Rapport Tamazgha Cerd Maroc 2023
Rapport Tamazgha Cerd Maroc 2023
Rapport Tamazgha Cerd Maroc 2023
Nations Unies
Conseil Économique et Social
Convention internationale pour l’élimination de toutes formes de discrimination raciale
(ICERD)
ème
111 session du CERD
Genève, 20 novembre au 8 décembre 2023
L’État marocain et la question amazighe
Sommaire
I. INTRODUCTION ………………………..….………................................................................................................................... p. 3
II. DONNEES GENERALES : HISTORIQUES, POLITIQUES, SOCIOLOGIQUES ET EDUCATIONNELLES.... p. 3
1) - L’Afrique du Nord, une terre amazighe (berbère) ..................................................................................... p. 3
2) - Le mouvement amazigh : bref rappel historique ................................................................................ p. 4
a)- L’époque coloniale ou les origines de la discrimination ......................................................................... p. 4
b)- Les Berbères sous la monarchie marocaine : le mouvement amazigh …..................................... p. 5
III. EXPOSE DES PRINCIPALES DISCRIMINATIONS OFFICIELLES .......................................................................... p. 7
1) - La négation officielle et institutionnelle du fait amazigh (berbère). .................................................. p. 7
2) - L’exclusion et la discrimination constitutionnelles ..................................................................................... p. 7
3) -Arrestations, violences et répression ................................................................................................................ p. 7
4) - Arabisation des toponymes amazighs ............................................................................................................. p. 10
5) - Discrimination à l'égard des artistes ............................................................................................................. p. 10
IV. DISCRIMINATION RELIGIEUSE. .................................................................................................................................... p. 11
1) - Constitution .................................................................................................................................................................... p. 11
2) - Le cas de la kafala ...................................................................................................................................................... p. 11
3) - De la nationalité. .......................................................................................................................................................... p. 11
V. ATTEINTES AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES .................................................................................................... p. 12
1) - La discrimination devant la Justice ................................................................................................................... p. 12
2) - La discrimination dans l'accès à la santé. ..................................................................................................... p. 13
3) - Les discriminations dans l'accès à l'information ........................................................................................ p. 13
4) - La langue amazighe au Parlement ..................................................................................................................... p. 15
5) - L’édition en langue amazighe .............................................................................................................................. p. 15
6) - Usage de la langue amazighe dans l'Administration................................................................................. p. 16
VI - LES REPONSES OFFICIELLES BIAISEES ................................................................................................................ p. 17
1) - L’introduction du berbère dans le système éducatif ................................................................................. p. 17
2) - L’IRCAM : pour un freinage en douceur du mouvement amazigh ................................................... p. 21
3) - L’adoption de l’alphabet tifinagh : une arme pointée contre la langue berbère elle-même ? p. 22
VII. LES RECOMMANDATIONS DU COMITE DES POUR L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION
RACIALE, EN 2010. ................................................................................................................................................................ p. 23
VIII. DES CHIFFRES INCOHERENTS. ................................................................................................................................ p. 24
IX. NOS PROPOSITIONS POUR L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION ENVERS LES AMAZIGHS .......... p. 26
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES. ................................................................................................................................. p. 27
ANNEXES ................................................................................................................................................................................... p. 28
- Annexe 1. Communiqué de cinq organisation de défense des droits humains ............... p. 28
- Annexe 2. Communiqué des démissionnaires de l'IRCAM .................................................................. p. 29
- Annexe 3. Le Recteur de l’IRCAM s’exprime ................................................................................................ p. 31
I – INTRODUCTION
Au Maroc, et plus généralement en Afrique du Nord, un très grave déni culturel et identitaire
basé sur la discrimination est à la base de l’action de l’État national qui se veut arabe et musulman
et engage toutes ses forces pour arabiser les berbérophones.
L’objet de cette discrimination officielle permet d’établir la violation des principes de la
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Il s’agit d’une atteinte extrêmement grave aux droits culturels des berbérophones, par
ailleurs reconnus par tous les textes internationaux, au premier chef de la Déclaration universelle
des droits de l’homme, la Convention internationale pour l’élimination de toutes formes de
discrimination raciale et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
que le Maroc semble ignorer depuis toujours.
Cette politique qualifiée qui confine à un "impérialisme linguistique" empêche naturellement
la société d’aller vers un véritable pluralisme et une véritable démocratie nécessaires à la lutte
contre le sous-développement. Une folle énergie sociale est ainsi dilapidée à contrarier les valeurs
ancestrales et l’identité première des Berbères au lieu d’en faire le point d’appui pour la
construction d’une société vraiment réconciliée et ouverte, plurielle et démocratique.
L’arabisation est ainsi au cœur d’une politique étatique de négation des droits humains les
plus élémentaires, négation au demeurant raciste, puisque l’Arabe est préféré officiellement et
constitutionnellement à l'Amazigh (Berbère), ce dernier nié, et renvoyé dans le meilleur des cas à
une existence folklorique ou historique.
Tous les historiens de l’Afrique du Nord attestent que le pays est peuplé de Berbères depuis
les temps les plus anciens. Ainsi, Ibn Khaldoun dans son Histoire des Berbères, peut écrire à propos
du pays que l’on appelle le Maghreb et que nous appelons Tamazgha ou pays des Imazighen :
"Depuis les temps les plus anciens, cette race d’hommes habite le Maghreb dont elle a peuplé les
plaines, les montagnes, les plateaux, les régions maritimes, les campagnes et les villes" (Ibn
Khaldoun - Histoire des Berbères, Paris, Geuthner, 1999, p. 167).
Concernant tamazight, la langue des Imazighen : "leur langue est un idiome étranger,
différent de tout autre : circonstances qui leur a valu le nom de Berbères" (Ibn Khaldoun, 1999,
opus cité p. 168).
Concernant, enfin, les religions professées en Afrique du Nord : "il y avait parmi eux [des
tribus] qui professaient la religion juive ; d’autres chrétiennes, et d’autres païennes, adorateurs du
soleil, de la lune et des idoles. Comme ils avaient à leur tête des rois et des chefs, ils soutinrent
contre les musulmans plusieurs guerres très célèbres". (Ibn Khaldoun, 1999, opus cité, p. 177).
Plus près de nous, en 1931, l’historien anticolonialiste Charles-André Julien pouvait
constater que : "Aujourd’hui, on ignore généralement que le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont
peuplés de Berbères, que l’on qualifie audacieusement d’Arabes. Quant aux indigènes, ils se
désignèrent souvent du nom d’Amazigh (Tamazight au féminin, Imazighen au pluriel) qui signifiait
les hommes libres, puis les nobles et s’appliqua à plusieurs tribus avant l’occupation romaine" (C.-
A. Julien, Histoire de l’Afrique du Nord, Paris, Payot, 1931, p. 2).
En 1921, les forces berbères du Nord guidée par Mohammed Abdelkrim El Khattabi
emportent la bataille la plus célèbre contre les troupes espagnoles. Ce qui permit la libération du
Rif. Vaincus, les deux puissances protectrices du Sultan organisent leur riposte.
En 1934, dans le Sud Est du pays, l’armée française subit de nombreuses défaites. On
retiendra la bataille de Badou qui vit les troupes de Assou Ou Bassalem triompher.
