Chaine Alpine

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Université de Nantes

Faculté des Sciences et Techniques

Travail d’Etude et de Recherche

Emilie COSTA

STRUCTURE ET HISTOIRE DE LA CHAINE


ALPINE

Tuteur : Olivier BOURGEOIS

Laboratoire d’accueil : Planétologie et Géodynamique Année 2006-2007

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Figure de couverture : Situation des Alpes dans les chaînes Alpines périméditerranéenne
(Agard et Lemoine, 2003)

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PLAN
INTRODUCTION
I. CADRE STRUCTURAL : LA TECTONIQUE DE LA MEDITERRANNEE.
A. Zones de subduction et de collision
B. Zones d’extension
II. STRUCTURE DES ALPES
A. STRUCTURE GENERALE
1. Les subdivisions majeures
2. Rôle de la Ligne Périadriatique (LPA)
3. Les Bassins molassiques
B. LES ALPES ORIENTALES.
C. LES ALPES MERIDIONALES.
D. LES ALPES CENTRALES.
E. LES ALPES OCCIDENTALES ou franco-italienne.
1. Les données sur la structure crustale et lithosphérique
2. Les domaines externes représentés par le domaine Dauphinois
3. Les zones internes des Alpes
a. Le domaine Briançonnais (Méso-Pennique)
b. Le domaine Piémontais (Méso-Pennique) et Liguro
Piémontais (Sud-Pennique)
F. LE METAMORPHISME DES CHAINES ALPINES
III. HISTOIRE DES ALPES
A. RIFTING TETHYSIEN
1. Cas de la Téthys.
2. Cas de l’océan Liguro Piémontais et du domaine Valaisan.
3. Volcanisme accompagnant le rifting
B. FERMETURE DE L’OCEAN ET COLLISION.
1. Etat de la déformation et du métamorphisme au sein de la chaîne
alpine, et notamment au sein des alpes occidentales.
a. Evolution du style de déformation avec la profondeur
b. Répartition et signification du métamorphisme
2. Collision et édification du prisme orogénique
3. Phase de surrection des zones internes
CONCLUSION

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LISTE DE FIGURES
Figure 1 : Situation des Alpes dans les chaînes Alpines périméditerranéennes (d’après
Agard et Lemoine, 2003 modifié)
Figure 2: La Corse remisa à sa place probable avant le Miocène (Lemoine et al., 2005)
Figure 3: Les principales structures autour de la Mer Tyrrhénienne, compressive dans
l’Apennin et extensive dans le bassin ; Les âges d’extension sont reportés sur la carte ainsi
que les directions de migration de l’extension (Jolivet, 1995).
Figure 4: Principales structures extensives en mer Egée décrivant le mieux les trajectoires
de directions d’extension (Jolivet, 1995)
Figure 5 : Mouvement tectonique de la plaque africaine par rapport à la plaque européenne
(Lemoine et al., 2003)
Figure 6 : Carte structurale simplifiée des Alpes (d’après Agard et Lemoine, 2003
modifié)
Figure 7 : Bloc diagramme schématique des Alpes et schéma en coupe des grandes unités
structurales des Alpes (d’après Agard et Lemoine, 2003 modifié).
Figure 8 : Carte structural des Alpes Orientales (d’après Agard et Lemoine, 2003).
Figure 9 : Carte structurale des Alpes Méridionales (d’après Agard et Lemoine, 2003
modifié).
Figure 10 : Un coupe nord-sud des Alpes Méridionales (Agard et Lemoine, 2003).
Figure 11: Carte structurale des Alpes Centrales (Agard et Lemoine, 2003)
Figure 12 : Coupe par les Préalpes et le Cervin (Agard et Lemoine, 2003).
Figure 13: Schéma de la structure des Préalpes romandes (Lemoine et al., 2003)
Figure 14 : Carte structurale des Alpes Occidentales (d’après Agard et Lemoine, 2003
modifié).
Figure 15 : Coupe dans les Alpes Occidentales (D’après Lallemand et al., 2005 modifié)
Figure 16 : Les séries stratigraphiques des Alpes Occidentales (d’après Agard et Lemoine,
2003 modifié)
Figure 17 : Carte de la structure métamorphique des Alpes occidentales (Agard et
Lemoine, 2003).
Figure 18 : Coupe des structures métamorphiques dans les Alpes Occidentales (D’après
Lallemand et al., 2005 modifié)
Figure 19 : La Téthys au Jurassique supérieur, vers 145 Ma (Lemoine et al., 2003)
Figure 20 : Grandes étapes de l’évolution de la Téthys liguro-piémontaise. Ces schémas
simplifié ne tiennent pas compte de l’océan Valaisan (Lemoine et al., 2005)
Figure 21 : Reconstitution paléo-géodynamique de l’océan Liguro-Piémontais et de
l’Océan Valaisan (Agard et Lemoine, 2003)
Figure 22 : Modèle paléogéographique de l’océan Liguro-Piémontais au Jurassique
supérieur. Atl. nord : Atlantique nord, Py : Pyrénées, Pr : Provence et Chaînes Subalpines méridionales des
Alpes Occidentales, Va : Océan Valaisan, Gr : Grisons, Ta : Hohe Tauer, P. Af./Eur. : position
approximative du pôle de rotation de l’Afrique par rapport à l’Europe au Jurassique moyen-supérieur
(Lemoine et al., 2005).
Figure 23 : Evolution schématique du style tectonique d’ouest en est au travers des Alpes
Occidentales (d’après Agard et Lemoine, 2003 modifié).
Figure 24 : Edification du prisme orogénique au sein des Alpes Occidentales (d’après
Agard et Lemoine, 2003 modifié).
Figure 25 : Chenal de subduction au travers duquel se produisent les échanges entre les
plaques convergentes depuis la déshydratation progressive de la plaque plongeante
jusqu’aux processus d’accrétion/érosion (Lallemand et al., 2005)

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INTRODUCTION
De toute les chaînes de montagne, les Alpes ont été les premières et les mieux étudiées.
C’est ainsi que furent découverts les premières grandes unités de roches déplacées sur de
grandes distances, ou nappe de charriage. C’est également dans les Alpes que furent
élaborés les principes de reconstruction paléogéographiques cohérents. Récemment, le
développement de la géophysique et de la géologie océanique a permit une compréhension
plus complète et des hypothèses satisfaisantes sur la formation de cette chaîne.
Ainsi, l’élaboration d’une synthèse bibliographique sur la chaîne alpine permet de
comprendre des concepts géologiques et géodynamiques particulièrement bien
documentés.

Les Alpes font partie des chaînes alpines péri-téthysiennes, formées pendant le
Mésozoïque et le Cénozoïque, qui s’étendent du Maghreb à l’Extrême-Orient. Une partie
des ces chaînes de montagnes (les chaînes périméditerranéennes) est issue de l’ouverture,
puis de la fermeture de bassins océaniques du système téthysien. L’existence de ces
orogènes est liée à la convergence des plaques africaine et européenne et à l'interposition
de blocs ou de microplaques.
L’étude du cadre structural de la Méditerranée permet de replacer la chaîne alpine dans un
contexte géodynamique toujours en activité. La deuxième partie de l’étude concernera
l’étude des Alpes et notamment des différentes zones : les Alpes Occidentales, Centrales,
Orientales et Méridionales. Cette division de la chaîne alpine est liée à une importante
différence dans les structures géologiques et dans leur formation. L’empilement des nappes
lié à la collision de l’Afrique et de l’Eurasie sera expliqué dans cette même partie. La
compréhension de l’édification de la chaîne nécessite l’étude de l’histoire pré, syn et post
tectonique de la Téthys, mais plus particulièrement de sa branche, l’océan Liguro-
Piémontais qui se situe à l’emplacement des Alpes actuelle, ainsi que d’un autre océan, à
l’emplacement des actuelles Alpes Centrales, l’océan Valaisan. Pour définir le modèle de
formation de cette chaîne et notamment l’élaboration du prisme orogénique responsable de
sa structure particulière, l’étude des structures métamorphiques se fera dans la troisième
partie.

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II. CADRE STRUCTURAL : LA TECTONIQUE DE LA
MEDITERRANNEE (Figure 1).

Figure 1 : Situation des Alpes dans les chaînes alpines périméditerranéennes (d’après Agard et Lemoine,
2003 modifié).

La Méditerranée est un ensemble de bassins situé au sein d’une vaste chaîne de collision
qui s’étend de Gibraltar à l’Anatolie et se poursuit jusqu’à l’Himalaya (Boillot et al, 2003).
Depuis 160 Ma, le bassin méditerranéen est le lieu d’une évolution complexe imposée par
la divergence puis la convergence progressive des plaques Afrique et Europe. Les chaînes
périméditerranéennes sont issues de l’ouverture, puis de la fermeture de bassins océaniques
du système téthysien (Jolivet, 1995). Il reste cependant des témoins de la Téthys au sud-est
de la Sicile et au sud-ouest de Chypre, de part et d’autre de la Ride Méditerranéenne
(prisme d’accrétion tectonique). Ainsi, la Méditerranée Orientale diffère de la
Méditerranée Occidentale où les bassins océaniques (Mer Tyrrhénienne et bassin Liguro-
Provençal) qui se sont formés par extension (Miocène, 25 Ma) au sein même de la vaste
zone de convergence Afrique-Eurasie (Boilot et al., 2003).
La déformation associée à cette convergence est distribuée sur une vaste surface. La
rotation Afrique-Europe autour du pôle situé entre Gibraltar et les Açores conduit à une
direction de convergence nord-sud et sa vitesse augmente régulièrement depuis le pôle de
rotation à l’est des Açores jusqu’à la Turquie où elle atteint 17 mm/an (Jolivet, 1995). Le
déplacement rapide vers l’ouest de l’Anatolie et de la région égéenne conduit à une
convergence Anatolie-Afrique plus rapide au travers de la zone de subduction hellénique
où elle atteint 4 cm/an. Ce complexe géodynamique se traduit à la fois par l’activation de
subductions, la création d’espaces océaniques en position d’arrière arc et de diverses

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collisions continentales, dont la collision alpine. La convergence est alors absorbée par ces
nombreuses zones de déformation d’orientation variées, ce qui conduit à des fluctuations
très importantes des directions locales de raccourcissement et donc à des stades différents
de collision. Certaines chaînes sont en cours de construction, d’autres en sont au stade
d’ébauche, parfois la subduction y est encore active, et dans d’autres régions enfin les
chaînes sont déjà soumises à l’extension post-orogénique (Jolivet, 1995).

