Droit de La Concurrence Et de La Consommation 2023
Droit de La Concurrence Et de La Consommation 2023
Droit de La Concurrence Et de La Consommation 2023
MASTER I DPR/DAFE
Par
Grégoire JIOGUE
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur Titulaire
Assisté de :
1
Le droit de la concurrence et le droit de la consommation ont des objets distincts, même
si certaines de leurs finalités sont identiques, en l’occurrence la protection des
consommateurs.
Le droit de la concurrence a pour objet la réglementation des rapports entre les opérateurs
économiques, alors que le droit de la consommation a pour objet la réglementation des
rapports entre les professionnels et les consommateurs.
En raison de la différence d’objet des deux matières, celles-ci méritent d’être étudiées
séparément.
Notre cours comportera donc les deux parties suivantes :
- Le Droit de la concurrence (Première partie)
- Le Droit de la consommation (Deuxième partie)
2
PREMIERE PARTIE : LE DROIT DE LA CONCURRENCE
1
M. ROTONDI, Avviamento et concurrence déloyale, R.T.D. Com. 1956, pp.13 et s.
2
Le TROSSE, L'ordre social, cité par Roger LE MOAL, Contribution à l'étude d'un droit de concurrence, thèse, Rennes, 1972,
p. 20.
3
R. PRIEUR, Contribution à l'étude de la concurrence sur le marché, R.T.D. Com. 1960, p.521.
3
La troisième affirmation postule que l'action des individus constitue le seul et
unique moyen permettant d'assurer l'équilibre des forces sur le marché. Ainsi, toute
intervention directe ou indirecte de l'Etat sur le marché constituerait une entrave au
fonctionnement de la concurrence. La liberté de la concurrence est donc incompatible
avec la planification, c’est-à-dire l’« organisation fondée sur l’administration par
l’Etat de l’ensemble de la vie économique, production, répartition des produits et
des services, fixation des prix, attribution des crédits, etc. »4.
Mais, le principe de la liberté de la concurrence ainsi défini n’a plus droit de cité
aujourd'hui. Dans tous les systèmes d'économie libérale, la liberté de la concurrence a
subi de nombreuses atteintes, et celles-ci se sont multipliées au fil des temps, au point
qu'on peut à juste titre se demander ce qui reste du principe de la liberté de la
concurrence5!
Les limitations apportées à la liberté de la concurrence trouvent leurs
justifications dans les multiples abus qu'engendrerait l'exercice incontrôlé de cette liberté
économique. Ces limitations ont donné naissance à une discipline juridique qu'il est
convenu d'appeler droit de la concurrence. Sous ce vocable, on désigne l'ensemble des
règles qui assurent l'organisation de ce phénomène fondamental de l'économie capitaliste
qu'est la concurrence.
Les règles du droit de la concurrence ne forment pas une catégorie homogène.
Elles connaissent trois subdivisions : le droit de la concurrence déloyale ; le droit de la
concurrence anti-contractuelle et le droit des pratiques anticoncurrentielles. Cette
distinction s'est faite sur la base des types d'abus qui peuvent résulter de la compétition
économique. Il convient de mettre en exergue d’une part la différence entre le droit de la
concurrence déloyale et le droit de la concurrence anticontractuelle (I) et, d’autre part, la
différence entre le droit de la concurrence déloyale et le droit des pratiques
anticoncurrentielles (II).
4
A. DECOCQ et G. DECOCQ, Droit de la concurrence interne et communautaire, L.G.DJ., Paris, 2 e éd., 2004, p.
13.
5
V. dans le même sens, Yves GUYON, “Que reste-t-il du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ?” in Dix ans de
droit de l'entreprise, pp. 4 et s.
4
I - La différence entre le droit de la concurrence déloyale et le droit de la
concurrence anti-contractuelle
comme un concurrent déloyal (M. GHIRON, Corso di diritto industriale, 2e éd. cité par
P. ROUBIER, La théorie générale de l'action en concurrence déloyale, R.T.D.Com. 1948,
p. 549). D'autres auteurs trouvent cette généralisation excessive. Pour eux, deux cas
doivent être distingués : le cas où l'obligation de non-concurrence est attachée à la
réglementation légale du contrat et le cas où cette obligation résulte d'une clause expresse
du contrat. Il n'y aurait concurrence déloyale que dans le premier cas (POUILLET, Traité
5
concurrence déloyale aurait donc deux formes : la concurrence déloyale fondée sur la
responsabilité civile et la concurrence déloyale anticontractuelle.
La doctrine moderne a vivement critiqué la thèse classique (P. ROUBIER,
ouvrage précité, p. 487 ; Yves SERRA, L' obligation de non-concurrence, Sirey, 1970,
n°Erreur ! Source du renvoi introuvable. 12, pp. 7 et 8 ; D. ALLIX, Juriscl.
concurrence-consommation, fasc.110). Après avoir soutenu cette thèse dans son article
publié en 1948 (La théorie générale de la concurrence déloyale, R.T.D.Com. 1948, pp. 549 et
s), le Doyen ROUBIER l'abandonnait quelques années plus tard dans son ouvrage
consacré au droit de la propriété industrielle. Il y distingue nettement la concurrence
anticontractuelle - résultant d'une convention expresse ou de la réglementation légale du
contrat - de la concurrence déloyale (Ibid, pp. 482 et ss). Dans le premier cas, la
concurrence est "interdite ou non autorisée". Dans le second cas, la concurrence est
permise mais « on est en présence d'un certain nombre de procédés considérés comme
critiquables dans la lutte économique et dans la recherche de la clientèle » (Ibid., p. 483.
La concurrence interdite pouvant l'être non seulement par le contrat (concurrence
anticontractuelle), mais aussi par la loi (concurrence illégale). Autrement dit, selon
l'excellente formule employée par le Doyen ROUBIER, dans l'hypothèse de la
concurrence anticontractuelle, « celui qui fait acte de concurrence agit sans droit ; dans la
concurrence déloyale, il fait seulement un usage excessif de sa liberté » (Ibid, p. 483). La
notion de concurrence déloyale anticontractuelle procède donc d'une double confusion :
confusion d'abord quant à la source de l'obligation de non-concurrence qui demeure
contractuelle bien qu'elle soit attachée à la réglementation générale du contrat : la loi ne
fait que réglementer une situation qui prend naissance par l'effet de la volonté des parties.
Confusion aussi quant au contenu de l'obligation de non-concurrence : c'est l'activité
concurrentielle elle-même qui est soumise à des restrictions et celui qui fait acte de
concurrence agit sans droit quelle que soit la loyauté des moyens utilisés. Yves Serra en
tire la conclusion selon laquelle « ce n'est pas une simple différence de source
contractuelle ou délictuelle qui sépare ces deux formes de concurrence, mais bien une
différence de nature » (Y. SERRA, op. cit. n° Erreur ! Source du renvoi
introuvable.12, p. 8).
La doctrine camerounaise a suivi la thèse défendue en France par les auteurs
modernes (V. U. OLANGUENA AWONO, La liberté du commerce et de l'industrie au
6
Cameroun, Thèse 3e Cycle, U.Y. 1982, p. 241). La jurisprudence est malheureusement
dans le sens contraire. Sa position est à la limite ambiguë, car elle ne s'appuie sur aucun
critère. Dans certains cas, elle qualifie bien d'obligation de non-concurrence l'interdiction
contractuelle de concurrence (V. T. G. I. DOUALA (SOC) : jugement nErreur ! Source
du renvoi introuvable. 564 du 28 mai 1990 ; jugement nErreur ! Source du renvoi
introuvable. 160 du 28 janv. 1985 ; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable.
177 du 28 janv. 1985 ; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable. 429 du 27 mai
1985. Inédits). Dans d'autres cas par contre, elle qualifie de concurrence déloyale l'action
née du contrat (T. G. I. DOUALA (SOC) : jugement nErreur ! Source du renvoi
introuvable. 032 du 13 Nov. 1989 ; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable.
121 du 11 mars 1991 ; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable. 183 du 27
Mars 1991; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable. 029 du 13 Nov. 1989 ;
jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable. 155 du 29 janv. 1990 ; jugement
nErreur ! Source du renvoi introuvable. 149 du 27 févr. 1989 ; jugement nErreur !
Source du renvoi introuvable. 158 du 28 janv. 1985 ; jugement nErreur ! Source du
renvoi introuvable. 275 du 11 mars 1985 ; jugement nErreur ! Source du renvoi
introuvable. 568 du 29 juillet 1985. Inédits). Le jugement n°Erreur ! Source du renvoi
introuvable. 32 du 13 novembre 1989 illustre parfaitement cette seconde tendance
jurisprudentielle. L'attendu principal de la décision mérite d'être relevé : « Attendu que la
concurrence déloyale consiste en la violation de l'obligation de fidélité et de l'exécution
loyale du contrat de travail par le salarié, que cette obligation signifie que le salarié qui a
réservé à l'employeur le monopole de son activité ne saurait faire concurrence à son
employeur en détournant des clients ou sa clientèle ». Cette jurisprudence qui confond
encore obligation de non-concurrence et concurrence déloyale est tout simplement
regrettable.
Malgré la profonde différence de nature entre la concurrence déloyale et la
concurrence anticontractuelle, elles demeurent assez proches ou du moins
complémentaires. La concurrence déloyale peut venir au secours de la concurrence
anticontractuelle lorsque celle-ci est inefficace ou insuffisante. Ainsi, en matière de vente
de fonds de commerce, le vendeur qui se réinstalle au-delà du périmètre qui lui est
interdit par l’obligation de non-concurrence ne recouvre pas une entière liberté
d'exploitation. Il doit s'abstenir de tous actes de nature à détourner par des moyens
7
déloyaux la clientèle du fonds cédé. S'il méconnaît cette règle, une action en concurrence
déloyale pourrait être dirigée contre lui (V. Cass. com. 10 juin 1969, Bull. civ. IV,
nErreur ! Source du renvoi introuvable. 224. Il a également été décidé que la nullité
d'une clause de non-concurrence n'empêche pas de rechercher s'il n'y a pas des faits de
concurrence déloyale à reprocher à l'intéressé (Trib. Com. Seine, 2 mai 1956, D. 1957.
Somm. 6; Gaz. Pal. 1956.2.266). Enfin, il arrive que la concurrence interdite par contrat
se complique de concurrence déloyale (V. Paris, 24 déc. 1954, R.T.D. com. 1955, 576, n°
Erreur ! Source du renvoi introuvable.19, Obs. ROUBIER et CHAVANNE). Certains
auteurs sont allés plus loin et ont soutenu que l'existence d'un contrat facilite
l'établissement des faits de concurrence déloyale (A. PIROVANO, La concurrence
déloyale en droit français, Rév.intern. dr. comp. 1974, p. 475 ; D. ALLIX, art. préc.
n°Erreur ! Source du renvoi introuvable. 3). Des actes de concurrence normaux qui ne
seraient pas répréhensibles en eux-mêmes le deviennent au regard de la situation de fait
particulière engendrée par le contrat et la bonne foi qui doit présider à son exécution.
Cette situation est manifeste dans le cas d'un ancien salarié qui exerce une activité
concurrente à celle de son ancien employeur. Son ancienne appartenance à l'entreprise, sa
connaissance de l'organisation technique et commerciale de celle-ci, les rapports noués
avec la clientèle sont autant de facteurs pouvant l'inciter à concurrencer déloyalement son
ancien patron. L'ancien salarié qui s'est établi dans un commerce similaire doit donc se
montrer particulièrement diligent et prudent pour ne pas créer de confusion avec son
ancienne entreprise. Cette prudence est d'autant plus justifiée que, selon la doctrine, le
salarié ne jouit pas en définitive de la même liberté de concurrence qu'un autre concurrent
envers son ancien employeur : « Sa qualité d'ancien salarié le suit » en quelque sorte (V.
Y. SERRA, op. cit. Dans le même sens, A. BRUN constatait « qu'il est tenu compte de la
collaboration passée du salarié pour apprécier s'il s'est rendu coupable de concurrence
déloyale. L'ombre de l'ancien contrat, ou plus exactement de l'ancienne appartenance du
salarié à l'entreprise s'attache à ses pas ». In L'évolution du régime de la concurrence
irrégulière dans les rapports du travail, Mélanges P. ROUBIER, p. 372). Elle influencera
plus ou moins l'appréciation des agissements déloyaux.
Le droit de la concurrence déloyale et le droit de la concurrence
anticontractuelle, se rapprochent également au niveau de leur finalité : ils assurent la
protection de la clientèle des titulaires des valeurs concurrentielles auxquelles celle-ci se
8
rattache. En effet, le concurrent qui subit une diminution de clientèle consécutive à
l'usage d'un moyen de concurrence déloyale, ou à la violation d'une obligation de non-
concurrence, peut saisir le juge soit par une action en concurrence déloyale, soit par une
action en violation de l'obligation de non-concurrence suivant le cas, pour obtenir non
seulement la réparation du préjudice subi, mais également et surtout, la cessation des
procédés incorrects ou de l'activité préjudiciable. Le but visé à travers l'action en
concurrence déloyale et l'action en violation de l'obligation de non-concurrence est donc
d'assurer la stabilité de la clientèle au profit de son titulaire actuel.
9
UEAC-639-CM-33 relatif à la concurrence). Les pratiques étatiques susceptibles de
fausser la concurrence sur le marché sont essentiellement les aides incompatibles avec le
marché commun accordées aux entreprises par les Etats membres de la CEMAC (Voir les
articles 78 et suivants du règlement CEMAC n° 06/19-UEAC-639-CM-33 relatif à la
concurrence qui a remplacé le Règlement n°4/99/UEAC-CM-639 portant réglementation
des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres).
Contrairement aux comportements anticoncurrentiels dont le principe est leur
interdiction, les concentrations économiques ne sont pas interdites, mais soumises au
contrôle par le droit interne et le droit communautaire de la concurrence. Seules les
concentrations dont le contrôle révèle qu’elles sont susceptibles de fausser le libre jeu de
la concurrence sur le marché sont en principe interdites.
Différents par leur objet, le droit de la concurrence déloyale et le droit des
pratiques anticoncurrentielles le sont également par leur finalité. Le premier a, comme
relevé plus haut, pour finalité la protection de la clientèle du concurrent victime de l’acte
de concurrence déloyale, alors que le but visé à travers la prohibition des pratiques
anticoncurrentielles est d'assurer l'équilibre du marché. Un marché est dit en équilibre
lorsque les prix des produits et des services y sont fixés par la loi de l'offre et de la
demande. Ce qui suppose que les agents économiques soient libres d'entrer ou de sortir
de ce marché, soient dans l'incertitude quant aux décisions que prendront leurs
concurrents réels ou potentiels, et prennent leurs décisions de façon indépendante les
uns des autres. La différence de finalité entre le droit de la concurrence déloyale et le
droit des pratiques anticoncurrentielles fait l’unanimité en doctrine. Cette différence est
ainsi résumée par un auteur : « Le droit de la concurrence, entendu comme le droit des
restrictions de concurrence, ne se confond ni avec le droit de la concurrence déloyale
destiné à assurer la protection de la clientèle, ni avec les principes de juste prix énoncés
par les scolastiques du Moyen Age, qui [...] tendent simplement à établir un équilibre
contractuel. Animé par des préoccupations de politique générale, l'objet du droit de la
concurrence ne consiste pas à prévenir ou à réprimer les comportements déloyaux à
l'égard de certains concurrents ou de certains contractants, il est de rechercher l'équilibre
global du marché » (P. PIGASSOU, Les restrictions de concurrence, D. 1982, chr.,
nErreur ! Source du renvoi introuvable. 1 ; V. également, P. DURAND, L'évolution
10
contemporaine du droit de la concurrence, Mélanges P. ROUBIER, t. 2, pp. 439 s. ; R.
SAVATIER, L'ordre public économique, D. 1965, Chr. p. 37).
11
- les règles de concurrence applicables aux entreprises (Titre II) ;
- les règles de concurrence applicables aux Etats membres de la CEMAC
(Titre III).
12
TITRE I: LES NOTIONS FONDAMENTALES DU DROIT DE LA
CONCURRENCE
Le droit des pratiques anticoncurrentielles a pour objet, on l’a dit, de maintenir le
libre jeu de la concurrence sur le marché. Par définition, la concurrence se joue entre des
entreprises sur un marché déterminé, appelé le marché en cause. Pour que ce jeu reste
libre, autrement dit pour que subsiste une concurrence effective, il importe de préserver
un certain équilibre entre les pouvoirs de marché respectifs de ces entreprises.
