REVUEn 5
REVUEn 5
REVUEn 5
ET SOCIETE
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS……………………………………………………..………....3
DOCTRINE
Et
Anaclet NZOHABONAYO
Professeur à l’Ecole nationale d’administration
LEGISLATION
VARIA
Résumé
Par Bernard NTAHIRAJA
Professeur à l’Université du Burundi, Faculté de Droit
AVANT-PROPOS
Le consommateur lésé a deux options : soit il emprunte la voie extra judiciaire soit
la voie judicaire pour faire prévaloir ses droits. La première option l’amène à
réclamer lui-même ses droits auprès du professionnel ou par l’entremise d’un tiers
conciliateur ou médiateur. La seconde option lui permet de suivre la voie
judiciaire à l’issue de laquelle le juge tranche en droit.
Le premier argument qui peut être avancé pour repousser ces immunités est que
dans l’histoire de la justice internationale pénale, il n’existe, contrairement au
Protocole de Malabo, aucun texte constitutif d’une juridiction pénale
internationale qui reconnaît les immunités en faveur des autorités officielles pour
les crimes internationaux.
Le deuxième argument est que la clause d’immunité que prévoit cette disposition
du Protocole de Malabo viole la Charte des Nations d’une part à travers la
violation de la résolution 3(I) de l’Assemblée générale des Nations Unies du 13
février 1946 et d’autre part à travers la violation de plusieurs résolutions du
Revue Burundaise de Droit et Société
6
Conseil de sécurité des Nations Unies alors que d’après l’article 103 de la Charte
des Nations Unies, « En cas de conflit entre les obligations des membres des
nations unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout
autre accord international, les premières prévaudront ».
Le quatrième et dernier argument est que la clause d’immunité viole les objectifs
et les principes directeurs de l’Union africaine et que les immunités ainsi
reconnues ne feront que consacrer l’impunité des Chefs d’Etat et de gouvernement
et de hauts fonctionnaires en Afrique.
Après avoir parcouru le droit positif burundais relatif aux réfugiés sur chacun de
ces éléments fondamentaux, il apparaît que de manière générale la législation
burundaise contient la plupart de ces éléments fondamentaux. L’étude met en
lumière cinq éléments fondamentaux qui n’ont pas été bien précisés soit
partiellement soit totalement. L’étude termine en invitant le législateur burundais
à enrichir le droit existant en y intégrant ces cinq éléments pour que la législation
burundaise relative aux réfugiés soit conforme aux standards internationaux.
L’équipe de rédaction.
INTRODUCTION GENERALE
En novembre 2016, nous avons réalisé une étude sur le volet financier de l’accès
à la justice au Burundi pour le compte de l’Association des Juristes Catholiques
du Burundi2. Le 22 octobre 2017, à l’occasion du cinquantenaire de la Faculté de
Droit organisé sous le thème « Accès au droit et à la justice », nous avons présenté
une communication intitulée : L’accès au droit et à la justice au Burundi ».
1
Professeur à l’Université du Burundi à la Faculté de Droit.
2
Voir Association des Juristes Catholiques du Burundi, Analyse du budget du Ministère de la
Justice pour l’exercice 2016. Le volet financier de l’accès à la justice, novembre 2016.
2020. Toute personne doit pouvoir saisir les institutions de la Justice, se faire
entendre, s’expliquer ou se faire délivrer tout acte qu’elle est en droit d’obtenir3.
Le droit d’exposer son cas devant un juge impartial est donc l’un des piliers du
système judiciaire. Juridiquement, tous les citoyens ont le droit d’accéder à la
justice, mais en fait y ont-ils accès ?
Après avoir tracé les contours des notions de « justice » et « d’accès à la justice »,
nous analyserons l’état des lieux en matière d’accès à la justice sous l’aspect
« commodités d’accès » à la justice et nous relèverons les défis à lever pour
prétendre aux sommets de l’accès à la justice. Pour terminer, des propositions
pour une justice accessible à tous seront formulées.
3
Ministère de la Justice, Politique sectorielle du Ministère de la Justice 2016-2020, Bujumbura,
janvier 2016, p.13.
1. La notion de justice
La notion de justice peut être envisagée sous deux aspects : l’aspect matériel et
l’aspect organique.
Il ya la justice entre les particuliers ou la justice civile : entre deux époux qui
divorcent, entre deux particuliers dont l’un conteste une créance que l’autre lui
réclame, etc.4
Il y a aussi la justice pénale dont l’objectif est de réprimer les infractions qui ont
été commises.
4
Voir R. PERROT, Institutions judiciaires, 14ème éd., Paris, Montchrestien, 2010, pp. 7-8.
Il y a aussi une justice administrative qui a pour trait caractéristique de juger les
litiges concernant l’administration.
Sous cet aspect, la justice est un service public de l’Etat composé essentiellement
de juridictions.
Enfin, le mot « Commission » est parfois utilisé pour désigner des juridictions de
nature administrative spéciale (Commission Nationale des Terres et Autres
Biens).
2° Distinctions à faire
5
Article 12, Loi N°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l’organisation et de la compétence
judiciaires, B.O.B.N° 3 quater/2005, p.5
La Cour suprême est la juridiction supérieure du second degré appelé à statuer sur
les affaires déjà jugées par les tribunaux de Grande Instance, des tribunaux du
travail et des tribunaux de commerce7.
Les cours d’appels sont au nombre de quatre et couvrent les ressorts judiciaires de
Ngozi, Bujumbura, Bururi et Gitega.
d) La Cour Suprême
6
Articles 17 et suivants, 22 et suivants, loi N°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l’organisation
et de la compétence judiciaires, B.O.B. N° 3/quater/2005, pp.21-22
7
Article 35, Loi N°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l’organisation et de la compétence
judiciaires, B.O.B. N° 3/quater/2005, pp. 21-22.
8
Article 1, loi N° 1/07 du 25 février régissant la Cour Suprême, B.O.B. N° 3/2005, p. 1.
a) Le tribunal du travail
b) Le tribunal de commerce
La Cour administrative
Elle connaît en règle générale de toutes les litiges administratives, sauf lorsqu’un
texte lui en a ôté la connaissance pour l’attribuer à une autre juridiction.
9
Article 42, Loi N°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l’organisation et de la compétence
judiciaires, B.O.B. n° 3 quater/2005, p. 5.
10
Article 2, Loi N°1/26 du 15/09/2014 portant création, organisation, fonctionnement et
compétence de la Cour Spéciale des Terres et autres Biens ainsi que la procédure suivie devant
elle, B.O.B. N° 1bis/2006, p. 11.
Elle statue sur les autres recours prévus par des lois particulières notamment la loi
sur les partis politiques11.
Elle est compétente pour connaître des recours contre les décisions prises par la
Commission Nationale Terres et autres Biens12.
La Cour anti-corruption14
11
Article 35, loi N° 1/07 du 25 février régissant la Cour Suprême, B.O.B. N° 3quater/2005, p. 5.
12
Article 2, Loi N°1/26 du 15/09/2014 portant création, organisation, fonctionnement et
compétence de la Cour spéciale des Terres et autres Biens ainsi que la procédure suivie devant
elle, B.O.B. N° 1bis/2006, p. 11.
13
Décret N° 100/26 du 26 janvier 2006 portant réorganisation du Ministère de la Défense
Nationale et des Anciens Combattants, B.O.B. N° 1/bis/2006, p. 11.
14
Loi N° 1/36 du 13 décembre 2006 portant création de la Cour anti-corruption, B.O.B.
N°4/2006, p. 239.
15
Art. 240 de la Constitution de la République du Burundi, Cabinet du Président de la
République, juin 2018, p.49.
16
Article 234 de la Constitution de la République du Burundi, Cabinet du Président de la
République, juin 2018, p. 47.
Au sens strict, l’accès au juge se réfère aux institutions judiciaires, c’est-à-dire les
cours et tribunaux et désigne le droit d’accès au juge ou le droit au juge.
17
Pour l’ensemble de la question, voir A-P NIYONKURU, Le droit d’accès au juge civil au
Burundi, Approche juridico-institutionnelle, Thèse, Faculté de droit, K.U. Leuven, 2016, pp.
58-69.
18
CADIET, L. et JEULAND, E., Droit judiciaire privé, 6 ème éd., Paris, Litec, 2009, p. 38.
Sous cet aspect, l’accès à la justice se réfère à une diversité d’institutions appelées
à trancher les litiges. Au sens large, l’accès à la justice n’est pas limité aux
institutions du système formel. Diverses institutions comme l’Ubushingantahe au
Burundi peuvent jouer un rôle important dans le règlement des conflits. On peut
encore citer la Commission Nationale des Terres et autres biens opposant les
sinistrés (…) à des tiers ou à des services publics ou privés19 ou le Centre
Burundais d’Arbitrage et de Conciliation (CEBAC), une institution qui tranche
par voie de conciliation, de médiation et d’arbitrage20.
19
Article 4, loi N°1/01 du 04 janvier 2011 portant révision de la loi N° 1/17 du 04 septembre
2009 portant missions, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Terres et
autres Biens, B.O.B. N°1/2011,p. 5.
20
Article 5, Statuts du Centre Burundais d’Arbitrage et de Conciliation.
21
Articles 20-61, Constitution de la République du Burundi, Cabinet du Président, juin 2018, pp.
6-11.
22
République du Burundi, Ministère de la Justice, Document de politique sectorielle du Ministère
de la Justice 2016-2020, p. 36.
Le travail judiciaire lui-même n’est pas nourri par une information soutenue,
ayant trait, soit à la jurisprudence, soit à la doctrine23.
23
MAHAMAN TIDJANI ALOU, La justice au plus offrant. Les infortunés du système judiciaire
en Afrique (autour du cas du Niger), op. cit., p. 64.
Déterminer quel tribunal est compétent pour être saisi d’une affaire, c’est
rechercher quel est celui qui possède le pouvoir juridique d’instruire le litige et de
le juger.
La justice est lente à être rendue. Le vocabulaire judicaire est éloigné du langage
courant.
Souhaiter que la justice soit bien rendue implique non seulement que la décision
du juge soit juridiquement correcte, mais aussi qu’elle intervienne dans un délai
utile.
Il n’est pas rare de constater que les faits de la cause sont intervenus une dizaine
d’années auparavant, parfois plus loin encore dans le passé.
La procédure de mise en état prévue aux articles 387 à 397 du Code de procédure
civile n’y a rien changé24. Encore faut-il ajouter que ces règles ne concernent que
les affaires administratives. Quelles en sont les causes ?
24
Loi N° 1/010 du 13 mai 2004 portant Code de procédure civile, op.cit., pp.43-44
1°. Le vocabulaire
25
S. GUINCHARD et al., op .cit., p. 268.
Si les plaideurs ne paient pas leurs juges, tout procès entraîne d’autres frais. Ce
sont les honoraires et émoluments des auxiliaires de la justice qui ont apporté leur
concours : avocats, experts. Il est normal que les auxiliaires de la justice qui
offrent leurs temps et leur talent aux plaideurs qui se confient à eux soient
rémunérés. Cette rémunération qui s’ajoute à divers autres frais représente parfois
des sommes importantes qui dépassent les possibilités des plaideurs.
Des efforts sont déployés pour pallier les carences dans différents domaines.
26
S. GUINCHARD et al., op. cit., p. 270.
En plus des informations fournies par les greffes, un guide des usagers de la
justice a été élaboré.
27
Il s’agit des communes Matongo, Musongati et Rusaka qui comptent deux tribunaux de
résidence chacune et de la commune Musigati qui en compte trois.
28
Les trois communes urbaines à savoir Muha, Mukaza et Ntahangwa, ont gardé les 13
tribunaux de résidence que comptaient les anciennes communes urbaines.
29
Articles 44 et 56, Loi N°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l’organisation et de la
compétence judiciaires, B.O.B. N°3 Quater/2005, pp. 5 et 6.
actions relevant de sa compétence sont jugées par les cours d’appel statuant en
matière administrative30.
Le référé est une procédure d’urgence tendant à obtenir du juge toutes les mesures
qui ne se heurtent à aucune contestation ou que justifie l’existence d’un différend.
On qualifie de référé une procédure semblable tendant à obtenir du juge des
mesures conservatoires ou la remise en état du dossier, soit pour prévenir un
dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
30
Article 66, Loi N°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l’organisation et de la compétence
judiciaires, B.O.B.N°3 Quater/2005, p. 8.
31
Article 89, Décret-loi N°1/037 du 07 juillet 1993 portant révision du Code du travail du
Burundi, B.O.B.N°93, p.483
32
Article 69, Loi N° 1/18 du 06 septembre 2013 relative aux procédures fiscales, B.O.B.
N°9/2013, p.1257
33
Article 2, Loi N° 1/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême, B.O.B. N° 3 Quater/2005,
p. 1.
34
Article 114, Loi N° 1/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême, B.O.B. N° 3
Quater/2005, p. 14.
35
Articles 387, 388, Loi N° 1/010 du 13 mai 2004 portant Code de procédure civile, op. cit., p.
43.
36
Article 37, Loi N° 1/07 du 25 février 2005 régissant la Cour Suprême, op.cit., p.5.
les jugements rendus au second degré par les tribunaux de grande instance dans
les affaires relatives aux terres rurales37.
La justice est un service public, donc une activité de l’Etat au profit des
justiciables. Il est nécessaire que la réponse donnée au justiciable soit rédigée avec
une clarté suffisante pour que ce dernier comprenne la réponse à la question
posée.
37
Article 2, Loi organique N° 1/17 du 17 mai 2014 portant suppression du pourvoi en cassation
devant la Cour suprême et attribution de compétence aux cours d’appel pour les affaires
relatives aux terres rurales, B.O.B. N°5/2014, p. 748.
En matière procédurale, il faudrait aller plus loin et poser une règle qui imposerait
que les jugements soient rendus en kirundi.
On peut citer à titre d’exemple l’article 190, alinéa 4 du Code du travail qui
dispose que « l’ensemble de la procédure en matière de différends du travail est
gratuit… ».
Pour remplir correctement sa mission, la justice doit être accessible. Par rapport
aux commodités d’accès à la justice, des réponses souvent d’ordre normatif ont
été apportées aux questions qui se posent au justiciable qui cherche à accéder à la
justice.
Il reste que les défis à lever pour l’accès de tous à la justice sont innombrables.
Des pistes de solutions aux problèmes posés seront tracées.
Sans prétendre dresser une liste exhaustive, on peur relever neuf catégories de
défis.
Même sans considérer le problème de l’accès aux services d’un avocat, le coût de
la justice reste un obstacle important à l’accès à la justice pour de nombreux
burundais.
Il s’agit surtout des inégalités de fait. D’aucuns prétendent que l’égalité juridique
des hommes n’est qu’une fiction qui ne tient pas devant l’inégalité de fait des
conditions économiques, culturelles et sociales.
L’information judiciaire peut être produite et mise en circulation, son accès est
rendu impossible par l’analphabétisme. Le futur justiciable ne sachant ni lire ni
écrire ne possède la moindre notion du système des juridictions et de la manière
de s’adresser à elles.
L’accès à la justice est peu équitable. On note une concentration des juridictions
dans la capitale, puis dans les centres urbains provinciaux.
39
Voir la loi N° 1/010 du 13 mai 2004 portant Code de procédure civile, op.cit., p.44
En matière pénale, l’exigence de la célérité est soulignée par l’article 259 alinéa 2
du Code de procédure pénale selon lequel les jugements sont prononcés aussitôt
après la clôture des débats et au plus tard dans les trente jours qui suivent la prise
en délibéré du dossier. Cette règle est également valable en matière civile42.
40
S. GUINCHARD et al., Institutions juridictionnelles, 10ème éd., Paris, Dalloz, 2009, p.257.
41
Le problème est partiellement résolu. Les litiges de la compétence des cours administratives sont
jugés par les cours d’appel. Les litiges de la compétence des tribunaux du travail et des tribunaux
de commerce sont jugés par les tribunaux de grande instance.
42
Article 124, loi N° 1/010 du 13 mai 2004 portant Code de procédure civile, B.O.B. N°
5/bis/2004, p.16.
43
Article 85, alinéa 2, loi N° 1/010 du 13 mai 2004 portant Code de procédure civile, idem, p.12.
1.9. La corruption
La justice, dans son fonctionnement quotidien, est gangrénée par une corruption
qui ne cesse de prendre de l’ampleur, au vu et au su des pouvoirs publics,
incapables de faire face au développement du phénomène.
Déjà en 1990, Jean du Bois de GAUDUSSON relevait que l’une des maladies
dont souffre la justice dans les Etats d’Afrique francophone est la corruption : «
La justice est l’objet de nombreux procès qui tous s’accordent sur un acte
d’accusation étoffé, sévère et sans appel : absence d’un pouvoir judiciaire
indépendant, subordination de la justice au pouvoir politique, vénalité des juges,
insuffisance et inadéquation de la formation des magistrats, misère financière et
documentaire des tribunaux, excessif juridisme des règles et procédures, éloignent
Une réflexion nationale relève qu’entre 80,3% et 92,9% des usagers de la justice
burundaise estiment que les juges sont corrompus46.
2. Les propositions
Les différents éléments viennent comme une réponse aux défis relevés ci-
dessus47.
44
J. du Bois de GAUDUSSON, Le statut de la justice dans les Etats d’Afrique francophone,
Afrique contemporaine, n° 156, 4ème trimestre 1990, p.6, cité par MAMADHAN TIDJANI
ALOU, op. cit., p. 6.
45
International Alert Gradis, Le phénomène de la corruption au Burundi : révolte silencieuse et
résignation, Bujumbura, mars 2007, p. 14.
46
Ministère de la Justice, Les défis de la justice de proximité au Burundi. Système de la réflexion
nationale de 2011. Analyse et rédaction : Dominik KOHLHAGEN, Bujumbura, décembre
2011, p. 18.
47
Voir supra, p.p. 22.25.
Point n’est besoin de rappeler la fonction de la justice qui est d’assurer les
régulations sociales essentielles. Avec une dotation budgétaire de 1,3% en
moyenne du budget général, le service public de la justice est incapable de réaliser
ses tâches.
Un effort supplémentaire est donc nécessaire pour accroître les crédits budgétaires
alloués au Ministère de la Justice pour améliorer l’accès à la justice dans ses
composantes :
- Aide légale ;
- Information des contribuables ;
- Formation du personnel judiciaire ;
- Itinérance.
2.2. Un remède pour éviter la prise en charge des frais du procès par des
justiciables démunis : la généralisation de l’aide juridique
Du point de vue géographique, des efforts doivent être déployés pour réaliser ce
que l’on appelle la « justice de proximité », afin que chaque plaideur puisse
trouver non loin de chez lui un juge facilement accessible.
Dans le même ordre d’idées, une « justice itinérante » devrait permettre d’aller au-
devant des justiciables49. Un tribunal pourrait avoir des « antennes locales », plus
proches des justiciables, lesquels ne seront pas obligés de se rendre au siège du
tribunal lui-même.
On a déjà évoqué le cas des cours d’appel dont la compétence couvre le ressort de
trois provinces. Il y a donc nécessité de procéder à une nouvelle répartition
géographique des compétences, pour rapprocher la justice des justiciables.
48
R.PERROT, Institutions judiciaires, op.cit., p.71
49
Pour l’exercice 2018, le programme d’itinérance a reçu une allocation de 21.376.000 francs
2.5. Une mise en place d’un meilleur dispositif d’information des justiciables
Par manque d’information, les justiciables sont déroutés ou perdent des procès par
ignorance. En plus du guide de l’usager, un dispositif d’information multiforme
(émissions radiotélévisées, fiches, brochures, internet…) devrait être mis en place.
2.6. Une formation élémentaire des justiciables et une formation poussée des
juges
Toutes les mesures prises n’ont d’intérêt que dans la mesure où la loi est
strictement respectée. La procédure de mise en état introduite dans le règlement
du contentieux administratif n’a rien changé en ce qui concerne l’instruction des
affaires. L’instruction juridictionnelle, tributaire du comportement des justiciables
dure plus de trois mois.
La justice est un service public, donc une activité exercée par l’Etat au profit des
usagers, qui sont les justiciables. Si l’on peut s’accommoder de la technicité des
actes de procédure qui n’intéressent que les praticiens du droit, il est nécessaire
que la réponse donnée par le service public à l’usager, c’est-à-dire le jugement,
soit rédigée avec une clarté suffisante pour que le justiciable comprenne la
réponse à la question posée et les raisons pour lesquelles il lui a été donné tort ou
raison.
2.9. Le développement d’une justice saine
50
Voir la loi N°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la
corruption et des infractions connexes, B.O .B. N° 4/2006, pp. 236-246 ; loi N°1/36 du 13
décembre 2006 portant création de la Cour anti-corruption, B.O.B. N° 12/2006, p. 1746 ; loi
N° 1/37 du 28 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade
Spéciale anti-corruption, B.O.B. N° 12/2006, pp. 1786-1788.
CONCLUSION GENERALE
Envisagée sous l’aspect matériel, la justice est une activité de service public
organisée par l’Etat en vue de trancher les litiges entre les citoyens, entre les
citoyens et l’Etat ou ses démembrements.
Envisagée sous l’aspect matériel ou sous l’aspect organique, la justice doit être
d’un accès facile pour tous.
Les commodités d’accès à la justice ont été prises en considération sous plusieurs
aspects.
connaissent des actions en matière administrative dans les ressorts où il n’y a pas
de Cour administrative. La règle « le juge de l’action est le juge de l’exception »
s’applique.