C. Zones de subduction et de collision

En Europe, le système Alpes-Apennins résulte d’une évolution complexe. Les Alpes


dessinent un arc dont le sens de déversement s’oriente vers le nord et l’ouest pour la partie
externe (les terrains issus de la plaque apulienne chevauchent l’Europe) et vers le sud pour
la partie interne (les terrains issus de la plaque apulienne chevauchent cette plaque qui
s’enfonce sous les Alpes). Dans les Apennins, les chevauchements se font vers l’est, sur le
plateau de la plaine du Pô qui représente l’avant-fosse molassique de cette chaîne (Boillot
et al., 2003). Les Carpathes résultent aussi de la collision entre l’Apulie et l’Eurasie
(Lallemand et al.,2005).

Les zones de subductions sont marquées au niveau des arcs helléniques (dont les fosses
helléniques sont les fossés d’avant arc en extension) et calabrais où, dans les deux cas, un
arc volcanique est actif en arrière (arc des Cyclades et arc Eolien) (Jolivet, 1995).
La chaîne de collision dinaro-hellénique provient de la fermeture d’un bassin océanique
(40 Ma) à l’emplacement actuel de la mer Egée. Les collisions sont actives le long du
tronçon dinarique (Bosnie, Serbie, Albanie et Grèce occidentale) formant la chaîne dinaro-
hellénique, et au front de la chaîne des Apennins bordant la rive ouest de la mer
Adriatique. Ces deux zones de collisions sont reliées au nord par la chaîne alpine et
entourent le promontoire apulien.
L’ouest de la Méditerranée est caractérisé, au sud, par la chaîne des Maghrébides (formée
au Priabonien-Oligocène (35 Ma), qui borde la marge nord africaine depuis les rives de
l’Atlantique jusqu’à la Tunisie, et en face, les Cordillères Bétiques, une chaîne à vergence
opposée au sud de la péninsule ibérique.

La collision des plaques Afrique et Europe au niveau de la suture du Zabros induit le


mouvement vers le sud-ouest de la microplaque englobant le domaine égéen et l’Anatolie
dont la dynamique interfère avec la convergence Afrique-Europe. L’une des conséquences
de cette cinématique est la construction d’un prisme d’accrétion tectono-sédimentaire
atypique : la Ride Méditerranéenne. C’est un relief sous-marin de dimensions comparables
aux Alpes Occidentales (1500 km de long et entre 200 et 300 km de large) couvrant près
de 60% des fonds entre la Calabre et la marge du Levant.

D. Zones d’extension

Au sein de la Méditerranée, les phénomènes extensifs ont suivi de près la phase


d’épaississement crustal (Jolivet, 1995). En effet, la collision n’était pas omniprésente et il
restait encore de vastes espaces océaniques en cours de subduction, c’est à l’arrière de ces
zones de subduction, dont l’Arc de Calabre, que se sont ouverts d’abord le bassin Liguro-
Provençal, puis plus récemment la mer Tyrrhénienne. La Kabylie et l’ensemble Corso-
Sardaigne, avant l’ouverture du bassin Liguro-Provençal, était accolés respectivement aux
Baléares et à la Provence (Figure 2) (Boillot et al., 2003).

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Figure 2 : La Corse remise à sa place probable avant le Miocène (Lemoine et al., 2005)

Dans la zone occidentale, les phases d’extension (aujourd’hui toujours active) ont affecté
le domaine épaissi (mer Tyrrhénienne ou bassin Nord-Tyrrhénien) et avant pays (bassin
Liguro-Provençal). L’ouverture de ces bassins a débuté à la fin de l’Oligocène et se
poursuit aujourd’hui dans le sud de la mer Tyrrhénienne au nord de la Sicile (Jolivet,
1995).
Dans la zone orientale de la Méditerranée, la mer Egée est en ouverture active depuis le
début du Miocène (Aquitanien – 20 Ma) ; elle correspond à l’effondrement d’une portion
de la chaîne qui faisait le lien entre les Hellénides et les Taurides (Méditerranée Orientale).
Et c’est à partir du Tortonien (8 Ma) que se fait l’ouverture des bassins de la Méditerranée
Occidentales dans la partie sud-est de la mer Tyrrhénienne à l’arrière des Apennins
(Jolivet, 1995).
Dans un contexte de convergence entre Afrique et Europe, le domaine méditerranéen
occidental est caractérisé par l’ouverture des bassins Liguro-Provençal et Tyrrhénien à
l’arrière de la zone de collision des Apennins et des Maghrébides à l’Aquitanien (20 Ma).
Au cours de l’Oligocène et du Miocène, la partie occidentale de la Méditerranée est
marquée par une période de rifting suivie de l’ouverture du bassin Liguro-Provençal
interprété classiquement comme un bassin d’arrière-arc s’ouvrant en réponse à la
subduction apulienne sous le bloc Corso-Sarde.
La structure crustale du bassin Liguro-Provençal est le résultat de l’extension Oligocène
supérieur et de l’ouverture océanique, dont le pôle est situé dans le golfe de Gènes, au
Miocène inférieur (entre 24 et 19 Ma). L’ouverture s’est faite par rotation anti-horaire du
bloc Corso-Sarde. L’ouverture et la rotation suivent le rifting et ne durent qu’un laps de
temps très court. L’histoire postérieure au rift est celle de la subsidence thermique de la
lithosphère (Jolivet, 1995).

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Figure 3: Les principales structures autour de la mer Tyrrhénienne, compressive dans l’Apennin et extensive
dans le bassin. Les âges d’extension sont reportés sur la carte ainsi que les directions de migration de
l’extension (Jolivet, 1995).

La structure crustale de la mer Tyrrhénienne (Figure 3) est celle d’une croûte continentale
amincie située entre les fronts de chevauchement alpin et apennin et formée d’une
succession de rides et de bassins nord-sud parallèles à la marge Corso-Sarde. Le domaine
océanique correspond à deux bassins profonds situés au centre du domaine le plus aminci
(la formation de la croûte océanique se situe entre 5 et 2 Ma pour le bassin de Vavilov et à
partir de 2 Ma pour le bassin de Marsili) (Jolivet, 1995). L’extension tyrrhénienne
correspond à l’écroulement de la chaîne des Apennins pendant sa formation, le rifting
débute alors il y a 9 Ma (Miocène supérieur). De ce bassin émerge le metamorphic core
complex de l’île d’Elbe avec un granite syntectonique du Miocène terminal (Debelmas &
Mascle, 2004).

Dans la Méditerranée Orientale, la mer Egée (Figure 4) résulte de l’affaissement de la chaîne


reliant la Grèce et la Turquie. L’ensemble du domaine égéen est découpé en blocs
basculés. L’état d’étalement est peu évolué mais il devrait se poursuivre par la création
d’un bassin d’arrière-arc lié à la subduction est-méditerranéenne (Debelmas et Mascle,
2004). La cinématique de la région Turquie – Egée est gouvernée par l’extrusion de
l’Anatolie en réponse à la poussée de la plaque Arabie (4 cm/an) et par le retrait de la fosse
de subduction conduisant à une extension arrière-arc dans le domaine égéen. L’extension
égéenne est contemporaine de la subduction de la croûte océanique (30 à 35 Ma), elle est
donc postérieure à la phase de collision majeure de l’Eocène. La déformation extensive
finie a créé des bassins profonds à soubassement de croûte continentale amincie, la mer de
Crête et la fosse Nord-Egéenne (Jolivet, 1995).

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Figure 4: Principales structures extensives en
Mer Egée décrivant le mieux les trajectoires de
directions d’extension (Jolivet, 1995)

IV. STRUCTURE DES ALPES

La chaîne des Alpes est née, comme nous l’avons vu, du rapprochement entre l’Afrique et
l’Europe (Figure 5) depuis le Crétacé supérieur. Après une phase de divergence jusqu’à
100 Ma, puis une phase de coulissage jusqu’à il y a 80 Ma, l’Afrique a entamé une
remontée vers le nord donnant un raccourcissement important dans la région
méditerranéenne. Comme nous l’avons vu plus haut, l’arc alpin est une petite partie d’un
arc plus vaste interrompu au sud par le bassin Liguro-Provençal, la Provence et la Corse.
Alors que dans l’ensemble de la Méditerranée, c’est l’Afrique qui passe en subduction sous
l’Europe, c’est bien l’Europe qui subduit sous l’Apulie dans les Alpes (Lallemand et al.,
2005).

Figure 5 : Mouvement tectonique de la plaque


africaine par rapport à la plaque européenne
(Lemoine et al., 2003)

On distingue plusieurs segments dans la chaîne alpine d’Europe (Figure 6) : les Alpes
Occidentales, Centrales, Méridionales et Orientales. L’ensemble des Alpes Méridionales et
Orientales constituent un bel exemple de chaîne à double déversement, les charriages étant
à vergence sud dans les Alpes Méridionales et à vergence nord dans les Alpes Orientales.
Les Alpes Occidentales ont une vergence ouest. Les ophiolites et les sédiments océaniques
associés soulignent la forme de l’arc et matérialisent la zone de suture océanique (Boillot
et al., 2003).

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Figure 6 : Carte structurale simplifiée des Alpes (d’après Agard et Lemoine, 2003 modifié).

Géographiquement, la chaîne des Alpes est large de 200 à 500 km, entre le plateau suisse
et bavarois au nord et la plaine du Pô et de Vénétie au sud. La chaîne s’allonge sur un
millier de km, de la basse vallée du Rhône français à l’ouest jusqu’au méridien de Vienne
en Autriche à l’est. Au-delà, vers l’est, elle se prolonge par les Carpathes (Lemoine et al.,
2003)
Géologiquement, la chaîne alpine est constituée d’un ensemble d’unités structurales
charriées les unes sur les autres, surtout du sud vers le nord entre Vienne et le lac Léman et
de l’est vers l’ouest dans une partie des Alpes Occidentales (Lemoine et al., 2005).

A. STRUCTURE GENERALE

Du nord-ouest au sud-est (d’ouest en est dans les Alpes occidentales), de la zone externe à
la zone interne, les Alpes sont faites d’un empilement d’unités structurales majeures, issues
de domaines paléogéographiques alternativement océaniques et de marges continentales
(Figure 7) (Agard et Lemoine, 2003).

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Figure 7 : Bloc diagramme schématique des Alpes et schéma en coupe des grandes unités structurales des
Alpes (d’après Agard et Lemoine, 2003 modifié).

