Figuig Gautier
Figuig Gautier
Figuig Gautier
Gwenaelle Janty
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Gwenaelle Janty*
1. Ksour : pluriel de ksar, village fortifié, le terme désigne aussi l’ensemble de ses habitants.
2. Source : municipalité de Figuig.
Outre ses habitations, chaque ksar possède sa palmeraie, ses sources et les
réseaux d’irrigation qui lui sont propres. Les ksour sont ainsi indépendants d’un
point de vue hydraulique, chacun gérant et contrôlant ses sources et ses réseaux
d’irrigation. On qualifie de traditionnelles les palmeraies contiguës au bâti des
ksour. Elles totalisent une surface de près de 600 ha [Hakkou, Bouakka, 2000] et
présentent les caractéristiques d’une palmeraie oasienne. La terre y est partagée
matériellement entre de nombreux exploitants qui cultivent leurs parcelles de façon
intensive grâce à la superposition en trois strates de cultures : palmiers (strate
arborée), arbres fruitiers (strate arbustive) et cultures vivrières ou fourragères
(strate herbacée), caractéristiques du modèle du « jardin étagé » oasien irrigué
[Battesti, 2005]. Les familles exploitent de petites parcelles, dont la superficie est
en moyenne d’un demi-hectare [Chafi, 2007], appelées localement en français
jardins. Ces jardins sont délimités par un mur en pisé qui accentue la parcellisation
et qui répond aussi à un souci de protection et de délimitation stricte des propriétés.
Un propriétaire possède rarement une exploitation d’un seul tenant. Le plus sou-
vent, il a hérité de plusieurs jardins dispersés dans la palmeraie de son ksar
[Mizbar, 2004], jusqu’à une dizaine selon Chafi [2007]. Il n’existe aucun cadastre
ou répertoire foncier pour l’ensemble des jardins. Seules les mutations récentes
sont enregistrées par les services fonciers du centre administratif d’Oujda.
convoitises des autres ksour. Les foggaras de Figuig diffèrent de celles observées
dans le Sahara algérien [Bisson, 1957], puisqu’elles ne drainent pas une eau pro-
venant d’une nappe, mais acheminent les eaux de source artésiennes.
On trouve ainsi aujourd’hui à Figuig une vingtaine de foggaras, chacune étant
alimentée à sa tête par une de ces sources souterraines. Certaines sont situées sous
le bâti des ksour, ce qui en permet le contrôle par le ksar auquel elles appartiennent
(figure 2). Contrairement à nombre d’oasis sahariennes où le système gravitaire a
été abandonné, pour des raisons multiples, au profit d’une irrigation par pompage
[Dubost, Moguedet, 1998 ; Jouve, Loussert, Mouradi, 2006], les foggaras sont
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À sa sortie, chaque foggara alimente une succession de canaux (les séguias), qui
vont se diviser en formant un système hiérarchisé et ramifié de canaux de plus en
plus étroits desservant en bout de course chaque jardin, par simple gravité. Le tracé
des canaux est ainsi adapté à la topographie du terrain tout en intégrant une autre
spécificité : la gestion de l’eau d’une séguia par un ksar, un lignage ou une famille,
quelque soit l’éparpillement des jardins. Chaque groupe social a ainsi son propre
réseau de seguias qui assure l’acheminement de ses parts d’eau vers ses jardins. Pour
préserver cette appropriation privée, il n’est pas rare de trouver de petits ponts qui
permettent à deux tronçons du réseau de se croiser, sans mélanger leurs eaux.
4. Le terme tantawt, provient du verbe berbère idaw qui signifie sauter. Concrètement il s’agit de
sauter le jour pendant lequel on irrigue normalement pour irriguer le lendemain [Zaïd, 1992].
ou non utilisés, les irrigants ayant le choix. Les bassins des ksour peuvent être
utilisés librement, en revanche les bassins privés sont soumis à l’autorisation et
aux conditions du propriétaire.
Lorsque les irrigants utilisent le bassin, toutes leurs parts d’eau sont stockées
et mises en commun dans celui-ci 5. Il faut alors partager cette eau au petit matin,
mais cette fois non plus en unités de temps, mais en unités de volume 6.