Si des réponses souvent d’ordre normatif ont été apportées aux questions qui se
posent au justiciable qui cherche à accéder à la justice, les défis restent nombreux.
Même s’ils ne payent pas leurs juges, les plaideurs supportent d’autres frais,
notamment les frais relatifs au déroulement de la procédure et les frais de
défense.
Les réponses normatives aux questions posées par l’accès à la justice n’ont pas
résolu tous les problèmes.
BIBLIOGRAPHIE
II. DOCTRINE
1. CADIET, L. et JEULAND, E., Droit judiciaire privé, 6ème éd., Paris, Litec,
2009
2. GUINCHAMARD, S. et al., Institutions juridictionnelles ,10ème éd., Paris,
Dolloz, 2009.
INTRODUCTION GENERALE
1
Professeur à l’Université du Burundi, Faculté de Droit.
Nous analysons dans cet article ces différentes voies de recours en montrant leurs
mérites et leurs limites avant de dégager des propositions qui nous semblent
efficaces pour un meilleur accès à la justice du consommateur lésé au Burundi.
2
Plusieurs acronymes désignent ces modes alternatifs. Outre les Modes alternatifs de règlement des
conflits connus sous l’acronyme (M.A.R.C), on cite aussi les A.D.R(Alternative Dispute
Resolution), les M.A.D( Modes Alternatifs de règlement des Différends), les M.A.R.L.( Modes
Alternatifs de Règlement des Litiges), R.A.L( Règlement Alternatif des Litiges).
3
L’efflorescence de publications sur les modes de pacification extrajudiciaire est impressionnante.
Notamment : P. CHEVALIER, « Les MARL : perspectives et enjeux européens », Act.dr., 2003,
p. 46 ; G.CANIVET, « Le juge et la recherche de la solution du conflit »,Act.dr.2003p.35 ;
M.LEMERT, La médiation,éd. L.Pire, 2003, M.VROMANS, V.d’HUART, B. BLOHORN-
BRENEUR, B. DEFFAINS, M.FAURE, E.DE. CATRE, B. NOEL, J-P. DELCROIX et
P.PALSTERMAN, « Le rôle des partenaires sociaux, les modes alternatifs de règlement des
conflits et l’analyse économique de la justice » in Espace judiciaire et social européen, sous la dir.
de G.de LEVAL et J. HUBIN, Larcier, Bruxelles, 2003, pp.399-551 ; I.BRANDON, « L’office du
juge dans la conciliation », J.T., 1995, p. 505 ; C. VERBRAEKEN et F.VINCKE, « Les méthodes
alternatives de règlement des litiges », J.T., 1996, p. 161 ; F.LIGOT, « Le pouvoir de conciliation
du juge, la médiation et l’autorité des accords », Ann. Dr. Louvain, 1996, pp. 71 et s. ; J.VAN
COMPERNOLLE, « Le juge et la conciliation en droit judiciaire belge », in Nouveaux juges,
nouveauxpouvoirs ?, Mélanges en l’honneur de Roget Perrot, Dalloz, Paris, 1996, pp. 523 et s. ; C.
JARROSSON, « Médiation et conciliation : définition et statut juridique », Gazette du Palais,
1996, 21 et 22 août, p.3 ; S. BRAUDO, « La pratique de la médiation aux Etats-Unis », Gazette du
Palais, 1996, 1 au 4 mai, p. 2 ; C.PICARD, « La médiation au Québec : quelques éléments de
réflexion », in Les annonces de la seine, 21 octobre 1996, p.9 ; G.LEVAL, « Réflexion sur la
médiation civile » in Liber amicorum Hannequart et Rasir, p. 32 ; M OUELLETTE, « La pratique
de la médiation au Canada et aux Etats-Unis », Famille et justice, Bruylant, , Bruxelles, 1997,
p.462 ; A. THILLY et J.VAN COMPERNOLLE, « Les modes de pacification extrajudiciaires,
heurs et malheurs », in Les règlements judiciaires et extrajudiciaires des conflits commerciaux ,
C.D.V.A., éd. Collection Scient. Fac. Dr. Liège, 1998, pp. 39 et s ; F. COLLARD et V.
D’HUART, « Le coût de certaines alternatives : la médiation » in le coût de la justice, Liège, éd.
Jeune barreau de Liège, 1998 ; V.D’HUART, « La médiation au cœur du barreau », note sous trib.
Trav. Huy, 11 février 1998, J.L.M.B., p. 693, La médiation numéro spécial, J.T., 1999, pp.223 et
s. ; Actes du colloque français du 15 avril 1999, « La médiation comme mode de règlement des
conflits dans la vie des affaires », Petites Affiches, n° 138, 1999, pp. 3 à 37 ; La médiation en
matière commerciale, ouvrage collectif, actes du colloque organisé par le Centre de médiation de
l’ordre des avocats du barreau de Liège 2000 ; V. D’HUART, « A quand une loi sur la médiation
comme mode alternatif de règlement des conflits en toutes matières ? », note sous Trib. Trav.
Liège, 25 mai 2001, J.L.M.B., p. 1150 ; J.L. FAGNART, F. RINGELHEIM, CH. MICHEL, J.P.
DUCART, B. CASTELAIN, autour de M. LEMERET, La médiation. L’accès au droit : « une
justice pour tous », éd. Luc. Pire, 2001 ; H. VERBIST et B. DE VUYST, Arbitrage et modes
alternatifs de règlement des conflits en Belgique, La charte – Die Keure, 2002 ; Rapports belges
au congrès de l’académie internationale de droit comparé à brisbane, Bruylant, 2002, pp. 287 à
Revue Burundaise de Droit et Société
62
1.1.1. La conciliation
Réduite à l’essentiel, la conciliation est une méthode dans laquelle les parties en
conflit se réunissent avec un tiers, choisi par elles, afin de résoudre leur différend.
Le tiers essaye de rapprocher les deux parties en vue d’aboutir à un règlement à
7
Voy. J.DUBOIS DE GAUDUSSON, « Le statut de la justice dans les Etats d’Afrique
francophone », in La justice en Afrique, p.11, S. COLDHAM, Les systèmes judiciaires en Afrique
anglophone, p.37, F. OUEDRAOGO, « L’accessibilité de la justice au Burkina : La voie
parajudiciaire », Rev.burk.dr., 1997, p. 7. et s.
8
J. GAHAMA, L’origine et l’évolution de l’institution des Bashingantahe, inL’institution des
Bashingantahe, Etude pluridisciplinaire, Bujumbura, INABU, octobre, 1999, p.28.
9
R. PERROT, La conciliation en matière civile et commerciale en France, journées de la société
de législation comparée, vol. 10, Paris, 1988, p. 249 et s.
10
Leges Henrici Primi, éditées avec traduction et commentaires par L.J. DOWNER, Oxford,
Clarendon Press, 1972, p. 164-165.
11
Le Shogunat, le gouvernement des samouraïs, avait orienté vers cette voie amiable, pour ne pas
encombrer ses tribunaux. Voy. I. KITAMURA, « MA.A.R.C/A.D.R et culture de la conciliation :
L’exemple du Japon », in Médiation et arbitrage, (sous la dir de L. CADIET), Litec, Paris,
2005.p.153 et s, en détail, I.KITAMURA, « L’avenir de la justice conciliationnelle » in Mélanges
François Terré, Paris, PUF, Dalloz-Juris-Classeur, 1999, p. 801-818.
Revue Burundaise de Droit et Société
64
l’amiable du litige qui les oppose. En d’autres termes, la conciliation est un mode
pacifique de règlement des différends grâce auquel les parties s’entendent soit
directement, soit par l’entremise d’un tiers, pour mettre un terme à leur litige12.
Le rôle du tiers conciliateur est d’informer les parties de leur situation, de leurs
intérêts, de leurs droits et de leurs obligations respectives. Il les rapproche et les
aide à dégager une solution commune à leur litige13. La conciliation se caractérise
par l’absence d’un pouvoir de décision conféré au conciliateur. Seules les parties
arrêtent la solution ou adhèrent à celle suggérée par le conciliateur. Si un tiers
conciliateur intervient, il ne dispose d’aucun pouvoir juridictionnel, il ne tranche
pas le litige ni en droit ni en fait. Sa tâche consiste, par sa seule présence, en des
conseils ou suggestions, en essayant d’amener les parties à se concilier en vue
d’arriver elles-mêmes à résoudre le différend 14 . Les protagonistes dans une
procédure de conciliation ne perdent pas leur droit de soumettre leur affaire au
tribunal compétent. Ils restent maîtres de la procédure qui ne doit en aucun cas
être contraignante.
1.1.2. La médiation
12
V. D’HUART, « Modes alternatifs de règlement des conflits », in Arbitrage et modes alternatifs
de règlement des différends, Liège, PUF, vol. 59, 2002, p. 45.
13
J.C. GOLDSMITH, « Les modes de règlement amiable des différends », Rev.dr.aff.int., 1996,
p.222.
14
C. CAMBIER, Fonction et organisation judiciaires, Larcier, Bruxelles, 1974, p.174.
Revue Burundaise de Droit et Société
65
Si ces points communs semblent clairs, les différences sont par contre moins
nettes entre la médiation et la conciliation. Beaucoup de controverses doctrinales
persistent à ce jour.
Il en est de même pour les américains qui utilisent parfois le terme médiateur là
où les anglais parlent de conciliateur 17 . En somme, comme l’écrit J.CALAIS-
AULOY à ce sujet, « la différence est tenue et l’on passe insensiblement de la
conciliation à la médiation, de sorte qu’en pratique, les deux termes désignent
globalement la même chose » 18 . Ce qui caractérise ces deux modes, c’est
15
G. DE LEVAL, « Le tribunal indépendant et impartial ; L’exercice par le même juge
(singulièrement juge de paix) de fonctions conciliatrices et juridictionnelles dans le même litige.
Brèves observations », Droit judiciaire privé, Le miroir de la procédure, Liège 25 septembre
1995, C.U.P, annexe, p.7.
16
G. DE LEVAL, « Réflexions sur la médiation civile », op. cit., pp. 27 et s. ; J. LAENENS, «
Règlement alternatif des litiges en Belgique », Bruylant, Bruxelles, 2002, n° 22.
17
C. JOHNSON, « A.D.R.,( Alternative Dispute Resolution) aux Etats-Unis », in Les modes non
judiciaires de règlement de conflits, pp. 95 et s.
18
J. C AULOY, Le droit de la consommation, Dalloz-Sirey, 3e éd, Paris, 1992, p.540.
Revue Burundaise de Droit et Société
66
1.1.3. L’arbitrage
L’arbitrage est l’opération par laquelle les parties choisissent des tiers appelés
« arbitres » pour se prononcer sur les litiges qui leur sont soumis. C’est un
tribunal « privé » que les parties se créent par consentement mutuel, quand elles
ne désirent pas s’adresser aux tribunaux de droit public 19 . L’arbitrage a été
largement réglementé par le nouveau code burundais de procédure civile20. Et sur
plusieurs points, l’arbitrage diffère de la médiation et de la conciliation. Alors que
pour ces derniers modes, les parties restent des maîtres de la procédure, le choix
de la voie arbitrale emporte renonciation de la voie judiciaire. L’article 340 du
code de procédure civile qui le précise ajoute que « la sentence arbitrale est
définitive et rendue en dernier ressort ». Par la soumission de leur différend à
l’arbitrage, les parties s’engagent à exécuter, sans délai, la sentence qui
interviendra et renoncent à toutes voies de recours auxquels elles peuvent
valablement avoir droit.
Dans l’arbitrage, les parties doivent convaincre le tribunal arbitral du bien fondé
de leurs prétentions. Selon l’article 355 du même code, le tribunal arbitral peut à
tout moment durant les débats demander aux parties de produire tous documents
19
Pour plus amples détails sur l’arbitrage, voy. H. VERBIST et B. DE VUYST, Arbitrage et
modes alternatifs de règlement des conflits en Belgique, La charte – Die Keure, 2002, p. 57 et s.
aussi, P. ANCEL, « Convention d’arbitrage, conditions de fond, litiges arbitrables », Jurisclasseur,
Procédure civile, Fasc. 1024, O. CAPRASSE, Les sociétés et l’arbitrage, Bruylant, Bruxelles,
2002, p. 33 et s., G. KEUTGEN, L’arbitrage en droit belge et international, Bruylant, Bruxelles,
1981, n°82 et s. J. LINSMEAU, « L’arbitrage volontaire en droit privé belge », R.P.D.B,
complément VII, n° 63 et s., M. de BOISSESON, Le droit français de l’arbitrage interne et
international, Ed. GLN, 1990, p. 24.
20
De l’article 337 à 370.
Revue Burundaise de Droit et Société
67
1.1.4. La transaction
L’accord des parties sur la solution du litige qui les oppose peut constituer une
transaction ; que cet accord intervienne au cours d’une instance judiciaire ou
indépendamment de toute procédure, qu’il soit le fruit de l’intervention d’un tiers
ou ait été dégagé par les parties seules. Ceci pour dire que la transaction peut être
le point d’aboutissement, la toile de fond de la conciliation et de la médiation.
En effet, selon les termes de l’article 591 du code civil burundais, la transaction a,
entre parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Cette expression
ambiguë ne signifie certes pas que la transaction doit être assimilée à un jugement,
mais que la chose transigée, comme la chose jugée en dernier ressort, est
immuable, intangible et s’impose aux parties comme au juge22. Les parties ont
vidé la contestation et s’interdisent mutuellement d’utiliser les voies
juridictionnelles pour remettre en cause ce qu’elles ont décidé. Elles ont, en effet,
préféré librement juger elles-mêmes du bien et du mal fondé de leurs prétentions
et ont couru le risque de se tromper 23 .Il s’en suit donc que la transaction se
substitue au procès et constitue une exception péremptoire contre la partie qui
voudrait entamer et poursuivre la procédure24.
21
De PAGE, Traité élémentaire de droit civil, t. IV, Bruylant, 3è éd, Bruxelles, 1972, p.472 ;
Cass., 19 juin 1989, Pas., 1989, I, p. 1145.
22
Ibidem.
23
J.TIMST, « La médiation : une alternative à la justice et non une justice alternative »,Gaz.Pal,
nov. 2001, n° 318 à 319, p. 53 et s., spéc.p.60.
24
H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil, op.cit. pp. 471 à 520 ; J. GAVRE, Le contrat de
transaction en droit civil et en droit judiciaire privé, Bruylant, Bruxelles, 1967, P.-. A FORIERS,
« Aspects du contrat de transaction et du règlement transactionnel », in Les contrats spéciaux,
Formation permanente CUP, vol. XXXIV, nov. 199, pp. 105 à 154 ; voir aussi, X. LAGARDE,
« Droit processuel et modes alternatifs de règlement des litiges », Rev. Arb., 2001/3,pp. 423 et s.,
spéc. n°15., 24 F.LIGOT, « Le pouvoir de conciliation du juge, la médiation et l’autorité des
accords », Ann. Dr. Louvain, 1996., pp.79-81.
Les modes alternatifs de règlement des conflits font couler beaucoup d’encre et de
salive dans le débat juridique actuel relatif à l’accès du citoyen à la justice. Si des
arguments objectifs peuvent être retenus en leur faveur, le doute méthodique est
aussi fondé surtout quand il s’agit des litiges de consommation.
Les arguments avancés en faveur des M.AR.C sont multiples. On les analyse en se
situant à trois niveaux : pour le consommateur, pour le professionnel et pour les
pouvoirs publics.
a. Pour le consommateur
petite importance. Cela fait que le recours aux tribunaux est hors de proportion
avec ces « petits litiges ». Nous pensons cependant qu’il n’y a pas de petits litiges
pour une personne qui en est victime. Par ailleurs, ces litiges ne sont « petits » que
si on les isole les uns des autres car si on les prend dans leur ensemble, ils
représentent des intérêts considérables même si c’est le consommateur isolé qui
doit subir les coûts du litige.
25
F. DOMONT-NAERT, N. FRASELLE et L. VERSCHINGEL, Analyse et évaluation de l’action
menée par le groupe C en matière d’aide juridique, Rapport final, Centre de droit de la
consommation, U.C.L, octobre 1991, p.26.
26
J. C. AULOY, Droit de la consommation, op. cit. p. 539.
27
Ibidem.
28
République du Burundi, Politique sectorielle 2006-2010 du Ministère de la justice, Bujumbura,
juin 2006, p.20
Revue Burundaise de Droit et Société
71
Sous un autre registre plus sociologique, la résolution amiable des différends est
l’expression de l’évolution des solutions apportées, dans une société moderne, à la
recherche de cohésion sociale et d’adaptation à la modernité31.
Le constat est que la justice des tribunaux sépare. Il est rare qu’un procès
débouche sur une solution de conciliation. Il fait le plus souvent un vainqueur et
un vaincu. Le débat judiciaire, tel qu’il est conçu, fait des plaideurs des
adversaires et envenime le différend au lieu de l’apaiser. Il se traduit en termes de
combat. L’un gagne, l’autre perd, pis encore succombe32alors que les solutions
négociées rendent aux parties la disposition de leur litige et leur permettent, par le
biais des techniques de communication, de trouver elles-mêmes une solution qui
s’inscrira dans un schéma « gagnant-gagnant »33.
29
J.du Bois de GAUDUSSON, “La justice en Afrique : nouveaux défis, nouveaux acteurs.
Introduction thématique”.Afrique contemporaine 2014/2 (n° 250), p. 13-28.
30
F.M SAWADOGO., « L’accès à la justice en Afrique : problèmes et perspectives- Le cas du
Burkina Faso », in Droit et accès à la justice des habitants des quartiers pauvres, Actes du
colloque tenu à Ouagadougou(Burkina Faso) du 18 au 20 avril 1995, p.3.
31
A. FULLEDA, « juge départiteur du conseil de prud’hommes de Béziers », voir : (http: // www.
mediation-net.com)
32
B.HESS, « Médiation et contentieux de la consommation », in Médiation et arbitrage, ouvrage
collectif (sous la direction de L. CADIET), op.cit. pp. 69 et s.
33
B. HESS, « Médiation et contentieux de la consommation », in Médiation et arbitrage, ouvrage
collectif (sous la direction de L. CADIET), op.cit. pp. 69 et s., voir aussi C. NTAMPAKA,
Introduction aux systèmes juridiques africains, Presses universitaires de Namur, Belgique, 2004,
p.10
Revue Burundaise de Droit et Société
72
b. Pour le professionnel
Un autre intérêt des entreprises est d’éviter les dommages qui peuvent être causés
par la publicité des sentences judiciaires. En revanche, l’établissement de
procédures extrajudiciaires garantissant certains standards relatifs aux exigences
de certification ou étant assurées par des ombudsmans reconnus 34 permet une
publicité fondée sur la renommée et la réputation de l’institution. De plus, les
médiateurs peuvent, par les propositions qu’ils tirent des médiations traitées,
contribuer à la prévention des litiges de consommation et à la politique de qualité
des secteurs concernés.
34
Par exemple, les banques allemandes se font de la publicité au moyen de leur système de
règlement extrajudiciaire des litiges « Ombudsmann der privaten banken ».voy. B.HESS,
Médiation et contentieux de la consommation, op. cit. p.78.
Revue Burundaise de Droit et Société
73
Ces modes alternatifs de résolution des conflits apportent une réponse aux
difficultés d’accès à la justice, auxquelles un grand nombre de pays doivent faire
face. Ces difficultés s’expliquent par le fait que les litiges soumis aux tribunaux se
multiplient, les procédures tendent à s’allonger et les frais exposés à l’occasion de
ces procédures, à augmenter. La quantité, la complexité et la technicité des textes
législatifs contribuent par ailleurs à rendre difficile l’accès à la justice. Ainsi, les
M.A.R.C apparaissent comme des instruments au service de la paix sociale35.
Les arguments en faveur des M.A.R.C recèlent la vérité. Mais ils ne sont pas
totalement convaincants. Cela ne veut pas dire qu’il faut renoncer définitivement
aux procédures de médiation et de conciliation pour régler les litiges, mais ces
mécanismes ont généralement un rôle limité pour les litiges de consommation. Il
serait donc utopique d’y voir le remède absolu et définitif au problème d’accès à
la justice. Les quelques limites des M.A.R.C que nous développons dans les lignes
qui suivent nous montrent que ces modes de résolution des conflits ne constituent
pas une panacée au Burundi. Avec les M.A.R.C, le prétendu accès à la justice
35
Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et
commercial, présenté par la Commission des Communautés européennes le 19 avril 2002., point
1.2,p.7.
Revue Burundaise de Droit et Société
74
risque d’être illusoire et le risque de rendre une justice au rabais n’est pas à
écarter.
36
Voir entre autres: A. NTABONA, « L’institution des Bashingantahe et la moralisation de la vie
sociale et politique », in Au Cœur de l’Afrique, n° 4, 1992, pp. 432-481 ; A. NTABONA, « Le
Concept d’Umushingantahe et ses implications sur l’éducation de la jeunesse aujourd’hui », in Au
Cœur de l’Afrique, n° 5, 1985, pp 263-301 ; A. NTABONA, « L’institution des Bashingantahe à
l’heure du pluralisme politique africain », in Au Cœur de l’Afrique, n° 2-3, 1991, pp. 263-264 ; L.