A la partie inférieure et externe de cet empilement se trouvent des unités continentales


d’origine européenne au nord et à l’ouest, surmontées d’unités d’origine océanique. Au-
dessus de cet ensemble reposent des unités continentales austroalpines, charriées depuis le
sud sur les précédentes de l’Apulie ou Adria. Ce bloc continental, correspond à ce qui est
maintenant la péninsule italienne et le soubassement de la mer Adriatique, était un
promontoire septentrional de l’Afrique, plus ou moins indépendamment de cette dernière
(Lemoine et al., 2005).

1. Les subdivisions majeures

Du nord au sud (d’est en ouest dans les Alpes Occidentales) et de bas en haut, les unités
structurales empilées dans le prisme orogénique alpin sont issues d’une succession de
domaines paléogéographiques alternativement océaniques et de marge continentale :
La zone externe helvétique-ultrahelvétique (dauphinoise dans les Alpes occidentales)
correspond à la marge continentale européenne.
Les Zones internes penniques qui correspondent à deux domaines océaniques séparés par
un bloc continental intermédiaire. Le premier domaine océanique (en partie océanique) est
le domaine nord-pennique (inconnu dans les Alpes Occidentales). Il correspond à une
océan Valaisan né au Crétacé inférieur et sa marge continentale nord dont le socle
correspond aux nappes Simplo-Tessinoises. La deuxième zone - zone méso-pennique,
continentale – est un bloc intermédiaire mobile comportant les domaines subbriançonnais,
briançonnais et piémontais. Enfin, la zone sud-pennique océanique qui correspond à
l’océan Liguro-Piémontais (Agard et Lemoine, 2003). Ces zones correspondent au

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continent européen, sa marge passive et le domaine océanique. Le continent apulo-africain
est représenté par les zones internes austroalpines et sudalpine, issues du bloc continental
apulo-adriatique.

2. Rôle de la Ligne Périadriatique (LPA)

Cet accident majeur, orienté est-ouest, est un décrochement dextre de plus de 100 km qui
sépare les Alpes Méridionales non métamorphisées et peu déformées des Alpes Centrales
et Orientales où le métamorphisme et les déformations alpines sont intenses. Son tracé est
jalonné par des granites « alpin » post-tectoniques, d’âge Eocène supérieur - Oligocène :
Traversella, Biella, Bergel, Adamello, Rieserferner (Agard et Lemoine, 2003).

3. Les Bassins molassiques

Au nord et au sud de la partie rectiligne de la chaîne, deux bassins sont remplis de


plusieurs km de molasses. D’abord, au Nord, une avant-fosse a piégé des sédiments
molassiques oligocènes et surtout Néogènes dont l’épaisseur croît du nord au sud jusqu’à
atteindre 3 à 5 km près du front chevauchant de la chaîne. Là, sur une largeur de quelques
km, ces sédiments sont plissés et écaillés : c’est la molasse subalpine. Cette avant fosse se
poursuit à l’est au front des Carpathes, tandis qu’à l’ouest l’arc des Alpes Occidentales ne
comporte pas d’avant-fosse molassique continue, mais seulement les bassins disjoint du
Bas Dauphiné et de Digne-Valensole ; dans les intervalles, les sédiments molassiques
Néogènes existent mais sont peu épais. Au sud, les bassins Padan (plaine du Pô) et de
Vénétie : Oligocène à Quaternaire, 5 à 10 km d’épaisseur (Agard et Lemoine, 2003).

B. LES ALPES ORIENTALES (Figure 8).

Figure 8 : Carte structural des Alpes Orientales (d’après Agard et Lemoine, 2003).

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Les Alpes Orientales correspondent à près de la moitié de la chaîne de Alpes. L’essentiel
de leur affleurement correspond aux nappes austro-alpines d’origine apulo-africaine
(Agard et Lemoine, 2003) et les unités européennes (pennique et helvétique). Ces dernières
y apparaissent, d’une part, dans un étroit liseré au front nord de la chaîne (zone des flysch
rhéno-danubiens et lambeaux et klippes d’origine européenne et océanique) et d’autre part,
au cœur de trois grandes fenêtres tectoniques. Leur histoire tectono-sédimentaire
mésozoïque est fondamentalement différente ; au Trias se développent, au sein des plates-
formes carbonatées, le bassin de Hallstatt plus profond et en relation avec l’océan triasique
de Meliata des Carpathes. Au Jurassique et au Crétacé, alors qu’à l’ouest marges
continentales et océans penniques continuent d’évoluer en extension, certaines unités
orientales (nappes Juvaviques) sont le siège d’une tectonique compressive avec
chevauchements cachetés par les sédiments marins des couches de Gosau (Crétacé
supérieur, débutant au Turonien) (Lemoine et al., 2005).

Du nord au sud, les grandes lignes de la structure sont d’abord, la zone de flyschs rhéno-
danubiens. Ces flyschs sont penniques et d’âge Crétacé. La chaîne des Alpes Calcaires
septentrionales est large de 10 à 40 km. Plusieurs nappes de matériel carbonaté sont
superposées (âge mésozoïque principalement triasique). La zone cristalline et paléozoïque
centrale est large de 80 à 100 km. Cette zone est formée de nappes austro-alpines
constituées de gneiss ou de sédiments paléozoïques et surmontées par places d’une
couverture sédimentaire mésozoïque (ex : Alpes du Gail). Dans cette zone, les fenêtres
penniques affleurent grâce à l’érosion des nappes austro-alpines ployées en larges
anticlinaux. Ce sont, d’est en ouest, les fenêtres de la Basse Engadine, des Hohe Tauern,
enfin de Rechnitz sur la frontière austro-hongroise. Ces fenêtres permettent d’observer
l’affleurement des Schistes Lustrés et des ophiolites d’origine probablement nord-pennique
(Agard et Lemoine, 2003).

C. LES ALPES MERIDIONALES (Figure 9 et 10)

Figure 9 : Carte structurale des Alpes Méridionales (d’après Agard et Lemoine, 2003 modifié).

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Figure 10 : Un coupe nord-sud des Alpes Méridionales (Agard et Lemoine, 2003).

Les Alpes Méridionales, entièrement constituées d’unités apulo-africaine, sont situées au


sud de la ligne Périadriatique (Lemoine et al., 2005). La frange nord de cette partie des
Alpes est constituée de socle et de terrains d’âge paléozoïque. Au sud, la zone est
constituée de formation sédimentaire d’âge principalement triasique. Une marche plus
méridionale correspond à une prédominance de sédiments plus jeunes, jurassiques et
crétacés, avec une frange méridionale discontinue de sédiments d’âge Tertiaire, en bordure
des alluvions quaternaires de la plaine du Pô et de la Vénétie (Agard et Lemoine, 2003).
Au sein des Alpes Méridionales, les plis possèdent un large rayon de courbure faisant
affleurer le socle. De plus, il existe quelques chevauchements importants à vergence sud ;
mais de manière générale, la déformation des structures est de faible intensité et quasiment
sans métamorphisme ni schistosité.

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D. LES ALPES CENTRALES (Figure 11)

Figure 11 : Carte structurale des Alpes Centrales (Agard et Lemoine, 2003)

Les Alpes Centrales s’étendent des Grisons au Lac Léman et sont situées du sud du bassin
molassique au Nord de la ligne Périadriatique. Elles sont, du point de vue orographique le
prolongement vers l’ouest des Alpes Orientales (Lemoine et al., 2005).
Cette partie de la chaîne alpine est caractérisée par une zone externe helvétique et
ultrahelvétique avec un socle que l’on peut observer au niveau des massifs cristallins
externes du Mont Blanc et de l’Aar-Gotthard. Au sud, les Alpes sont formées de nappes
penniques (socle cristallin granito-gneissique, ophiolites et sédiments) ainsi qu’une
couverture de nappes austro-alpines.
Reposant sur les nappes helvétiques et sur le rebord interne du bassin molassique, les
nappes des Préalpes et les nappes de flyschs sont issues des zones penniques et austro-
alpines.
Les nappes penniques sont divisées en trois zones en fonction de leur provenance
océanique ou continentale. La zone nord-pennique (partiellement océanique) correspond
au domaine paléogéographique valaisan, la zone méso-pennique (continentale) est le
domaine subbriançonnais-briançonnais – piémontais et la zone sud-pennique est le
domaine liguro-piémontais (Lemoine et al., 2005).

La transversale du Cervin montre la structure verticale des formations précédemment


citées (Figure 12).

16
Figure 12 : Coupe par les Préalpes et le Cervin (Agard et Lemoine, 2003).

L’ensemble valaisan, ou nord pennique, comporte les unités issues de la marge


continentale et du fond du petit océan Valaisan d’âge Crétacé ; les couvertures
sédimentaires sont représentées par les Schistes Lustrés valaisan (Bündnerschiefer).
Le méso-pennique correspond à deux nappes de socle continental (Grand Saint Bernard et
Mont Rose) et à leurs couvertures sédimentaires. Ce bloc est issu d’un bloc continental
SBR situé entre les deux domaines océaniques valaisan et liguro-piémontais.
L’ensemble liguro-piémontais est constitué d’ophiolites beaucoup plus développées que
celles du domaine valaisan et d’une couverture sédimentaire constitué de Schistes Lustrés.

Les Préalpes (le massif du Chablais, les Préalpes romandes, fribourgeoises et bernoises et
des lambeaux) sont constituées de nappes de couverture d’origine ultrahelvétiques,
pennique et austro-alpines (Figure 13). Les nappes préalpines reposent au nord sur le bord
du bassin flexural molassique, au sud sur le revers septentrional des nappes helvétiques.

Figure 13 : Schéma de la structure des Préalpes romandes (Lemoine et al., 2003)

Ces nappes sont constituées, de haut en bas, de nappes ultrahelvétiques, de nappes


préalpines majeures (sédiments non métamorphique d’âge Trias à Eocène moyen) et de
nappes de flysch précoces d’âge Crétacé supérieur (pouvant monter dans le Paléocène et
même l’Eocène moyen).

17
Les nappes ophiolitiques, d’origine liguro-piémontaise ou valaisanne, sont caractérisées
par une semelle ophiolitique discontinue et peu épaisse. Cette semelle est surmontée de
Schistes Lustrés.

L’Austro-Alpin est représenté, dans les Alpes Centrales, par le klippe de la Dent Blanche,
mais aussi par la zone Sesia. Celle-ci possède un socle constitué de croûte continentale
supérieure qui a été partiellement subduite à la fin du Crétacé supérieur.
Le Sudalpin correspond à la zone d’Ivrée constituée de croûte inférieure (kinzigites) ; cette
zone est surmontée de croûte supérieure représentée par le cristallin de la zone des lacs
(dont la couverture sédimentaire triasico-jurassique appartient aux Alpes Méridionales)
La zone d’Ivrée est charriée sur la zone de Sesia. Plus au nord, l’ensemble, charrié en bloc
sur les unités penniques, constitue la nappe de la Dent Blanche (Austro-Alpin charrié, issu
du Sudalpin).

