identité, du spatial, du temps et de la langue. Ici, la paratopie langagière est
une préoccupation majeure de son travail. Elle y étudie le discours autobiographique de
Jean-Jacques Rousseau et l’œuvre de Patrick Modiano et propose trois types de
paratopies langagière : les paratopies locutoire, périlangagière et pragmatique. Ces
dispositifs sont récurrents. En outre, elle différencie l’ethos montré et l’ethos dit. Ce qui,
pour certains auteurs, n’empêche pas d’afficher un idéal de transparence. Le langage
sert à tout dire tout en mettant à distance l’image de l’auteur. C’est pourquoi certains
malentendus peuvent exister entre auteur et lecteur. Ils sont parfois de l’ordre de la
fascination, voire de l’emprise exercée du côté de l’auteur. Le principe de la double
énonciation identifiable au théâtre est aussi présent dans des récits fictionnels.
L’auteur s’adresse parfois à lui-même et il écrit avant tout pour une autre personne,
différente de lui, mais qu’il souhaiterait parfois à son image afin d’être apte à la
comprendre. Selon Pascale Delormas, en articulant les notions de paratopie et d’ethos
discursif avec des catégories communicationnelles traditionnelles, il est possible de
faire émerger des constantes dans la notion d’image d’auteur. Différents ethè offrent
plusieurs images de l’auteur, qu’il s’agisse du sage, de l’écrivain ou de l’auteur.
Certaines stratégies auctoriales sont établies grâce à l’artifice. Une triple stratégie
remet en cause le principe de communication habituelle de l’auteur pour signifier son
image. Du point de vue de l’ethos affectif, l’auteur est limité par la langue elle-même ;
les insuffisances de sa personne ou l’absence d’interprétation suffisante de la part du
lecteur peuvent être supplées par la vision très positive de l’image d’auteur. L’auteur
peut avoir accès au Panthéon à travers des stratégies personnelles qu’il aurait mis en
place.
7 Ensuite, Isabelle Chanteloube (pp. 69-81) – de l’université de Lyon – se fonde elle aussi
sur des écrits de Jean-Jacques Rousseau pour montrer comment il se met en scène. Sa
position est originale car il renvoie aux lecteurs une image qui n’est pas vraiment en
conformité avec la figure de l’Auteur. Il est assez difficile à percevoir car il donne
souvent une image de lui-même très différente d’un écrit à un autre. Sur beaucoup de
points, il se présente comme un auteur marginal. Il fait partie d’une communauté
littéraire et de la communauté philosophique mais, en ce qui concerne bien des aspects,
il se retire et s’exclut même de tout cercle duquel il aurait pu faire partie. C’est
pourquoi il se montre très sévère à l’encontre des philosophes qui lui sont
contemporains. Il a donc tendance à donner de lui-même une image correspondant à
l’exact opposé de celle que donnent les autres auteurs. Ses œuvres portent la marque
de son interrogation sur lui-même et sur la vision qu’il veut donner de lui. De
nombreuses marques dans son discours assurent d’une importance accordée à la forme
du dialogue. Il préfère en référer à un discours subjectif plutôt qu’à une forme
d’objectivité moins performante selon lui. Il cherche à établir une relation avec le
lecteur, un dialogue constant avec celui qui le lit. Même dans son traité sur l’éducation
(Émile ou de l’éducation, 1762), il interpelle le lecteur. Cette ouverture d’esprit vers autrui
est visible dans le système énonciatif choisi où, en général, la première personne
abonde. Il a fréquemment recours à des termes axiologiques. Son discours donne donc
de nombreuses informations sur son image d’auteur. D’ailleurs, c’est dans une
perspective de constante modification de son image qu’il procède, dans son œuvre, à
des dédoublements d’image d’auteur de manière assez systématique. Sa production
porte les marques d’interrogations légitimes sur le statut de l’auteur. Il réfléchit
également sur les obligations qu’a un auteur envers son lectorat. C’est pourquoi, Les
Rêveries du promeneur solitaire (1782) marquent l’aboutissement de cette réflexion et
présentent l’intérêt de n’être plus que des pensées personnelles, qui ne seraient pas
forcément destinées à être lues. Par conséquent, il se dégage des obligations de
composition, de justifications et de recours à des explications qu’il pensait devoir aux
autres. S’il n y a pas de lecteur, l’image de l’auteur n’existe plus non plus. Ainsi l’œuvre
de Jean-Jacques Rousseau est-elle axée sur la question de l’auteur. Il adopte deux types
d’attitude. Soit il refuse de n’être qu’un simple auteur, car il se sent beaucoup plus que
cela, soit il se défend car il se sent attaqué sur son image d’auteur. Il se sert de ses
œuvres pour se mettre en scène, mais, chez lui, l’image de l’homme, sincère et
authentique, prime sur une construction artificielle de la figure auctoriale.
8 Pour sa part, Ranghild Evang Reinton (pp. 83-98) – de l’université d’Oslo – éclaire son
propos à partir de l’œuvre de Walter Benjamin. Il fonde ses observations sur le travail
de Dominique Maingueneau, précisément l’ouvrage intitulé Le discours littéraire.