Ainsi, le droit de la concurrence prend nécessairement appui sur trois notions
fondamentales : la notion d’entreprise, celle de marché en cause et celle de pouvoir de
marché. Seules les deux dernières notions vont retenir notre attention.
13
concerne les produits de consommation courante. Mais il va de soi qu’elle ne saurait
suffire à rendre substituables deux produits qui ne se prêtent pas objectivement à la même
utilisation.
La question qui se pose est de savoir comment déterminer si les utilisateurs d’un
produit ou d’un service acceptent de lui en substituer un autre.
Assez souvent, l’autorité compétente invoque le point de vue des utilisateurs sur
la base d’une constatation empirique, d’enquêtes ou d’études de marché portant
exclusivement ou principalement sur la nature du produit ou du service en cause.
14
diététiques, et ne font donc pas partie du même compartiment de marché que le sucre
granulé.
15
capacité sont vendus et exploités dans le monde entier dans des conditions de
concurrence similaires car, proportionnellement à leur prix, les coûts de transport liés à la
livraison sont négligeables et elle note, par ailleurs, qu’il existe alors trois concurrents sur
ce marché mondial : Boeing, McDonnell Douglas et Airbus. La décision de la
Commission européenne du 3 juillet 2001 (General Electric/Honeywell) estime
semblablement que le marché des réacteurs d’avions est mondial.
Parmi les facteurs juridiques, il faut mentionner, en premier lieu, des barrières
juridiques qui interdisent ou entravent l’entrée de nouveaux opérateurs sur le territoire en
cause.
Le marché commun dont il est question est celui institué entre les Etats membres
de la CEMAC que sont le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Tchad, la
Centrafrique et le Congo Brazzaville. Il s’agit d’un grand espace sans frontière dans
lequel les échanges s’effectuent dans les mêmes conditions que dans un marché intérieur.
Toutefois, le marché commun de tous les Etats membres pourra être rarement affecté par
une seule pratique. Aussi l’article 33 du Règlement du 8 avril 2019 précise-t-il que
l’affectation d’une partie substantielle du marché commun suffit pour mettre en œuvre
la réglementation communautaire sur les abus de position dominante.
16
CHAPITRE II : LE POUVOIR DE MARCHE
§1 – La part de marché
17
Son aptitude commerciale est fonction du nombre et du caractère plus ou
moins attractif des marques qu’elle détient, de sa plus ou moins grande habilité dans le
domaine de la publicité, de l’efficacité de son service commercial, de ses agents,
représentants ou revendeurs.
Son aptitude financière doit être recherchée dans le montant de ses fonds
propres et dans celui de son endettement ainsi que dans le rapport entre celui-ci et celui-
là.
Son aptitude sociale résulte de la qualité des relations sociales en son sein qui a
comme corollaire la fréquence ou la rareté des conflits collectifs de travail.
7
Encyclopaedia Universalis,,v° Oligopole par M. Lutfalla.
18
Au regard de la concurrence, l’oligopole est donc, de prime abord, ambivalent. La
réaction du droit de la concurrence à cette situation ne peut donc être uniformément ni
hostile ni permissive. L’exploitation de leur position par les entreprises ressortissant à
l’oligopole peut, dans certains cas, constituer un abus de position dominante, dans
d’autres être inoffensive pour la concurrence ; une concentration qui a pour résultat la
création d’un oligopole ne restreint pas forcément la concurrence, mais elle le fait parfois.
19
TITRE II : LES REGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES AUX
ENTREPRISES
Pour assurer le libre jeu de la concurrence sur les marchés, les législateurs
camerounais et CEMAC ont prohibé non seulement les comportements anticoncurrentiels
(Chapitre I), mais également institué un contrôle des concentrations économiques
susceptibles de fausser la concurrence (Chapitre II).
20
- fixer les prix, tarifs, barèmes ou escomptes ou faire obstacle à la liberté de fixer
lesdits prix, tarifs, barèmes ou escomptes ;
- limiter les capacités de production, les quantités fabriquées, vendues,
entreposées, louées ou transportées ;
- fixer conjointement des conditions de soumission à un appel d’offres sans en
informer la personne ayant procédé audit appel d’offres ».
L’alinéa 2 de cet article poursuit : « Sont en outre prohibés, les accords et ententes
ayant pour effet d’éliminer ou de restreindre sensiblement la concurrence sur le marché, soit
en entravant l’accès à un marché, soit en répartissant de quelque façon que ce soit, des
acheteurs ou sources d’approvisionnement dans un marché ».
Quant à l’article 30 du règlement du 8 avril 2019, il est ainsi rédigé : « Sont
incompatibles avec le marché commun et par conséquent interdites, toutes ententes, accords,
conventions, ententes expresses ou tacites entre entreprises, toutes décisions d’association
d’entreprises et toutes actions concertées ou coalitions qui ont pour objet pour effet
d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’Union dans
la zone CEMAC et notamment qui consistent ou visent à :
a) Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres
entreprises
b) Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant
artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
c) Limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique, les
investissements ou le progrès technique ;
d) Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement (…) »
8
- En réalité cette deuxième condition se dédouble : il faut non seulement qu'il y ait restriction de concurrence mais aussi que
cette restriction soit imputable à la concertation litigieuse. En pratique il faut bien dire que l'imputabilité ne soulèvera guère de
os
difficultés (V. J.-J. BURST et R. KOVAR, Droit de la concurrence, Economica 1981, n 418 et S. ; J. B. Blaise, Ententes et
os
concentrations économiques, Sirey 1983, n 263 et S.
21
ces deux conditions positives doit être ajoutée une troisième condition négative consacrée
par d’autres articles : l’entente ne doit pas être justifiée ou exonérée (III).
22
Ainsi, il n'y a pas d'entente concevable entre plusieurs services d'une seule
entreprise, entre différentes succursales d'une société9. Mais la mise en oeuvre de ces
critères ne sera pas toujours aussi évidente. Il existe en effet des situations complexes qui
appellent un examen spécial. Il s'agit notamment de l'application de la qualification
d'entente aux accords entre les entreprises appartenant à un même groupe et aux accords
entre l'entreprise et ses représentants.
9
- Comme des sociétés à succursales, on peut citer : - La SABC (Société Anonyme des Brasseries du Cameroun) qui compte
quatre succursales : Douala, Bafoussam, Yaoundé, Garoua ; - La CAMI TOYOTA qui compte quatre succursales : Douala,
Bafoussam, Yaoundé, Garoua ; - La SOCADA qui compte deux succursales : Douala, Yaoundé. Dans tous ces cas, il ne peut y
avoir d'entente entre ces différentes succursales.
23
économique et les accords qu'elles pourraient conclure entre elles doivent être considérés
comme une répartition interne des tâches10.
Cette solution fondée sur la réalité économique semble être en harmonie avec
la loi du 14 juillet 1998 et le règlement communautaire n° 6 à plusieurs égards. D'une
part, ces textes ne considèrent-ils pas comme entreprise toute unité économique quelle
qu'en soit la forme! Cette unité économique peut être non seulement une entreprise
unique, mais également un groupe d'entreprises ayant entre elles des liens économiques.
D'autre part, si la loi 14 juillet 1998 et le règlement communautaire n° 6, comme toutes
les autres législations sur la concurrence, s'efforcent de protéger cette dernière contre les
entraves artificielles, ils ne prétendent pas imposer aux entreprises parties à une entité
économique, une concurrence contraire à la nature des choses.
Toutefois, nous estimons que l'immunité dont semblent bénéficier les entreprises
appartenant à un même groupe est loin d'être totale. Les instances de contrôle de la
concurrence devraient rechercher dans chaque cas si les entreprises filiales se trouvent
dans la dépendance exclusive de leur société-mère et ne jouissent pas d'autonomie réelle
dans leurs comportements. La dépendance de la filiale doit à notre avis ressortir non
seulement des moyens d'action détenus par la société-mère, mais aussi de l'utilisation que
celle-ci fait de ces moyens d'action. En d'autres termes, il ne suffit pas que la
société-mère détienne des moyens de contrôle à l'égard de sa filiale, il est en outre
nécessaire qu'elle exerce effectivement ce contrôle pour manifester par là l'unité du
groupe ainsi constitué.
10
- V. dans le même sens, la décision de la Commission des Communautés Européennes, 18 juin 1969, Christiani
et Nielsen : J.O.C.E. nErreur ! Source du renvoi introuvable. L. 165, 5 juillet 1969, p. 12.
24
de l’article 5 de la loi du 14 juillet 1998 et de l'article 30 du règlement communautaire n°
6. En est-il ainsi pour celle contenue dans un contrat de représentation ? La réponse est
certainement négative lorsque le représentant est un salarié. En effet, agissant sous
l'autorité, la direction et pour le compte de l'entreprise qu'il représente, le salarié ne peut
constituer à notre avis une entreprise au sens de la loi du 14 juillet 1998 et du règlement
communautaire n° 6. La qualité de chef d'entreprise d’un représentant est, en revanche,
certaine, lorsqu'il est lié à l'établissement représenté par un mandat, un contrat de
courtage ou de commission qui lui assure une situation plus indépendante.
Faut-il dès lors considérer dans ces hypothèses la convention d'exclusivité
comme une entente ? Deux cas doivent être distingués. Si le représentant, agissant ou non
en son propre nom assume les risques financiers résultant de la transaction et jouit d'une
autonomie de décision, on est incontestablement en présence d'une entreprise
complètement distincte de l'entreprise représentée. Par conséquent, la convention de
représentation exclusive existant devrait être qualifiée d'entente. Si en revanche le
représentant se borne à négocier les affaires pour le compte du représenté, sans assumer
le risque financier de l'opération, ni déterminer les prix et conditions des transactions, on
ne saurait valablement soutenir que les deux entreprises sont totalement indépendantes
l'une de l'autre11. Admettre le contraire serait méconnaître le lien personnel qui unit les
deux parties et le fait que le représentant, fût-il non salarié, est économiquement un
collaborateur de l'entreprise représentée. Il n'est, comme on a pu l'écrire, qu'une
entreprise auxiliaire12. La clause d'exclusivité dans ces conditions n'est pas le simple
accessoire d'une convention principale comme c'est le cas lorsqu'elle est conclue avec un
négociant revendeur, mais un élément normal de cette convention. Par conséquent, elle
ne devrait pas tomber sous le coup de l'article 5 de la loi du 14 juillet 1998 et de l'article 3
du règlement communautaire n° 1. Une fois les critères de détermination de la pluralité
d'entreprises connus, on peut se poser la question de savoir si la position économique de
l'entreprise joue un rôle quelconque dans la qualification de l'entente.
11
- V. dans le même sens la communication de la Commission du marché commun en date du 24 déc. 1962,
J.O.C.E. 24 déc. 1962.
12
- JEANTET, Réflexions sur l'application du droit des ententes aux contrats comportant une clause d'exclusivité :
J.C.P. 1963, I, 1743.
25
2 -La position économique des auteurs de la concertation
Dans la pratique des affaires, des accords peuvent être conclus soit entre des
entreprises se situant au même stade du processus économique (accords entre unités de
fabrication, entre départements de recherche, entre centres de vente...), soit entre des
entreprises se situant à des stades différents du processus économique (accords entre
inventeur et exploitant, entre fabricant et distributeur, entre distributeur et revendeur...).
Les accords conclus entre les producteurs ou entre les distributeurs sont
qualifiés d'accords horizontaux. Ils ont pour but d'instituer une coopération entre des
entreprises concurrentes ou potentiellement concurrentes et peuvent avoir des objets
divers tels que : la réalisation d'un projet de recherche en commun, le développement
d'un nouveau produit, la construction d'un prototype, l'amélioration d'un procédé de
fabrication, la spécialisation de fabrication, les modalités de vente, etc.
En revanche, les accords conclus entre producteurs et distributeurs sont
qualifiés d'accords verticaux. Ils englobent tous les types d'accords par lesquels un
producteur peut organiser la commercialisation de ses produits (La commercialisation des
produits est régie au Cameroun par l'article 23 (1) de la loi n° 2015/018 du 21 décembre
2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun qui a consacré le principe de la libre
détermination par les entreprises commerciales de leur politique de commercialisation et
de distribution. En vertu de ce texte, chaque entreprise commerciale peut soit prendre en
son compte tout ou partie des activités nécessaires à l'acheminement de son produit vers
le consommateur ou l'utilisateur final, soit décider de confier la distribution de son
produit aux intermédiaires de commerce. Dans le deuxième cas, l’entreprise commerciale
aura à choisir, en fonction de la complexité de ses produits et de la notoriété de sa
marque, parmi un éventail d'accords de distribution que lui offre la pratique) : contrat de
fourniture, contrat d'approvisionnement, contrat de distribution sélective, contrat de
concession, contrat de franchise, etc.
La question fondamentale que posent ces accords et qui est relative à notre
cours est de savoir si le texte national et le texte communautaire relatifs aux ententes
visent aussi bien les accords horizontaux que verticaux.
Cette question est expressément réglée par la loi du 14 juillet 1998 qui vise en
son article 4 les pratiques anticoncurrentielles qui sont entretenues non seulement dans le
cadre des relations entre concurrents ou concurrents potentiels opérant au même niveau
26
de production ou de commercialisation, mais également dans le cadre des relations entre
entreprises non concurrentes opérant à des niveaux différents dans la chaîne de
production et/ou de commercialisation.
Le règlement communautaire n° 6 est en revanche muet sur la question. Doit-
on alors conclure que l’article 30 de ce règlement concerne uniquement les accords
horizontaux ? Quelques arguments plaident en faveur de cette thèse. D'une part, l'accord
vertical a pour objet, non pas de restreindre la concurrence, mais d'intégrer partiellement
l'entreprise située en aval dans l'entreprise située en amont. Cette intégration réalisée au
moyen de la technique du contrat n'a pas, du point de vue économique, une signification
différente de l'intégration réalisée sur le droit de propriété. D'autre part, l'accord vertical
ne réduit pas la concurrence entre les partenaires puisque ceux-ci ne se trouvent pas en
position concurrentielle, mais affecte tout au plus la concurrence entre l'un des
partenaires et une entreprise tierce si des accords parallèles ont été conclus. En définitive,
les accords verticaux ne devraient relever que de l'article 33 du règlement communautaire
n° 6 qui condamne l'abus de position dominante13.
Mais ces arguments n'emportent pas entièrement conviction. Mais cet article
devrait s’appliquer à tous les accords…….En effet, l'article 30 se référant de façon
générale à tous les accords qui faussent le jeu de la concurrence, il n'y a pas à distinguer
selon que ceux-ci sont passés entre opérateurs concurrents situés au même stade du
processus économique ou entre opérateurs non concurrents situés à des stades différents.
Cet article est donc applicable non seulement quand la concurrence est faussée entre des
entreprises concurrentes (accords horizontaux), mais également entre une entreprise et un
distributeur membre de son réseau14, ou un tiers étranger au réseau de distribution15.
En outre, l'argument selon lequel l'accord vertical ne réduit pas la concurrence
entre les partenaires puisque ceux-ci ne se trouvent pas en position concurrentielle est
bien critiquable. En effet, certains accords verticaux contiennent soit des clauses qui
permettent au producteur d'intervenir dans la politique commerciale de son revendeur en
vue de faire obstacle à la baisse des prix ou dans le dessein d'aliéner la liberté de gestion
de ce revendeur ; soit des clauses qui restreignent la concurrence entre le producteur et
13
- V. infra.
14
- Un producteur peut restreindre la concurrence entre ses distributeurs par différentes clauses telles les clauses d'exclusivité ou
des primes de fidélité, les clauses d'exclusivité territoriale, etc..
15
- Notamment par le biais des clauses relatives aux choix des revendeurs.
27
les distributeurs lorsque le premier assure en concurrence avec les seconds la distribution
de ses produits.
Sur la base de ces arguments, il semble plus raisonnable d'interpréter l'article 3 du
règlement communautaire n°6 comme consacrant implicitement la neutralité de la
position économique des entreprises du point de vue de la qualification de l'entente,
même s'il eût été souhaitable que le législateur communautaire la consacrât explicitement
comme l'a fait le législateur national.
28
Mais il ne fait aucun doute que ce texte vise aussi bien les ententes expresses que tacites.
On peut tirer argument de l’utilisation concomitante des termes d’accords et d’ententes.
La notion d’entente ne renvoie pas uniquement à celle d’accord, sinon le législateur
aurait fait l’économie de l’une des deux notions.
L'appel à la notion d’actions concertées répond certainement à la nécessité
d'appréhender des comportements collectifs qui, sans emprunter une forme juridique bien
définie, n'en témoignent pas moins du dessein de limiter la concurrence entre plusieurs
entreprises.