Le Jura apparaît donc comme une annexe des Alpes et le mécanisme de son plissement est
le contemporain de celui des Alpes Externes dont il ne peut être dissocié.
Le Jura est une petite chaîne à matériel presque secondaire et qui dessine un arc entre la
forêt noire (nord) et le môle ancien de Crémieu (sud). La série stratigraphique commence
au Trias (faciès germanique). Le Jurassique et le Crétacé sont calcaire du côté France et
marneux du côté Suisse. Leur épaisseur moyenne augmente d’ouest en est (de 1000 à 2000
m). Le socle a donc basculé vers l’est dès le Mésozoïque. Les faciès sont ceux d’une
plateforme typique. La plateforme émerge dès le début du Tertiaire et se trouve ensuite
soumise à l’érosion puis à une tectonique de distension contemporaine de la formation des
fossés d’effondrement européens.
A la fin du Miocène, il intervient l’unique phase de plissement. Le plissement du Jura est
accompagné du soulèvement du Jura Interne (le plissement y est plus intense et a épaissi la
couverture). La surface topographique du Jura est alors inclinée vers l’ouest, mais en
profondeur, la pente du socle est dirigée vers l’est et le toit du socle est resté relativement
plat ; ainsi, la déformation alpine n’a porté que sur la couverture.
Il y a eu un sous charriage du socle du Jura vers l’est, sous la partie des Alpes où existe un
surépaississement crustal. Au sud du bassin molassique Suisse, les plis du Jura se fondent
dans les plis subalpins (Debelmas & Macle, 2004).

18
E. LES ALPES OCCIDENTALES ou franco-italienne (Figure 14).

Figure 14 : Carte structurale des Alpes Occidentales (d’après Agard et Lemoine, 2003 modifié).

On reconnaît dans la structure des Alpes des « zones » isopiques qui sont des unités
tectoniques d’échelle crustale, et qui sont caractérisées par leurs séries sédimentaires et
leur évolution tectonique et métamorphique. Les principales zones isopiques des
Alpes classiquement décrites : le Dauphinois représentant la zone externe, le Briançonnais
(ou Méso-Pennique briançonnais), le Piémontais (ou Méso-Pennique piémontais) et le
Liguro-Piémontais (Sud-Pennique et océanique).
L’absence presque totale des nappes austro-alpines dans les Alpes Occidentales permet
d’observer assez facilement les roches métamorphiques profondes passées en subduction
pendant la formation de la chaîne (Lallemand et al., 2005).

4. Les données sur la structure crustale et lithosphérique

Les résultats du profil ECORS (Figure 15) ont permis des observations sur la structure
crustale et lithosphérique de cette zone de la chaîne alpine.

19
Figure 15 : Coupe dans les Alpes Occidentales (D’après Lallemand et al., 2005 modifié)

Le Moho s’approfondit d’ouest en est jusqu’à l’aplomb du front pennique. La croûte


inférieure suit l’approfondissement sans changer d’épaisseur puis remonte sous les zones
internes alors que la croûte supérieure s’épaissit nettement. Il est possible alors qu’il existe
une zone de décollement, qui descend vers l’est pour traverser le Moho, entre les deux
parties de la croûte. La subduction de la croûte inférieure génère un bourrelet au niveau de
la croûte supérieure au dessus de la zone de décollement. De plus, les données récentes
dans les zones internes ont montré la présence d’un corps dense à faible profondeur,
comme une écaille du manteau qui serait lié au recoupage du Moho par ce décollement qui
s’enfonce vers l’est (Lallemand et al., 2005).

5. Les domaines externes représentés par le domaine Dauphinois

Le domaine dauphinois constitue la majeure partie de la surface. Il forme les chaînes


subalpines et comprend les chaîne subalpines septentrionales (Bornes, Bauges, Chartreuse,
Vercors) ainsi que les chaînes subalpines méridionales (Dévoluy, Diois, Oisans,
Baronnies), constituées essentiellement d’unités charriées de couverture sédimentaire.
Les unités du socle hercynien affleurent largement dans les massifs cristallins externes
(Mont Blanc, Aiguilles Rouges, Belledonne, Oisans, Mercantour) ; ces unités affleurent à
l’est des unités de couverture qui se sont déformées en grande partie indépendamment de
leur socle.

Les séries stratigraphiques (Figure 16) sont décollées au niveau du gypse du Trias et
découpées en écailles chevauchantes vers l’ouest alors que le toit du socle s’enfonce sans
se déformer. Les unités chevauchantes recouvrent des dépôts d’âge Miocène inférieur
semblables aux molasses du bassin d’avant-pays.

20
Figure 16 : Les séries stratigraphiques des Alpes Occidentales (d’après Agard et Lemoine, 2003 modifié).

Certains chevauchements ont un pendage inverse et déplacent des unités vers l’est par
rapport à leur substratum (rétrochevauchements). On retrouve cette structure en écaille de
couverture décollée sur un socle non déformé dans toutes les zones externes des Alpes, y
compris le Jura.

Les paysages de cette région des Alpes sont contrôlés de manière très étroite par des
niveaux caractéristiques de la série lithostratigraphique du Dauphinois. La série épaisse de
plus de 3000 m est formée essentiellement de calcaires déposés sous faible tranche d’eau
dans un domaine de plateforme. Le Trias est gréseux, puis calcaire et évaporitique. Le
Jurassique et le Crétacé sont essentiellement calcaires sauf la zone des Terres noires. Les
niveaux importants de cette zone sont la barre des calcaires récifaux de l’Urgonien et la
barre des calcaires pélagiques du Tithonique.
Le domaine dauphinois montre un gradient d’épaisseur crustale d’ouest en est.
L’épaississement est réalisé par l’empilement d’écailles de couverture au front de la
chaîne. Ce prisme sédimentaire est décollé de son socle au travers d’un décollement
localisé dans les évaporites du Trias et chevauche le bassin d’avant-pays oligo-miocène.
Plus à l’est, le socle est à son tour impliqué dans les chevauchements à la faveur de la
plongée du décollement dans la croûte moyenne. Les parties orientales ont été enfouies à
10 km de profondeur environ et présentent une déformation ductile compatible avec un
raccourcissement est-ouest et le chevauchement du Briançonnais sur le Dauphinois. Le
domaine dauphinois est donc un prisme d’accrétion sédimentaire et crustal formé au cours
de l’Oligocène et du Miocène. Ce prisme s’est formé aux dépens d’une croûte continentale
en partie amincie par un épisode de rifting au Jurassique inférieur (Lallemand et al., 2005).

21
6. Les zones internes des Alpes

a. Le domaine briançonnais (Méso-Pennique)

Le domaine briançonnais affleure à l’est du domaine dauphinois et présente également une


séparation entre un ensemble essentiellement composé de sédiments paléozoïques et
mésozoïques à l’ouest, et des unités de socle métamorphique à l’est (socle d’Ambrien et
massifs cristallins internes, Grand Paradis et Dora Maira) suggérant encore une fois une
évolution séparée du socle et de la couverture.

Le contact des zones externes et internes, ou Front Pennique (marqué par une zone de
gypse plus ou moins épaisse), rapproche le domaine dauphinois et le domaine
briançonnais. Des unités intermédiaires, telle que l’Ultra-Dauphinois et le Sub-
Briançonnais, viennent s’intercaler entre les deux.
Le domaine briançonnais comprend la zone briançonnaise proprement dite ainsi que les
massifs cristallins internes, les deux ensembles étant connectés sous les Schistes Lustrés.
Les séries du briançonnais comportent, au dessus du socle hercynien et de séries houillères
présentes surtout au nord, les quartzites et les calcaires dolomitiques des Dolomites dans le
domaine apulien. C’est l’époque du rifting de la Téthys.
Plusieurs niveaux d’évaporites sont intercalés dans la série et peuvent servir de niveau de
décollement. Les différentes nappes briançonnaises ont été séparées de leur socle et de son
tégument en fonction de la présence évaporitiques.

Au-dessus du Trias, viennent des dépôts du Jurassique terminal, très peu épais (quelques
dizaines de mètres seulement parfois) dont la base est plus ou moins érosive. Tout le reste
du Jurassique manque. Le Jurassique supérieur est recouvert par les calcaires pélagiques en
plaquettes du Crétacé supérieur, assez peu épais. Ils recouvrent en discordance tous les
dépôts précédents et peuvent reposer directement sur le Trias supérieur ou inférieur.
Le domaine sub-briançonnais diffère du Briançonnais essentiellement par la présence d’un
Lias plus ou moins épais, la série y est donc plus complète.
Les séries mésozoïques sont finalement recouvertes par un flysch de l’Eocène. Ces
discordances à l’intérieur de la série briançonnaise témoignent en fait du même épisode de
rifting que celui que nous avons vu dans le Dauphinois. On reconnaît des blocs basculés et
des failles normales bien préservés dans les différentes nappes.

On retrouve dans le Briançonnais une évolution proche de celle du Dauphinois mais avec
un enfouissement beaucoup plus important. Dans la partie occidentale, près du Front
Pennique, les unités de couverture forment un prisme d’accrétion sédimentaire désolidarisé
du socle au travers d’un décollement. Les unités sédimentaires les plus à l’est ont été
enfouies à 30 km de profondeur ou plus. Le socle a évolué indépendamment et a plongé
beaucoup plus loin dans la zone de subduction jusqu’à atteindre 100 km ou plus.

En conclusion sur le Briançonnais, on doit mettre l’accent sur la formation d’un prisme
d’accrétion et sur la subduction à grande profondeur des unités de socle. Le Briançonnais
représente donc un complexe de subduction d’âge Paléocène et Eocène.

22
b. Le domaine piémontais (Méso-Pennique) et liguro
piémontais (Sud-Pennique)

A l’est de la zone briançonnaise, on entre dans le « pays des Schistes lustrés » (Agard et
Lemoine) - domaine piémontais, où sont charriées les unes sur les autres vers l’ouest
(Dercourt, 2002) et repliées ensembles plusieurs séries, les une piémontaises sensu stricto
(marge continentale distale), les autres liguro-piémontaises (océaniques).
Le domaine liguro-piémontais (sud-pennique) est caractérisé par des nappes océaniques
qui sont issues de l’océan Liguro-Piémontais (Agard et Lemoine, 2003).