RUKINGAMA, « Intahe et la gestion de la cité », inAu cœur de l’Afrique, n°1, 1995,pp.41-48 ; P.
NTAHOMBAYE, « Ubushingantahe et la crise », in Au Cœur de l’Afrique, n°1, 1995,49-68 ; P.
NDAYISHINGUJE, « Le rôle des Bashingantahe dans l’harmonisation de la communauté au
Burundi », in Au Cœur de l’Afrique, n°, 1996, pp. 91-110 ; A. NTABONA, « Les ressources de
l’institution des Bashingantahe/ Sages, pour la prévention et la résolution des conflits au
Burundi », in Vivons en Eglise, n° 3-4, 1996, pp. 113-116 ; C. NDAGIJIMANA, « Kwatira
abashingantahe. L’investiture des notables au Burundi », in Que vous en semble, n° 13, pp. 25bis-
37 ; M. NKURUNZIZA, « La redynamisation de l’Institution d’Ubushingantahe telle que perçue
par les étudiants burundais », in Au Cœur de l’Afrique, n° 1, 1997, pp. 181-185, , F.M.
RODEGEM, Dictionnaire français-Kirundi,Tervuren, 1970, p.15, J. GAHAMA, « L’origine et
l’évolution de l’institution des Bashingantahe », in L’institution des Bashingantahe, Etude
pluridisciplinaire, Bujumbura, octobre, 1999, p.28.
37
NTAHOMBAYE, P., (sous la direction de), L’institution des bashingantahe au Burundi. Etude
pluridisciplinaire, Bujumbura, INABU, octobre 1999, p. 267.
Revue Burundaise de Droit et Société
75
Certes, il y a des affaires qui se terminent devant le conseil des notables et qui
sont exécutées volontairement 42 , mais tout porte à croire que la technicité des
litiges de consommation échappe à la compétence de ces institutions composées
pour la plupart par des analphabètes.
38
Le titre IV de l’ancien code qui consacrait le conseil des notables était relatif effectivement aux
institutions auxiliaires de justice. Sur le conseil des notables, dix dispositions étaient prévues.
39
Loi n°1/ 016 du 20 avril 2005 portant organisation de l’administration communale, B.O.B n°4
bis/2005, pp.1-13.
40
Loi n° 1/08 du 17 mars 2005 portant code de l’organisation et de la compétence judiciaires,
B.O.B., 2005, n° 3quater, p. 19.
41
Loi n°1/ 33 du 28 novembre 2014 portant révision de la loi n°1/02 du 25 janvier 2010 portant
organisation de l’administration communale.
42
Une étude réalisée par l’ONG belge RCN justice et Démocratie en 2002, révèle que plus de 60%
des avis émis par le conseil des notables sont confirmés par les juridictions de base. Voy RCN,
document spécial coutume, Bulletin n°8, 2ème trimestre 2004 (avant la réforme puisqu’actuellement
les parties ne sont pas tenues de passer par le dit conseil des notables).
Revue Burundaise de Droit et Société
76
Aussi, si un Tribunal arbitral tel que réglementé par le code de procédure civile au
Burundi peut être compétent en matière de consommation43, il y a lieu de douter
de son efficacité au Burundi. En effet, moins coûteux qu’il puisse paraître,
l’arbitrage ne peut pas être au secours des petits litiges. Si une contestation repose
sur un enjeu de dix mille francs burundais par exemple 44 , combien faudra-t-il
alors payer l’arbitre ? Il en résulte qu’il serait a priori inconcevable que des
arbitres consacrent leur expertise pour une affaire qui ne va pas rapporter
financièrement.
Les modes alternatifs de règlement des conflits visent des solutions consensuelles
sans l’application des dispositions légales. Or on ne doit pas perdre de vue que le
droit matériel, souvent impératif, est destiné à imposer la conduite loyale des
professionnels pour ne pas violer les droits des consommateurs.
En effet, les litiges de consommation reposent sur des droits légalement consacrés
qu’on ne peut rétablir qu’en appliquant purement et simplement les règles de droit
qui les définissent. Si on passe outre l’application stricte de la loi au profit de la
voie négociée, le risque est d’aboutir à des solutions minimalistes qui étouffent le
développement du droit surtout qu’il n’y aurait pas de jurisprudence en la matière.
C’est pourquoi certains auteurs ainsi que les associations de défense des
consommateurs estiment que la création systématique d’organismes non
juridictionnels risque de créer une espèce de justice au rabais et d’être perçue par
43
L’article 337 du code dispose en effet que « Toutes personnes peuvent compromettre sur les
droits dont elles ont la libre disposition ».
44
L’équivalent de cinq dollars à peu près en 2018.
Revue Burundaise de Droit et Société
77
45
J. C.AULOY, Droit de la consommation... op.cit., p.544.
Revue Burundaise de Droit et Société
78
collectifs. C’est pour cette raison que nous proposons l’instauration des
médiateurs professionnels.
En effet, la médiation au sein des entreprises ou dans des secteurs d’activités qui
écoulent une masse considérable des biens et services sur le marché peut être utile
à certains égards. Il serait le cas notamment du secteur des banques et assurances,
du transport, de l’eau et de l’électricité, de la téléphonie, du secteur agro-
alimentaire, de celui des vendeurs des biens de consommation importés et des
marchés46. Ces derniers constituent au Burundi des lieux de vente qui sont à la
portée des consommateurs. La désignation d’un médiateur professionnel dans
chaque secteur d’activités et dans chaque marché serait un moyen simple et
efficace d’atteindre à une justice de proximité. Le médiateur serait alors appelé à
recevoir les plaintes des consommateurs qui n’ont pas reçu satisfaction au sein des
services internes des entreprises. Confrontant les arguments du professionnel et du
consommateur en cause, le médiateur proposerait alors une recommandation à
soumettre aux protagonistes. Ces derniers auraient le choix soit de converger vers
la proposition soumise après discussions préalables soit de poursuivre l’action
devant les tribunaux.
Mais comme les litiges de consommation présentent une certaine technicité, les
médiateurs seraient agréés par une commission nationale instituée à cet effet.
Cette commission nationale tiendrait compte dans sa composition de la
représentation des professionnels, des consommateurs et des pouvoirs publics. Les
postulants au titre de médiateur devraient remplir des conditions tenant
notamment compte du diplôme en droit et de la compétence professionnelle
solide.
46
L’exemple du Marché de Nyabugogo au Rwanda est intéressant. Un médiateur est institué dans
chaque Zone. Ce médiateur appelé conseiller est chargé, avec les autres conseiller du marché de
résoudre les éventuels litiges.voy. F. NYIRANDATIYE, Protection du consommateur contre la
publicité mensongère en droit burundais, mémoire, UNR, 2008, p.73.
Revue Burundaise de Droit et Société
79
Le médiateur professionnel doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet
égard tout doute légitime dans l’esprit du consommateur. Cette impartialité tient
compte des considérations de caractère fonctionnel ou organique (notamment ses
émoluments, le mode et les conditions de sa nomination, les conditions de la
cessation de sa fonction, les incompatibilités) mais aussi des considérations
d’ordre subjectif. Le médiateur doit conduire la procédure et formuler ses
suggestions en son âme et conscience, en l’absence de tout préjugé ou parti pris.
En définitive, la procédure doit offrir des stimulants destinés à encourager la
participation du consommateur à la médiation. Sous ce dernier registre, les
médiateurs professionnels devraient être rémunérés par l’Etat dans le cadre des
programmes d’aide juridique destinés aux justiciables plus vulnérables, en
l’occurrence, les consommateurs. D’autres éléments importants englobent la
qualité et la réputation du médiateur qui serait nanti d’une formation et d’une
expérience professionnelle jugée solide. Néanmoins, si le recours au médiateur
47
Recommandation 2001/310/CE de la commission du 4 avril 2001 relative aux principes
applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de
consommation, J.O L 109 du 19.4.2001, p.56; voy aussi la directive du parlement européen et du
conseil sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale du 21 mai 2008,
O.J.L 136, 24.5.2008, p.3-22 ; aussi livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits
relevant du droit civil et commercial du 19 avril 2002 : Doc. COM (2002).
Revue Burundaise de Droit et Société
80
professionnel n’est plus possible pour une raison ou une autre, il ne resterait qu’à
saisir les cours et tribunaux.
48
Loi du 7 juin 2018 portant promulgation de la constitution de la République du Burundi.
Revue Burundaise de Droit et Société
81
Autant dire que les juridictions ordinaires sont compétentes pour connaître les
litiges de consommation. C’est pourquoi, contrairement à certains
développements en droit de la consommation 49 , nous trouvons inopportun
49
TH. BOURGOIGNIE, Propositions pour une loi générale sur la protection des consommateurs,
Bruxelles, C.E.R.D.C, p. 285 et s. voy SIHAYA B. Avant-propos à la loi modèle pour la
protection du consommateur en Afrique, texte publié par l’Organisation internationale des
Revue Burundaise de Droit et Société
82
Par contre, pour rapprocher davantage la justice aux justiciables notamment les
consommateurs et pour désengorger les tribunaux de Résidence non seulement en
ce qui concerne les litiges de consommation mais également pour les autres
contestations mineures en matière civile, il faut asseoir un mécanisme simplifié de
rendre justice à la base.
suppression du juge unique51. C’est ce qui ressort de l’étude menée par l’ONG
belge RCN, qui indique que l’institution à juge unique n’est pas toujours bien
comprise ni acceptée par les justiciables. Ces derniers craignent qu’un jugement
soit mal rendu par un juge unique, ce qui exposerait ce dernier à la critique et aux
soupçons de corruption.
Si leur inquiétude peut être fondée en partie, on ne doit pas néanmoins verser dans
le pessimisme car le modèle collégial n’est pas non plus le gage d’une justice non
corrompue. Les causes de la corruption se situent souvent sous d’autres registres
liés essentiellement aux garanties de la carrière, du statut des magistrats et de la
moralité de ces derniers. Par ailleurs, le justiciable insatisfait du jugement rendu
par le juge unique a les voies de recours qui sont prévues par la loi.
Nous pensons plutôt qu’il faut renforcer ce choix opéré par le législateur en
permettant davantage l’accès au juge. Il faut que le juge unique soit un véritable
juge de proximité avec une certaine autonomie d’action. Les juges de proximité
auraient un statut spécial par rapport aux magistrats de carrière. La raison en est
qu’il est plus facile actuellement de trouver des juristes formés et expérimentés
mais qui évoluent dans d’autres secteurs sur tout le territoire. Il faut faire
remarquer qu’ à ce jour, il y a peu de juge licencié en droit qui œuvre au tribunal
de résidence52. La reconnaissance des juges qui ne soient pas de carrière mais bien
formés apporterait à la justice de base une efficacité et une compétence technique
qui manquent actuellement.
51
RCN, La justice de proximité au Burundi, Réalités et perspectives, Bujumbura, décembre 2006,
p. 26
52
BURUNDI, Etude relative au fonctionnement du système judiciaire, op.cit., p.52
Revue Burundaise de Droit et Société
84
Le consommateur qui prétend que ses droits sont violés peut à titre individuel
saisir le tribunal compétent. La saisine peut aussi être opérée par des groupements
qui représentent les consommateurs. Nous analysons l’action individuelle d’une
part et l’action collective d’autre part.
53
La Cour de justice des Communautés européennes a jugé que les clauses potentiellement
abusives contenues dans les contrats conclus entre un consommateur et un professionnel, devaient
être examinées d’office par le juge national (Pannon GSM Zrt. / Erzsébet Sustikné Gyorfi, aff. C-
243/08).
Revue Burundaise de Droit et Société
86
Faisons remarquer que si l’accès à la justice est garanti d’une manière claire dans
les textes légaux comme on vient de le montrer, cet accès reste problématique
dans la pratique. On a déjà relevé les problèmes que rencontre le consommateur
54
Article 8 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, article 7 de la charte africaine
des droits de l’homme et des peuples ; La constitution du Burundi qui, faisant siennes dans son
préambule, les dispositions de ces textes, dispose en son article 38 que « toute personne a droit,
dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit entendue équitablement et à
être jugée dans un délai raisonnable ».De même l’article 6 de la convention européenne des droits
de l’homme dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la
loi ».
55
L’article 75 §1 de la loi belge du 26 avril 2010 relative aux Pratiques du Marché et à la
Protection du Consommateur. Le code de commerce burundais de 1993 en son article 92 déclarait
également nulle, toute clause abusive. voy Décret-loi n°1/045 du 09 juillet 1993 portant
dispositions générales du code de commerce. Bujumbura., B.O.B N°1/94.
Revue Burundaise de Droit et Société
87
lorsqu’il faut saisir le juge surtout pour les petits litiges. Le Burundi ne prévoit pas
une assistance judiciaire aux citoyens les plus démunis y compris les
consommateurs. Or, cette assistance et l’aide juridique facilitent l’accès à la
justice des personnes ayant de revenus modestes. Nous pensons pour le cas du
Burundi que certaines mesures sont possibles dont notamment : l’exemption des
frais de justice, l’institution des bureaux d’écoute et d’orientation des justiciables,
la vulgarisation du droit, etc. En effet, l’aide juridique accordée sous la forme de
renseignements pratiques, d’information juridique, d’un premier avis juridique ou
d’un renvoi vers une instance ou une organisation spécialisée reste envisageable.
Cela suppose l’ouverture des guichets d’écoute et d’orientation auprès des cours
et tribunaux.
56
C’est le cas notamment des ONG comme RCN, Avocats sans frontières, Global rights etc.
Revue Burundaise de Droit et Société
88
seul défenseur de l’intérêt général. Par ailleurs, l’action ne pouvait pas être admise
que si le demandeur avait qualité et intérêt pour la former. Actuellement c’est
chose admise en droit de la consommation57 et dans les autres domaines58. Ainsi,
entre un consommateur quasi impuissant et un ministère public inactif,
l’association se trouve être l’organe le plus apte à faire respecter les droits des
consommateurs. Il existe deux catégories d’actions pouvant être exercées par les
associations des consommateurs. Les unes sont exercées dans l’intérêt collectif
des consommateurs, et les autres sont exercées dans les intérêts individuels de
plusieurs consommateurs. Nous examinons successivement ces deux catégories.
Il y a intérêt collectif lorsque les consommateurs sont lésés par un acte de large
diffusion : une publicité trompeuse, un défaut constaté pour des objets fabriqués
en série, une irrégularité commise dans la rédaction d’offres préalables de crédit,
ou dans l’organisation d’une loterie promotionnelle, clauses abusives dans les
contrats59.
57
Citons notamment l’article 98 de la loi belge du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et
sur l’information et la protection du consommateur ( qui a été reproduite par le code de commerce
de 1993du Burundi en son article 97) : Le législateur fait du groupement professionnel ou
interprofessionnel le « procureur de la profession armé pour agir, au nom du seul intérêt de celle-
ci, en cessation d’actes contraires à la moralité professionnelle. Voy. aussi, Liège, 7è ch., 8 juin
2000, p. 1648 ; Liège, 30 juin 2003, J.L.M.B., 2004, p. 1628.
58
C’est le cas notamment des ordres professionnels (ordre des avocats, des médecins, des
architectes, des chambres de notaires ou huissiers de justice en droit belge, le droit d’action en
matière de protection de l’environnement. D. LAGASSE, « Le droit d’action en cessation
environnementale au regard de la notion d’intérêt à agir en justice : vers une privatisation du
ministère public ?, B./R.D.J.P., 2003, pp. 148-157, pour l’ouvrage de synthèse Voy J. F. VAN
DROOGHENBROECK(sous la dir), Les actions en cessation, CUP, Vol. 87, Larcier, Bruxelles,
2006 et les ouvrages cités.
59
J.C. AULOY, Droit de la consommation, op.cit., p.597.
Revue Burundaise de Droit et Société
89
Dans ce cas, l’action peut être exercée par les associations de consommateurs dans
les limites définies par la loi. S’inspirant du droit belge et plus particulièrement de
l’ancienne L.P.C.C 60 , le droit positif burundais avait reconnu l’action d’intérêt
collectif aux associations des consommateurs. L’ancien code de commerce
permettait en effet en son article 97 qu’une association ayant pour objet la défense
des intérêts des consommateurs et jouissant de la personnalité juridique pouvait
intenter une action en cessation des pratiques contraires aux intérêts des
consommateurs. L’article 94 du même code interdisait à ce sujet tout acte par
lequel un vendeur porte atteinte aux intérêts d’un ou plusieurs consommateurs.
L’association peut enfin demander que le public soit informé du jugement rendu,
aux frais du condamné. La diffusion d’un tel message vise non seulement à
informer le public sur une décision qui concerne l’intérêt collectif des
consommateurs mais aussi elle apparaît comme une sanction du plaideur
condamné.
L’action d’intérêt d’un groupe tend pour l’essentiel à permettre de regrouper les
intérêts individuels concernés afin d’étendre la décision qui interviendra à
l’ensemble des personnes se trouvant dans une situation
identique62.Principalement, cette action a pour effet de permettre de franchir les
62
Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît la nécessité d’un mécanisme de
recours collectif dans son rapport concernant les actions de groupes en matière de droit de la
consommation : Avis du Comité économique et social européen sur la « Définition du rôle et du
Revue Burundaise de Droit et Société
91
Des actions de ce type existent aux Etats-Unis, sous le nom de class action, et au
Québec, sous celui de recours collectif63. Dans ce système, le demandeur est un
particulier faisant partie d’un groupe de personnes se trouvant dans une situation
similaire : toutes ont été affectées, ou courent le risque d’être affectées
prochainement, par la conduite du défendeur. L’action qui est exercée par le
demandeur ne vise pas seulement à garantir son propre intérêt, mais également
celui de tous les autres membres du groupe placés dans la même situation que lui.
Le jugement qui interviendra dans cette action, produira des effets à l’égard de
tous les membres du groupe.
Nous considérons que les class action sont également envisageables au Burundi
mais en tenant compte du contexte burundais. Ainsi, seules les associations
représentatives des consommateurs agréées seraient admises à saisir le tribunal.
Cela permettait d’éviter la surenchère ou la multiplication d’actions à l’initiative
de consommateurs individuels. L’action du groupe se déroulerait par deux phases.
régime des actions de groupe dans le domaine du droit communautaire de la consommation », J.O.
C 162/1 du 25 juin 2008. Ce même rapport condamne par ailleurs le système de class action « à
l’américaine » tout en reconnaissant par ailleurs que « les points faibles de la class action
dénoncés comme donnant lieu à des dérives sont propres à ce système judiciaire et ne pourraient
intervenir en Europe.
63
I. BUFFLIER, « Douze années de recours collectif au Québec : un espoir pour l’action en
France », RED com. 1992.193 ; P.C. LAFOND, « Le recours collectif québécois : entre la
commodité procédurale et la justice sociale » RED cons. 1999.215. P.C. LAFOND, « Consumer
class action in Quebec to the year 2000: new incentives », consumer law journal 2000. 329.
Revue Burundaise de Droit et Société
92
Les class actions ouvertes aux associations peuvent être considérées comme un
procédé utile au point de vu procédural. En admettant ce modèle, on éviterait que
de nombreux membres du groupe, sinon tous, viennent individuellement
encombrer le rôle des tribunaux. On réaliserait par là une économie de temps, de
travail et d’argent.
Le résultat serait alors de rendre efficaces les droits appartenant à des groupes,
quand les membres de ces groupes sont individuellement impuissants à citer leurs
adversaires devant les tribunaux. Ainsi, les class actions peuvent être une arme
efficace pour lutter contre les comportements déloyaux des professionnels. En
permettant au demandeur de réclamer en justice la réparation de la totalité des
dommages subis par tous les membres d’un groupe, la class action remplit une
mission de la défense des consommateurs dans des petits litiges64.
64
M. H. KÖTZ, La protection en justice des intérêts collectifs : tableau de droit comparé, inAccès à
la justice et Etat Providence,CAPPELLETTI(sous la direction), op.cit., p. 98 ;
Revue Burundaise de Droit et Société
93
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
IV Ouvrages
INTRODUCTION GENERALE
1
Professeur du Droit international public des droits de l’homme, Droit international humanitaire,
Droit international des affaires à l’Université du Burundi et dans d’autres universités.
2
Il faut préciser que ce Protocole n’est pas encore entré en vigueur car les 15 ratifications exigées
pour son entrée en vigueur n’ont pas encore été obtenues (article 11 du Protocole).
3
Article 16.1. du Protocole
4
Article 17.2. du Protocole
5
Article 17.3. du Protocole
Revue Burundaise de Droit et Société
100
6
Article 17.1. du Protocole
7
Huitième considérant du préambule qui se base sur l’article 4(h) de l’Acte constitutif de l’Union
africaine.
8
Voy. Notamment l’étude AMNESTY INTERNATIONAL, « Protocole de Malabo, incidences
juridiques et institutionnelles de la Cour africaine issue d’une fusion et à compétence élargie »,
janvier 2016.
Pour pouvoir confirmer ou infirmer notre hypothèse, nous nous sommes posé les
questions de recherches suivantes :
- Est-ce que les Statuts des autres juridictions internationales pénales qui ont
existé depuis le début de l’histoire de la justice internationale pénale
jusqu’à l’heure actuelle ont connu les immunités en faveur des autorités
publiques ?
- Est-ce que les immunités que reconnaît cet article ne constituent pas une
violation de la Charte des Nations Unies ?