Signalons une nouvelle fois le parti pris du Sultan et de sa clientèle politique en faveur des
puissances coloniales au bénéfice desquelles de véritables campagnes de propagande furent
organisées dans les mosquées de Fès, notamment. On perçoit ici les origines de la discrimination
qui frappera, dans le Maroc indépendant et administré par les descendants du Sultan, les populations
berbères.
La France coloniale a procédé à l’instauration du dahir du 15 juin 1922 qui a été promulgué
par le Sultan Moulay Youssef. Ce dahir vise à contourner les lois berbères relatives aux questions
foncières, ce qui a permis à la France l’expropriation des Berbères de terrains qui leur
appartenaient. Ce Dahir est toujours applicable.
En ce sens, il convient de dire que La France n’a jamais œuvré à préserver ni les biens ni les
coutumes berbères, bien au contraire.
En 1930, le résident général de la France promulgue un dahir (un texte de loi) signé par le
Sultan. Rappelons, pour mémoire, qu’à leur arrivée en Afrique du Nord, les Français ont été
confrontés à différentes pratiques juridiques inconnues et distinctes des pratiques islamiques. Nous
insisterons, avec Salem Chaker (Berbères aujourd’hui. Kabyles et Berbères : luttes incertaines,
L’Harmattan, Paris, 2022), sur le fait que "le droit coutumier berbère est une donnée objective des
sociétés berbères ; il préexiste à l’arrivée des Français, qui ne l’ont pas créé comme on pourrait
parfois le croire à lire la littérature nationaliste arabo-islamique". Ce "dahir berbère", texte de droit
international privé qui ne dit pas son nom, tendait à l’application du droit coutumier berbère en
matière pénale aux populations berbères. Il s’agit là, sans plus, d’un exemple du principe de la
personnalité des lois. Les réactions que la promulgation de ce texte a suscitées au sein des familles
urbaines, traditionnellement liées au Sultan, méritent d’être analysées.
Les Berbères ont toujours été à la fois la cible d’assimilation de la part du pouvoir central
makhzénien et de la part des autorités coloniales françaises. Il faut aussi souligner que le sultan
Moulay Youssef avait demandé aux autorités françaises de substituer la coutume berbère par la loi
coranique, dans les tribus pacifiées. Cependant, ses alliés, à savoir la bourgeoisie citadine, celle qui
a été derrière la contestation du Dahi dit « berbère », n’est pas soumise à la loi coranique parce
qu’elle bénéficiait de la protection judiciaire et fiscale des pays qu’elle représentait.
De peur de voir les Berbères s’imposer sur le terrain politique, les tenants de l’idéologie
arabe évoquent le spectre de la division des maghrébins et s’insurgent contre ce qui fut qualifié de
tentative de "christianisation" des Berbères. Ces réactions émanant des serviteurs du Sultan, sont
hautement révélateurs de "la suspicion profonde et de l’illégitimité foncière dans lesquelles le
nationalisme arabo-islamique a toujours tenu les Berbères" (voir Salem Chaker, Berbères
aujourd’hui. Kabyles et Berbères : luttes incertaines, L’Harmattan, Paris, 2022). Sur ce fondement,
sera combattu toute référence au berbère. Nous y voyons également les sources de la discrimination
que subiront les populations berbères après l’accession du Maroc à la souveraineté.
Pour Ali Karimi, professeur d’histoire à Rabat, toutes les initiatives de réformes politique et
constitutionnelle lancées à partir de 1901 sous l’impulsion de l’élite politique et intellectuelle
marocaine, « les mémorandums de réforme se sont ainsi succédé avec comme souci partagé de
sortir le Maroc de la situation de crise qu’il traversait à l’époque. Ces mémorandums ont souligné la
nécessité de doter le royaume d’une constitution et d’accorder un plus grand intérêt aux droits de
l’homme, y compris les droits culturels, sans guère en évoquer le contenu, surtout pour ce qui est
des droits des Amazighs. Ils font tous de l’arabe la seule langue officielle, c’est-à-dire la langue de
la politique et de la science ». Pour lui, « la période qui a précédé le passage du Maroc sous
protectorat français fut marquée par une certaine marginalisation de tout ce qui est amazigh. La
langue amazighe a été maintenue au bas de l’échelle par l’élite politique et intellectuelle ».
Il faut attendre les années 90 qui ont vu l’émergence du mouvement amazigh décidé à poser
la question amazighe et à formuler des revendications en vue de sa reconnaissance. En 1991, six
associations marocaines ont rendu public un texte qu’elles ont adopté "Charte d’Agadir". Ce texte
réclame la reconnaissance des langue et culture amazighes. Il formule ainsi un certain nombre
d’autres revendications. Plusieurs associations ont été créées suite à cette charte.
En 1993, des associations amazighes rendent public un mémorandum par lequel elles
soulignent la politique d’assimilation forcée pratiquée à l’égard des Imazighen ainsi que leur
identité, culture et langue. C’était à l’occasion de la Conférence Internationale sur les Droits de
l’Homme tenue à Genève.
En 1994, les associations se rassemblent pour créer une structure de coordination appelée
Conseil national de coordination (CNC). Le mouvement a déjà compris qu’il y a intérêt à unir les
forces et à coordonner les actions.
En mai 1994, sept militants de l’association Tilelli (Liberté) ont été arrêtés. Leur tort était de
défiler le 1er mai avec des banderoles écrites en tifinagh (écriture berbère) et demandent
l’enseignement de tamazight (langue berbère). Cet acte a été considéré par les autorités comme une
atteinte aux valeurs de l’État ainsi qu’à l’ordre public. Leur arrestation a suscité une grande
mobilisation à travers le Maroc mais aussi en France et en Kabylie. Cette mobilisation a contraint
les autorités marocaines à les libérer.
En août 1994, Hassan II avait prononcé un discours par lequel il promettait l’enseignement
des "dialectes berbères" dans les écoles marocaines. Ce discours est resté lettre morte.
Le mouvement associatif a vu un développement rapide et important puisqu’en l’espace de
quelques années le nombre d’associations berbères s’est multiplié. En 2003, on dénombrait déjà pas
moins de 48 associations berbères. Ces associations sont autorisées par les autorités marocaines.
Car il faut rappeler que plusieurs associations n’avaient toujours pas, à cette époque, eu cette
autorisation, ce qui ne leur permettait pas de mener des activités.
L’arrivée de Mohammed VI au pouvoir, après la mort de Hassan II, n’a rien changé
concrètement à la question berbère. Dès son accession au trône, il se dit par-ci par-là que ce "jeune
roi" serait favorable à Tamazight et qu’il serait prêt à s’engager sur la voie d’une reconnaissance du
berbère. Seulement, de nombreuses contradictions resurgissent dans le discours et les actes officiels.
En effet, d’un côté, le palais affiche un intérêt au berbère notamment par la mise en place de
l’Institut royal de la culture amazigh (l’IRCAM) en vertu d’un Dahir (équivalent d’une loi) du 17
octobre 2001, la reconnaissance dans la Constitution de la monarchie de la langue amazighe comme
langue officielle en 2011 ou encore l’institution du Yennayer (nouvel an amazigh) comme jour férié
officiel payé ; d’un autre, il n’hésite pas à user de méthodes outrancières pour museler les militants
berbères indépendants à qui l’on interdit d’entreprendre toutes sortes de manifestations publiques
sous peine de condamnations pénales.