Les sédiments déposés sur la croûte océanique ayant subi le même degré de
métamorphisme que ceux de la couverture piémontaise, il n’est pas aisé de tracer la limite
des deux ensembles. Le sommet de la couverture ligurienne est identique à celui de la zone
piémontaise et comme lui, il s’en est décollé avant d’avoir été métamorphisé et participe
aux klippes de flysch à Helminthoïdes. Après l’ensemble de ces chevauchements, le
substrat de la nappe ligurienne (zone piémontaise) déformé, affleure jusqu’à son socle
paléozoïque à la faveur des fenêtres tectoniques (Grand Paradis, Dora Maira…) (Dercourt,
2002)
Le domaine piémontais est composé de calcschiste de la nappe des Schistes Lustrés et des
métabasites associées, mais également de la nappe du flysch à Helminthoïdes qui flotte à
l’avant sur le domaine briançonnais et le domaine dauphinois (Lallemand et al., 2005).

Des massifs ophiolitiques (Mont Viso, Chenaillet,…) fragments d’une croûte océanique et
leur couverture essentiellement pélitique (métamorphisée en Schistes Lustrés) chevauchent
les séries piémontaises. Le sommet de cette couverture, le flysch à Helminthoïdes, fut
décollé avant qu’elle n’ai été métamorphisée et il s’est répandu loin vers l’ouest en vastes
klippes (Ubaye-Embruanais et Alpes Maritimes) ou plus modeste (unité sommitale de la
klippe des Préalpes) (Dercourt, 2002).
Ainsi, certaines unités sont très métamorphiques comme les ophiolites du Viso, d’autres
pas du tout comme le flysch à helminthoïdes ou les ophiolites du Chenaillet. Il y a une
différence de comportement entre des unités ayant subduit profondément et des unités
restées en surface (Lallemand et al., 2005).

Le socle du domaine liguro-piémontais est donc océanique. On retrouve, dispersés dans la


chaîne, les différents termes d’une série ophiolitique métamorphisés à des degrés divers.
L’exemple le plus clair est celui du massif du Chenaillet (séquence ophiolitique
caractéristique des dorsales lentes). On y observe, de bas en haut : des serpentinites
(hydratation des péridotites du manteau), des gabbros assez peu épais puis des basaltes en
coussins. Les sédiments y sont essentiellement des radiolarites et des calcaires pélagiques
datés du Jurassique supérieur (callovo-oxfordien). Ils reposent directement sur les basaltes
en coussins voire même par endroits sur les serpentines.
Le domaine liguro-piémontais est donc un complexe de subduction dans lequel des unités
sont passées en profondeur (jusqu’à 80 km pour le Viso) et d’autres sont restées en surface,
décollées soit à la faveur des serpentines du manteau hydraté soit à la faveur de niveaux de
sédiments peu compétents. On se trouve donc encore une fois dans le contexte de la
subduction à grande profondeur de certaines unités qui vont circuler dans le chenal de
subduction, alors que d’autres unités restent dans les parties moins profondes. Ce
complexe de subduction développé aux dépens de l’océan Liguro-Piémontais se forme du
Crétacé supérieur à l’Eocène inférieur (Lallemand et al., 2005).

23
F. LE METAMORPHISME DES CHAINES ALPINES

Les déformations qui ont abouti aux structures alpines s’accompagnent de métamorphisme
comme dans toutes les chaînes de collision. L’étude de la carte de la structure
métamorphique des Alpes (Annexe 1) (CCGM, 2004) montre que le métamorphisme y est
situé au dessus de la LPA. En effet, dans les Alpes Méridionales, les roches ont subi des
déformations peu intenses, quelques plis pratiquement sans métamorphisme et surtout des
chevauchements qui impliquent un raccourcissement nord-sud d’une centaine de
kilomètres.
Il existe, au sein de la chaîne alpine, deux événements métamorphiques successifs liés à la
subduction océan – continent puis à la collision et la genèse d’un prisme de collision.
Les roches ayant subi des subductions sont affectées par des métamorphismes haute
pression – basse température (HP-BT) dans les faciès schistes bleus et éclogites, voire
même ultra haute pression (UHP) avec un faciès schistes blancs à coesites qui résulte de
l’enfouissement à 100 km de profondeur. Celles qui sont impliquées dans le prisme de
collision crustale ou lithosphériques ont été ensuite affectées de métamorphisme dans les
faciès schistes verts ou amphibolites (haute température - HT) (Lemoine et al., 2005).

Figure 17 : Carte de la structure métamorphique des Alpes Occidentales (Agard et Lemoine, 2003).

24
Dans la partie est et sud-est des Alpes, ou Alpes Occidentales (Figure 17 et annexe 2), les
conditions du pic de métamorphisme rencontré à l’est du front Pennique correspondent à
un gradient de HP/BT (faciès schistes bleus et éclogites). Or, comme nous l’avons vu
précédemment, ce type de conditions P/T est similaire au régime prévalent dans les zones
de subduction. Cette zone est donc un vestige d’une subduction. La présence d’ophiolites
montre qu’une partie de la lithosphère océanique subduite a été postérieurement exhumée.
De plus, il existe une zonation croissante d’ouest en est (Figure 18).

Figure 18 : Coupe des structures métamorphiques dans les Alpes Occidentales (D’après Lallemand et al.,
2005 modifié)

A l’est du Front Pennique, les limites d’apparition des minéraux nouveaux épousent la
courbure de la chaîne. Leur succession montre des conditions de pression et de température
globalement croissante de l’extérieur vers l’intérieur, traduisant un accroissement vers la
profondeur.
Enfin, à la différence des Alpes Centrales, comme nous allons le voir ensuite, le
métamorphisme HP/BT est bien préservé, le métamorphisme de collision est resté dans le
faciès schistes verts (Agard et Lemoine, 2003).

Au sein des Alpes Centrales (Annexe 3), on remarque que la zone de métamorphisme est
caractérisée par les Alpes Lépontines et Simplo-Tessinoises avec un métamorphisme à
faciès des amphibolite (HT-BP). Autour de cette zone, le métamorphisme à faciès varié à
haute température. Cette zone est constituée d’un mélange de reliques de faciès éclogite, de
faciès amphibolites et de faciès granulites locaux. Ces faciès à HT sont particulièrement
représentatifs de zones d’importante collision.
En effet, l’édifice des nappes éocènes a subi, à partir de l’Eocène-Oligocène (35-40 Ma),
une compression beaucoup plus forte que les Alpes Occidentales. En effet, l’orientation
est-ouest de cette partie de la chaîne alpine a subi de façon plus intense la remontée vers le
nord de la marge adriatique qui se produit alors. Cette marge, froide et rigide, s’emboutit
dans la marge européenne, épaissie, chaude et ductile, faisant remonter l’édifice des nappes
vers la surface. Le transfert de chaleur le long de la zone verticale située au contact des
deux plaques déclenche la mobilisation de magmas granitiques (Val Bregaglia) (Debelmas

25
& Mascle, 2004). Ainsi, dans cette partie des Alpes, l’évolution métamorphique classique
se termine par l’apparition d’un dôme thermique centré sur les zones internes helvétiques
dans lequel la température atteint les 650°C (pour une pression de 6 kbar) – faciès
amphibolites, et localement celui des granulites et de l’anatexie. La fin de l’histoire
métamorphique des Alpes se produit donc dans un régime thermique totalement différent
de l’histoire précoce, beaucoup plus chaud (Jolivet, 1995).
Enfin, les Alpes Orientales (Annexe 4) sont lié à une tectonique plus complexe qui associe
des structures métamorphiques dont les faciès sont liés à une subduction, et des structures
dont les faciès sont joints à une collision.

L’étude des âges tectonométamorphiques des Alpes (Annexe 5 ; CCGM, 2004) permettent
de dater les zones de métamorphisme HP (processus liés à la subduction) et les zones de
métamorphisme HT (processus lié syn- et post-collision) en ne prenant en compte que
l’histoire Méso-Cénozoïque de la chaîne (orogenèse alpine).
Les zones de subductions, datées de 110 à 35 montrent trois zones distinctes. En effet, on
remarque que les premières phases de subductions sont situées à l’extrême est de la chaîne,
sous la fenêtre des Tauern et dans les zones de Koralpe et Saulape. Ces prémices de
subductions sont observés, sur les zones austro-alpines des Alpes Centrales (Sesia et Dent
Blanche) et sont datées de 90 Ma à 60 Ma. Ces zones sont les reliques des premières
subductions de l’Europe sous l’Apulie dans les Alpes. Enfin, la zone occidentale des
Alpes, particulièrement caractéristique d’un métamorphisme de subduction, date de 59 Ma
à 35 Ma.
Les structures métamorphiques représentant des zones touchées par la collision ont été
datées de la même façon et montrent que la collision est âgée de 60 Ma dans les Alpes
Occidentales et une partie des Alpes Centrales alors qu’elle s’étale de 110 Ma à 60 Ma
dans les Alpes Orientales. On peut ainsi conclure que la collision a commencé dans la
partie nord-est des la chaîne alpine puis s’est déroulée plus tard dans les zones centrales et
occidentales. Ces deux observations montrent un processus tectonique qui a commencé par
une subduction et une collision dans les Alpes Orientales, une subduction au sein des
structures apuliennes concomitantes à une subduction et une collision occidentale. Ces
datations sont approximatives mais permettent de situer géographiquement les processus
de subduction et de collision au sein de la chaîne alpine.

