Droit de La Concurrence Et de La Consommation 2023

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UNIVERSITE DE YAOUNDE II

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES


ANNEE ACADEMIQUE 2023/2024
SEMESTRE I

MASTER I DPR/DAFE

DROIT DE LA CONCURRENCE ET DE LA CONSOMMATION

Par

Grégoire JIOGUE
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur Titulaire

Assisté de :

Dr ATANGANA MBASSI Emmanuel Christian


Chargé de Cours

1
Le droit de la concurrence et le droit de la consommation ont des objets distincts, même
si certaines de leurs finalités sont identiques, en l’occurrence la protection des
consommateurs.
Le droit de la concurrence a pour objet la réglementation des rapports entre les opérateurs
économiques, alors que le droit de la consommation a pour objet la réglementation des
rapports entre les professionnels et les consommateurs.
En raison de la différence d’objet des deux matières, celles-ci méritent d’être étudiées
séparément.
Notre cours comportera donc les deux parties suivantes :
- Le Droit de la concurrence (Première partie)
- Le Droit de la consommation (Deuxième partie)

2
PREMIERE PARTIE : LE DROIT DE LA CONCURRENCE

La concurrence, qui est définie dans le langage économique comme la compétition


qui se joue, sur un même marché entre plusieurs individus dans l'intention d'atteindre plus
complètement une fin économique, en particulier l'offre de produits ou de services qui
satisfont des besoins égaux ou proches, ne peut jouer véritablement son rôle d'instrument
de progrès économique et social que lorsqu'elle est libre. Aussi parle-t-on dans tous les
systèmes d'économie de marché de liberté de la concurrence ou de libre concurrence.
La notion de libre concurrence n'a pas la même signification sur le plan
économique et sur le plan juridique.
Du point de vue économique, la libre concurrence est un processus de
confrontation des offres et des demandes tel que les entreprises sont spontanément, c'est-
à-dire librement conduites à offrir le meilleur rapport qualité/prix pour satisfaire la
demande exprimée.
Du point de vue juridique, la libre concurrence est l'affirmation de l'égalité de
tous les citoyens en présence des effets de la concurrence1. Le principe de la liberté de la
concurrence est au centre du droit de la concurrence. Ce principe suppose dans son
essence, une triple affirmation.
La première affirmation est celle de la liberté économique individuelle. Dans un
système économique libéral, chaque individu a « le droit d'user librement de ses facultés
intellectuelles et physiques, de choisir le genre d'occupation privée qui lui convient, de
faire de ses talents et de ses richesses l'emploi qu'il veut... d'acheter et de vendre en l'état
de pleine concurrence »2.
La deuxième affirmation est celle de la licéité du dommage concurrentiel. La
compétition pour la recherche de la clientèle étant libre, tout professionnel peut s'attirer la
clientèle d'autrui. Autrement dit, la liberté de la concurrence permet d'attirer les
acheteurs, même s'ils sont déjà clients d'un concurrent. Comme le dit un auteur, « La
liberté d'agir du concurrent qui cause le dommage l'emporte alors sur la sécurité de son
rival malheureux »3.

1
M. ROTONDI, Avviamento et concurrence déloyale, R.T.D. Com. 1956, pp.13 et s.
2
Le TROSSE, L'ordre social, cité par Roger LE MOAL, Contribution à l'étude d'un droit de concurrence, thèse, Rennes, 1972,
p. 20.
3
R. PRIEUR, Contribution à l'étude de la concurrence sur le marché, R.T.D. Com. 1960, p.521.

3
La troisième affirmation postule que l'action des individus constitue le seul et
unique moyen permettant d'assurer l'équilibre des forces sur le marché. Ainsi, toute
intervention directe ou indirecte de l'Etat sur le marché constituerait une entrave au
fonctionnement de la concurrence. La liberté de la concurrence est donc incompatible
avec la planification, c’est-à-dire l’« organisation fondée sur l’administration par
l’Etat de l’ensemble de la vie économique, production, répartition des produits et
des services, fixation des prix, attribution des crédits, etc. »4.
Mais, le principe de la liberté de la concurrence ainsi défini n’a plus droit de cité
aujourd'hui. Dans tous les systèmes d'économie libérale, la liberté de la concurrence a
subi de nombreuses atteintes, et celles-ci se sont multipliées au fil des temps, au point
qu'on peut à juste titre se demander ce qui reste du principe de la liberté de la
concurrence5!
Les limitations apportées à la liberté de la concurrence trouvent leurs
justifications dans les multiples abus qu'engendrerait l'exercice incontrôlé de cette liberté
économique. Ces limitations ont donné naissance à une discipline juridique qu'il est
convenu d'appeler droit de la concurrence. Sous ce vocable, on désigne l'ensemble des
règles qui assurent l'organisation de ce phénomène fondamental de l'économie capitaliste
qu'est la concurrence.
Les règles du droit de la concurrence ne forment pas une catégorie homogène.
Elles connaissent trois subdivisions : le droit de la concurrence déloyale ; le droit de la
concurrence anti-contractuelle et le droit des pratiques anticoncurrentielles. Cette
distinction s'est faite sur la base des types d'abus qui peuvent résulter de la compétition
économique. Il convient de mettre en exergue d’une part la différence entre le droit de la
concurrence déloyale et le droit de la concurrence anticontractuelle (I) et, d’autre part, la
différence entre le droit de la concurrence déloyale et le droit des pratiques
anticoncurrentielles (II).

4
A. DECOCQ et G. DECOCQ, Droit de la concurrence interne et communautaire, L.G.DJ., Paris, 2 e éd., 2004, p.
13.
5
V. dans le même sens, Yves GUYON, “Que reste-t-il du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ?” in Dix ans de
droit de l'entreprise, pp. 4 et s.

4
I - La différence entre le droit de la concurrence déloyale et le droit de la
concurrence anti-contractuelle

Comme le droit de la concurrence déloyale, le droit de la concurrence anti-


contractuelle a été introduit dans les pays d’Afrique Noire Francophone par le biais de la
colonisation. Celui-ci n'a cependant pas le même objet que celui-là.
Le droit de la concurrence anti-contractuelle prohibe, indépendamment de la
nature des moyens utilisés dans la compétition économique, la concurrence qui est faite en
violation d'une interdiction contractuelle de concurrence. En effet, en dépit du caractère
d'ordre public du principe de la liberté de la concurrence, la jurisprudence française a
admis depuis la fin du XIXe siècle, que ce principe pouvait être valablement restreint par
une clause de non-concurrence insérée dans un contrat civil ou commercial (Voir Req. 21
fév. 1862, D.P. 1862, I, 185; Req. 28 fev. 1865, D.P. 1865, I ,425. Dans ce dernier arrêt, la
cour de cassation déclare que « a convention par laquelle l'une des parties se soumet envers
l'autre à ne pas exercer une profession ou une industrie dont la concurrence serait de nature
à causer un préjudice à celle-ci, n'est illicite qu'autant qu'elle est générale et absolue et quant
au lieu et quant au temps »). En revanche, le droit de la concurrence déloyale a pour objet,
l’interdiction et la sanction des actes de concurrence déloyale, entendus comme « tout acte ou
pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, est contraire aux
usages honnêtes » (article 1 alinéa 1 a) de l’Accord de Bangui révisé de 2015).
La différence de nature qui existe entre la concurrence déloyale et la
concurrence anticontractuelle n'est cependant pas toujours très bien perçue tant en
doctrine qu'en jurisprudence. Certains auteurs considèrent tous les cas de concurrence
anticontractuelle comme autant de cas de concurrence déloyale. Ainsi, pour GHIRON, le
concurrent qui ne respecterait pas les clauses des accords qu'il a passés serait considéré

comme un concurrent déloyal (M. GHIRON, Corso di diritto industriale, 2e éd. cité par
P. ROUBIER, La théorie générale de l'action en concurrence déloyale, R.T.D.Com. 1948,
p. 549). D'autres auteurs trouvent cette généralisation excessive. Pour eux, deux cas
doivent être distingués : le cas où l'obligation de non-concurrence est attachée à la
réglementation légale du contrat et le cas où cette obligation résulte d'une clause expresse
du contrat. Il n'y aurait concurrence déloyale que dans le premier cas (POUILLET, Traité

des marques de fabrique et de la concurrence déloyale en tous genres, Paris 1906, n os


1061, 1164, 1263 et 1316). C'est la solution admise par la doctrine classique française. La

5
concurrence déloyale aurait donc deux formes : la concurrence déloyale fondée sur la
responsabilité civile et la concurrence déloyale anticontractuelle.
La doctrine moderne a vivement critiqué la thèse classique (P. ROUBIER,
ouvrage précité, p. 487 ; Yves SERRA, L' obligation de non-concurrence, Sirey, 1970,
n°Erreur ! Source du renvoi introuvable. 12, pp. 7 et 8 ; D. ALLIX, Juriscl.
concurrence-consommation, fasc.110). Après avoir soutenu cette thèse dans son article
publié en 1948 (La théorie générale de la concurrence déloyale, R.T.D.Com. 1948, pp. 549 et
s), le Doyen ROUBIER l'abandonnait quelques années plus tard dans son ouvrage
consacré au droit de la propriété industrielle. Il y distingue nettement la concurrence
anticontractuelle - résultant d'une convention expresse ou de la réglementation légale du
contrat - de la concurrence déloyale (Ibid, pp. 482 et ss). Dans le premier cas, la
concurrence est "interdite ou non autorisée". Dans le second cas, la concurrence est
permise mais « on est en présence d'un certain nombre de procédés considérés comme
critiquables dans la lutte économique et dans la recherche de la clientèle » (Ibid., p. 483.
La concurrence interdite pouvant l'être non seulement par le contrat (concurrence
anticontractuelle), mais aussi par la loi (concurrence illégale). Autrement dit, selon
l'excellente formule employée par le Doyen ROUBIER, dans l'hypothèse de la
concurrence anticontractuelle, « celui qui fait acte de concurrence agit sans droit ; dans la
concurrence déloyale, il fait seulement un usage excessif de sa liberté » (Ibid, p. 483). La
notion de concurrence déloyale anticontractuelle procède donc d'une double confusion :
confusion d'abord quant à la source de l'obligation de non-concurrence qui demeure
contractuelle bien qu'elle soit attachée à la réglementation générale du contrat : la loi ne
fait que réglementer une situation qui prend naissance par l'effet de la volonté des parties.
Confusion aussi quant au contenu de l'obligation de non-concurrence : c'est l'activité
concurrentielle elle-même qui est soumise à des restrictions et celui qui fait acte de
concurrence agit sans droit quelle que soit la loyauté des moyens utilisés. Yves Serra en
tire la conclusion selon laquelle « ce n'est pas une simple différence de source
contractuelle ou délictuelle qui sépare ces deux formes de concurrence, mais bien une
différence de nature » (Y. SERRA, op. cit. n° Erreur ! Source du renvoi
introuvable.12, p. 8).
La doctrine camerounaise a suivi la thèse défendue en France par les auteurs
modernes (V. U. OLANGUENA AWONO, La liberté du commerce et de l'industrie au

6
Cameroun, Thèse 3e Cycle, U.Y. 1982, p. 241). La jurisprudence est malheureusement
dans le sens contraire. Sa position est à la limite ambiguë, car elle ne s'appuie sur aucun
critère. Dans certains cas, elle qualifie bien d'obligation de non-concurrence l'interdiction
contractuelle de concurrence (V. T. G. I. DOUALA (SOC) : jugement nErreur ! Source
du renvoi introuvable. 564 du 28 mai 1990 ; jugement nErreur ! Source du renvoi
introuvable. 160 du 28 janv. 1985 ; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable.
177 du 28 janv. 1985 ; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable. 429 du 27 mai
1985. Inédits). Dans d'autres cas par contre, elle qualifie de concurrence déloyale l'action
née du contrat (T. G. I. DOUALA (SOC) : jugement nErreur ! Source du renvoi
introuvable. 032 du 13 Nov. 1989 ; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable.
121 du 11 mars 1991 ; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable. 183 du 27
Mars 1991; jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable. 029 du 13 Nov. 1989 ;
jugement nErreur ! Source du renvoi introuvable. 155 du 29 janv. 1990 ; jugement
nErreur ! Source du renvoi introuvable. 149 du 27 févr. 1989 ; jugement nErreur !
Source du renvoi introuvable. 158 du 28 janv. 1985 ; jugement nErreur ! Source du
renvoi introuvable. 275 du 11 mars 1985 ; jugement nErreur ! Source du renvoi
introuvable. 568 du 29 juillet 1985. Inédits). Le jugement n°Erreur ! Source du renvoi
introuvable. 32 du 13 novembre 1989 illustre parfaitement cette seconde tendance
jurisprudentielle. L'attendu principal de la décision mérite d'être relevé : « Attendu que la
concurrence déloyale consiste en la violation de l'obligation de fidélité et de l'exécution
loyale du contrat de travail par le salarié, que cette obligation signifie que le salarié qui a
réservé à l'employeur le monopole de son activité ne saurait faire concurrence à son
employeur en détournant des clients ou sa clientèle ». Cette jurisprudence qui confond
encore obligation de non-concurrence et concurrence déloyale est tout simplement
regrettable.
Malgré la profonde différence de nature entre la concurrence déloyale et la
concurrence anticontractuelle, elles demeurent assez proches ou du moins
complémentaires. La concurrence déloyale peut venir au secours de la concurrence
anticontractuelle lorsque celle-ci est inefficace ou insuffisante. Ainsi, en matière de vente
de fonds de commerce, le vendeur qui se réinstalle au-delà du périmètre qui lui est
interdit par l’obligation de non-concurrence ne recouvre pas une entière liberté
d'exploitation. Il doit s'abstenir de tous actes de nature à détourner par des moyens

7
déloyaux la clientèle du fonds cédé. S'il méconnaît cette règle, une action en concurrence
déloyale pourrait être dirigée contre lui (V. Cass. com. 10 juin 1969, Bull. civ. IV,
nErreur ! Source du renvoi introuvable. 224. Il a également été décidé que la nullité
d'une clause de non-concurrence n'empêche pas de rechercher s'il n'y a pas des faits de
concurrence déloyale à reprocher à l'intéressé (Trib. Com. Seine, 2 mai 1956, D. 1957.
Somm. 6; Gaz. Pal. 1956.2.266). Enfin, il arrive que la concurrence interdite par contrat
se complique de concurrence déloyale (V. Paris, 24 déc. 1954, R.T.D. com. 1955, 576, n°
Erreur ! Source du renvoi introuvable.19, Obs. ROUBIER et CHAVANNE). Certains
auteurs sont allés plus loin et ont soutenu que l'existence d'un contrat facilite
l'établissement des faits de concurrence déloyale (A. PIROVANO, La concurrence
déloyale en droit français, Rév.intern. dr. comp. 1974, p. 475 ; D. ALLIX, art. préc.
n°Erreur ! Source du renvoi introuvable. 3). Des actes de concurrence normaux qui ne
seraient pas répréhensibles en eux-mêmes le deviennent au regard de la situation de fait
particulière engendrée par le contrat et la bonne foi qui doit présider à son exécution.
Cette situation est manifeste dans le cas d'un ancien salarié qui exerce une activité
concurrente à celle de son ancien employeur. Son ancienne appartenance à l'entreprise, sa
connaissance de l'organisation technique et commerciale de celle-ci, les rapports noués
avec la clientèle sont autant de facteurs pouvant l'inciter à concurrencer déloyalement son
ancien patron. L'ancien salarié qui s'est établi dans un commerce similaire doit donc se
montrer particulièrement diligent et prudent pour ne pas créer de confusion avec son
ancienne entreprise. Cette prudence est d'autant plus justifiée que, selon la doctrine, le
salarié ne jouit pas en définitive de la même liberté de concurrence qu'un autre concurrent
envers son ancien employeur : « Sa qualité d'ancien salarié le suit » en quelque sorte (V.
Y. SERRA, op. cit. Dans le même sens, A. BRUN constatait « qu'il est tenu compte de la
collaboration passée du salarié pour apprécier s'il s'est rendu coupable de concurrence
déloyale. L'ombre de l'ancien contrat, ou plus exactement de l'ancienne appartenance du
salarié à l'entreprise s'attache à ses pas ». In L'évolution du régime de la concurrence
irrégulière dans les rapports du travail, Mélanges P. ROUBIER, p. 372). Elle influencera
plus ou moins l'appréciation des agissements déloyaux.
Le droit de la concurrence déloyale et le droit de la concurrence
anticontractuelle, se rapprochent également au niveau de leur finalité : ils assurent la
protection de la clientèle des titulaires des valeurs concurrentielles auxquelles celle-ci se

8
rattache. En effet, le concurrent qui subit une diminution de clientèle consécutive à
l'usage d'un moyen de concurrence déloyale, ou à la violation d'une obligation de non-
concurrence, peut saisir le juge soit par une action en concurrence déloyale, soit par une
action en violation de l'obligation de non-concurrence suivant le cas, pour obtenir non
seulement la réparation du préjudice subi, mais également et surtout, la cessation des
procédés incorrects ou de l'activité préjudiciable. Le but visé à travers l'action en
concurrence déloyale et l'action en violation de l'obligation de non-concurrence est donc
d'assurer la stabilité de la clientèle au profit de son titulaire actuel.

II - La différence entre le droit de la concurrence déloyale et le droit des pratiques


anticoncurrentielles

Le droit de la concurrence déloyale et le droit des pratiques anticoncurrentielles


diffèrent fondamentalement au niveau de leur objet et de leur finalité. Le premier a pour objet,
comme nous l’avons déjà relevé, l’interdiction et la sanction des actes de concurrence
déloyale, entendus comme « tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles
ou commerciales, est contraire aux usages honnêtes » (article 1 alinéa 1 a) de l’Accord de
Bangui révisé de 2015).
Contrairement au droit de la concurrence déloyale, le droit des pratiques
anticoncurrentielles a pour double objet l’interdiction ou le contrôle des pratiques qui auraient
pour effet d’empêcher, de fausser ou de restreindre de manière sensible l’exercice de la
concurrence sur le marché (Article 3 de la loi camerounaise n° 98/013 du 14 juillet 1998
relative à la concurrence. Voir également l’article 2 du règlement CEMAC n° 06/19-
UEAC-639-CM-33 du 8 avril 2019 relatif à la concurrence qui a remplacé le Règlement
n° 1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques
commerciales anticoncurrentielles et le Règlement n° 02/2002/CM/UEMOA du 23 mai
2002 sur les pratiques commerciales anticoncurrentielles).
Le droit des pratiques anticoncurrentiels comporte deux grands piliers : le premier
pilier est l’interdiction des comportements anticoncurrentiels et le second pilier est le contrôle
des concentrations économiques. Les comportements anticoncurrentiels peuvent émaner soit
des entreprises, soit des Etats. Sont considérés comme comportements anticoncurrentiels
émanant des entreprises par les législations tant interne que communautaire sur la concurrence
les ententes anticoncurrentielles et les abus de position dominante (Voir par exemples : la loi
n° 98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence ; le règlement CEMAC n° 06/19-

9
UEAC-639-CM-33 relatif à la concurrence). Les pratiques étatiques susceptibles de
fausser la concurrence sur le marché sont essentiellement les aides incompatibles avec le
marché commun accordées aux entreprises par les Etats membres de la CEMAC (Voir les
articles 78 et suivants du règlement CEMAC n° 06/19-UEAC-639-CM-33 relatif à la
concurrence qui a remplacé le Règlement n°4/99/UEAC-CM-639 portant réglementation
des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres).
Contrairement aux comportements anticoncurrentiels dont le principe est leur
interdiction, les concentrations économiques ne sont pas interdites, mais soumises au
contrôle par le droit interne et le droit communautaire de la concurrence. Seules les
concentrations dont le contrôle révèle qu’elles sont susceptibles de fausser le libre jeu de
la concurrence sur le marché sont en principe interdites.
Différents par leur objet, le droit de la concurrence déloyale et le droit des
pratiques anticoncurrentielles le sont également par leur finalité. Le premier a, comme
relevé plus haut, pour finalité la protection de la clientèle du concurrent victime de l’acte
de concurrence déloyale, alors que le but visé à travers la prohibition des pratiques
anticoncurrentielles est d'assurer l'équilibre du marché. Un marché est dit en équilibre
lorsque les prix des produits et des services y sont fixés par la loi de l'offre et de la
demande. Ce qui suppose que les agents économiques soient libres d'entrer ou de sortir
de ce marché, soient dans l'incertitude quant aux décisions que prendront leurs
concurrents réels ou potentiels, et prennent leurs décisions de façon indépendante les
uns des autres. La différence de finalité entre le droit de la concurrence déloyale et le
droit des pratiques anticoncurrentielles fait l’unanimité en doctrine. Cette différence est
ainsi résumée par un auteur : « Le droit de la concurrence, entendu comme le droit des
restrictions de concurrence, ne se confond ni avec le droit de la concurrence déloyale
destiné à assurer la protection de la clientèle, ni avec les principes de juste prix énoncés
par les scolastiques du Moyen Age, qui [...] tendent simplement à établir un équilibre
contractuel. Animé par des préoccupations de politique générale, l'objet du droit de la
concurrence ne consiste pas à prévenir ou à réprimer les comportements déloyaux à
l'égard de certains concurrents ou de certains contractants, il est de rechercher l'équilibre
global du marché » (P. PIGASSOU, Les restrictions de concurrence, D. 1982, chr.,
nErreur ! Source du renvoi introuvable. 1 ; V. également, P. DURAND, L'évolution

10
contemporaine du droit de la concurrence, Mélanges P. ROUBIER, t. 2, pp. 439 s. ; R.
SAVATIER, L'ordre public économique, D. 1965, Chr. p. 37).

Seul le droit des pratiques anticoncurrentielles va retenir notre attention dans le


cadre de notre cours. Cette branche du droit de la concurrence a une double source : une
source communautaire et une source interne ou nationale.
La source communautaire est le droit de la concurrence de la CEMAC. En droit
communautaire CEMAC, le droit des pratiques anticoncurrentielles faisait jusqu’au 8
mars 2019 l’objet de trois règlements : le règlement n° 1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin
1999 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles ; le
règlement n° 4/99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques étatiques
affectant le commerce entre les Etats membres et le règlement n° 12/05-UEAC-639-U-
CM portant modification du Règlement n° 1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999. Ces
trois règlements ont été remplacés par le règlement CEMAC n° 06/19-UEAC-639-CM-33
relatif à la concurrence du 8 avril 2019.
A côté du droit communautaire de la concurrence, Il devrait exister dans chaque
Etat membre de la CEMAC une réglementation interne sur les pratiques
anticoncurrentielles. En effet, le préambule du règlement du 8 avril 2019 déclare « qu’il
est loisible aux Etats membres, de conserver ou d’instituer des règles nationales
interdisant les pratiques d’entreprises ou organisant un contrôle des concentrations,
lorsque les pratiques en cause n’affectent que le seul marché national et à la condition
que ces règles ne portent pas atteinte à l’effet utile des règles communautaires ».
Au Cameroun c’est la loi n° 98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence
qui régit les pratiques anticoncurrentielles sur le plan interne.
La dualité des sources du droit des pratiques anticoncurrentielles a pour
conséquence la soumission de la libre concurrence à un système de double barrière. Il en
résulte que les politiques concurrentielles des entreprises de la CEMAC doivent être
conformes non seulement à la législation communautaire, mais également à la législation
nationale de l’Etat membre où elles ont leur siège social.
Pour bien cerner le droit des pratiques anticoncurrentielles, il convient de
s’intéresser aux trois points ci-après :
- les notions fondamentales du droit de la concurrence (Titre I).

11
- les règles de concurrence applicables aux entreprises (Titre II) ;
- les règles de concurrence applicables aux Etats membres de la CEMAC
(Titre III).

12
TITRE I: LES NOTIONS FONDAMENTALES DU DROIT DE LA
CONCURRENCE
Le droit des pratiques anticoncurrentielles a pour objet, on l’a dit, de maintenir le
libre jeu de la concurrence sur le marché. Par définition, la concurrence se joue entre des
entreprises sur un marché déterminé, appelé le marché en cause. Pour que ce jeu reste
libre, autrement dit pour que subsiste une concurrence effective, il importe de préserver
un certain équilibre entre les pouvoirs de marché respectifs de ces entreprises.
Ainsi, le droit de la concurrence prend nécessairement appui sur trois notions
fondamentales : la notion d’entreprise, celle de marché en cause et celle de pouvoir de
marché. Seules les deux dernières notions vont retenir notre attention.

CHAPITRE I : LE MARCHE EN CAUSE


La notion de marché en cause revêt une double dimension : le marché de
produits et services (section I) et le marché géographique (Section 2).

Section I : Le marché de produits et services


D’après le droit européen de la concurrence, « un marché de produits en cause
comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme
interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de
l’usage auquel ils sont destinés. Un marché de produits en cause peut, dans certains cas,
se composer de plusieurs produits et/ou services qui présentent des caractéristiques
physiques ou techniques en grande partie identiques et sont interchangeables »6.
L’élément essentiel de la notion de marché de produits est donc l’interchangeabilité,
autrement dit la substituabilité.

Deux produits ou deux services sont substituables si l’utilisateur les perçoit


comme tels. La substituabilité est donc une notion subjective. La formule doit être
comprise en ce sens que deux produits ne sont pas substituables, bien que, par leurs
caractéristiques, ils soient aptes à la même utilisation, si l’utilisateur n’accepte pas de
remplacer l’un par l’autre. L’importance de cette perception subjective varie,
d’ailleurs, suivant la nature du produit ou du service. Ainsi, elle joue un rôle plus
important en ce qui concerne les produits de luxe ou de haute technologie qu’en ce qui
6
Cf. formulaire simplifié de notification d’une concentration conformément au règlement (CE) n° 139/2004, qui
forme l’annexe II du règlement (CE) de la Commission du 7 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement
(CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

13
concerne les produits de consommation courante. Mais il va de soi qu’elle ne saurait
suffire à rendre substituables deux produits qui ne se prêtent pas objectivement à la même
utilisation.

La question qui se pose est de savoir comment déterminer si les utilisateurs d’un
produit ou d’un service acceptent de lui en substituer un autre.

Assez souvent, l’autorité compétente invoque le point de vue des utilisateurs sur
la base d’une constatation empirique, d’enquêtes ou d’études de marché portant
exclusivement ou principalement sur la nature du produit ou du service en cause.

Ainsi, un arrêt célèbre de la CJCE du 14 février 1978 (United Brands c/


Commission) analyse le marché en cause en s’attachant à déterminer si les bananes font
l’objet d’un marché propre, comme l’avait estimé la Commission ou si, au contraire, elles
appartiennent au marché des fruits frais en général, comme le soutenait la requérante.
Pour cela, la CJCE essaie de déterminer si, aux yeux des consommateurs, les bananes et
les autres fruits frais présentent les mêmes caractères et sont donc interchangeables. Au
terme d’une discussion détaillée, la Cour conclut « qu’une grande masse de
consommateurs, qui a un besoin constant de bananes, n’est pas détournée, d’une
manière caractérisée et même sensible, de la consommation de ce produit par l’arrivée
sur le marché d’autres fruits frais et que même les pointes saisonnières ne l’affectent que
d’une manière modérée dans le temps et très limitée du point de vue de la
substituabilité », de telles sorte que « le marché de la banane constitue un marché
suffisamment distinct de celui des autres fruits frais ».

On peut également citer une décision de la Commission européenne du 18 juillet


1988 (Napier Brown c/ British Sugar), prononcée en matière d’abus de position
dominante, et relative au marché du sucre cristallisé, qui se subsdivise en deux sous-
marchés, à savoir la vente au commerce de détail et la vente à l’industrie. La
Commission précise que les sucres spéciaux, les sucres liquides et les sirops d’un usage
autre que les sucres cristallisés ne répondent pas aux mêmes besoins et ne font donc pas
partie du compartiment considéré du marché. En effet, ils ne sont pas substituables du
point de vue du consommateur. En outre, les substituts du sucre produits industriellement
– ou édulcorants de synthèse – tels que, par exemple, la saccharine, ne concurrencent pas
les sucres naturels, si ce n’est pour un petit nombre d’usages comme les produits

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diététiques, et ne font donc pas partie du même compartiment de marché que le sucre
granulé.