- Est-ce que cette disposition n’est pas en contradiction avec les
engagements conventionnels que les Etats africains ont antérieurement
contractés dans des traités multilatéraux en vigueur au niveau universel ?
- Est-ce que cet article ne viole pas les principes directeurs et les objectifs de
l’Union africaine ?
9
Voy. E.DAVID et al., Code de droit international humanitaire, Bruxelles, Bruylant, 6ème édition
mise à jour au 1er juin 2013, pp.546-551.
10
Idem, pp.553-557.
11
Idem, p.552
12
Idem, pp.558-569.
13
Idem, op.cit., pp. 625-683.
14
Idem, pp. 698-756.
15
Idem, pp. 684-697.
Revue Burundaise de Droit et Société
103
16
E-David, op.cit.,pp.890-910
17
Idem, pp. 911-925
18
Idem, pp. 872-878.
Revue Burundaise de Droit et Société
104
La question que l’on peut dès lors se poser est de savoir si, comparativement au
Protocole de Malabo, il y aurait un Statut de ces différentes juridictions
internationales ou mixtes qui reconnaît les immunités des autorités publiques pour
les crimes internationaux.
A la lecture de tous les Statuts de ces différentes juridictions, il apparaît que les
immunités des autorités officielles qui seraient présumées d’avoir commis les
crimes internationaux ne sont reconnues nulle part.
C’est dans ce même sens que dispose l’article 27 du Statut de la Cour pénale
internationale intitulé « Défaut de pertinence de la qualité officielle » :
21
Respectivement les articles 7.2. et 6.2. de ces Statuts.
Revue Burundaise de Droit et Société
107
Les Statuts des tribunaux mixtes ne reconnaissent guère également les immunités
des autorités publiques pour les crimes internationaux.
22
Article 6.2. de ce Statut.
Revue Burundaise de Droit et Société
108
Enfin, le Statut du Tribunal spécial pour le Liban exclut également les mêmes
immunités en son article 3 en indiquant que toute personne est individuellement
responsable des crimes relevant de la compétence du Tribunal spécial.
23
Tribunal spécial pour la Sierra Léone, Procureur c. Charles Ghankay Taylor, cas No. SCSL-
2003-01-1, Chambre d’appel, Décision sur l’immunité de la juridiction (31 mai 2004), § 52.
24
Décision du 27 octobre 2004 (NS/RKM/1004/006).
Revue Burundaise de Droit et Société
109
Presque tous les Etats africains sont parties à la Charte des Nations Unies25.
Conformément à l’article 103 de cette Charte aux termes duquel « En cas de
conflit entre les obligations des membres des nations unies en vertu de la présente
Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les
premières prévaudront », les Etats africains n’ont pas le droit de mettre en place
une convention qui irait à l’encontre de la Charte des Nations Unies. Pourtant,
lorsque le Protocole de Malabo reconnaît les immunités en faveur des autorités
publiques pour les crimes internationaux, il viole cette Charte à un double titre
d’abord en tant que violation d’une résolution de l’assemblée générale des nations
unies, ensuite comme violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des
nations unies.
d’un acte qui constitue un crime de droit international a agi en qualité de chef
d’Etat ou de gouvernement ne dégage pas de sa responsabilité en droit
international.
Tous les Statuts des tribunaux pénaux internationaux ont été créés par résolution
du Conseil de sécurité de l’ONU. Lorsque l’article sous examen du Protocole de
Malabo reconnaît en faveur des autorités officielles des immunités, il viole tous
ces statuts car aucun de ces derniers ne les reconnaissent. C’est une grave
violation du droit international car les résolutions du Conseil de sécurité des
26
L’accord de Londres du 8 août 1945 est l’accord conclu entre le Gouvernement provisoire de la
République Française et les Gouvernements des Etats Unis d’Amérique, du Royaume-Uni de
Grande Bretagne et d’Irlande du Nord et de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Cet
accord a mis en place le Tribunal de Nuremberg qui était chargé de juger et punir les grands
criminels de guerre des puissances européennes de l’axe.
Revue Burundaise de Droit et Société
111
Nations Unies s’imposent obligatoirement à tous les Etats parties à la Charte des
Nations en général et en particulier les Etats africains qui ont adopté le Protocole
de Malabo. En effet, une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies est
un texte ayant une valeur juridique contraignante. Elle est consacrée dans le droit
international par l’article 25 de la Charte des Nations Unies qui dispose que « Les
membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du
Conseil de sécurité conformément à la présente Charte ». Dans la terminologie
employée au niveau du Conseil de sécurité, il existe une hiérarchie entre décisions
en fonction de la question traitée et du mode d’adoption qui lui correspond. Dans
cette perspective, il faut distinguer les termes « Décision », « Recommandation »
et « Résolution ».
Le terme employé à l’origine dans la Charte des Nations Unies est « décision ».
Le terme « Résolution » ne figurait nulle part dans la Charte. Le terme
« décision » du Conseil de sécurité employé dans l’article 27 de la Charte fait
référence à toutes les décisions que le Conseil de sécurité peut prendre, qu’elles
soient prises au titre du chapitre V en ce qui concerne la procédure et
l’organisation du Conseil, au titre du chapitre VI en relation avec le Règlement
pacifique des différends, ou encore au titre du Chapitre VII pour les cas de
menace à la paix et à la sécurité internationales et au titre du chapitre VIII relatif
aux Accords. On distingue ainsi les décisions de procédure (qui ne requièrent
qu’un vote affirmatif de neuf membres) et les décisions de substance prises par un
vote affirmatif comprenant les vois des membres permanents (lesquelles sont donc
soumises au droit de veto). Le terme de « décision » qui figure sous ce terme bien
spécifique dans les travaux du Conseil de sécurité concerne la procédure. Tel est
le cas par exemple des nominations de membres de la Cour internationale de
Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, à l’instar de celles qui
ont mis en place les juridictions internationales pénales que nous avons connues
jusqu’alors, sont donc obligatoires à tous Etats parties à la Charte des Nations
unies, y compris les Etats africains qui ont adopté le Protocole de Malabo.
En ce qui concerne les traités relatifs aux droits de l’homme, on peut donner
l’exemple du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui lient
presque tous les Etats africains (50 Etats sur les 54 que compte l’Union africaine
sont parties à ce Pacte27) potentiellement parties au Protocole de Malabo. L’article
2.3. de ce Pacte interdit les immunités des autorités officielles dans ces termes :
« Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à :
a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le
présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même
que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans
l’exercice de leurs fonctions officielles ;… ».
Pour les autres traités, on peut donner l’exemple du Statut de Rome portant
création de la Cour pénale internationale qui interdit les immunités et pour lequel
27
https://treaties.un.org consulté le 28 juillet 2017
Nations Unies, Recueil des traités, vol.999, P. 171 et vol.1057, P.407
Revue Burundaise de Droit et Société
114
la plupart des Etats africains sont également parties. A l’heure actuelle, il y a 124
pays qui sont parties au Statut de Rome. Parmi eux, 34 sont membres du groupe
des Etats d’Afrique, 19 sont des Etats d’Asie et du Pacifique, 18 sont des Etats
d’Europe orientale, 28 sont des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes, et 25 sont
membres des groupes d’Etats d’Europe occidentale et autres Etats28.
Sur base de ces deux exemples et partant du principe qu’en droit des traités aucun
traité n’a primauté sur un autre, la question que l’on peut se poser est de savoir les
28
Source : site de la Cour pénale internationale : www.icc-cpi.int consulté le 30 octobre 2017.
Revue Burundaise de Droit et Société
115
L’Acte constitutif de l’Union africaine, aussi bien dans son préambule que dans
ses dispositions, annonce des objectifs et des principes qui cadrent mal avec les
immunités que reconnaît le Protocole de Malabo.
Ainsi, dans le 9ème considérant, ledit Acte constitutif annonce que les Chefs
d’Etat et de gouvernement sont « Résolus à promouvoir et à protéger les droits de
l’homme et des peuples, à consolider les institutions et la culture démocratique, à
promouvoir la bonne gouvernance et l’Etat de droit ».
Les objectifs de l’Union africaine sont indiqués dans l’article 3 du même Acte.
Parmi ces objectifs, ceux que le Protocole de Malabo contredit sont :
Le Protocole de Malabo contredit les objectifs ainsi annoncés car comme nous
l’avons déjà démontré30, les immunités qu’il reconnaît constituent des violations
des instruments internationaux que visent ces objectifs à savoir la Charte des
Nations Unies et les instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme car
29
Cet objectif est repris dans le 4ème considérant du Protocole de Malabo
30
Voy. Les développements du point II de la présente étude.
Revue Burundaise de Droit et Société
118
Les principes directeurs de l’Union africaine sont repris dans l’article 4 du même
Acte. Parmi ces principes, ceux que le Protocole de Malabo viole sont les
suivants :
31
Ce principe est repris dans le 8ème considérant du Protocole de Malabo
32
Ce principe est repris dans le 9ème considérant du Protocole de Malabo
33
Ce principe est repris dans les 10ème et 11ème considérants du Protocole de Malabo
Revue Burundaise de Droit et Société
119
Il découle de tout ce qui précède que la clause d’immunité viole les objectifs et les
principes directeurs de l’Union africaine. Ce quatrième constat confirme notre
hypothèse de recherche.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre recherche, il convient de faire la synthèse des idées qui ont été
progressivement développées. La question centrale de notre recherche concerne la
validité en droit international des immunités que l’article 46 A bis du Protocole de
Malabo a reconnues aux Chefs d’Etat et de Gouvernement pour les crimes
internationaux. L’hypothèse de recherche que nous avons émise, et que les
développements ont permis de confirmer, est que ces immunités violent le droit
international. Le but de cette recherche était de relever les arguments juridiques
qui peuvent être avancés pour contester cette clause d’immunité.
Le premier argument qui peut être avancé pour repousser ces immunités est que
dans l’histoire de la justice internationale pénale, il n’existe, contrairement au
Protocole de Malabo, aucun texte constitutif d’une juridiction pénale
internationale qui reconnaît les immunités en faveur des autorités officielles pour
les crimes internationaux. En vertu du droit international coutumier, les Chefs
d’Etat et de gouvernement en exercice jouissent d’une immunité devant une
juridiction pénale d’un Etat tiers mais ne jouissent pas d’une immunité à l’égard
des poursuites pénales engagées devant les cours pénales internationales telle que
la Cour africaine de justice, des droits de l’homme et des peuples.
Le deuxième argument est que la clause d’immunité que prévoit cette disposition
du Protocole de Malabo viole la Charte des Nations d’une part à travers la
violation de résolution 3(I) de l’Assemblée générale des Nations Unies du 13
février 1946 et d’autre part à travers la violation de plusieurs résolutions du
Conseil de sécurité des Nations Unies alors que d’après l’article 103 de la Charte
des Nations Unies, « En cas de conflit entre les obligations des membres des
Le quatrième et dernier argument est que la clause d’immunité viole les objectifs
et les principes directeurs de l’Union africaine et que les immunités ainsi
reconnues ne feront que consacrer l’impunité des Chefs d’Etat et de gouvernement
et de hauts fonctionnaires en Afrique.
BIBLIOGRAPHIE
II. RECUEIL
III.DOCTRINE
IV.JURISPRUDENCE
Tribunal spécial pour la Sierra Léone, Procureur c. Charles Ghankay Taylor, cas
No. SCSL-2003-01-1, Chambre d’appel, Décision sur l’immunité de la
juridiction (31 mai 2004), § 52.
Décision du 27 octobre 2004 (NS/RKM/1004/006).
V.SITOLOGIE
1.www.un.org
2.https://treaties.un.org
3. www.icc-cpi.int
INTRODUCTION GENERALE
1
Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements
2
Professeur à l‘Université du Burundi, Faculté de Droit
3
Professeur à l‘École Nationale d‘Administration au Burundi
4
Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et
ressortissants d‘autres États, 18 mars 1965, 575 RTNU 159 [Convention CIRDI]. (en ligne :
ICSID <http://icsid.worldbank. org/ICSID/Front Servlet ? request Type=
ICSIDDocRH&actionVal=ShowDocument&language=French>).
5
Au 12 avril 2016, 161 Etats ont signé la Convention CIRDI parmi lesquels pour le règlement des
153 Etats ont déposé leurs instruments de ratification. Pour plus d‘information, voir CIRDI/3, liste
des États contractants et signataires de la convention, en ligne : CIRDI<
https://icsid.worldbank.org/en/Documents/icsiddocs/Liste%20des%20Etats%20Contractants%20et
%20Signataires%20de%20la%20Convention%20-%20Latest.pdf > consulté le 4 janvier 2018.
Revue Burundaise de Droit et Société
127
6
Voir par exemple la loi no1/24 du 10 septembre 2008 portant code des investissements du
Burundi en son article 17 (2) ; article 10 (5) du traité bilatéral d‘investissement entre le Burundi et
l‘Allemagne concernant l‘encouragement et la promotion réciproque des investissements signé à
Bonn le 10 septembre 1984.
Revue Burundaise de Droit et Société
128
Le CIRDI a été créé par la Convention CIRDI(I). Ses concepteurs lui ont assigné
la mission de régler par arbitrage les conflits d‘investissement (II).
Le CIRDI est une institution d‘arbitrage créée par la Convention CIRDI. En son
article 1, cette convention prévoit qu‘il est institué un Centre international pour le
Règlement des Différends relatifs aux investissements7.
7
Voir art 1 de la Convention CIRDI supra note 1.
8
Le préambule de la Convention CIRDI énonce : Attachant une importance particulière à la
création de mécanismes pour la conciliation et l‘arbitrage internationaux [… Désirant établir ces
mécanismes sous les auspices de la Banque internationale pour la reconstruction et le
développement ;
9
Voir Rapport des administrateurs sur la convention pour le règlement des différends relatifs aux
investissements entre États et ressortissants d‟autres États, au para 16 [Rapport des
administrateurs de la Convention] ; Voir aussi Convention CIRDI supra note 1, art 2 et 5.
10
A. BROCHES, « The Convention on the settlement of Investment Disputes between States and
Nationals of Other States », RC, v. 136 (1972 — II), pp 348-9 [Broches, « The convention »].
Revue Burundaise de Droit et Société
129
À la date du 12 avril 2016, 161 pays avaient déjà signé la Convention CIRDI et
parmi ceux-là, 153 ont déposé leurs instruments de ratification consacrant de cette
manière la compétence du CIRDI12.
11
CIRDI : en ligne <
https://icsid.worldbank.org/en/Documents/icsiddocs/Liste%20des%20Etats%20Contractants%20et
%20Signataires%20de%20la%20Convention%20-%20Latest.pdf > ; Le Burundi a signé la
convention le 17 février 1967. Il a déposé ses instruments de ratification le 5 novembre 1969 et la
convention est entrée en vigueur le 5 décembre 1969.
12
La liste des États contractants et autres signataires de la Convention (CIRDI/3) tenue par le
CIRDI, en ligne : ICSID<https://icsid.worldbank.org/fr/Pages/icsiddocs/List-of-Member-
States.aspx> ; Le Gouvernement de la République de la Bolivie a transmis au dépositaire, le 2 mai
2007 une notification par écrit de la dénonciation de la Convention par la Bolivie qui a pris effet
six mois après sa réception, c‘est-à-dire le 3 novembre 2007. Le Gouvernement de la République
de l‘Équateur a transmis au dépositaire, le 6 juillet 2009, une notification par écrit de la
dénonciation de la Convention par l‘Équateur qui a pris effet six mois après réception de ladite
notification, c‘est-à-dire le 7 janvier 2010. Le Gouvernement de la República Bolivariana du
Venezuela a transmis au dépositaire, le 24 janvier 2012, une notification par écrit de la
dénonciation de la Convention par la República Bolivariana du Venezuela qui a pris effet six mois
après réception de ladite notification, c‘est-à-dire le 25 juillet 2012. Toutes ces notifications ont été
faites en vertu de l‘article 71 de la Convention CIRDI.
13
Voir article 5 Convention CIRDI supra note 1. Rapport des administrateurs de la Convention,
supra note 6 au para 18.
Revue Burundaise de Droit et Société
130
Cet objectif de la convention était particulièrement alléchant surtout pour les pays
africains en développement qui se battaient pour éradiquer une pauvrette
14
Convention CIRDI supra note 1, art 4 (1).
15
Pour les attributions du secrétariat, voir articles 9 à 11 de la Convention CIRDI supra note 1 et le
Règlement administratif et financier).
16
Historique de la Convention CIRDI, Volume I page 3<
https://icsid.worldbank.org/en/Documents/resources/History%20of%20ICSID%20Convention%20
-%20VOLUME%20I.pdf >
17
Ibid.
Revue Burundaise de Droit et Société
131
Ainsi se trouvaient justifiés les liens économiques qui servent de trait d‘union
entre le CIRDI et son organisme parrain. En énonçant la mission du CIRDI, la
convention dispose que le Centre a pour objet « d‘offrir des moyens de
conciliation et d‘arbitrage pour régler les différends relatifs aux investissements
opposant des États contractants à des ressortissants d‘autres États contractants,
conformément aux dispositions de la présente Convention »20.
18
CNUCED, « Rapport 2016 sur les pays les moins avancés : Le processus de reclassement et au-
delà : tirer parti de la dynamique », Ce rapport affirme : Les projections établies aux fins du
présent rapport ont des conséquences importantes pour la composition du groupe des PMA au
cours des dix prochaines années. En 2025, si les projections s‘avèrent correctes dans l‘ensemble :
Le groupe des PMA serait composé de 32 pays, tous situés à deux exceptions près (Cambodge et
Haïti) en Afrique.
19
Voir I. F. I. SHIHATA, « Towards a Greater Depoliticization of Investment Disputes: The Role
of ICSID and MIGA » (1986) 1ICSID Review-FILJ1 à la p 26) [Shihata, « Depoliticization »]
p 26 : The International Centre for Settlement of Investment Disputes (ICSID or the Centre), was
created by the Convention on the Settlement of Investment Disputes (the ICSID Convention) to
provide a forum for conflict resolution in a framework which carefully balances the interests and
requirements of all the parties involved, and attempts in particular to “depoliticize” the settlement
of investment disputes.
20
Art 1 (2) de la Convention CIRDI supra note 1.
Revue Burundaise de Droit et Société
132
D‘autre part, le respect du principe d‘immunité des États étrangers militait pour le
rejet d‘une procédure enclenchée contre l‘État d‘accueil dans le pays de
territorialité de l‘investisseur21.
Le CIRDI était par ailleurs une alternative à la protection diplomatique qui, dans
le passé, a été abusivement utilisée22. Son usage inapproprié a suscité la méfiance
des pays en développement en son égard et plus spécifiquement des dénonciations
de cet outil juridique par certains pays notamment d‘Amérique latine 23. Dans ce
sens, la Convention CIRDI prévoit que l‘État national de l‘investisseur renonce,
en cas d‘arbitrage, à l‘exercice de son droit de protection diplomatique et à
formuler une revendication internationale à l‘encontre de l‘État partie au
différend24.
21
Le principe de l‘immunité des États étrangers a été posé pour la première fois par la Cour de
cassation dans un arrêt du 22 janvier 1849 Gouvernement espagnol c Lambeze et Pujol, arrêt
suivant lequel : « un gouvernement ne peut être soumis, pour les engagements qu‘il contracte, à la
juridiction d‘un État étranger » (Bruno Poulain, « L‘arbitrage investisseur État et le droit français
des immunités de l‘État étranger », en ligne : cbpavocats <http://cbpavocats.com/wp-
content/uploads/2013/05/Arbitrage-investisseur-Etat-et-immunit%C3%A9s.pdf>).
22
Selon Shihata, « Latin American countries in particular were exposed to abuses of diplomatic
protection and, at times, to armed intervention and occupation by foreign forces dispatched by the
governments of foreign investors » (SHIHATA, « Depoliticization », supra note 16 p 1).
23
Rappelons que c‘est dans ce cadre qu‘est intervenue la deuxième Convention de la Haye portant
renonciation à la force armée pour le recouvrement des dettes contractuelles (18 octobre 1907).
Cette Convention est dite Drago-Porter, du nom de ces deux négociateurs, Luis Drago ministre
argentin des affaires étrangères et Porter le général délégué des États-Unis à la conférence de la
Haye [Convention Drago-Porter].
24
Convention CIRDI supra note 1, art. 27 (1) : « Aucun État contractant n‘accorde la protection
diplomatique ou ne formule de revendication internationale au sujet d‘un différend que l‘un de ses
ressortissants et un autre État contractant ont consenti à soumettre ou ont soumis à l‘arbitrage dans
le cadre de la présente Convention, sauf si l‘autre État contractant ne se conforme par à la sentence
rendue à l‘occasion du différend ».
Revue Burundaise de Droit et Société
133
25
J.P. LAVIEC, « Protection et promotion des investissements », Genève, in Étude de droit
international économique, 1985, p 269.
26
Jusqu‘en 2016, 60 % des arbitrages encadrés par le CIRDI avaient pour fondement de
compétence du CIRDI la violation des clauses des TBI. Voir The ICSID Caseload – Statistics
(Issue 2016-2) pp. 10-23, en ligne :
ICSID<https://icsid.worldbank.org/en/Documents/resources/ICSID%20Web%20Stats%202016-
2%20 (English) % 20Sept%2020%20-%20corrected.pdf>. Pour les arbitrages initiees en 2016
seulement, l‘expression du consentement fondée sur la violation des clauses des TBI était de 57 %.