V. HISTOIRE DES ALPES

L’affleurement des ophiolites associées à leurs couvertures de sédiments dans la chaîne


alpine, montre que celle-ci est issue d’un ou plusieurs océans. En effet, le cycle alpin,
succédant en Europe Occidentale au cycle hercynien, a débuté par un rifting responsable
de la création, au sein du méga continent Pangée, d’un nouvel océan, la Téthys. Le secteur
liguro-piémontais était situé à l’emplacement des futures Alpes. Le deuxième océan
présent dans la zone alpine était l’océan Valaisan. Ouvert au Crétacé, cet océan était situé
au milieu de la marge européenne Téthys-Ligure (Lemoine et al., 2005)

26
A. RIFTING TETHYSIEN

1. Cas de la Téthys (figure 19)

Figure 19 : La Téthys au Jurassique supérieur, vers 145 Ma (Lemoine et al., 2003)

Dès 1924, Argand utilise le nom de Téthys pour désigner l’océan qui séparait l’Eurasie de
l’Indo-Afrique, et qui a donné, après rapprochement de ces deux continents, les chaînes
alpines, himalayennes et la Méditerranée (Westphal et al., 2002). La Téthys va transgresser
d’est en ouest et occuper la zone mobile « mésogéenne » à partir de la fin du Permien (245
Ma). Elle coupera la Pangée en séparant le Gondwana Méridional, en pleine dislocation,
d’un ensemble septentrional plus stable, la Laurasia par un système de failles
transformantes qui fonctionne en décrochements dextre. La Téthys va atteindre Gibraltar
pendant le Trias supérieur, puis elle s’infiltre entre l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique du
Nord pour atteindre les Caraïbes au début du Dogger (Jurassique moyen) (Elmi et Babin,
2006). L’amplitude du mouvement est de 1500 à 3000 km suivant les reconstructions, ce
qui donne une vitesse de 30 km/Ma (Westphal et al., 2002). La partie qui nous intéresse
dans cet exposé correspond à la tectonique de la Téthys Méditerranéenne qui se développe
à l’ouest à partir d’une Téthys Orientale permanente appelée alors Panthalassée.
Au Trias supérieur et au Jurassique, la configuration change. L’Atlantique central, entre
l’Amérique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, commence à s’ouvrir. A la place de la zone
transformante, un système faille-rift-faille apparaît et le mouvement entre l’Afrique et
l’Europe devient un décrochement essentiellement senestre vers l’est- sud-est. L’espace
téthysien s’agrandit obliquement par rapport aux marges continentales avec des
conséquences sur l’orientation des futures zones de subduction.
Au Pliensbachien (Jurassique inférieur - 190 Ma), l’océan Téthysien est largement ouvert
vers l’est sur le domaine Pacifique (Téthys Orientale). La marge passive méridionale de cet
océan comprend tous les domaines situés aujourd’hui au sud de la ceinture ophiolitique
téthysienne depuis la plateforme arabe jusqu’au domaine pélagonien dans les zones
internes des Héllénides. La Téthys subducte sous sa marge nord depuis le Trias. Un arc
volcanique très important s’y est développé, depuis le bloc de Lhasa jusqu’au domaine de
Rhodope au confins de la Grèce et de la Bulgarie. Des phénomènes compressifs sont déjà
connus à cette époque dans le domaine d’arrière-arc dans la région du Caucase (Jolivet,
1995).
Cette extension va durer jusqu’au Jurassique supérieur où l’Atlantique Sud, puis
l’Atlantique Nord s’ouvrent de même que l’océan indien. Pour le Téthys, cela se traduit
par la fin de mouvement de décrochement senestre et un début du serrage. Le mouvement

27
relatif de l’Afrique par rapport à l’Europe prend une composante sud-nord importante
(Westphal et al., 2002). Au Callovien (155 Ma – Jurassique moyen) (Figure 20), la Téthys
tente sa jonction avec l’océan Atlantique par l’ouverture d’un petit bassin océanique vers
l’ouest : l’océan alpin (Liguro-Piémontais) qui va séparer les domaines briançonnais et
austro-alpin. La subduction se poursuit sous la marge nord de la Téthys.

Figure 20 : Grandes étapes de l’évolution de la Téthys Liguro-Piémontaise. Ces schémas simplifié ne


tiennent pas compte de l’océan Valaisan (Lemoine et al., 2005).

Et c’est au Jurassique – Crétacé (155 Ma) que la jonction Atlantique – Téthys est réalisée
sous forme de bassins étroits, c’est le domaine valaisan.
La Téthys est en subduction sous la marge sud de l’Eurasie, et c’est au Crétacé que la
fermeture de cet océan va débuter. En effet, dès le Crétacé inférieur, près de la zone de
fermeture de la Téthys, une première nappe ophiolitique de grande ampleur se met en place
sur la marge sud (actuel chaîne des Dinarides et des Héllénides). A l’Aptien (110 Ma–
Crétacé inférieur), La collision démarre dans la partie nord de l’océan alpin encore jeune,
les premiers évènements compressifs se font sentir dans les Alpes Orientales. Pourtant, à
Aptien, alors que la subduction continue et restreint de plus en plus le domaine téthysien,
l’ouverture océanique progresse dans le domaine sud téthysien ouvrant un bassin qui est
aujourd’hui préservé en Méditerranée Orientale. Il isole de la masse principale sud-
téthysienne les domaines du Pélagonien, du Gavrovo et Ionien qui constituent aujourd’hui
les nappes helléniques.
La fermeture de l’Océan Téthysien à l’est s’effectue du Crétacé moyen jusqu’au
Paléocène-Eocène inférieur, âge de la collision entre l’Inde et l’Asie et le début de la
formation du domaine himalayen. La Méditerranée actuelle est donc un des vestiges de
l’ancienne Téthys.

28
2. Cas de l’océan Liguro Piémontais et du domaine Valaisan
(Figure 21).

Figure 21 : Reconstitution paléogéodynamique de l’océan Liguro-Piémontais et de l’océan Valaisan (Agard


et Lemoine, 2003).

Au début du cycle alpin, au Trias, il n’y avait, à l’emplacement des futures Alpes, qu’une
plateforme continentale faiblement immergée. C’est au cours du Jurassique qu’un
phénomène distensif a ouvert dans cette plateforme un espace océanique dit « Liguro-
Piémontais » faisant partie de la Téthys (Debelmas et Macle, 2004). En effet, sur les deux
futures marges de l’océan Liguro-Piémontais, les sédiments du Carbonifère supérieur, du
Permien et du Trias ont des épaisseurs importantes et variables latéralement, ce qui
démontre un étirement – amincissement – de la lithosphère continentale, et donc un
phénomène de tectonique d’extension.
Le rifting qui a précédé l’ouverture de l’océan Liguro–Piémontais marque le début du
cycle alpin. Il débute au Trias supérieur, où les sédiments déposés sur un continent aplani
par l’érosion et par l’étalement tectonique des reliefs hercyniens vont subir la crise
sédimentaire et tectonique de la fin du Norien (Rhénien) qui correspond au début de la
grande transgression Jurassique.
Le rifting a été actif tout au long du Lias (Jurassique inférieure) et d’une partie du Dogger
(Jurassique moyen), dès 205 Ma et jusqu’à 165 Ma, date de l’expansion de l’océan Liguro
Piémontais. Sa marge nord était européenne, sa marge sud, par contre, était apulienne ou
adriatique.
L’extension syn-rift est d’orientation NW-SE avec des paléofailles normales d’extension
pures (nord-est – sud-ouest) et des failles de décrochement – de transfert (nord-ouest –
sud-est) principalement. Cette extension a été génératrice de structures comme des blocs
basculés large de 5 à 20 km délimités par les failles normales – ces failles peuvent être
listriques. Ces blocs ont induit une paléogéographie contrastée faite d’alternance de hauts-
fonds et de bassins profonds et subsidents. A partir du Sinémurien (Jurassique inférieur),
les blocs basculés se sont individualisés et on formé des demi horst et des demi grabens.
La marge continentale européenne comprenait deux bassins subsidents séparés par un large
domaine qui a été, suivant les époques, tantôt un haut-fond sous-marin, tantôt une île

29
immergée. Les structures sont, d’est en ouest, le bassin dauphinois (Alpes Occidentales) ou
helvétique (Alpes Centrales), le haut-fond briançonnais, le bassin piémontais (ce bassin
correspondait à la moitié d’un rift dont l’autre moitié appartient à la marge continentale
apulo-africaine).
Après la rupture continentale, on peut observer du nord au sud dans les Alpes Centrales ou
du nord-ouest au sud-est dans les Alpes Occidentales trois domaines : la plateforme
européenne qui reçoit des carbonates de plate-forme (1000 à 2000 m pour le Jurassique),
une marge continentale passive (large de quelques centaines de mètres) recevant des
sédiments pélagiques et le domaine océanique liguro-piémontais en cour d’expansion
(Lemoine et al., 2005).
Les reconstitutions paléogéographiques proposeraient un modèle dans lequel l’océan
Liguro-Piémontais aurait été d’orientation nord-est – sud-ouest, plus ou moins calqué sur
la position des Alpes Occidentales du Miocène, de plus, un segment Grisons serait lui
plutôt plus ou moins parallèle aux Alpes Centrales et Orientales actuelles. Cette distinction
de deux branches serait liée aux différences entre les évolutions sédimentaires post-rift
dans le briançonnais des Alpes Occidentales et celui des Préalpes dans les Alpes Centrales.
L’étude comparative de deux transversales dans les Alpes Occidentales (Alpes Ligure,
Alpes Briançonnaise, massif de la Vanoise) et dans les Alpes Centrales (Chablais et
Préalpes Romandes) montrent deux Briançonnais différents. En effet, des différences
importantes apparaissent lors de l’expansion océanique téthysienne au Jurassique supérieur
et au Crétacé inférieur. Au Jurassique, la série stratigraphique entre Chablais et les
Préalpes Romandes montrent une importante activité tectonique. Au Crétacé, une activité
tectonique est générée, à l’inverse, dans le domaine du Briançonnais et de la Vanoise.
Au cours du Jurassique supérieur et du crétacé inférieur, dans les domaines Dauphinois et
Provençal, un rift intracontinental (branche Gascogne-Valais-Grison) s’est formé et a
précédé deux ouvertures, à l’ouest celle du Golfe de Gascogne et dans les Alpes Centrales,
celle de l’océan Valaisan, entre les domaines helvétiques et briançonnais. Cet océan s’est
partiellement océanisé du Malm – Crétacé inférieur au Crétacé supérieur – début Tertiaire.
Les secteurs qui ont été océanisés sont le Golfe de Gascogne à l’ouest, et le domaine
valaisan à ophiolites à l’est. L’océan Valaisan a eu une durée de vie très courte : il est donc
resté très étroit (quelques centaines de km), peut être même de façon discontinue (Lemoine
et al., 2005). Dans les Alpes Centrales, il était séparé de l’océan Liguro-Piémontais (né au
Jurassique moyen) par le bloc continental SBR (Grand-Saint-Bernard-Mont-Rose) (Figure
22) (Lemoine et al., 2005).

30
Figure 22 : Modèle paléogéographique de l’océan Liguro-Piémontais au Jurassique supérieur. Atl. nord :
Atlantique nord, Py : Pyrénées, Pr : Provence et Chaînes Subalpines méridionales des Alpes Occidentales,
Va : Océan Valaisan, Gr : Grisons, Ta : Hohe Tauer, P. Af./Eur. : position approximative du pôle de rotation
de l’Afrique par rapport à l’Europe au Jurassique moyen-supérieur (Lemoine et al., 2005).