Le législateur communautaire, bien qu’ayant utilisé la notion d’actions
concertées, ne l’a cependant pas définie, comme l’ont fait certaines législateurs
étrangers. Pourtant, cette définition est essentielle, indépendamment des problèmes de
preuve qui se posent dans ce cas, puisqu'elle permet d'étendre ou de limiter le champ
d'application de la réglementation des ententes selon que l'on identifie tout parallélisme
des comportements à une entente tacite, ou, au contraire, que l'on exige un élément
intentionnel.
Il nous semble nécessaire, si l'on veut éviter toute interprétation exagérée de la
notion d’actions concertées qui risquerait de paralyser le processus même de la
concurrence, de ne retenir cette qualification que lorsqu'il est démontré que les
entreprises en cause ont convenu de façon consciente et intentionnelle d'adopter
mutuellement leur futur comportement vis-à-vis du marché16. Cette interprétation permet
d'écarter la théorie américaine connue sous le nom de parallélisme d'actions ou "price
leader system"17. C’est d’ailleurs la position qu’a adoptée le législateur national en son
article 8, alinéa 2. Aux termes de ce texte, ne constituent pas une preuve suffisante de
l’existence d’une entente ou d’un accord :
- la constatation d’un parallélisme de prix ou de condition de vente ;
- l’alignement sur les prix ou les conditions de vente d’un concurrent, même si
ces prix ou conditions de vente résultent d’une entente ou d’un accord.
Ainsi, le fait que plusieurs producteurs appliquent les mêmes prix de vente ne doit
pas être d'emblée considéré comme une action concertée. Cette similitude des prix résulte
16
- C'est cette solution qui a été adoptée en droit communautaire européen (V. C.J.C.E. 16 Déc. 1975, Aff. Industrie européenne
du sucre, Rec. C.J.C.E. 1975, p. 1603.
17
- Aux termes de cette théorie, le simple fait, pour plusieurs entreprises se trouvant dans une position d'oligopole, d'adopter sur
le marché une position commune, notamment en matière de prix, même sans s'être concertées au préalable, constitue une entente
sans que l'intention ait besoin d'être prouvée.
29
souvent d'une entente, mais peut aussi s'expliquer par une situation concurrentielle
obligeant les entreprises à s'aligner les unes sur les autres. Outre le parallélisme de prix
ou de condition de vente, un accord au moins implicite doit être exigé. Mais quand
peut-on considérer qu'un tel accord existe ?
L'exigence d'un élément intentionnel, bien que justifié, rend assez délicate la tâche
des instances de contrôle de la concurrence. La preuve de cet élément intentionnel sera
toujours très difficile à établir surtout dans les cas où les actions concertées ne sont pas
arrivées au stade de leur exécution ou lorsque les résultats escomptés ne sont pas atteints.
A défaut de pouvoir rapporter la preuve de l'entente soit par un écrit, soit par
l'aveu des intéressés, on devrait, comme c'est le cas en droit français, admettre que cette
preuve puisse être rapportée indirectement en se fondant sur des "présomptions graves,
précises et concordantes tirées d'indices matériels qui, eux, ont été constatés"18. Mais,
s'agissant d'un domaine pénal, les instances de contrôle de la concurrence ne devraient
pas se contenter d'impressions trop vagues ou fragiles pour établir l'existence d'une
pratique concertée. Seuls des indices multiples, divers et convergents devraient leur
permettre de fonder leur conviction.
Les indices d'une action concertée sont extrêmement variés. Il peut s'agir de
l'existence d'une entente antérieure dans le secteur considéré, de la diffusion de certains
documents tels les méthodes de calcul de tarifs remis par des syndicats à leurs adhérents.
Même un simple parallélisme des comportements est susceptible de constituer un indice
sérieux. Mais il doit s'agir comme nous l'avons dit d'un parallélisme "conscient" qui
aboutit à des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions
normales du marché.
Au terme de l'étude des critères de détermination de l'entente, il paraît judicieux
de donner une définition précise et complète de celle-ci. C'est un accord exprès ou
tacite, conclu entre des entreprises situées au même stade ou à des stades différents du
processus économique et quelle que soit leur nature juridique, qui désirent adopter une
discipline collective de comportement sur le marché, tout en conservant leur autonomie
juridique et leur indépendance économique, mais en limitant leur liberté d'action et de
décision. En droit camerounais et communautaire, cet accord n'est pas prohibé en
18
- V. Rapport de la Commission de la concurrence pour 1980. Cette jurisprudence, inaugurée par la Commission technique (V.
Rapport pour 1958 et 1959, p. 304, Rapport pour 1975, p. 997) est constamment reprise par le Conseil de la concurrence dans ses
rapports annuels.
30
lui-même, mais uniquement dans la mesure où il peut entraver « de manière sensible »
le jeu normal de la concurrence.
II – L'atteinte à la concurrence
Afin de préciser le contenu de cette deuxième condition, il convient d'une part de
voir l'atteinte à la concurrence qui est condamnée par les législations nationale et
communautaire (A) et, d’autre part, de s'efforcer de recenser les différentes formes que
peut revêtir l'atteinte à la concurrence (B).
31
L'atteinte à la concurrence s'apprécie donc en fonction de deux critères alternatifs,
à savoir l'intention ou les résultats (réels ou éventuels), qui peuvent parfaitement être
combinés (cas d'une entente ayant un objet et un effet anticoncurrentiels). L'entente ayant
un objet anticoncurrentiel et l'entente ayant uniquement un effet anticoncurrentiel
constituent ainsi les deux grandes catégories pouvant contenir les autres. Ces deux
grandes catégories méritent d’être explicitées.
a -L'entente ayant un objet anticoncurrentiel
Une entente a un objet anticoncurrentiel lorsque ses auteurs l'ont adoptée avec
l'intention de porter atteinte à la concurrence.
L'objet anticoncurrentiel existe certainement lorsque les entreprises ont eu
l'intention délibérée d'entraver la concurrence. Mais l'objet anticoncurrentiel pourrait
également être retenu dès lors que les entreprises ont simplement conscience d'enfreindre
les règles de concurrence, c'est-à-dire sont conscientes des effets normalement prévisibles
des pratiques qu'elles mettent en oeuvre.
La recherche de l'intention anticoncurrentielle est nécessaire dans la mesure où les
résultats escomptés par les auteurs de l'entente peuvent ne pas être atteints. Dans ce cas,
l'intention délictueuse suffit à caractériser l'entente anticoncurrentielle. Mais la règle ne
joue pas, toutefois, lorsque l'intention délictueuse des membres de l'entente ne s'est
traduite par aucun acte d'exécution.
Ainsi, les entreprises qui ont envisagé de déposer des soumissions de couverture
en réponse à des appels d'offres avec l'intention d'entraver la concurrence, mais qui n'ont
finalement pas soumissionné et, donc n'ont pas concrétisé cette intention, ne devraient
logiquement pas être sanctionnées. L'effet anticoncurrentiel sera donc parfois exigé
même en présence d'une intention délictueuse. Mais il peut arriver que cet effet suffise en
lui-même à caractériser l'entente anticoncurrentielle.
b -L'entente ayant un effet anticoncurrentiel
Lorsqu'une entente a eu pour conséquence la suppression ou la limitation de la
concurrence, on peut se poser la question de savoir si elle doit être réprimée même si tel
n'a pas été le but visé par les parties ; c'est-à-dire lorsque ces dernières n'ont ni l'intention,
ni même la conscience qu'elles enfreignent la loi. La réponse positive nous semble
évidente. La concurrence est une valeur sociale protégée et aucune atteinte - même non
intentionnelle - ne doit être admise à son encontre.
32
L'atteinte non intentionnelle à la concurrence est bien concevable. En effet, la
plupart des structures juridiques pouvant servir d'instruments aux ententes étant licites
(par exemple, création d'une filiale commune par plusieurs sociétés-mères ; conclusion
d'une convention d'exclusivité entre un producteur et un distributeur, etc.), il est possible
que leurs auteurs, en les adoptant, n'aient aucune intention de fausser le jeu de la
concurrence. Si ces structures produisent des effets anticoncurrentiels, ceux-ci seront
sanctionnés.
Mais peut-on aller plus loin et retenir l'infraction d'entente anticoncurrentielle
même en présence d'un effet purement éventuel ? L'article 30 du règlement
communautaire n° 6 et l’article 5 de la loi du 14 juillet 1998 semblent l'admettre
puisqu'ils ne s'y opposent ni implicitement, ni explicitement. L'effet éventuel d'entrave à
la concurrence constitue donc un critère suffisant d'incrimination. Mais sa mise en oeuvre
ne manquera pas de soulever des difficultés. Et nous voyons mal comment ce critère
serait opérationnel si on n'admet pas que certaines ententes sont par nature
anticoncurrentielles.
L'étude de tous ces critères d'incrimination nous permet de constater que les instances
de contrôle de la concurrence disposent de très larges pouvoirs dans la qualification de
l'entente anticoncurrentielle. Nous espérons que ces instances utiliseront ces pouvoirs à bon
escient afin de permettre à la concurrence de produire le maximum d'effets bienfaisants.
2 – L’atteinte sensible à la concurrence
En vue d’apprécier l’objet ou l’effet anticoncurrentiel de l’entente, une condition
d’atteinte sensible à la concurrence a été expressément posée par le législateur national.
Cette condition est édictée par les articles 3 et 23 de la loi du 14 juillet 1998. L’article 3
dispose : « Toutes les pratiques qui auraient pour effet d’empêcher, de fausser ou de
restreindre de manière sensible l’exercice de la concurrence au niveau du marché
intérieur sont interdites ». L’article 23 quant à lui dispose : « Sont considérées comme
infractions aux dispositions de la présente loi, les pratiques anticoncurrentielles visées au
titre II …, lorsque celles-ci portent atteinte d’une manière sensible à la concurrence ou
auraient vraisemblablement cet effet ».
En droit communautaire, la condition d’atteinte sensible à la concurrence était
posée par l’article 2 du règlement n° 1 qui disposait : « Est interdite toute pratique de
nature à faire obstacle au libre jeu de la concurrence et notamment les ententes illicites,
33
les abus de position dominante, les concentrations qui réduisent sensiblement la
concurrence ».Cette condition n’a pas été expressément reprise par le Règlement n° 6,
ce qui est critiquable.
L’exigence de l’atteinte sensible à la concurrence signifie que l’entente qui ne
comporte pas, par son objet et/ou son effet, une restriction caractérisée à la
concurrence, et qui n’a que des effets insignifiants sur le marché en cause, ne tombe pas
sous le coup des textes prohibant les ententes anticoncurrentielles.
La condition de sensibilité de l’atteinte à la concurrence permet de vérifier la place
des entreprises poursuivies sur le marché concerné. Parce que les entreprises disposent
d’un certain pouvoir de marché, elles sont capables de porter sensiblement atteinte à la
concurrence. La condition de sensibilité traduit cette aptitude.
19
- Sur ces stratégies de cloisonnement et d'étouffement, V. notre thèse de Doctorat 3 e cycle, p. 192 et s.
34
Les stratégies d'étouffement quant à elles sont des pratiques d'ententes qui visent
à contrarier, voire à neutraliser les mécanismes de l'offre et de la demande entre les
opérateurs économiques présents sur le marché. Entrent dans cette rubrique : les pratiques
entravant la libre détermination des prix, les pratiques visant la répartition des marchés
ou des sources d'approvisionnement, les quotas de production ou de vente, etc.
35
individuelle. Il convient donc d'étudier d'une part l’exemption individuelle (A) et, d’autre
part, l’exemption par catégorie (B).
A - L’exemption individuelle
L’exemption individuelle est celle qui faite au cas par cas par les instances de
contrôle de la concurrence. Elle est consacrée en droit communautaire par l’article 32 - 1)
qui dispose :
L’exemption individuelle est consacrée en droit interne par l’article 6 de la loi du
14 juillet 1998 qui dispose : « Toutefois, les accords et ententes susvisés peuvent déroger
à l’interdiction prévue à l’article 5 ci-dessus dans les conditions ci-après :
a) s’ils sont préalablement notifiés à la Commission Nationale de la Concurrence ;
b) si la Commission Nationale de la Concurrence conclut que ces accords et ententes
apportent une contribution nette à l’efficience économique à travers :
- la réduction du prix du bien ou service, objet de l’entente ou de l’accord ;
- l’amélioration sensible de la qualité dudit bien ou service ;
- le gain d’efficience dans la production ou la distribution de ce bien ou
service ».
A la suite de l’article 6, l’article 7 de la loi du 14 juillet 1998 poursuit : « La
dérogation visée à l’article 6 … n’est accordée que s’il est prouvé que la contribution
nette à l’efficience économique ne peut être réalisée en l’absence de l’accord ou entente
mis en cause et que ledit accord ou ladite entente est moins restrictif de la concurrence
que d’autres accords ou ententes permettant les mêmes gains d’efficience ».
Il ressort des textes communautaire et internes relatifs à l’exonération des ententes
trois conditions d’exonération dont une est spécifique au droit interne : la nécessité d’une
notification préalable de l’entente (1), et deux communes aux deux législations : la
contribution de l’entente au développement du progrès économique (2) et le caractère
indispensable et limité de l’atteinte à la concurrence (3).
36
La notification préalable de l’entente par ses auteurs traduit en quelque sorte leur
bonne foi. Cette notification préalable constitue donc une condition préalable à la
réalisation du bilan économique de l’entente. A défaut de cette notification, l’entente ne
pourra pas être exonérée, même si elle présente d’énormes avantages pour la collectivité,
si ce sont les instances de contrôle de la concurrence elles-mêmes qui découvrent son
existence. Mais la notification préalable de l’entente n’est pas une condition suffisante de
l’exonération. Les parties concernées doivent justifier que l’entente en cause apporte une
contribution nette au développement du progrès économique.
20 s
- Cf. V. SELINSKY, L'entente prohibée, Litec, 1979, nErreur ! Signet non défini. 521 et s.
37
A cette liste, il convient d'ajouter l'assainissement des secteurs économiques en
difficulté. En effet, en période de crise, des entreprises peuvent se concerter afin
d'échapper à l'affrontement concurrentiel auquel elles ne peuvent plus résister. La
concertation peut ainsi permettre d'éviter que des PME performantes ne soient éliminées
du marché ou que des installations industrielles ne soient détruites au-delà de ce qui est
économiquement raisonnable21.
Les ententes peuvent donc constituer de véritables instruments de développement
économique et de lutte contre la crise économique. Mais en dépit de sa contribution au
développement du progrès économique, une entente ne peut être exonérée que si
l’atteinte à la concurrence qu’elle entraîne présente un caractère indispensable et limité.
21
- Une entente conclue entre des P.M.E. peut leur permettre de se maintenir sur le marché face aux groupes plus puissants. Elle
peut également éviter des licenciements trop importants.
38
- améliorer la qualité des produits en particulier en promouvant l’application uniforme
des normes de qualité ;
- améliorer la compétitivité des entreprises de la zone CEMAC en particulier sur le
marché international.
39
entreprise ou un groupe d'entreprises. Cette façon d'envisager une détention individuelle
ou collective de la situation de domination permettra indiscutablement aux instances de
contrôle de la concurrence d'appréhender les situations les plus diverses.
Les législations nationale et communautaire sont donc applicables lorsqu'une seule
entreprise domine le marché. L'entreprise unique ne s'identifie pas ici nécessairement à
une personne juridique isolée. Il peut s'agir du groupe constitué par une société-mère
et ses filiales dès lors que l'ensemble forme une unité économique et que les filiales
ne jouissent pas d'une réelle autonomie de décision. Dans ce cas, il n'y a pas risque
de conflit entre les dispositions sur les ententes et celles sur les positions dominantes
car, faute d'un concours de volontés autonomes, les dispositions relatives aux
ententes ne pourraient s'appliquer22.
Mais la détention individuelle d'une position dominante est souvent une situation
assez exceptionnelle sur les marchés. Il est donc judicieux que les textes visent aussi la
domination du marché par un groupe d'entreprises. Mais, la question se posera en
pratique de savoir ce qu'on doit entendre par groupe d'entreprises. Le concept de groupe
vise, bien entendu, la structure ainsi dénommée en droit des sociétés : un ensemble de
sociétés soumises à un contrôle commun, du fait des relations financières qu'elles
entretiennent, mais qu'on ne peut considérer comme une entreprise unique pour des
raisons diverses telles que l’autonomie juridique de chacune des sociétés23.