Dans ce paragraphe, nous allons passer en revue quelques exemples de répression qui
montrent l’acharnement des autorités marocaines contre les militants amazighs. Il ne s’agit donc pas
de dresser une liste de toutes les arrestations et les répressions : la liste serait très longue. Il s’agit
uniquement de donner une idée de l’ampleur et la permanence de la répression que subissent
Imazighen.
En 1994, lors de la commémoration du 1er mai à Goulmima (Sud Est marocain), des
militants berbères ont défilé avec des banderoles écrites en tifinagh (alphabet berbère) revendiquant
la reconnaissance officielle des langues et culture berbères. Deux jours plus tard, le 3 mai 1994, sept
d’entre eux sont arrêtés sur ordre du gouverneur de la province. Après perquisition de leurs
domiciles, ils sont jetés en prison. Ils devaient, en effet, répondre des chefs d’inculpation suivants :
"atteinte à la sécurité intérieure de l’État", "incitation au dépassement des institutions" et "atteinte à
la Constitution". Le 9 mai 1994, ils sont présentés devant la Cour d’Errachida. Le collectif de 74
avocats qui s’est spontanément formé demande leur libération sous caution. La demande est rejetée,
le procès reporté au 17 mai 1994. Les sept détenus entament avec succès une grève de la faim afin
que leur soit accordé le statut de prisonniers politiques. Le 17 mai, le procès a lieu. Durant
l’instance, les détenus ont catégoriquement refusé de s’exprimer en arabe. Le verdict, rendu le 27
mai, prononce trois peines de prison et de lourdes amendes. A la suite d’une mobilisation massive
du mouvement amazigh et des organisations des Droits de l’Homme, les trois détenus politiques ont
été libérés le 3 juillet et amnistiés par la Grâce Royale. Seulement, à la suite de leur libération, les
autorités administratives ne leur permettent plus d’exercer leur métier d’enseignant, et ce bien
qu’amnistiés.
Notons aussi que le contexte du procès des détenus de Goulmima dont nous venons de voir la
trame, a été l’occasion aux autorités marocaines d’interdire de nombreuses activités associatives
marocaines notamment celles de l’AMREC et d’ILMAS, comme le rapporte un communiqué du
Comité de solidarité avec les détenus de Goulmima daté du 28 mai 1994.
En avril 2004, les étudiants de l'Université d'Agadir avaient organisé deux jours d’activités
culturelles en commémoration de "Tafsut Imazighen" (le Printemps berbère). Le mercredi 21 avril
2004, deuxième jour des activités, a été marqué par une manifestation pacifique. L'intervention de
la police ne s'était pas fait attendre. Quatre étudiants arrêtés avaient subi de brutaux sévices. Ces
étudiants ont été exposés à un interrogatoire pour une durée de cinq heures avant leur libération.
En 2008, des arrestations arbitraires notamment ont eu lieu à Boumaln Dadès (sud-est du
Maroc). En effet, le 21 février 2008, le tribunal de Ouarzazate a prononcé des peines de prison
allant de un an à six ans de prison ferme à l’encontre de dix détenus dont un mineur.
Début juin 2008, la jeunesse de Sidi Ifni a eu à organiser une série de manifestations pour
revendiquer ses droits socio-économiques et culturels. L’intervention violente et musclée des forces
de l’ordre marocaines contre la population locale s’est soldée par plus d’une centaine d’arrestations
et des dizaines de blessés. La population locale parle même de morts.
Le 1er décembre 2009, les autorités marocaines sont intervenues brutalement pour disperser
une manifestation pacifique des étudiants du village de Taghjijt (Sud du Maroc). Suite à cette
intervention, plusieurs militants ont été arrêtés et condamnés par le tribunal de Guelmim à des
peines injustes et arbitraires.
Le lundi 30 décembre 2013, un militant de la cause d’Imider, a été arrêté par les gendarmes
et transféré à Tinghir.
Le samedi 28 décembre 2013, un militant de cette même cause (Imider) a été sauvagement
agressé par deux hommes près de la route nationale qui passe près d’Alebban. Il a été jeté de force
dans un véhicule et embarqué à la gendarmerie de Tinghir. Le 17 juillet 2013, ce même militant a
été agressé sauvagement par un groupe de sept personnes qui le recherchaient spécifiquement dans
le but de le faire taire. Ces derniers avaient utilisé des barres de fer lors de cette agression, lui
provoquant plusieurs lésions au niveau de la tête, de la poitrine et des pieds. Ils l’avaient laissé pour
mort. Aucun des agresseurs n’a été inquiété par la suite. Et aucune enquête n’a été ouverte.
Le 12 juillet 2012, cinq militants amazighs, membres du Mouvement sur la voie de 96, ont
été arrêtés arbitrairement par la police et traduits devant le tribunal de Ouarzazat le 26 juillet 2012.
Ils ont été, par la suite, libérés grâce à la mobilisation de la population.
Deux militants du Mouvement sur la Voie de 96, arrêtés le samedi 26 décembre 2014 par la
gendarmerie à Tinghir, ont été condamnés, jeudi 29 janvier 2015, par un tribunal d’Ouarzazat à une
peine de trois ans de prison ferme.
Pour rappel, la mort d'un vendeur de poissons, Mouhcine Fikri, broyé par une benne à
ordures fin octobre 2016 en voulant récupérer sa marchandise saisie, a suscité une
vague d'indignation et de manifestations qui ont débuté à El-Hoceima, lieu du drame,
et qui ont vite gagné et secoué l'ensemble de la région du Rif. Les manifestations se
sont poursuivies pendant plusieurs mois. L'intervention et la répression des autorités
marocaines ont donné lieu à plus de 300 arrestations. Les gigantesques manifestations
posent des problèmes d'accès aux droits et se plaignent de l'injustice que subissent les
populations. « Les détenus qui ont été transférés à Casablanca – principalement ceux
considérés comme les cadres du mouvement – font face à des accusations très lourdes
d’"atteinte à la sécurité intérieure de l’État", de "tentatives de sabotage, de meurtre
et de pillage" ou de "conspiration contre la sécurité intérieure", des chefs
d’inculpation passibles de peines allant jusqu’à vingt ans de prison », écrit Le Monde
dans son édition du 6 octobre 2017.
Le 30 novembre 2018, Human Rights Watch dénonce des" verdicts "entachés par des
soupçons de torture" dans le procès des militants arrêtés arbitrairement.
(https://www.hrw.org/fr/news/2018/11/30/maroc-des-verdicts-entaches-par-des-soupcons-de-torture)
En décembre 2018, c'est Amnesty International qui déclare que le procès des
membres du Hirak avait révélé que « les informations recueillies révèlent un procès
entaché de graves irrégularités et des dossiers montés à partir d’éléments douteux ».
Selon cette ONG, plusieurs détenus « ont déclaré avoir signé des "aveux" en
détention sous la torture ou sous la menace de la torture ».
(https://www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2018/12/morocco-hirak-el-rif-appeal-must-deliver-justice-
after-deeply-flawed-trial/)
La toponymie n’est pas à l’abri de cette politique d’arabisation. Une arabisation devenue
obsessionnelle pour les autorités marocaines. Ainsi plusieurs toponymes berbères ont subi des
déformations leur donnant des formes arabes quand ce n’est pas une arabisation complète. A titre
d’exemple, "Ifni" devient "Sidi Ifni", "Askourene" devient "Sekkoura", "Tadla" devient "Qasba
Tadla", "Tazagourt" devient "Zagoura", "Aharmemou" devient "Ribat elkheir", "Imteghren" devient
"Errachidia",....