Voir UNCTAD, Investor–State Dispute Settlement : Review Of Developments In 2016, 2017 issue
1‖About two thirds of investment arbitrations in 2016 were brought under BITs, most of them
dating back to the 1980s and 1990s. The remaining arbitrations were based on treaties with
investment provisions (TIPs). The IIAs most frequently invoked in 2016 were the ECT (with 10
cases), NAFTA and the Russian Federation–Ukraine BIT (3 cases each)‖ p. 3.
27
En
ligne :ICSID<https://icsid.worldbank.org/en/Documents/resources/ICSID%20Web%20Stats%202
017-1%20(English)%20Final.pdf>
28
The ICSID Caseload – Statistics (Issue 2017-1), p 24, en ligne :
ICSID<https://icsid.worldbank.org/en/Documents/resources/ICSID%20Web%20Stats%202017-
1%20 (English) % 20Final.pdf>
29
Règles du mécanisme supplémentaire du CIRDI, Doc ICSID/11. Ces règles ont été adoptées en
septembre 1978 par le Conseil d‘administration du CIRDI. Leur version amendée est entrée en
vigueur en avril 2006, en ligne :
CIRDI<http://ICSID.worldbank.org/ICSID/ICSID/ViewNewsReleases.jsp>.
Revue Burundaise de Droit et Société
134
30
Voir art 2 Règles du mécanisme supplémentaire du CIRDI, Doc ICSID/11.
31
C. F.-PETERSON, L‟émergence de l‟arbitrage commercial international en Amérique latine :
l‟efficacité de son droit, Paris, Harmattan, 2003, p 206.
32
C. F.-PETERSON, L‟émergence de l‟arbitrage commercial international en Amérique latine :
l‟efficacité de son droit, Paris, Harmattan, 2003, p 206.
33
Convention CIRDI supra note 1, préambule.
34
Cette partie du préambule est ainsi libellé : « Déclarant qu‘aucun État contractant, par le seul fait
de sa ratification, de son acceptation ou de son approbation de la présente Convention et sans son
consentement, ne sera réputé avoir assumé aucune obligation de recourir à la conciliation ou à
l‘arbitrage, en aucun cas particulier […] » (voir Convention CIRDI supra note 1).
35
G. DELAUME, « ICSID Arbitration Practical Considerations » (1984) 1 J Int‘l Arb101aux
pp 104-05.
Revue Burundaise de Droit et Société
135
36
C. MCLACHLAN, L.SHORE, Matthew Weiniger, International Investment Arbitration,
Substantive Principles, Oxford University Press : 2007, p. 54. En parlant de l‘arbitrage État-
investisseur, nous désignons les arbitrages qui opposent les investisseurs étrangers et les États
d‘accueil de l‘investisseur étranger.
37
Le rapport de la direction exécutive de la Convention CIRDI supra note 1, para 23.
38
C. H. SCHREUER, The ICSID Convention :A Commentary, Cambridge University press,
Cambridge, U.K., 2001 p. 191 article 25, para. 241 in Stanimir «A. Alexandrov, The baby boom of
Treaty based Arbitrations and the jurisdiction of ICSID tribunals», The journal of World
Investment and trade Vol 6 n 3 june 2005, pp.387-388.
39
A. ALEXANDROV, The baby boom of Treaty based Arbitrations and the jurisdiction of ICSID
tribunals», The journal of World Investment and trade Vol 6 n 3 june 2005, pp.387-388.
40
Ibid.
41
A. BROCHES, « The convention », supra, p 643.
42
A. R. PARRA, « Provisions on the settlement of investment disputes in modern investment
Laws, Bilateral investment treaties, and multilateral instruments on investment », 12 ICSID Rev.
—FILJ. 2 871, 997 p 313 [Parra, ―Provisions‖].
Revue Burundaise de Droit et Société
136
L‘État exprime son consentement à se soumettre à l‘arbitrage soit dans une clause
du traité bilatéral ou multilatéral d‘investissement soit dans une réglementation
nationale sur l‘investissement. La configuration de la clause d‘engagement à
l‘arbitrage diffère d‘un traité à l‘autre quoiqu‘il existe plusieurs similitudes entre
les clauses de ce genre. Dans la plupart des traités, le consentement est exprimé
comme suit :
C‘est dans l‘affaire Asian Agricultural Products Ltd (AAPL) contre le Sri Lanka
que les arbitres ont statué pour la première fois sur la possibilité de lancer des
poursuites contre les États d‘accueil en se basant sur la violation d‘une clause
conventionnelle44. En 1987, la société AAPL immatriculée à Hong Kong avait
pris une participation minoritaire dans le capital d‘une entreprise du Sri Lanka,
Serendib Seafood Ltd. Elle a saisi le CIRDI d‘une demande tendant à voir
43
Voir art 9 (3) de l‟Accord concernant la promotion et la protection réciproques des
investissements, Maurice et Burundi, 18 mai 2001, en ligne : Kluwer arbitration
<http://www.kluwerarbitration.com/BITs. Consulté le 15 mai 2018
44
Asian Agricultural Products Ltd. c le Sri Lanka, Affaire CIRDI no ARB/87/3, Sentence, (27 juin
1990).
Revue Burundaise de Droit et Société
137
L‘article 8 (1) sur lequel s‘est fondée l‘entreprise était libellé comme suit :
Le tribunal a jugé que par cette disposition, le Sri Lanka s‘était engagé à régler
tous les litiges avec les investisseurs nationaux du Royaume-Uni sans qu‘il soit
nécessaire qu‘il ait un contrat comportant une clause compromissoire entre l‘État
et l‘investisseur ni que celui-ci n‘ait conclu un compromis avec l‘État d‘accueil47.
Le tribunal arbitral saisi a accueilli la plainte en l‘absence de tout lien contractuel
45
En ligne : Legavoxhttps://www.legavox.fr/blog/le-journal-d-une-doctorante/sentence-cirdi-juin-
1990-societe-10369.htm, consulté le 15 mai 2018.
46
Agreement for the Promotion and Protection of Investment, Royaume Uni et Sri Lanka, 13
février 1980, (entrée en vigueur au Hong Kong : 14 janvier 1981).
47
C. LEBEN, « Evolution du droit international des investissements : un rapide survol » dans
Charles Leben, dir, Le contentieux arbitral transnational relatif à l‘investissement, Paris, Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence, 2006, p16.
Revue Burundaise de Droit et Société
138
entre l‘investisseur et le Sri Lanka. Il n‘y avait pas non plus d‘accord spécial
d‘arbitrage signé entre les parties.
Après ces deux affaires, la violation des dispositions des TBI est devenue un
fondement normal pour le déclenchement de l‘arbitrage État-investisseur encadré
par le CIRDI. Telle a été en substance la position du tribunal arbitral dans l‘affaire
American Manifacturing and Trading inc. c. la République du Zaïre (AMT)49.
Ceci était aussi le cas dans l‘affaire Affimet contre la République du Burundi.
Cette compagnie dont la majorité des actionnaires étaient des ressortissants belges
a assigné le Burundi devant le CIRDI en se fondant sur une disposition du TBI50
48
ICSID case No.ARB 97/6, decision on jurisdiction, 8 December 1998, 40 I.L.M.457, 2001 at 471
para 43.
49
ICSID case No ARB/93/1, Award, 21 Février 1997, 36 I.L.M. 1534, 1997, p 1545, para 5. 23.
50
Cette requête était fondée sur l‘article 8 de la Convention concernant l‟encouragement et la
protection réciproques des investissements, Union économique belgo-luxembourgeoise et
Burundi, 13 avril 1989, (entrée en vigueur : 12 septembre 1993, en ligne : Kluwer arbitration,
<http://www .kluwerarbitration.com/document.aspx?id =ipn28569>, consulté le 15 mai 2018.
Cette demande fut enregistrée au secrétariat du CIRDI à la date du 18 décembre 1995 ; Goetz et
Consorts, supra note 1 au para 18 [Convention belgo-burundaise].
Revue Burundaise de Droit et Société
139
51
Goetz et consorts c Burundi, Affaire CIRDI no ARB/95/3, Sentence [10 février 1999] au para 81
[Goetz et consorts] au para 83.
52
CNUCED, Latest Developments 2010, supra note 3.
53
Parmi les grands traités multilatéraux d‘investissement, nous pouvons citer : Accord de libre-
échange nord-américain, Canada, États-Unis et Mexique, 17 décembre 1992, R T Can 1994 no2,
32 ILM 289, (entrée en vigueur : 1er janvier 1994), art 2006 [ALENA] ; Traité sur la Charte de
l‟énergie, 17 décembre 1994, JO L 380/24, (entré en vigueur le 17 décembre 1994), en ligne :
Traité de la Charte d‘énergie <http://www.encharter.org/upload/1/ECT-French.pdf> ; Protocole de
Colonia pour la Promotion et la Protection des Investissements dans le MERCONSUR (1994) et le
Traité sur l‟investissement conclu entre pays membres de l‟ASEAN (1987), consulté le 15 mai
2018.
54
On dénombrait 385 TBI en 1990. En 1996, on en comptait 1308. Ils ont atteint 2495 en 2005.
Pour ces statistiques, voir CNUCED, Bilateral Investment Treaties 1959–1999, ITE/IIA/2 (2000).
55
A. STANIMIR, « The baby boom of Treaty based Arbitrations and the jurisdiction of ICSID
tribunals », The journal of World Investment and trade Vol 6 no 3, june 2005, pp 387-90.
56
B. M. CREMADES and D.J.A.CAIRNS « The brave New World of Global Arbitration», 3
J.W.I.2, April 2002, pp. 173-184; G.BURDEAU, « Nouvelles perspectives pour l‘arbitrage dans
les contentieux économiques intéressant les États », in Revue de l‟arbitrage, 1995, p14).
Revue Burundaise de Droit et Société
140
Quoique ne faisant pas partie de notre étude, nous devons souligner en passant
que l‘État peut exprimer son consentement dans une loi nationale. Nous pouvons
prendre l‘exemple de la loi tunisienne du 27 décembre 1993 portant code
d‘incitation aux investissements qui dispose : « les tribunaux tunisiens sont
compétents pour connaître de tout différend entre l‘investisseur étranger et l‘État
tunisien, sauf accord prévu par une clause compromissoire ou permettant à l‘une
des parties de recourir à l‘arbitrage selon des procédures de conciliation ou
d‘arbitrage ad hoc, ou en application des procédures de conciliation ou d‘arbitrage
prévues par l‘une des conventions signées par la Tunisie » (art 67)59.
57
DELAUME, «ICSID arbitration practical considerations», 1J. Int‘l Arb.101, 1984 aux pp 104-
05.
58
A. R. PARRA, ICSID and News trends in international disputes settlement, News from ICSID
Vol. 10No 1 Winter 1993 aux pp 7-8.
59
L. DARGOUTH, « Les garanties de l‘investissement étranger en Tunisie : La teneur et la portée
de la protection internationalisée » in F. Horchani, Où va le droit des investissements : Désordre
normatif et recherche d‟équilibre, éd. pedone 2006, p 117.
Revue Burundaise de Droit et Société
141
La jurisprudence n‘a pas tardé à valider cette position. Dans l‘affaire, Tradex c.
Albanie, le tribunal arbitral a décidé que « le consentement peut être donné
unilatéralement par l‘État contractant par le biais de ses lois nationales. Le
consentement prenant effet au plus tard le jour où l‘investisseur dépose sa requête
auprès du CIRDI en invoquant la loi nationale en cause »60.
Les administrateurs de la Banque mondiale qui ont dirigé les travaux de rédaction
de la Convention de Washington ont fait de l‘expression du consentement « la
cheville ouvrière » de leur œuvre61. Dans leur conception, ils ont estimé comme
suit les modalités d‘expression du consentement :
Le consentement peut être donné, par exemple, dans une disposition d‘un
accord d‘investissement prévoyant la soumission au Centre des différends
auxquels il pourrait ultérieurement donner lieu, ou dans un compromis
concernant un litige déjà né. La convention n‘exige pas que le
consentement des deux parties soit exprimé dans le même acte juridique.
C‘est ainsi qu‘un État pourrait offrir, dans le cadre d‘une législation
destinée à promouvoir les investissements, de soumettre à la compétence
du Centre les différends résultant de certaines catégories
d‘investissements, tandis que l‘investisseur pourrait donner son
consentement en acceptant l‘offre par écrit.
60
Voir sentence sur la compétence du 26 décembre 1996, J.D.I 2000, pp 150 et s.
61
C. H SCHREUER, The ICSID Convention : À Commentary, 2e éd, Cambridge (England),
Cambridge University Press, 2009 aux pp 190–92 [Schreuer, The ICSID Convention, 2e éd] ;
Broches, « The Convention », supra note 7.
Revue Burundaise de Droit et Société
142
62
Pour la distinction entre l‘arbitrage commercial classique et l‘arbitrage d‘investissement, voir
V.P. KONSTANZE, « Biting the Bullet or Redefining 'Consent' in Investor-State Arbitration? Pre-
Arbitration Requirements after BG Group v Argentina»,16 Journal of World Investment and Trade
695 (2015).
63
En parlant d‘arbitrage d‘investissement CIRDI, nous faisons référence aux conflits entre les
investisseurs étrangers et les États d‘accueil dont le consentement à l‘arbitrage CIRDI résulte de la
violation des obligations des TBI ou des accords de libre-échange bilatéraux ou multilatéraux qui
comportent des dispositions autorisant les investisseurs étrangers à saisir le CIRDI. Pour désigner
ce genre d‘arbitrage, nous utilisons également les expressions arbitrage, différend ou conflit État-
investisseur.
64
ICSID, « Model Clauses (Treaties) » Doc. ICSID/6 (1969), para. 20, p 10.
65
M. D. NOLAN, F.G. SOURGENS, « Limits Of Consent – Arbitration Without Privity And
Beyond », en ligne<
https://www.milbank.com/images/content/1/1/1106/073010_Liber_Amicorum_Update.pdf>
consulté le 29 mai 2018.
Revue Burundaise de Droit et Société
143
Cet auteur considère que « This new world of arbitration is one where the
claimant need not have a contractual relationship with the defendant and where
the tables could not be turned : the defendant could not have initiated the
arbitration nor is it certain of being able even to bring a counterclaim »68.
L‘investisseur donne son consentement en acceptant l‘offre étatique par écrit 69. Le
dépôt d‘une plainte d‘arbitrage contre le gouvernement d‘accueil constitue donc
66
Voir article 20 du code des investissements de la Côte d‘Ivoire de 2012 qui dispose : Le
consentement des parties à la compétence du CIRDI ou du mécanisme supplémentaire, selon le
cas, requis par les instruments les régissant est constitué, pour la République de Côte d‘Ivoire par
le présent article dans Société Resort Company Invest Abidjan, Stanislas and Gérard Bot v
Republic of Côte d‟Ivoire (ICSID Case No. ARB/16/11) au para 58. Le Code burundais prévoit
aussi cette possibilité en son article 17 : Le règlement des différends relatifs à l‘application du
code des investissements entre le Gouvernement et l‘investisseur et qui ne sont réglés par voie
amiable se réalise conformément aux lois et règlements de fonds et de procédure en vigueur au
Burundi. Le règlement des différends peut-être réalisé, au choix de l‘investisseur, par un arbitrage
institutionnel interne ou par un arbitrage international.
Lorsqu‘il est fait recours à l‘arbitrage international, celui-ci se conformera aux règles d‘arbitrage
du Centre International pour le Règlement des Litiges relatifs aux investissements en vigueur au
moment de la réalisation des investissements auxquels le différend est lié. Voir la loi n° 1/24 du 10
septembre 2008 Portant code des investissements du Burundi.
67
J. PAULSON, « Arbitration Without Privity », (1995) 10 ICSID Rev.-F.I.L.J.232.
68
Ibid.
69
Dans l‘affaire Lanco, le tribunal a affirmé : By contrast, in treaty-based arbitrations, the
arbitration agreement is formed when the investor accepts the host state‘s offer to arbitrate
contained in the dispute resolution clause of the relevant International Investment Agreement,
usually by filing a notice of arbitration.―the consent of the investor who is a national of the other
Contracting State, must be given by the investor in writing, since the consent of the State is not
Revue Burundaise de Droit et Société
144
binding on the investor.‖ Lanco International Inc v Argentina, ICSID Case N° ARB/97/6,
Preliminary Decision on Jurisdiction, dated December 8, 1998, at § 43.Voir Rapport des
administrateurs de la Convention supra note 6 au para 24.
70
Dans l‘affaire Goetz et consorts c le Burundi, le tribunal arbitral a jugé que « [l] e consentement
de la République du Burundi ressort de sa ratification de la [C] onvention [de protection des
investissements] ; celui des requérants ressort du dépôt de la requête d‘arbitrage » (Goetz et
consorts c le Burundi, Affaire CIRDI no ARB/95/3, Sentence, [10 février 1999] au para 81 [Goetz
et consorts].
aux pp 202–05.
71
PARRA, « Provisions », p 313.
72
Voir Rapport des administrateurs de la Convention, supra note 6 au para. 24.
73
Voir Convention CIRDI, supra, note 1art 25 (1).
Revue Burundaise de Droit et Société
145
La société SSP a actionné l‘Égypte avec succès en se fondant sur une offre
unilatérale d‘arbitrage contenue dans une réglementation sur la promotion des
investissements75. Après cette affaire, le déclenchement de l‘arbitrage sur une
promesse unilatérale d‘arbitrage contenue dans les réglementations sur
l‘investissement est devenu une pratique courante dans la saisine des tribunaux
arbitraux du CIRDI76.
Après ce fondement de l‘arbitrage sur une offre insérée dans une législation sur
l‘investissement, c‘était le tour des arbitrages CIRDI fondés sur des offres
unilatérales exprimées par les États d‘accueil dans les TBI. Le recours à cet
arbitrage d‘investissement s‘est matérialisé pour la première fois au sein du
CIRDI en 1991 avec la réclamation de la société AAPL contre le Sri Lanka77.
74
Voir aussi l‘Accord de promotion et de protection réciproque des investissements, Burundi-
Maurice, 18 mai 2001, art 4 (5), en ligne : Kluwer arbitration
<http://www.kluwerarbitration.com/BITs.aspx?country=Mauritius>, consulté le 18 mai 2018.
75
Voir aussi Southern Pacifique Properties (SPP) Limited c la République Arabe d‟Égypte (1992),
32 ILM 933 p 1008 (CIRDI) [Southern Pacifique Properties (SPP)]. La clause était ainsi libellée :
Investment disputes in respect of the implementation of the provisions of this Law shall be
settled… within the framework of the convention for the settlement of investment disputes between
the state and the nationals of other countries to which Egypt has adhered by virtue of law no 90 of
1971, where it applies. Tel que tiré de Jan Paulsson, « Arbitration Without Privity » (1995) 10:2
ICSID rev 232.
76
Voir par exemple Manufacturers Hanover Trust Company, July 31 1995 ou encore Gaith
Pharaon c Tunisie où l‘investisseur s‘est fondé sur une disposition du code des investissements
tunisien de 1969 pour justifier la compétence du CIRDI.
77
Asian Agricultural Products Limited c Republic of Sri Lanka, (1991), 30 ILM 580 (CIRDI).
Revue Burundaise de Droit et Société
146
Parfois, les États contractants émettent des conditions pour le bénéfice de l‘offre
d‘arbitrage. Et dans ce cas, le tribunal arbitral saisi peut voir sa compétence
remise en cause si l‘une des conditions venait à manquer. Ce problème s‘est posé
dans l‘affaire BG Group contre Argentina78. Le tribunal arbitral saisi s‘est déclaré
compétent pour connaître de l‘affaire79.
Se référant à cette décision de l‘AMT, le tribunal arbitral dans l‘affaire Goetz et
consorts contre la République du Burundi a clairement expliqué que « le
consentement de la République du Burundi ressort de sa ratification de la
convention [de protection des investissements] ; […] celui des requérants ressort
du dépôt de la requête d‘arbitrage »80. Ce consentement connaît certaines limites
en cas de dénonciation des instruments juridiques dans lesquels il est exprimé.
78
BG Group Plc. V The Republic of Argentina, Final Award. 24 Dec 2007. Parmi les conditions
posées par le TBI (Article 8 [2] [a]), arbitration was possible : (i) where, after a period of 18
months has elapsed from the moment when the dispute was submitted to the competent tribunal
[i.e. a local Argentine court] …,the said tribunal has not given its final decision; [or](ii) where the
final decision of the aforementioned tribunal has been made but the Parties are still in dispute.
Alternatively, according to Article 8(2) (b) arbitration was possible: „where the Contracting Party
and the investor of the other Contracting Party have so agreed.
79
Ibid aux pp 155-57.
80
Goetz et consorts c République du Burundi (Goetz), ICSID case N° ARB/95/3, Award
Embodying the parties settlement agreement, 10 february 1999,15 ICSID rev.-F.I.L.J. 457, 2000,
aux pp 493-94 au para 81.
Revue Burundaise de Droit et Société
147
81
La Bolivie a envoyé une note de dénonciation de la Convention CIRDI sous l‘article 71 de cette
dernière. Pour plus de détails voir ICSID News Release, May 16, 2007. Le Nicaragua et le Cuba
ont aussi menacé de dénoncer la convention CIRDI. Voir « Mark Weisbrot, IMF and World Bank
Face Declining Authority as Venezuela Announces Withdrawal, Venezuela Analysis Report »,
dated May 4, 2007, en ligne, <https://www.huffingtonpost.com/mark-weisbrot/imf-and-world-
bank-face-d_b_47562.html> consulté le 20 mai 2018.