Des entreprises qui ne sont pas liées financièrement entre elles, mais qui ont
constitué une entente et qui, ensemble (et non individuellement), détiennent une part
importante du marché peuvent également, dans certains cas, être considérées comme
constituant un groupe d'entreprises, en raison de la coordination, a priori, de leurs
politiques commerciales24.
La question peut se poser de savoir si l'on peut aller plus loin et retenir l'existence
d'une position dominante collective lorsqu'il n'existe aucun lien financier ou de
concentration entre les entreprises. L'admettre reviendrait à induire l'existence d'une
situation de domination à partir du seul parallélisme des comportements de plusieurs
entreprises oligopolistiques, c'est-à-dire à soumettre aux dispositions sur les positions
dominantes, des opérateurs contraints, du fait des structures du marché, d'adopter des
22
- V. supra.
23
- V. en ce sens, J.P. BRILL, la filiale commune et la Commission de la concurrence, D.S. 1980, chr. p. 285.
24
- Il convient de noter que dans la plupart des cas, cette coordination peut être analysée au regard des dispositions sur les
ententes. Un concours idéal entre l'entente anticoncurrentielle et l'abus de position dominante n'est donc pas exclu.
40
comportements identiques. Une telle solution serait contraire à l'esprit des textes. Il n'y a
à notre avis groupe d'entreprises que lorsqu'il existe entre elles un lien. Un groupe n'est
donc pas une simple collection d'entreprises.
41
Une fois cette importante précision apportée, il convient d’expliciter les deux critères
caractéristiques de la position dominante qui sont l’importance de la part du marché détenue
(1) et les facteurs qualitatifs tels que l’avance technologique (2).
25
- V. dans le même sens, Rapport de la Commission de la concurrence pour 1979, Avis du 28 Juin 1979 cité par V.
SELENSKY, Le contrôle des ententes et des positions dominantes en droit français, op. cit. nErreur ! Signet non défini.128.
42
Deux critères permettent d'apprécier la concentration manifeste de la puissance
économique : la prépondérance de la part de marché occupée par l'entreprise et la nature
de ses comportements. Ces deux critères sont cumulatifs et non alternatifs.
La part de marché détenue par une entreprise est le rapport entre le chiffre
d'affaires qu'elle réalise et le chiffre d'affaires total du marché de référence. Elle s'évalue
généralement en pourcentage. Contrairement à la situation de monopole, la concentration
manifeste de la puissance économique ne se caractérise pas par un contrôle absolu du
marché. La part de marché peut être très importante (exemple, 80% du chiffre d'affaires).
Mais, une part de marché relativement importante serait suffisante pour caractériser la
position dominante si elle permet à l'entreprise de contrôler le marché. Dans ce cas,
l'écart existant entre la part de marché détenue par l'entreprise concernée et les parts de
marché des concurrents qui la suivent immédiatement constitue un indice supplémentaire
non négligeable.
Le législateur camerounais n'a pas jugé nécessaire de déterminer le seuil à partir
duquel une entreprise ou un groupe d'entreprises serait considéré comme occupant sur le
marché une position dominante. Cette solution, qui n'est pas spécifique au droit
camerounais, se justifie par le fait que l'importance de la part de marché détenue par
l'entreprise ou le groupe d'entreprises n'est pas le seul critère de détermination de la
position dominante en droit interne. En outre, il est assez difficile de déterminer a priori
le seuil de domination sans avoir effectué au préalable une analyse du marché dans lequel
évolue l'entreprise en cause.
Le second critère de détermination de la concentration manifeste de la
puissance économique est la nature des comportements de l'entreprise concernée à
l'égard des autres agents économiques. Dans ce cas, l'entreprise sera dite en position
dominante lorsque la part de marché qu'elle occupe lui permet non seulement de
s'affranchir des contraintes d'une concurrence extérieure substantielle, c’est-à-dire
comme le dit le règlement communautaire « de s’abstraire de la concurrence d’autres
acteurs sur le marché concerné », mais aussi d'imposer ses vues à ses concurrents ou ses
conditions à ses fournisseurs ou clients, faute pour ces derniers de disposer d'alternatives
suffisantes26.
26
- V. dans le même sens, Rapport de la Commission de la concurrence pour 1979, J.O. éd. Documents administratifs, 6
Fév.1980, p.196.
43
Il y a donc concentration manifeste de la puissance économique caractérisant la
position dominante lorsqu'une entreprise ou un groupe d’entreprises détient une part
prépondérante de marché qui lui fournit la possibilité de comportements indépendants
dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement des
consommateurs.
2 - Les facteurs qualitatifs
En plus des deux critères sus-évoqués, peuvent également être pris en compte pour
qualifier la position dominante d'autres éléments caractéristiques du marché ou des
éléments qualificatifs propres à l'entreprise tels qu'une supériorité dans la gestion,
l'innovation technique, l'action commerciale, l'accès préférentiel à certaines sources de
financement, l’avance technologique, etc. Tous ces éléments sont des indices non
négligeables d'une situation de domination.
C.J.C.E. Arrêts United Brands du 14 Fév. 1978 et Hoffmann-La Roche du 13 Fév.1979, cités par X. De Roux et D.
s
VOILLEMOT, Le droit de la concurrence des communautés européennes, 1976, nErreur ! Signet non défini. 57 s.
44
a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres
conditions de transactions non équitables ;
c) appliquer à l’égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des
prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de
prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont
pas de lien avec l’objet de ces contrats.
45
Section II – L’application des prohibitions
Les ententes et les abus de position dominante sont prohibés à la fois par le droit
interne et le droit communautaire. Cette dualité de source complique l’application du
droit des pratiques anticoncurrentielles.
D’abord, il convient de déterminer, à l’égard de chaque comportement, s’il
ressortit à la sphère de compétence communautaire ou étatique. Ensuite, on constate qu’il
existe des régimes différents d’application des prohibitions en cause, quant aux sanctions
et aux procédures.
S’agissant de la répartition des compétences entre le droit communautaire et le
droit interne, elle soulève deux questions distinctes pouvant appeler des réponses
différentes : celles de savoir, en premier lieu, si le comportement considéré entre dans le
champ d’application des dispositions communautaires ou nationales, en second lieu, si la
mise en œuvre des règles de concurrence applicables relève des autorités communautaires
ou nationales. Cette seconde question ne se pose cependant pas si la règle de
concurrence applicable est la règle interne : il va de soi qu’alors, les autorités
nationales sont seules compétentes. Il y a donc lieu de définir successivement le champ
d’application du droit communautaire et du droit interne (I) et la compétence respective
des autorités nationales et communautaires pour l’application des règles communautaires
(II),étant entendu que les autorités nationales sont seules compétentes pour appliquer le
droit national.
27
Cf paragraphe 8 du préambule du Règlement n°6 du 7 avril 2019 susvisé.
46
A la suite de ce préambule, l’article 30 du règlement communautaire n° 6 ne
déclare incompatibles (anticoncurrentielles) avec le marché commun, et par conséquent
interdites, que les ententes … « qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’Union dans la zone de
la CEMAC » et l’article 33 du même règlement ne prohibe « le fait pour une ou plusieurs
entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante dans un marché
considéré de produits ou de services sur le Marché Commun de la CEMAC ou une partie
substantielle de celui-ci ».
La condition d’affectation du commerce entre Etats membres a donc pour but de
déterminer le champ d’application du droit communautaire de la concurrence. Cette
notion n’a pas été définie par le législateur communautaire, et les instances
communautaires de contrôle de la concurrence n’ont pas encore eu l’occasion de le faire.
Il convient, pour combler cette lacune, de faire recours au droit européen de la
concurrence qui utilise la même notion comme critère de son champ d’application.
Pour la jurisprudence de la CJCE (30 juin 1966, LMT c/ MBU ; 12 déc. 1967,
Brasserie De Haecht I ; 25 oct. 1979, United Brands) il y a affectation du commerce entre
Etats membres dans le cas d’une pratique qui permet d’envisager l’influence sur les
échanges intracommunautaires « dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des
objectifs d’un marché unique entre Etats membres ». L’affectation du commerce entre
Etats membres ne signifie pas que la pratique en cause limite ou diminue nécessairement
le volume des échanges intracommunautaires ; il suffit qu’elle cristallise les parts de
marché et mette ainsi obstacle à l’intégration des économies des Etats membres. Il y a
ainsi, selon la CJCE, affectation du commerce entre Etats membres lorsque des accords
de prix ou de marges, établis dans un Etat membre et ne couvrant que le marché de cet
Etat, portent, serait-ce pour partie seulement, sur un produit provenant d’un autre Etat
membre et alors même que les participants auraient obtenu le produit auprès d’une
société de leur groupe (CJCE, 10 déc. 1985, Stiching Sigarettenindustrie c/ Commission).
La CJCE fixe cependant une limite à cette conception extensive de l’affectation du
commerce entre Etats membres. Cette condition n’existe que lorsque l’affectation est
sensible.
Les dispositions du droit communautaire sur les ententes anticoncurrentielles et les
abus de position dominante ont également vocation à s’appliquer d’une part lorsque les
47
pratiques anticoncurrentielles n’ont d’effet que dans un seul Etat membre28 et, d’autre
part, dans les marchés intérieurs ou nationaux des Etats membres qui n’ont pas institué de
règles nationales interdisant les pratiques anticoncurrentielles, lorsque les pratiques en
cause n’affectent que le seul marché national29. Pour les Etats membres qui se sont dotés
de telles règles30, celles-ci ne s’appliquent qu’à la condition de ne pas porter atteinte à
l’effet utile des règles communautaires31.
48
ententes, si elle a concouru à des pratiques anticoncurrentielles collectives. Il serait
souhaitable que le législateur définisse un critère alternatif faisant référence à une aire
géographique moins étendue pour permettre un élargissement du contrôle des positions
dominantes.
Il peut cependant arriver qu’une pratique qui porte atteinte à la concurrence au
niveau du marché intérieur affecte également le commerce entre Etats membres. Y aurait-
il application cumulative du droit interne et du droit communautaire ? Le silence des
textes national et surtout communautaire nous oblige à faire une fois encore recours au
droit étranger, en l’occurrence au droit européen de la concurrence.
Sur cette question, la CJCE avait admis une application cumulative du droit
interne et du droit communautaire. Dans l’arrêt Walt Wilhelm du 13 février 1969, la Cour
avait d’abord commencé par exposer les raisons qui lui faisaient admettre le principe de
l’application cumulative du droit communautaire et du droit interne :
« Attendu que le droit communautaire et le droit national en matière d’ententes
considèrent celles-ci sous des aspects différents ;
qu’en effet, alors que l’article 85 les envisage en raison des entraves qui peuvent
en résulter pour le commerce entre les Etats membres, les législations nationales,
inspirées par des considérations propres à chacune d’elles, considèrent les ententes dans
ce seul cadre ;
attendu, il est vrai, qu’en raison de l’interdépendance éventuelle des phénomènes
économiques et des situations juridiques considérées, la distinction des aspects
communautaires et nationaux ne saurait servir, dans tous les cas, de critère déterminant à
la délimitation des compétences ;
que, cependant, elle implique qu’une même entente puisse, en principe, faire
l’objet de deux procédures parallèles, l’une devant les autorités communautaires en
application de l’article 85 du traité CEE, l’autre devant les autorités nationales en
application du droit interne ».
Mais l’arrêt restreignait aussitôt la portée du principe qu’il venait d’énoncer par
cette formule :
« attendu toutefois que, en vertu du respect de la finalité générale du traité, cette
application parallèle du système national ne saurait être admise que pour autant qu’elle ne
porte pas préjudice à l’application uniforme, dans tout le marché commun, des règles
49
communautaires en matière d’entente et du plein effet des actes pris en application de ces
règles … ».
L’arrêt observait alors qu’en prévoyant l’inapplicabilité de la prohibition en faveur
des ententes qui contribuent à améliorer la production ou la distribution où à promouvoir
le progrès technique ou économique, l’article 85 permet aux autorités communautaires
d’exercer une action positive en vue de promouvoir un développement harmonieux des
activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, conformément à l’article 2 du
traité. Et il invoquait le principe de primauté du droit communautaire pour démontrer que
les autorités nationales ne sauraient entraver une telle action. Le principe de l’application
cumulative du droit communautaire et du droit interne ne pouvait donc joué que lorsqu’il
n’aboutissait pas à des solutions incompatibles. Il en serait ainsi lorsqu’une pratique qui
porte atteinte à l’exercice de la concurrence dans le marché intérieur et affecte également
le commerce entre Etats membres est exonérée par l’un des deux droits, interne ou
communautaire, seulement. La primauté du droit communautaire a été formulée ainsi par
la CJCE :
« qu’il résulte de tout ce qui précède que, dans le cas où des décisions nationales à
l’égard d’une entente s’avéreraient incompatibles avec une décision adoptée par la
Commission à l’issue de la procédure engagée par elle, les autorités nationales sont
tenues d’en respecter les effets ;
Attendu que, dans le cas où, au cours d’une procédure nationale, il apparaît
possible que la décision par laquelle la Commission mettra fin à une procédure en cours
concernant le même accord pourrait s’opposer aux effets de la décision des autorités
nationales, il appartient à celles-ci de prendre les mesures appropriées ».
Les principes posés par la CJCE dans l’arrêt Walt Wilhelm ont été consacrés par
le règlement communautaire européen n° 1/2003. Ces principes, dont la pertinence ne
souffre aucune contestation, devraient inspirer les autorités communautaires chargées
d’appliquer le droit de la concurrence CEMAC.
50
II - La compétence respective des autorités nationales et communautaires pour
l’application des règles communautaires
51
Selon le préambule du Règlement n° 6, les autorités nationales peuvent faire
application du droit communautaire pour interdire les pratiques anticoncurrentielles
n’ayant d’incidences que sur le marché national et n’affectant pas les échanges entre les
Etats membres.
Il peut arriver qu’une pratique qui porte atteinte à la concurrence au niveau du marché
intérieur affecte également le commerce entre Etats membres. Dans ce cas , les autorités
communautaires et les autorités nationales seront toutes compétentes pour connaître de
ces pratiques. Cette hypothèse est d’ailleurs prévu par le préambule du Règlement
communautaire n° 6 qui dispose que dans les domaines de double compétence entre les
échelons communautaire et national, il convient de préciser des modalités de consultation
et d’information réciproque, ainsi qu’en vertu du principe de subsidiarité, des renvois
réciproques d’affaires transmises aux autorités. C’est dans cette perspective qu’a été
adopté la Directive n° 01/19-UEAC-639-CM-33 relative à l’organisation institutionnelle
dans les Etats membres de la CEMAC pour l’application des règles communautaires de la
concurrence. La section 7 de cette directive est effectivement intitulé « La coopération
dans la mise en œuvre des règles de concurrence ».
52
Chapitre II – L’institution d’un contrôle des concentrations économiques
susceptibles de porter atteinte à la concurrence
33
- V. J.F. GUILLEMIN, Les objectifs et les réalisations du droit moderne de la concurrence face au défi de la libération des
prix, thèse Paris II, 1986.
53
Le législateur communautaire n’a pas défini la notion de fusion. L’article 58
alinéa 1 a) se contente d’énoncer qu’une opération de concentration est réalisée
lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent. Cette
lacune du droit communautaire a cependant été évitée par le législateur national.
L’article 15 – a) de la loi du 14 juillet 1998 définit en effet la fusion comme « tout
transfert de patrimoine d’une ou de plusieurs sociétés à une autre, donnant lieu à
une nouvelle société ou à l’absorption de la société qui cède son patrimoine ». Il
résulte de ce texte qu’il existe deux formes de fusion : la fusion par création d’une
entité nouvelle et la fusion par absorption.
La deuxième forme de concentration consacrée par les droits communautaire
et interne est l’acquisition du contrôle. La rédaction des textes communautaire et
interne, bien que formellement un peu différente, est substantiellement la même.
L’article 15 – b) de la loi du 14 juillet 1998, qui parle plutôt d’acquisition
d’entreprises et non de contrôle, définit l’acquisition comme étant « tout transfert de
la totalité ou partie des actions, actifs, droits et obligations d’une ou de plusieurs
sociétés à une autre société, permettant à cette dernière d’exercer une influence
déterminante sur la totalité ou une partie des activités des entreprises faisant l’objet
de transfert ».
Le texte communautaire est légèrement différent. Aux termes de l’article 58
alinéa 1 b), il y a également opération de concentration « lorsqu’une ou plusieurs
entreprises, acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par prise de
participation au capital, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou
parties d’une ou de plusieurs autres entreprises ».