Les activités artistiques spécifiquement berbères sont marginalisées par l’État marocain. A
aucun moment la modernisation des arts berbères dans les différents domaines (littérature musique,
danse, architecture, décoration,...) n’a été envisagée par les autorités marocaines. Les artistes
berbérophones sont victimes d’une véritable discrimination par les autorités marocaines dans la
mesure où ils ne bénéficient pas des mêmes avantages matériels et moraux que leurs homologues
arabophones.
1) Constitution
« Article 3 : L'islam est la Religion de l’État qui garantit à tous le libre exercice des cultes »
Mais, si l’État compte garantir à tous le libre exercice des cultes, il n'a pas besoin d'élever
une seule religion au rang de religion d’État. Et qu'est-ce qu'il en est des droits des agnostiques, des
libres penseurs et des athées ? La Constitution ne prévoit rien les concernant.
2) Le cas de la kafala
Comment croire que l’État marocain et ses institutions ne pratiquent pas la discrimination et
le racisme lorsqu'on sait que la loi régissant le recueil légal (kafala) des mineurs exclue les
personnes qui ne sont pas de religion musulmane.
Ainsi, la personne qui souhaite accueillir (adopter) un enfant mineur et qui n'est pas de
religion musulmane ou qui n'a pas du tout de religion se voit refuser, par la loi, ce droit. Cette
condition d'appartenance à la confession musulmane est dicté par le Dahir n° 1-02-172 du 3 juin
2002, portant promulgation de la loi n°15-01 relative à la prise en charge (la kafala) des enfants
abandonnés qui précise ce qui suit :
Article 9 : La kafala des enfants déclarés abandonnés par jugement est confiée aux
personnes et aux organismes ci-après désignés :
1 - Les époux musulmans remplissant les conditions suivantes :
a) avoir atteint l'âge de la majorité légale, être moralement et socialement aptes à assurer la
kafala de l'enfant et disposer de moyens matériels suffisants pour subvenir à ses besoins ;
b) n'avoir pas fait l'objet, conjointement ou séparément, de condamnation pour infraction portant
atteinte à la morale ou commise à l'encontre des enfants ;
c) ne pas être atteints de maladies contagieuses ou les rendant incapables d'assumer leur
responsabilité ;
d) ne pas être opposés à l'enfant dont ils demandent la kafala ou à ses parents par un contentieux
soumis à la justice ou par un différend familial qui comporte des craintes pour l'intérêt de
l'enfant.
2 - La femme musulmane remplissant les quatre conditions visées au paragraphe 1 du présent
article.
3 - Les établissements publics chargés de la protection de l'enfance ainsi que les organismes,
organisations et associations à caractère social reconnus d'utilité publique et disposant des
moyens matériels, des ressources et des compétences humaines aptes à assurer la protection des
enfants, à leur donner une bonne éducation et à les élever conformément à l'Islam.
A noter également que la loi exige des établissements publics et organismes habilités à
accueillir des enfants abandonnés de les élever conformément à l'Islam.
3) De la nationalité.
Article 9 : (modifié par la loi n° 62-06 promulguée par le dahir n° 1-07-80 du 23 mars 2007 ;
B.O. n° 5514 du 5 avril 2007). 1 - Acquisition de la nationalité marocaine par la naissance et la
résidence au Maroc :
[...]
Cela suppose qu'une personne étrangère, même née au Maroc, qui ne se rattache pas à un
pays dont la fraction majoritaire de la population est constituée par une communauté ayant pour
langue l'arabe ou pour religion l'islam et appartenant à cette communauté, ne peut prétendre à la
nationalité marocaine. Ses enfants aussi ne peuvent prétendre à cette nationalité.
Il est clair que ce droit est réservé exclusivement à des personnes issus de communautés
parlant la langue arabe ou ayant l'islam comme religion.
L'absence de tamazight dans les tribunaux, où seule la langue arabe a le droit de cité, remet
en cause la notion d’un jugement équitable du fait que des citoyens ne maîtrisent que l’usage de la
langue amazighe.
Les magistrats utilisent la seule langue arabe lors de l’instruction et des plaidoyers, les actes
de justice étant rédigés en arabe classique, les jugements étant rendus dans la langue officielle
(l’arabe), les citoyens ne maîtrisant que leur langue mère (tamazight) se trouvent de ce fait, dans
une situation qui porte préjudice à leurs propres moyens de défense. Même lorsqu'il est fait appel à
interprète, ce dernier n'est pas forcément qualifié ce qui nuit aux droits des citoyens
amazighophones et remet en cause la notion de jugement équitable. Pourtant la langue amazighe
« est également langue officielle », selon la Constitution marocaine.
« L’État garantit aux justiciables et aux témoins s’exprimant en la langue amazighe le droit
d’utiliser et de communiquer en la langue amazighe durant les procédures d’enquête et
d’investigation, y compris lors de l’interrogatoire auprès du ministère public, durant les
procédures d’instruction et les audiences au sein des juridictions, y compris les enquêtes et
instructions complémentaires et les plaidoiries ainsi que lors des diverses procédures de
notification, de recours et d’exécution.
L’État assure, à cet effet, un service de traduction à titre gratuit pour les justiciables et les
témoins.
Les justiciables ont le droit, à leur demande, d’entendre le prononcé des jugements en langue
amazighe.
A cet effet, l’État œuvre à la qualification des magistrats et des fonctionnaires des juridictions
concernés aux fins d’utilisation de la langue amazighe. »
A ce jour, on n’a pas le droit de parler la langue amazighe devant un tribunal en l’absence
d’un interprète, ce qui est une remise en cause du statut de la langue amazighe et un manque de
respect justiciables amazighs). Les « interprètes » ne sont pas professionnels : ils ne sont pas formés
à l’interprétariat et leur maîtrise de la langue amazighe est discutable. Ainsi, le risque de
détérioration des propos des justiciables est important. Un interprète professionnel doit savoir
retranscrire avec justesse les nuances, les sous-entendus, les traits d'humour, tout en restant neutre et
détaché de son sujet.
A noter par ailleurs qu'aucun prononcé des jugements n’a été rendu en langue amazighe.
L’usage exclusif de l’arabe est toujours maintenu par les tribunaux et tous.
Les rares journaux qui paraissent en langue amazighe ne bénéficient d'aucune aide de l’État
alors que des moyens colossaux sont mobilisés pour le soutien de la presse arabophone.
La quasi-totalité des chaînes de télévision et de radio ne consacrent à la langue et la culture
amazighe qu’une fine partie de leurs programmes. Les quelques minutes consacrées par la
télévision nationale à la langue amazighe restent loin de ce à quoi les populations amazighes
peuvent espérer en matière de droit d'accès aux médias.
La chaîne est accessible via la TNT (télévision numérique terrestre) et les satellites Hotbird -
Nilesat, ce qui prive la majorité des Amazighs, car les régions berbérophones n’ont pas accès à ces
technologies. Rajoutant à cela que 70% des programmes de cette chaîne sont dédiée aux différentes
variantes de la langue berbère, et 30% des programmes sont dédiés à la langue arabe. Les chaînes
arabophones, en revanche, sont loin de se voir imposer 30 % des programmes en langue amazighe.