82
ICSID, List of Contracting States and Other Signatories of the Convention (as of November 17,
2015) 4-5. Le 2 mai 2007, la Banque mondiale a reçu la notification de la dénonciation émanant de
la Bolivie. Cette dénonciation est entrée en vigueur le 3 novembre 2007. Le 6 juillet 2009, la
Banque mondiale a reçu la notification de l‘Équateur dont les effets ont commencé le 7 janvier
2010 sous les termes de l‘article 71. Le Venezuela a dénoncé la Convention en 2012.
Revue Burundaise de Droit et Société
148
La réponse varie selon que le TBI dans lequel l‘État a exprimé son consentement
à l‘arbitrage d‘investissement prévoit soit le seul recours à l‘arbitrage CIRDI à
l‘exclusion de tous les autres systèmes d‘arbitrage, soit la possibilité de saisine
d‘autres institutions d‘arbitrage en plus du CIRDI.
83
Voir article 71 de la Convention CIRDI, supra note 1.
84
S. RIPINSKY, «Venezuela‘s Withdrawal From ICSID: What it Does and Does Not Achieve»
(13 April 2012) Investment Treaty News (online). Voir aussi art 8 (2) de l‘accord entre le Chili et
le Venezuela concernant la promotion et la protection réciproque des investissements signé le 2
avril 1993 (entré en vigueur le 25 mai 1995).
Revue Burundaise de Droit et Société
149
Dans cette ligne de pensée, nous soutenons qu‘il est rationnel de considérer que
les obligations intouchables dont l‘article 72 énonce sont celles qui sont
antérieures à la réception par le CIRDI de la notification de dénonciation. Tout
compte fait, nous estimons que pendant la période de survie de six mois qui
suivent la date de la notification, l‘État dénonçant reste lié86. C‘est du moins la
position du tribunal dans l‘affaire Venoklim87 qui a rejeté la prétention du
Venezuela qui considérait que l‘investisseur ne pouvait pas initier une réclamation
dans les six mois suivant la notification de la dénonciation88. Pour les arbitres
dans cette affaire89, la référence au consentement à l‘arbitrage sous CIRDI
contenu dans l‘article se réfère à l‘offre unilatérale du consentement à l‘arbitrage
par l‘État d‘accueil et non à un tel consentement une fois déjà accepté par
l‘investisseur90.
D‘ailleurs, la raison d‘être de cette période de six mois serait de permettre d‘une
part à l‘État de revenir sur sa décision s‘il le juge nécessaire et d‘autre part à
l‘investisseur étranger de saisir l‘opportunité d‘initier l‘arbitrage avant qu‘il ne
soit forclos.
85
Convention CIRDI, supra note 1, art 72.
86
Venoklim Holding BV v Venezuela, ICSID Case No ARB/12/22, Award (3 April 2015) [62]-[63]
(Venoklim v Venezuela).
87
Ibid.
88
Ibid.
89
Ibid.
90
Ibid au para 65.
Revue Burundaise de Droit et Société
150
Hormis cette période de six mois, il n‘y a pas une autre clause de survie qui
permet à la Convention CIRDI de continuer à s‘appliquer après les six mois
contrairement aux autres accords internationaux d‘investissement. Cela se
91
Convention CIRDI, supra note 1.
92
Voir UNCTAD, « Denunciation of the ICSID Convention and BITS: Impact on Investor-State
Claims », (IIA Issues Note No 2, December 2010) [UNCTAD, «Denunciation»]
93
M. D. NOLAN, et F. G. SOURGENS, « A Preliminary Comment – The Interplay Between State
Consent to ICSID Arbitration and Denunciation of the ICSID Convention: The (Possible)
Venezuela Case Study », Septembre 2007, Transnational Dispute Management, p. 20. The “offer”
to arbitrate is not itself “consent in writing to submit to the Centre.” It is an offer to “consent in
writing to submit to the Centre.‖ Thus, prior to being accepted, the “offer” does not on its own
bind the state to arbitrate before ICSID, as the offer could always be withdrawn.
Revue Burundaise de Droit et Société
151
94
C. SCHREUER, the ICSID Convention: A Commentary 1286 (2001): ―Consent is only perfected
after it has been accepted by both parties. Therefore, a unilateral offer of consent by the host State
through legislation or a treaty before a notice under Arts. 70 or 71 would not suffice. The effect of
continued validity of consent would only arise if the offer was accepted in writing by the investor
before the notice of denunciation or exclusion.‖[ Schreuer, the ICSID Convention]
95
B.H.WALID, «La dénonciation de la Convention de Washington : un adieu ou un simple au
revoir, in Ferhat Horchani (dir.). CIRDI, quarante ans après : bilan d‘un système », Paris, Pedone,
2011, p 117.
96
Schreuer, ―the ICSID Convention”, supra note 91 p 206 :
“While a host State may express its consent to ICSID‟s jurisdiction through legislation, the
investor must perform some reciprocal act to perfect consent. Even where consent is based on the
host State‟s legislation, it can only come into existence through an agreement between the
parties.‖
97
Article 54 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, 1155 UNTS 331
(entrée en vigueur : 27 janvier 1980), art 2 (1) (d) [Convention de Vienne].
Revue Burundaise de Droit et Société
152
La dénonciation ou le retrait est un acte par lequel un État partie à un traité met fin
unilatéralement à son statut d‘État membre98. Dans le cadre d‘un traité bilatéral, la
survenance de la dénonciation met fin audit traité puisqu‘il est composé de deux
membres par définition. Mais l‘on ne doit pas oublier la clause survie qui est une
pratique conventionnelle assez répandue99.
98
UN Office of Legal Affairs, Final Clauses of Multilateral Treaties Handbook (UN Sales
No E04V32003) (‗Final Clauses Handbook‘) 109 (‗The words denunciation and withdrawal
express the same legal concept‟). Anthony Aust asserts that „although the term denunciation is
sometimes used in relation to a multilateral treaty, the better term is withdrawal, since if a party
leaves a multilateral treaty that will not normally result in its termination‟. A Aust, Handbook of
International Law (CUP, Cambridge 2010) 93. Although there is much to recommend this view, in
fact multilateral agreements use both terms interchangeably.
99
K. GORDON & J. POHL, «Investment Treaties over Time – Treaty Practice and Interpretation
in a Changing World», OECD Working Papers on International Investment 19 (OECD Publishing
2015).
100
Dans le traité Colombie-France de 2014 par exemple cette période est de 5. Elle est de 20 ans
dans le traité de 2013 entre Maurice et Koweit.
101
Voir UNCTAD, « Denunciation », p 3 ; James Harrison, « The European Union and South
Korea: The Legal Framework for Strengthening », p 121.
102
C. TITI, « Most-Favoured-Nation Treatment: Survival Clauses and Reform of International
Investment Law », Journal of International Arbitration 33, n° 5 (2016), 425–40 [Catharine, «Most-
Favoured-Nation]
Revue Burundaise de Droit et Société
153
Quel que soit le mode opératoire de la clause de survie, celle-ci ne devrait pas
avoir pour effet de limiter la possibilité des États de terminer le traité, car c‘est
une prérogative de leur souveraineté105. La Convention de Vienne sur le droit des
103
Art 13 (2) (3) de l‘Accord de promotion et de protection réciproque des investissements,
Burundi-Maurice, 18 mai 2001, art 4 (5), en ligne : Kluwer arbitration
<http://www.kluwerarbitration.com/BITs.aspx?country=Mauritius> [Accord Burundi-Maurice].
104
Voir Art 22 (3) du modèle de TBI américain de 2012 en ligne : Gouvernement américain
<http://www.state.gov/e/eb/ifd/bit/index.htm>, consulté le 20 mai 2018.
105
Voir article 54 de la Convention de Vienne, supra note 94 ; En son article 70 (1) cette
Convention dispose :
Revue Burundaise de Droit et Société
154
Lorsque les parties mettent fin à leur traité par consentement et le remplace par un
autre nouveau, certains auteurs soutiennent que « the survival clause in the
« 1. À moins que le traité n‘en dispose ou que les parties n‘en conviennent autrement, le fait qu‘un
traité a pris fin en vertu de ses dispositions ou conformément à la présente Convention : a) libère
les parties de l‘obligation de continuer d‘exécuter le traité ; b) ne porte atteinte à aucun droit,
aucune obligation ni aucune situation juridique des parties, créés par l‘exécution du traité avant
qu‘il ait pris fin. 2. Lorsqu‘un État dénonce un traité multilatéral ou s‘en retire, le paragraphe 1
s‘applique dans les relations entre cet État et chacune des autres parties au traité à partir de la date
à laquelle cette dénonciation ou ce retrait prend effet ».
106
Art 54 Convention de Vienne supra note 94.
107
Slovakia (1/5/ 2004), Italy (30 /4/2009), Slovenia (10/6/2009), Denmark (18/11/ 2009), Malta
(30/9/2010), Estonia (20/2/ 2011), Ireland (1/12/ 2011) .
108
Luke Eric Peterson, « Czech Republic terminates investment treaties in such a way as to cast
doubt on residual legal protection for existing investments » (1 February 2011) Investment
Arbitration Reporter (online) ;
109
Catharine, « Most-Favoured-Nation » supra note 99.
110
Australia-Chile FTA, Annex 10-E, para 3 (‗Termination of the Bilateral Investment
Agreement‘).
Revue Burundaise de Droit et Société
155
Au regard des considérations précédentes, nous estimons que les parties qui
mettent mutuellement fin à l‘accord et qui par la suite décident de paralyser
111
Catharine, « Most-Favoured-Nation » supra note 99.
112
Binder v Czech Republic, Ad Hoc Arbitration, UNCITRAL Rules, Award on Jurisdiction (6 juin
2007) aux para 63 et 66.
113
T. VOON, and A.D. MITCHELL, «Denunciation, Termination and Survival: The Interplay of
Treaty Law and International Investment Law» (2016) ICSID Review, p 23, en ligne:
<https://ssrn.com/abstract=2735974>.
114
CATHARINE, « Most-Favoured-Nation » supra note 99, p13.
115
Ibid.
116
Article 22 of the US Model BIT of 2012.
Revue Burundaise de Droit et Société
156
Étant donné que sous l‘arbitrage CIRDI, la problématique des clauses survies est
d‘une apparition récente, la question de leurs effets sur les garanties procédurales
reste un champ béant des recherches117.
117
J. HARRISON, «The Life and Death of BITs: Legal Issues Concerning Survival Clauses and
the Termination of Investment Treaties» (2012) 13 Journal of World Investment & Trade 928-50.
118
A ce sujet, Brown estime que « there is nothing that would suggest that the effects of the
survival clause would be limited to the BIT‟s substantive protections. On the contrary the wording
suggests that the clause equally applies to the dispute-settlement provisions. Commentaries on
Selected Model Investment Treaties », publié par Chester Brown, p588.
119
Eastern Sugar B.V.(Netherlands) v The Czech Republic, Partial Award. 27 Mar 2007 au
para 175.
120
Binder v Czech Republic, Ad Hoc Arbitration, UNCITRAL Rules, Award on Jurisdiction (6
June 2007) au para 172.
Revue Burundaise de Droit et Société
157
Le tribunal dans l‘affaire oostergetel v slovak republic est allé dans la même
direction en décidant que if recourse is taken to the provisions of the BIT, it
becomes apparent that the investor's rights thereunder are secured for another
fifteen years after the termination of the BIT121.
Le raisonnement du tribunal dans cette affaire est instructif au regard des États qui
souhaitent limiter l‘application de la clause survie à leur consentement. Ils doivent
clairement exprimer leur intention en suivant la procédure prévue dans le traité
bilatéral d‘investissement122.
121
Jan Oostergetel and Theodora Laurentius v The Slovak Republic, Case ID : UNCITRAL au
para 97.
122
Ibid.
Revue Burundaise de Droit et Société
158
CONCLUSION GENERALE
Nous aurons constaté tout au long de l‘étude que la notion de consentement est la
pierre angulaire du fonctionnement du système CIRDI.
Dans ce dernier cas, l‘État dispose de plusieurs options pour manifester son
consentement. Il peut soit émettre directement son consentement par le biais d‘une
clause compromissoire contenue dans une convention d‘investissement conclue
avec l‘investisseur étranger123, il peut soit exprimer son consentement à travers
une loi comme nous l‘avons déjà indiqué124. Enfin, le consentement de l‘État peut
aussi s‘exprimer par le biais des traités internationaux qui peuvent être bilatéraux
(TBI) ou multilatéraux. Dans tous les cas, ce consentement doit être exprimé
d‘une manière claire et non équivoque comme le dispose l‘article 25 de la
convention CIRDI. Cet article impose que le consentement de l‘État soit donné
par écrit, mais il laisse tout de même à l‘État le libre choix de la forme de cette
condition.
123
M. PRECIGOUT, « La théorie du contrat d‘État et l‘évolution du droit des investissements »,
RCDADI, Tome
302, (2003), p 201-86.
124
De plus en plus de pays en voie de développement y recourent pour attirer les investissements.
Voir à ce sujet les commentaires de SCHREUER, The ICSID Convention : A Commentary,
Cambridge University Press (2009).
Revue Burundaise de Droit et Société
159
125
Il a été jugé en effet que cette requête constitue une formalité suffisante de la part de
l‘investisseur. Voir notamment les jugements : Tradex v Albania, Décision sur la Compétence du
tribunal arbitral du 24 décembre 1996 ; Zhinvali v Georgia, décision du 24 janvier 2003.
126
H. FOUILLET, « Le Consentement de l‘État à l‘Arbitrage du Centre International du
Règlement des Différends relatifs à l‘Investissement » 2011, p 29.
Revue Burundaise de Droit et Société
160
BIBLIOGRAPHIE
2. BROWN estime que « there is nothing that would suggest that the effects
of the survival clause would be limited to the BIT‟s substantive
protections. On the contrary the wording suggests that the clause equally
applies to the dispute-settlement provisions. Commentaries on Selected
Model Investment Treaties », publié par Chester Brown, p588.
3. CNUCED, « Rapport 2016 sur les pays les moins avancés : Le processus
de reclassement et au-delà : tirer parti de la dynamique ».
4. CNUCED, Bilateral Investment Treaties 1959–1999, ITE/IIA/2 (2000).
5. CREMADES B. M. and CAIRNSJ.A. «The brave New World of Global
Arbitration», 3 J.W.I.2, April 2002, pp. 173-184; BURDEAU G.,
« Nouvelles perspectives pour l‘arbitrage dans les contentieux
économiques intéressant les États », in Revue de l‟arbitrage, 1995, p14).
6. DELAUME G. , « ICSID Arbitration Practical Considerations » (1984) 1 J
Int‘l Arb101.
7. DELAUME, «ICSID arbitration practical considerations», 1J.
Int‘l Arb.101, 1984.
8. FOUILLET H., « Le Consentement de l‘État à l‘Arbitrage du Centre
International du Règlement des Différends relatifs à
l‘Investissement » 2011.
9. GORDON K & POHL J., «Investment Treaties over Time – Treaty
Practice and Interpretation in a Changing World», OECD Working Papers
on International Investment 19 (OECD Publishing 2015).
10. HARRISON J., « The European Union and South Korea: The Legal
Framework for Strengthening ».
11. HARRISON J., «The Life and Death of BITs: Legal Issues Concerning
Survival Clauses and the Termination of Investment Treaties» (2012) 13
Journal of World Investment & Trade 928-50.
12. ICSID News Release, May 16, 2007. Le Nicaragua et le Cuba ont aussi
menacé de dénoncer la convention CIRDI. Mark Weisbrot, IMF and
World Bank Face Declining Authority as Venezuela Announces
Withdrawal, Venezuela Analysis Report», May 4, 2007, en ligne,
<https://www.huffingtonpost.com/mark-weisbrot/imf-and-world-bank-
face-d_b_47562.html>.
13. ICSID, « Model Clauses (Treaties) » Doc. ICSID/6 (1969).
14. ICSID, List of Contracting States and Other Signatories of the Convention
(as of November 17, 2015).
15. KONSTANZE V.P., « Biting the Bullet or Redefining 'Consent' in
Investor-State Arbitration? Pre-Arbitration Requirements after BG Group
v Argentina»,16 Journal of World Investment and Trade 695 (2015).
16. LAMIA D, « Les garanties de l‘investissement étranger en Tunisie : La
teneur et la portée de la protection internationalisée » in F. Horchani, Où
va le droit des investissements : Désordre normatif et recherche
d‟équilibre, éd. pedone 2006.
17. LAVIEC J.P, « Protection et promotion des investissements », Genève, in
Étude de droit international économique, 1985.
18. NOLAN M.D., SOURGENS, F G. « A Preliminary Comment – The
Interplay Between State Consent to ICSID Arbitration and Denunciation
of the ICSID Convention: The (Possible) Venezuela Case Study »,
Septembre 2007, Transnational Dispute Management.
19. NOLAN M.D., SOURGENS, F.G., « Limits Of Consent – Arbitration
Without Privity And Beyond », en ligne<
https://www.milbank.com/images/content/1/1/1106/073010_Liber_Amico
rum_Update.pdf>.
30. STANIMIR A., « The baby boom of Treaty based Arbitrations and the
jurisdiction of ICSID tribunals », The journal of World Investment and
trade Vol 6 no 3, june 2005.
31. TITI, C., « Most-Favoured-Nation Treatment: Survival Clauses and
Reform of International Investment Law », Journal of International
Arbitration 33, n° 5 (2016).
32. UNCTAD, «Denunciation of the ICSID Convention and BITS: Impact on
Investor-State Claims», (IIA Issues Note No 2, December 2010).
33. UNCTAD, Investor–State Dispute Settlement : Review Of Developments
In 2016, 2017 issue 1.
34. VOON, T. and MITCHELL A. D., «Denunciation, Termination and
Survival: The Interplay of Treaty Law and International Investment Law»
(2016) ICSID Review.
35. WALID B. H., «La dénonciation de la Convention de Washington : un
adieu ou un simple au revoir, in Ferhat Horchani (dir.) CIRDI, quarante
ans après : bilan d‘un système », Paris, Pedone, 2011.
V. Jurisprudence
INTRODUCTION GENERALE
1. Enoncé de l’étude
L’asile est le fait pour l’État d’accorder la protection sur son territoire à des
ressortissants d’un autre État qui fuient par crainte de la persécution ou d’un
danger grave. Une personne qui se voit accorder l’asile devient un réfugié.
Le réfugié est ainsi la personne dont la demande d’asile a déjà fait l’objet d’une
décision définitive de la part d’un pays d’accueil. Le réfugié est à distinguer du
demandeur d’asile qui est la personne dont la demande d’asile n’a pas encore fait
l’objet d’une décision définitive de la part d’un pays d’accueil2.
1
Professeur du Droit international public des droits de l’homme, Droit international humanitaire,
Droit international des affaires à l’Université du Burundi et dans d’autres universités.
2
Pour plus de précisions sur le concept « réfugié » et les autres notions qui lui sont voisines, voy.
notamment :
- J-Y CARLIER et al., Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruxelles, Bruylant, 1998 ;
- C. D’ORSI, La définition du « réfugié » dans les législations africaines : une analyse
comparative critique, working paper n°121, in new issues in refugee research, UNHCR,
2006.
3
HCR, PROTECTION DES REFUGIES : Guide sur le droit international relatif aux réfugiés qui
été élaboré par les Parlementaires membres du Bureau de la Commission sur les questions
Revue Burundaise de Droit et Société
170
Le réfugié statutaire est la personne considérée comme réfugiée aux termes des
instruments internationaux qui étaient en vigueur avant la Convention de 1951
relative au statut des réfugiés.
Le réfugié sur place est la personne qui n’était pas réfugiée lorsqu’elle a quitté son
pays d’origine, mais qui devient réfugiée à une date ultérieure, en raison des faits
survenus dans l’intervalle. Les réfugiés sur place peuvent craindre d’être
persécutés en raison d’un changement survenu dans leur pays d’origine, par
exemple du fait d’un coup d’État, ou en raison d’activités politiques menées de
bonne foi dans leur pays d’accueil.
normes ou des éléments fondamentaux qui doivent figurer dans toute législation
nationale spécifique aux réfugiés.
Cette protection internationale du réfugié doit être complétée par une protection
nationale car, protéger les réfugiés est une responsabilité qui incombe en premier
lieu aux États.
En effet, l’adoption d’une législation nationale sur les réfugiés, fondée sur les
normes internationales, est indispensable au renforcement de l’asile car elle
accroît l’efficacité de la protection et fournit une assise à la recherche de solutions
aux problèmes des réfugiés. L’asile demeure essentiellement un privilège des
Etats4.
2. Approche méthodologique
4
J-Y CARLIER, L’état du droit international3, in F.RIGAUX, Droit d’asile, Bruxelles, Story
Scientia, 1988, P.29.
5
HCR, op.cit., PP.107-110.
Revue Burundaise de Droit et Société
172
3. Enoncé du plan
Comme pour les autres pays, les réfugiés sont protégés au Burundi d’une part par
les instruments internationaux auxquels le Burundi est partie et d’autre part par la
législation interne.
Au sein des instruments universels, la protection des réfugiés est assurée non
seulement par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme mais
aussi par des instruments internationaux spécifiques à cette catégorie de
personnes.