L’expression « exercer une influence déterminante » utilisée par le texte
interne, renvoie incontestablement à celle de « contrôle » utilisée par le texte
communautaire. Il n’est pas nécessaire que le contrôle porte sur la totalité de
l’entreprise ou des entreprises concernées, et les procédés de contrôle sont divers. Le
législateur communautaire a fait le choix de les énumérer, alors que le législateur
national a préféré utiliser l’expression large de « tout transfert ». Cette expression
renvoie certainement aux procédés énumérés par le texte communautaire, à savoir la
prise de participation au capital, le contrat ou tout autre moyen.
54
L’article 60 du règlement n° 6 définit l’objet du contrôle en disposant que
celui-ci « découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent,
individuellement ou conjointement, et compte tenu des circonstances de fait ou de
droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une
entreprise, et notamment :
- Des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d’une
entreprise ;
- Des droits ou des contrats qui portent sur la composition, les délibérations
ou les décisions des organes de gouvernance d’une entreprise ».
Le texte communautaire en son article 58 alinéa 2 considère que l’opération de
concentration n’est pas réalisée dans les hypothèses suivantes :
- lorsque des établissements financiers ou des sociétés d’assurances, dont
l’activité normale inclut la transaction et la négation de titres pour leur compte ou
pour le compte d’autrui, détiennent, à titre temporaire, des participations qu’ils ont
acquises dans une entreprise en vue de leur revente ;
- lorsque le contrôle est exercé à titre provisoire par une entreprise mandatée
par l’autorité publique en vertu de la législation d’un Etat membre dans le cadre
d’une procédure de redressement judiciaire ou de faillite des entreprises.
La troisième forme de concentration consacrée par le seul droit communautaire
est la création d’une entreprise commune constituant d’une manière durable une
entité autonome.
55
A – Les critères de l’obligation au contrôle en soi
Il s’agit ici de déterminer à partir de quel seuil une opération de concentration
mérite d’être soumise au contrôle.
Deux critères de contrôle sont envisagés : la dimension de l’opération et la part
des entreprises touchées dans le marché en cause. Le révélateur de la dimension d’une
entreprise consiste dans son chiffre d’affaires dont la détermination est assez aisée.
Le législateur national a retenu le critère de la dimension de l’opération.
L’article 18 de la loi du 14 juillet 1998 dispose en effet que « les entreprises qui se
proposent d’effectuer une opération de fusion ou d’acquisition et dont les chiffres
d’affaires conjoints et ceux des entreprises affiliées prises séparément dépassent des
seuils fixés par arrêté du Ministre chargé de la concurrence sur proposition de la
Commission Nationale de la concurrence, doivent déclarer à cette Commission leur
intention de fusionner … ».
Contrairement au législateur national, le législateur communautaire a retenu
les deux critères à savoir la dimension de l’opération et la part des entreprises touchées
dans le marché en cause. Mais leur application est alternative et non cumulative. L’article
59 alinéa 2 du règlement n°6 dispose en effet qu’ « une opération de concentration est de
dimension communautaire lorsque les entreprises à l’opération réalisent ensemble sur le
marché Commun un chiffre d’affaires supérieur à 10 (dix) milliards de francs CFA hors
taxe, ou qu’elles détiennent ensemble plus de 30% du marché ». L’alinéa 3 de l’article 59
du Règlement n° 6 ajoute que « les seuls ainsi définis peuvent être révisés suivant les
évolutions du marché ».
Le critère de la part de marché a sans doute l’avantage de permettre de trier
d’emblée les opérations dont il est probable qu’elles créent ou qu’elles renforcent des
structures anticoncurrentielles. Mais il présente, dans un système de contrôle a priori
comme celui adopté par le droit communautaire, les inconvénients dirimants d’être
complexe, puisqu’il exige la détermination du marché en cause, qui est une opération
souvent délicate, et, corrélativement, de retarder le déclenchement de la procédure et la
réalisation éventuelle de l’opération.
56
B - Les critères de l’obligation au contrôle communautaire ou au contrôle national
Le critère de l’obligation au contrôle communautaire d’une opération de
concentration est sa dimension communautaire, celui de l’obligation au contrôle national
est sa dimension nationale.
La dimension nationale d’une opération de concentration dépend de la localisation
du chiffre d’affaires. Il faudrait attendre l’arrêté du Ministre chargé de la concurrence
prévu par l’article 18 de la loi du 14 juillet 1998 pour être fixé sur la localisation du
chiffre d’affaires nécessaire pour la mise en œuvre du contrôle national.
D’après le règlement communautaire n°6, une opération de concentration est
soumise au contrôle communautaire dans trois cas :
- lorsque les entreprises à l’opération réalisent ensemble sur le marché Commun
un chiffre d’affaires supérieur à 10 (dix) milliards de francs CFA hors taxe, ou qu’elles
détiennent ensemble plus de 30% du marché ;
- lorsque l’opération de concentration est susceptible d’avoir un effet dans deux
au moins des Etats membres de la CEMAC ;
- lorsque l’opération de concentration relève d’un Etat membre qui ne dispose pas
de loi nationale sur la concurrence et/ou d’une autorité nationale de la concurrence.
57
- le degré de concurrence entre les centres autonomes de décision existant dans le
marché ;
- l’éventualité de disparition du marché d’une entreprise partie prenante à la fusion, ou à
l’acquisition, ou aux actifs faisant l’objet du transfert ».
Aux termes de l’article 61 alinéa 1er du règlement communautaire n° 6, « sont
incompatibles avec le marché commun, les opérations concentration qui réduisent
sensiblement la concurrence et qui ont pour effet notamment de :
- restreindre sensiblement les possibilités de choix des fournisseurs et/ou des clients et
consommateurs ;
- limiter l’accès aux sources d’approvisionnement ou aux débouchés ».
L’article 65 du règlement communautaire n° 6 précise que l’atteinte à la
concurrence par une opération de concentration peut consister en la création ou au
renforcement d’une position dominante. L’article 61 alinéa 2 ajoute : « Les opérations de
concentration qui ne créent pas ou ne renforcent pas une position dominante et qui
n’affectent pas sensiblement la concurrence dans le marché de la CEMAC, ou dans une
partie de celui-ci, sont compatibles avec les présentes règles ».
Comme dans le cas des ententes anticoncurrentielles et des abus de position
dominante, seules les concentrations qui affectent de manière sensible la concurrence
sont considérées comme anticoncurrentielles ou incompatibles avec le marché commun.
De même, comme dans le cas des ententes anticoncurrentielles et des abus de position
dominante, il est possible d’exonérer les concentrations anticoncurrentielles.
2 - La contribution suffisante de la concentration au progrès économique
La nécessité d’établir un bilan économique des concentrations est énoncée de
manière très claire aussi bien par le texte communautaire que le texte national.
Sur le plan communautaire, le bilan économique de l’opération de concentration
doit être effectué à un double niveau : devant le Conseil communautaire de la
concurrence et devant la Commission.
Aux termes de l’article 65 du Règlement communautaire n° 6 :
« Lorsque le CCC est saisi d’une opération de concentration, il examine si elle est
de nature à porter atteinte sensiblement à la concurrence, notamment par la création ou le
renforcement d’une position dominante. Il apprécie si l’opération apporte un progrès
58
économique, une contribution suffisante pour compenser les éventuelles atteintes à la
concurrence. Il tient compte spécialement de :
-La structure de tous les marchés en cause
-La position sur le marché des entreprises concernées et leur puissance
économique et financière
-L’intérêt des consommateurs intermédiaires et finals
-L’évolution du progrès technologique pour autant que ce facteur soit à l’avantage
du consommateur
-La compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence
internationale ».
Aux termes de l’article 68 du Règlement communautaire n° 6 :
« Lorsqu’il apparait que l’opération de concentration porte sensiblement atteinte à
la concurrence dans le marché commun ou à une partie significative de celui-ci, la
Commission, sur proposition du CCC apprécie :
-Si l’opération apporte au progrès technologique une contribution suffisante ou un
gain concurrentiel pour compenser les atteintes à la concurrence ;
-Si l’opération peut être justifiée pour des motifs d’intérêt public de nature à
compenser les atteintes à la concurrence ; il en est ainsi de la préservation de la
concurrence dans un secteur d’activité ou dans une zone géographique de l’Union, de la
nécessité de préserver l’emploi ou le renforcement de la compétitivité internationale des
entreprises de l’Union ».
Sur le plan interne, l’article 17 de la loi du 14 juillet 1998 dispose qu’ « une fusion
ou une acquisition qui porte ou porterait atteinte de manière sensible à la concurrence
peut être admise si les parties à la fusion ou à l’acquisition prouvent à la Commission
Nationale de la Concurrence que :
a) la fusion a apporté ou apportera des gains d’efficience réels à l’économie nationale
dépassant les effets préjudiciables à la concurrence sur le marché ;
b) lesdits gains ne sauraient être atteints sans la fusion ou l’acquisition ».
II – La procédure de contrôle
La procédure de contrôle des concentrations est minutieusement et clairement
décrite par les textes communautaire et national. Il n’est donc pas besoin qu’on y
59
consacre de développements substantiels, sauf à préciser que les opérations de
concentration de dimension communautaire relèvent de la compétence exclusive de la
Commission sous le contrôle de la Cour de Justice communautaire.
Il convient également de souligner que les concentrations de dimension
communautaire ou nationale sont soumises au système de contrôle a priori et non a
posteriori. Le contrôle a priori implique la suspension de la réalisation de l’opération
jusqu’à l’autorisation donnée par l’autorité de concurrence compétente, et,
corrélativement, l’obligation de lui notifier cette opération. L’article 62 du Règlement
communautaire n° 6 dispose à cet égard :
« Toute opération de concentration définie à la présente section est soumise à un
contrôle préalable à sa mise en œuvre.
Une opération de concentration ne peut être réalisée qu’après la décision de la
Commission prise après l’avis du Conseil communautaire de la concurrence ».
60
TITRE III : LES REGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES AUX ETATS
MEMBRES DE LA CEMAC
61
en vertu de l’article 23 c) de la Convention régissant l’Union Economique de l’Afrique
Centrale ».
On étudiera successivement la notion d’aides d’Etat (Section 1) et leur contrôle
(Section 2).
Section 1 – La notion d’aides d’Etat
Le législateur communautaire n’a pas défini clairement la notion d’aides. A
défaut d’une jurisprudence de la CEMAC sur la question, il convient de se référer au
droit étranger pour dégager les critères de l’aide d’Etat (I). Le législateur communautaire
pose néanmoins les critères de l’incompatibilité des aides d’Etat (II) et prévoit les
exceptions à cette incompatibilité (III).
I – Les critères de l’aide d’Etat
En droit européen de la concurrence, la pratique décisionnelle de la Commission
et la jurisprudence de la CJCE ont permis de mettre en avant certains critères de
définition de l’aide d’Etat. Celle-ci peut être le fait d’une action ou d’une abstention
de l’Etat, elle est indépendante du fait de savoir si elle émane de l’Etat lui-même ou
si elle est accordée au moyen de ressources d’Etat et elle peut être comprise par
référence « au standard de l’investisseur privé ». Chacune de ces trois propositions
mérite d’être présentée.
A – L’aide peut être le fait d’une action ou d’une abstention de l’Etat
La CJCE a pu décider qu’une aide d’Etat peut procéder « non seulement des
prestations positives telles que les subventions elles-mêmes, mais également des
interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent
le budget d’une entreprise » (CJCE, 23 février 1961, Steenkolen mijnen, Rec. 39). En
d’autres termes, l’aide résulte tout autant d’une action que d’une abstention de
l’Etat.
Aux termes de l’article 78 alinéa 2 du règlement CEMAC n° 6, les aides d’Etat
peuvent notamment prendre la forme de subventions, d’exonérations d’impôts et de
taxes, d’exonérations de taxes parafiscales, de bonifications d’intérêts, de garanties de
prêt à des conditions particulièrement favorables, de fourniture de biens à des conditions
préférentielles, de couverture de pertes d’exploitation.
Aux termes de l’article 79 du Règlement n° 6, ne sont pas considérées comme
des aides publiques au sens du présent Règlement, notamment les mesures de
62
compensation en faveur d’une entreprise chargée d’obligations de services publics, dès
lors que :
- les obligations sont strictement définis ;
- la compensation préalablement définie est établie de façon objective et transparente
sans octroi d’un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire
par rapport à ses concurrents ;
- La compensation ne peut dépasser ce qui est nécessaire au regard des recettes et du
bénéfice raisonnable par rapport à ses concurrents ;
- Lorsque l’entreprise n’a pas été choisie après une procédure d’appel d’offre, la
compensation est calculée sur la base d’une analyse des coûts, qu’une entreprise
moyenne et bien gérée, a supporté pour satisfaire les exigences des obligations de
services publics.
B – L’aide peut émaner de l’Etat ou de ses démembrements
La notion d’aide d’Etat renvoie bien naturellement à l’expression « Etat » qui
doit être prise dans un sens large. Par Etat, on envisage aussi bien l’administration
centrale d’un Etat membre que ses démembrements territoriaux (régions et communes),
les entreprises publiques voire tous les organismes privés ou publics que l’Etat crée pour
gérer une aide. C’est ainsi de la CJCE a pu considérer que la fourniture d’une assistance
logistique et commerciale par une entreprise publique – la Poste – à une de ses filiales de
droit privé – Chronopost – pouvait constituer une aide d’Etat en raison du fait que la
rémunération de la seconde versée à la première était inférieure à des conditions normales
de marché (CJCE, 11 juillet 1996, SFEI, C-39/94, Rec. I-3577 ; CJCE, 1er juillet 2008,
chronopost SA, C-341/06 P et C-342/06 P Rec. I-4777). Ce qui est déterminant en
toute hypothèse, c’est le transfert de ressources étatiques.
C – L’aide peut être comprise par référence « au standard de l’investisseur privé »
La Commission européenne et la Cour de Justice européenne ont eu recours à un
standard comme indice de l’existence de l’aide d’Etat : « L’investisseur privé en
économie de marché ». Face à la variété des situations, à l’ingéniosité développée par les
Etats membres et à certaines hypothèses limites, les autorités européennes ont eu recours
à cet indice économique pertinent. Il a été retenu dans le cas de l’apport en capital à une
entreprise aux moyens de ressources d’Etat. Lorsque l’Etat – ou un de ses
démembrements – investit dans une société, la question se pose de savoir s’il en a pour
63
autant la contrepartie logiquement attendue, c’est-à-dire un retour sur investissement que
traduit le versement de dividendes. Partant de cette question, la Cour de Justice a
consacré le critère de « l’investisseur privé en économie de marché », notamment dans un
arrêt du 21 mars 1991 en ces termes « en vue de déterminer si de telles mesures
présentent le caractère d’aides étatiques, il y a lieu d’apprécier si, dans des
circonstances similaires, un investisseur privé d’une taille qui puisse être comparée à
celle des organismes gérant le secteur public, aurait pu être amené à procéder aux
apports de capitaux de cette importance ». Et la Cour de souligner que s’il ne s’agit pas
nécessairement de comportement « de l’investisseur ordinaire plaçant des capitaux en
vue de leur rentabilisation à plus ou moins long terme, il doit, au moins, être celui d’un
holding privé ou d’un groupe privé d’entreprises poursuivant une politique structurelle,
globale ou sectorielle, et guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme ».
(CJCE, 21 mars 1991, Italie c. Commission, C-305/89, Rec. I-1603). Ce critère assez
systématiquement utilisé depuis lors, semble bien être un indice de l’existence de l’aide.
Une précision importante a été apportée par la Cour dans une hypothèse qui
suscitait bien des interrogations : le cas de financements publics apportés à un prestataire
en contrepartie de l’exercice d’une mission de service public. Elle offre, d’ailleurs, la
démonstration a contrario de la pertinence du critère de l’investisseur privé. Alors que le
tribunal avait pu considérer que le fait qu’un avantage soit destiné à compenser une
charge de service public n’était pas de nature à exclure la qualification d’aide d’Etat, la
Cour de justice a adopté une position contraire dans un important arrêt du 24 juillet 2003
en jugeant qu’en principe les financements publics apportés à un prestataire en charge
d’une mission de service public ne constituent pas des aides d’Etat à condition que
l’entreprise bénéficiaire ait effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de
service public et que ces obligations aient clairement été définies, que les conditions de la
compensation aient été préalablement établies de manière objective et transparente, que
cette compensation soit strictement nécessaire, notamment au regard d’une entreprise
moyenne, bien gérée (CJCE 24 juillet 2003, Altmark, C-280/00, Rec. I-7747) … Dès
lors, une fois l’existence de l’aide établie, encore convient-il qu’elle soit effectivement
incompatible.