Bien évidemment, cela s’inscrit toujours dans la stratégie de l’Etat marocain d’arabiser à
terme l’ensemble des Berbères.
Notons que l'article 12 de la Loi organique n° 26-16, promulguée par le dahir n° 1-19-121
(12 septembre 2019), stipule :
« L’État œuvre à l’intégration de la langue amazighe dans les divers médias d’information
publics et privés, de tous types, afin de lui permettre de tenir son rang en tant que langue
officielle à côté de la langue arabe et ce, dans le cadre des conventions d’appui que fourni
l’État à ces médias ainsi que dans le cadre des cahiers des charges des chaînes de télévision et
de radio. »
- Tamazight TV.
- Cette chaîne de télévision est limitée à 12 heures de diffusion par jour depuis sa création en
2010. Elle est obligée de sous-titrer toutes ses émissions et les films qu’elle diffuse en langue
arabe. Alors que les autres chaînes de télévision ne sous-titrent jamais en langue amazighe.
- La langue amazighe est fragmentée en trois grands dialectes. Aucun effort d’unification de
cette langue. On propose aux téléspectateurs de changer (avec leur télécommande) de dialecte
en choisissant celui qu’ils veulent. Au lieu d’unifier la langue, on contribue à sa
fragmentation.
- 2M TV
D’après le Centre marocain de la presse amazighe, 2M, chaîne publique a exclu en 2023 la
langue amazighe de son cahier de charge relatif à la production de feuilletons d’une durée de
8 à 13 minutes, par lot de 7 (30 épisodes par lot), soit 540 épisodes. 10 milliards de centimes
sont consacrés à ces productions. L’usage de « dialectal arabe marocain est exigé ».
Les émissions en langue amazighe sont absentes.
La radio 2M également. Absence quasi-totale de la langue amazighe, à part dans la chanson.
Absence totale d’émissions sociales, politiques et sportive par exemple.
Autres chaînes :
Midi1 TV (publique), La chaîne Aflam 7 TV, la chaîne 4, la chaîne régionale de Laayoune,
Al-Riyadia, Al-Maghribiya et la chaîne 6 (Assadisa) ont exclu complétement la langue
amazighe. Pas une seule émission.
Les radios :
Radio Maroc (MFM) ne consacre à la langue amazighe que quelques minutes par jour.
Absence totale dans ces radios publiques :
- ASWAT
- Hit radio
- Med radio
- Midi 1
- Lux radio
- Médina radio
- Atlantic
- Mars
4) Tamazight au parlement
D’après l’article 10 de la Loi organique n° 26-16, promulguée par le dahir n° 1-19-121 (12
septembre 2019), fixant le processus de mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe :
« Les séances des deux Chambres du Parlement sont transmises en direct sur les chaînes de
télévision et de radio publiques amazighes accompagnées de la traduction simultanée de leurs
travaux vers la langue amazighe. Une édition du « Bulletin officiel » du Parlement est publiée
en langue amazighe. »
Le 18 avril 2022, lors des sessions plénières hebdomadaires, consacrées aux questions
orales, et lors de la session plénière mensuelle consacrée aux questions adressées au chef du
gouvernement, la première chambre a adopté la traduction simultanée de l’arabe à la langue
amazighe et inversement.
La langue amazighe est langue officielle depuis 2011. Les Amazighs n'étant pas étrangers et
leur langue est langue officielle reconnue par la Constitution, il est injuste et inadmissible
qu'on leur traduise les propos de leurs « représentants » dans les deux chambres.
La Fondation du Roi Abdul-Aziz Al-Saoud (Casablanca), dans son rapport annuel sur l'état
de l'édition marocaine pour l'année 2022, situe les grandes tendances qui traversent la scène
éditoriale nationale dans les domaines littéraires et ceux des études en sciences humaines et
sociales.
6) Usage de la langue amazighe dans les administrations et les différents services publics
L'article 21 de la Loi organique n° 26-16, promulguée par le dahir n° 1-19-121 (12 septembre
2019), stipule :
« Sont insérés en langue amazighe, à côté de la langue arabe, les mentions portées sur les
documents officiels suivants :
• la carte nationale d’identité ;
• l’acte de mariage ;
• le passeport ;
• les permis de conduire quel que soit leur type ;
• les cartes de séjour pour les étrangers résidents au Maroc ;
• les différentes cartes personnelles et les attestations délivrées par l’administration. »
« Sont insérés en langue amazighe, à côté de la langue arabe, les mentions portées sur les
pièces de monnaie et billets de banque, les timbres postaux et les sceaux des administrations
publiques. »
Aucun de ces documents n’est rédigé pour le moment en langue amazighe. Tous sont en
arabe et en français.
Après trois ans d’attente, la commission mixte de coordination entre l’IRCAM et le Ministère
de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la
formation, a tenu une réunion le 28 avril 2010 pour faire le point sur l’état d’avancement de
l’enseignement de la langue berbère. Le Ministre de l’Éducation nationale affirme, lors de cette
réunion, que la langue amazighe est enseignée dans 3700 établissements scolaires au bénéfice de
560 000 élèves. Même si nous estimons que ces chiffres ne correspondent pas à la réalité, n’en
demeure que l’objectif d’assurer un enseignement de la langue berbère à l’ensemble des élèves est
loin d’être atteint.
En effet, même si l’on se base sur les chiffres avancés par le Ministre de l’Éducation,
l’enseignement de la langue berbère ne concerne que 8% des élèves scolarisés. Ce taux reste très en
deçà des attentes des Imazighen.
Si l’on se fie également aux chiffres du Ministre de l’Éducation (560000 élèves dans 3700
établissements), cela signifie qu’il y a en moyenne 151 élèves par établissement, ce qui laisse
supposer que l’ensemble des élèves d’un même établissement ne bénéficie pas de l’enseignement de
la langue amazighe. Cela instaure une autre discrimination au sein des établissements scolaires.
Mais il convient de noter que les allégations du Ministre sont contestées et dénoncées par des
associations et organisations qui œuvrent pour la défense et la promotion de la langue amazighe. Ainsi,
dans un communiqué rendu public à Rabat le 6 mai 2010, l'Observatoire amazigh des droits et libertés
(OADL) dément les chiffres et informations avancés par le Ministre. Selon cette organisation, même
certains établissements où l'enseignement a été mis en place en 2003 ont mis fin à cet enseignement, ce
qui est dû à la mauvaise volonté du ministère de l’Éducation. L'Observatoire amazigh des droits et
libertés, qui compte en son sein des membres de l'IRCAM, affirme qu'il n'a constaté aucun
développement concret sur le terrain de l'enseignement de tamazight, contrairement aux allégations du
Ministre de l’Éducation.
Ajouter à cela que la majorité des enseignants de tamazight n’ont pas bénéficié d’une
formation pédagogique.
Aussi, selon des informations que nous avons obtenues sur le terrain, certains directeurs
d’académies et d’établissements scolaires découragent délibérément l’apprentissage de la langue
amazighe.
Dans son rapport (E/C.12/MAR/4), l’État partie donne le chiffre d’environ 3500
établissements scolaires qui assurent l’enseignement de la langue amazighe pour l’année scolaire
2011-2012. Pour le taux d’élèves bénéficiant de l’enseignement de la langue amazighe dans le cycle
primaire, il est estimé à 15 % pour l’année scolaire 2009-2010 (HRI/CORE/MAR/2012 –
paragraphe 8) et à 12 % pour l’année scolaire 2011-2012 avec un total d’élèves d’environ 600.000.