Paratopie et scène d’énonciation (2009). Les concepts proposés par le linguiste concernent
la scène énonciative. En effet, celle-ci est le principe fondateur de l’œuvre. Il étudie les
raisons qui font que, actuellement, on lit encore Walter Benjamin. Au moment de son
vivant, son importance littéraire tient au soutien d’auteurs renommés tels Gershom
Scholem et Theodor Adorno. Mais Walter Benjamin a surtout rencontré un succès
posthume. Toutefois, une part importante de l’image qu’il a donnée de lui l’a été à
travers un récit de type autobiographique, intitulé Enfance berlinoise (1950, trad. de
l’allemand par J. Lacoste, Prais, M. Nadeau, 1978). Il s’agit d’un texte qui est en totale
opposition avec ce qu’il a pu écrire auparavant. Ainsi l’œuvre critique, dans laquelle il
marque une distance par rapport à son image, s’oppose-t-elle complètement à cette
œuvre autobiographique très intime. La scène générique de l’autobiographie n’est pas
9 Dans sa contribution, « L’auteur de physiologie dans tous ses états, sur la scénographie
déceptive » (pp. 99-112), Valérie Stiénon – université de Liège – commence par définir
la notion d’écrivain physiologiste. Ce type d’écrivains est fortement ancré dans une
époque précise du XIXe siècle. Valérie Stiénon cible même une période s’inscrivant de
1839 à 1842. Il s’agit tout de même d’écrivains faisant partie d’une minorité et surtout
de personnes n’ayant pas réellement réussi à percer dans la littérature. C’est pourquoi
ils se sont attachés à publier des œuvres lucratives. Les caractéristiques des
physiologies sont celles d’œuvres mineures, écrites sur commande et destinées à
rapporter à leurs auteurs de l’argent plus que de la notoriété. Elles sont fondées sur
l’humour, le burlesque, l’autodérision et les moqueries diverses. Certains auteurs de
physiologies n’hésitent pas à se mettre en scène sous un jour dévalorisant. Ils se
moquent de leur image d’auteur et se montrent à travers des fantaisies exagérées. Les
physiologies relèvent de plusieurs genres. Elles concernent autant l’essai que le roman.
La scène d’énonciation est diverse, mais doit répondre à des exigences éditoriales qui
peuvent être perçues comme des contraintes. Mais l’importance des discours liés aux
physiologies restent de moindre valeur. Elles ne relèvent pas d’un « discours
d’importance » selon l’expression de Pierre Bourdieu (1982, Ce que parler veut dire,
l’économie des échanges politiques, Paris, Fayard), mais elles appartiennent à une
pragmatique de déprise et à un oubli assez important des responsabilités esthétiques et
idéologiques. L’autorité énonciative est fortement parasitée et sapée par leurs auteurs
eux-mêmes, par les lecteurs et par les auteurs plus reconnus. Les physiologies
contiennent un rapport subversif à l’autorité scientifique et leurs auteurs n’hésitent
pas à revendiquer l’illogisme de leur démarche. En somme, les physiologies se relèvent
être des écrits efficaces car le lectorat est ciblé et le genre considéré comme mineur
n’oblige pas leurs auteurs à recourir à des artifices trop spécieux.
10 Inger Ostenstad (pp. 113-125) – université d’Oslo –fonde son article sur trois exemples.
Elle commence par étudier le cas de George Sand. Cette dernière a choisi de brouiller
son image dans de nombreuses préfaces en se montrant sous un autre sexe. Elle a signé
sous un pseudonyme masculin. Cette liberté d’écriture, elle l’a retrouvée dans sa vie
elle-même en se travestissant en homme afin de pouvoir rejeter le poids de la société.
L’autre figure qui intéresse ici Inger Ostenstad est celle d’Orlando, le personnage clé de
Virginia Woolf (1928, Orlando : A Biography, Londres, Hogarth Press). Le troisième
exemple permet à Inger Ostenstad de montrer comment la femme perd de sa féminité
et devient un exemple de déféminisation. Ces trois attitudes montrent trois stratégies
de la construction de l’image d’auteur. George Sand peut appartenir à une sorte
d’humanisme qui la hisse au rang de surfemme. Quant à Virginia Woolf, elle propose
une figure androgyne ludique à travers le personnage d’Orlando qui évolue d’un genre
sexué vers un autre. Enfin, Hanne Orstavik se présente comme une femme déféminisée.
La problématique du genre de l’énonciateur littéraire gagne à être explorée à travers la
notion d’ethos. Les remarques théoriques effectuées sur l’analyse du discours
permettent de mieux comprendre les dynamiques qui donnent forme à la scénographie
auctoriale.
11 Raphaël Luy (pp. 127-141) – université de Lausanne – pose sa problématique en cernant
l’évolution de l’ethos au fil des ouvrages d’un écrivain handicapé et de la manière dont
cette évolution peut transformer ou du moins redéfinir la représentation que le lecteur
peut avoir du handicap. L’évolution de la posture d’auteur est perceptible tout au long
de l’œuvre de Philippe Vigand. Raphaël Luy montre que sa posture évolue selon deux
AUTEURS
AGNÈS FELTEN
L’AMo, université de Nantes, F-44000
[email protected]