64
II – Les critères de l’incompatibilité des aides d’Etat
Il résulte de l’article 23 c) de la Convention régissant l’UNION Economique de
l’Afrique Centrale (UEAC) du 30 janvier 2009 qu’en vue de la réalisation des objectifs
définis à l’article 13 para c de la présente Convention, le conseil des Ministres arrête les
règlements relatifs à l’interdiction des aides publiques susceptibles de fausser la
concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Le préambule
du Règlement n° 6 dispose également que le droit communautaire de la concurrence
concerne également les pratiques étatiques, en particulier les aides publiques susceptibles
de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
L’effet de l’aide publique sur la concurrence, c’est-à-dire le fait que les aides
faussent ou qu’elles soient susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines
entreprises ou certaines productions, mérite attention. En droit européen, des hypothèses
fort variées ont pu être identifiées au fil des décisions de la Commission : maintenir
artificiellement une entreprise sur un marché, octroyer un avantage à une catégorie
d’opérateurs économiques, etc. Ce qui semble en jeu, c’est le fait qu’en aidant telle ou
telle entreprise et non toutes les entreprises, le jeu normal de la compétition est faussé.
Comme en d’autres branches du droit européen de la concurrence, la Commission a
estimé que dans certaines hypothèses, l’affectation du jeu de la concurrence pouvait être
insuffisante. On retrouve alors l’idée de seuil de sensibilité du droit de la concurrence.
II – Les dérogations à l’incompatibilité des aides d’Etat
Le règlement CEMAC n° 6 distingue entre les aides compatibles (A) et les aides
susceptibles d’être compatibles (B).
A – Les aides compatibles
L’article 81 alinéa 2 du règlement n° 6 retient deux catégories d’aides qui sont
compatibles de plein droit avec le Traité CEMAC.
Tout d’abord les aides à caractère social octroyées aux consommateurs
individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des
produits.
Ensuite, les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités
naturelles ou par d’autres événements imprévisibles et insurmontables par l’entreprise.
65
B – Les aides susceptibles d’être compatibles
Aux termes de l’article 82 du règlement n° 6, peuvent être considérées comme
compatibles avec le Marché commun :
a) les aides aux entreprises destinées à favoriser le développement économique de
régions défavorisées ou souffrant d’un retard notoire dans leur développement
économique ;
b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt sous-
régional commun, ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat
membre ;
c) les aides aux entreprises destinées à faciliter le développement de certaines activités
quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à
l’intérêt commun ;
d) les aides destinées à promouvoir la culture, la conservation du patrimoine et la
protection de l’environnement quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et
de la concurrence dans la communauté dans une mesure contraire à l’intérêt commun ;
e) les aides aux Petites et Moyennes Entreprises (PME).
La liste des aides susceptibles d’être compatibles ainsi présentée n’est pas
exhaustive. Aux termes de l’article 83 paragraphe 2, elle sera périodiquement mise à jour
par décision du Conseil des Ministres.
Aux termes de l’article 91 du règlement n° 6, les critères que doivent respecter
les aides d’Etat destinées à faciliter le développement de certaines activités prévues au
paragraphe ci ci-dessus, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une
mesure contraire à l’intérêt commun, sont les suivants :
a) les aides sectorielles doivent être limitées aux cas où la situation de l’industrie
concernée les rend nécessaires ;
b) les aides doivent restaurer la viabilité à long terme en résolvant les problèmes
structurels de l’industrie concernée et non tendre à préserver le statu quo et à différer les
décisions et les changements inéluctables ;
c) sauf si elles sont accordées pour des périodes relativement courtes, les aides doivent
être dégressives et clairement liées à la restructuration du secteur concerné ;
66
d) l’intensité des aides doit être proportionnée à celle des problèmes qu’il s’agit de
résoudre, de manière à minimiser les distorsions qu’elles provoquent dans le jeu de la
concurrence.
Ces critères sont révisables par le Conseil des Ministres.
§2 – Le contrôle des aides d’Etat
Trois organes interviennent dans le contrôle des aides d’Etat : le Conseil des
Ministres, la Commission et les juridictions nationales. Les modalités d’intervention de
chacun de ces organes sont minutieusement décrites par le règlement n° 6. De manière
générale, la Commission procède à l'examen des régimes d’aide existant et fait des
propositions au Conseil des ministres. Lorsqu’elle doute de la compatibilité d’un projet
avec le marché commun, elle ouvre une procédure. Le Conseil des ministres définit, sur
proposition de la Commission, une politique d’encadrement des aides. Il peut modifier la
liste des catégories des aides et accorder, après avis de la Commission une dérogation
pour qu’une aide ou un projet d’aide soit autorisé.
34
Art. 11 du règlement n° 4. Le seuil communautaire sera défini périodiquement par le Conseil des Ministres.
67
L’article 14 du règlement n° 4 disposait que les appels d’offres restreints peuvent
être utilisés :
a) lorsque l’urgence d’une situation est constatée ou lorsque la nature ou certaines
caractéristiques particulières d’un marché le justifient ;
b) pour des projets ou des programmes à caractère hautement spécialisé ;
c) pour les marchés de grande importance, à la suite d’une présélection.
L’article 15 du règlement n° 4 disposait à son tour que les marchés de gré à gré
pouvaient être attribués :
a) dans les cas d’urgence ou pour des actions de coopération technique de courte durée ;
b) pour des actions complémentaires ou nécessaires à l’achèvement d’autres déjà en
cours ;
c) lorsque l’exécution du marché est réservée exclusivement aux titulaires de brevets ou
de licences régissant l’utilisation, le traitement ou l’importation des articles concernés ;
d) à la suite d’un appel d’offres infructueux après une reconsultation.
En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence
auxquelles était soumise la passation des marchés publics, les personnes qui avaient un
intérêt à conclure le contrat et qui étaient susceptibles d’être lésées par ce manquement
(art. 18 alinéa 1) pouvaient saisir le CRC avant la conclusion du contrat. Ce dernier
ordonnait à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et le cas échéant,
suspendait la procédure de passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y
rapportait (art. 17).
68
CHAPITRE II : LA SOUMISSION INDIRECTE DES ETATS AU DROIT
COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE
La soumission indirecte des Etats au droit communautaire de la concurrence est
faite à travers la soumission des monopoles légaux au contrôle communautaire. Aux
termes de l’article 102 alinéa 2 du Règlement n° 6, il y a monopole légal, lorsque l’Etat
accorde à une entreprise des droits exclusifs pour exploiter un service public ou pour
produire des biens et services, que celle-ci soit une entreprise publique ou privée. Les
entreprises en situation de monopole légal doivent tout particulièrement veiller à éviter
les pratiques abusives consistant notamment à :
- pratiquer des ventes liées ;
- imposer des conditions de ventes discriminatoires injustifiées ;
- procéder au refus de vente ;
- pratiquer des ruptures injustifiées des relations commerciales ;
- utiliser les recettes qu’elles tirent de leurs activités soumises à monopole
pour subventionner leurs ventes dans d’autres secteurs (art. 102).
Aux termes de l’article 102 alinéa 1, les entreprises en situation de monopole légal sont
soumises aux règles régissant les pratiques anticoncurrentielles et notamment à celles
relatives à l’abus de position dominante, sous réserve des limitations justifiées par des
raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique et de protection de
l’environnement.
Aux termes de l’article 103, la Commission veille à l’application des dispositions du
règlement n° 6 relatives au monopole légal et aux droits exclusifs. Elle adresse, en tant
que de besoin, les décisions appropriées aux Etats membres, pour les informer qu’une
mesure est contraire aux prohibitions édictées à l’article par l’article 102 et leur demander
d’y mettre fin.
Aux termes de l’article 104, les pratiques abusives des entreprises en situation de
monopole légal sont poursuivies et sanctionnées conformément aux dispositions du
Règlement n° 6 relatives aux ententes et aux abus de position dominante.
69
DEUXIEME PARTIE : LE DROIT DE LA
CONSOMMATION
INTRODUCTION
70
La prise de conscience de la nécessité de protéger le consommateur a commencé
aux Etats-Unis d’Amérique. En effet, dès 1962, dans un discours sur l’état de l’Union, le
Président Kennedy constatait que les consommateurs représentent le groupe économique
à la fois le plus important et le moins écouté. Il souhaitait l’établissement d’une
législation d’une législation susceptible de leur assurer le plein exercice de leurs droits :
droit à la sécurité, droit d’être entendu, droit d’être informé, droit de choisir.
C’est dans les années 1970 et 1980 que la prise de conscience de la nécessité de
protéger le consommateur s’est étendue en Europe. Elle est encore plus récente dans les
pays d’Afrique en général et au Cameroun en particulier.
Cette prise de conscience s’est soldée ici et là par l’éclosion et la multiplication
d’organismes de défense et de règles protectrices. Ainsi est apparue cette nouvelle
discipline juridique que l’on appelle le droit de la consommation et qui fait désormais
partie du paysage juridique de tous les pays, qu’ils soient développés ou sous-développés,
voire très pauvres et très endettés.
Avant d’aller plus loin, il convient de définir les sujets du droit de la
consommation
§1 – Définition du professionnel
71
économique qu’elle définit comme « La personne physique ou morale, publique ou
privée, qui place ou met à disposition du consommateur sur le marché un produit, un bien
ou un service dans l’exercice d’une activité habituelle ou organisée ».
§2 – Définition du consommateur
72
- Premier élément de la définition : des personnes qui se procurent ou qui
utilisent. Ce début de définition fait apparaître qu’il existe deux catégories de
consommateurs :
D’abord ceux qui se procurent des biens ou des services dans un but non-
professionnel. Il s’agit ici de la personne qui est partie au contrat de consommation
conclu avec le professionnel.
Il existe aussi d’autres consommateurs, ceux qui utilisent des biens ou des
services. Le consommateur qui se procure des biens ou des services est souvent celui qui
les utilise. Mais il n’en est pas toujours ainsi. Un bien acheté par une personne peut, par
exemple, être utilisé par les membres de la famille, qui sont des tiers au contrat de vente.
Ces tiers utilisateurs sont eux aussi des consommateurs.
73
- D’abord dans le cas où une personne passe un acte nécessaire à sa profession
future. Pour la Cour de cassation, le but professionnel suffit à écarter l’application du
droit de la consommation, même si l’auteur de l’acte n’exerce pas une profession (Civ.
1re, 10 juill. 2001, D. 2002, somm. 932, obs. Tournafond ; D. aff. 2001, 2828, obs.
Rondey ; RTD civ. 2001, 873, obs. Mestre et Fages).
- Une autre difficulté apparaît dans le cas où une personne se procure un bien ou
un service pour un usage mixte, à la fois professionnel et non-professionnel. Il faut sans
doute appliquer à cette hypothèse la règle en vertu de laquelle le principal l’emporte sur
l’accessoire.
C’est la même définition qui a été consacrée par la loi du 6 mai 2011 qui a
remplacé les dispositions de la loi de 1990 consacrées à la protection du
consommateur. L’article 2 de la loi de 2011 définit en effet le consommateur comme
« toute personne qui utilise des produits pour satisfaire ses propres besoins et ceux des
personnes à sa charge et non pour les revendre, transformer ou les utiliser dans le
cadre de sa profession, ou toute personne qui bénéficie des prestations de service ».
74
L’avant-projet d’acte uniforme OHADA sur le contrat de consommation adopte la
même définition du consommateur pour les produits et les services. L’article 3 le définit
en effet comme « une personne physique qui se procure un bien ou un service pour son
usage personnel, familial ou domestique ». Les rédacteurs de l’avant-projet d’Acte
uniforme ont donc retenu le critère unique du but de l’acte pour les produits et les
services.
Deux cas d’extensions possibles vont être examinés : les professionnels agissant
en dehors de leur spécialité et les personnes morales.
On peut citer à titre d’illustration un agriculteur qui souscrit une assurance pour
son exploitation, un commerçant qui fait installer un système d’alarme dans son magasin,
un avocat qui achète un matériel informatique pour son cabinet. Ces actes ont un but
professionnel, les personnes qui les accomplissent n’entrent donc pas dans la définition
stricte du consommateur, en l’occurrence dans les exemples concernant les produits tels
que l’achat du matériel informatique. Pourtant, l’avocat, dans l’exemple cité, agit en
dehors de sa spécialité, il est un profane et risque donc de se trouver, vis-à-vis de son
contractant professionnel, dans une situation d’infériorité comparable à celle d’un
consommateur. Ne faut-il pas le considérer comme un consommateur ? La jurisprudence
française a déjà eu à se prononcer sur la question, mais pas la jurisprudence
camerounaise.
75
cassation refusait d’accorder à de telles personnes le bénéfice des règles protectrices et
s’en tenait donc à une conception stricte du consommateur (Civ. 1re, 15 avr. 1986, RDT
civ. 1987, 86,obs. Mestre ; Com. 10 mai 1989, RTD com. 1990, 89, obs. Bouloc).
Depuis 1995, la Cour de cassation utilise une formule nouvelle : n’est pas un
consommateur et ne bénéficie donc pas des règles protectrices celui qui conclut un
contrat présentant un « rapport direct » avec son activité professionnelle (Civ. 1re, 24
janv. 1995, D. 1995, J, 327, note Paisant ; Civ. 1re, 3 janv. et 30 janv. 1996, D. 1996, J,
228, note Paisant). Cette formule signifie, a contrario, que les règles protectrices
s’appliquent lorsque le contrat n’a qu’un rapport indirect avec la profession. Il en
résulte qu’un professionnel qui contracte pour les besoins de sa profession mais en dehors
de sa spécialité, est considéré comme un consommateur. Pour déterminer le caractère
direct ou indirect du rapport, la Cour de cassation s’en remet à l’appréciation souveraine
des juges du fond (Civ. 1re, 17 juill. 1996, JCP 1996, II, 22 747, note Paisant). Dans la
plupart des cas, le rapport est jugé direct : cette jurisprudence est finalement plus proche
d’une conception stricte que d’une conception large du consommateur.
La doctrine, quant à elle, se partage. Pour certains auteurs, il faut étendre la notion
de consommateur et considérer comme tel le professionnel qui agit en dehors de sa
spécialité professionnelle. Pour d’autres, partisans d’une conception stricte du
consommateur, celui qui agit dans un but professionnel ne peut jamais être qualifié
consommateur.
Dans une conception stricte, seules les personnes physiques peuvent être des
consommateurs. On peut néanmoins se demander s’il ne faut pas étendre la notion de
consommateur à certaines personnes morales, pour les faire bénéficier des règles
protectrices du droit de la consommation.
76
concernant le surendettement (art. L. 330-1). En dehors de ces deux cas, les textes
français laissent entière la question de savoir si leur protection peut être étendue à des
personnes morales. La Cour de Paris semblait favorable à l’extension (Paris, 5 juill. 1991,
JCP E, 1991, pan. 988 ; Paris 3 juillet 1998, D. 1999, J, 249, note Chazal). Mais la Cour
de cassation, dans un arrêt de 2005 concernant les clauses abusives, a suivi
l’interprétation de la CJCE : le consommateur ne peut être qu’une personne
physique (Civ. 1re, 15 mars 2005, D. aff. 2005, obs. Rondey).
77
TITRE UNIQUE : LES PRELIMINAIRES DU CONTRAT DE
CONSOMMATION
78
Chapitre I : L’information des consommateurs
L’information des consommateurs émane de deux sources principales : les
professionnels d’une part (Section I), les associations de consommateurs d’autre part
(Section II).
79
1) – En certains cas, les tribunaux considèrent que le défaut d’information est
constitutif de dol : le contrat sera annulé, pour vice de consentement, sur la base de
l’article 1116 du Code civil. Il convient de relever qu’il est admis depuis le milieu du
XXe siècle, que le dol peut résulter d’une simple réticence, c’est-à-dire du silence gardé
par un contractant sur une information essentielle qu’il détenait. Encore faut-il prouver
que la réticence était intentionnelle et qu’elle a déterminé le consentement de l’autre
contractant. Mais, une fois prouvée, la réticence dolosive rend toujours excusable l’erreur
qu’elle provoque (Civ. 3e, 21 févr. 2001, D. 2001, J. 2702, note D. Mazeaud).