Pour les enseignants, il donne le chiffre d’environ 10.000 pour l’année scolaire 2011-2012
(E/C.12/MAR/4 – paragraphe 237).
A noter que les chiffres de l’État partie ont été calculés uniquement pour l’enseignement
dans le cycle primaire. Il serait donc plus juste que l’État partie dise « Il y a 12 % des élèves de
l’enseignement primaire dans le secteur public qui bénéficient de l’enseignement de la langue
amazighe » ; l’enseignement privé sous contrat ainsi que le préscolaire ne sont pas concernés par
l’enseignement de la langue amazighe, ce qui est une injustice.
A noter également que l’éducation non formelle ainsi que le programme d’alphabétisation ne
sont pas également concernés par l’enseignement de la langue amazighe.
Lors d’une conférence de presse organisée le 1er juin 2023, le ministre marocain de
l’Éducation nationale a déclaré « qu’actuellement, 1.066 établissements scolaires primaires
enseignent l’amazighe, au profit de 330.000 élèves. Notre objectif est d’atteindre, d’ici 2030, 12 000
établissements capables d’enseigner l’amazighe, soit 4 millions d’élèves. Nous avons tracé une
trajectoire pour atteindre ces chiffres et nous espérons atteindre nos objectifs d’ici 2026 »2.
1. http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/BO/2021/BO_7000_Fr.pdf?ver=2021-07-16-140932-390
2. Hespress, 01/06/2023. https://fr.hespress.com/316735-enseignement-amazigh-au-primaire-chakib-benmoussa-livre-
les-detils.ahtml
3. https://www.maroc.ma/fr/actualites/enseignement-primaire-generalisation-progressive-de-lamazighe-des-la-rentree-
20232024
Statistiques générales :
Sur la base de ces données émanant du gouvernement marocain, l'on arrive aux statistiques
suivantes concernant l'enseignement de la langue amazighe :
Il convient également de préciser que l'enseignement de la langue amazighe ne concerne pas encore
les collèges et les lycées.
La création de l’IRCAM (Institut royal de la culture amazighe), faite en grande pompe par un
discours de Mohammed VI prononcé lors du scellé du Dahir (norme équivalent à une loi) le 17
octobre 2001, est un fait remarquable dans la politique linguistique du Maroc. On aura parlé d’un
véritable revirement à la faveur du berbère. Ces propos ne sont cependant que de lénifiantes
palabres lancées aux autorités. Le caractère "révolutionnaire" apposé à cet Institut mérite d’être à
juste titre contesté. Car la création d’une telle institution n’est pas la réponse adaptée aux attentes du
mouvement berbère marocain. Parce qu’en somme, au lieu d’accorder une véritable officialisation
et légalisation de tamazight (langue, identité et culture berbère), l’Etat procède à une
"reconnaissance" juste assez pour ne pas être carrément folklorique et vraiment dérisoire pour ne
pas être sérieuse. D’ailleurs n’est-il pas logique de croire qu’un enseignement en bonne et due
forme ne soit délégué non à un institut ad hoc mais davantage placé sous la charge du Ministère de
l’Education nationale ?
Concernant l'IRCAM, rappelons, enfin, que sept membres du Conseil d'administration ont
démissionné en février 2005. Ils ont quitté le conseil d'administration de l’IRCAM, jugeant
insuffisante l'action menée dans ce domaine au Maroc. Dans le communiqué qu'ils ont rendu public
à Rabat le 21 février 2005, ils dénoncent la "fonction humiliante" qui a été donnée à l'amazighe
comme "support d'apprentissage de l'arabe" durant les cinq années de l'enseignement primaire. Ils
dénoncent également la marginalisation de l'amazighe au niveau de l'enseignement supérieur et de
la télévision.
3) - L’adoption de l’alphabet tifinagh : une arme pointée contre la langue berbère elle-même ?
Chargé d’introduire la langue berbère dans le système éducatif marocain, l’IRCAM vient de
trancher la question de la graphie usuelle du berbère. Rappelons, pour mémoire, que cette question a
suscité de nombreuses controverses dans le champ berbère. Trois types de notations ont été
proposés : l’écriture latine, l’écriture arabe et l’écriture tifinagh (alphabet proprement berbère
datant de plus de trois mille ans). Les suffrages de l’IRCAM sont allés au bénéfice de la notation
traditionnelle berbère, le tifinagh. Cette décision, aussi satisfaisante soit-elle sur le plan symbolique,
constitue, à la vérité, une arme redoutable pointée en direction de la langue berbère elle-même.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous pensons que l’adoption des caractères tifinagh pour
la transcription du berbère est un moyen dont se dotent les autorités pour neutraliser le
développement et le rayonnement de la langue berbère. Pour de nombreuses raisons.
Lors de sa soixante-dix-septième session qui s'est tenue à Genève du 2 au 27 août 2010, le Comité
pour l’élimination de la discrimination raciale a eu à examiner les dix-septième et dix-huitième
rapports périodiques du Maroc présentés en un seul document (CERD/C/MAR/17-18). A cette
occasion le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a eu à relever, dans ses
conclusions (CERD/C/MAR/CO/17-18), des sujets d'inquiétude quant à la situation des populations
amazighes au Maroc. Des recommandations précises ont été ainsi formulées par le Comité en
direction de l'Etat marocain afin que soit mis fin aux discriminations dont font l'objet les
populations amazighes marocaines. Ci-après des extraits des observations et recommandations du
Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/MAR/CO/17-18) :
(7). Le Comité prend note des explications données par la délégation sur le fait que l’État partie
s’interdit d’identifier des groupes ethniques ou d’établir une distinction entre les citoyens sur une base
ethnique, linguistique ou religieuse; cependant, il note avec préoccupation l’absence, dans le rapport
de l’État partie, de données statistiques concernant la composition ethnique de sa population.
(11). Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie sur les mesures prises en vue
de promouvoir la langue et la culture amazighes, notamment leur enseignement, ainsi que sur le
renforcement des capacités de l’Institut royal de la culture amazighe. Le Comité est cependant
préoccupé par le fait que la langue amazighe n’est toujours pas reconnue comme langue officielle dans
la Constitution de l’État partie, et que certains Amazighs continuent d’être victimes de discrimination
raciale, notamment dans l’accès à l’emploi et aux services de santé, surtout lorsqu’ils ne s’expriment
pas en arabe (art. 5).
(19). Le Comité juge préoccupant que les personnes appartenant à des catégories vulnérables ne
parlant pas l’arabe, notamment certains Amazighs, les Sahraouis, les noirs, les non-ressortissants, les
réfugiés et les demandeurs d’asile continuent de se heurter à des difficultés de communication avec la
justice à tous les stades de la procédure judiciaires, ce qui est susceptible de violer leurs droits à un
traitement égal, ainsi qu’à une protection et un recours effectifs devant les juridictions (art. 5 et 6).
Le Comité recommande à l’État partie d’assurer la pleine application des articles 21, 73, 74 et
120 du Code de procédure pénale et de garantir des services d’interprétation, notamment en
procédant à la formation d’un nombre plus grand d’interprètes assermentés, et de s’assurer
que les justiciables appartenant aux catégories vulnérables et ne parlant pas l’arabe,
notamment les Amazighs, les Sahraouis, les noirs, les migrants, les réfugiés et les demandeurs
d’asile puissent bénéficier d’une bonne administration de la justice.