Section II : Le marché géographique

La notion de marché géographique en cause a une double fonction : une


première fonction qui consiste à déterminer le territoire à l’intérieur duquel s’exerce la
concurrence (§1) et une seconde fonction qui est de servir de critère de rattachement au
droit communautaire (§2).

§1 – Le marché géographique comme territoire à l’intérieur duquel s’exerce la


concurrence

Un marché géographique se définit comme « le territoire sur lequel les


entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur
lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être
distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de
concurrence y diffèrent de manière appréciable.

Les facteurs pertinents pour la délimitation du marché géographique en cause


incluent notamment la nature et les caractéristiques des produits et des services en cause,
l’existence des barrières à l’entrée, les préférences des consommateurs, des différences
appréciables des parts de marché entre zones géographiques et des écarts de prix
substantiels » (Cf. formulaire de notification figurant en annexe du règlement n°
802/2004). Dans cette définition, l’élément essentiel est l’homogénéité des conditions
de concurrence sur le territoire considéré.

Les facteurs qui permettent de déterminer si les conditions de concurrence sont


homogènes ou hétérogènes sont divers. On peut ainsi distinguer entre les facteurs de fait
et les facteurs juridiques.

Les facteurs de fait consistent, outre le nombre et la répartition géographique


des fournisseurs ou des clients, dans la plus ou moins grande facilité de transport des
opérateurs ou des marchandises et dans le rapport entre le coût du transport et le prix des
marchandises ou des services.

Ainsi, dans l’affaire Boeing/McDonnel Douglas, la décision de la Commission


européenne du 30 juillet 1997 constate que les avions à réaction commerciaux de grande

15
capacité sont vendus et exploités dans le monde entier dans des conditions de
concurrence similaires car, proportionnellement à leur prix, les coûts de transport liés à la
livraison sont négligeables et elle note, par ailleurs, qu’il existe alors trois concurrents sur
ce marché mondial : Boeing, McDonnell Douglas et Airbus. La décision de la
Commission européenne du 3 juillet 2001 (General Electric/Honeywell) estime
semblablement que le marché des réacteurs d’avions est mondial.

A l’opposé, un arrêt de la Cour de cassation française juge que l’arrêt d’une


Cour d’appel attaqué a justifié sa décision en relevant que des tuiles fabriquées dans la
région Alsace ne sont pas substituables à d’autres en raison de « l’incidence
contraignante du coût du transport » sur de semblables éléments de construction
pondéreux et de faible valeur intrinsèque.

Parmi les facteurs juridiques, il faut mentionner, en premier lieu, des barrières
juridiques qui interdisent ou entravent l’entrée de nouveaux opérateurs sur le territoire en
cause.

§2 – Le marché géographique comme critère de rattachement au droit de la


concurrence communautaire

Le droit communautaire de la concurrence se singularise par son champ


d’application spatial. Il s’applique uniquement dans le cadre du marché commun créé par
le Traité de la CEMAC ainsi que la Convention régissant l’Union Economique de
l’Afrique Centrale (UEAC) (Voir article 2 c qui fait de la création d’un marché commun
fondé sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, l’un
des objectifs de l’UEAC).

Le marché commun dont il est question est celui institué entre les Etats membres
de la CEMAC que sont le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Tchad, la
Centrafrique et le Congo Brazzaville. Il s’agit d’un grand espace sans frontière dans
lequel les échanges s’effectuent dans les mêmes conditions que dans un marché intérieur.
Toutefois, le marché commun de tous les Etats membres pourra être rarement affecté par
une seule pratique. Aussi l’article 33 du Règlement du 8 avril 2019 précise-t-il que
l’affectation d’une partie substantielle du marché commun suffit pour mettre en œuvre
la réglementation communautaire sur les abus de position dominante.

16
CHAPITRE II : LE POUVOIR DE MARCHE

On peut définir le pouvoir de marché comme l’aptitude d’une entreprise à


l’emporter sur ses concurrents ainsi qu’à contracter de manière rentable avec ses
partenaires. Il s’agit donc d’une notion inséparable de celle de concurrence et, de ce fait,
inhérente aux règles de concurrence. L’étude du pouvoir de marché passe par la
détermination des facteurs du pouvoir de marché (Section I) et des positions sur le
marché (II).

Section I : Les facteurs du pouvoir de marché

Dans l’arrêt de principe Hoffmann-La Roche du 13 février 1979, la CJCE donne


une définition des facteurs de la position dominante, qui se transposent à celle de tout
pouvoir de marché. Il ressort de cet arrêt que les facteurs du pouvoir de marché sont : la
part de marché (§1) et les facteurs qualitatifs du pouvoir de marché (§2).

§1 – La part de marché

La part de marché s’entend du pourcentage de l’ensemble des ventes de produits


ou des prestations de services ayant eu lieu sur le marché en cause qui est imputable à
l’entreprise considérée au cours de la période la plus proche possible du moment où l’on
analyse son pouvoir de marché, généralement l’exercice fiscal.

§2 – Les facteurs qualitatifs du pouvoir de marché

Les facteurs qualitatifs du pouvoir de marché sont entre autres la capacité


technologique qu’une entreprise possède par rapport à ses concurrents, le degré plus ou
moins perfectionné de son réseau commercial, ainsi que la présence ou non de barrières à
l’entrée sur le marché. On peut observer que certains de ces facteurs consistent en des
aptitudes de l’entreprise considérée, aptitude technologique ou industrielle et aptitude
commerciale, tandis qu’un autre, la présence ou l’absence de barrières à l’entrée du
marché, renvoie à la notion d’avantage éventuel, étranger aux aptitudes de cette
entreprise.

L’aptitude industrielle de l’entreprise considérée dépend, entre autres, de la


qualité de son service de recherche et développement, de celle de son personnel
d’exécution, de la modernité ou de la vétusté de ses usines, de ses droits de propriété
intellectuelle.

17
Son aptitude commerciale est fonction du nombre et du caractère plus ou
moins attractif des marques qu’elle détient, de sa plus ou moins grande habilité dans le
domaine de la publicité, de l’efficacité de son service commercial, de ses agents,
représentants ou revendeurs.

Son aptitude financière doit être recherchée dans le montant de ses fonds
propres et dans celui de son endettement ainsi que dans le rapport entre celui-ci et celui-
là.

Son aptitude sociale résulte de la qualité des relations sociales en son sein qui a
comme corollaire la fréquence ou la rareté des conflits collectifs de travail.

S’agissant des barrières de droit à l’entrée sur le marché, elles ne relèvent


pas logiquement de l’analyse du pouvoir de marché, mais de celle du marché en
cause. Il existe pourtant un cas où l’existence d’une barrière de cette sorte suffit à
résoudre la question du pouvoir de marché de l’entreprise considérée. C’est celui
dans lequel elle est investie d’un monopole de droit. En effet, le marché est alors
entièrement fermé aux concurrents, le pouvoir de marché est absolu et la position
sur le marché est exclusive.

Section II : Les positions sur le marché

Il existe trois sortes de positions de force sur le marché : le monopole (infra), la


position dominante (infra) et l’oligopole.
L’oligopole est une situation de concurrence caractérisée par la présence d’un
petit nombre d’entreprises de forces comparables qui, de ce fait, sont
interdépendantes. Aucune d’elles ne peut agir sans tenir compte des réactions des autres.
Pour les économistes, les situations qui relèvent de la notion d’oligopole varient en
fonction de la force respective des concurrents et de leurs comportements plus ou moins
compétitifs : « l’oligopole peut recouvrir aussi bien des collusions, dont la description
relève du monopole, qu’une concurrence à couteaux tirés. A cet égard, il convient de
noter que la concentration sur un marché donné ne réduit pas nécessairement la
concurrence »7.

7
Encyclopaedia Universalis,,v° Oligopole par M. Lutfalla.

18
Au regard de la concurrence, l’oligopole est donc, de prime abord, ambivalent. La
réaction du droit de la concurrence à cette situation ne peut donc être uniformément ni
hostile ni permissive. L’exploitation de leur position par les entreprises ressortissant à
l’oligopole peut, dans certains cas, constituer un abus de position dominante, dans
d’autres être inoffensive pour la concurrence ; une concentration qui a pour résultat la
création d’un oligopole ne restreint pas forcément la concurrence, mais elle le fait parfois.

19
TITRE II : LES REGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES AUX
ENTREPRISES

Pour assurer le libre jeu de la concurrence sur les marchés, les législateurs
camerounais et CEMAC ont prohibé non seulement les comportements anticoncurrentiels
(Chapitre I), mais également institué un contrôle des concentrations économiques
susceptibles de fausser la concurrence (Chapitre II).

Chapitre I : L’interdiction des comportements anticoncurrentiels


Deux points seront examinés : le contenu des prohibitions (Section I), et
l’application des prohibitions (Section II).
Section I – Le contenu des prohibitions
Le droit interne et le droit communautaire prohibent deux types de comportements
économiques jugés anticoncurrentiels : les ententes anticoncurrentielles (§I) et les abus de
position dominante (§II).
§I – La prohibition des ententes anticoncurrentielles
Dans les systèmes d'économie libérale, les ententes sont considérées comme la
menace la plus redoutable à l'ordre concurrentiel. En effet, conclues en vue de parvenir à
une planification privée de tout ou partie d'un marché donné, elles peuvent permettre à
leurs membres d'empêcher la réalisation des conditions nécessaires au déroulement du
processus concurrentiel, soit par la détermination ou la mise en oeuvre de stratégies
communes à plusieurs opérateurs (violant ainsi la condition d'autonomie des décisions),
soit par l'échange d'informations sur les stratégies que chacun des opérateurs est
susceptible de mettre en oeuvre, soit enfin par l'adoption de pratiques d'exclusion qui
limitent ou interdisent l'entrée sur le marché considéré. Aussi sont-elles prohibées par la
plupart des législations sur la concurrence.
Les ententes anticoncurrentielles sont prohibées respectivement par l’article 5 de la loi
du 14 juillet 1998 et l’article 30 du règlement du 8 avril 2019.
L’alinéa 1er de l’article 5 dispose : « Sont prohibés les accords et ententes entre
personnes physiques et/ou morales jouissant d’une autonomie commerciale et ayant pour
effet de :

20
- fixer les prix, tarifs, barèmes ou escomptes ou faire obstacle à la liberté de fixer
lesdits prix, tarifs, barèmes ou escomptes ;
- limiter les capacités de production, les quantités fabriquées, vendues,
entreposées, louées ou transportées ;
- fixer conjointement des conditions de soumission à un appel d’offres sans en
informer la personne ayant procédé audit appel d’offres ».
L’alinéa 2 de cet article poursuit : « Sont en outre prohibés, les accords et ententes
ayant pour effet d’éliminer ou de restreindre sensiblement la concurrence sur le marché, soit
en entravant l’accès à un marché, soit en répartissant de quelque façon que ce soit, des
acheteurs ou sources d’approvisionnement dans un marché ».
Quant à l’article 30 du règlement du 8 avril 2019, il est ainsi rédigé : « Sont
incompatibles avec le marché commun et par conséquent interdites, toutes ententes, accords,
conventions, ententes expresses ou tacites entre entreprises, toutes décisions d’association
d’entreprises et toutes actions concertées ou coalitions qui ont pour objet pour effet
d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’Union dans
la zone CEMAC et notamment qui consistent ou visent à :
a) Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres
entreprises
b) Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant
artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
c) Limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique, les
investissements ou le progrès technique ;
d) Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement (…) »

En dépit de la différence rédactionnelle, les deux textes suscités ont un contenu


presque identique. En effet, le législateur national comme le législateur communautaire
subordonnent la prohibition de l'entente à l'existence de deux conditions positives : il faut
qu'il s'agisse effectivement d'une entente (I) et qu'il y ait atteinte à la concurrence (II)8. A

8
- En réalité cette deuxième condition se dédouble : il faut non seulement qu'il y ait restriction de concurrence mais aussi que
cette restriction soit imputable à la concertation litigieuse. En pratique il faut bien dire que l'imputabilité ne soulèvera guère de
os
difficultés (V. J.-J. BURST et R. KOVAR, Droit de la concurrence, Economica 1981, n 418 et S. ; J. B. Blaise, Ententes et
os
concentrations économiques, Sirey 1983, n 263 et S.

21
ces deux conditions positives doit être ajoutée une troisième condition négative consacrée
par d’autres articles : l’entente ne doit pas être justifiée ou exonérée (III).

I –L’existence d’une entente


A la question de savoir ce qu'est une entente, ni l'article 5 de la loi du 14 juillet
1998, ni l'article 30 du règlement communautaire de 2019 n’en donnent aucune réponse.
Ils interdisent sans autres précisions toutes pratiques concertées, toutes décisions
d’association, ententes tous accords. Il résulte néanmoins des formules utilisées par ces
articles que deux éléments caractérisent l'entente : c'est un phénomène essentiellement
collectif (A) qui peut revêtir une forme expresse ou tacite (B).

A - Le caractère collectif de l'entente


Les législations nationale et communautaire visent les pratiques concertées, les
décisions d’associations, les accords et ententes, actes qui impliquent le concours de
plusieurs entreprises. On en déduit que l'entente est la concertation des entreprises,
c'est-à-dire leur concours de volontés aux fins d'adopter sur le marché une discipline
collective de comportements. Cette définition, simple en apparence, ne manque pas de
soulever des difficultés en pratique. Deux sortes de difficultés peuvent surgir
relativement à la pluralité des auteurs (1) et à leur position économique (2).
1 -la pluralité des auteurs de l’entente
Deux entreprises sont dites en concurrence lorsque sur un marché donné, elles
adoptent en toute indépendance des stratégies commerciales antagonistes. L'existence
d'une autonomie réelle dans la détermination de la politique commerciale sur le marché
est donc le premier critère de détermination de la pluralité des participants à l'entente.
Mais, les stratégies commerciales antagonistes ne peuvent logiquement émaner que
d’entreprises juridiquement et économiquement distinctes. En l'absence de l'un ou
l'autre de ces critères, on ne saurait retenir la qualification d'entente. Il faut donc, pour
qu'il y ait pluralité d'auteurs, non seulement que chacun jouisse d'une liberté
d'initiative et de décision, mais également qu'ils soient à la fois juridiquement
autonomes et économiquement indépendants.

22
Ainsi, il n'y a pas d'entente concevable entre plusieurs services d'une seule
entreprise, entre différentes succursales d'une société9. Mais la mise en oeuvre de ces
critères ne sera pas toujours aussi évidente. Il existe en effet des situations complexes qui
appellent un examen spécial. Il s'agit notamment de l'application de la qualification
d'entente aux accords entre les entreprises appartenant à un même groupe et aux accords
entre l'entreprise et ses représentants.

a – Les accords entre entreprises appartenant à un même groupe


Le groupe d'entreprises peut être défini comme un ensemble d'entreprises qui,
tout en étant juridiquement distinctes, se trouvent cependant économiquement liées les
unes aux autres de telle sorte que l'une d'entre elles qualifiée d'entreprise mère ou
dominante, est en mesure d'imposer en fait ou en droit, une unité de décision aux autres
composantes du groupe qui se trouvent ainsi dans la situation d'entreprises dominées (cf.
articles 173 à 175 AUDSCGIE). Il ressort de cette définition que ce qui caractérise le
groupe d'entreprises, c'est d'une part l'autonomie juridique de chacune d'elles et, d'autre
part, l'existence des liens de dépendance économique entre les entreprises dominées et
l'entreprise dominante. La question qui se pose est de savoir si on peut qualifier d'entente
des accords ou pratiques concertées entre les entreprises d'un même groupe - par exemple
entre deux sociétés appartenant à un même groupe (Société-mère et filiales ou entreprises
filiales d'une même société-mère), ou entre une personne physique exerçant une activité
propre et une société dont elle a le contrôle.
La réponse doit en principe être négative. En effet, il n'est guère concevable que deux
sociétés dont les administrateurs sont communs ou dont l'une détient une fraction
importante du capital de l'autre se livrent à une concurrence comparable à celle que se
font deux entreprises entièrement étrangères. Dès lors, les entreprises dominées du
groupe, bien qu'ayant une personnalité juridique propre, doivent, au regard de l'article 5
de la loi du 14 juillet 1998 et de l'article 30 du règlement communautaire n° 6, être
assimilées à des succursales ou agences. Elles forment avec l'entreprise mère une unité

9
- Comme des sociétés à succursales, on peut citer : - La SABC (Société Anonyme des Brasseries du Cameroun) qui compte
quatre succursales : Douala, Bafoussam, Yaoundé, Garoua ; - La CAMI TOYOTA qui compte quatre succursales : Douala,
Bafoussam, Yaoundé, Garoua ; - La SOCADA qui compte deux succursales : Douala, Yaoundé. Dans tous ces cas, il ne peut y
avoir d'entente entre ces différentes succursales.

23
économique et les accords qu'elles pourraient conclure entre elles doivent être considérés
comme une répartition interne des tâches10.
Cette solution fondée sur la réalité économique semble être en harmonie avec
la loi du 14 juillet 1998 et le règlement communautaire n° 6 à plusieurs égards. D'une
part, ces textes ne considèrent-ils pas comme entreprise toute unité économique quelle
qu'en soit la forme! Cette unité économique peut être non seulement une entreprise
unique, mais également un groupe d'entreprises ayant entre elles des liens économiques.
D'autre part, si la loi 14 juillet 1998 et le règlement communautaire n° 6, comme toutes
les autres législations sur la concurrence, s'efforcent de protéger cette dernière contre les
entraves artificielles, ils ne prétendent pas imposer aux entreprises parties à une entité
économique, une concurrence contraire à la nature des choses.
Toutefois, nous estimons que l'immunité dont semblent bénéficier les entreprises
appartenant à un même groupe est loin d'être totale. Les instances de contrôle de la
concurrence devraient rechercher dans chaque cas si les entreprises filiales se trouvent
dans la dépendance exclusive de leur société-mère et ne jouissent pas d'autonomie réelle
dans leurs comportements. La dépendance de la filiale doit à notre avis ressortir non
seulement des moyens d'action détenus par la société-mère, mais aussi de l'utilisation que
celle-ci fait de ces moyens d'action. En d'autres termes, il ne suffit pas que la
société-mère détienne des moyens de contrôle à l'égard de sa filiale, il est en outre
nécessaire qu'elle exerce effectivement ce contrôle pour manifester par là l'unité du
groupe ainsi constitué.

b – Les accords entre l'entreprise et ses représentants


La question de la qualification des conventions passées entre les entreprises et
leurs représentants trouve son intérêt dans le fait que ces derniers ne forment pas une
catégorie homogène. Ils peuvent être salariés ou non-salariés, et dans cette deuxième
catégorie, certains traitent avec les tiers en leur nom propre mais pour le compte de
l'entreprise représentée (exemple du commissionnaire) alors que d'autres traitent à la fois
au nom et pour le compte de l'entreprise représentée (exemple du mandataire).
Dans toutes ces hypothèses, la question ne se pose que lorsque le contrat de
représentation comporte une clause d'exclusivité, laquelle tombe, en principe sous le coup

10
- V. dans le même sens, la décision de la Commission des Communautés Européennes, 18 juin 1969, Christiani
et Nielsen : J.O.C.E. nErreur ! Source du renvoi introuvable. L. 165, 5 juillet 1969, p. 12.

24
de l’article 5 de la loi du 14 juillet 1998 et de l'article 30 du règlement communautaire n°
6. En est-il ainsi pour celle contenue dans un contrat de représentation ? La réponse est
certainement négative lorsque le représentant est un salarié. En effet, agissant sous
l'autorité, la direction et pour le compte de l'entreprise qu'il représente, le salarié ne peut
constituer à notre avis une entreprise au sens de la loi du 14 juillet 1998 et du règlement
communautaire n° 6. La qualité de chef d'entreprise d’un représentant est, en revanche,
certaine, lorsqu'il est lié à l'établissement représenté par un mandat, un contrat de
courtage ou de commission qui lui assure une situation plus indépendante.
Faut-il dès lors considérer dans ces hypothèses la convention d'exclusivité
comme une entente ? Deux cas doivent être distingués. Si le représentant, agissant ou non
en son propre nom assume les risques financiers résultant de la transaction et jouit d'une
autonomie de décision, on est incontestablement en présence d'une entreprise
complètement distincte de l'entreprise représentée. Par conséquent, la convention de
représentation exclusive existant devrait être qualifiée d'entente. Si en revanche le
représentant se borne à négocier les affaires pour le compte du représenté, sans assumer
le risque financier de l'opération, ni déterminer les prix et conditions des transactions, on
ne saurait valablement soutenir que les deux entreprises sont totalement indépendantes
l'une de l'autre11. Admettre le contraire serait méconnaître le lien personnel qui unit les
deux parties et le fait que le représentant, fût-il non salarié, est économiquement un
collaborateur de l'entreprise représentée. Il n'est, comme on a pu l'écrire, qu'une
entreprise auxiliaire12. La clause d'exclusivité dans ces conditions n'est pas le simple
accessoire d'une convention principale comme c'est le cas lorsqu'elle est conclue avec un
négociant revendeur, mais un élément normal de cette convention. Par conséquent, elle
ne devrait pas tomber sous le coup de l'article 5 de la loi du 14 juillet 1998 et de l'article 3
du règlement communautaire n° 1. Une fois les critères de détermination de la pluralité
d'entreprises connus, on peut se poser la question de savoir si la position économique de
l'entreprise joue un rôle quelconque dans la qualification de l'entente.

11
- V. dans le même sens la communication de la Commission du marché commun en date du 24 déc. 1962,
J.O.C.E. 24 déc. 1962.
12
- JEANTET, Réflexions sur l'application du droit des ententes aux contrats comportant une clause d'exclusivité :
J.C.P. 1963, I, 1743.

25
2 -La position économique des auteurs de la concertation
Dans la pratique des affaires, des accords peuvent être conclus soit entre des
entreprises se situant au même stade du processus économique (accords entre unités de
fabrication, entre départements de recherche, entre centres de vente...), soit entre des
entreprises se situant à des stades différents du processus économique (accords entre
inventeur et exploitant, entre fabricant et distributeur, entre distributeur et revendeur...).
Les accords conclus entre les producteurs ou entre les distributeurs sont
qualifiés d'accords horizontaux. Ils ont pour but d'instituer une coopération entre des
entreprises concurrentes ou potentiellement concurrentes et peuvent avoir des objets
divers tels que : la réalisation d'un projet de recherche en commun, le développement
d'un nouveau produit, la construction d'un prototype, l'amélioration d'un procédé de
fabrication, la spécialisation de fabrication, les modalités de vente, etc.
En revanche, les accords conclus entre producteurs et distributeurs sont
qualifiés d'accords verticaux. Ils englobent tous les types d'accords par lesquels un
producteur peut organiser la commercialisation de ses produits (La commercialisation des
produits est régie au Cameroun par l'article 23 (1) de la loi n° 2015/018 du 21 décembre
2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun qui a consacré le principe de la libre
détermination par les entreprises commerciales de leur politique de commercialisation et
de distribution. En vertu de ce texte, chaque entreprise commerciale peut soit prendre en
son compte tout ou partie des activités nécessaires à l'acheminement de son produit vers
le consommateur ou l'utilisateur final, soit décider de confier la distribution de son
produit aux intermédiaires de commerce. Dans le deuxième cas, l’entreprise commerciale
aura à choisir, en fonction de la complexité de ses produits et de la notoriété de sa
marque, parmi un éventail d'accords de distribution que lui offre la pratique) : contrat de
fourniture, contrat d'approvisionnement, contrat de distribution sélective, contrat de
concession, contrat de franchise, etc.
La question fondamentale que posent ces accords et qui est relative à notre
cours est de savoir si le texte national et le texte communautaire relatifs aux ententes
visent aussi bien les accords horizontaux que verticaux.
Cette question est expressément réglée par la loi du 14 juillet 1998 qui vise en
son article 4 les pratiques anticoncurrentielles qui sont entretenues non seulement dans le
cadre des relations entre concurrents ou concurrents potentiels opérant au même niveau

26
de production ou de commercialisation, mais également dans le cadre des relations entre
entreprises non concurrentes opérant à des niveaux différents dans la chaîne de
production et/ou de commercialisation.
Le règlement communautaire n° 6 est en revanche muet sur la question. Doit-
on alors conclure que l’article 30 de ce règlement concerne uniquement les accords
horizontaux ? Quelques arguments plaident en faveur de cette thèse. D'une part, l'accord
vertical a pour objet, non pas de restreindre la concurrence, mais d'intégrer partiellement
l'entreprise située en aval dans l'entreprise située en amont. Cette intégration réalisée au
moyen de la technique du contrat n'a pas, du point de vue économique, une signification
différente de l'intégration réalisée sur le droit de propriété. D'autre part, l'accord vertical
ne réduit pas la concurrence entre les partenaires puisque ceux-ci ne se trouvent pas en
position concurrentielle, mais affecte tout au plus la concurrence entre l'un des
partenaires et une entreprise tierce si des accords parallèles ont été conclus. En définitive,
les accords verticaux ne devraient relever que de l'article 33 du règlement communautaire
n° 6 qui condamne l'abus de position dominante13.
Mais ces arguments n'emportent pas entièrement conviction. Mais cet article
devrait s’appliquer à tous les accords…….En effet, l'article 30 se référant de façon
générale à tous les accords qui faussent le jeu de la concurrence, il n'y a pas à distinguer
selon que ceux-ci sont passés entre opérateurs concurrents situés au même stade du
processus économique ou entre opérateurs non concurrents situés à des stades différents.
Cet article est donc applicable non seulement quand la concurrence est faussée entre des
entreprises concurrentes (accords horizontaux), mais également entre une entreprise et un
distributeur membre de son réseau14, ou un tiers étranger au réseau de distribution15.
En outre, l'argument selon lequel l'accord vertical ne réduit pas la concurrence
entre les partenaires puisque ceux-ci ne se trouvent pas en position concurrentielle est
bien critiquable. En effet, certains accords verticaux contiennent soit des clauses qui
permettent au producteur d'intervenir dans la politique commerciale de son revendeur en
vue de faire obstacle à la baisse des prix ou dans le dessein d'aliéner la liberté de gestion
de ce revendeur ; soit des clauses qui restreignent la concurrence entre le producteur et

13
- V. infra.
14
- Un producteur peut restreindre la concurrence entre ses distributeurs par différentes clauses telles les clauses d'exclusivité ou
des primes de fidélité, les clauses d'exclusivité territoriale, etc..
15
- Notamment par le biais des clauses relatives aux choix des revendeurs.

27
les distributeurs lorsque le premier assure en concurrence avec les seconds la distribution
de ses produits.
Sur la base de ces arguments, il semble plus raisonnable d'interpréter l'article 3 du
règlement communautaire n°6 comme consacrant implicitement la neutralité de la
position économique des entreprises du point de vue de la qualification de l'entente,
même s'il eût été souhaitable que le législateur communautaire la consacrât explicitement
comme l'a fait le législateur national.

B - La forme juridique de l'entente : expresse ou tacite


Une entente peut être soit expresse, soit tacite.
1 -Les ententes expresses
Les entreprises qui veulent adopter une discipline collective de comportements sur
le marché peuvent utiliser toutes les techniques juridiques imaginables.
La volonté commune de limiter la concurrence est évidente lorsque plusieurs
entreprises se sont liées par un contrat (accords verticaux bilatéraux par exemple). La
forme du contrat est indifférente. Il peut s'agir d'un contrat ou de tout autre arrangement
quelle que soit la qualification donnée à celui-ci : déclaration d'intention, protocole,
mémorandum, etc.
Mais le contrat n'est pas la seule technique juridique que les entreprises peuvent
utiliser en pratique comme support de leur concertation. Il est possible que celle-ci
s'appuie sur des groupements dotés ou non de la personnalité juridique tels que les
sociétés (sociétés anonymes, filiales communes), les syndicats, les ordres professionnels,
les associations, etc.
Quand l'entente s'appuie donc sur une structure, la nature juridique de celle-ci
importe peu, de même que son caractère licite. Seul compte le but visé par les auteurs de
cette structure à savoir la limitation de la concurrence. Mais la concertation ne se
formalise pas toujours dans des structures.
2 -Les ententes tacites
L'article 30 du règlement communautaire n° 6 ne se limite pas aux ententes
expresses, il concerne en outre la simple coopération entre entreprises en visant les
ententes tacites et les actions concertées. L’article 5 de la loi du 14 juillet 1998 n’utilise
pas les notions d’ententes tacites et d’actions concertées comme le texte communautaire.