6
Ces instruments sont énoncés dans l’article 19 de cette Constitution qui dispose que « Les droits
et devoirs proclamés et garantis, entre autres, par la Déclaration universelle des droits de l’homme,
les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, la Charte africaine des droits de l’homme
et des peuples, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant font partie intégrante de la Constitution de
la République du Burundi ».
Revue Burundaise de Droit et Société
174
Cette Déclaration que le Burundi a signée7 depuis 1962 comprend 3 articles qui
font référence aux réfugiés:
Ce Pacte auquel le Burundi est partie8 depuis 1990 contient deux articles qui font
référence aux droits des réfugiés:
7
voy. BOB, 1962, P.61
8
Le Burundi est partie à ce Pacte depuis le Décret-loi n° 1/009 du 14 mars 1990 portant
ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Codes et lois du Burundi,
2010, T.1, P.156.
Revue Burundaise de Droit et Société
175
- Article 13: « Un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d’un Etat
partie … ne peut être expulsé qu’en exécution d’une décision prise
conformément à la loi et … il doit avoir la possibilité de faire valoir les
raisons qui militent contre son expulsion et de faire examiner son cas par
l’autorité compétente (…) ». Cet article conditionne l’expulsion d’un
demandeur d’asile à l’exécution d’une décision prise conformément à la loi
et par une autorité compétente.
Dans cette Convention qui lie9 le Burundi depuis 1992, les réfugiés sont protégés
par l’article 3 qui dispose que : « Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni
n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire
qu'elle risque d'être soumise à la torture ».
Cet article interdit aux Etats de refouler ou d’extrader une personne vers un Etat
où sa vie, sa liberté seraient en danger ou dans un pays où il risque d’être soumis à
la torture. C’est une manière de dire indirectement qu’au lieu d’expulser,
d’extrader ou de refouler la personne soumise à ce risque, l’État partie à cette
convention doit permettre son asile.
9
Le Burundi y est partie depuis le Décret-loi n° 1/047 du 31 décembre 1992 portant adhésion à la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Revue Burundaise de Droit et Société
176
Cette Convention à laquelle le Burundi est partie10 depuis 1963 est le fondement
du droit des réfugiés ou la pierre angulaire de la protection des réfugiés.
10
Le Burundi a ratifié cette Convention par la lettre n°/049/403 du 19 juillet 1963.
11
Le Burundi a adhéré à ce Protocole par le Décret-loi n°1/45 du 07 août 1969.
12
H.C.R., op.cit., P.11.
Revue Burundaise de Droit et Société
177
Cette Déclaration s’adresse aux États et précise que l’octroi de l’asile est un acte
pacifique et humanitaire qui ne saurait être considéré comme inamical à l’égard
d’un autre État. La Déclaration souligne en outre qu’il appartient à l’État qui
accorde l’asile de qualifier les causes qui le motivent.
expérience en la matière. Il est fréquent que ces pays et d’autres fassent référence
aux conclusions du COMEX lorsqu’ils élaborent leurs propres lois et politiques.
Dans le cadre régional africain, les réfugiés sont protégés également non
seulement par des instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels le Burundi
est partie mais aussi par des instruments qui leur sont spécifiques.
13
Le Burundi est partie à cette Charte depuis le Décret-loi n° 1/029 du 28 juillet 1989 portant
ratification de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Codes et lois du
Burundi, 2010, P.173
Revue Burundaise de Droit et Société
179
«1. Les Etats parties à la présente Charte prennent toutes les mesures
appropriées pour veiller à ce qu’un enfant qui cherche à obtenir le statut de
réfugié, ou qui est considéré comme réfugié en vertu du droit international
ou du droit national applicable en la matière reçoive, qu’il soit
accompagné ou non par ses parents, un tuteur légal ou un proche parent, la
protection et l’assistance humanitaire à laquelle il peut prétendre dans
l’exercice des droits qui lui sont reconnus par la présente Charte et par tout
autre instrument international relatif aux droits de l’homme et au droit
humanitaire auquel les Etats sont parties.
2. Les Etats parties aident les organisations internationales chargées de
protéger et d’assister les réfugiés dans leurs efforts pour protéger et
assister les enfants visés au paragraphe 1 du présent article et pour
retrouver les parents ou les proches d’enfants réfugiés non accompagnés
en vue d’obtenir les renseignements nécessaires pour les remettre à leurs
familles.
3. Si aucun parent, tuteur légal ou proche parent ne peut être trouvé,
l’enfant se verra accorder la même protection que tout autre enfant privé,
14
Le Burundi est partie à cette Charte depuis le 28/06/2004. Source : site de la Commission
africaine des droits de l’homme et des peuples www.achpr.org visité le 16/11/2017.
Revue Burundaise de Droit et Société
180
Ceci signifie que les personnes qui fuient des troubles civils, la violence
généralisée et la guerre ont le droit de demander le statut de réfugié dans les États
qui sont parties à cette Convention, qu’elles craignent ou non avec raison d’être
persécutées.
15
Le Burundi a ratifié cette Convention par la loi n° 1/209 du 31 octobre 1975
Revue Burundaise de Droit et Société
181
16
H.C.R, op.cit., P. 11.
17
Mutatis mutandis l’Organisation de l’unité africaine (OUA) a été remplacée par l’Union
africaine (U.A.) par l’Acte constitutif de l’Union africaine du 11 juillet 2000.
Revue Burundaise de Droit et Société
182
Bien que la Déclaration n’ait pas force exécutoire pour les États, la plupart des
pays d’Amérique latine appliquent la définition dans la pratique et certains l’ont
intégrée dans leur législation nationale. La Déclaration a reçu l’aval de
l’Organisation des États Américains (O.E.A.), de l’Assemblée générale des
Nations Unies et du Comité exécutif du HCR.
Le fait que cette Déclaration ait été avalisé par l’Assemblée générale des Nations
unies et le Comité exécutif du H.C.R. entraîne qu’elle devienne une source
d’inspiration de la législation burundaise relative à l’asile et à la protection des
réfugiés.
Protéger les réfugiés est une responsabilité qui incombe en premier lieu aux États.
L’adoption d’une législation nationale sur les réfugiés, fondée sur les normes
internationales, est indispensable au renforcement de l’asile car d’une part elle
accroît l’efficacité de la protection et fournit une assise à la recherche de solutions
aux problèmes des réfugiés ; d’autre part elle comble le vide dans les domaines
que ne couvre pas la Convention de 1951, comme les procédures de détermination
du statut de réfugié.
En droit positif burundais, le réfugié est protégé par un arsenal de textes juridiques
au premier rang desquels se trouve la Constitution du 18 mars 2005 actuellement
en vigueur18. L’article 50 alinéa 1 de cette constitution dispose que « Le droit
d’asile est reconnu dans les conditions définies par la loi ».
Avant cette loi sur l’asile et la protection des réfugiés du 13 novembre 2008 et ses
deux ordonnances d’application, le domaine des réfugiés au Burundi était régi par
le Décret-loi n°1/007 du 20 mars 1989 portant réglementation de l’accès, du
séjour, de l’établissement des étrangers sur le territoire du Burundi et de leur
éloignement23. Les modalités d’application de ce Décret- loi avaient été précisées
par l’Ordonnance ministérielle24 n° 530/166 du 10 juillet 1989. La protection des
réfugiés à travers ces deux textes était dérisoire dans la mesure où le Décret-loi
susvisé ne contenait que deux articles consacrés à l’asile et son ordonnance
d’application ne précisait les modalités que dans six articles.
Tels sont les instruments tant internationaux que nationaux qui protègent le
réfugié au Burundi. Dans le second chapitre, nous allons analyser si ces textes
juridiques qui protègent les réfugiés au Burundi contiennent ou non les éléments
fondamentaux ou les standards internationaux qui doivent figurer dans toute
législation nationale.
25
Etude ASF déjà citée, P.2.
Revue Burundaise de Droit et Société
186
Les normes et les traités internationaux susvisés exigent que certains éléments
fondamentaux ou standards internationaux doivent figurer dans toute législation
nationale relative à la protection des réfugiés. Dans cette perspective, nous allons
analyser si le droit positif burundais relatif à cette matière, essentiellement la loi
de 2008 sur l’asile et la protection des réfugiés ainsi que ses trois ordonnances
d’application contiennent ou non ces standards internationaux.
Section 1. Non-discrimination26
Cette première norme internationale contient une double exigence. D’une part,
elle exige que les dispositions préliminaires de chaque loi nationale devraient
garantir que la législation sera appliquée sans discrimination aucune de race, de
religion, de nationalité, d’appartenance à un groupe social particulier, d’opinion
politique, ou de pays d’origine, à toutes les personnes reconnues comme
réfugiées.
26
Art. 3 de la Convention de 1951 ; Art. IV de la Convention de l’OUA ; Art. 2 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme
Revue Burundaise de Droit et Société
187
D’autre part, elle exige que la définition du demandeur d’asile devrait couvrir tout
individu qui exprime le souhait de bénéficier de l’asile, qu’une demande formelle
ait été soumise ou pas.
27
Art.1 A et B de la Convention de 1951 ; paragraphe 6 A et B du statut du HCR ; Art. 1(1), (2) et
(3) de la Convention de l’OUA
ces personnes se fonde sur le pouvoir discrétionnaire de l’État plutôt que sur le
droit international.
En deuxième lieu, la même norme sous examen veut dire que les clauses excluant
certaines catégories de réfugiés de la protection internationale font aussi partie des
critères énoncés dans la définition du réfugié. Les clauses d’exclusion sont
l’article 1.D, E et F de la Convention de 1951, et l’article 1(5) de la Convention de
l’OUA La liste des causes d’exclusion énoncées dans la Convention étant
exhaustive, la législation nationale ne devait ni les modifier ni les développer.
En troisième lieu, la même norme sous analyse signifie que les clauses qui
définissent les conditions dans lesquelles il est mis fin au statut de réfugié font
aussi partie des critères de définition du réfugié. Les clauses de cessation sont
l’article 1.C de la Convention de 1951 et l’article 1(4) de la Convention de
l’OUA. La liste des causes de cessation énoncées dans la Convention étant
exhaustive, la législation nationale ne devait ni les modifier ni les développer.
La première exigence a été bien intégrée dans le droit interne burundais. En effet,
l’article 5 de la loi du 13 novembre 2008 est très généreux en faveur des réfugiés
et demandeurs d’asile dans la mesure où il dépasse les critères visés dans les
articles : Art.1 A et B de la Convention de 1951 ; paragraphe 6 A et B du statut du
HCR ; Art. 1(1), (2) et (3) de la Convention de l’OUA.
La troisième exigence n’a pas été bien respectée par le droit positif burundais. En
effet, les clauses qui définissent les conditions dans lesquelles il est mis fin au
statut de réfugié se trouvent à l’article 61 de la loi burundaise du 13 novembre
2008 relative à cette matière. Toutefois, contrairement à la recommandation
suivant laquelle la liste des clauses de cessation prévues par la Convention de
1951 et dans la Convention de l’OUA soit exhaustive, cette disposition de la loi
burundaise prévoit 10 cas de perte du statut de réfugié au moment où la
Convention de 1951 prévoit 6 cas et la Convention de l’OUA 7 cas. De la sorte,
on peut affirmer que la loi burundaise n’a pas respecté totalement cette
recommandation.
28
HCR, op.cit., P.108.
Revue Burundaise de Droit et Société
190
29
Ces normes minima peuvent être consultées notamment dans H.C.R., Guide sur le droit
international relatif aux réfugiés qui été élaboré par les Parlementaires membres du Bureau de la
Commission sur les questions parlementaires, juridiques et des droits de l’homme et du Comité
chargé de promouvoir le respect du droit international humanitaire de l’Union interparlementaire, à
l’occasion du 50ème anniversaire de l’adoption de la Convention des Nations Unies relative au
statut des réfugiés, en 2001, Chapitre 3.
Revue Burundaise de Droit et Société
191
La loi burundaise sur l’asile et la protection des réfugiés a respecté cette norme
dans toute sa portée. En effet, les articles 19, 20 et 21 de cette loi reprennent à la
lettre le contenu de cette exigence internationale.
30
Art. 32 et 33 de la Convention de 1951 ; Art. II (3) de la Convention de l’OUA ; Conclusion N°
6 (XXVIII) du Comité exécutif du HCR ; Conclusion N°7 (XXVIII) du Comité exécutif du HCR
Cette cinquième norme internationale signifie que les réfugiés et les demandeurs
d’asile qui entrent ou séjournent sans autorisation dans un pays ne devraient pas
être l’objet de sanctions s’ils se présentent sans délai aux autorités compétentes et
leur exposent des raisons reconnues valables.
Le fait que des documents de voyage aient été délivrés n’implique pas l’octroi de
la nationalité. Toutefois, ces documents revêtent une importance particulière pour
les réfugiés car ils permettent de se rendre dans d’autres pays pour y faire des
études, pour y travailler ou pour des raisons de santé ou de réinstallation.
31
Art. 31 de la Convention de 1951 ; Conclusion N°44 (XXXVII) du Comité exécutif ; Principes
directeurs du H.C.R. concernant la détention des demandeurs d’asile.
32
: Articles 27 et 28 de la Convention de 1951, avec Annexes ; Art.VI de la Convention de
l’OUA ; Conclusion N° 35(XXXV) du Comité exécutif ; Conclusion N° 49 (XXXVIII) du Comité
exécutif
Revue Burundaise de Droit et Société
193
Cette exigence a été respectée par la législation burundaise. En effet, les articles
70 à 73 de la loi burundaise sur l’asile et la protection des réfugiés de la Section 4
intitulée « De l’assistance administrative, des pièces d’identité et des titres de
voyage » affirment clairement le droit pour les réfugiés d’avoir des pièces
d’identité et des titres de voyage.
1°/ Conseils sur la manière de déposer et présenter une demande de statut, et sur
les questions administratives et aide juridique dans les articles suivants :
33
H.C.R, op.cit., P.110.
Revue Burundaise de Droit et Société
194
Toutes ces dispositions n’apportent pas toutes les précisions voulues en matière
d’accueil et d’assistance des réfugiés et demandeurs d’asile. En effet, ces derniers
doivent avoir les moyens élémentaires de satisfaire à leurs besoins fondamentaux
(nourriture, logement, soins de santé, prise en charge psychologique, etc.) et
toutes ces dispositions n’y apportent pas toutes les clarifications notamment la
provenance des moyens pour pouvoir satisfaire à ces besoins de base. Attribuer
cette responsabilité à la CCER qui n’a pas de budget propre ne suffit pas ; il aurait
fallu préciser là où cette Commission trouvera les moyens pour s’acquitter de
cette mission.
Il découle de tout ce qui précède que la législation burundaise sur l’asile ne s’est
conformée que partiellement à cette septième norme internationale.
34
Chapitres II, III, IV et V de la Convention de 1951
En ce qui concerne les droits des réfugiés, la loi burundaise sur l’asile et la
protection des réfugiés prévoit uniquement les droits suivants :
35
Article 13
36
Articles 17, 18 et 18
37
Article 21
38
Article 23
39
Article 24.
40
Articles 65 et 66
41
Articles 67 et 68
Revue Burundaise de Droit et Société
197
- Liberté de circulation43;
- Droit au transfert des avoirs44.
42
Article 69
43
Article 74
44
Article 75.
45
Article 2 de la Convention de 1951.
46
Art. 35 de la Convention de 1951 ; Art. VIII de la Convention de l’OUA
Revue Burundaise de Droit et Société
198
Cette exigence est parfaitement remplie par la loi burundaise sur l’asile et la
protection des réfugiés. En effet, cette loi y réserve le Titre IV intitulé « De la
coopération des autorités burundaises avec le Haut commissariat des nations unies
pour les réfugiés » qui comprend les articles 90 à 92. Ces trois articles reprennent
fidèlement le prescrit de cette neuvième norme internationale.
qu’elle soit, de prendre à l’égard des demandeurs d’asile ou des réfugiés, une
mesure qui violerait l’un quelconque de leurs droits humains et de leurs libertés
fondamentales aux termes du droit international des droits de l’homme.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette étude portant sur le cadre juridique de protection des réfugiés au
Burundi, il importe de noter que les développements y relatifs permettent de
retenir essentiellement ce qui suit.
Après avoir parcouru le droit positif burundais relatif aux réfugiés sur chacun de
ces éléments fondamentaux, il apparaît que de manière générale la législation
burundaise contient la plupart de ces éléments fondamentaux. Les seuls éléments
fondamentaux qui n’ont pas été bien précisés soit partiellement ou totalement sont
les suivants :
2°/ la liste des clauses de cessation du statut de réfugié dépasse la liste prévue par
la Convention de 1951 et celle prévue par la Convention de l’OUA alors que
d’après ces textes internationaux, la liste était limitative et exhaustive.
3°/ la législation burundaise est peu explicite sur les droits qui doivent être
reconnus aux réfugiés. Dans cette perspective, il manque notamment
l’affirmation des droits suivants : pratique de la religion, droit d’ester en
justice, droit de la propriété intellectuelle et industrielle, logement, acquisition
des biens mobiliers et immobiliers, etc.
5°/ enfin, au sujet des droits de l’homme en général, aucune disposition des textes
étudiés ne prend le soin de prévoir qu’aucune des dispositions contenues dans
la législation ne permet à aucune autorité, quelle qu’elle soit, de prendre à
l’égard des demandeurs d’asile ou des réfugiés, une mesure qui violerait l’un
quelconque de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales aux
termes du droit international des droits de l’homme. Pour que la législation
burundaise relative aux réfugiés soit conforme aux standards internationaux,
nous invitons le législateur burundais à enrichir le droit existant en y intégrant
ces cinq éléments.
BIBLIOGRAPHIE
I. INSTRUMENTS INTERNATIONAUX
III. DOCTRINE
www.achpr.org
INTRODUCTION GENERALE
Le 7 janvier 2014, une loi portant Code des assurances a été promulguée. L’une
des plus importantes innovations apportées par cette loi est d’avoir introduit un
nouveau système d’indemnisations des victimes des dommages corporels
entraînés par des accidents causés par des véhicules automoteurs. L’indemnisation
est organisée par les articles 149 à 201 du Code et s’inscrit dans le cadre de
l’assurance obligatoire de responsabilité civile en matière de véhicules
automoteurs qui fait l’objet du titre I du livre II3.
proposé, par ce papier, d’y jeter un éclairage. Pour ce faire, nous recourons
parfois à la comparaison du nouveau système au système antérieurement en
vigueur, en soulignant la plus-value que les usagers de la route et les assureurs
sont en droit d’attendre.
La loi n° 1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances a entraîné une
augmentation du nombre de victimes de dommages corporels susceptibles d’être
indemnisées dans le cadre de l’assurance obligatoire de responsabilité civile en
matière de véhicules automoteurs.
Ce changement est dû à deux facteurs : la suppression des exclusions qui
frappaient les proches de l’assuré sous le régime précédent et les dérogations
apportées au régime de la responsabilité civile de droit commun.
Le résultat était choquant. Si la victime était une personne sans aucun lien avec le
conducteur, le preneur d’assurance ou le propriétaire du véhicule, elle était
indemnisée. Par contre, si la victime était le conjoint, l’ascendant, l’allié en ligne
directe de l’assuré ou une personne dont il a la charge selon la loi, elle ne
bénéficiait d’aucune indemnité.
5
Article 7 litera d , du D-L n°1/18 du 29 juin 1977 instaurant l’assurance obligatoire de la
responsabilité civile en matière des véhicules automoteurs , in B.O.B n°1/1977, p.471.
Revue Burundaise de Droit et Société
210
6
L’article 126 alinéa premier ne définit pas la notion de tiers mais l’alinéa 4 de cet article
exprime bien la volonté du législateur de considérer les membres de la famille des assurés
comme des personnes pouvant prétendre à l’indemnisation au même titre que les autres tiers
lésés ou personnes lésées. Au sens de la loi n°1/02 du 07 janvier 2014, la personne lésée est
une expression utilisée dans les assurances de responsabilité pour désigner la personne qui est
victime d’un dommage dont l’assuré est responsable et qui peut prétendre à l’indemnisation,
voir aussi l’article 1,6° de la loi précitée.
7
Y.BUFFELAN-LANONE, Droit civil , 4ème éd., Paris, Masson, 1991, p.257.
Revue Burundaise de Droit et Société
211
La faute de la victime n’est pleinement exonératoire que s’il peut être démontré
qu’elle a été la cause unique du dommage, et elle n’est la cause unique du
dommage qu’autant qu’elle a été, pour l’auteur présumé de l’accident,
imprévisible et irrésistible10. Par contre, la faute de la victime peut donner lieu à
un partage de responsabilité si elle a eu une certaine part dans la production du
dommage.
8
P. LE TOURNEAU, La responsabilité civile, 2ème éd. Paris, Dalloz, 1976, p.206.
9
P.JOURDAIN, Les principes de la responsabilité civile , 7ème éd, Paris , Dalloz,2007, p.115.
10
E.RIPERT et J. BOULANGER, Traité de droit civil , t. II , Paris , L.G.D.J , 1957, p.297.