(20). Le Comité prend note des mesures et initiatives prises par l’État partie pour assurer la formation
et la sensibilisation aux droits de l’homme, qui incluent notamment la «Plate-forme citoyenne de
promotion de la culture des droits de l’homme» mise en place en 2006. Le Comité s’inquiète,
cependant, de la persistance des stéréotypes racistes et de la perception négative que le reste de la
population de l’État partie continue d’avoir des Amazighs, des Sahraouis, des noirs, des non-
ressortissants, des réfugiés et des demandeurs d’asile (art. 7).
Le Comité recommande que l’État partie accentue ses efforts de formation aux droits de
l’homme, en particulier à la lutte contre la discrimination raciale, de même que ses efforts de
sensibilisation à la tolérance, à l’entente interraciale ou interethnique et aux relations
interculturelles auprès des agents chargés de l’application des lois, notamment des personnels
de police et de gendarmerie, de la justice, de l’administration pénitentiaire, des avocats, ainsi
que des enseignants. Il recommande également à l’État partie de poursuivre ses initiatives de
sensibilisation et d’éducation du public à la diversité multiculturelle, à l’entente et à la
tolérance, notamment à l’égard de certaines catégories vulnérables, en particulier de certains
Amazighs, des Sahraouis, des noirs, des non-ressortissants, des réfugiés et des demandeurs
d’asile.
Le mépris de l’État marocain pour la langue amazighe apparaît même dans les chiffres qu’il
avance à son sujet.
En effet, lorsqu’on se penche sérieusement sur les différents chiffres donnés par le gouvernement
marocain aussi bien dans son rapport que dans d’autres documents (rapports, statistiques, etc.)
réalisés notamment par le Ministère de l’Éducation, on se rend compte du manque de cohérence et
de la légèreté avec laquelle les chiffres sont annoncés.
Si on tient compte des statistiques concernant l’éducation de manière générale, données par
la Direction de la Stratégie, des statistiques et de la planification, du Ministère de l’Éducation
nationale et de la formation professionnelle, dans le « Recueil statistique de l’Éducation 2013-
2014 » (voir tableaux ci-dessous), l’on s’étonne des chiffres donnés par l’État partie.
En revanche, même avec ce chiffre de 600.000 qui paraît exagéré, le taux d’élèves ayant bénéficié
de l’enseignement de la langue amazighe sur l’ensemble des élèves scolarisés au Maroc serait de
9,2 %.
Pour l’année scolaire 2011-2012, l’État partie annonce 3500 écoles primaires qui assurent
l’enseignement de la langue amazighe. Ce qui représente 47 % des écoles marocaines. Il est tout de
même paradoxal que la langue amazighe soit enseignée dans 47 % des écoles marocaines alors que
le nombre d’élèves concernés par cet enseignement n’est que de 12 %.
Ce qui est encore plus grave et dénote le mépris et le manque de considération accordé à la langue
amazighe, ce sont les chiffres données pour l'année 2022-2023.
En effet, dans son rapport présenté lors de la 56ème session du Comité des droits
économiques, sociaux et culturels (Genève du 21 septembre au 9 octobre 2015), l’État marocain
présente un rapport (E/C.12/MAR/4) dans lequel il donne le chiffre d’environ 3500 établissements
scolaires qui assurent l’enseignement de la langue amazighe, pour l’année scolaire 2011-2012, et un
taux d’élèves bénéficiant de l’enseignement de la langue amazighe dans le cycle primaire estimé à
15 % pour l’année scolaire 2009-2010 (HRI/CORE/MAR/2012 – paragraphe 8) et à 12 % pour
l’année scolaire 2011-2012 avec un total d’élèves d’environ 600.000 (E/C.12/MAR/4 – paragraphe
237). En 2023, le ministre de l’Éducation nationale annonce, pour l'année 2022-2023, le chiffre de
1060 établissements assurant l'enseignement de la langue amazighe et celui de 330.000 élèves
bénéficiant de cet enseignement.
IX. NOS PROPOSITIONS POUR L’ELIMINATION DES VIOLATIONS ENVERS LES AMAZIGHS
De façon toute à fait indicative, nous suggérons un certain nombre de mesures que l’État
marocain doit prendre pour montrer sa volonté d’en finir avec la négation discriminatoire qu’il fait
subir aux populations amazighes et à leurs langue et culture.
1- Nous exigeons la libération de Nasser Zefzafi, leader du mouvement citoyen du Rif, condamné
arbitrairement à 20 ans de prison, ainsi que ses camarades du même mouvement, en prison avec lui.
2- En coopération avec tous les secteurs de défense de tamazight, l’État marocain doit procéder,
dans les meilleurs délais, à la modification de toutes les lois et différents instruments de droit et
actes légaux comportant des dispositions discriminatoires à l'égard de tamazight.
3 - Toutes les lois, décrets, ordonnances,…. doivent être revus de façon à lever la discrimination
dont fait l'objet la langue amazighe.
4- L'introduction de la langue amazighe dans les administrations publiques, les tribunaux et les
hôpitaux,… afin de permettre aux amazighophones à se faire comprendre, à effectuer leurs
démarches administratives, à se faire soigner,... Aujourd’hui, des centaines de milliers de citoyens
au Maroc renoncent à faire des démarches, à porter plainte,… pour des raisons d’ordre linguistique.
L'acte de justice en tamazight (plaidoirie, défense, etc.) doit être officialisé.
5- Le gouvernement marocain doit mettre en œuvre des lois rendant obligatoire l’enseignement de
la langue berbère à tous les niveaux (écoles, collèges, lycées, universités et établissements
assimilés) aussi bien publics que privés. Le gouvernement doit assurer les moyens permettant
l’élaboration des outils pédagogique dont la langue berbère a besoin.
6- Le Gouvernement marocain doit procéder à une refonte sérieuse des programmes d’Histoire en
vigueur dans les établissements scolaires. Les programmes actuels sont une véritable falsification de
l’Histoire du Maroc.
7- L’État marocain doit assurer aux activités artistiques amazighes la place qu’elles méritent. Il doit
mettre les moyens nécessaires en vue de la modernisation des arts amazighs dans le domaine des
lettres, du chant, de la musique, du cinéma, du théâtre, de la danse, de l’architecture, de la
décoration,... L’État marocain doit permettre aux artistes amazighophones de bénéficier des mêmes
avantages matériels et moraux que leurs homologues arabophones.
9- L’État marocain doit accorder aux publications s’employant à défendre le patrimoine culturel
amazigh les mêmes aides financières accordées aux autres publications paraissant en langue arabe.
11- L’État marocain doit mettre fin à toutes les discriminations religieuses et garantir tous leurs
droits aux non-musulmans et aux libres penseurs.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.
In a 2018 letter to the European Parliament as one of the Sakharov Prize finalists that year, Zefzafi displayed
a lasting commitment to nonviolence and justice in the face of a litany of abuses committed against his
community. In his own words, he aims to “one day awaken in a … world [without weapons],” with its people
living “in peace on this beautiful blue planet.”
Zefzafi’s leadership was crucial to the Hirak movement despite his imprisonment. In 2017 a
leaked video showed Zefzafi detained, with bruises and other marks on his body suggesting abuse. This
video sparked a new eruption of protests in several cities – within and outside of the Rif – calling for his
release.