28
Mais il ne fait aucun doute que ce texte vise aussi bien les ententes expresses que tacites.
On peut tirer argument de l’utilisation concomitante des termes d’accords et d’ententes.
La notion d’entente ne renvoie pas uniquement à celle d’accord, sinon le législateur
aurait fait l’économie de l’une des deux notions.
L'appel à la notion d’actions concertées répond certainement à la nécessité
d'appréhender des comportements collectifs qui, sans emprunter une forme juridique bien
définie, n'en témoignent pas moins du dessein de limiter la concurrence entre plusieurs
entreprises.
Le législateur communautaire, bien qu’ayant utilisé la notion d’actions
concertées, ne l’a cependant pas définie, comme l’ont fait certaines législateurs
étrangers. Pourtant, cette définition est essentielle, indépendamment des problèmes de
preuve qui se posent dans ce cas, puisqu'elle permet d'étendre ou de limiter le champ
d'application de la réglementation des ententes selon que l'on identifie tout parallélisme
des comportements à une entente tacite, ou, au contraire, que l'on exige un élément
intentionnel.
Il nous semble nécessaire, si l'on veut éviter toute interprétation exagérée de la
notion d’actions concertées qui risquerait de paralyser le processus même de la
concurrence, de ne retenir cette qualification que lorsqu'il est démontré que les
entreprises en cause ont convenu de façon consciente et intentionnelle d'adopter
mutuellement leur futur comportement vis-à-vis du marché16. Cette interprétation permet
d'écarter la théorie américaine connue sous le nom de parallélisme d'actions ou "price
leader system"17. C’est d’ailleurs la position qu’a adoptée le législateur national en son
article 8, alinéa 2. Aux termes de ce texte, ne constituent pas une preuve suffisante de
l’existence d’une entente ou d’un accord :
- la constatation d’un parallélisme de prix ou de condition de vente ;
- l’alignement sur les prix ou les conditions de vente d’un concurrent, même si
ces prix ou conditions de vente résultent d’une entente ou d’un accord.
Ainsi, le fait que plusieurs producteurs appliquent les mêmes prix de vente ne doit
pas être d'emblée considéré comme une action concertée. Cette similitude des prix résulte

16
- C'est cette solution qui a été adoptée en droit communautaire européen (V. C.J.C.E. 16 Déc. 1975, Aff. Industrie européenne
du sucre, Rec. C.J.C.E. 1975, p. 1603.
17
- Aux termes de cette théorie, le simple fait, pour plusieurs entreprises se trouvant dans une position d'oligopole, d'adopter sur
le marché une position commune, notamment en matière de prix, même sans s'être concertées au préalable, constitue une entente
sans que l'intention ait besoin d'être prouvée.

29
souvent d'une entente, mais peut aussi s'expliquer par une situation concurrentielle
obligeant les entreprises à s'aligner les unes sur les autres. Outre le parallélisme de prix
ou de condition de vente, un accord au moins implicite doit être exigé. Mais quand
peut-on considérer qu'un tel accord existe ?
L'exigence d'un élément intentionnel, bien que justifié, rend assez délicate la tâche
des instances de contrôle de la concurrence. La preuve de cet élément intentionnel sera
toujours très difficile à établir surtout dans les cas où les actions concertées ne sont pas
arrivées au stade de leur exécution ou lorsque les résultats escomptés ne sont pas atteints.
A défaut de pouvoir rapporter la preuve de l'entente soit par un écrit, soit par
l'aveu des intéressés, on devrait, comme c'est le cas en droit français, admettre que cette
preuve puisse être rapportée indirectement en se fondant sur des "présomptions graves,
précises et concordantes tirées d'indices matériels qui, eux, ont été constatés"18. Mais,
s'agissant d'un domaine pénal, les instances de contrôle de la concurrence ne devraient
pas se contenter d'impressions trop vagues ou fragiles pour établir l'existence d'une
pratique concertée. Seuls des indices multiples, divers et convergents devraient leur
permettre de fonder leur conviction.
Les indices d'une action concertée sont extrêmement variés. Il peut s'agir de
l'existence d'une entente antérieure dans le secteur considéré, de la diffusion de certains
documents tels les méthodes de calcul de tarifs remis par des syndicats à leurs adhérents.
Même un simple parallélisme des comportements est susceptible de constituer un indice
sérieux. Mais il doit s'agir comme nous l'avons dit d'un parallélisme "conscient" qui
aboutit à des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions
normales du marché.
Au terme de l'étude des critères de détermination de l'entente, il paraît judicieux
de donner une définition précise et complète de celle-ci. C'est un accord exprès ou
tacite, conclu entre des entreprises situées au même stade ou à des stades différents du
processus économique et quelle que soit leur nature juridique, qui désirent adopter une
discipline collective de comportement sur le marché, tout en conservant leur autonomie
juridique et leur indépendance économique, mais en limitant leur liberté d'action et de
décision. En droit camerounais et communautaire, cet accord n'est pas prohibé en

18
- V. Rapport de la Commission de la concurrence pour 1980. Cette jurisprudence, inaugurée par la Commission technique (V.
Rapport pour 1958 et 1959, p. 304, Rapport pour 1975, p. 997) est constamment reprise par le Conseil de la concurrence dans ses
rapports annuels.

30
lui-même, mais uniquement dans la mesure où il peut entraver « de manière sensible »
le jeu normal de la concurrence.

II – L'atteinte à la concurrence
Afin de préciser le contenu de cette deuxième condition, il convient d'une part de
voir l'atteinte à la concurrence qui est condamnée par les législations nationale et
communautaire (A) et, d’autre part, de s'efforcer de recenser les différentes formes que
peut revêtir l'atteinte à la concurrence (B).

A - L'atteinte à la concurrence condamnée par les législations nationale et


communautaire
Pour qu’une entente soit prohibée, il faut d’une part qu’elle ait un objet et/ou un
effet anticoncurrentiel (1) et, d’autre part, que l’atteinte portée à la concurrence soit
sensible (2).

1 – L’entente ayant un objet et/ou un effet anticoncurrentiel


Est-il nécessaire, pour qu'une entente soit prohibée, qu'elle ait impérativement un
objet anticoncurrentiel ou un simple effet anticoncurrentiel suffit ? Le droit interne et le
du droit communautaire semblent favorables à une conception large de l’entente
anticoncurrentielle. En effet, l’article 5 de la loi du 14 juillet 1998 prohibe de manière
claire l’entente ayant un effet anticoncurrentiel, ce qui suppose a fortiori que l’entente
ayant un objet anticoncurrentiel n’échappe pas à la prohibition. Quant à l’article 30 du
règlement communautaire n° 6, il prohibe toutes les ententes susceptibles d’affecter le
commerce entre les Etats membres et qui ont pour objet (nouveauté) ou pour effet de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’Union dans la zone de
la CEMAC.
Il résulte de ce qui précède que le droit interne et le droit communautaire
interdisent quatre types d'ententes : celles qui ont un objet et un effet anticoncurrentiels ;
celles qui ont un objet anticoncurrentiel même si elles n'ont pas d'effet ; celles qui ont un
effet anticoncurrentiel quel que soit leur objet ; enfin, celles qui recèlent une potentialité
d'effet anticoncurrentiel même si cet effet ne s'est pas manifesté.

31
L'atteinte à la concurrence s'apprécie donc en fonction de deux critères alternatifs,
à savoir l'intention ou les résultats (réels ou éventuels), qui peuvent parfaitement être
combinés (cas d'une entente ayant un objet et un effet anticoncurrentiels). L'entente ayant
un objet anticoncurrentiel et l'entente ayant uniquement un effet anticoncurrentiel
constituent ainsi les deux grandes catégories pouvant contenir les autres. Ces deux
grandes catégories méritent d’être explicitées.
a -L'entente ayant un objet anticoncurrentiel
Une entente a un objet anticoncurrentiel lorsque ses auteurs l'ont adoptée avec
l'intention de porter atteinte à la concurrence.
L'objet anticoncurrentiel existe certainement lorsque les entreprises ont eu
l'intention délibérée d'entraver la concurrence. Mais l'objet anticoncurrentiel pourrait
également être retenu dès lors que les entreprises ont simplement conscience d'enfreindre
les règles de concurrence, c'est-à-dire sont conscientes des effets normalement prévisibles
des pratiques qu'elles mettent en oeuvre.
La recherche de l'intention anticoncurrentielle est nécessaire dans la mesure où les
résultats escomptés par les auteurs de l'entente peuvent ne pas être atteints. Dans ce cas,
l'intention délictueuse suffit à caractériser l'entente anticoncurrentielle. Mais la règle ne
joue pas, toutefois, lorsque l'intention délictueuse des membres de l'entente ne s'est
traduite par aucun acte d'exécution.
Ainsi, les entreprises qui ont envisagé de déposer des soumissions de couverture
en réponse à des appels d'offres avec l'intention d'entraver la concurrence, mais qui n'ont
finalement pas soumissionné et, donc n'ont pas concrétisé cette intention, ne devraient
logiquement pas être sanctionnées. L'effet anticoncurrentiel sera donc parfois exigé
même en présence d'une intention délictueuse. Mais il peut arriver que cet effet suffise en
lui-même à caractériser l'entente anticoncurrentielle.
b -L'entente ayant un effet anticoncurrentiel
Lorsqu'une entente a eu pour conséquence la suppression ou la limitation de la
concurrence, on peut se poser la question de savoir si elle doit être réprimée même si tel
n'a pas été le but visé par les parties ; c'est-à-dire lorsque ces dernières n'ont ni l'intention,
ni même la conscience qu'elles enfreignent la loi. La réponse positive nous semble
évidente. La concurrence est une valeur sociale protégée et aucune atteinte - même non
intentionnelle - ne doit être admise à son encontre.

32
L'atteinte non intentionnelle à la concurrence est bien concevable. En effet, la
plupart des structures juridiques pouvant servir d'instruments aux ententes étant licites
(par exemple, création d'une filiale commune par plusieurs sociétés-mères ; conclusion
d'une convention d'exclusivité entre un producteur et un distributeur, etc.), il est possible
que leurs auteurs, en les adoptant, n'aient aucune intention de fausser le jeu de la
concurrence. Si ces structures produisent des effets anticoncurrentiels, ceux-ci seront
sanctionnés.
Mais peut-on aller plus loin et retenir l'infraction d'entente anticoncurrentielle
même en présence d'un effet purement éventuel ? L'article 30 du règlement
communautaire n° 6 et l’article 5 de la loi du 14 juillet 1998 semblent l'admettre
puisqu'ils ne s'y opposent ni implicitement, ni explicitement. L'effet éventuel d'entrave à
la concurrence constitue donc un critère suffisant d'incrimination. Mais sa mise en oeuvre
ne manquera pas de soulever des difficultés. Et nous voyons mal comment ce critère
serait opérationnel si on n'admet pas que certaines ententes sont par nature
anticoncurrentielles.
L'étude de tous ces critères d'incrimination nous permet de constater que les instances
de contrôle de la concurrence disposent de très larges pouvoirs dans la qualification de
l'entente anticoncurrentielle. Nous espérons que ces instances utiliseront ces pouvoirs à bon
escient afin de permettre à la concurrence de produire le maximum d'effets bienfaisants.
2 – L’atteinte sensible à la concurrence
En vue d’apprécier l’objet ou l’effet anticoncurrentiel de l’entente, une condition
d’atteinte sensible à la concurrence a été expressément posée par le législateur national.
Cette condition est édictée par les articles 3 et 23 de la loi du 14 juillet 1998. L’article 3
dispose : « Toutes les pratiques qui auraient pour effet d’empêcher, de fausser ou de
restreindre de manière sensible l’exercice de la concurrence au niveau du marché
intérieur sont interdites ». L’article 23 quant à lui dispose : « Sont considérées comme
infractions aux dispositions de la présente loi, les pratiques anticoncurrentielles visées au
titre II …, lorsque celles-ci portent atteinte d’une manière sensible à la concurrence ou
auraient vraisemblablement cet effet ».
En droit communautaire, la condition d’atteinte sensible à la concurrence était
posée par l’article 2 du règlement n° 1 qui disposait : « Est interdite toute pratique de
nature à faire obstacle au libre jeu de la concurrence et notamment les ententes illicites,

33
les abus de position dominante, les concentrations qui réduisent sensiblement la
concurrence ».Cette condition n’a pas été expressément reprise par le Règlement n° 6,
ce qui est critiquable.
L’exigence de l’atteinte sensible à la concurrence signifie que l’entente qui ne
comporte pas, par son objet et/ou son effet, une restriction caractérisée à la
concurrence, et qui n’a que des effets insignifiants sur le marché en cause, ne tombe pas
sous le coup des textes prohibant les ententes anticoncurrentielles.
La condition de sensibilité de l’atteinte à la concurrence permet de vérifier la place
des entreprises poursuivies sur le marché concerné. Parce que les entreprises disposent
d’un certain pouvoir de marché, elles sont capables de porter sensiblement atteinte à la
concurrence. La condition de sensibilité traduit cette aptitude.

B - La diversité des pratiques d'ententes anticoncurrentielles


Les pratiques d'ententes anticoncurrentielles qui peuvent se rencontrer dans la vie
des affaires sont, à l'évidence, trop nombreuses et trop diversifiées pour pouvoir être
énumérées et décrites avec minutie. C'est pourquoi ni l'article 5 de la loi du 14 juillet
1998, ni l’article 30 du règlement communautaire n° 6, ne fournissent pas une liste
exhaustive de ces pratiques. Ils se bornent à énoncer cinq ou six catégories de restrictions
de concurrence jugées répréhensibles. Mais la liste est loin d’être exhaustive, même si le
droit interne n’utilise pas l’adverbe notamment comme le droit communautaire.
De manière synthétique, les ententes anticoncurrentielles peuvent être regroupées
en deux grandes catégories : les stratégies de cloisonnement et les stratégies
d'étouffement19.
Les stratégies de cloisonnement sont des pratiques anticoncurrentielles
susceptibles d'apporter une entrave artificielle à l'apparition ou au développement de
nouveaux concurrents sur le marché et de conférer à ceux qui les mettent en oeuvre des
rentes de situation. De telles pratiques concertées qui affectent la condition de libre
circulation des ressources nécessaires au plein exercice de la concurrence peuvent revêtir
des formes très diverses. Mais les plus importantes sont : les remises cartellisées, les
contrats de distribution et leurs clauses d'exclusivité.

19
- Sur ces stratégies de cloisonnement et d'étouffement, V. notre thèse de Doctorat 3 e cycle, p. 192 et s.

34
Les stratégies d'étouffement quant à elles sont des pratiques d'ententes qui visent
à contrarier, voire à neutraliser les mécanismes de l'offre et de la demande entre les
opérateurs économiques présents sur le marché. Entrent dans cette rubrique : les pratiques
entravant la libre détermination des prix, les pratiques visant la répartition des marchés
ou des sources d'approvisionnement, les quotas de production ou de vente, etc.

III – L’absence de justification de l’entente


La justification des pratiques portant atteinte à la concurrence s’explique par la
finalité qui est assignée au droit des pratiques anticoncurrentielles. Ce dernier vise la
protection de l’intérêt général. Or les législateurs communautaire et national présument
que le libre jeu de la concurrence est le moyen le plus apte à assurer la protection de cet
intérêt général. Cette présomption n’est cependant pas irréfragable. Il peut en effet arriver
que les restrictions qui sont apportées à la libre concurrence par les ententes présentent
pour la collectivité plus d’avantages que d’inconvénients. Dans ce cas, l’intérêt général
doit primer sur la protection de la libre concurrence, dont la recherche n’est pas une fin
en soi.
Le règlement communautaire n° 6 et la loi du 14 juillet 1998 contiennent tous des
dispositions relatives à l’exonération ou à la justification ou à l’exemption des ententes
portant atteinte à la concurrence. Ces dispositions permettront aux instances
communautaires et nationales chargées de l’application des règles de concurrence, de
faire le bilan économique de chaque entente. La méthode du bilan économique consiste à
mettre en balance les inconvénients et les avantages de chaque entente en cause. Si le solde du
bilan est positif, l’entente est déclarée licite. Dans le cas contraire, elle est illicite et tombe
sous le coup de la loi. La méthode du bilan économique rejette ainsi l'approche trop
schématique et manichéenne qui consiste à considérer certaines ententes comme
essentiellement mauvaises et d'autres comme étant bonnes. Cette approche ne correspond
pas à la réalité des choses. En effet, la plupart des ententes sont d'ordinaire mélangées
d'effets nocifs et d'effets positifs.
L’exonération des ententes est régie en droit communautaire par l’article 32 du
règlement n° 6 qui semble consacrer deux types d’exemption : l’exemption individuelle
et l’exemption par catégorie. Contrairement au texte communautaire, l’article 6 de la loi
du 14 juillet 1998 qui consacre l’exonération des ententes ne prévoit que l’exemption

35
individuelle. Il convient donc d'étudier d'une part l’exemption individuelle (A) et, d’autre
part, l’exemption par catégorie (B).
A - L’exemption individuelle
L’exemption individuelle est celle qui faite au cas par cas par les instances de
contrôle de la concurrence. Elle est consacrée en droit communautaire par l’article 32 - 1)
qui dispose :
L’exemption individuelle est consacrée en droit interne par l’article 6 de la loi du
14 juillet 1998 qui dispose : « Toutefois, les accords et ententes susvisés peuvent déroger
à l’interdiction prévue à l’article 5 ci-dessus dans les conditions ci-après :
a) s’ils sont préalablement notifiés à la Commission Nationale de la Concurrence ;
b) si la Commission Nationale de la Concurrence conclut que ces accords et ententes
apportent une contribution nette à l’efficience économique à travers :
- la réduction du prix du bien ou service, objet de l’entente ou de l’accord ;
- l’amélioration sensible de la qualité dudit bien ou service ;
- le gain d’efficience dans la production ou la distribution de ce bien ou
service ».
A la suite de l’article 6, l’article 7 de la loi du 14 juillet 1998 poursuit : « La
dérogation visée à l’article 6 … n’est accordée que s’il est prouvé que la contribution
nette à l’efficience économique ne peut être réalisée en l’absence de l’accord ou entente
mis en cause et que ledit accord ou ladite entente est moins restrictif de la concurrence
que d’autres accords ou ententes permettant les mêmes gains d’efficience ».
Il ressort des textes communautaire et internes relatifs à l’exonération des ententes
trois conditions d’exonération dont une est spécifique au droit interne : la nécessité d’une
notification préalable de l’entente (1), et deux communes aux deux législations : la
contribution de l’entente au développement du progrès économique (2) et le caractère
indispensable et limité de l’atteinte à la concurrence (3).

1 – La nécessité d’une notification préalable de l’entente par les entreprises


concernées
Cette condition est consacrée en droit interne par l’article 6 a) qui prévoit que la
notificationpréalable de l’entente doit se faire à la Commission Nationale de la
Concurrence.

36
La notification préalable de l’entente par ses auteurs traduit en quelque sorte leur
bonne foi. Cette notification préalable constitue donc une condition préalable à la
réalisation du bilan économique de l’entente. A défaut de cette notification, l’entente ne
pourra pas être exonérée, même si elle présente d’énormes avantages pour la collectivité,
si ce sont les instances de contrôle de la concurrence elles-mêmes qui découvrent son
existence. Mais la notification préalable de l’entente n’est pas une condition suffisante de
l’exonération. Les parties concernées doivent justifier que l’entente en cause apporte une
contribution nette au développement du progrès économique.

2 – La contribution nette de l’entente au développement du progrès économique


Aux termes des dispositions communautaires et internes, une entente ne peut être
exonérée que s’il est établi par les instances de contrôle de la concurrence qu’elle apporte
d’une part une contribution nette au développement de l’efficience économique et,
d’autre part, un bénéfice ou un profit certain aux consommateurs ou aux utilisateurs. La
législation nationale donne quelques indices permettant d’établir la contribution nette à
l’efficience économique. Il s’agit entre autres de :
- la réduction du prix du bien ou service, objet de l’entente ou de l’accord ;
- l’amélioration sensible de la qualité dudit bien ou service ;
- le gain d’efficience dans la production ou la distribution de ce bien ou
service.
On peut en dire davantage. En effet, les avantages économiques qui peuvent être
invoqués par les auteurs des ententes sont innombrables. Il peut s'agir également :
- de la spécialisation des fabrications ou de la distribution ;
- de la rationalisation de la production, de la distribution ou des investissements ;
- de la conquête des débouchés ;
- du progrès technique et de l'innovation ;
- des réformes de structures ; de la promotion de la qualité des produits, de la
facilitation des investissements risqués, l'amélioration de la compétitivité de l'industrie
camerounaise afin de lui permettre de faire face à la concurrence internationale, le
renforcement de la position concurrentielle des PME20.

20 s
- Cf. V. SELINSKY, L'entente prohibée, Litec, 1979, nErreur ! Signet non défini. 521 et s.

37
A cette liste, il convient d'ajouter l'assainissement des secteurs économiques en
difficulté. En effet, en période de crise, des entreprises peuvent se concerter afin
d'échapper à l'affrontement concurrentiel auquel elles ne peuvent plus résister. La
concertation peut ainsi permettre d'éviter que des PME performantes ne soient éliminées
du marché ou que des installations industrielles ne soient détruites au-delà de ce qui est
économiquement raisonnable21.
Les ententes peuvent donc constituer de véritables instruments de développement
économique et de lutte contre la crise économique. Mais en dépit de sa contribution au
développement du progrès économique, une entente ne peut être exonérée que si
l’atteinte à la concurrence qu’elle entraîne présente un caractère indispensable et limité.

3 – Le caractère indispensable et limité de l’atteinte à la concurrence


Le caractère indispensable de l’atteinte à la concurrence signifie tout simplement
que les effets bénéfiques de l’entente anticoncurrentielle doivent être supérieurs à ceux
qui peuvent découler du libre jeu de la concurrence.
Cependant l’atteinte à la concurrence, même indispensable, n’est pas admise
lorsqu’il y a élimination de la concurrence « pour une partie substantielle des produits en
cause ». En effet, si un bilan économique positif peut justifier des restrictions ou
limitations de concurrence, il devrait être impuissant à légitimer une suppression totale ou
substantielle de la concurrence sur le marché.

B – L’exemption par catégorie


L’exemption par catégorie est prévue par la seule législation communautaire. Elle est
consacrée par l’article 20 alinéa 3 in fine du Règlement de 2019 qui dispose que la
Commission de la CEMAC peut en particulier prendre des mesures d’exemption
catégorielle en application des articles 32 et 89 du Règlement communautaire.
L’article 32 – 2) auquel semble renvoyer l’article 20 alinéa 3 in fine dispose que ne sont
pas soumises aux interdictions, les pratiques qui font expressément l’objet d’exemption
prise par la Commission et tendant notamment à :
- baisser le prix de revient au bénéfice du consommateur ;
- favoriser la recherche et l’innovation ;

21
- Une entente conclue entre des P.M.E. peut leur permettre de se maintenir sur le marché face aux groupes plus puissants. Elle
peut également éviter des licenciements trop importants.

38
- améliorer la qualité des produits en particulier en promouvant l’application uniforme
des normes de qualité ;
- améliorer la compétitivité des entreprises de la zone CEMAC en particulier sur le
marché international.

§II – La prohibition des abus de position dominante

Dans un système d'économie libérale, il ne suffit pas, pour assurer le maintien de


la libre concurrence sur les marchés, de condamner les ententes anticoncurrentielles. Il
convient en outre de s'attaquer aux monopoles et à la concentration manifeste de la
puissance économique, afin d'interdire à une ou plusieurs entreprises de faire la loi du
marché.
C'est dans cette optique que les législations nationale et communautaire, dans leur
volonté affirmée de promouvoir une politique plus active et plus rigoureuse de la
concurrence, interdisent respectivement au chapitre II de la loi du 14 juillet 1998 et à
l’article 33 du règlement communautaire n° 6, l'exploitation abusive par une entreprise ou
un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché.
Il convient de préciser les trois conditions essentielles exigées par les textes qui
sont : la détention d'une position dominante (I), son exploitation abusive (II) et l’absence
de justification de l’abus, condition prévue par le seul droit national (III).

I - La détention d'une position dominante


La détention d'une position dominante est la première condition nécessaire, mais
non suffisante de la mise en oeuvre du contrôle des comportements économiques exercé
au titre des articles 10 et 11 de la loi du 14 juillet 1998 et de l’article 33 du règlement
communautaire n° 6. Les termes de ces textes amènent à préciser quels peuvent être les
détenteurs de la position dominante (A) et les éléments permettant de caractériser la
situation de domination (B).
A - Les détenteurs d'une position dominante
Il résulte aussi bien des articles 10 et 11 de la loi du 14 juillet 1998 que de l'article
33 du règlement communautaire n° 6 que la position dominante peut être détenue par une

39
entreprise ou un groupe d'entreprises. Cette façon d'envisager une détention individuelle
ou collective de la situation de domination permettra indiscutablement aux instances de
contrôle de la concurrence d'appréhender les situations les plus diverses.
Les législations nationale et communautaire sont donc applicables lorsqu'une seule
entreprise domine le marché. L'entreprise unique ne s'identifie pas ici nécessairement à
une personne juridique isolée. Il peut s'agir du groupe constitué par une société-mère
et ses filiales dès lors que l'ensemble forme une unité économique et que les filiales
ne jouissent pas d'une réelle autonomie de décision. Dans ce cas, il n'y a pas risque
de conflit entre les dispositions sur les ententes et celles sur les positions dominantes
car, faute d'un concours de volontés autonomes, les dispositions relatives aux
ententes ne pourraient s'appliquer22.
Mais la détention individuelle d'une position dominante est souvent une situation
assez exceptionnelle sur les marchés. Il est donc judicieux que les textes visent aussi la
domination du marché par un groupe d'entreprises. Mais, la question se posera en
pratique de savoir ce qu'on doit entendre par groupe d'entreprises. Le concept de groupe
vise, bien entendu, la structure ainsi dénommée en droit des sociétés : un ensemble de
sociétés soumises à un contrôle commun, du fait des relations financières qu'elles
entretiennent, mais qu'on ne peut considérer comme une entreprise unique pour des
raisons diverses telles que l’autonomie juridique de chacune des sociétés23.
Des entreprises qui ne sont pas liées financièrement entre elles, mais qui ont
constitué une entente et qui, ensemble (et non individuellement), détiennent une part
importante du marché peuvent également, dans certains cas, être considérées comme
constituant un groupe d'entreprises, en raison de la coordination, a priori, de leurs
politiques commerciales24.
La question peut se poser de savoir si l'on peut aller plus loin et retenir l'existence
d'une position dominante collective lorsqu'il n'existe aucun lien financier ou de
concentration entre les entreprises. L'admettre reviendrait à induire l'existence d'une
situation de domination à partir du seul parallélisme des comportements de plusieurs
entreprises oligopolistiques, c'est-à-dire à soumettre aux dispositions sur les positions
dominantes, des opérateurs contraints, du fait des structures du marché, d'adopter des

22
- V. supra.
23
- V. en ce sens, J.P. BRILL, la filiale commune et la Commission de la concurrence, D.S. 1980, chr. p. 285.
24
- Il convient de noter que dans la plupart des cas, cette coordination peut être analysée au regard des dispositions sur les
ententes. Un concours idéal entre l'entente anticoncurrentielle et l'abus de position dominante n'est donc pas exclu.

40
comportements identiques. Une telle solution serait contraire à l'esprit des textes. Il n'y a
à notre avis groupe d'entreprises que lorsqu'il existe entre elles un lien. Un groupe n'est
donc pas une simple collection d'entreprises.