2) – Il arrive aussi que les juges condamnent le contractant réticent à verser des
dommages et intérêts à l’autre contractant, pour réparer le préjudice causé par le défaut
d’information. Ces dommages et intérêts peuvent compléter l’annulation du contrat. Ils
peuvent aussi être obtenus en l’absence d’annulation. Dans les deux cas, les juges se
fondent sur l’article 1382 du Code civil : le contractant qui ne fournit pas à l’autre les
informations nécessaires commet une faute qui engage sa responsabilité. La
responsabilité est délictuelle parce que la faute est commise à un moment où le contrat
n’est pas encore formé.
3) – En d’autres cas, la condamnation pourra être fondée sur la garantie que doit le
vendeur à raison des défauts cachés de la chose vendue (art. 1641 et s. C.civ.) ou de sa
non-conformité. Si le défaut est caché, c’est parce que le vendeur ne l’a pas dévoilé à
l’acheteur avant la vente. La garantie peut donc être considérée comme la sanction du
défaut d’information.
Au premier rang des contrats qui font naître une obligation contractuelle
d’information ou de renseignement figure le contrat de vente. Le vendeur professionnel
80
doit fournir à l’acheteur le mode d’emploi de la chose vendue, et le cas échéant lui
indiquer les précautions à prendre. S’il ne le fait pas, il est responsable des dommages
que subira l’acheteur du fait de l’absence ou de l’insuffisance d’information. La
responsabilité est de nature contractuelle, puisque c’est le contrat qui oblige le vendeur à
renseigner l’acheteur.
Malgré son caractère général, l’obligation d’information qui vient d’être présentée
ne suffit pas à assurer l’information des consommateurs. D’une part, elle comporte, en
raison de sa généralité, une marge d’incertitude : les professionnels ne peuvent prévoir à
coup sûr le contenu de l’information qu’ils doivent donner. D’autre part, elle ne peut être
sanctionnée qu’au moyen d’actions individuelles en justice ; or, le recours aux tribunaux
se révèle, pour les actes de consommation courante, disproportionné à l’intérêt en jeu :
qui exercerait une action en justice pour n’avoir pas été informé sur la composition d’un
aliment ou sur le mode d’emploi d’un appareil ? Il faut un préjudice très important, et dès
lors exceptionnel, pour qu’un consommateur songe à invoquer l’obligation générale
d’information. Par là apparaît l’utilité des obligations spéciales.
Les obligations spéciales qui sont prévues en certains cas par les dispositions
législatives ou réglementaires impératives ne font pas disparaître l’obligation générale
d’information. Celle-ci demeure en arrière-plan. Si les mentions exigées par les textes
spéciaux ne suffisent pas à renseigner le consommateur, le professionnel doit fournir à
celui-ci des informations complémentaires. En d’autres termes, les obligations spéciales
ont un caractère minimal, elles ne dispensent pas les professionnels de leur obligation
générale d’information.
81
L’information du consommateur figure parmi les principes de la protection du
consommateur consacrés par loi du 6 mai 2011. Aux termes de l’article 3 c) de cette loi,
le principe de l’information postule que les consommateurs ont le droit d’accès à
l’information nécessaire pour faire un choix éclairé lors de toute transaction en matière de
fourniture des technologies, des biens et services. L’article 13 ajoute que « chaque
fournisseur ou prestataire d’une technologie, d’un bien ou d’un service doit fournir au
consommateur, en français et en anglais, une information juste, suffisante, claire et
lisible concernant les biens et services offerts afin de lui permettre de faire des choix
adéquats et raisonnables avant la conclusion d’un contrat ».
La loi du 6 mai 2011 n’est pas entrée dans les détails comme celle du 10 août 1990 qui
consacrait deux catégories d’obligations spéciales d’information : l’information sur les
prix et les conditions de vente, l’information sur les caractéristiques des biens et des
services. Bien que toutes ces obligations n’aient pas été reprises par la loi du 6 mai 2011,
il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’elles pèsent toujours sur le professionnel et peuvent
trouver un fondement dans l’article 13 suscité de la loi du 6 mai 2011 et dans l’article 42
(1) de la loi de 2015 régissant l’activité commerciale qui dispose que « Le professionnel
est tenu, avant la conclusion du contrat de vente ou de la prestation de service,
d’apporter par tout moyen au consommateur, les informations loyales et sincères
relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service qu’il propose, aux
garanties et conditions de vente pratiquées». Aussi allons-nous étudier tour à tour
l’information du consommateur sur les prix et les conditions de la vente (A) et
l’information du consommateur sur les caractéristiques des technologies, des biens et des
services (B).
Le principe est posé par l’article 46 de la loi de 2015. Aux termes de l’alinéa 1er de
ce texte : « Tout vendeur ou tout prestataire de service doit obligatoirement informer
les clients sur les prix, les tarifs et les conditions de vente des biens et services ». Cette
information doit être fournie aux consommateurs par voie de « marquage, étiquetage,
affichage » ou par d’autres moyens « appropriés » (art. 46 alinéa 2). Il faut que tous
puissent aisément connaître, avant la conclusion du contrat et sans interroger le vendeur
ou prestataire, le prix qui leur sera demandé. Le but est non seulement de protéger les
consommateurs, mais encore de favoriser la concurrence, par la transparence du marché.
82
La règle relève donc à la fois du droit de la consommation et du droit de la
concurrence.
L’alinéa 2 de l’article 20 de la loi du 10 août 1990 ajoutait que pour les biens de
consommation courante, doivent être portées à la connaissance du consommateur les
conditions de vente desdits biens. Cette disposition se justifie parfaitement : le montant
du prix n’est pas le seul élément déterminant pour le consommateur. Les conditions de
vente ont aussi leur importance et peuvent influer sur le prix, par exemple une livraison à
domicile, ou encore une garantie de bon fonctionnement.
Cette obligation spéciale était posée par l’article 21 – a) de la loi du 10 août 1990 qui
disposait : « Toute entreprise commercialisant au Cameroun à l’état neuf des biens de
consommation durable, qu’ils soient à usage professionnel ou non, est tenu de délivrer,
lors de chaque vente, une notice rédigée en français et en anglais, rappelant les
caractéristiques essentielles du bien en cause … ».
Cette obligation a été reprise par l’article 10 alinéa 2 de la loi du 6 mai 2011 qui dispose :
« La technologie, le bien ou le service fourni ou livré doit être accompagné d’un
manuel, d’un reçu ou de tout autre document contenant, entre autres, des informations
relatives aux caractéristiques techniques, au mode de fonctionnement, à l’utilisation et
à la garantie ».
Le principe ainsi posé ne fait qu’appliquer aux relations entre les professionnels et
consommateurs l’obligation générale d’information dégagée par la jurisprudence.
83
L’article 24 de la même loi poursuit que les associations de consommateurs
peuvent mettre en œuvre des programmes d’information portant entre autres sur
l’information sur les poids et mesures, les prix et la qualité, la disponibilité des biens et
services et la préservation de l’environnement.
84
Chapitre II : Les pratiques commerciales
En vertu du principe de libre concurrence, qui est à la base de notre système
économique, chaque entreprise choisit librement les méthodes qu’elle entend pratiquer.
Mais ce principe a dû être limité car il pourrait conduire à l’emploi de procédés agressifs,
qui lèseraient deux catégories de personnes : les concurrents d’une part, et spécialement
les plus faibles, incapables d’utiliser les mêmes méthodes ; les consommateurs d’autre
part, poussés par des méthodes efficaces à des achats inutiles et dispendieux.
Mais plusieurs autres pratiques sont encadrées. Elles peuvent être regroupées en
deux catégories : les méthodes de distribution (section 1) et les procédés incitatifs
(section 2)
§1 – La vente à distance
85
apparaît un ensemble plus vaste que la vente par correspondance, ensemble qui
reçoit le nom de vente à distance.
86
à distance. Certaines entreprises, n’adhérant à aucun syndicat, bafouent la discipline
professionnelle. Et les risques d’abus ont été accrus par l’utilisation des moyens
modernes de télécommunication.
Le législateur français est donc intervenu. Il l’a fait par touches successives : des
lois du 6 janvier 1988, du 23 juin 1989 et du 18 janvier 1992 ont posé des règles
impératives concernant les ventes à distance, règles qui ont été introduites dans le Code
de la consommation. La pièce maîtresse est le droit de rétractation accordé à
l’acheteur. Ce droit est consacré par l’article L. 121-20 du Code de la consommation qui
accorde au consommateur un droit de rétractation pendant un délai de sept jours francs
qui court, si le contrat est une vente, de la réception du bien vendu.
87
les commerçants au Cameroun et qu’elle ne présente pas seulement des avantages, cette
méthode de vente mérite d’être étudiée.
Cette exigence était posée par l’article 30 – b de la loi du 10 août 1990 qui
prévoyait que le démarcheur qui obtenait un consentement devait faire signer par le
consommateur un contrat comportant diverses mentions destinées à éclairer le
consentement de celui-ci :
88
- les conditions d’exécution du contrat notamment le lieu et le délai de
livraison ;
2° – La faculté de renonciation
Le délai de réflexion prévu par l’article 30 – c de la loi du 10 août 1990 était plus
long que celui prévu par le législateur français. Le délai camerounais était de 15 jours
alors que le délai français est de 7 jours. Aux termes de l’article 30 – c, le client disposait
d’un délai de 15 jours, jours fériés compris, à compter de la signature du contrat, pour y
renoncer par tout moyen écrit, daté et signé porté à la connaissance du démarcheur et
réceptionné par lui. En cas de courrier postal, le cachet de la poste faisait foi. Ce délai
était prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant lorsqu’il expirait le samedi, un
dimanche ou un jour férié et chômé.
89
3° - Pour laisser au client une entière liberté de renonciation, l’article 30 - d interdisait au
démarcheur d’exiger à quelque titre que ce soit un quelconque paiement du client. Un
client qui aurait déjà payé ne se sentirait pas libre de renoncer, car il craindrait de perdre
la somme versée.
§3 – La vente multiniveau
Le système est organisé de telle sorte que les adhérents y trouvent un profit, ou
du moins espèrent l’y trouver. Ce profit résulte de la différence entre le prix d’achat et le
prix de revente, ainsi que de commissions éventuelles. Il est d’autant plus élevé que
l’adhérent vend une plus grande quantité de produits et recrute un plus grand nombre
d’adhérents.
Le législateur camerounais est intervenu en 1990 pour tenter d’éviter des abus.
L’article 26 de la loi du 10 août 1990 interdisait en effet les ventes pratiquées selon le
procédé dit « de boule de neige » ou tout autre procédé analogue consistant à proposer à
90
une personne de collecter des adhésions, des inscriptions, de placer des bons ou tickets de
façon à acquérir des marchandises à une valeur inférieure à leur valeur réelle, voir
gratuitement. Cet article 26 a été repris par la loi de 2015. L’article 81 alinéa 1 de cette
loi interdit la vente consistant à offrir des marchandises au public en lui faisant espérer
l’obtention de ces marchandises à titre gratuit ou contre remise d’une somme inférieure à
leur valeur réelle tout comme le fait de proposer à une personne de collecter des
adhésions en lui faisant espérer des gains financiers résultant d’une augmentation du
nombre de personnes recrutées.
Les procédés incitatifs sont des pratiques commerciales par lesquelles les
entreprises, une fois établie une méthode de distribution, cherchent à attirer les
consommateurs. Les professionnels attirent principalement les consommateurs au moyen
de la publicité (§1). A la publicité s’ajoutent parfois des procédés destinés à rendre les
achats plus attrayants. Ces procédés peuvent être groupés en deux catégories : tantôt le
professionnel fait espérer à ses clients des prix réduits (§2), tantôt il leur octroie des
avantages en nature (§3).
§1 – La publicité
35
- Code international des pratiques déloyales en matière de publicité, élaboré par la chambre de commerce
internationale. Cité par S. GUINCHARG, Juriscl. Contrats-Distribution, Fasc 1580, nErreur ! Signet non défini.3.
36
- Douai 29 oct. 1975, Ann. prop. ind. 1976. 164 : "La vente moderne est fondée sur la publicité".
91
tantôt la protection des consommateurs, tantôt la protection des concurrents 37. La
protection des consommateurs contre les abus la publicité se réalise d'une part à travers
l'interdiction ou la réglementation de la publicité en faveur de certains produits ou
services, à travers l'interdiction de certaines formes de publicité quel que soit le produit
ou le service proposé et, d'autre part, par l'incrimination de la publicité abusive et de la
publicité mensongère, voire simplement trompeuse (article 8 alinéa 1er de la loi du 6 mai
2011). Seule cette dernière nécessite quelques développements.
La répression de la publicité mensongère n'est pas unanimement admise par les
auteurs. Pour une partie de la doctrine, le mensonge est essentiel à la publicité et on ne
saurait interdire celui-ci sans remettre en cause le principe même de l'admission de la
publicité. En effet, la publicité est partiale par définition puisque l'information qu'elle
véhicule est fournie par des producteurs dont l'intention claire est de vendre38. Mais cette
opinion n'a pas triomphé en droit positif.
Le problème majeur que pose la publicité mensongère est celui du critère de son
appréciation. Cette question n’a pas été tranchée par la loi du 6 mai 2011. Il faut donc se
reporter à celle de 1990 et à l’Annexe V de l’Accord de Bangui sur la propriété
intellectuelle. Il ressort de ces deux textes que la publicité peut être soit objectivement
mensongère, soit subjectivement mensongère.
92
moderne de suggérer plutôt que d'affirmer. La détermination de la publicité
subjectivement mensongère fait appel au pouvoir d'appréciation du juge. Celui-ci doit
examiner dans chaque cas si elle a eu pour effet de provoquer une erreur chez la clientèle.
Mais le véritable problème est de savoir à quelle catégorie de victimes on doit se référer
pour apprécier le caractère licite ou illicite d'une publicité de nature à induire en erreur.
Autrement dit, doit-on l'apprécier in abstracto ou in concreto ?
Il nous semble nécessaire, si l'on ne veut pas donner à l'expression "de nature à
induire en erreur" une portée trop vaste, de retenir l'appréciation in abstracto. Cette
expression nous semble suffisamment large pour protéger le client naïf, sans qu'il soit
besoin de recourir à une appréciation in concreto. Mais l'appréciation in abstracto doit
varier en fonction du public visé par la publicité. En droit français par exemple, c'est cette
appréciation qui a triomphé en jurisprudence. Les juges du fond autant que la Cour de
Cassation font référence au client d'attention moyenne41 pour déterminer le caractère
mensonger ou non de la publicité.
41
- V. Paris 14 oct. 1981, Gaz. Pal. 1982,II. somm. 92: "L'appellation "Sirop Evian" est, en elle-même, de nature à
faire croire à l'acheteur d'attention moyenne ..." ; Com. 22 déc. 1980, J.C.P. 1981, éd. G. IV, 95: "Use d'une
publicité de nature à induire en erreur la clientèle, le commerçant qui présente fallacieusement comme "équivalent"
à trois mètres un rouleau de papier de 2,85 mètres grâce à son enroulement spirale, le client d'attention moyenne ne
retenant que l'idée erronée qu'il a acheté trois mètres de papier...".
93
trompeurs, ou même s’ils poussent à des achats inconsidérés. Ainsi sont apparues dans
certains pays comme la France des règles visant à protéger à la fois les concurrents et les
consommateurs contre les dangers de la promotion par les prix. La loi du 6 mai 2011,
comme celle du 10 août 1990, ignore la majorité des procédés de réduction des prix.
Ainsi, les procédés comme les prix d’appel, les ventes en solde, en liquidation, au
déballage, par lots ou par grandes quantités, ne sont soumis à aucun contrôle en
droit camerounais alors pourtant qu’ils présentent de nombreux inconvénients pour le
consommateur.
94
Quant à la loi du 6 mai 2011, ses articles 4 et 8 interdisent de manière générale
les pratiques commerciales inéquitables qui peuvent avoir des effets négatifs sur les
droits du consommateur. L’article 12 alinéa 1er interdit de manière spécifique les ventes
liées en ces termes : « La vente ou l’acquisition d’une technologie, d’un bien ou d’un
service conditionnées à l’achat d’une autre technologie, bien ou service par le même
consommateur sont interdites et doivent être réprimées ».