Zefzafi’s case is emblematic of the current wave of repression and human rights abuses in Morocco. Zefzafi
and many other activists in the country have been mercilessly prosecuted, imprisoned, and tortured. Notably,
multiple journalists have been surveilled, threatened, and jailed for any reporting that could be perceived as
critical of King Mohammed VI or the security services. In November 2022, Mohammed Ziane, an 80-year-
old veteran lawyer who represented Zefzafi, was arrested and sent to prison, in apparent retaliation for his
human rights work.
According to sources close to him, Zefzafi’s health continues to deteriorate in prison as authorities prevent
him from receiving sufficient medical treatment. “As he continues to endure terrible treatment into the fifth
year of his long sentence, we join our partners in calling for Zefzafi’s immediate and unconditional release,”
said Margaux Ewen, director of Freedom House’s Political Prisoners Initiative. “We stand together on the
International Day of the World’s Indigenous Peoples to show Zefzafi that he and the peaceful movement he
represents are not forgotten.”
The Kingdom of Morocco nominally holds regular multiparty elections for parliament and local bodies, and
reforms in 2011 shifted some governmental authority from the monarchy to the national legislature, but the
king and his palace officials maintain full dominance through a combination of substantial formal powers
and informal lines of influence in the state and society. Many civil liberties are constrained in practice. In
Freedom House’s Freedom In the World 2023 report, Morocco is classified as Partly Free, with an overall
score of 37 out of 100. For political rights, Morocco has a score of 13 out of 40, and for civil liberties, it has
a score of 24 out of 60.
À l’État Civil, les parents sont privés de donner le nom de leur choix à leurs enfants. De même,
la reconnaissance juridique des associations amazighes dépend dans bien des cas de l’humeur
des autorités compétentes…
Ce constat, d’ailleurs vérifiable sur le terrain, démontre clairement, que les forces opposées à
l’amazighité, surprises au lendemain de la création de l’IRCAM, se sont ressaisies et ont décidé
de bloquer toute initiative visant la réalisation des objectifs définis dans le Dahir du 17 octobre
2001.
A la lumière de notre expérience de plus de deux années et demie à l’IRCAM, nous avons
acquis la conviction que la reconnaissance véritable de l’amazighité en tant que langue, culture,
civilisation, histoire… requiert que la constitution du royaume stipule expressément que la
langue amazighe est officielle, comme elle requiert une protection juridique, par le biais de la
loi, de l’intégration de l’amazigh dans tous les cycles de l’enseignement, dans l’audiovisuel
public et dans tous les centres de formation des cadres. Sans cette consécration constitutionnelle
et sans lois s’imposant à tous et abrogeant tous les textes et documents contraires en la matière
(tels que le Livre Blanc et la Charte Nationale invoqués par le MEN contre l’amazigh), sans
cela, l’amazighité ne recouvrera aucun de ses droits justes et légitimes.
Tant que ces conditions ne sont pas remplies, notre présence au Conseil d’administration de
l’Institut n’est d’aucune utilité. Nous annonçons par conséquent, notre retrait de ce conseil.
Enseignement de l’amazigh
Le constat d'échec de l'Ircam
Manque d’enseignants, faible implication des
Académies régionales
Près de 11 ans après son introduction, l’enseignement de la langue amazighe bute encore contre une série de
problèmes. Les chiffres présentés par Ahmed Boukouss, recteur de l’Institut royal de la culture amazighe
(Ircam), invité du Club de L’Economiste, hier à Rabat, sont alarmants. Seuls 13% des élèves bénéficient de
cours d’amazigh, dont une grande partie est concentrée dans la région de Souss-Massa-Draâ. Seuls 14% du
corps enseignant dispensent des cours d’amazigh. Cela concerne 11% des classes et 30% des écoles réparties
sur le territoire national. Sur les 5.065 enseignants, seuls 585 sont spécialisés dans l’enseignement de cette
langue. Et les besoins sont loin d’être satisfaits. Le gouvernement assure la formation de 80 enseignants
d’amazigh par an, alors que le besoin global s’élève à 12.000. C’est pour cela que Ahmed Boukouss insiste
sur l’importance de l’implication des Académies régionales de l’éducation comme première condition pour
assurer une meilleure intégration de la langue amazighe dans le système éducatif. «Aujourd’hui, une seule
d’entre elles fait preuve de dynamisme sur ce dossier, à savoir celle de Chaouia-Ouardigha». La mise en
place d’un cadre juridico-administratif est la 2e condition. Car «nous sommes partis de zéro. Il fallait
élaborer le curriculum et les modes d’évaluation, notamment les épreuves, dont l’absence peut dévaloriser la
langue», a souligné Boukouss. Dernière condition: mener des actions de communication à l’échelle
nationale.
Globalement, le recteur de l’Ircam a considéré qu’il est «normal d’avoir des problèmes dans le domaine de
l’enseignement de l’amazigh, dans la mesure où il s’agit d’un nouveau chantier». Mais il a appelé les
différentes parties prenantes à assumer leurs responsabilités. Pour lui, «c’est le gouvernement, notamment le
ministère de l’Education nationale, qui doit prendre en charge ce dossier. L’Ircam se positionne plutôt en tant
que force d’appoint». En effet, «le dahir constitutif de cette instance lui assigne une fonction de consultation
et de conseil. Mais encore faut-il qu’on nous consulte», a avancé Boukouss. Celui-ci a mis en avant les
actions menées en coopération avec le département de l’Education nationale, notamment en matière de
formation du personnel éducatif. L’Institut royal a participé à la formation des premiers effectifs en
2003/2004, dont le nombre s’est élevé à 120 enseignants et une dizaine d’inspecteurs.
Ahmed Boukouss et les membres de l’Ircam devaient également aplanir d’autres difficultés face à la
généralisation de l’enseignement de l’amazigh. Il s’agit notamment de l’utilisation de l’alphabet tifinagh
comme outil pédagogique. Pour lui, le choix de cet alphabet est le résultat d’un arbitrage entre deux grands
courants qui proposaient l’utilisation de l’alphabet latin ou arabe dans l’écriture de l’amazigh. Une étude
comparative, commandée par le cabinet royal, a tranché sur la base de critères techniques, mais aussi
historiques. Or, «un débat idéologique entre les différents courants, à l’extérieur de l’Ircam, a parasité les
discussions qui étaient en cours», a fait savoir Boukouss. Celui-ci reconnaît que «l’utilisation du tifinagh est
un choix difficile, dans la mesure où il s’agit d’une graphie qui n’était pas enracinée dans l’environnement
social pour favoriser l’implantation de la langue». Il a aussi admis les limites de cet alphabet qui «ne peut pas
être utilisé dans l’enseignement des sciences par exemple». A terme, il prévoit une orientation vers
l’utilisation de l’alphabet latin. Mais «c’est une question qu’il faudra envisager dans un cadre stratégique sur
le long terme», a-t-il précisé. Aujourd’hui, Ahmed Boukouss considère que la priorité doit être donnée à «la
revalorisation et la revitalisation de la langue amazighe. Pour l’instant, le tifinagh assure une osmose sur la
base de l’affect et de l’identification sociale».
M. A. M.
Tamazgha
22, rue Deparcieux
Tel : +33.6.52.10.15.63.
E-mail : [email protected]
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