B - Les critères de détermination d'une position dominante


En dépit de la divergence de forme entre les textes national et communautaire, les
critères de détermination d’une position dominante consacrés par les deux textes ne sont
guère très différents.
Aux termes de l’article 10 de la loi du 14 juillet 1998, la domination d’une entreprise
ou d’un groupe d’entreprises s’apprécie notamment par les critères ci-après qui ne sont pas
cumulatifs :
- la part qu’elle détient sur le marché ;
- son avance technologique sur les concurrents ;
- les obstacles de tout genre qu’elle pose pour empêcher l’entrée de nouvelles
entreprises sur le marché.
Quant à l’article 33 du règlement communautaire n° 6, il dispose qu’une position
dominante est établie notamment lorsqu’une entreprise ou un groupe d’entreprises est
susceptible de s’abstraire de la concurrence d’autres acteurs sur le marché concerné.
Contrairement à la législation nationale, la législation communautaire ne vise plus
expressément l’importance de la part de marché comme critère de détermination de la
position dominante. Mais on peut dire que ce critère est consacré de manière implicite car une
entreprise ne peut s’abstraire de la concurrence d’autres acteurs sur le marché concerné que si
elle occupe une part importante de ce marché.
Mais pour le législateur national, l’importance de la part du marché n’est pas le seul
critère de détermination de la position dominante. Il en existe d’autres, tels que l’avance
technologique sur les concurrents et les obstacles de tout genre qu’une entreprise ou un
groupe d’entreprises posent pour empêcher l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché.
Mais ce dernier élément visé par l’article 10 de la loi de 1998 ne semble pas être un critère de
détermination de la position dominante, mais plutôt un comportement constitutif de l’abus de
position dominante. En effet, empêcher l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché est une
entrave à la libre concurrence, qui suppose l’existence préalable d’une position dominante.

41
Une fois cette importante précision apportée, il convient d’expliciter les deux critères
caractéristiques de la position dominante qui sont l’importance de la part du marché détenue
(1) et les facteurs qualitatifs tels que l’avance technologique (2).

1 – L’importance de la part de marché détenue


Il peut s’agir d’une situation de monopole ou d’une concentration manifeste de la
puissance économique.
a - La situation de monopole
Une entreprise ou un groupe d'entreprises jouit d'une position dominante évidente
lorsqu'elle dispose d'une situation de monopole. Celui-ci est en effet considéré comme la
forme ultime de position dominante. La notion de monopole s'entend dans son sens
économique. Par comparaison avec la “concentration manifeste de la puissance
économique”, le monopole est une concentration absolue : une entreprise ou un groupe
d'entreprises contrôle la totalité de la fabrication nationale ou communautaire d'un
produit ou la totalité du marché d'un service.
Le monopole a pour effet principal de limiter la concurrence par les prix. Mais,
cette situation est cependant exceptionnelle du fait de la multiplication des phénomènes
de différenciation et de substitution. L'entreprise en position dominante peut disposer soit
d'un monopole de fait, soit d'un monopole de droit. On peut donc se poser la question de
savoir si les monopoles institués par la puissance publique doivent ou non échapper à
l'application des règles du droit de la concurrence. La solution positive pourrait être
soutenue au motif que les activités en monopole sont “hors concurrence” dans la mesure
où un texte confère au titulaire un droit absolu. Mais, nous objecterions en disant que
l'existence d'un monopole de droit n'exclut pas toute possibilité de concurrence du fait de
la substituabilité des produits ou des services offerts aux consommateurs. Le titulaire d'un
monopole légal pourrait donc se voir appliquer les règles du droit de la concurrence25.
La situation de position dominante peut être constituée en dehors d'une situation
de monopole.
b - La concentration manifeste de la puissance économique
Cette situation n’est pas visée expressément par les textes national et
communautaire. Elle peut cependant être déduite des termes utilisés par ces derniers.

25
- V. dans le même sens, Rapport de la Commission de la concurrence pour 1979, Avis du 28 Juin 1979 cité par V.
SELENSKY, Le contrôle des ententes et des positions dominantes en droit français, op. cit. nErreur ! Signet non défini.128.

42
Deux critères permettent d'apprécier la concentration manifeste de la puissance
économique : la prépondérance de la part de marché occupée par l'entreprise et la nature
de ses comportements. Ces deux critères sont cumulatifs et non alternatifs.
La part de marché détenue par une entreprise est le rapport entre le chiffre
d'affaires qu'elle réalise et le chiffre d'affaires total du marché de référence. Elle s'évalue
généralement en pourcentage. Contrairement à la situation de monopole, la concentration
manifeste de la puissance économique ne se caractérise pas par un contrôle absolu du
marché. La part de marché peut être très importante (exemple, 80% du chiffre d'affaires).
Mais, une part de marché relativement importante serait suffisante pour caractériser la
position dominante si elle permet à l'entreprise de contrôler le marché. Dans ce cas,
l'écart existant entre la part de marché détenue par l'entreprise concernée et les parts de
marché des concurrents qui la suivent immédiatement constitue un indice supplémentaire
non négligeable.
Le législateur camerounais n'a pas jugé nécessaire de déterminer le seuil à partir
duquel une entreprise ou un groupe d'entreprises serait considéré comme occupant sur le
marché une position dominante. Cette solution, qui n'est pas spécifique au droit
camerounais, se justifie par le fait que l'importance de la part de marché détenue par
l'entreprise ou le groupe d'entreprises n'est pas le seul critère de détermination de la
position dominante en droit interne. En outre, il est assez difficile de déterminer a priori
le seuil de domination sans avoir effectué au préalable une analyse du marché dans lequel
évolue l'entreprise en cause.
Le second critère de détermination de la concentration manifeste de la
puissance économique est la nature des comportements de l'entreprise concernée à
l'égard des autres agents économiques. Dans ce cas, l'entreprise sera dite en position
dominante lorsque la part de marché qu'elle occupe lui permet non seulement de
s'affranchir des contraintes d'une concurrence extérieure substantielle, c’est-à-dire
comme le dit le règlement communautaire « de s’abstraire de la concurrence d’autres
acteurs sur le marché concerné », mais aussi d'imposer ses vues à ses concurrents ou ses
conditions à ses fournisseurs ou clients, faute pour ces derniers de disposer d'alternatives
suffisantes26.

26
- V. dans le même sens, Rapport de la Commission de la concurrence pour 1979, J.O. éd. Documents administratifs, 6
Fév.1980, p.196.

43
Il y a donc concentration manifeste de la puissance économique caractérisant la
position dominante lorsqu'une entreprise ou un groupe d’entreprises détient une part
prépondérante de marché qui lui fournit la possibilité de comportements indépendants
dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement des
consommateurs.
2 - Les facteurs qualitatifs
En plus des deux critères sus-évoqués, peuvent également être pris en compte pour
qualifier la position dominante d'autres éléments caractéristiques du marché ou des
éléments qualificatifs propres à l'entreprise tels qu'une supériorité dans la gestion,
l'innovation technique, l'action commerciale, l'accès préférentiel à certaines sources de
financement, l’avance technologique, etc. Tous ces éléments sont des indices non
négligeables d'une situation de domination.

II - L'exploitation abusive de la position dominante : l’atteinte à la concurrence


En droit interne et communautaire, la position dominante n'est pas prohibée en
elle-même (“per se”). Ainsi, pour tomber sous le coup de la loi, l'entreprise ne doit pas
seulement occuper une position dominante, il faut encore qu'elle exploite abusivement
cette position.
Aux termes de l’article 11 de la loi 1998, une entreprise ou un groupe
d’entreprises abuse de sa position dominante sur le marché lorsqu’elle s’adonne aux
pratiques ayant pour effet de restreindre d’une manière sensible la concurrence sur ledit
marché.
A ce titre, l’entreprise :
- adopte les mesures ayant pour effet soit d’empêcher une entreprise concurrente
de s’établir dans le marché, soit d’évincer un concurrent ;
- exerce les pressions sur les distributeurs à l’effet d’empêcher l’écoulement des
produits de ses concurrents ;
- se livre à des actions ayant pour effet l’augmentation des coûts de production
des concurrents.
Aux termes de l’article 33 du règlement communautaire n° 6, une exploitation
abusive d’une position dominante peut notamment consister à :

C.J.C.E. Arrêts United Brands du 14 Fév. 1978 et Hoffmann-La Roche du 13 Fév.1979, cités par X. De Roux et D.
s
VOILLEMOT, Le droit de la concurrence des communautés européennes, 1976, nErreur ! Signet non défini. 57 s.

44
a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres
conditions de transactions non équitables ;
c) appliquer à l’égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des
prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de
prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont
pas de lien avec l’objet de ces contrats.

Il ressort des articles 11 de la loi du 14 juillet 1998 et 33 du règlement


communautaire n° 6 que les éléments caractéristiques de l’abus de position
dominante sont identiques à ceux de l’entente anticoncurrentielle. Ce qui n’est pas
surprenant, car dans un cas comme dans l’autre, il y a atteinte à la concurrence et cette
atteinte se caractérise par les mêmes éléments.

III - La possibilité d’exonérer les abus de position dominante en droit interne


La possibilité d’exonérer les abus de position dominante est le seul point de
divergence entre le droit interne et le droit communautaire. En effet cette possibilité est
prévue uniquement en droit interne par l’article 12 de la loi du 14 juillet 1998 dont la
teneur suit : « Lorsque les pratiques d’une entreprise en position dominante ont pour
objet d’améliorer l’efficience économique notamment par une réduction des coûts de
production ou de distribution, ces pratiques ne peuvent pas être considérées comme
abusives même si elles ont pour conséquences l’élimination des concurrents, la
contraction de leurs activités ou la réduction des possibilités d’entrée de nouvelles
entreprises dans le marché ».

45
Section II – L’application des prohibitions
Les ententes et les abus de position dominante sont prohibés à la fois par le droit
interne et le droit communautaire. Cette dualité de source complique l’application du
droit des pratiques anticoncurrentielles.
D’abord, il convient de déterminer, à l’égard de chaque comportement, s’il
ressortit à la sphère de compétence communautaire ou étatique. Ensuite, on constate qu’il
existe des régimes différents d’application des prohibitions en cause, quant aux sanctions
et aux procédures.
S’agissant de la répartition des compétences entre le droit communautaire et le
droit interne, elle soulève deux questions distinctes pouvant appeler des réponses
différentes : celles de savoir, en premier lieu, si le comportement considéré entre dans le
champ d’application des dispositions communautaires ou nationales, en second lieu, si la
mise en œuvre des règles de concurrence applicables relève des autorités communautaires
ou nationales. Cette seconde question ne se pose cependant pas si la règle de
concurrence applicable est la règle interne : il va de soi qu’alors, les autorités
nationales sont seules compétentes. Il y a donc lieu de définir successivement le champ
d’application du droit communautaire et du droit interne (I) et la compétence respective
des autorités nationales et communautaires pour l’application des règles communautaires
(II),étant entendu que les autorités nationales sont seules compétentes pour appliquer le
droit national.

I – Le champ d’application des règles communautaires et des règles internes


Les droits communautaire et interne ont déterminé chacun le critère du champ
d’application de ses règles. Il convient de les exposer tour à tour.
A - Le critère d’application du droit communautaire
Il résulte du préambule du règlement communautaire n° 6 que selon les termes de
la Convention régissant l’UNION Economique de l’Afrique Centrale (UEAC) du 30
janvier 2009, le droit communautaire de la concurrence s’applique lorsque les pratiques
visées ont pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence
« à l’intérieur de l’Union », que les pratiques affectent le commerce entre les Etats
membres ou qu’elles n’aient d’effet que dans un seul Etat membre27.

27
Cf paragraphe 8 du préambule du Règlement n°6 du 7 avril 2019 susvisé.

46
A la suite de ce préambule, l’article 30 du règlement communautaire n° 6 ne
déclare incompatibles (anticoncurrentielles) avec le marché commun, et par conséquent
interdites, que les ententes … « qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’Union dans la zone de
la CEMAC » et l’article 33 du même règlement ne prohibe « le fait pour une ou plusieurs
entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante dans un marché
considéré de produits ou de services sur le Marché Commun de la CEMAC ou une partie
substantielle de celui-ci ».
La condition d’affectation du commerce entre Etats membres a donc pour but de
déterminer le champ d’application du droit communautaire de la concurrence. Cette
notion n’a pas été définie par le législateur communautaire, et les instances
communautaires de contrôle de la concurrence n’ont pas encore eu l’occasion de le faire.
Il convient, pour combler cette lacune, de faire recours au droit européen de la
concurrence qui utilise la même notion comme critère de son champ d’application.
Pour la jurisprudence de la CJCE (30 juin 1966, LMT c/ MBU ; 12 déc. 1967,
Brasserie De Haecht I ; 25 oct. 1979, United Brands) il y a affectation du commerce entre
Etats membres dans le cas d’une pratique qui permet d’envisager l’influence sur les
échanges intracommunautaires « dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des
objectifs d’un marché unique entre Etats membres ». L’affectation du commerce entre
Etats membres ne signifie pas que la pratique en cause limite ou diminue nécessairement
le volume des échanges intracommunautaires ; il suffit qu’elle cristallise les parts de
marché et mette ainsi obstacle à l’intégration des économies des Etats membres. Il y a
ainsi, selon la CJCE, affectation du commerce entre Etats membres lorsque des accords
de prix ou de marges, établis dans un Etat membre et ne couvrant que le marché de cet
Etat, portent, serait-ce pour partie seulement, sur un produit provenant d’un autre Etat
membre et alors même que les participants auraient obtenu le produit auprès d’une
société de leur groupe (CJCE, 10 déc. 1985, Stiching Sigarettenindustrie c/ Commission).
La CJCE fixe cependant une limite à cette conception extensive de l’affectation du
commerce entre Etats membres. Cette condition n’existe que lorsque l’affectation est
sensible.
Les dispositions du droit communautaire sur les ententes anticoncurrentielles et les
abus de position dominante ont également vocation à s’appliquer d’une part lorsque les

47
pratiques anticoncurrentielles n’ont d’effet que dans un seul Etat membre28 et, d’autre
part, dans les marchés intérieurs ou nationaux des Etats membres qui n’ont pas institué de
règles nationales interdisant les pratiques anticoncurrentielles, lorsque les pratiques en
cause n’affectent que le seul marché national29. Pour les Etats membres qui se sont dotés
de telles règles30, celles-ci ne s’appliquent qu’à la condition de ne pas porter atteinte à
l’effet utile des règles communautaires31.

L’application du droit communautaire à titre subsidiaire aux pratiques


anticoncurrentielles qui n’affectent que le seul marché national a pour but d’assurer par
l’harmonisation des règles de la concurrence l’égalité entre les entreprises de la CEMAC,
quel que soit le marché national dans lequel elles mènent leurs activités32.

B - Le critère d’application du droit interne


Le critère du champ d’application du droit interne est énoncé par les articles 1er et
3 de la loi du 14 juillet 1998. Aux termes de ces deux articles, les règles nationales de la
concurrence s’appliquent aux pratiques qui portent atteinte à l’exercice de la concurrence
au niveau du marché intérieur, que les entreprises participantes se situent dans le
territoire national ou hors de celui-ci. Le critère du champ d’application du droit interne
est donc l’atteinte à l’exercice de la concurrence dans le marché intérieur. En termes
géographiques donc, le marché de référence couvre l'ensemble du territoire national. Une
conception aussi large du marché constituerait à coup sûr un obstacle au contrôle des
activités des entreprises dont la domination s'exerce soit dans une “partie substantielle du
marché intérieur”, soit seulement sur un plan régional ou local. Dans toutes ces
hypothèses, l'entreprise en position dominante pourrait échapper à l'application des règles
de concurrence à moins qu'on ne puisse faire application de la réglementation des
28
Cf paragraphe 8 du préambule du Règlement n°6 du 7 avril 2019 susvisé.
29
Cf paragraphes 9 et 10 du préambule du Règlement n°6 du 7 avril 2019 susvisé.
30
Parmi ces Etats figurent : le Cameroun : loi n° 98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence ; le Gabon : loi
n° 014/1998 du 23/07/1998 fixant le régime de la concurrence ; le Congo : loi n°18/020 du 09/07/2018 relative à la
liberté des prix et à la concurrence ; le Tchad : loi n° 043/PR/2014 du 24/12/2014 relative à la concurrence ; la
Centrafrique : loi n°92-002 du 26 mai 1992 portant libéralisation des prix et réglementation de la concurrence en
République centrafricaine et le décret n° 068-229 du 11 juillet 2006 fixant les règles d’application de certaines
dispositions de la loi n°92-002 du 26 mai 1992 portant libéralisation des prix et réglementation de la concurrence en
République centrafricaine
31
Cf paragraphe 10 du préambule du Règlement n°6 du 7 avril 2019 susvisé.
32
C’est ce souci d’égalité entre les entreprises de la CEMAC qui est exprimé dans le 9 e paragraphe du préambule du
règlement n° 6 du 7 avril 2019 qui dispose : « Considérant que ces dispositions visent à instaurer un droit unique de
la concurrence, dans l’espace communautaire de la CEMAC, dans un objectif d’harmonisation et de simplification
des règles de la concurrence ».

48
ententes, si elle a concouru à des pratiques anticoncurrentielles collectives. Il serait
souhaitable que le législateur définisse un critère alternatif faisant référence à une aire
géographique moins étendue pour permettre un élargissement du contrôle des positions
dominantes.
Il peut cependant arriver qu’une pratique qui porte atteinte à la concurrence au
niveau du marché intérieur affecte également le commerce entre Etats membres. Y aurait-
il application cumulative du droit interne et du droit communautaire ? Le silence des
textes national et surtout communautaire nous oblige à faire une fois encore recours au
droit étranger, en l’occurrence au droit européen de la concurrence.
Sur cette question, la CJCE avait admis une application cumulative du droit
interne et du droit communautaire. Dans l’arrêt Walt Wilhelm du 13 février 1969, la Cour
avait d’abord commencé par exposer les raisons qui lui faisaient admettre le principe de
l’application cumulative du droit communautaire et du droit interne :
« Attendu que le droit communautaire et le droit national en matière d’ententes
considèrent celles-ci sous des aspects différents ;
qu’en effet, alors que l’article 85 les envisage en raison des entraves qui peuvent
en résulter pour le commerce entre les Etats membres, les législations nationales,
inspirées par des considérations propres à chacune d’elles, considèrent les ententes dans
ce seul cadre ;
attendu, il est vrai, qu’en raison de l’interdépendance éventuelle des phénomènes
économiques et des situations juridiques considérées, la distinction des aspects
communautaires et nationaux ne saurait servir, dans tous les cas, de critère déterminant à
la délimitation des compétences ;
que, cependant, elle implique qu’une même entente puisse, en principe, faire
l’objet de deux procédures parallèles, l’une devant les autorités communautaires en
application de l’article 85 du traité CEE, l’autre devant les autorités nationales en
application du droit interne ».
Mais l’arrêt restreignait aussitôt la portée du principe qu’il venait d’énoncer par
cette formule :
« attendu toutefois que, en vertu du respect de la finalité générale du traité, cette
application parallèle du système national ne saurait être admise que pour autant qu’elle ne
porte pas préjudice à l’application uniforme, dans tout le marché commun, des règles

49
communautaires en matière d’entente et du plein effet des actes pris en application de ces
règles … ».
L’arrêt observait alors qu’en prévoyant l’inapplicabilité de la prohibition en faveur
des ententes qui contribuent à améliorer la production ou la distribution où à promouvoir
le progrès technique ou économique, l’article 85 permet aux autorités communautaires
d’exercer une action positive en vue de promouvoir un développement harmonieux des
activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, conformément à l’article 2 du
traité. Et il invoquait le principe de primauté du droit communautaire pour démontrer que
les autorités nationales ne sauraient entraver une telle action. Le principe de l’application
cumulative du droit communautaire et du droit interne ne pouvait donc joué que lorsqu’il
n’aboutissait pas à des solutions incompatibles. Il en serait ainsi lorsqu’une pratique qui
porte atteinte à l’exercice de la concurrence dans le marché intérieur et affecte également
le commerce entre Etats membres est exonérée par l’un des deux droits, interne ou
communautaire, seulement. La primauté du droit communautaire a été formulée ainsi par
la CJCE :
« qu’il résulte de tout ce qui précède que, dans le cas où des décisions nationales à
l’égard d’une entente s’avéreraient incompatibles avec une décision adoptée par la
Commission à l’issue de la procédure engagée par elle, les autorités nationales sont
tenues d’en respecter les effets ;
Attendu que, dans le cas où, au cours d’une procédure nationale, il apparaît
possible que la décision par laquelle la Commission mettra fin à une procédure en cours
concernant le même accord pourrait s’opposer aux effets de la décision des autorités
nationales, il appartient à celles-ci de prendre les mesures appropriées ».
Les principes posés par la CJCE dans l’arrêt Walt Wilhelm ont été consacrés par
le règlement communautaire européen n° 1/2003. Ces principes, dont la pertinence ne
souffre aucune contestation, devraient inspirer les autorités communautaires chargées
d’appliquer le droit de la concurrence CEMAC.

50
II - La compétence respective des autorités nationales et communautaires pour
l’application des règles communautaires

Les textes communautaires ont réglé la question de la compétence des autorités


communautaires (A) et des autorités nationales (B) ainsi que celle de la double
compétence des autorités communautaires et des autorités nationales (C) en matière
d’application du droit communautaire.

A – La compétence des autorités communautaires


Les autorités communautaires chargées de la mise en œuvre du droit
communautaire des ententes anticoncurrentielles et des abus de position dominante sont
déterminées par le règlement communautaire n° 6. Ces autorités sont les suivantes :
- la Commission de la CEMAC (articles 6 alinéa 1er, 19 et 20 a) du Règlement
communautaire n° 6 ;
- le Conseil communautaire de la concurrence qui est institué au sein de la Commission
et est l’organe technique de cette dernière en matière de concurrence. A ce titre, il
procède aux enquêtes et à l’instruction sur toute question de concurrence ;
- la Cour de Justice Communautaire qui connaît de recours contre les décisions rendues
par la Commission (art. 24 alinéa 1er).

B – La compétence des autorités nationales pour l’application du droit


communautaire
Les autorités nationales ayant compétence en matière de concurrence sont celles
qui sont prévues par la loi du 14 juillet 1998. Il s’agit de la Commission Nationale de la
concurrence qui connaît en premier ressort des infractions relatives à la concurrence et du
Tribunal de Première Instance du siège de la Commission Nationale de la Concurrence, à
savoir le TPI de Yaoundé Centre administratif, qui statue en dernier ressort sur les
contestations qui sont portées devant lui. La décision rendue par le TPI en dernier ressort
ne peut être contestée que devant la Cour Suprême.
La compétence des autorités nationales pour l’application du droit communautaire
est expressément consacrée par le préambule du Règlement communautaire n° 6 et les
articles 19, 22 alinéa 1er et 2 et 25 dudit.

51
Selon le préambule du Règlement n° 6, les autorités nationales peuvent faire
application du droit communautaire pour interdire les pratiques anticoncurrentielles
n’ayant d’incidences que sur le marché national et n’affectant pas les échanges entre les
Etats membres.

C - La question de la double compétence des autorités communautaires et des


autorités nationales

Il peut arriver qu’une pratique qui porte atteinte à la concurrence au niveau du marché
intérieur affecte également le commerce entre Etats membres. Dans ce cas , les autorités
communautaires et les autorités nationales seront toutes compétentes pour connaître de
ces pratiques. Cette hypothèse est d’ailleurs prévu par le préambule du Règlement
communautaire n° 6 qui dispose que dans les domaines de double compétence entre les
échelons communautaire et national, il convient de préciser des modalités de consultation
et d’information réciproque, ainsi qu’en vertu du principe de subsidiarité, des renvois
réciproques d’affaires transmises aux autorités. C’est dans cette perspective qu’a été
adopté la Directive n° 01/19-UEAC-639-CM-33 relative à l’organisation institutionnelle
dans les Etats membres de la CEMAC pour l’application des règles communautaires de la
concurrence. La section 7 de cette directive est effectivement intitulé « La coopération
dans la mise en œuvre des règles de concurrence ».

52
Chapitre II – L’institution d’un contrôle des concentrations économiques
susceptibles de porter atteinte à la concurrence

L'institution d'un contrôle direct des concentrations économiques répond à une


préoccupation fondamentale : le maintien de structures concurrentielles comme
premier objectif d'un droit moderne de la concurrence 33. Cet objectif n’a pas échappé
aux législateurs national et communautaire. Aussi ont-ils institué un contrôle direct
des concentrations économiques. L’idée générale dont procèdent les règles nationales
et communautaires relatives au contrôle des concentrations est qu’un marché sur
lequel une entreprise a acquis une trop grande puissance économique, spécialement
une position dominante, est un marché où ne joue pas une concurrence suffisante.
Mais, si l’acquisition d’une telle puissance est le résultat de la croissance interne de
l’entreprise en cause, qui a su l’emporter sur ses concurrents par le seul jeu naturel de
l’offre et de la demande, tout mécanisme juridique tendant à réduire sa position sur le
marché serait la négation même du principe de liberté de la concurrence et, par suite,
de celui de l’économie de marché. Le rétablissement d’une concurrence suffisante ne
peut venir que de l’effort des concurrents actuels ou potentiels. En revanche, la
croissance externe, résultat de concentrations entre entreprises, est artificielle et si
elle doit avoir pour effet que la concurrence sur le marché ne sera plus suffisante, le
contrôle a priori de ces opérations se conçoit et se justifie, en vue de maintenir,
conformément à l’ensemble des principes du droit de la concurrence, des structures
suffisamment concurrentielles sur le marché.
Il convient d’examiner tour à tour la définition des concentrations
économiques (Section I) et l’organisation de leur contrôle (Section II).

Section I – Définition des concentrations économiques


La définition des concentrations économiques retenue par le droit interne et le
droit communautaire est substantiellement identique. L’article 15 de la loi du 14
juillet 1998 retient deux formes de concentrations : la fusion et l’acquisition de
contrôle. Les articles 58 et 60 du règlement communautaire n° 6 en retiennent trois :
la fusion, l’acquisition de contrôle et la création d’une entreprise commune.

33
- V. J.F. GUILLEMIN, Les objectifs et les réalisations du droit moderne de la concurrence face au défi de la libération des
prix, thèse Paris II, 1986.

53
Le législateur communautaire n’a pas défini la notion de fusion. L’article 58
alinéa 1 a) se contente d’énoncer qu’une opération de concentration est réalisée
lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent. Cette
lacune du droit communautaire a cependant été évitée par le législateur national.
L’article 15 – a) de la loi du 14 juillet 1998 définit en effet la fusion comme « tout
transfert de patrimoine d’une ou de plusieurs sociétés à une autre, donnant lieu à
une nouvelle société ou à l’absorption de la société qui cède son patrimoine ». Il
résulte de ce texte qu’il existe deux formes de fusion : la fusion par création d’une
entité nouvelle et la fusion par absorption.
La deuxième forme de concentration consacrée par les droits communautaire
et interne est l’acquisition du contrôle. La rédaction des textes communautaire et
interne, bien que formellement un peu différente, est substantiellement la même.
L’article 15 – b) de la loi du 14 juillet 1998, qui parle plutôt d’acquisition
d’entreprises et non de contrôle, définit l’acquisition comme étant « tout transfert de
la totalité ou partie des actions, actifs, droits et obligations d’une ou de plusieurs
sociétés à une autre société, permettant à cette dernière d’exercer une influence
déterminante sur la totalité ou une partie des activités des entreprises faisant l’objet
de transfert ».
Le texte communautaire est légèrement différent. Aux termes de l’article 58
alinéa 1 b), il y a également opération de concentration « lorsqu’une ou plusieurs
entreprises, acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par prise de
participation au capital, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou
parties d’une ou de plusieurs autres entreprises ».
L’expression « exercer une influence déterminante » utilisée par le texte
interne, renvoie incontestablement à celle de « contrôle » utilisée par le texte
communautaire. Il n’est pas nécessaire que le contrôle porte sur la totalité de
l’entreprise ou des entreprises concernées, et les procédés de contrôle sont divers. Le
législateur communautaire a fait le choix de les énumérer, alors que le législateur
national a préféré utiliser l’expression large de « tout transfert ». Cette expression
renvoie certainement aux procédés énumérés par le texte communautaire, à savoir la
prise de participation au capital, le contrat ou tout autre moyen.