Certaines transversales des Alpes, (des Cévennes au nord-ouest au Frioul au sud-est),


montrent qu’il y a eu en réalité trois rifts. Le rift central (Piémontais-Canavese-Err) s’est
rompu sur toute sa longueur et a donné l’océan Liguro-Piémontais, le rift nord-ouest
(Dauphinois-Helvétique-Valaisan) n’a été océanisé que partiellement et tardivement et a
donné l’océan Valaisan, et enfin, le rift méridional (Ela-Ortler-Lombardie) appartenant au
continent apulo-africain, n’a pas été jusqu’a la rupture et à l’océanisation (Lemoine et al.,
2005).

3. Volcanisme accompagnant le rifting

Pendant le rifting, la traction horizontale permet l’ouverture de fissures par lesquelles un


magma généralement alcalin monte jusqu’à la surface. Dans les Alpes, il existe des riftings
avec ou sans volcanisme associé, mais le volcanisme y est peu localisé. Il existe un
volcanisme au Trias supérieur dans le massif du Pelvoux (Dauphinois – Alpes
Occidentales). Des coulées de basaltes alcalins (« spilites du Pelvoux ») et des filons et
cheminées d’accès au magma traversant le socle cristallin témoignent d’une tectonique en
extension à cette époque (Lemoine et al., 2005). On a pu observer ce type de volcanisme
au Trias moyen-supérieur dans les Dolomites (Alpes Méridionales), au Jurassique ou au
Crétacé dans certaines unités de la fenêtre des Hohe Tauern (Alpes Occidentales)
(Lemoine et al, 2005).

B. FERMETURE DE L’OCEAN ET COLLISION.

Au cours du Crétacé supérieur, l’Afrique a commencé à se rapprocher de l’Europe, la


période alpine succède à la période téthysienne. La convergence des plaques s’est traduite
par une subduction où la marge africaine devient une marge active (Lemoine et al., 2005).

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Entre 115 et 80 Ma, plus vraisemblablement entre 85 et 80 Ma (Crétacé supérieur), il y a
un début de rétrécissement de l’océan Liguro-Piémontais qui conduira rapidement à la
collision des continents européen et apulo-africain (Lemoine et al.,, 2005).
Donc c’est au début du Crétacé supérieur que la lithosphère océanique de l’océan Liguro-
Piémontais a commencé à être subduite sous la marge continentale apulo-africaine.
Cependant, une autre partie de la lithosphère liguro-piémontaise continue à recevoir des
sédiments marins profonds (devenu des schistes et des calcaires – Palomboni - du crétacé
inférieur, des schistes argileux – Black Shales – et grés du crétacé moyen et des
calcschistes ou flyschs du Crétacé supérieur) (Lemoine et al., 2005).

Dans les Alpes Centrales, entre les océans Liguro-Piémontais et Valaisan, le bloc SBR
(domaines paléogéographiques du Subbriançonnais, Briançonnais et Piémontais) part à la
dérive et entre en collision avec le bloc apulo-africain et ceci à l’est des Alpes
Occidentales. A l’ouest, on admet que le rift Jurassique supérieur – Crétacé inférieur de la
partie sud des Alpes Occidentales et de la Provence n’a pas été océanisé sauf au niveau du
Golfe de Gascogne (Lemoine et al., 2005).

A partir du milieu du Crétacé, vers 100 Ma, la paléogéographie va se modifier. Au début


du Tertiaire, les Alpes ont alors commencé à se structurer, à surgir des eaux, en débutant
par les zones les plus internes, côté apulo-africain. Les charriages et les plissements,
partant de la marge continentale maintenant résorbée, progressent sur la marge européenne
en mordant peu à peu sur des zones de plus en plus externe.

1. Etat de la déformation et du métamorphisme au sein de la


chaîne alpine, et notamment au sein des alpes occidentales
(Figure 23).

Figure 23 : Evolution schématique du style tectonique d’ouest en est au travers des Alpes Occidentales
(d’après Agard et Lemoine, 2003 modifié).

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La description des zones externe, aux zones internes des indices de métamorphisme au sein
des roches, ce qui permet de définir leur enfouissement lors de la collision et la formation
du prisme orogénique. L’étude de la chaîne alpine nous amènerait à étudier l’évolution du
métamorphisme et de la déformation de la Méditerranée aux Carpates. Pourtant, nous
avons déjà vu que les Alpes Méridionales ont été peu déformées. De plus, dans les Alpes
Centrales, le métamorphisme Simplo-Tessinois, né dans le prisme de collision, atteint le
faciès des amphibolites, effaçant toute trace du métamorphisme antérieur à la collision. Au
contraire, dans le métamorphisme de collision est resté dans le faciès des Schistes Verts :
les traces du métamorphisme HP-BT dû à la subduction ont été préservées. Ainsi, afin de
déterminer la profondeur et la vitesse de formation du prisme orogénique, nous nous
limiterons au domaine des Alpes Occidentales.

a. Evolution du style de déformation avec la profondeur

Dans la zone externe, de l’avant pays jusqu’au Front Pennique, le style tectonique évolue :
les rejets et la densité des failles (surtout inverses) et des chevauchements augmentent ; les
plis sont de plus en plus serrés. La série liasique, dans le Dauphinois, est épaisse et peu
compétente et se déforme facilement. On observe dans la région de Bourg-d’Oisans une
série de plis à plans axiaux verticaux indiquant un raccourcissement horizontal est-ouest.
C’est dans cette région qu’apparaissent les premières déformations pénétratives sous la
forme de schistosité verticale, parallèles aux plans axiaux de ces plis. De plus, ce sont
également les premières à montrer des indices de métamorphisme. Même si on considère
en général que le Front Pennique limite à l’ouest le domaine métamorphique, la partie
orientale du Dauphinois contient des minéraux métamorphiques.
Dans les zones internes, la transformation est plus ductile. Aux abords et surtout à l’est du
Front Pennique, les plis deviennent plus serrés, la schistosité se généralise (Lemoine et al.,
2005).

b. Répartition et signification du métamorphisme

L’étude du métamorphisme au niveau des zones de collision permet de définir la formation


du prisme orogénique en fonction de la profondeur et de la vitesse d’enfouissement des
différentes zones. L’étude du prisme orogénique se fera au sein des Alpes Occidentale
pour faciliter l’étude.

A sein du domaine externe - le Dauphinois, les minéraux présents dans les schistes
liasiques (280-300°C - 3 kbar) et la pyrophyllite (280°C) des roches du Lias situées dans la
région du col d’Ormon montrent que la partie orientale du domaine dauphinois a atteint
des profondeurs de l’ordre de la dizaine de kilomètres au cours de l’Oligocène et du
Miocène.
Les roches des zones internes sont très déformées et métamorphisées. Les séries
sédimentaires briançonnaises contiennent des minéraux métamorphiques de haute-pression
et de basse-température : le lawsonite dans les roches volcaniques du Permien (couche du
Guil) ou la carpholite (300-350°C, 10 kbar) dans les carbonates et schistes du Crétacé
supérieur-Eocène ou encore dans les conglomérats du Permien de la haute vallée de la
Haute Ubaye. L’enfouissement des unités sédimentaires est donc ici de l’ordre de 30 km.
Les massifs cristallins externes, notamment celui d’Acceglio, comportent des paragenèses
métamorphiques à glaucophane, grenat et chloritoïde donnant des conditions P/T proches
de celles du faciès des éclogites. C’est dans les massifs de la Dora Maira et Grand Paradis

33
qu’il y a de la coésite et du quartz piégé dans des inclusions (35 kbar, 700°C).
L’enfouissement du socle est donc ici de l’ordre de 100 km (des profondeurs proches de
celles de la base de la lithosphère), il a évolué indépendamment et a plongé beaucoup plus
loin dans la zone de subduction jusqu’à atteindre 100 km ou plus.
Les données de la radiochronologie permettent de préciser le calendrier de ces évènements
métamorphiques. Les datations sur le massif de Dora Maira (datations 39Ar/40Ar sur les
micas blancs, datations U/Pb ou SM/Nd sur zircon, monazite, rutile ou grenat) donnent une
fourchette allant du Crétacé supérieur jusqu’à l’Eocène. Mais il semble que les unités
continentales de la Dora Maira ont été entraînées dans la subduction immédiatement
derrière les unités océaniques du Viso vers 45 Ma, le Briançonnais externe étant quant à lui
subduit un peu plus tard. Le Briançonnais représente donc un complexe de subduction
(prisme d’accrétion + chenal de subduction) d’âge Paléocène et Eocène
Dans le cas du domaine liguro-piémontais, la plupart des unités ophiolitiques, incomplètes
et de petite taille, a enregistré des conditions P/T du faciès des schistes bleus ou des
éclogites. Le massif du Chenaillet a préservé à peu près intacte une séquence ophiolitique
caractéristique des dorsales lentes.
Les conditions P/T sont très variables au travers du domaine ligure. On observe une
augmentation de l’intensité du métamorphisme en allant vers l’est. Les domaines les plus
externes (Chenaillet à flysch à helminthoïdes) ne présentent aucune évidence de
recristallisation à haute pression (faciès du type des schistes verts) et correspondent à un
épisode hydrothermal. Ces domaines ont donc échappé à l’enfouissement dans la zone de
subduction.
Les Schistes Lustrés montrent au contraire une évolution P/T du type des schistes bleus et
des éclogites (glaucophane, grenats, jadéite, carpholite). Les conditions P/T évoluent
d’ouest en est depuis 12 kbar - 350°C (dans les Schistes Lustrés les plus occidentaux)
jusqu’à 26 kbar – 600°C (dans le Viso). Les âges radiométriques montrent que la haute
pression date de 50-60 Ma. Le domaine ligure est un complexe de subduction, développé
aux dépens de l’océan Liguro-Piémontais du Crétacé supérieur à l’Eocène inférieur, dans
lequel des unités sont passées en profondeur (jusqu’à 80 km pour le Viso) et d’autres sont
restées en surface, décollées soit à la faveur des serpentines du manteau hydraté soit à la
faveur de niveaux de sédiments peu compétents (Lallemand et al., 2005).
Le complexe d’accrétion dauphinois se développe donc à l’Oligocène et au Miocène, le
complexe briançonnais à l’Eocène et le Liguro-Piémonais à la fin du Crétacé, au Paléocène
et au début de l’Eocène. Ces trois prismes d’accrétion sont empilés sous forme d’un prisme
orogénique (Lallemand et al., 2005).
Le volcanisme n’est pas particulièrement important dans les Alpes, pourtant, le volcanisme
calcoalcalin, indice du phénomène de subduction est présent, notamment dans les blocs
resédimentés dans le flysch valaisan (Dercourt, 2002).