Revue Burundaise de Droit et Société
212
Les victimes non conductrices sont indemnisées quand bien même, suivant le
droit commun de la responsabilité civile, l’auteur présumé de l’accident aurait eu
le droit de refuser leur indemnisation en arguant que les dommages qu’elles ont
subis sont dus soit à la force majeure, soit à la faute d’un tiers, soit à leur propre
faute. La loi consacre un système d’indemnisation quasi-automatique en faveur
des victimes non conductrices. L’auteur présumé de l’accident ne peut opposer à
la victime non conductrice sa propre faute que s’il parvient à démontrer qu’elle a
volontairement recherché le dommage qu’elle a subi. En effet, selon les
dispositions de l’article 152 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant code des
assurances, « les victimes, hormis les conducteurs des véhicules terrestres à
moteur sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne
sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception du cas où elles
ont volontairement recherché les dommages subis ». L’auteur présumé de
l’accident appelé à démontrer que la victime a volontairement recherché les
dommages subis n’a pas tâche facile.
Toutefois, le conducteur peut se voir opposer sa propre faute. Aux termes des
dispositions de l’article 151, al.1erde la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant code
des assurances, « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à
Juridiquement, le préjudice se définit comme une perte subie par une personne
dans son corps, ses biens, ses sentiments ou son humeur.
Sous ces articles évoqués, sont énumérés les frais11, l’incapacité temporaire12,
l’incapacité permanente13 qui englobe le préjudice physiologique, le préjudice
économique et le préjudice moral, l’assistance d’une tierce personne14, la
souffrance physique et le préjudice esthétique15, le préjudice de carrière16, les frais
funéraires17, le préjudice économique des ayants droit du décédé18 et le préjudice
moral des ayants droits du décédé19.En prévoyant les dispositions de l’article 181,
le législateur burundais a expressément voulu lier le juge en écartant toute
tentation d’appréciation susceptible de conduire à la création d’autres postes de
préjudices indemnisables et, par voie de conséquence, à l’alourdissement du coût
de l’indemnisation.
11
Article 182 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi, in
B.O.B. n°1/2014., p. 34.
12
Article 183 de la loi précitée.
13
Article 184 de la loi précitée.
14
Article 185 de la loi précitée.
15
Article 186 de la loi précitée.
16
Article 187 de la loi précitée.
17
Article 188 de la loi précitée.
18
Article 189 de la loi précitée.
19
Article 190 de la loi précitée.
Revue Burundaise de Droit et Société
215
Après les soins, l’état de la victime est consolidé mais cela ne veut pas dire qu’elle
recouvre pour autant toute sa capacité. Elle peut continuer à souffrir d’une
incapacité qualifiée cette fois-ci de permanente. Sous ce titre, le législateur
burundais y aligne trois types de préjudices : le préjudice physiologique, le
préjudice économique et le préjudice moral.
20
« Nomenclature des préjudices de la victime directe » in www.justice, gouv. fr/publication
visité le 5/8/2018
Revue Burundaise de Droit et Société
216
21
Article184, 2°de la loi n°1/02 du 07 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi, in
B.O.B n°1/2014, p.35.
22
Article 184, 4° de la loi n°1/02 du 07 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi , in
B.O.B n°1/2014, p.35.
23
Voir « la nomenclature Dintihac 2001 »in www.accidents-victimes.com:visité le 5/8/2018.
Dintihac a établi une nomenclature des préjudices corporels indemnisables en droit français et il a
défini chaque poste de préjudice.
Revue Burundaise de Droit et Société
217
Les préjudices que nous venons d’expliquer sont subis par les victimes directes,
c’est-à-dire les personnes directement touchées par l’accident. Mais il y a d’autres
préjudices subis par les victimes indirectes appelées aussi victimes par ricochet
parce qu’elles souffrent indirectement en raison de l’atteinte corporelle subie par
une autre personne. A ce titre, le législateur a prévu les frais funéraires, le
préjudice économique et le préjudice moral des ayants droit de la victime directe
décédée à cause de l’accident.
Lorsque la victime directe est décédée, ses ayants droit doivent organiser des
funérailles. Les frais funéraires sont alors supportés par l’auteur de l’accident ou
son assureur. En plus, les ayants droit éprouvent un préjudice économique ; ils
perdent le revenu que la victime directe leur apportait. Cette perte est aussi
compensée par la personne responsable de l’accident ou son assureur. Les
personnes qui partageaient la vie avec la victime directe subissent également un
préjudice moral dénommé le préjudice d’affection. Ce dommage doit être réparé.
24
Article 184, al.1erde la loi n°1/02 du 07 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi,
B.O. B. n°1/2014, p. 35
25
Article 186 de la loi précitée.
Revue Burundaise de Droit et Société
219
Le préjudice économique subi par les ayants droit de la victime directe décédé
suscite un problème à deux niveaux : la détermination des ayants droit pouvant
prétendre à l’indemnisation et la clé de répartition de l’indemnité entre les
victimes indirectes indemnisables. Pour ne pas laisser libre cours à l’arbitraire des
juges, le législateur burundais a précisé les personnes habilitées à réclamer la
réparation de ce type de préjudice26. Ce sont les père et mère, le conjoint et les
enfants à charge de la victime directe décédée. La clé de répartition de
l’indemnité entre les victimes indemnisables dépend du nombre d’enfants à
charge de la victime directe décédée. Jusqu’à quatre enfants à charge, 5% de
l’indemnité est allouée aux ascendants en ligne directe, 40 % au conjoint et 55%
aux enfants.
De même, lorsque la victime directe est décédée, il est difficile de déterminer les
personnes pouvant prétendre à l’indemnisation du chef du préjudice d’affection.
26
Article 189 de la loi n°1/02 du 07 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi, B.O.B.
, n°1/2014, p. 36
Revue Burundaise de Droit et Société
220
27
Article 190 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant code des assurances.
28
R.SAVATIER , Traité de responsabilité civile en droit français, Civil, Administratif,
Professionnel et Procédural , t. I , 2ème éd, Paris, L.G.D.J, 1951,p.61.
Revue Burundaise de Droit et Société
221
Ainsi, les coûts relatifs aux soins médicaux sont limités à deux fois le tarif le
plus élevé des hôpitaux publics en service au Burundi et en cas d’évacuation
sanitaire justifiée par expertise médicale à une fois le tarif le plus élevé des
hôpitaux publics du pays d’accueil 29.
29
Article 181, al.2 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant code des assurances, B.O.B.
n°1/2014, p.34.
30
Article 183, al.2 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances, B.O.B.,
n°1/2014, p.35.
31
Article 184 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances, B.O.B. n°1/2014,
p.35.
32
Article 185 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances.
Revue Burundaise de Droit et Société
222
Tandis que celle destinée à compenser la perte de carrière déjà en cours est limitée
à six mois de revenu de la personne lésée34.
Les frais funéraires versés aux ayants droit ne peuvent dépasser un montant
équivalant à une fois le revenu de la victime directe décédée. Les indemnités
versées pour compenser les préjudices économique et moral subis par ces
derniers sont respectivement plafonnées à soixante-cinq fois35 et quinze fois36 le
revenu annuel de la personne morte par suite de l’accident.
IV. Organisation de la procédure d’indemnisation
33
Le produit national brut par habitant est fixé à 387.900 BIF par l’ordonnance ministérielle du
27 février 2014 portant détermination de la base de calcul des indemnités des victimes
d’accidents de la circulation routière ne justifiant pas de revenus, B.O.B. n°3/2014.
34
Article 187, al.2 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances, B.O.B.
n°1/2014, p.36.
35
Article 189 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances, B.O.B. n°1/2014,
p.36.
36
Article 190 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances, B.O.B. n°1/2014,
p.37.
Revue Burundaise de Droit et Société
223
un délai de 15 jours au plus sauf dans le cas de force majeure, de tout évènement
de nature à entraîner la garantie de l’assureur37.
B. Présentation de l’offre
37
Article 29, al.1erde la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi, in
B.O.B n°1/2014, p.8.
38
Article 154 de la loi n°1/002 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi.
39
Article 155 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi
,inB.O.B n°1/2014, p. 29.
Revue Burundaise de Droit et Société
224
Lorsque l’assureur n’a pas été avisé de l’accident de la circulation dans le mois
de l’accident, le délai de trois mois pour présenter l’offre d’indemnité est
suspendu à l’expiration du délai d’un mois jusqu’à la réception par l’assureur de
cet avis40. Il en est de même lorsque la victime décède plus d’un mois après le
jour de l’accident, le délai est prorogé du temps écoulé entre la date de l’accident
et le jour du décès.
Lorsque la victime est décédée, l’offre est faite aux ayants droit dans les huit mois
qui suivent le décès.
40
Article 170 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi
,inB.O.B n°1/2014, p. 32.
41
Article 170 de la Loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi
,inB.O.B n°1/2014, p. 33.
42
Article 166 de la loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi.
Revue Burundaise de Droit et Société
225
Lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis, le montant des
indemnités produit de plein droit un intérêt égal au double du taux d’escompte
dans la limite du taux de l’usure à compter de l’expiration du délai jusqu’au jour
de l’offre devenue définitive43. Cette sanction est réduite ou annulée si le retard
est attribuable à des circonstances non imputables à l’assureur. Il en est ainsi par
exemple lorsque ce dernier ne dispose pas de l’adresse de la victime44.
43
Article 156 de loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant Code des assurances au Burundi, in B.O.B
n°1/2014, p.30.
44
Article 156 de la loi précitée.
Revue Burundaise de Droit et Société
226
45
Article 16 du Décret-Loi du 29 juin 1977 portant création de l’assurance obligatoire de la
responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, B.O.B., 1977, n°10, p.528.
46
Voir le financement du fonds au Maroc, au Rwanda, au Cameroun , en Belgique et en France
respectivement sur les sites suivants : L. BOUMAHROU, « Fonds de garantie automobile :
l’indemnisation en cas de non assurance » in www.maghress.com ; A. GAKWAYA, « Le
Rwanda exhorte ses voisins à créer des fonds de garantie automobile » in manews.com ; Y R.
KALIEU ELONGO, « Le fonds de garantie automobile au Cameroun, deux ans après, … » in
Kalieu-elongo.com, B. GYSELS, « Fonds commun de garantie automobile » in www.
Circulation-routière-be/assurances/fonds-commun-de-garantie-automobiles/, « Agir pour les
victimes au nom de la solidarité » in www.fondsdegarantie.fr visité le 5/8/2018.
47
La SOCABU a été créée en 1977 par le Décret-Loi n°1/19 du 29 juin 1977.
48
Voir le Décret n°100/120 du 2 novembre 1982 portant suppression du monopole de toutes les
opérations d’assurances en République du Burundi accordé à la Société d’Assurance du
Burundi (SOCABU), B.O.B., 1983, n°7-9, p.186.
Revue Burundaise de Droit et Société
227
CONCLUSION GENERALE
La loi n°1/02 du 7 janvier 2014 portant code des assurances au Burundi présente
deux facettes.
D’une part, elle est très favorable aux victimes à deux niveaux.
D’autre part, la loi protège les assureurs contre le poids de la réparation qui
aurait, autrement, menacé l’industrie d’assurance. Pour ce faire, elle a introduit
des barèmes pour les préjudices difficilement évaluables et pouvant conduire à
l’arbitraire des juges. Là où les montants d’indemnités sont susceptibles d’être
élevés, la loi a introduit des plafonds en dérogeant au principe de la réparation
intégrale qui guide normalement l’indemnisation en droit commun de la
responsabilité civile. En ce qui concerne le préjudice d’affection, la loi a
limitativement déterminé les membres de la famille pouvant prétendre à la
réparation du chef de ce préjudice.
BIBLIOGRAPHIE
II. Ouvrages
III. Sitologie
1
Entre la soutenance de la thèse et la rédaction/publication de ce résumé dans la « Revue
burundaise de droit et société », le code de procédure pénale a été modifié. La loi n°1/10 du 03
avril 2013 portant code de procédure pénale a été revue par la loi n°1/09 du 11 mai 2018 portant
modification du code de procédure pénale. Les dispositions régissant la matière de la thèse ont,
pour l’essentiel, été littéralement reconduites. Deux ajouts méritent néanmoins d’être soulignés. En
matière de contrôle de régularité de la détention préventive, l’article 155, al. 4 de la nouvelle loi
crée un délai qui n’existait pas dans le texte précédent. C’est le délai de quinze jours donné au
Président de la juridiction pour organiser l’audience en chambre de conseil. Il est compté à partir
de la saisine de la juridiction par le Ministère Public ou par l’inculpé. En outre, l’extension de la
durée maximale du délibéré de la chambre de conseil sur demande de l’inculpé pour les besoins
de sa défense passe de quarante- huit heures à trois jours. Pour rendre la lecture aisée et compte
tenu de la finalité de ce résumé (information, éducation de la communauté), les numéros d’articles
du code de procédure pénale auxquels renvoie ce résumé sont ceux de la nouvelle loi. A toutes fins
utiles, relevons également, quoique ce texte ne soit que d’importance secondaire pour la matière,
qu’en date du 7 juin 2018, une nouvelle constitution a révisé celle en vigueur au moment de la
soutenance de la thèse, à savoir la loi n°1/610 du 18 mars 2005 portant promulgation de la
constitution de la République du Burundi. Ici aussi et pour les raisons déjà précisées, les numéros
d’articles auxquels il est renvoyé sont ceux du nouveau texte.
2
P. ROBERT. (dir.) : Entre l’ordre et la liberté, la détention provisoire : deux siècles de débats,
L’Harmattan, Paris, 1992, p.12.
3
R. GARRAUD, Traité d’instruction criminelle, t.III, Paris, 1907, p.128.
Revue Burundaise de Droit et Société
233
cette forme de privation de liberté ne peut se faire que sur le terrain de la nécessité
pratique. Il s’agit, en effet, d’une mesure qui facilite l’instruction, écartant ainsi le
péril d’une justice désarmée.4 Elle garantit aussi l’exécution de la peine,
congédiant de la sorte le risque d’une justice impuissante et vaine5. Il peut aussi y
être fait recours, dans le cadre d’une procédure pénale, pour répondre à un besoin
de sécurité/sûreté publique. Une certaine doctrine la présente ainsi comme une
forme d’« injustice nécessaire »6.
Les Etats parties aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme
légifèrent sur la détention avant jugement en recherchant toujours un équilibre
entre l’intérêt de l’inculpé présumé innocent - sa liberté - et celui de la collectivité
- la nécessité d’instruire en vue de réprimer le fait antisocial et le maintien de la
sécurité publique - . Le point d’équilibre entre les deux nécessités est
4
Voir, pour plus de détails, F. HELIE, Traité de l’instruction criminelle, Bruylant, Bruxelles,
1869, 843p.
5
Ibidem.
6
L. LACCHE, Ordre et liberté en Italie : discipline de la détention préventive et sauvegarde de la
liberté individuelle après l’unité in ROBERT, P. (dir.), op.cit, pp.11, 201.
7
L’article 2, al.2 de la convention contre la torture dispose comme suit : « Aucune circonstance
exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre,
d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour
justifier la torture.”
8
Voir notamment l’article 9 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP)
et l’article 6 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples(CADHP).
Revue Burundaise de Droit et Société
234
9
Article 9, al.3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques
10
Article 6 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples).
11
Voir notamment les articles 19 et 39 de la Constitution du 7 juin 2018. Au surplus, la
Constitution dispose elle-même et de manière directe, en son article 39, que « nul ne peut être
privé de sa liberté, si ce n’est conformément à la loi.».11 Sur la même lancée, l’article 42 proscrit
la soumission à des mesures de sûreté, sauf dans les cas et les formes prévus par la loi, notamment
pour des raisons d’ordre public ou de sécurité de l’Etat 11.
12
Voir notamment l’article 154 de la loi n°1/09 du 11 mai 2018 portant modification du code de
procédure pénale. Voir aussi l’article 90 de la même loi.
Revue Burundaise de Droit et Société
235
Sur le plan méthodologique, l’évaluation du droit burundais s’est faite par rapport
aux standards internationaux essentiellement tirés de la jurisprudence
internationale et régionale relative aux droits de l’homme. La réflexion s’est
également enrichie du droit comparé, avec un accent particulier sur les droits
belge, français, rwandais et tanzanien.
L’un des constats majeurs est que le Code de Procédure Pénale du Burundi
accorde d’énormes pouvoirs à la Police Judiciaire et au Ministère Public en ce qui
concerne les privations de liberté et ces pouvoirs rendent problématique le respect
des dispositions des instruments plus haut mentionnés. En ce qui concerne la
Police Judiciaire et à titre purement exemplatif, l’Officier de Police Judiciaire
(OPJ) dispose du pouvoir autonome de retenir une personne, pour les nécessites
d’une enquête ou pour l’exécution d’une commission rogatoire, pour une durée de
sept jours, renouvelable sur autorisation du parquet - pour faire quatorze - 13.
Ce pouvoir de l’OPJ s’ajoute à une autre prérogative qui, elle, peut trouver des
équivalents en droit comparé15 et qui consiste à arrêter et retenir un suspect
pendant une brève durée - trente- six heures en droit burundais - en vue de le
conduire auprès de l’Officier du Ministère Public.16 Il importe aussi de préciser
que la qualité d’OPJ - et donc le pouvoir de placer en garde à vue - est très
largement distribuée.17
Le Ministère Public, quant à lui, est l’autorité qui, par ses officiers, émet le
mandat d’arrêt, titre de détention d’une validité de quinze jours. Ce titre est, plus
tard, « confirmé » par la Chambre de Conseil du Tribunal compétent pour
connaitre du fond18. Le délai des quinze jours peut légalement s’ajouter à celui des
quatorze jours de garde à vue prorogée - et tel est d’ailleurs généralement le cas -
19
pour ainsi faire vingt-neuf jours d’incarcération avant la saisine de la juridiction
14
Article 33, al. 1er du C.P.P., lu conjointement avec les articles 10, al. 4 et 26, al.2 du même code.
15
Nous pensons notamment ici à la garde à vue de droit belge dont la durée est
constitutionnellement limitée à 24 heures.
16
Article 15 du Code de Procédure Pénale.
17
En vertu de l’article 1er du Code de Procédure Pénale, les missions de police judiciaire sont
exercées aussi bien par des officiers de la « Police Judiciaire » que par les « personnes auxquelles
des lois spéciales confèrent des pouvoirs de police judiciaire ». Il s’agit de fonctionnaires de
plusieurs administrations (service national des renseignements, brigade spéciale anti - corruption,
office burundais des recettes, ministère ayant le commerce dans ses attributions, etc.).
18
En droit burundais, la juridiction qui contrôle la détention est la même que celle qui connait du
fond.
19
RCN Justice & Démocratie, Etude sur le fonctionnement de la chaine pénale a Burundi,
Bujumbura, 2010.
Revue Burundaise de Droit et Société
237
20
La loi de 2018 vient d’ajouter un autre délai de quinze jours donné à la juridiction saisie pour
organiser l’audience en chambre de conseil
21
Article 155, al.4 du CPP
22
Article 157 du CPP.
23
L’article 174, al. 2 du Code de Procédure Pénale permet par exemple au magistrat instructeur -
qui est un magistrat du parquet - qui fait appel d’une ordonnance refusant d’autoriser/proroger la
détention de maintenir en prison l’inculpé, pourvu que l’infraction pour laquelle il est poursuivi
soit punissable de dix ans de servitude pénale au moins.
Revue Burundaise de Droit et Société
238
24
Article 161 du code de procédure pénale
Revue Burundaise de Droit et Société
239
Tous ces éléments, en plus d’autres détails d’ordre procédural25, font que l’unique
alternative à la détention avant jugement prévue par le droit burundais ne soit que
de très peu d’utilité, c’est-à-dire ne limite que fort peu le recours à l’enfermement
préventif.
25
L’exemple-type en est l’interdiction faite au juge de se prononcer sur la demande de liberté
provisoire avant l’audition de la victime présumée de l’infraction : Article 158, al.3 de la loi
(article 114, al.2 dans la loi revue).
Revue Burundaise de Droit et Société
240
Tous ces éléments mis ensemble ont conduit à la conclusion que si l’agent public
qui enquête (OPJ) ou instruit un dossier pénal (magistrat du parquet) recourt à la
privation de liberté avant jugement sans se poser beaucoup de questions, c’est en
partie parce qu’il n’a aucunement peur de payer le prix de ses abus ni avec sa
carrière, ni avec sa propre liberté ni, encore moins, avec son portefeuille. De la
même manière, si l’Etat investit peu dans la prévention de tels abus, c’est en partie
parce qu’ils lui coûtent très peu - ou presque rien - en termes financiers. Le cadre
limité de cette étude ne permettait pas de réfléchir sur d’autres coûts de ces abus et
notamment sur ceux évaluables en termes de légitimité politique.
26
En la matière, le principe de base que mettent en œuvre les règles sur la responsabilité de la
puissance publique est l’article 23 de la constitution (même numéro dans les textes de 2005 et de
2018) selon lequel « Nul ne sera traité de manière arbitraire par l’Etat ou ses organes. L’Etat a
l’obligation d’indemniser toute personne victime de traitement arbitraire de son fait ou du fait
de ses organes. » (C’est nous qui soulignons).
Revue Burundaise de Droit et Société
241
Chacun de ces problèmes de fait pourrait, à lui seul, faire l’objet d’une étude à
part sous un angle sociologique, économique, anthropologique, philosophique,
etc. La présente s’est focalisée sur la discussion du droit positif en restant tout de
même conscient des réalités concrètes dans lesquelles « vivent » les règles
étudiées. Les propositions de réforme ont été formulées dans cet état d’esprit.