54
L’article 60 du règlement n° 6 définit l’objet du contrôle en disposant que
celui-ci « découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent,
individuellement ou conjointement, et compte tenu des circonstances de fait ou de
droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une
entreprise, et notamment :
- Des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d’une
entreprise ;
- Des droits ou des contrats qui portent sur la composition, les délibérations
ou les décisions des organes de gouvernance d’une entreprise ».
Le texte communautaire en son article 58 alinéa 2 considère que l’opération de
concentration n’est pas réalisée dans les hypothèses suivantes :
- lorsque des établissements financiers ou des sociétés d’assurances, dont
l’activité normale inclut la transaction et la négation de titres pour leur compte ou
pour le compte d’autrui, détiennent, à titre temporaire, des participations qu’ils ont
acquises dans une entreprise en vue de leur revente ;
- lorsque le contrôle est exercé à titre provisoire par une entreprise mandatée
par l’autorité publique en vertu de la législation d’un Etat membre dans le cadre
d’une procédure de redressement judiciaire ou de faillite des entreprises.
La troisième forme de concentration consacrée par le seul droit communautaire
est la création d’une entreprise commune constituant d’une manière durable une
entité autonome.

Section II – L’organisation du contrôle des concentrations économiques


L’organisation du contrôle des concentrations suppose la détermination des
critères (I) et de la procédure (II) de contrôle.
I – Les critères de contrôle
Les critères de contrôle à déterminer sont les critères de l’obligation au contrôle en
soi (A), les critères de l’obligation au contrôle communautaire ou au contrôle national (B)
et les critères de détermination de l’incompatibilité ou de la compatibilité de l’opération
de concentration avec le marché national ou communautaire (C).

55
A – Les critères de l’obligation au contrôle en soi
Il s’agit ici de déterminer à partir de quel seuil une opération de concentration
mérite d’être soumise au contrôle.
Deux critères de contrôle sont envisagés : la dimension de l’opération et la part
des entreprises touchées dans le marché en cause. Le révélateur de la dimension d’une
entreprise consiste dans son chiffre d’affaires dont la détermination est assez aisée.
Le législateur national a retenu le critère de la dimension de l’opération.
L’article 18 de la loi du 14 juillet 1998 dispose en effet que « les entreprises qui se
proposent d’effectuer une opération de fusion ou d’acquisition et dont les chiffres
d’affaires conjoints et ceux des entreprises affiliées prises séparément dépassent des
seuils fixés par arrêté du Ministre chargé de la concurrence sur proposition de la
Commission Nationale de la concurrence, doivent déclarer à cette Commission leur
intention de fusionner … ».
Contrairement au législateur national, le législateur communautaire a retenu
les deux critères à savoir la dimension de l’opération et la part des entreprises touchées
dans le marché en cause. Mais leur application est alternative et non cumulative. L’article
59 alinéa 2 du règlement n°6 dispose en effet qu’ « une opération de concentration est de
dimension communautaire lorsque les entreprises à l’opération réalisent ensemble sur le
marché Commun un chiffre d’affaires supérieur à 10 (dix) milliards de francs CFA hors
taxe, ou qu’elles détiennent ensemble plus de 30% du marché ». L’alinéa 3 de l’article 59
du Règlement n° 6 ajoute que « les seuls ainsi définis peuvent être révisés suivant les
évolutions du marché ».
Le critère de la part de marché a sans doute l’avantage de permettre de trier
d’emblée les opérations dont il est probable qu’elles créent ou qu’elles renforcent des
structures anticoncurrentielles. Mais il présente, dans un système de contrôle a priori
comme celui adopté par le droit communautaire, les inconvénients dirimants d’être
complexe, puisqu’il exige la détermination du marché en cause, qui est une opération
souvent délicate, et, corrélativement, de retarder le déclenchement de la procédure et la
réalisation éventuelle de l’opération.

56
B - Les critères de l’obligation au contrôle communautaire ou au contrôle national
Le critère de l’obligation au contrôle communautaire d’une opération de
concentration est sa dimension communautaire, celui de l’obligation au contrôle national
est sa dimension nationale.
La dimension nationale d’une opération de concentration dépend de la localisation
du chiffre d’affaires. Il faudrait attendre l’arrêté du Ministre chargé de la concurrence
prévu par l’article 18 de la loi du 14 juillet 1998 pour être fixé sur la localisation du
chiffre d’affaires nécessaire pour la mise en œuvre du contrôle national.
D’après le règlement communautaire n°6, une opération de concentration est
soumise au contrôle communautaire dans trois cas :
- lorsque les entreprises à l’opération réalisent ensemble sur le marché Commun
un chiffre d’affaires supérieur à 10 (dix) milliards de francs CFA hors taxe, ou qu’elles
détiennent ensemble plus de 30% du marché ;
- lorsque l’opération de concentration est susceptible d’avoir un effet dans deux
au moins des Etats membres de la CEMAC ;
- lorsque l’opération de concentration relève d’un Etat membre qui ne dispose pas
de loi nationale sur la concurrence et/ou d’une autorité nationale de la concurrence.

C – L’incompatibilité ou la compatibilité de l’opération de concentration avec le


marché national ou communautaire
Pour décider si une opération de concentration est incompatible ou compatibilité
avec le marché national ou communautaire, les instances de contrôle de la concurrence
doivent faire le bilan économique de l’opération de concentration. Celui-ci repose sur
deux piliers : l’atteinte à la concurrence (1) et la contribution suffisante de la
concentration au progrès économique (2).
1 - L’atteinte à la concurrence
La fonction principale du contrôle des concentrations est la prévention de
modifications structurelles de nature à porter atteinte à la concurrence. Aux termes de
l’article 16 de la loi du 14 juillet 1998, « les facteurs ci-après sont pris en compte pour
apprécier le caractère anticoncurrentiel d’une fusion ou d’une acquisition :
- les entraves à l’entrée de nouveaux concurrents dans le marché, notamment les
barrières tarifaires et non tarifaires à l’entrée des importations ;

57
- le degré de concurrence entre les centres autonomes de décision existant dans le
marché ;
- l’éventualité de disparition du marché d’une entreprise partie prenante à la fusion, ou à
l’acquisition, ou aux actifs faisant l’objet du transfert ».
Aux termes de l’article 61 alinéa 1er du règlement communautaire n° 6, « sont
incompatibles avec le marché commun, les opérations concentration qui réduisent
sensiblement la concurrence et qui ont pour effet notamment de :
- restreindre sensiblement les possibilités de choix des fournisseurs et/ou des clients et
consommateurs ;
- limiter l’accès aux sources d’approvisionnement ou aux débouchés ».
L’article 65 du règlement communautaire n° 6 précise que l’atteinte à la
concurrence par une opération de concentration peut consister en la création ou au
renforcement d’une position dominante. L’article 61 alinéa 2 ajoute : « Les opérations de
concentration qui ne créent pas ou ne renforcent pas une position dominante et qui
n’affectent pas sensiblement la concurrence dans le marché de la CEMAC, ou dans une
partie de celui-ci, sont compatibles avec les présentes règles ».
Comme dans le cas des ententes anticoncurrentielles et des abus de position
dominante, seules les concentrations qui affectent de manière sensible la concurrence
sont considérées comme anticoncurrentielles ou incompatibles avec le marché commun.
De même, comme dans le cas des ententes anticoncurrentielles et des abus de position
dominante, il est possible d’exonérer les concentrations anticoncurrentielles.
2 - La contribution suffisante de la concentration au progrès économique
La nécessité d’établir un bilan économique des concentrations est énoncée de
manière très claire aussi bien par le texte communautaire que le texte national.
Sur le plan communautaire, le bilan économique de l’opération de concentration
doit être effectué à un double niveau : devant le Conseil communautaire de la
concurrence et devant la Commission.
Aux termes de l’article 65 du Règlement communautaire n° 6 :
« Lorsque le CCC est saisi d’une opération de concentration, il examine si elle est
de nature à porter atteinte sensiblement à la concurrence, notamment par la création ou le
renforcement d’une position dominante. Il apprécie si l’opération apporte un progrès

58
économique, une contribution suffisante pour compenser les éventuelles atteintes à la
concurrence. Il tient compte spécialement de :
-La structure de tous les marchés en cause
-La position sur le marché des entreprises concernées et leur puissance
économique et financière
-L’intérêt des consommateurs intermédiaires et finals
-L’évolution du progrès technologique pour autant que ce facteur soit à l’avantage
du consommateur
-La compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence
internationale ».
Aux termes de l’article 68 du Règlement communautaire n° 6 :
« Lorsqu’il apparait que l’opération de concentration porte sensiblement atteinte à
la concurrence dans le marché commun ou à une partie significative de celui-ci, la
Commission, sur proposition du CCC apprécie :
-Si l’opération apporte au progrès technologique une contribution suffisante ou un
gain concurrentiel pour compenser les atteintes à la concurrence ;
-Si l’opération peut être justifiée pour des motifs d’intérêt public de nature à
compenser les atteintes à la concurrence ; il en est ainsi de la préservation de la
concurrence dans un secteur d’activité ou dans une zone géographique de l’Union, de la
nécessité de préserver l’emploi ou le renforcement de la compétitivité internationale des
entreprises de l’Union ».
Sur le plan interne, l’article 17 de la loi du 14 juillet 1998 dispose qu’ « une fusion
ou une acquisition qui porte ou porterait atteinte de manière sensible à la concurrence
peut être admise si les parties à la fusion ou à l’acquisition prouvent à la Commission
Nationale de la Concurrence que :
a) la fusion a apporté ou apportera des gains d’efficience réels à l’économie nationale
dépassant les effets préjudiciables à la concurrence sur le marché ;
b) lesdits gains ne sauraient être atteints sans la fusion ou l’acquisition ».

II – La procédure de contrôle
La procédure de contrôle des concentrations est minutieusement et clairement
décrite par les textes communautaire et national. Il n’est donc pas besoin qu’on y

59
consacre de développements substantiels, sauf à préciser que les opérations de
concentration de dimension communautaire relèvent de la compétence exclusive de la
Commission sous le contrôle de la Cour de Justice communautaire.
Il convient également de souligner que les concentrations de dimension
communautaire ou nationale sont soumises au système de contrôle a priori et non a
posteriori. Le contrôle a priori implique la suspension de la réalisation de l’opération
jusqu’à l’autorisation donnée par l’autorité de concurrence compétente, et,
corrélativement, l’obligation de lui notifier cette opération. L’article 62 du Règlement
communautaire n° 6 dispose à cet égard :
« Toute opération de concentration définie à la présente section est soumise à un
contrôle préalable à sa mise en œuvre.
Une opération de concentration ne peut être réalisée qu’après la décision de la
Commission prise après l’avis du Conseil communautaire de la concurrence ».

60
TITRE III : LES REGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES AUX ETATS
MEMBRES DE LA CEMAC

Seul le droit communautaire a prohibé les atteintes à la concurrence provoquées


par les Etats. Les règles y relatives sont contenues dans le règlement n° 4/99 portant
réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres.
Les Etats membres de la CEMAC sont ainsi soumis au droit de la concurrence
communautaire, soit de manière directe (CHAPITRE I), soit de manière indirecte
(CHAPITRE II).

CHAPITRE I : LA SOUMISSION DIRECTE DES ETATS AU DROIT DE LA


CONCURRENCE COMMUNAUTAIRE
La soumission directe des Etats au droit de la concurrence communautaire est faite
à travers le contrôle des aides qu’ils accordent à leurs entreprises. En octroyant des aides
à certains opérateurs économiques et non à tous, l’Etat porte atteinte à l’égalité de ces
opérateurs sur le marché. Par ailleurs, la compétition est faussée en ce que les efforts du
plus fort ne sont pas récompensés, en tout état de cause, mis à mal par le plus aidé. Mais,
à l’inverse, le soutien de l’Etat peut être nécessaire pour permettre à de nouveaux
opérateurs d’entrer sur le marché (logique des aides à la création d’entreprises)
conduisant ainsi, au moins en théorie, à favoriser l’émergence d’une concurrence là où
elle n’existait peut-être pas auparavant. Il en résulte que la concurrence n’est qu’un
moyen d’allocation de richesses et non une finalité en soi ; les aides de l’Etat apparaissant
alors comme l’expression d’une politique économique. Il n’en demeure pas moins que la
CEMAC, comme la plupart des organisations d’intégration économique (UEMOA, UE)
et l’OMC, a posé le principe de leur incompatibilité avec les objectifs de l’Union.
L’article 23 c) de la Convention régissant l’UEAC dispose à cet égard qu’en vue
de la réalisation des objectifs définis à l’article 13 para c de la présente Convention, le
Conseil des Ministres arrête les règlements relatifs à l’interdiction des aides publiques
susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines
productions. Faisant écho à cette disposition, l’article 78 alinéa 1 du Règlement
communautaire dispose que « [l]es aides publiques susceptibles de fausser la
concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions sont interdites

61
en vertu de l’article 23 c) de la Convention régissant l’Union Economique de l’Afrique
Centrale ».
On étudiera successivement la notion d’aides d’Etat (Section 1) et leur contrôle
(Section 2).
Section 1 – La notion d’aides d’Etat
Le législateur communautaire n’a pas défini clairement la notion d’aides. A
défaut d’une jurisprudence de la CEMAC sur la question, il convient de se référer au
droit étranger pour dégager les critères de l’aide d’Etat (I). Le législateur communautaire
pose néanmoins les critères de l’incompatibilité des aides d’Etat (II) et prévoit les
exceptions à cette incompatibilité (III).
I – Les critères de l’aide d’Etat
En droit européen de la concurrence, la pratique décisionnelle de la Commission
et la jurisprudence de la CJCE ont permis de mettre en avant certains critères de
définition de l’aide d’Etat. Celle-ci peut être le fait d’une action ou d’une abstention
de l’Etat, elle est indépendante du fait de savoir si elle émane de l’Etat lui-même ou
si elle est accordée au moyen de ressources d’Etat et elle peut être comprise par
référence « au standard de l’investisseur privé ». Chacune de ces trois propositions
mérite d’être présentée.
A – L’aide peut être le fait d’une action ou d’une abstention de l’Etat
La CJCE a pu décider qu’une aide d’Etat peut procéder « non seulement des
prestations positives telles que les subventions elles-mêmes, mais également des
interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent
le budget d’une entreprise » (CJCE, 23 février 1961, Steenkolen mijnen, Rec. 39). En
d’autres termes, l’aide résulte tout autant d’une action que d’une abstention de
l’Etat.
Aux termes de l’article 78 alinéa 2 du règlement CEMAC n° 6, les aides d’Etat
peuvent notamment prendre la forme de subventions, d’exonérations d’impôts et de
taxes, d’exonérations de taxes parafiscales, de bonifications d’intérêts, de garanties de
prêt à des conditions particulièrement favorables, de fourniture de biens à des conditions
préférentielles, de couverture de pertes d’exploitation.
Aux termes de l’article 79 du Règlement n° 6, ne sont pas considérées comme
des aides publiques au sens du présent Règlement, notamment les mesures de

62
compensation en faveur d’une entreprise chargée d’obligations de services publics, dès
lors que :
- les obligations sont strictement définis ;
- la compensation préalablement définie est établie de façon objective et transparente
sans octroi d’un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire
par rapport à ses concurrents ;
- La compensation ne peut dépasser ce qui est nécessaire au regard des recettes et du
bénéfice raisonnable par rapport à ses concurrents ;
- Lorsque l’entreprise n’a pas été choisie après une procédure d’appel d’offre, la
compensation est calculée sur la base d’une analyse des coûts, qu’une entreprise
moyenne et bien gérée, a supporté pour satisfaire les exigences des obligations de
services publics.
B – L’aide peut émaner de l’Etat ou de ses démembrements
La notion d’aide d’Etat renvoie bien naturellement à l’expression « Etat » qui
doit être prise dans un sens large. Par Etat, on envisage aussi bien l’administration
centrale d’un Etat membre que ses démembrements territoriaux (régions et communes),
les entreprises publiques voire tous les organismes privés ou publics que l’Etat crée pour
gérer une aide. C’est ainsi de la CJCE a pu considérer que la fourniture d’une assistance
logistique et commerciale par une entreprise publique – la Poste – à une de ses filiales de
droit privé – Chronopost – pouvait constituer une aide d’Etat en raison du fait que la
rémunération de la seconde versée à la première était inférieure à des conditions normales
de marché (CJCE, 11 juillet 1996, SFEI, C-39/94, Rec. I-3577 ; CJCE, 1er juillet 2008,
chronopost SA, C-341/06 P et C-342/06 P Rec. I-4777). Ce qui est déterminant en
toute hypothèse, c’est le transfert de ressources étatiques.
C – L’aide peut être comprise par référence « au standard de l’investisseur privé »
La Commission européenne et la Cour de Justice européenne ont eu recours à un
standard comme indice de l’existence de l’aide d’Etat : « L’investisseur privé en
économie de marché ». Face à la variété des situations, à l’ingéniosité développée par les
Etats membres et à certaines hypothèses limites, les autorités européennes ont eu recours
à cet indice économique pertinent. Il a été retenu dans le cas de l’apport en capital à une
entreprise aux moyens de ressources d’Etat. Lorsque l’Etat – ou un de ses
démembrements – investit dans une société, la question se pose de savoir s’il en a pour

63
autant la contrepartie logiquement attendue, c’est-à-dire un retour sur investissement que
traduit le versement de dividendes. Partant de cette question, la Cour de Justice a
consacré le critère de « l’investisseur privé en économie de marché », notamment dans un
arrêt du 21 mars 1991 en ces termes « en vue de déterminer si de telles mesures
présentent le caractère d’aides étatiques, il y a lieu d’apprécier si, dans des
circonstances similaires, un investisseur privé d’une taille qui puisse être comparée à
celle des organismes gérant le secteur public, aurait pu être amené à procéder aux
apports de capitaux de cette importance ». Et la Cour de souligner que s’il ne s’agit pas
nécessairement de comportement « de l’investisseur ordinaire plaçant des capitaux en
vue de leur rentabilisation à plus ou moins long terme, il doit, au moins, être celui d’un
holding privé ou d’un groupe privé d’entreprises poursuivant une politique structurelle,
globale ou sectorielle, et guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme ».
(CJCE, 21 mars 1991, Italie c. Commission, C-305/89, Rec. I-1603). Ce critère assez
systématiquement utilisé depuis lors, semble bien être un indice de l’existence de l’aide.
Une précision importante a été apportée par la Cour dans une hypothèse qui
suscitait bien des interrogations : le cas de financements publics apportés à un prestataire
en contrepartie de l’exercice d’une mission de service public. Elle offre, d’ailleurs, la
démonstration a contrario de la pertinence du critère de l’investisseur privé. Alors que le
tribunal avait pu considérer que le fait qu’un avantage soit destiné à compenser une
charge de service public n’était pas de nature à exclure la qualification d’aide d’Etat, la
Cour de justice a adopté une position contraire dans un important arrêt du 24 juillet 2003
en jugeant qu’en principe les financements publics apportés à un prestataire en charge
d’une mission de service public ne constituent pas des aides d’Etat à condition que
l’entreprise bénéficiaire ait effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de
service public et que ces obligations aient clairement été définies, que les conditions de la
compensation aient été préalablement établies de manière objective et transparente, que
cette compensation soit strictement nécessaire, notamment au regard d’une entreprise
moyenne, bien gérée (CJCE 24 juillet 2003, Altmark, C-280/00, Rec. I-7747) … Dès
lors, une fois l’existence de l’aide établie, encore convient-il qu’elle soit effectivement
incompatible.

64
II – Les critères de l’incompatibilité des aides d’Etat
Il résulte de l’article 23 c) de la Convention régissant l’UNION Economique de
l’Afrique Centrale (UEAC) du 30 janvier 2009 qu’en vue de la réalisation des objectifs
définis à l’article 13 para c de la présente Convention, le conseil des Ministres arrête les
règlements relatifs à l’interdiction des aides publiques susceptibles de fausser la
concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Le préambule
du Règlement n° 6 dispose également que le droit communautaire de la concurrence
concerne également les pratiques étatiques, en particulier les aides publiques susceptibles
de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
L’effet de l’aide publique sur la concurrence, c’est-à-dire le fait que les aides
faussent ou qu’elles soient susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines
entreprises ou certaines productions, mérite attention. En droit européen, des hypothèses
fort variées ont pu être identifiées au fil des décisions de la Commission : maintenir
artificiellement une entreprise sur un marché, octroyer un avantage à une catégorie
d’opérateurs économiques, etc. Ce qui semble en jeu, c’est le fait qu’en aidant telle ou
telle entreprise et non toutes les entreprises, le jeu normal de la compétition est faussé.
Comme en d’autres branches du droit européen de la concurrence, la Commission a
estimé que dans certaines hypothèses, l’affectation du jeu de la concurrence pouvait être
insuffisante. On retrouve alors l’idée de seuil de sensibilité du droit de la concurrence.
II – Les dérogations à l’incompatibilité des aides d’Etat
Le règlement CEMAC n° 6 distingue entre les aides compatibles (A) et les aides
susceptibles d’être compatibles (B).
A – Les aides compatibles
L’article 81 alinéa 2 du règlement n° 6 retient deux catégories d’aides qui sont
compatibles de plein droit avec le Traité CEMAC.
Tout d’abord les aides à caractère social octroyées aux consommateurs
individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des
produits.
Ensuite, les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités
naturelles ou par d’autres événements imprévisibles et insurmontables par l’entreprise.

65
B – Les aides susceptibles d’être compatibles
Aux termes de l’article 82 du règlement n° 6, peuvent être considérées comme
compatibles avec le Marché commun :
a) les aides aux entreprises destinées à favoriser le développement économique de
régions défavorisées ou souffrant d’un retard notoire dans leur développement
économique ;
b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt sous-
régional commun, ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat
membre ;
c) les aides aux entreprises destinées à faciliter le développement de certaines activités
quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à
l’intérêt commun ;
d) les aides destinées à promouvoir la culture, la conservation du patrimoine et la
protection de l’environnement quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et
de la concurrence dans la communauté dans une mesure contraire à l’intérêt commun ;
e) les aides aux Petites et Moyennes Entreprises (PME).
La liste des aides susceptibles d’être compatibles ainsi présentée n’est pas
exhaustive. Aux termes de l’article 83 paragraphe 2, elle sera périodiquement mise à jour
par décision du Conseil des Ministres.
Aux termes de l’article 91 du règlement n° 6, les critères que doivent respecter
les aides d’Etat destinées à faciliter le développement de certaines activités prévues au
paragraphe ci ci-dessus, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une
mesure contraire à l’intérêt commun, sont les suivants :
a) les aides sectorielles doivent être limitées aux cas où la situation de l’industrie
concernée les rend nécessaires ;
b) les aides doivent restaurer la viabilité à long terme en résolvant les problèmes
structurels de l’industrie concernée et non tendre à préserver le statu quo et à différer les
décisions et les changements inéluctables ;
c) sauf si elles sont accordées pour des périodes relativement courtes, les aides doivent
être dégressives et clairement liées à la restructuration du secteur concerné ;

66
d) l’intensité des aides doit être proportionnée à celle des problèmes qu’il s’agit de
résoudre, de manière à minimiser les distorsions qu’elles provoquent dans le jeu de la
concurrence.
Ces critères sont révisables par le Conseil des Ministres.
§2 – Le contrôle des aides d’Etat
Trois organes interviennent dans le contrôle des aides d’Etat : le Conseil des
Ministres, la Commission et les juridictions nationales. Les modalités d’intervention de
chacun de ces organes sont minutieusement décrites par le règlement n° 6. De manière
générale, la Commission procède à l'examen des régimes d’aide existant et fait des
propositions au Conseil des ministres. Lorsqu’elle doute de la compatibilité d’un projet
avec le marché commun, elle ouvre une procédure. Le Conseil des ministres définit, sur
proposition de la Commission, une politique d’encadrement des aides. Il peut modifier la
liste des catégories des aides et accorder, après avis de la Commission une dérogation
pour qu’une aide ou un projet d’aide soit autorisé.

Section 2 : La mise en concurrence et la publicité des marchés publics


La soumission directe des Etats au droit communautaire de la concurrence est
également faite à travers la soumission des marchés publics à la concurrence. Le
règlement n°6 n’a pas développé ce point qui est en cours d’harmonisation. En attendant,
il est seulement mentionné que les Etats doivent, dans les procédures de passation des
marchés publics, accorder une préférence régionale aux entreprises valorisant le contenu
local ou sous régional (art. 105).
Mais l’ancien règlement n°4 s’y était intéressé. Les règles y relatives imposaient
aux Etats de soumettre à des mesures de publicité, ainsi qu’à des procédures de mise en
concurrence, la passation des marchés publics dont le montant atteint le seuil
communautaire34. En vertu de cette exigence, les marchés publics devaient être passés par
voie d’appel d’offre ouvert, et publiés aux Journaux Officiels d’annonces légales de la
Communauté et des Etats membres (art. 13 règlement n° 4).
Deux exceptions étaient apportées à l’exigence de soumission des marchés publics
à la concurrence : les appels d’offres restreints et les marchés de gré à gré.

34
Art. 11 du règlement n° 4. Le seuil communautaire sera défini périodiquement par le Conseil des Ministres.

67
L’article 14 du règlement n° 4 disposait que les appels d’offres restreints peuvent
être utilisés :
a) lorsque l’urgence d’une situation est constatée ou lorsque la nature ou certaines
caractéristiques particulières d’un marché le justifient ;
b) pour des projets ou des programmes à caractère hautement spécialisé ;
c) pour les marchés de grande importance, à la suite d’une présélection.
L’article 15 du règlement n° 4 disposait à son tour que les marchés de gré à gré
pouvaient être attribués :
a) dans les cas d’urgence ou pour des actions de coopération technique de courte durée ;
b) pour des actions complémentaires ou nécessaires à l’achèvement d’autres déjà en
cours ;
c) lorsque l’exécution du marché est réservée exclusivement aux titulaires de brevets ou
de licences régissant l’utilisation, le traitement ou l’importation des articles concernés ;
d) à la suite d’un appel d’offres infructueux après une reconsultation.
En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence
auxquelles était soumise la passation des marchés publics, les personnes qui avaient un
intérêt à conclure le contrat et qui étaient susceptibles d’être lésées par ce manquement
(art. 18 alinéa 1) pouvaient saisir le CRC avant la conclusion du contrat. Ce dernier
ordonnait à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et le cas échéant,
suspendait la procédure de passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y
rapportait (art. 17).

68
CHAPITRE II : LA SOUMISSION INDIRECTE DES ETATS AU DROIT
COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE
La soumission indirecte des Etats au droit communautaire de la concurrence est
faite à travers la soumission des monopoles légaux au contrôle communautaire. Aux
termes de l’article 102 alinéa 2 du Règlement n° 6, il y a monopole légal, lorsque l’Etat
accorde à une entreprise des droits exclusifs pour exploiter un service public ou pour
produire des biens et services, que celle-ci soit une entreprise publique ou privée. Les
entreprises en situation de monopole légal doivent tout particulièrement veiller à éviter
les pratiques abusives consistant notamment à :
- pratiquer des ventes liées ;
- imposer des conditions de ventes discriminatoires injustifiées ;
- procéder au refus de vente ;
- pratiquer des ruptures injustifiées des relations commerciales ;
- utiliser les recettes qu’elles tirent de leurs activités soumises à monopole
pour subventionner leurs ventes dans d’autres secteurs (art. 102).
Aux termes de l’article 102 alinéa 1, les entreprises en situation de monopole légal sont
soumises aux règles régissant les pratiques anticoncurrentielles et notamment à celles
relatives à l’abus de position dominante, sous réserve des limitations justifiées par des
raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique et de protection de
l’environnement.
Aux termes de l’article 103, la Commission veille à l’application des dispositions du
règlement n° 6 relatives au monopole légal et aux droits exclusifs. Elle adresse, en tant
que de besoin, les décisions appropriées aux Etats membres, pour les informer qu’une
mesure est contraire aux prohibitions édictées à l’article par l’article 102 et leur demander
d’y mettre fin.
Aux termes de l’article 104, les pratiques abusives des entreprises en situation de
monopole légal sont poursuivies et sanctionnées conformément aux dispositions du
Règlement n° 6 relatives aux ententes et aux abus de position dominante.