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2. Collision et édification du prisme orogénique (Figure 24).

Figure 24 : Edification du prisme orogénique au sein des Alpes Occidentales (d’après Agard et Lemoine,
2003 modifié).

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Il existe trois étapes majeures dans la formation de ce prisme orogénique. Au Crétacé
supérieur – Paléocène, il y a dépôt de formations de type flysch (futur flysch à
Helminthoïdes) sur le continent et de vases argilo-carbonatées (futures calcschistes des
Schistes Lustrés) sur le fond océanique, alors que le l’océan Liguro-Piémontais est en
subduction (Lallemand et al., 2005). Ces sédiments ainsi que la lithosphère océanique vont
subir des décollements majeurs, ces décollements vont permettre à ces terrains d’échapper
à la subduction. Par contre, les sédiments océaniques vont subir un métamorphisme HP-BT
(ce qui génèrera les Schistes Lustrés) dans le prisme orogénique (Lemoine et al., 2005).
Vers 45 Ma, au cours du Paléocène-Eocène, la subduction océanique se termine et la
marge continentale du Briançonnais-Piémontais entre en subduction jusqu’à une très
grande profondeur. Le domaine briançonnais s’épaissit au front par la formation d’un
prisme d’accrétion sédimentaire (Lallemand et al., 2005)
A la fin de l’Eocène, vers 40 Ma, la phase de subduction continentale s’arrête (faible
densité des matériaux crustaux). Cette subduction continentale pourrait être à l’origine de
la formation des coésites en inclusion dans d’autres minéraux du massif de Dora Maira
(100 km de profondeur) (Lemoine et al., 2005).
Du contexte de subduction les formations vont passer à un contexte de collision (vers 35-
30 Ma), le domaine briançonnais et le domaine liguro-piémontais exhumés constituent
alors progressivement un prisme à l’échelle crustale avec des structures chevauchantes
majeures telles que le front pennique. A partir de l’Oligocène et jusqu’à aujourd'hui, c’est
la formation du prisme dauphinois qui affecte l’ensemble de la croûte en arrière et la
couverture sédimentaire en avant (les chaînes subalpines) (Lallemand et al., 2005).
La collision et le rapprochement de la chaîne vers l’Ouest génèrent l’inversion de certaines
failles du rifting (réactivation des blocs basculés des massifs cristallins externes) et des
rétrochevauchements vers l’est.
Enfin, le prisme orogénique atteint une échelle lithosphérique démontrée par les décalages
du Moho. Le prisme orogénique résulte du passage d’un prisme océanique essentiellement
sédimentaire à un prisme d’échelle crustale, puis lithosphérique (Lemoine et al., 2005).
On peut comparer cette structure à celle d’un prisme d’accrétion océanique. Dans les deux
cas, la couverture sédimentaire est découpée en écailles par des failles inverses connectées
à un décollement basal. Le « socle » subduit tranquillement alors que la partie supérieure
de la couverture est « accrétée » sous forme d’écailles se formant en séquence de
l’intérieur vers l’extérieur (la fosse). La « fosse » de subduction correspond au bassin
d’avant-pays et le décollement se propage dans les évaporites du Trias (Lallemand et al.,
2005).
La comparaison avec les zones de subduction océanique peut être poussée plus loin à
propos du bassin d’avant-pays. Toutes les chaînes de montagnes possèdent l’équivalent
d’une fosse de subduction : le bassin d’avant-pays. Dans le cas des Alpes, ce bassin est
surtout développé au nord (molasses helvétiques).
La formation de ces bassins, ou de la fosse de subduction dans le cas océanique, est sous la
dépendance de l’élasticité de la lithosphère plongeante. Sous l’effet de la compression et
du poids de la chaîne déjà construite, la plaque plongeante se déforme de manière élastique
donnant lieu à une flexure dont le rayon de courbure dépend de l’élasticité des matériaux.
L’élasticité d’une plaque est d’autant plus élevée que la plaque est épaisse et froide, et le
rayon de courbure est d’autant plus grand. L’élasticité de la « jeune » plaque européenne,
qui a vu se succéder l’orogenèse hercynienne et l’épisode d’extension post-orogénique
permienne, puis le rifting de la Téthys au Trias, puis le rifting Liguro-Piémontais au Lias,
et enfin l’extension oligocène, se ploie avec un rayon de courbure faible, donnant un bassin
d’avant-arc beaucoup plus étroit. Si la « fosse » de subduction alpine n’est pas profonde,

36
c’est tout simplement parce que la lithosphère européenne est plus légère que la lithosphère
océanique (Lallemand et al., 2005).
La collision et la formation du prisme orogénique sont responsables de mouvements
magmatiques ; la montée de magma granitique a généré des affleurements développés en
Italie (Granite d’Adamello). Ils ont injecté des cassures comme la LPA et des plans de
détachement. Ces granites sont vraisemblablement nombreux au sein de la lithosphère,
refroidis lors de leur ascension, mais très peu affleurent à ce stade d’érosion de la chaîne
(Dercourt, 2002).
La notion de prisme orogénique est remise en cause par divers auteurs qui parlent plutôt de
chenal de subduction. Les prismes d’orogéniques les plus épais connus aujourd’hui ne
dépassent pas 30 à 40 km. La notion de « chenal de subduction » (Figure 25) semble plus
appropriée. Ce concept recouvre le domaine situé entre la plaque plongeante et le manteau
suprasubduction et les roches remontent à la surface par un mécanisme qui n’est pas
encore élucidé. Pour recouvrir l’ensemble du prisme d’accrétion et du chenal de
subduction la notion de « complexe de subduction » peut être prise en compte (Lallemand
et al., 2005).

Figure 25 : Chenal de subduction au travers duquel se produisent les échanges entre les plaques
convergentes depuis la déshydratation progressive de la plaque plongeante jusqu’aux processus
d’accrétion/érosion. La structure thermique retenue est celle d’une plaque océanique âgée de 130 Ma
s’enfonçant à la vitesse de 9cm/an sous un arc (Lallemand et al., 2005)

3. Phase de surrection des zones internes

La remontée des unités subduites est démontrée par l’étude du métamorphisme des
différentes zones de la chaîne de Alpes et notamment par les chemins P-T. En effet, les
chemins P-T montrent que la remontée des unités subduites, très rapide, s’est achevée vers
35-40 Ma. Pour certaines unités (Briançonnais, Dora Maira) ont mis 5-10 Ma pour passer
des profondeurs de métamorphisme à schiste bleu, éclogite ou UHP aux conditions du
métamorphisme de schistes vert. Plusieurs modèles existent de remontée rapide des unités

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de haute pression pour former les reliefs de la chaîne. Ces modèles mettent en avant la
nécessité de « dénuder » ou d’exhumer les roches profondes, soit par une tectonique en
extension (démontrée par des failles normales ductile), soit par un réajustement isostatique
rapide ; dans les deux cas, l’intervention d’un érosion active est nécessaire, le tout pouvant
se dérouler alors que la convergence se poursuit. Il est concevable, dans le cas de la croûte
océanique, qu’une partie importante ait été engloutie, les quelques ophiolites restées à
l’affleurement ne sont qu’une infime partie de l’océan Liguro-Piémontais initial
(Lallemand et al., 2005).

CONCLUSION
Les Alpes sont une chaîne alpine jeune, en effet, elle n’a pas subit l’étalement crustal
connus notamment dans l’Himalaya. Les Alpes sont toujours vivantes, elle connaissent,
actuellement un raccourcissement et un soulèvement du relief de la chaîne.
Le soulèvement de la chaîne, mesuré par GPS, donne pour les zones en soulèvement,
comme Belledonne et les chaînes subalpines du nord, des chiffres de 1 à 2 mm/an au
maximum, mais certains auteurs soulignent qu’il ne semble pas exister pour les
soulèvements de vitesse uniforme mais plutôt des crises locales et temporaires.
Ce soulèvement est entretenu par un réajustement isostatique, et ceci du à sa croûte
continentale anormalement épaisse (le Moho atteint 50 à 60 km de profondeur sous les
massifs cristallins externes et les montagnes su Briançonnais). Mais il s'y ajoute sans doute
d'autres processus au soulèvement, notamment le rôle du flux de chaleur mantellique sous-
orogénique, qui allège la croûte sus-jacente et provoque la fusion des parties profondes de
cette croûte en donnant des magmas granodioritiques, relativement légers, qui remontent
parfois jusqu'à la surface (Adamello, val Bregaglia, Traverselle) (Debelmas, 2006).
De plus, le soulèvement peut aussi être lié à la poursuite du raccourcissement-
épaississement crustal, convergence, toujours actuelle, de l’Europe et de l’Afrique
(~1cm/an) (Lemoine et al., 2005).
Cette tectonique est caractérisée par l’activité sismique de cette zone. Cette activité existe
même si la fréquence et l’importance des séismes sont variables. En effet, la Grèce est la
région la plus sismique alors que le nord de la Tunisie est quasiment asismique. Les Alpes
sont moyennement sismiques.
« Contrairement à ce que pourraient laisser supposer les nombreuse synthèses alpines des
deux dernières décennies, il y a encore beaucoup à faire dans les Alpes. Mais on aura
remarqué combien les recherches actuelles essaient de se baser sur des chiffres (longueur
des déplacements, évaluation des P/T pour les actions crustales profondes, vitesse des
phénomènes, etc.) et s'intéressent de plus en plus aux phénomènes profonds. Ce qui
signifie que les recherches à venir ne seront plus celles que l'on a poursuivies pendant 150
ans. C'est dans le domaine des nouvelles techniques telles que la géophysique, la
géochimie, la géochronologie ou le paléomagnétisme, que l'on peut attendre du nouveau.
La géologie de surface, classique, n'est cependant pas morte. Les nouvelles hypothèses à
venir obligeront certainement à aller revoir le terrain pour en trouver les conséquences ou
les confirmations en surface. » Debelmas, 2006 (geol-alps.com).

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BIBLIOGRAPHIE
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géodynamique. CCGM, 48p
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Dunod, 201p.
• Commission de la Carte Géologique du Monde, 2004. Carte de la structure
métamorphique des Alpes.
• Debelmas J., Mascle G., 2004. Les grandes structures géologiques. Editions
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• Dercourt, 2002. Géologie et Géodynamique de la France. Editions Dunod, 330p.
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Collection Géosciences, 308p.
• www.geol-alps.com

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