Pour inciter les clients à l’achat, certains commerçants attribuent, en sus des
biens ou services qu’ils fournissent à titre onéreux, des biens ou services à titre gratuit, ou
du moins à des conditions avantageuses. Cette méthode de promotion présente plusieurs
inconvénients :
- elle conduit certains consommateurs à fonder leurs choix sur des raisons
futiles et à oublier les critères de qualité et de prix ;
- elle entraîne une hausse des prix, car la valeur des avantages octroyés est
nécessairement récupérée par ailleurs ;
Pourtant, si les avantages en nature ont été réglementés, c’est moins pour
protéger les consommateurs que les petits commerçants. Ces derniers sont en effet
incapables d’accorder de pareils avantages. Ils ont demandé que la concurrence reste sur
son terrain naturel, qui est celui de la qualité et du prix. Ils ont été entendus en droit
français où les avantages en nature font l’objet d’une réglementation complexe, qui les
divise en trois catégories : les ventes avec primes, les loteries et les concours. Qu’en est-il
en droit camerounais ?
Quant à la loi du 10 août 1990, elle comportait un article 23 qui disposait que les
conditions de vente ou offres de vente des prestations ou offres des services faites aux
95
consommateurs et donnant droit, à titre gratuit, à une prime seront fixées par voie
réglementaire. Ce texte réglementaire n’a jamais été pris.
Quand elles n’exigeaient des participants aucune contrepartie, les loteries étaient
licites. Mais en droit français et contrairement à la loi camerounaise de 1990, les loteries
licites sont soumises à des règles impératives, destinées à éviter les abus qui avaient pu
être constatés. Outre l’exigence d’un bon de participation distinct, la loi pose deux
catégories de règles :
- d’une part, les documents présentant l’opération publicitaire sont soumis à des
exigences de forme, de façon à fournir aux participants une information aussi complète et
objective que possible (art. L. 121-37 C. com.) ;
96
cassation reconnaît depuis 1990 qu’il s’agit d’une publicité trompeuse. La question se
pose cependant de savoir quelles sont les conséquences civiles d’une telle pratique. Sur
ce plan, la Cour de cassation est passée par plusieurs phases :
- Elle a d’abord appliqué l’article 1382 du Code civil (Civ. 1re, 3 mars 1988, D.
1988, somm. 405, obs. Aubert ; D. 1990, somm. 105, obs. Galvada et Lucas de Leyssac ;
Civ. 2e, 28 juin 1995, D. 1996, J. 180, note Mouralis). L’annonceur qui envoie un
message trompeur commet indéniablement une faute. La difficulté est d’évaluer le
préjudice ; celui-ci peut s’analyser « comme une déception de ne pas avoir gagné ce qui
était apparemment promis et comme la sensation désagréable d’avoir été traité comme un
imbécile » (Toulouse, 15 déc. 1997, JCPE 1998, 730) ; il est difficile d’admettre que le
préjudice puisse atteindre la valeur du gain espéré.
- Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a considéré que l’annonceur avait pris
un engagement unilatéral qu’il devait respecter (Civ. 1re, 28 mars 1995, D. 1995, somm.
227, obs. Delebecque ; RTD civ. 1995, 886, obs. Mestre). Ce fondement permet de
condamner l’annonceur à remettre au destinataire le lot promis ou de verser sa valeur en
argent. Mais il n’est pas sûr qu’une obligation puisse naître d’un simple engagement
unilatéral.
- Par la suite, la Cour de cassation a admis qu’un véritable contrat s’est formé, le
destinataire ayant accepté l’offre faite par l’annonceur : celui-ci est donc
contractuellement obligé de livrer le lot ou d’en payer la valeur (Civ. 2e, 11 févr. 1998, D.
1999, somm. 109, obs. Libchaber ; Civ. 1re, 12 juin 2001, JCP, 2002, II, 10104, note
Houtcieff, D. 2002, somm. 109, obs. Mazeaud).
97
2002, AJ, 2531, obs. Lienhard ; D. 2002, J, 2963, note D. Mazeaud ; JCP 2002, II,
10173 ; Civ. 1er, 18 mars 2003, D. 2003, IR, 1006).
98
Chapitre 3 : Les conditions générales des contrats
Les conditions générales peuvent se définir comme les clauses prérédigées des
contrats conclus par une personne avec une série d’autres personnes. Elles ne sont pas
spécifiques du droit de la consommation. On les rencontre chaque fois qu’une personne
est assez puissante pour imposer des clauses identiques à tous ses contractants : ainsi
dans les rapports entre un employeur et ses salariés, entre un franchiseur et ses franchisés.
Les conditions générales sont particulièrement fréquentes dans le domaine de la
consommation, un professionnel imposant des clauses identiques à tous ses clients
consommateurs. Elles font, en ce domaine, l’objet de règles spécifiques qu’il convient
d’examiner dans le cadre de ce chapitre.
Les conditions générales ne peuvent pas être négociées : elles conduisent donc à
des contrats d’adhésion. Ces derniers sont indispensables dans un système de production
et de distribution de masse. Ils présentent, pour les entreprises, des avantages évidents,
puisqu’ils assurent à la fois la rapidité et la sécurité des transactions. Mais ils sont
dangereux pour les consommateurs. Ces derniers adhèrent globalement au contrat, sans
connaître toutes les clauses. Ils font confiance. Or, cette confiance risque d’être déçue,
car les contrats sont évidemment rédigés en faveur des professionnels qui les proposent :
les contrats prérédigés sont le plus souvent des contrats déséquilibrés.
Pour lutter contre ce déséquilibre, deux théories peuvent être mises en œuvre.
L’une s’inspire du principe de l’autonomie de la volonté, l’autre met l’accent sur
l’équilibre qui doit régner dans les contrats. Certes, les deux théories sont étroitement
liées, sur le plan de la politique juridique : l’exigence d’un consentement éclairé vise à
éliminer les déséquilibres, et réciproquement la recherche d’un équilibre contractuel tend
à éliminer les clauses qui n’ont pas à leur base une volonté éclairée. Il n’en demeure pas
moins que, sur le plan de la technique juridique, les deux théories sont bien distinctes.
Elles feront l’objet des deux sections de ce chapitre.
Les contrats prérédigés, comme tous les contrats, tirent leur force obligatoire
d’un accord de volonté. Mais, dans un contrat prérédigé, les deux volontés ne sont pas
également éclairées. Celui qui propose le contrat connaît les clauses qui s’y trouvent.
99
Celui qui adhère risque de les ignorer ou de les mal comprendre. Certaines règles de
droit, inspirées du principe de l’autonomie de la volonté, viennent donc au secours du
contractant le plus faible, et spécialement du consommateur. Les unes ont un caractère
préventif : elles tendent à éclairer, avant la conclusion du contrat, la volonté de celui qui
adhère (§1). Comme ces règles préventives sont loin d’être parfaitement efficaces,
d’autres règles ont un caractère curatif : elles tirent les conséquences du défaut ou du vice
du consentement (§2).
L’article 1341 du Code civil exige que la convention soit passée par écrit
lorsqu’elle excède une valeur fixée par décret (elle est de 800 euros en Droit français et
de 5 000 FCFA en droit camerounais). Cet écrit est exigé ad probationem, pour la preuve
du contrat, et non pour sa validité ; il n’en est pas moins utile pour éclairer le
consentement des parties.
La loi du 6 mai 2011 quant à elle impose un écrit pour tout accord-standard ou
contrat d’adhésion, quelle qu’en soit la valeur. L’article 6 alinéa 1er dispose en effet que
les accords-standards ou contrats d’adhésion doivent être rédigés en français et en
anglais.
L’article 9 de la loi du 6 mai 2011 pose une exigence spécifique pour les
consommateurs de crédit. Ce texte dispose en effet : « S’agissant de l’octroi des crédits
au consommateur pour la fourniture de technologies, de biens et services, le
fournisseur ou prestataire est tenu d’informer le consommateur par écrit sur le prix
comptant, le montant de l’intérêt, le taux annuel à partir duquel cet intérêt est calculé,
le taux d’intérêt sur les arriérés, le nombre de traites payables, la fréquence et la
périodicité de ces traites et le montant total à payer ».
100
2 – L’obligation de clarté
En droit français, une loi du 1er février 1995 a généralisé la règle à l’ensemble
des contrats de consommation. Ainsi, aux termes de l’article L. 133-2 du Code de la
consommation, « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux
consommateurs ou non-professionnels doivent être présentés et rédigés de façon claire et
compréhensible ».
Pour certains contrats, la loi ne se borne pas à exiger un écrit, elle prévoit les
mentions qui doivent y figurer. Il en ainsi en droit camerounais du contrat d’assurance
régi par le Code des assurances de la CIMA (art. 8 relatif aux mentions du contrat
d’assurance) et des contrats proposés par démarchage à des consommateurs (v. supra).
101
4 – La remise préalable des documents contractuels
5 – Le délai de réflexion
La loi de 1990 n’a prévu de délai de réflexion que dans les contrats proposés par
démarchage (v. supra). En droit français en revanche, le délai de réflexion existe dans
plusieurs hypothèses (contrats à distance, contrats proposés par démarchage, contrats
réalisant une opération de crédit à la consommation, contrats d’enseignement à distance,
contrats de courtage matrimonial, etc.).
102
Il peut cependant arriver que la nullité frappe non pas tout le contrat, mais
seulement une ou plusieurs clauses, qui, prérédigées par l’une des parties, n’ont pas été
acceptées par l’autre, et qui doivent donc être exclues du contrat faute d’accord de
volonté : elles sont, dit-on, inopposables au contractant qui ne les a pas acceptées. Cette
nullité partielle est inconcevable pour les clauses essentielles : un défaut d’accord sur
la chose, sur le prix ou sur une obligation principale entraînerait la nullité du contrat tout
entier. Mais il existe souvent, dans les conditions générales, et spécialement dans celles
proposées aux consommateurs, des clauses accessoires, qui ne déterminent pas la
volonté de contracter : elles tendent seulement à améliorer la situation contractuelle de
l’offrant (clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité, clauses pénales, clauses
attributives de compétence). Ces clauses accessoires peuvent être annulées sans que le
contrat le soit. L’annulation de la clause doit cependant entraîner celle du contrat si
l’offrant prouve que son consentement a été déterminé par la présence de la clause (V. B.
TEYSSIE, Réflexions sur les conséquences de la nullité d’une clause du contrat, D. 1976,
chron. 281).
Diverses théories auraient pourtant permis, si elles avaient été poussées plus
loin, de lutter contre les déséquilibres contractuels : la théorie de la lésion, le
principe de bonne foi, l’abus de droit et la théorie de la cause. S’agissant de cette
dernière, l’article 1131 du Code civil énonce que l’obligation sans cause ne peut avoir
aucun effet. Un contrat à titre onéreux est donc nul si l’obligation d’un contractant n’a
aucune contrepartie. Entendue en ce sens, l’absence de cause est presque une hypothèse
d’école. Mais une jurisprudence qui s’est formée dans les années 1990 se fonde sur
l’article 1131 pour annuler les clauses qui contreviennent à un engagement essentiel,
notamment celles visant à écarter ou limiter la responsabilité de l’un des contractants
103
(Arrêt Chronopost, Com. 22 oct. 1996, D. 1997, J, 121, note Sériaux). Ce genre de clause
se trouve souvent dans les conditions générales. Il ne faut cependant pas exagérer la
portée de la jurisprudence qui se fonde sur la théorie de la cause : elle peut conduire à
l’annulation de certaines clauses, mais non à l’élimination de tous les déséquilibres
contractuels.
L’échec partiel des théories précédentes montre que le droit civil classique
préfère la sécurité des transactions à l’équilibre contractuel. Personne, dit-on,
n’oserait contracter si le contrat pouvait toujours être remis en question par l’une des
parties. Cette idée n’est pas fausse, mais elle risque, si elle est poussée trop loin, de
mettre les contractants les plus faibles à la merci des plus puissants. C’est pourquoi, à
défaut de principe général, trop dangereux par son imprécision, le droit positif
français récent, et dans une moindre mesure le droit camerounais, accumulent les
règles particulières, dans le but de lutter contre tel ou tel déséquilibre. Mais les
règles et procédés mis en place ne cherchent pas à assurer l’équivalence fondamentale
entre la prestation fournie et le prix demandé. Concernant principalement les conditions
générales, ils tendent seulement à faire régner un certain équilibre dans les clauses du
contrat.
A cette fin, deux procédés sont mis en œuvre. L’un est négatif : il consiste à
lutter contre les clauses abusives qui figurent dans les contrats prérédigés (§1). L’autre
est positif : il consiste à déterminer par avance des clauses déséquilibrés (§2).
Sous l’empire du titre IV de la loi 10 août 1990, les clauses abusives étaient
sanctionnées par l’article 27 en ces termes : « Sont réputées non écrites les clauses des
contrats conclus entre professionnels et consommateurs et qui confèrent un avantage
excessif aux professionnels en leur permettant de se soustraire, pour partie ou au total à
leurs obligations légales ou contractuelles ».
La nouvelle définition de la clause abusive donnée par la loi du 6 mai 2011 est la
suivante : on entend par clause abusive « toute clause qui est ou qui semble être imposée
au consommateur par un fournisseur ou prestataire de service qui a une supériorité
économique sur le consommateur, donnant au premier un avantage injuste,
104
déraisonnable ou excessif sur le second ». L’alinéa 1er de l’article 5 de la loi du 6 mai
2011, qui donne l’énumération des clauses abusives, les considèrent comme nulles.
B – Le critère de l’abus
105
Aux termes de l’article L. 132-1 al. 5 du Code français de la consommation, le
caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du
contrat, à toutes les circonstances entourant sa conclusion, de même qu’à toutes les autres
clauses du contrat ; il s’apprécie également au regard de clauses contenues dans un autre
contrat lorsque le conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent
juridiquement l’une de l’autre (par exemple un prêt lié à une vente).
Le caractère abusif d’une clause est parfois lié au fait qu’elle est obscure ou
ambiguë. Il est abusif, de la part d’un professionnel, de se donner la possibilité
d’interpréter à son profit les clauses du contrat. Celui-ci doit être transparent (Civ. 1re, 19
juin 2001, JCP 2001, II, 10631, note Paisant).
La liste des clauses abusives est donnée par l’article 5 alinéa 1er de la loi du 6
mai 2011.
Les clauses abusives peuvent être éliminées des contrats suivant deux méthodes :
la nullité des clauses dans les contrats déjà conclus et la suppression des clauses dans les
modèles de contrats à conclure. Seule la première méthode a été adoptée par le législateur
camerounais. Il y a cependant eu évolution sur ce point. Alors que l’article 27 de la loi du
10 août 1990 disposait que les clauses abusives sont réputées non écrites, l’article 5 de la
loi du 6 mai 2011 les considèrent comme nulles. Dans un cas comme dans l’autre, la
nullité n’atteint que la clause, mais non le contrat. La solution est conforme à l’intérêt du
consommateur, qui entend généralement maintenir le contrat purgé de ses clauses
abusives. Cette sanction est nécessaire, mais elle ne saurait suffire. Elle implique en effet
que le contrat soit, après sa conclusion, porté devant un juge, ce qui est rare dans les
affaires de consommation. A supposer même qu’une clause soit déclarée nulle par un
106
juge, cette décision n’aura d’effet que pour le consommateur partie au litige. Dans de
nombreux contrats, la clause abusive s’appliquera, du moment qu’elle est écrite, sans que
le consommateur songe même à invoquer sa nullité. La solution de la nullité permet de
protéger ponctuellement quelques consommateurs, mais ne permet pas de régler
globalement le problème des clauses abusives. D’où la nécessité pour le législateur
camerounais d’adopter la seconde méthode d’élimination des clauses abusives qui
consiste dans la suppression de celles-ci dans les modèles de contrats à conclure.
107
Table de matière :
Introduction générale
§1 – La part de marché
108
1 -la pluralité des auteurs de l’entente
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II - La compétence respective des autorités nationales et communautaires pour
l’application des règles communautaires
A – La compétence des autorités communautaires
B – La compétence des autorités nationales pour l’application du droit communautaire
Chapitre II – L’institution d’un contrôle des concentrations économiques susceptibles de
porter atteinte à la concurrence
Section I – Définition des concentrations économiques
Section II – L’organisation du contrôle des concentrations économiques
I – Les critères de contrôle
A – Les critères de l’obligation au contrôle en soi
B - Les critères de l’obligation au contrôle communautaire ou au contrôle national
C – L’incompatibilité ou la compatibilité de l’opération de concentration avec le marché
national ou communautaire
1 - L’atteinte à la concurrence
2 - La contribution suffisante de la concentration au progrès économique
II – La procédure de contrôle
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Section 2 : La mise en concurrence et la publicité des marchés publics
§1 – Définition du professionnel
§2 – Définition du consommateur
111
§2 – La vente par démarchage
§3 – La vente multiniveau
§1 – La publicité
2 – L’obligation de clarté
5 – Le délai de réflexion
B – Le critère de l’abus
112
113