69
DEUXIEME PARTIE : LE DROIT DE LA
CONSOMMATION

INTRODUCTION

La relation entre professionnel et consommateur est incontestablement


déséquilibrée. La compétence du professionnel, les informations dont il dispose, et
souvent sa dimension financière, lui permettent de dicter sa loi au consommateur.
Ce déséquilibre a toujours existé. Déjà, en droit romain et dans l’ancien droit,
diverses règles tendaient à protéger les acheteurs contre les tromperies. Mais le 19e et le
20e siècles ont été marqués par une insuffisance prise en compte de ce déséquilibre. En
effet, le principe de l’autonomie de la volonté était à la base du système juridique. En
vertu de ce principe, tous les contractants étaient réputés également lucides et
raisonnables. Tous devaient veiller, en contractant, à leurs propres intérêts. Du moment
qu’une personne avait contracté, elle était tenue. Le contrat était synonyme de juste.
Aussi POUILLET avait-il déclaré : « Qui dit contractuel dit juste ». Il ne paraissait donc
pas nécessaire de protéger les contractants autrement que par quelques règles
sanctionnant les tromperies caractérisées.
Une protection spéciale était cependant apportée aux salariés, dès la fin du 19e
siècle, parce qu’il devint évident, à cette époque, qu’ils étaient les victimes du système
économique, et hors d’état de se défendre seuls.
Le déséquilibre entre professionnel et consommateur s’est cependant accentué à
partir des années 1960. Cette époque correspond certes à un développement économique
sans précédent, qui multiplie les biens et les services proposés aux consommateurs et qui
améliore globalement leur qualité. Mais elle correspond aussi à l’accroissement de la
taille des entreprises, à la complexité plus grande des produits et des services, au
développement du crédit, de la publicité et du marketing. Toute chose qui a pour
conséquence l’accroissement du déséquilibre entre les professionnels et les
consommateurs.
Il est dès lors apparu nécessaire de protéger le consommateur non seulement
contre les malhonnêtetés qui sont classiques, mais encore contre les abus de puissance
économique, qui sont plus dangereux parce qu’ils sont inhérents au système dans lequel
nous vivons et qu’ils ne sont pas toujours perçus par l’opinion publique.

70
La prise de conscience de la nécessité de protéger le consommateur a commencé
aux Etats-Unis d’Amérique. En effet, dès 1962, dans un discours sur l’état de l’Union, le
Président Kennedy constatait que les consommateurs représentent le groupe économique
à la fois le plus important et le moins écouté. Il souhaitait l’établissement d’une
législation d’une législation susceptible de leur assurer le plein exercice de leurs droits :
droit à la sécurité, droit d’être entendu, droit d’être informé, droit de choisir.
C’est dans les années 1970 et 1980 que la prise de conscience de la nécessité de
protéger le consommateur s’est étendue en Europe. Elle est encore plus récente dans les
pays d’Afrique en général et au Cameroun en particulier.
Cette prise de conscience s’est soldée ici et là par l’éclosion et la multiplication
d’organismes de défense et de règles protectrices. Ainsi est apparue cette nouvelle
discipline juridique que l’on appelle le droit de la consommation et qui fait désormais
partie du paysage juridique de tous les pays, qu’ils soient développés ou sous-développés,
voire très pauvres et très endettés.
Avant d’aller plus loin, il convient de définir les sujets du droit de la
consommation

Le droit de la consommation cherche à équilibrer les relations entre professionnels


et consommateurs : il met à la charge des premiers des obligations qui sont autant de
droits pour les seconds. Professionnels d’un côté, consommateurs de l’autre sont les
sujets du droit de la consommation. Définir ces deux catégories permet à la fois de
comprendre la philosophie de la matière et d’en tracer les limites.

§1 – Définition du professionnel

La loi loi-cadre n° 2011/012 du 06 mai 2011 portant protection du consommateur


au Cameroun ne définit pas la notion de professionnel. Ce dernier peut être entendu
comme la personne physique ou morale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et
organisée de production, de distribution ou de prestation de service. C’est le caractère
habituel et organisé de l’activité qui fait la force du professionnel : il est, dans sa
spécialité, plus compétent que le consommateur. Il existe donc un déséquilibre qui
justifie l’application du droit de la consommation.

La Directive N° 02/19-UEAC-639-CM-33 du 22 mars 2019 Harmonisant la


protection des consommateurs au sein de la CEMAC utilise la notion d’opérateur

71
économique qu’elle définit comme « La personne physique ou morale, publique ou
privée, qui place ou met à disposition du consommateur sur le marché un produit, un bien
ou un service dans l’exercice d’une activité habituelle ou organisée ».

Le droit de la consommation s’applique indistinctement aux grandes et aux petites


entreprises. Le petit commerçant de quartier lui est soumis comme la grande entreprise de
distribution, le petit artisan comme la grande entreprise industrielle. Tous sont des
professionnels. Certes, le risque d’abus de puissance économique n’a pas la même gravité
dans tous les cas, mais il existe. Il ne faut pas, non plus, réduire la catégorie des
professionnels à celle des commerçants (comme l’a fait l’avant-projet d’Acte uniforme
OHADA sur le contrat de consommation en définissant le commerçant et non le
professionnel) et des sociétés commerciales. Toutes les professions sont régies par le
droit de la consommation, dans leurs rapports avec les consommateurs, qu’elles soient
artisanales, libérales, agricoles ou autres.

Aux termes de l’article 1er alinéa 2 de la loi du 6 mai 2011, la protection du


consommateur couvre toutes les transactions relatives à la fourniture, la distribution, la
vente, l’échange des technologies, des biens et de services. L’alinéa 3 du même article
ajoute que ces transactions concernent notamment les secteurs de la santé, la pharmacie,
l’alimentation, l’eau, l’habitat, l’éducation, les services financiers, bancaires, transport,
l’énergie et les communications. Le droit de la consommation s’applique à tous les
professionnels de ces secteurs.

§2 – Définition du consommateur

Pour clarifier la notion de consommateur, il convient de définir d’abord un noyau


dur, le consommateur stricto sensu. On pourra se demander ensuite si, autour de ce
noyau, des extensions sont possibles.

A – La notion de consommateur stricto sensu

Selon la majorité de la doctrine, le consommateur est une personne physique qui


se procure ou qui utilise un bien ou un service pour un usage non-professionnel.

La définition doit être décomposée en ses trois éléments.

72
- Premier élément de la définition : des personnes qui se procurent ou qui
utilisent. Ce début de définition fait apparaître qu’il existe deux catégories de
consommateurs :

D’abord ceux qui se procurent des biens ou des services dans un but non-
professionnel. Il s’agit ici de la personne qui est partie au contrat de consommation
conclu avec le professionnel.

Il existe aussi d’autres consommateurs, ceux qui utilisent des biens ou des
services. Le consommateur qui se procure des biens ou des services est souvent celui qui
les utilise. Mais il n’en est pas toujours ainsi. Un bien acheté par une personne peut, par
exemple, être utilisé par les membres de la famille, qui sont des tiers au contrat de vente.
Ces tiers utilisateurs sont eux aussi des consommateurs.

- Deuxième élément de la définition : des biens ou des services. L’emploi de ces


deux mots, biens ou services, montre que la notion de consommateur couvre un large
domaine et s’applique à des situations variées.

- Troisième élément de la définition : but non-professionnel. C’est le critère


essentiel : est un consommateur celui qui se procure ou qui utilise pour un usage non-
professionnel. Le consommateur se définit donc par opposition au professionnel. A la
différence de celui-ci, le consommateur agit pour un usage personnel ou familial.

On voit par-là que professionnels et consommateurs ne forment pas deux classes


distinctes de citoyens. « Nous sommes tous des consommateurs », constatait en 1962 le
président Kennedy. Toute personne physique prend, en de multiples occasions de son
existence et pratiquement chaque jour, la qualité de consommateur, même si elle exerce
par ailleurs une activité professionnelle. La même personne peut avoir, pour certains
actes, la qualité de professionnel, et pour d’autres actes celle de consommateur. Cette
dichotomie n’a rien d’absurde : la même personne peut, selon l’acte qu’elle accomplit,
être tantôt en position de force, tantôt en position de faiblesse.

Il existe cependant des situations dans lesquelles s’estompe la distinction entre


professionnel et consommateur. Il peut arriver qu’une personne se trouve dans une
situation hybride, qui s’apparente d’un côté à celle d’un professionnel, de l’autre à celle
d’un consommateur. La difficulté se rencontre dans trois situations différentes :

73
- D’abord dans le cas où une personne passe un acte nécessaire à sa profession
future. Pour la Cour de cassation, le but professionnel suffit à écarter l’application du
droit de la consommation, même si l’auteur de l’acte n’exerce pas une profession (Civ.
1re, 10 juill. 2001, D. 2002, somm. 932, obs. Tournafond ; D. aff. 2001, 2828, obs.
Rondey ; RTD civ. 2001, 873, obs. Mestre et Fages).

- Une autre difficulté apparaît dans le cas où une personne se procure un bien ou
un service pour un usage mixte, à la fois professionnel et non-professionnel. Il faut sans
doute appliquer à cette hypothèse la règle en vertu de laquelle le principal l’emporte sur
l’accessoire.

- La troisième situation est celle d’une personne qui se procure un bien ou un


service pour les besoins de sa profession, mais en dehors de sa spécialité professionnelle.
La jurisprudence, ici, est abondante et partagée. Elle sera étudiée lors de l’examen des
extensions possibles de la notion de consommateur.

La loi n° 90/031 du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au


Cameroun n’avait pas adopté la même définition du consommateur pour les
produits et les services. S’agissant des produits, la loi de 1990 avait consacré le critère
du but de l’acte proposé par la doctrine. L’article 19 définissait en effet le
consommateur des produits comme celui qui les utilise pour satisfaire ses propres besoins
et ceux des personnes à sa charge et non pour les revendre, les transformer ou les utiliser
dans le cadre de sa profession. Le critère du but de l’acte était cependant écarté dans
la définition du consommateur de services. Le même article 19 entendait par
consommateur, pour les prestations de services, le bénéficiaire des prestations. Peu
importe que le consommateur se soit procuré ou qu’il utilise ces services pour un usage
professionnel ou non-professionnel.

C’est la même définition qui a été consacrée par la loi du 6 mai 2011 qui a
remplacé les dispositions de la loi de 1990 consacrées à la protection du
consommateur. L’article 2 de la loi de 2011 définit en effet le consommateur comme
« toute personne qui utilise des produits pour satisfaire ses propres besoins et ceux des
personnes à sa charge et non pour les revendre, transformer ou les utiliser dans le
cadre de sa profession, ou toute personne qui bénéficie des prestations de service ».

74
L’avant-projet d’acte uniforme OHADA sur le contrat de consommation adopte la
même définition du consommateur pour les produits et les services. L’article 3 le définit
en effet comme « une personne physique qui se procure un bien ou un service pour son
usage personnel, familial ou domestique ». Les rédacteurs de l’avant-projet d’Acte
uniforme ont donc retenu le critère unique du but de l’acte pour les produits et les
services.

La Directive CEMAC du 22 mars 2019 ne fait non plus de distinction entre le


consommateur des produits et des services. Cette Directive entend par consommateur
« Toute personne physique qui acquiert ou utilise pour la satisfaction de ses besoins non
professionnels des produits, biens ou services qui sont destinés à son usage personnel ou
familial ou à l’usage d’une collectivité ».

B – Les extensions possibles de la notion de consommateur

Deux cas d’extensions possibles vont être examinés : les professionnels agissant
en dehors de leur spécialité et les personnes morales.

1 – Les professionnels agissant en dehors de leur spécialité

On peut citer à titre d’illustration un agriculteur qui souscrit une assurance pour
son exploitation, un commerçant qui fait installer un système d’alarme dans son magasin,
un avocat qui achète un matériel informatique pour son cabinet. Ces actes ont un but
professionnel, les personnes qui les accomplissent n’entrent donc pas dans la définition
stricte du consommateur, en l’occurrence dans les exemples concernant les produits tels
que l’achat du matériel informatique. Pourtant, l’avocat, dans l’exemple cité, agit en
dehors de sa spécialité, il est un profane et risque donc de se trouver, vis-à-vis de son
contractant professionnel, dans une situation d’infériorité comparable à celle d’un
consommateur. Ne faut-il pas le considérer comme un consommateur ? La jurisprudence
française a déjà eu à se prononcer sur la question, mais pas la jurisprudence
camerounaise.

Dans un premier temps, la jurisprudence française s’est partagée. Certains arrêts


de la Cour de cassation étendaient le bénéfice du droit de la consommation aux personnes
qui, tout en agissant dans un but professionnel, le faisaient « en dehors de leur
compétence professionnelle » (Civ. 1re, 15 avr. 1982, D. 1984, J. 439, note Pizzio ; Civ.
&re, 28 avr. 1987, D. 1988, J, 1, note Delebecque). Mais dans d’autres arrêts, la Cour de

75
cassation refusait d’accorder à de telles personnes le bénéfice des règles protectrices et
s’en tenait donc à une conception stricte du consommateur (Civ. 1re, 15 avr. 1986, RDT
civ. 1987, 86,obs. Mestre ; Com. 10 mai 1989, RTD com. 1990, 89, obs. Bouloc).

Depuis 1995, la Cour de cassation utilise une formule nouvelle : n’est pas un
consommateur et ne bénéficie donc pas des règles protectrices celui qui conclut un
contrat présentant un « rapport direct » avec son activité professionnelle (Civ. 1re, 24
janv. 1995, D. 1995, J, 327, note Paisant ; Civ. 1re, 3 janv. et 30 janv. 1996, D. 1996, J,
228, note Paisant). Cette formule signifie, a contrario, que les règles protectrices
s’appliquent lorsque le contrat n’a qu’un rapport indirect avec la profession. Il en
résulte qu’un professionnel qui contracte pour les besoins de sa profession mais en dehors
de sa spécialité, est considéré comme un consommateur. Pour déterminer le caractère
direct ou indirect du rapport, la Cour de cassation s’en remet à l’appréciation souveraine
des juges du fond (Civ. 1re, 17 juill. 1996, JCP 1996, II, 22 747, note Paisant). Dans la
plupart des cas, le rapport est jugé direct : cette jurisprudence est finalement plus proche
d’une conception stricte que d’une conception large du consommateur.

La doctrine, quant à elle, se partage. Pour certains auteurs, il faut étendre la notion
de consommateur et considérer comme tel le professionnel qui agit en dehors de sa
spécialité professionnelle. Pour d’autres, partisans d’une conception stricte du
consommateur, celui qui agit dans un but professionnel ne peut jamais être qualifié
consommateur.

2 – Les personnes morales

Dans une conception stricte, seules les personnes physiques peuvent être des
consommateurs. On peut néanmoins se demander s’il ne faut pas étendre la notion de
consommateur à certaines personnes morales, pour les faire bénéficier des règles
protectrices du droit de la consommation.

En droit comparé, le droit communautaire européen refuse l’extension. Les


diverses directives protégeant le consommateur, dans la définition qu’elles donnent de
celui-ci, précisent qu’il est une personne physique. Il en est de même de la CJCE dans
son arrêt du 22 nov. 2001. Le droit français est moins clair. Parmi les nombreux textes
protégeant les consommateurs, seuls deux d’entre eux réservent expressément la
protection aux personnes physiques : celui sur le démarchage (art. L. 121-21) et celui

76
concernant le surendettement (art. L. 330-1). En dehors de ces deux cas, les textes
français laissent entière la question de savoir si leur protection peut être étendue à des
personnes morales. La Cour de Paris semblait favorable à l’extension (Paris, 5 juill. 1991,
JCP E, 1991, pan. 988 ; Paris 3 juillet 1998, D. 1999, J, 249, note Chazal). Mais la Cour
de cassation, dans un arrêt de 2005 concernant les clauses abusives, a suivi
l’interprétation de la CJCE : le consommateur ne peut être qu’une personne
physique (Civ. 1re, 15 mars 2005, D. aff. 2005, obs. Rondey).

La loi du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun semblait


refuser l’extension en ce qui concerne les produits, mais l’admettait pour les prestations
de service. La loi du 6 mai 2011 a adopté la même solution. La Directive CEMAC adopte
une position empreinte de réalisme. Selon elle « Concernant les personnes morales, le
juge leur étendra la définition du consommateur au cas par cas, en considération de leur
faiblesse économique et de leur vulnérabilité effective ».

En attendant l’internalisation en droit camerounais de la Directive CEMAC du 22


mars 2019, seuls les textes internes seront exploités dans le cadre de cette partie du cours
qui portera sur un titre unique consacré aux préliminaires du contrat de consommation.

77
TITRE UNIQUE : LES PRELIMINAIRES DU CONTRAT DE
CONSOMMATION

Dès avant la formation du contrat, le consommateur qui vient d’être défini se


trouve en face de professionnels qui lui proposent des biens et des services à des
conditions plus ou moins bien déterminées. Ces rapports préliminaires influent sur la
décision que prendra le consommateur et sur la situation dans laquelle il se trouvera s’il
décide de contracter. Une partie importante du droit de la consommation régit donc les
rapports préliminaires entre professionnels et consommateurs.
D’un côté, le consommateur a besoin d’une information aussi complète et
objective que possible pour éclairer son consentement. Mais, d’un autre côté, les
professionnels utilisent diverses méthodes, dont la principale est la publicité, pour attirer
la clientèle. Enfin, les documents contractuels sont généralement pré rédigés par les
professionnels et proposés aux consommateurs sans possibilité de négociation. Ainsi
apparaît le risque, pour les consommateurs, de prendre une décision qui se révélera, par la
suite, onéreuse ou inutile. Les règles qui vont être étudiées cherchent à atténuer ce risque.
Elles seront divisées en trois chapitres :
- Chapitre 1 : L’information des consommateurs
- Chapitre 2 : Les pratiques commerciales
- Chapitre 3 : Les conditions générales des contrats.

78
Chapitre I : L’information des consommateurs
L’information des consommateurs émane de deux sources principales : les
professionnels d’une part (Section I), les associations de consommateurs d’autre part
(Section II).

Section 1 : L’information fournie par les professionnels

La jurisprudence, sur la base de quelques textes généraux du Code civil, met à la


charge de certains contractants l’obligation de renseigner l’autre contractant. Cette
obligation générale d’information, appelée aussi de renseignement, n’est pas sans intérêt
pour les consommateurs, mais elle est difficilement utilisable par eux (§1). Elle est donc
complétée par des obligations plus précises, assorties de sanctions plus efficaces et
spécialement édictées en faveur des consommateurs (§2).

§1 – L’obligation générale d’information

La jurisprudence distingue entre l’obligation précontractuelle d’information (A) et


l’obligation contractuelle d’information (B).

A – L’obligation précontractuelle d’information

Celui qui vend un bien ou qui fournit un service doit, préalablement à la


conclusion du contrat, renseigner l’autre contractant sur les caractéristiques principales de
ce bien ou de ce service, ainsi que sur les conditions du contrat. La règle est formulée,
pour le contrat de vente, par l’article 1602 du code civil qui dispose : « Le vendeur est
tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige ». Cette règle a été généralisée par la
jurisprudence, qui l’applique à toutes sortes de contrats.

Dans le cas où l’information précontractuelle n’est pas donnée, la question se pose


de savoir quelle sera la sanction. L’article 1602 du Code civil ne prévoit d’autre sanction
que celle-ci : « Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur ». Cette
sanction est insuffisante, car elle s’applique au cas d’une information mal donnée plutôt
qu’à celui d’un défaut d’information. La jurisprudence est donc amenée à se fonder sur
d’autres textes pour sanctionner l’absence d’information précontractuelle. Trois cas
peuvent notamment être cités :

79
1) – En certains cas, les tribunaux considèrent que le défaut d’information est
constitutif de dol : le contrat sera annulé, pour vice de consentement, sur la base de
l’article 1116 du Code civil. Il convient de relever qu’il est admis depuis le milieu du
XXe siècle, que le dol peut résulter d’une simple réticence, c’est-à-dire du silence gardé
par un contractant sur une information essentielle qu’il détenait. Encore faut-il prouver
que la réticence était intentionnelle et qu’elle a déterminé le consentement de l’autre
contractant. Mais, une fois prouvée, la réticence dolosive rend toujours excusable l’erreur
qu’elle provoque (Civ. 3e, 21 févr. 2001, D. 2001, J. 2702, note D. Mazeaud).

2) – Il arrive aussi que les juges condamnent le contractant réticent à verser des
dommages et intérêts à l’autre contractant, pour réparer le préjudice causé par le défaut
d’information. Ces dommages et intérêts peuvent compléter l’annulation du contrat. Ils
peuvent aussi être obtenus en l’absence d’annulation. Dans les deux cas, les juges se
fondent sur l’article 1382 du Code civil : le contractant qui ne fournit pas à l’autre les
informations nécessaires commet une faute qui engage sa responsabilité. La
responsabilité est délictuelle parce que la faute est commise à un moment où le contrat
n’est pas encore formé.

3) – En d’autres cas, la condamnation pourra être fondée sur la garantie que doit le
vendeur à raison des défauts cachés de la chose vendue (art. 1641 et s. C.civ.) ou de sa
non-conformité. Si le défaut est caché, c’est parce que le vendeur ne l’a pas dévoilé à
l’acheteur avant la vente. La garantie peut donc être considérée comme la sanction du
défaut d’information.

B – L’obligation contractuelle d’information

Cette obligation est théoriquement distincte de la précédente : au lieu de préexister


au contrat, elle dérive de lui. Il s’agit d’une obligation accessoire que la jurisprudence
découvre dans un nombre croissant de contrats, spécialement ceux conclus entre
professionnels et consommateurs. Le fondement peut être trouvé dans l’article 1135 du
Code civil qui dispose : « Les conventions obligent non seulement à ce qui est y est
exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à
l’obligation d’après sa nature ».

Au premier rang des contrats qui font naître une obligation contractuelle
d’information ou de renseignement figure le contrat de vente. Le vendeur professionnel

80
doit fournir à l’acheteur le mode d’emploi de la chose vendue, et le cas échéant lui
indiquer les précautions à prendre. S’il ne le fait pas, il est responsable des dommages
que subira l’acheteur du fait de l’absence ou de l’insuffisance d’information. La
responsabilité est de nature contractuelle, puisque c’est le contrat qui oblige le vendeur à
renseigner l’acheteur.

En dehors du vendeur, de nombreux prestataires de services assument eux aussi,


une obligation contractuelle d’information : médecins, avocats, assureurs, réparateurs,
etc.

Malgré son caractère général, l’obligation d’information qui vient d’être présentée
ne suffit pas à assurer l’information des consommateurs. D’une part, elle comporte, en
raison de sa généralité, une marge d’incertitude : les professionnels ne peuvent prévoir à
coup sûr le contenu de l’information qu’ils doivent donner. D’autre part, elle ne peut être
sanctionnée qu’au moyen d’actions individuelles en justice ; or, le recours aux tribunaux
se révèle, pour les actes de consommation courante, disproportionné à l’intérêt en jeu :
qui exercerait une action en justice pour n’avoir pas été informé sur la composition d’un
aliment ou sur le mode d’emploi d’un appareil ? Il faut un préjudice très important, et dès
lors exceptionnel, pour qu’un consommateur songe à invoquer l’obligation générale
d’information. Par là apparaît l’utilité des obligations spéciales.

§2 – Les obligations spéciales en matière d’information des consommateurs

Les obligations spéciales qui sont prévues en certains cas par les dispositions
législatives ou réglementaires impératives ne font pas disparaître l’obligation générale
d’information. Celle-ci demeure en arrière-plan. Si les mentions exigées par les textes
spéciaux ne suffisent pas à renseigner le consommateur, le professionnel doit fournir à
celui-ci des informations complémentaires. En d’autres termes, les obligations spéciales
ont un caractère minimal, elles ne dispensent pas les professionnels de leur obligation
générale d’information.

Les obligations spéciales concernant l’information des consommateurs ne se


subdivisent pas en obligations précontractuelles et obligations contractuelles. Elles ont
indistinctement les deux caractères, car elles visent à la fois à éclairer le consentement du
consommateur, avant la conclusion du contrat, et à permettre, après celle-ci, une
utilisation correcte du bien ou du service acquis.

81
L’information du consommateur figure parmi les principes de la protection du
consommateur consacrés par loi du 6 mai 2011. Aux termes de l’article 3 c) de cette loi,
le principe de l’information postule que les consommateurs ont le droit d’accès à
l’information nécessaire pour faire un choix éclairé lors de toute transaction en matière de
fourniture des technologies, des biens et services. L’article 13 ajoute que « chaque
fournisseur ou prestataire d’une technologie, d’un bien ou d’un service doit fournir au
consommateur, en français et en anglais, une information juste, suffisante, claire et
lisible concernant les biens et services offerts afin de lui permettre de faire des choix
adéquats et raisonnables avant la conclusion d’un contrat ».

La loi du 6 mai 2011 n’est pas entrée dans les détails comme celle du 10 août 1990 qui
consacrait deux catégories d’obligations spéciales d’information : l’information sur les
prix et les conditions de vente, l’information sur les caractéristiques des biens et des
services. Bien que toutes ces obligations n’aient pas été reprises par la loi du 6 mai 2011,
il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’elles pèsent toujours sur le professionnel et peuvent
trouver un fondement dans l’article 13 suscité de la loi du 6 mai 2011 et dans l’article 42
(1) de la loi de 2015 régissant l’activité commerciale qui dispose que « Le professionnel
est tenu, avant la conclusion du contrat de vente ou de la prestation de service,
d’apporter par tout moyen au consommateur, les informations loyales et sincères
relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service qu’il propose, aux
garanties et conditions de vente pratiquées». Aussi allons-nous étudier tour à tour
l’information du consommateur sur les prix et les conditions de la vente (A) et
l’information du consommateur sur les caractéristiques des technologies, des biens et des
services (B).

A – L’information du consommateur sur les prix et les conditions de la vente

Le principe est posé par l’article 46 de la loi de 2015. Aux termes de l’alinéa 1er de
ce texte : « Tout vendeur ou tout prestataire de service doit obligatoirement informer
les clients sur les prix, les tarifs et les conditions de vente des biens et services ». Cette
information doit être fournie aux consommateurs par voie de « marquage, étiquetage,
affichage » ou par d’autres moyens « appropriés » (art. 46 alinéa 2). Il faut que tous
puissent aisément connaître, avant la conclusion du contrat et sans interroger le vendeur
ou prestataire, le prix qui leur sera demandé. Le but est non seulement de protéger les
consommateurs, mais encore de favoriser la concurrence, par la transparence du marché.
82
La règle relève donc à la fois du droit de la consommation et du droit de la
concurrence.

L’alinéa 2 de l’article 20 de la loi du 10 août 1990 ajoutait que pour les biens de
consommation courante, doivent être portées à la connaissance du consommateur les
conditions de vente desdits biens. Cette disposition se justifie parfaitement : le montant
du prix n’est pas le seul élément déterminant pour le consommateur. Les conditions de
vente ont aussi leur importance et peuvent influer sur le prix, par exemple une livraison à
domicile, ou encore une garantie de bon fonctionnement.

B – L’information du consommateur sur les caractéristiques des technologies, des


biens et des services

Cette obligation spéciale était posée par l’article 21 – a) de la loi du 10 août 1990 qui
disposait : « Toute entreprise commercialisant au Cameroun à l’état neuf des biens de
consommation durable, qu’ils soient à usage professionnel ou non, est tenu de délivrer,
lors de chaque vente, une notice rédigée en français et en anglais, rappelant les
caractéristiques essentielles du bien en cause … ».

Cette obligation a été reprise par l’article 10 alinéa 2 de la loi du 6 mai 2011 qui dispose :
« La technologie, le bien ou le service fourni ou livré doit être accompagné d’un
manuel, d’un reçu ou de tout autre document contenant, entre autres, des informations
relatives aux caractéristiques techniques, au mode de fonctionnement, à l’utilisation et
à la garantie ».

Le principe ainsi posé ne fait qu’appliquer aux relations entre les professionnels et
consommateurs l’obligation générale d’information dégagée par la jurisprudence.

Section 2 – L’information fournie par des associations de consommateurs

Le rétablissement d’un équilibre entre partenaires économiques suppose que la


qualité de l’information émanant des entreprises trouve son contrepoids dans une
information fournie aux consommateurs par les organismes chargés de les défendre. Aux
termes de l’article 21 de la loi du 6 mai 2011, « les consommateurs ont le droit et la
liberté de former des associations ou organismes des consommateurs bénévoles,
autonomes et indépendantes ayant un champ et des zones d’intervention bien définis ».

83
L’article 24 de la même loi poursuit que les associations de consommateurs
peuvent mettre en œuvre des programmes d’information portant entre autres sur
l’information sur les poids et mesures, les prix et la qualité, la disponibilité des biens et
services et la préservation de l’environnement.

L’information fait donc partie des tâches principales des associations de


consommateurs. Certes l’équilibre est loin d’être atteint et ne le sera sans doute jamais :
faute de moyens, les associations ne peuvent émettre une information équivalant à la
publicité diffusée par les entreprises. L’information ainsi fournie aux consommateurs
n’est pas moins nécessaire.

84
Chapitre II : Les pratiques commerciales
En vertu du principe de libre concurrence, qui est à la base de notre système
économique, chaque entreprise choisit librement les méthodes qu’elle entend pratiquer.
Mais ce principe a dû être limité car il pourrait conduire à l’emploi de procédés agressifs,
qui lèseraient deux catégories de personnes : les concurrents d’une part, et spécialement
les plus faibles, incapables d’utiliser les mêmes méthodes ; les consommateurs d’autre
part, poussés par des méthodes efficaces à des achats inutiles et dispendieux.

C’est pourquoi certaines d’entre elles sont purement et simplement prohibées.


C’est le cas de la vente des produits périmés ou impropres à la consommation humaine et
animale ou susceptible de porter atteinte à l’environnement ; des produits neuf ou
alimentaires dans les brocantes ; du refus sans motif légitime la vente d’un bien ou la
prestation d’un service dès lors que ce bien est offert à la vente ou que le service est
disponible ; de pratiquer, à l’égard d’un partenaire économique, des conditions
discriminatoires qui créent pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la
concurrence ; de détenir ou de vendre des produits illicites (confère art. 68 et s de la loi
de 2015).

Mais plusieurs autres pratiques sont encadrées. Elles peuvent être regroupées en
deux catégories : les méthodes de distribution (section 1) et les procédés incitatifs
(section 2)

Section 1 : Les méthodes de distribution

Trois méthodes de distribution vont retenir notre attention : la vente à distance


(§1), la vente par démarchage (§2) et la vente multiniveau (§3).

§1 – La vente à distance

La vente par correspondance a été pendant longtemps la seule forme de vente à


distance. Dans cette forme de vente, le vendeur fait ses offres au moyen de catalogues,
prospectus ou annonces, et l’acheteur passe commande par un procédé postal. La vente
par correspondance existe depuis le XIXe siècle et est toujours pratiquée, mais elle n’est
plus la seule forme de vente à distance. Depuis les années 1980, des procédés de
télécommunication sont utilisés pour contacter les clients : téléphone, télécopie, internet,
télévision, etc. Ces procédés nouveaux tendent à se multiplier et à se diversifier. Ainsi

85
apparaît un ensemble plus vaste que la vente par correspondance, ensemble qui
reçoit le nom de vente à distance.

La vente à distance est celle qui se forme sans la présence physique du


vendeur. Celui-ci sollicite l’acheteur par une technique de communication à distance, et
l’acheteur répond par une technique de communication à distance, la même ou une autre.
Ces techniques sont généralement utilisées pour la vente, mais elles peuvent l’être aussi
pour des prestations de service.

La vente à distance présente, pour les consommateurs, des avantages


indéniables : d’une part, à la différence de la vente en magasin, elle évite tout
déplacement ; d’autre part, elle permet, mieux que la vente par démarchage, de réfléchir
avant la décision d’achat.

Mais elle comporte aussi plusieurs inconvénients :

- les consommateurs sont soumis, de la part de certaines entreprises, à des


sollicitations répétées qui constituent une intrusion dans leur vie privée ; l’utilisation du
téléphone, de la télécopie et de l’internet a accru ce danger ;

- se décidant d’après de simples images ou descriptions, l’acheteur risque de


recevoir un objet qui ne correspond pas exactement à ce qu’il attendait ;

- entre la commande et la livraison s’écoule nécessairement un délai, dont la


longueur peut être gênante ;

- lorsque, à la livraison, l’acheteur constate un défaut, il risque d’éprouver


quelque difficulté à faire valoir ses droits contre un vendeur éloigné ;

- il peut même arriver – cas extrême – qu’après avoir commandé et payé,


l’acheteur ne reçoive rien et ne puisse se faire rembourser, le vendeur étant insolvable ou
ayant disparu.

L’autodiscipline a longtemps été la seule source de protection des


consommateurs. En France par exemple, les principales entreprises de vente par
correspondance ont compris que la confiance du public est une condition de leur essor.
Leur syndicat professionnel a élaboré un Code moral. Celui-ci n’est pas impératif, mais il
est spontanément suivi par les grandes entreprises du secteur. Cependant, l’autodiscipline
s’est révélée insuffisante pour protéger les consommateurs contre les dangers de la vente

86
à distance. Certaines entreprises, n’adhérant à aucun syndicat, bafouent la discipline
professionnelle. Et les risques d’abus ont été accrus par l’utilisation des moyens
modernes de télécommunication.

Le législateur français est donc intervenu. Il l’a fait par touches successives : des
lois du 6 janvier 1988, du 23 juin 1989 et du 18 janvier 1992 ont posé des règles
impératives concernant les ventes à distance, règles qui ont été introduites dans le Code
de la consommation. La pièce maîtresse est le droit de rétractation accordé à
l’acheteur. Ce droit est consacré par l’article L. 121-20 du Code de la consommation qui
accorde au consommateur un droit de rétractation pendant un délai de sept jours francs
qui court, si le contrat est une vente, de la réception du bien vendu.

La question s’est posée de savoir pourquoi accorder un droit de rétractation


au consommateur. La réponse qui peut être donnée estque, dans les ventes à distance,
l’acheteur passe commande sur la foi de simples images ou descriptions, et qu’il risque
donc de recevoir un objet ne correspondant pas à ce qu’il attendait. C’est après la
livraison qu’il pourra juger le produit.

La loi camerounaise du 10 août 1990 ne comportait aucune disposition


relative à la vente à distance. Cette lacune a été comblée par la loi du 6 mai 2011
dont l’article 7 dispose : « Le consommateur a le droit de se rétracter dans un délai ne
pouvant excéder quatorze (14) jours à compter de la date de signature ou d’exécution
d’un contrat, de réception d’une technologie, d’un bien ou d’un service lorsque le contrat
a été conclu, indépendamment du lieu, à l’initiative du fournisseur, du vendeur ou de ses
employés, agents ou serviteurs ».

§2 – La vente par démarchage

Le démarchage était réglementé par la loi du 10 août 1990 dont l’article 30 – a


disposait : « Le démarchage consiste à proposer à des consommateurs, à leur domicile
ou dans un lieu non destiné à la commercialisation des biens et services en cause, la
vente, la location, la location-vente des biens autres que des produits de consommation
courante ainsi que la fourniture de services ». Cet article n’a pas été repris par la loi de
2015. Mais compte tenu du fait que la vente par démarche est fréquemment utilisée par

87
les commerçants au Cameroun et qu’elle ne présente pas seulement des avantages, cette
méthode de vente mérite d’être étudiée.

Le démarchage se fait, le plus souvent, au domicile du consommateur : il prend,


pour cette raison, le nom de vente à domicile ou de porte à porte. Il se fait aussi et de plus
en plus au bureau ou dans tout autre endroit ouvert au public. Il est particulièrement
développé pour les appareils domestiques, les produits d’entretien, les livres, les
assurances. Il peut aussi concerner des prestations de service.

Cette méthode de distribution présente un avantage pour le consommateur : elle


lui évite tout déplacement. Mais le démarchage est un procédé qui peut devenir agressif :
certains démarcheurs savent forcer les portes et les consentements grâce à des discours où
la vérité et le mensonge sont adroitement mêlés. Les consommateurs les plus faibles sont
leurs victimes désignées : surpris chez eux, ils ne savent pas résister aux sollicitations et
achètent sans réfléchir des objets inutiles et dispendieux.

La pièce maîtresse du système de protection des consommateurs institué par


la loi de 1990 contre les abus de la vente par démarchage est le délai de réflexion.
Ayant constaté que les démarcheurs parviennent, par habileté ou par insistance, à obtenir
des consommateurs des engagements irréfléchis, les rédacteurs de la loi de 1990 avaient
accordé au consommateur un délai de réflexion, et cela au moyen de trois règles
combinées : l’exigence d’un contrat écrit, la faculté de renonciation, l’interdiction de
tout paiement avant l’expiration du délai de renonciation.

1° - L’exigence d’un contrat écrit

Cette exigence était posée par l’article 30 – b de la loi du 10 août 1990 qui
prévoyait que le démarcheur qui obtenait un consentement devait faire signer par le
consommateur un contrat comportant diverses mentions destinées à éclairer le
consentement de celui-ci :

- le nom commercial ou la dénomination sociale ;

- le numéro d’immatriculation au registre du commerce et l’adresse du


fournisseur et du démarcheur ;

- la désignation du bien ou du service mis en cause ;

88
- les conditions d’exécution du contrat notamment le lieu et le délai de
livraison ;

- le prix global à payer et les modalités de paiement ainsi que la condition


suspensive au terme de laquelle tant que le contrat n’est pas entré en vigueur,
il ne peut être exigé à quelque titre que ce soit un quelconque paiement du
client.

Outre l’exigence relative au contenu du contrat, la loi imposait qu’une copie de


celui-ci soit remise à l’acheteur après avoir été datée et signée par les deux parties.

2° – La faculté de renonciation

Le délai de réflexion prévu par l’article 30 – c de la loi du 10 août 1990 était plus
long que celui prévu par le législateur français. Le délai camerounais était de 15 jours
alors que le délai français est de 7 jours. Aux termes de l’article 30 – c, le client disposait
d’un délai de 15 jours, jours fériés compris, à compter de la signature du contrat, pour y
renoncer par tout moyen écrit, daté et signé porté à la connaissance du démarcheur et
réceptionné par lui. En cas de courrier postal, le cachet de la poste faisait foi. Ce délai
était prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant lorsqu’il expirait le samedi, un
dimanche ou un jour férié et chômé.

Diverses théories juridiques ont été avancées pour expliquer la faculté de


renonciation : promesse unilatérale de vente, condition suspensive ou résolutoire, faculté
de dédit, dissociation entre perfection et efficacité du contrat. Ces théories recèlent toutes
une part de vérité, mais elles sont plus descriptives qu’explicatives. La véritable
explication est que la signature obtenue par le démarcheur n’est pas la marque d’une
volonté définitive, elle constitue seulement une étape dans le processus de formation du
contrat. Ce dernier ne sera parfait que quinze jours après la signature, car le
consommateur aura pu lire le contrat à tête reposée, réfléchir et demander conseil. Toute
clause du contrat par laquelle le client abandonne son droit de renonciation est nulle et
non avenue. La faculté de renonciation ne porte pas atteinte à la force obligatoire des
contrats, elle se place à un moment où le contrat n’est pas définitivement conclu.
Cependant, à l’expiration du délai de réflexion et en l’absence d’une renonciation, le
contrat entre automatiquement en vigueur.

89
3° - Pour laisser au client une entière liberté de renonciation, l’article 30 - d interdisait au
démarcheur d’exiger à quelque titre que ce soit un quelconque paiement du client. Un
client qui aurait déjà payé ne se sentirait pas libre de renoncer, car il craindrait de perdre
la somme versée.

§3 – La vente multiniveau

La vente multiniveau consiste à faire participer les consommateurs à la


distribution des produits d’une entreprise. Celle-ci recrute quelques personnes, qui sont à
leur tour chargées de recruter de nouveaux adhérents, et ainsi de suite. Ce recrutement en
chaîne conduit à la constitution d’un réseau de distributeurs indépendants, non
professionnels, chacun étant le « filleul » d’un distributeur plus haut placé et pouvant
devenir le « parrain » d’un nouveau distributeur. Tout distributeur a le droit d’acheter les
produits de l’entreprise initiatrice, soit pour lui-même, soit pour les revendre. Et il peut
les revendre soit à de simples consommateurs, soit à ses filleuls, qui feront de même. La
revente se fait généralement par téléphone, internet, télécopie et par démarchage à
domicile.

Le système est organisé de telle sorte que les adhérents y trouvent un profit, ou
du moins espèrent l’y trouver. Ce profit résulte de la différence entre le prix d’achat et le
prix de revente, ainsi que de commissions éventuelles. Il est d’autant plus élevé que
l’adhérent vend une plus grande quantité de produits et recrute un plus grand nombre
d’adhérents.

La méthode était connue, à l’état embryonnaire, depuis plusieurs décennies, mais


elle s’est développée depuis la fin des années 1980. Elle présente des avantages pour
certains adhérents, qui y trouvent une source de profit. Mais elle peut entraîner des abus.
Les victimes principales sont les adhérents qui, recrutés au moyen de promesses
fallacieuses, s’aperçoivent parfois que leurs dépenses sont supérieures à leurs recettes. La
méthode peut aussi faire des victimes parmi les consommateurs, portés à acheter des
produits dont ils n’ont pas toujours besoin, et qui risquent de payer un prix relativement
élevé, du fait de la multiplication des intermédiaires.

Le législateur camerounais est intervenu en 1990 pour tenter d’éviter des abus.
L’article 26 de la loi du 10 août 1990 interdisait en effet les ventes pratiquées selon le
procédé dit « de boule de neige » ou tout autre procédé analogue consistant à proposer à

90
une personne de collecter des adhésions, des inscriptions, de placer des bons ou tickets de
façon à acquérir des marchandises à une valeur inférieure à leur valeur réelle, voir
gratuitement. Cet article 26 a été repris par la loi de 2015. L’article 81 alinéa 1 de cette
loi interdit la vente consistant à offrir des marchandises au public en lui faisant espérer
l’obtention de ces marchandises à titre gratuit ou contre remise d’une somme inférieure à
leur valeur réelle tout comme le fait de proposer à une personne de collecter des
adhésions en lui faisant espérer des gains financiers résultant d’une augmentation du
nombre de personnes recrutées.

Section 2 : Les procédés incitatifs

Les procédés incitatifs sont des pratiques commerciales par lesquelles les
entreprises, une fois établie une méthode de distribution, cherchent à attirer les
consommateurs. Les professionnels attirent principalement les consommateurs au moyen
de la publicité (§1). A la publicité s’ajoutent parfois des procédés destinés à rendre les
achats plus attrayants. Ces procédés peuvent être groupés en deux catégories : tantôt le
professionnel fait espérer à ses clients des prix réduits (§2), tantôt il leur octroie des
avantages en nature (§3).

§1 – La publicité

La publicité est définie aux termes de l’article 2 de la loi du 16 décembre 1988


régissant la publicité au Cameroun comme un ensemble de moyens utilisés ou mis en
œuvre à travers des supports pour faire connaître une entreprise ou en vue d’inciter le
public à l’achat ou à la consommation d’un produit ou d’un service.

Avec l'avènement de la société dite de consommation, la publicité est devenue la


carte maîtresse dans le jeu commercial. Ses mérites ne sont pas moins reconnus. Ainsi,
elle est « un élément essentiel de la commercialisation et rend un service indispensable
tant au consommateur qu'à l'industrie, au commerce et à l'économie tout entière »35.
Même les tribunaux, saisis des abus publicitaires, reconnaissent ce rôle36. Cependant,
malgré ce rôle incontestable, les abus de la publicité sont innombrables. Ce qui justifie
les nombreuses limitations dont elle fait l'objet en droit positif. Ces limitations assurent

35
- Code international des pratiques déloyales en matière de publicité, élaboré par la chambre de commerce
internationale. Cité par S. GUINCHARG, Juriscl. Contrats-Distribution, Fasc 1580, nErreur ! Signet non défini.3.
36
- Douai 29 oct. 1975, Ann. prop. ind. 1976. 164 : "La vente moderne est fondée sur la publicité".

91
tantôt la protection des consommateurs, tantôt la protection des concurrents 37. La
protection des consommateurs contre les abus la publicité se réalise d'une part à travers
l'interdiction ou la réglementation de la publicité en faveur de certains produits ou
services, à travers l'interdiction de certaines formes de publicité quel que soit le produit
ou le service proposé et, d'autre part, par l'incrimination de la publicité abusive et de la
publicité mensongère, voire simplement trompeuse (article 8 alinéa 1er de la loi du 6 mai
2011). Seule cette dernière nécessite quelques développements.
La répression de la publicité mensongère n'est pas unanimement admise par les
auteurs. Pour une partie de la doctrine, le mensonge est essentiel à la publicité et on ne
saurait interdire celui-ci sans remettre en cause le principe même de l'admission de la
publicité. En effet, la publicité est partiale par définition puisque l'information qu'elle
véhicule est fournie par des producteurs dont l'intention claire est de vendre38. Mais cette
opinion n'a pas triomphé en droit positif.

Le problème majeur que pose la publicité mensongère est celui du critère de son
appréciation. Cette question n’a pas été tranchée par la loi du 6 mai 2011. Il faut donc se
reporter à celle de 1990 et à l’Annexe V de l’Accord de Bangui sur la propriété
intellectuelle. Il ressort de ces deux textes que la publicité peut être soit objectivement
mensongère, soit subjectivement mensongère.

Dans la première hypothèse, le législateur ne sanctionne que les affirmations


inexactes ou induisant en erreur39, alors que dans la seconde hypothèse, il sanctionne
même les affirmations de nature à induire en erreur40. La qualification de la publicité
objectivement mensongère ne pose pas de difficultés majeures. En effet, l'allégation étant
manifestement fausse, le juge n'a pas besoin d'examiner l'influence qu'elle a pu avoir sur
la clientèle.

En revanche, la qualification de la publicité subjectivement mensongère est plus


délicate. En effet, il est extrêmement difficile de préciser à partir de quel moment une
publicité est de nature à induire en erreur, car il est de l'essence même de la publicité
37
- Dénigrement, imitation des moyens publicitaires qui sont considérés comme des actes de concurrence déloyale
V. supra, n°s 310 et s.
38 e
- R. LEDUC, La publicité, une force au service de l'entreprise, Dunod, 4 éd. 1974, note 2, p. 29 ; X. DE
MELLO, Publicité, consommation et moralité: GAZ. PAL. 1974.II. doctr. 717, spécialement note 101.
39
- V. Art. 22a de la loi du 10 août 1990 et art 17 al. 2.a du titre II de l'Annexe V de l'Accord de Bangui.
40
- V. Art. 22a de la loi du 10 août 1990 et art 17 al. 2.d du titre II de l'Annexe V de l'Accord de Bangui.

92
moderne de suggérer plutôt que d'affirmer. La détermination de la publicité
subjectivement mensongère fait appel au pouvoir d'appréciation du juge. Celui-ci doit
examiner dans chaque cas si elle a eu pour effet de provoquer une erreur chez la clientèle.
Mais le véritable problème est de savoir à quelle catégorie de victimes on doit se référer
pour apprécier le caractère licite ou illicite d'une publicité de nature à induire en erreur.
Autrement dit, doit-on l'apprécier in abstracto ou in concreto ?

Dans l'appréciation in abstracto, on se réfère à une victime d'intelligence


moyenne, étalon équivalent au bon père de famille du droit civil. Par contre, dans
l'appréciation in concreto, on prend en considération la victime réelle de l'erreur, ce qui
permet de protéger les individus les plus naïfs, les plus crédules, ceux qui sont induits en
erreur dans des cas où une personne d'attention moyenne ne l'aurait pas été

Il nous semble nécessaire, si l'on ne veut pas donner à l'expression "de nature à
induire en erreur" une portée trop vaste, de retenir l'appréciation in abstracto. Cette
expression nous semble suffisamment large pour protéger le client naïf, sans qu'il soit
besoin de recourir à une appréciation in concreto. Mais l'appréciation in abstracto doit
varier en fonction du public visé par la publicité. En droit français par exemple, c'est cette
appréciation qui a triomphé en jurisprudence. Les juges du fond autant que la Cour de
Cassation font référence au client d'attention moyenne41 pour déterminer le caractère
mensonger ou non de la publicité.

§2 – Les réductions de prix

La concurrence par les prix est la forme la plus souhaitable de concurrence,


puisqu’elle permet aux consommateurs de payer moins cher, à qualité égale, les produits
et les services qui leur sont fournis. Tout professionnel est donc libre, en principe, de
pratiquer des prix plus bas que ceux de ses concurrents. Cette pratique n’est pas interdite
par la loi et elle n’est pas contraire à la loyauté de la concurrence (Civ., 10 juill. 1979, D.
1979, IR, 520). Mais les professionnels utilisent parfois des moyens de promotion qui,
faisant espérer des prix réduits, attirent une masse de clients. Ces procédés sont mal
tolérés les concurrents. Ils risquent aussi de léser les consommateurs, s’ils sont

41
- V. Paris 14 oct. 1981, Gaz. Pal. 1982,II. somm. 92: "L'appellation "Sirop Evian" est, en elle-même, de nature à
faire croire à l'acheteur d'attention moyenne ..." ; Com. 22 déc. 1980, J.C.P. 1981, éd. G. IV, 95: "Use d'une
publicité de nature à induire en erreur la clientèle, le commerçant qui présente fallacieusement comme "équivalent"
à trois mètres un rouleau de papier de 2,85 mètres grâce à son enroulement spirale, le client d'attention moyenne ne
retenant que l'idée erronée qu'il a acheté trois mètres de papier...".

93
trompeurs, ou même s’ils poussent à des achats inconsidérés. Ainsi sont apparues dans
certains pays comme la France des règles visant à protéger à la fois les concurrents et les
consommateurs contre les dangers de la promotion par les prix. La loi du 6 mai 2011,
comme celle du 10 août 1990, ignore la majorité des procédés de réduction des prix.
Ainsi, les procédés comme les prix d’appel, les ventes en solde, en liquidation, au
déballage, par lots ou par grandes quantités, ne sont soumis à aucun contrôle en
droit camerounais alors pourtant qu’ils présentent de nombreux inconvénients pour le
consommateur.

On appelle prix d’appel la pratique consistant, pour un commerçant, à attirer


les consommateurs en magasin par l’annonce de prix très bas sur un produit ou quelques
produits, généralement choisis en raison de la notoriété de leur marque. Les clients venus
en magasin sont alors incités à acheter d’autres produits, dont leurs prix ne sont pas
particulièrement bas. Le prix d’appel est donc suivi d’une dérive de ventes. La méthode
est surtout pratiquée par les entreprises de vente en grande surface, qui appliquent l’adage
bien connu « un îlot de perte dans un océan de profit ». Or la méthode est dangereuse à
la fois pour les consommateurs, qui sont attirés par des espoirs souvent illusoires, pour
les petits commerçants, qui ne peuvent pas lutter à armes égales, et pour les fabricants de
produits vendus à vil prix, car l’image de ces produits risque d’être ternie aux yeux du
public.
D’autres procédés de vente, notamment les soldes, s’accompagnent
généralement de réductions de prix et attirent les consommateurs par l’espoir d’affaires
avantageuses. En pareil cas, la réduction de prix n’est pas nécessairement annoncée par la
publicité. Elle est suggérée par le procédé employé. Ces procédés présentent sans aucun
doute des avantages pour les consommateurs, puisqu’ils permettent souvent de faire des
achats à prix réduit. Mais ils présentent aussi certains dangers : ils risquent d’entraîner les
consommateurs à acheter, sans réfléchir, des objets inutiles ou défectueux ; parfois
même, la réduction de prix est purement illusoire.

La loi du 10 août 1990 n’ignorait pas complètement ce procédé de vente. Mais


son article 23 renvoyait à un texte réglementaire qui n’a jamais été pris pour la
détermination des conditions de vente ou offres de vente relatives aux ventes en solde.

94
Quant à la loi du 6 mai 2011, ses articles 4 et 8 interdisent de manière générale
les pratiques commerciales inéquitables qui peuvent avoir des effets négatifs sur les
droits du consommateur. L’article 12 alinéa 1er interdit de manière spécifique les ventes
liées en ces termes : « La vente ou l’acquisition d’une technologie, d’un bien ou d’un
service conditionnées à l’achat d’une autre technologie, bien ou service par le même
consommateur sont interdites et doivent être réprimées ».

§3 – Les avantages en nature

Pour inciter les clients à l’achat, certains commerçants attribuent, en sus des
biens ou services qu’ils fournissent à titre onéreux, des biens ou services à titre gratuit, ou
du moins à des conditions avantageuses. Cette méthode de promotion présente plusieurs
inconvénients :

- elle conduit certains consommateurs à fonder leurs choix sur des raisons
futiles et à oublier les critères de qualité et de prix ;

- elle entraîne une hausse des prix, car la valeur des avantages octroyés est
nécessairement récupérée par ailleurs ;

- elle trompe les consommateurs, puisque la gratuité de l’avantage n’est


qu’apparente.

Pourtant, si les avantages en nature ont été réglementés, c’est moins pour
protéger les consommateurs que les petits commerçants. Ces derniers sont en effet
incapables d’accorder de pareils avantages. Ils ont demandé que la concurrence reste sur
son terrain naturel, qui est celui de la qualité et du prix. Ils ont été entendus en droit
français où les avantages en nature font l’objet d’une réglementation complexe, qui les
divise en trois catégories : les ventes avec primes, les loteries et les concours. Qu’en est-il
en droit camerounais ?

La loi camerounaise du 6 mai 2011 ne comporte aucune disposition spécifique


sur les avantages en nature. Il semble qu’on doit se contenter des articles 4 et 8 qui
interdisent les pratiques commerciales inéquitables qui peuvent avoir des effets négatifs
sur les droits du consommateur.

Quant à la loi du 10 août 1990, elle comportait un article 23 qui disposait que les
conditions de vente ou offres de vente des prestations ou offres des services faites aux

95
consommateurs et donnant droit, à titre gratuit, à une prime seront fixées par voie
réglementaire. Ce texte réglementaire n’a jamais été pris.

L’article 22 – c) de la loi de 1990 quant à lui interdisait toutes opérations


publicitaires présentant les caractéristiques d'une loterie, sauf si elles n'imposent aux
participants aucune contrepartie financière de quelque nature que ce soit. Ce texte invitait
à distinguer deux catégories de loteries publicitaires, selon que les participants doivent,
ou non, fournir une contrepartie.

Les loteries exigeant une contrepartie étaient interdites. La contrepartie, c’est


l’obligation faite aux participants d’acheter un billet, un produit ou un service.
L’interdiction se fonde sur le même motif que celle des ventes avec primes : les
consommateurs pourraient être poussées à acheter par le seul désir de participer à la
loterie. Le danger est accru par la grande valeur des lots décrits dans la publicité et par le
fait que les participants surestiment leurs chances de gagner.

Quand elles n’exigeaient des participants aucune contrepartie, les loteries étaient
licites. Mais en droit français et contrairement à la loi camerounaise de 1990, les loteries
licites sont soumises à des règles impératives, destinées à éviter les abus qui avaient pu
être constatés. Outre l’exigence d’un bon de participation distinct, la loi pose deux
catégories de règles :

- d’une part, les documents présentant l’opération publicitaire sont soumis à des
exigences de forme, de façon à fournir aux participants une information aussi complète et
objective que possible (art. L. 121-37 C. com.) ;

- d’autre part, le règlement des opérations, ainsi qu’un exemplaire des


documents adressés au public doivent être déposés auprès d’un office ministériel, qui
s’assure de leur régularité ; le règlement est adressé gratuitement à toute personne qui en
fait la demande (art. L. 121-38 C. com.).

Les loteries publicitaires donnent souvent lieu à un autre abus : l’organisateur


envoie à toute une série de personnes un document donnant à croire au destinataire qu’il a
gagné un lot important ou qu’il a une grande chance de le gagner alors qu’il n’en est rien.
Contre ce genre d’abus, Le Code français de la consommation ne fournit aucune solution
dans la section sur les loteries publicitaires. Après quelques hésitations, la Cour de

96
cassation reconnaît depuis 1990 qu’il s’agit d’une publicité trompeuse. La question se
pose cependant de savoir quelles sont les conséquences civiles d’une telle pratique. Sur
ce plan, la Cour de cassation est passée par plusieurs phases :

- Elle a d’abord appliqué l’article 1382 du Code civil (Civ. 1re, 3 mars 1988, D.
1988, somm. 405, obs. Aubert ; D. 1990, somm. 105, obs. Galvada et Lucas de Leyssac ;
Civ. 2e, 28 juin 1995, D. 1996, J. 180, note Mouralis). L’annonceur qui envoie un
message trompeur commet indéniablement une faute. La difficulté est d’évaluer le
préjudice ; celui-ci peut s’analyser « comme une déception de ne pas avoir gagné ce qui
était apparemment promis et comme la sensation désagréable d’avoir été traité comme un
imbécile » (Toulouse, 15 déc. 1997, JCPE 1998, 730) ; il est difficile d’admettre que le
préjudice puisse atteindre la valeur du gain espéré.

- Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a considéré que l’annonceur avait pris
un engagement unilatéral qu’il devait respecter (Civ. 1re, 28 mars 1995, D. 1995, somm.
227, obs. Delebecque ; RTD civ. 1995, 886, obs. Mestre). Ce fondement permet de
condamner l’annonceur à remettre au destinataire le lot promis ou de verser sa valeur en
argent. Mais il n’est pas sûr qu’une obligation puisse naître d’un simple engagement
unilatéral.

- Par la suite, la Cour de cassation a admis qu’un véritable contrat s’est formé, le
destinataire ayant accepté l’offre faite par l’annonceur : celui-ci est donc
contractuellement obligé de livrer le lot ou d’en payer la valeur (Civ. 2e, 11 févr. 1998, D.
1999, somm. 109, obs. Libchaber ; Civ. 1re, 12 juin 2001, JCP, 2002, II, 10104, note
Houtcieff, D. 2002, somm. 109, obs. Mazeaud).

Cependant, qu’on se réfère à un engagement unilatéral ou à un contrat, le


raisonnement se heurte à une objection : l’expéditeur de la lettre n’a jamais eu la volonté
de livrer le lot annoncé ; cette objection ne peut être levée qu’en faisant prédominer la
volonté déclarée sur la volonté intime, contrairement à la tradition du droit français.

- Sensible, sans doute, à cette objection, la Cour de cassation a finalement


utilisé, avec une certaine hardiesse, la notion de quasi-contrat, celui-ci consistant, selon la
formule de l’article 1371 du Code civil, en un fait purement volontaire de l’homme, dont
il résulte un engagement quelconque envers un tiers (Ch. Mixte, 6 sept. 2002, D. aff.

97
2002, AJ, 2531, obs. Lienhard ; D. 2002, J, 2963, note D. Mazeaud ; JCP 2002, II,
10173 ; Civ. 1er, 18 mars 2003, D. 2003, IR, 1006).

La référence au quasi-contrat a été jugé artificielle par certains auteurs (Jean


Calais-Auloy et Frank Steinmetz, in Droit de la consommation, Dalloz, 7e éd., n) 157, p.
183) qui proposent de fonder l’engagement de l’auteur de la lettre sur l’attente légitime
du destinataire : celui-ci pouvait légitimement penser, à la lecture de la lettre, qu’il avait
gagné un lot de grande valeur. L’auteur de la lettre est donc obligé de lui fournir ce lot.

98
Chapitre 3 : Les conditions générales des contrats
Les conditions générales peuvent se définir comme les clauses prérédigées des
contrats conclus par une personne avec une série d’autres personnes. Elles ne sont pas
spécifiques du droit de la consommation. On les rencontre chaque fois qu’une personne
est assez puissante pour imposer des clauses identiques à tous ses contractants : ainsi
dans les rapports entre un employeur et ses salariés, entre un franchiseur et ses franchisés.
Les conditions générales sont particulièrement fréquentes dans le domaine de la
consommation, un professionnel imposant des clauses identiques à tous ses clients
consommateurs. Elles font, en ce domaine, l’objet de règles spécifiques qu’il convient
d’examiner dans le cadre de ce chapitre.

Les conditions générales ne peuvent pas être négociées : elles conduisent donc à
des contrats d’adhésion. Ces derniers sont indispensables dans un système de production
et de distribution de masse. Ils présentent, pour les entreprises, des avantages évidents,
puisqu’ils assurent à la fois la rapidité et la sécurité des transactions. Mais ils sont
dangereux pour les consommateurs. Ces derniers adhèrent globalement au contrat, sans
connaître toutes les clauses. Ils font confiance. Or, cette confiance risque d’être déçue,
car les contrats sont évidemment rédigés en faveur des professionnels qui les proposent :
les contrats prérédigés sont le plus souvent des contrats déséquilibrés.

Pour lutter contre ce déséquilibre, deux théories peuvent être mises en œuvre.
L’une s’inspire du principe de l’autonomie de la volonté, l’autre met l’accent sur
l’équilibre qui doit régner dans les contrats. Certes, les deux théories sont étroitement
liées, sur le plan de la politique juridique : l’exigence d’un consentement éclairé vise à
éliminer les déséquilibres, et réciproquement la recherche d’un équilibre contractuel tend
à éliminer les clauses qui n’ont pas à leur base une volonté éclairée. Il n’en demeure pas
moins que, sur le plan de la technique juridique, les deux théories sont bien distinctes.
Elles feront l’objet des deux sections de ce chapitre.

Section 1 : L’existence d’un consentement éclairé

Les contrats prérédigés, comme tous les contrats, tirent leur force obligatoire
d’un accord de volonté. Mais, dans un contrat prérédigé, les deux volontés ne sont pas
également éclairées. Celui qui propose le contrat connaît les clauses qui s’y trouvent.

99
Celui qui adhère risque de les ignorer ou de les mal comprendre. Certaines règles de
droit, inspirées du principe de l’autonomie de la volonté, viennent donc au secours du
contractant le plus faible, et spécialement du consommateur. Les unes ont un caractère
préventif : elles tendent à éclairer, avant la conclusion du contrat, la volonté de celui qui
adhère (§1). Comme ces règles préventives sont loin d’être parfaitement efficaces,
d’autres règles ont un caractère curatif : elles tirent les conséquences du défaut ou du vice
du consentement (§2).

§1 – Les moyens susceptibles d’éclairer le consentement

Les moyens susceptibles d’éclairer le consentement du consommateur


cocontractant sont innombrables. Il s’agit de l’exigence d’un écrit, de l’obligation de
clarté, des mentions obligatoires, de la remise préalable des documents contractuels et du
délai de réflexion.

1 – L’exigence d’un écrit

L’article 1341 du Code civil exige que la convention soit passée par écrit
lorsqu’elle excède une valeur fixée par décret (elle est de 800 euros en Droit français et
de 5 000 FCFA en droit camerounais). Cet écrit est exigé ad probationem, pour la preuve
du contrat, et non pour sa validité ; il n’en est pas moins utile pour éclairer le
consentement des parties.

La loi du 6 mai 2011 quant à elle impose un écrit pour tout accord-standard ou
contrat d’adhésion, quelle qu’en soit la valeur. L’article 6 alinéa 1er dispose en effet que
les accords-standards ou contrats d’adhésion doivent être rédigés en français et en
anglais.

L’article 9 de la loi du 6 mai 2011 pose une exigence spécifique pour les
consommateurs de crédit. Ce texte dispose en effet : « S’agissant de l’octroi des crédits
au consommateur pour la fourniture de technologies, de biens et services, le
fournisseur ou prestataire est tenu d’informer le consommateur par écrit sur le prix
comptant, le montant de l’intérêt, le taux annuel à partir duquel cet intérêt est calculé,
le taux d’intérêt sur les arriérés, le nombre de traites payables, la fréquence et la
périodicité de ces traites et le montant total à payer ».

100
2 – L’obligation de clarté

L’article 1602 du Code civil oblige le vendeur à expliquer clairement ce à quoi il


s’oblige. Cette règle se fonde sur l’idée que le vendeur fixe les conditions du contrat et
qu’il doit donc le faire de manière à être compris par l’acheteur. Dans le Code civil, la
règle n’est posée que pour le contrat de vente, mais l’idée dont elle s’inspire se retrouve
dans tous les contrats d’adhésion.

En droit français, une loi du 1er février 1995 a généralisé la règle à l’ensemble
des contrats de consommation. Ainsi, aux termes de l’article L. 133-2 du Code de la
consommation, « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux
consommateurs ou non-professionnels doivent être présentés et rédigés de façon claire et
compréhensible ».

La loi du 6 mai 2011 a comblé les lacunes de la loi de 1990 en imposant


l’obligation de clarté pour les contrats d’adhésion. Cette obligation est consacrée par
l’article 6 dont l’alinéa 1er dispose : « Les accords-standards ou contrats d’adhésion
doivent être rédigés en français et en anglais en caractères visibles et lisibles à première
vue par toute personne ayant une vue normale ». L’alinéa 2 poursuit : « Les accords ou
contrats visés à l’alinéa 1 ci-dessus doivent en outre contenir des termes clairs et
compréhensibles pour le grand public, sans faire référence à d’autres contrats, règles,
pratiques, textes et documents non connus du public ou non mis à sa disposition avant ou
pendant l’exécution desdits contrats ».

3 – Les mentions obligatoires

Pour certains contrats, la loi ne se borne pas à exiger un écrit, elle prévoit les
mentions qui doivent y figurer. Il en ainsi en droit camerounais du contrat d’assurance
régi par le Code des assurances de la CIMA (art. 8 relatif aux mentions du contrat
d’assurance) et des contrats proposés par démarchage à des consommateurs (v. supra).

Les mentions obligatoires sont de nature à éclairer le consentement du


consommateur sur des points que le professionnel aurait tendance à laisser dans l’ombre
s’il pouvait librement rédiger le contrat. La protection du contractant le plus faible
conduit à un renouveau du formalisme.

101
4 – La remise préalable des documents contractuels

Un consommateur prudent ne consent à s’engager qu’après avoir lu


attentivement le contrat qui lui est proposé. Cela suppose qu’il puisse obtenir, avant tout
engagement de sa part, le document contractuel et le conserver quelques jours. Or,
certains professionnels refusent de remettre les documents tant que le contrat n’est pas
conclu, ce qui prive les consommateurs de la possibilité de réfléchir sur les clauses du
contrat avant de signer celui-ci. Cette pratique n’est en aucune façon justifiable. Aussi, le
législateur français, s’inspirant d’une proposition de la Commission de refonte du droit de
la consommation, a-t-il adopté la loi du 23 juin 1989 qui figure aujourd’hui dans l’article
L. 134-1 du Code français de la consommation. Aux termes de cette disposition, les
professionnels doivent « remettre à toute personne intéressée qui en fait la demande un
exemplaire des conventions qu’ils proposent habituellement ». Il n’existe pas
d’équivalent de cette règle en droit camerounais.

5 – Le délai de réflexion

La loi de 1990 n’a prévu de délai de réflexion que dans les contrats proposés par
démarchage (v. supra). En droit français en revanche, le délai de réflexion existe dans
plusieurs hypothèses (contrats à distance, contrats proposés par démarchage, contrats
réalisant une opération de crédit à la consommation, contrats d’enseignement à distance,
contrats de courtage matrimonial, etc.).

L’une des fonctions du délai de réflexion est de permettre au consommateur de


lire attentivement les conditions générales du contrat et de demander conseil avant de
s’engager définitivement. Certes le délai de réflexion a aussi d’autres fonctions : il
permet au consommateur de revenir sur un engagement impulsif (par exemple en cas de
démarchage) ou de vérifier la conformité de l’objet aux promesses du professionnel (ainsi
pour la vente à distance). Il n’en demeure pas moins que c’est, dans la plupart des
cas, l’existence de conditions générales qui justifie l’octroi d’un délai de réflexion.

§2 – Les conséquences du défaut ou du vice de consentement

Le consentement fait totalement défaut lorsque les conditions générales sont si


obscures ou si complexes que le consommateur n’a pas compris la nature du contrat qu’il
a conclu. Le consentement du consommateur peut être vicié par une erreur, un dol ou une
violence. En cas de défaut ou de vice de consentement, le contrat est nul.

102
Il peut cependant arriver que la nullité frappe non pas tout le contrat, mais
seulement une ou plusieurs clauses, qui, prérédigées par l’une des parties, n’ont pas été
acceptées par l’autre, et qui doivent donc être exclues du contrat faute d’accord de
volonté : elles sont, dit-on, inopposables au contractant qui ne les a pas acceptées. Cette
nullité partielle est inconcevable pour les clauses essentielles : un défaut d’accord sur
la chose, sur le prix ou sur une obligation principale entraînerait la nullité du contrat tout
entier. Mais il existe souvent, dans les conditions générales, et spécialement dans celles
proposées aux consommateurs, des clauses accessoires, qui ne déterminent pas la
volonté de contracter : elles tendent seulement à améliorer la situation contractuelle de
l’offrant (clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité, clauses pénales, clauses
attributives de compétence). Ces clauses accessoires peuvent être annulées sans que le
contrat le soit. L’annulation de la clause doit cependant entraîner celle du contrat si
l’offrant prouve que son consentement a été déterminé par la présence de la clause (V. B.
TEYSSIE, Réflexions sur les conséquences de la nullité d’une clause du contrat, D. 1976,
chron. 281).

Section 2 : L’exigence des clauses équilibrées

Il n’existe, dans les droits français et camerounais, aucun principe général


assurant directement l’équilibre du contrat. Du moment qu’elle résulte d’un accord de
volontés, la convention fait la loi des parties, quelque avantage ou désavantage qu’elle
présente pour les contractants. Chacun est censé être le meilleur juge de ses intérêts. D’où
l’axiome classique : « Qui dit contractuel, dit juste ».

Diverses théories auraient pourtant permis, si elles avaient été poussées plus
loin, de lutter contre les déséquilibres contractuels : la théorie de la lésion, le
principe de bonne foi, l’abus de droit et la théorie de la cause. S’agissant de cette
dernière, l’article 1131 du Code civil énonce que l’obligation sans cause ne peut avoir
aucun effet. Un contrat à titre onéreux est donc nul si l’obligation d’un contractant n’a
aucune contrepartie. Entendue en ce sens, l’absence de cause est presque une hypothèse
d’école. Mais une jurisprudence qui s’est formée dans les années 1990 se fonde sur
l’article 1131 pour annuler les clauses qui contreviennent à un engagement essentiel,
notamment celles visant à écarter ou limiter la responsabilité de l’un des contractants

103
(Arrêt Chronopost, Com. 22 oct. 1996, D. 1997, J, 121, note Sériaux). Ce genre de clause
se trouve souvent dans les conditions générales. Il ne faut cependant pas exagérer la
portée de la jurisprudence qui se fonde sur la théorie de la cause : elle peut conduire à
l’annulation de certaines clauses, mais non à l’élimination de tous les déséquilibres
contractuels.

L’échec partiel des théories précédentes montre que le droit civil classique
préfère la sécurité des transactions à l’équilibre contractuel. Personne, dit-on,
n’oserait contracter si le contrat pouvait toujours être remis en question par l’une des
parties. Cette idée n’est pas fausse, mais elle risque, si elle est poussée trop loin, de
mettre les contractants les plus faibles à la merci des plus puissants. C’est pourquoi, à
défaut de principe général, trop dangereux par son imprécision, le droit positif
français récent, et dans une moindre mesure le droit camerounais, accumulent les
règles particulières, dans le but de lutter contre tel ou tel déséquilibre. Mais les
règles et procédés mis en place ne cherchent pas à assurer l’équivalence fondamentale
entre la prestation fournie et le prix demandé. Concernant principalement les conditions
générales, ils tendent seulement à faire régner un certain équilibre dans les clauses du
contrat.

A cette fin, deux procédés sont mis en œuvre. L’un est négatif : il consiste à
lutter contre les clauses abusives qui figurent dans les contrats prérédigés (§1). L’autre
est positif : il consiste à déterminer par avance des clauses déséquilibrés (§2).

§1 – Lutte contre les clauses abusives

Sous l’empire du titre IV de la loi 10 août 1990, les clauses abusives étaient
sanctionnées par l’article 27 en ces termes : « Sont réputées non écrites les clauses des
contrats conclus entre professionnels et consommateurs et qui confèrent un avantage
excessif aux professionnels en leur permettant de se soustraire, pour partie ou au total à
leurs obligations légales ou contractuelles ».

La nouvelle définition de la clause abusive donnée par la loi du 6 mai 2011 est la
suivante : on entend par clause abusive « toute clause qui est ou qui semble être imposée
au consommateur par un fournisseur ou prestataire de service qui a une supériorité
économique sur le consommateur, donnant au premier un avantage injuste,

104
déraisonnable ou excessif sur le second ». L’alinéa 1er de l’article 5 de la loi du 6 mai
2011, qui donne l’énumération des clauses abusives, les considèrent comme nulles.

Il convient de déterminer le domaine d’application de ce texte (A), le critère de


l’abus (B) et la méthode d’élimination des clauses abusives adoptée par le législateur
camerounais (C).

A – Le domaine d’application du texte

Dès lors que l’un des contractants est un professionnel et l’autre un


consommateur, les dispositions de l’article 5 de la loi du 6 mai 2011 s’appliquent à tous
les contrats, quelle que soit leur nature - ventes, louages, prêts, assurances, etc. – et quel
que soit leur objet, meuble ou immeuble. Contrairement à la loi de 1990, celle de 2011
exige qu’il s’agisse d’une clause imposée au consommateur par le professionnel. Il en
résulte que ne peuvent pas être considérées comme abusives les clauses négociées.

Le texte s’applique cependant à toutes sortes de clauses contractuelles, du


moment qu’elles sont écrites. Peu importe le support : les clauses peuvent figurer, par
exemple, sur des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de
livraison, billets ou tickets, panneaux ou écriteaux. Peu importe la nature des clauses :
celles-ci peuvent concerner notamment les modalités de versement du prix ou de
livraison de la chose, la charge des risques, l’étendue des responsabilités ou des garanties,
les conditions d’exécution ou de résolution du contrat.

B – Le critère de l’abus

Aux termes de l’article 27 de la loi de 1990, le critère de l’abus était le caractère


excessif de l’avantage que confère une clause au contractant professionnel, en lui
permettant de se soustraire, pour partie ou au total à leurs obligations légales ou
contractuelles. Il y a avantage abusif au profit du professionnel lorsque la clause
litigieuse lui permet de se soustraire pour partie ou au total de ses obligations légales ou
contractuelles. La loi de 2011 n’a pas retenu un seul critère de définition de l’abus, mais
plusieurs critères. Est considérée comme abusive non seulement las clauses qui confère
un avantage excessif au professionnel, mais également un avantage injuste ou
déraisonnable. Mais il nous semble difficile d’établir une différence entre ce qui est
excessif et ce qui est injuste ou déraisonnable. Les trois notions semblent traduire une
même réalité.

105
Aux termes de l’article L. 132-1 al. 5 du Code français de la consommation, le
caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du
contrat, à toutes les circonstances entourant sa conclusion, de même qu’à toutes les autres
clauses du contrat ; il s’apprécie également au regard de clauses contenues dans un autre
contrat lorsque le conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent
juridiquement l’une de l’autre (par exemple un prêt lié à une vente).

Le caractère abusif d’une clause est parfois lié au fait qu’elle est obscure ou
ambiguë. Il est abusif, de la part d’un professionnel, de se donner la possibilité
d’interpréter à son profit les clauses du contrat. Celui-ci doit être transparent (Civ. 1re, 19
juin 2001, JCP 2001, II, 10631, note Paisant).

Dans le cas où l’appréciation du caractère abusif concerne un contrat déterminé


déjà conclu, elle doit se faire in concreto, en considération du consommateur contractant
et des circonstances de la conclusion. Mais, si l’appréciation du caractère abusif porte sur
des conditions générales, sans référence à un contrat particulier, elle se fera
nécessairement in abstracto, en considération du consommateur moyen et de
circonstances habituelles.

La liste des clauses abusives est donnée par l’article 5 alinéa 1er de la loi du 6
mai 2011.

C - La méthode d’élimination des clauses abusives adoptée par le législateur


camerounais

Les clauses abusives peuvent être éliminées des contrats suivant deux méthodes :
la nullité des clauses dans les contrats déjà conclus et la suppression des clauses dans les
modèles de contrats à conclure. Seule la première méthode a été adoptée par le législateur
camerounais. Il y a cependant eu évolution sur ce point. Alors que l’article 27 de la loi du
10 août 1990 disposait que les clauses abusives sont réputées non écrites, l’article 5 de la
loi du 6 mai 2011 les considèrent comme nulles. Dans un cas comme dans l’autre, la
nullité n’atteint que la clause, mais non le contrat. La solution est conforme à l’intérêt du
consommateur, qui entend généralement maintenir le contrat purgé de ses clauses
abusives. Cette sanction est nécessaire, mais elle ne saurait suffire. Elle implique en effet
que le contrat soit, après sa conclusion, porté devant un juge, ce qui est rare dans les
affaires de consommation. A supposer même qu’une clause soit déclarée nulle par un

106
juge, cette décision n’aura d’effet que pour le consommateur partie au litige. Dans de
nombreux contrats, la clause abusive s’appliquera, du moment qu’elle est écrite, sans que
le consommateur songe même à invoquer sa nullité. La solution de la nullité permet de
protéger ponctuellement quelques consommateurs, mais ne permet pas de régler
globalement le problème des clauses abusives. D’où la nécessité pour le législateur
camerounais d’adopter la seconde méthode d’élimination des clauses abusives qui
consiste dans la suppression de celles-ci dans les modèles de contrats à conclure.

§2 – Prédétermination de clauses équilibrées

107
Table de matière :

Introduction générale

PREMIERE PARTIE : LE DROIT DE LA CONCURRENCE

I) La différence entre le droit de la concurrence déloyale et le droit de la


concurrence anti-contractuelle
II) La différence entre le droit de la concurrence déloyale et le droit des pratiques
anticoncurrentielles

TITRE I : LES NOTIONS FONDAMENTALES DU DROIT DE LA CONCURRENCE


CHAPITRE I : LE MARCHE EN CAUSE
Section I : Le marché de produits et services
Section II : Le marché géographique

§1 – Le marché géographique comme territoire à l’intérieur duquel s’exerce la


concurrence

§2 – Le marché géographique comme critère de rattachement au droit de la concurrence


communautaire

CHAPITRE II : LE POUVOIR DE MARCHE


Section I : Les facteurs du pouvoir de marché

§1 – La part de marché

§2 – Les facteurs qualitatifs du pouvoir de marché

Section II : Les positions sur le marché

TITRE II : LES REGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES AUX ENTREPRISES

Chapitre I : L’interdiction des comportements anticoncurrentiels


Section I – Le contenu des prohibitions
§I – La prohibition des ententes anticoncurrentielles

I –L’existence d’une entente


A - Le caractère collectif de l'entente

108
1 -la pluralité des auteurs de l’entente

a – Les accords entre entreprises appartenant à un même groupe

b – Les accords entre l'entreprise et ses représentants


2 -La position économique des auteurs de la concertation
II – L'atteinte à la concurrence
A - L'atteinte à la concurrence condamnée par les législations nationale et communautaire
1 – L’entente ayant un objet et/ou un effet anticoncurrentiel
a -L'entente ayant un objet anticoncurrentiel
b -L'entente ayant un effet anticoncurrentiel
2 – L’atteinte sensible à la concurrence
B - La diversité des pratiques d'ententes anticoncurrentielles
III – L’absence de justification de l’entente
A - L’exemption individuelle
1 – La nécessité d’une notification préalable de l’entente par les entreprises concernées
2 – La contribution nette de l’entente au développement du progrès économique
3 – Le caractère indispensable et limité de l’atteinte à la concurrence
B – L’exemption par catégorie
§II – La prohibition des abus de position dominante
I - La détention d'une position dominante
A - Les détenteurs d'une position dominante
B - Les critères de détermination d'une position dominante
1 – L’importance de la part de marché détenue
a - La situation de monopole
b - La concentration manifeste de la puissance économique
2 - Les facteurs qualitatifs
II - L'exploitation abusive de la position dominante : l’atteinte à la concurrence
III - La possibilité d’exonérer les abus de position dominante en droit interne
Section II – L’application des prohibitions
I – Le champ d’application des règles communautaires et des règles internes
A - Le critère d’application du droit communautaire
B - Le critère d’application du droit interne

109
II - La compétence respective des autorités nationales et communautaires pour
l’application des règles communautaires
A – La compétence des autorités communautaires
B – La compétence des autorités nationales pour l’application du droit communautaire
Chapitre II – L’institution d’un contrôle des concentrations économiques susceptibles de
porter atteinte à la concurrence
Section I – Définition des concentrations économiques
Section II – L’organisation du contrôle des concentrations économiques
I – Les critères de contrôle
A – Les critères de l’obligation au contrôle en soi
B - Les critères de l’obligation au contrôle communautaire ou au contrôle national
C – L’incompatibilité ou la compatibilité de l’opération de concentration avec le marché
national ou communautaire
1 - L’atteinte à la concurrence
2 - La contribution suffisante de la concentration au progrès économique
II – La procédure de contrôle

TITRE III : LES REGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES AUX ETATS


MEMBRES DE LA CEMAC

CHAPITRE I : LA SOUMISSION DIRECTE DES ETATS AU DROIT DE LA


CONCURRENCE COMMUNAUTAIRE
Section 1 – La notion d’aides d’Etat
I – Les critères de l’aide d’Etat
A – L’aide peut être le fait d’une action ou d’une abstention de l’Etat
B – L’aide peut émaner de l’Etat ou de ses démembrements
C – L’aide peut être comprise par référence « au standard de l’investisseur privé »
II – L’incompatibilité de l’aide d’Etat
III – La compatibilité de l’aide d’Etat
A – Les aides compatibles
B – Les aides susceptibles d’être compatibles
§2 – Le contrôle des aides d’Etat

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Section 2 : La mise en concurrence et la publicité des marchés publics

CHAPITRE II : LA SOUMISSION INDIRECTE DES ETATS AU DROIT


COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE

DEUXIEME PARTIE : LE DROIT DE LA CONSOMMATION

§1 – Définition du professionnel

§2 – Définition du consommateur

A – La notion de consommateur stricto sensu

B – Les extensions possibles de la notion de consommateur

1 – Les professionnels agissant en dehors de leur spécialité

2 – Les personnes morales

TITRE UNIQUE : LES PRELIMINAIRES DU CONTRAT DE CONSOMMATION


Chapitre 1 : L’information des consommateurs

Section 1 : L’information fournie par les professionnels


§1 – L’obligation générale d’information

A – L’obligation précontractuelle d’information

B – L’obligation contractuelle d’information

§2 – Les obligations spéciales en matière d’information des consommateurs

A – L’information du consommateur sur les prix et les conditions de la vente

B – L’information du consommateur sur les caractéristiques des technologies, des biens


et des services

Section 2 – L’information fournie par des associations de consommateurs

Chapitre II : Les pratiques commerciales

Section 1 : Les méthodes de distribution


§1 – La vente à distance

111
§2 – La vente par démarchage

1° - L’exigence d’un contrat écrit


2° – La faculté de renonciation

§3 – La vente multiniveau

Section 2 : Les procédés incitatifs

§1 – La publicité

§2 – Les réductions de prix

§3 – Les avantages en nature

Chapitre 3 : Les conditions générales des contrats

Section 1 : L’existence d’un consentement éclairé

§1 – Les moyens susceptibles d’éclairer le consentement

1 – L’exigence d’un écrit

2 – L’obligation de clarté

3 – Les mentions obligatoires

4 – La remise préalable des documents contractuels

5 – Le délai de réflexion

§2 – Les conséquences du défaut ou du vice de consentement

Section 2 : L’exigence des clauses équilibrées

§1 – Lutte contre les clauses abusives

A – Le domaine d’application du texte

B – Le critère de l’abus

C - La méthode d’élimination des clauses abusives adoptée par le législateur camerounais

§2 – Prédétermination de clauses équilibrées

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