L’unité de volume appelée tighirte [Madani, 2006] correspond au volume d’eau
accumulé dans le bassin pendant 45 minutes, c’est-à-dire à une part d’eau. Les
ayants droit bénéficient d’un volume d’eau variable selon le débit ayant rempli le
bassin, mais proportionnel à leur droit d’eau et donc au nombre d’unités de temps,
les kharrouba, possédées. L’unité tighirte n’est pas une unité de volume fixe,
mais une unité établie pour chaque bassin et évoluant en fonction du débit de la
source.
Les volumes ne sont pas mesurés directement, mais via les variations de hau-
teur d’eau dans le bassin. Les figuiguis effectuent ces mesures en utilisant une
perche qu’ils plongent dans le bassin, la partie humidifiée permet de mesurer la
hauteur de l’eau accumulée par l’ensemble des parts pendant la nuit. Afin de
déterminer la hauteur d’eau correspondant à une part, ils divisent (géométrique-
ment ou à l’aide d’un mètre) la hauteur d’eau ainsi mesurée par le nombre de
parts stockées dans le bassin. Pour ne pas réitérer ce calcul chaque jour, la hauteur
obtenue par ce calcul est marquée sur une réglette en bois (également appelé
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5. L’horaire de stockage dépend du nombre d’irrigants ayant choisi d’utiliser le bassin et du nombre
de leurs parts d’eau.
6. Cette conversion est rendue nécessaire, car le débit en sortie d’un bassin ne peut être le même que
le débit de la source et le temps de la distribution d’une part d’eau n’est plus de 45 minutes.
La gestion de l’eau
Actuellement, l’ensemble des parts d’eau détenues par un propriétaire est indé-
pendant du nombre et de la surface des jardins qu’il détient. Ces parts d’eau
constituent un patrimoine, il est transmis par héritage ou acheté. L’eau n’est pas
liée à la terre, c’est une « eau célibataire » [Zirari, 1995]. Il nous a été rapporté
que les parts d’eau ont été attribuées initialement en fonction de la participation
des lignages à la construction des foggaras. Cette relation structurante mise en
évidence par Coward [1986, cité par Mathieu et al., 2001] unit la détermination
des droits d’eau et l’investissement pour la création du réseau d’irrigation, dans
les systèmes irrigués traditionnels. De même que la datation de la construction
des foggaras n’est pas établie, la datation de ces attributions n’est pas connue. De
surcroît, on nous a également mentionné que des parts d’eau supplémentaires
peuvent avoir été attribuées aux habitants ayant participé valeureusement aux
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combats contre les autres ksour, comme ceux qui ont eu lieu au XIXe siècle
[Gautier, 1917].
Figure 4 – Schéma chorématique type de l’oasis et de son réseau d’irrigation
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Selon les propos recueillis lors de nos entretiens, la construction des réseaux
a été décidée et effectuée par un collectif constitué de plusieurs lignages d’un
même ksar. Il est vraisemblable de retenir l’hypothèse selon laquelle, à la fin des
travaux, chaque participant à ce collectif connaissait la répartition des parts d’eau
entre chacun des participants. Il n’existe en revanche pas à notre connaissance de
« registre de foggara » actualisé qui recense ces parts, alors que cela se fait dans
le Touat algérien [Grandguillaume, 1973]. Cet ensemble de données actualisé lors
de la cession de parts d’eau est mémorisé et transmis oralement.
Selon les ksour, la gestion de l’eau stockée dans un bassin est assurée soit par
un aiguadier soit collectivement par les ayants droit. L’aiguadier peut être le pro-
priétaire du bassin ou désigné par celui-ci, il est sinon choisi par la jmâa 7, si le
bassin appartient au ksar. Quelle que soit la situation, son service est toujours
rémunéré en quantité d’eau (par exemple, il prend 5 minutes par kharrouba de
45 minutes). C’est lui qui effectue la mesure des parts d’eau dans le bassin et
assure leur acheminement vers les jardins.
En l’absence d’aiguadier, les utilisateurs s’accordent entre eux sur les tâches
à effectuer et sur l’ordre de distribution. Ainsi, les personnes qui stockent la nuit
leurs parts d’eau dans un même bassin s’organisent à tour de rôle pour ouvrir le
soir les vannes en amont du bassin afin d’y stocker l’eau. Le lendemain matin
c’est le premier bénéficiaire de l’eau de la source-irrigant qui n’est pas dans le
groupe partageant le bassin – qui ferme la vanne amont du bassin pour diriger
l’eau de la source directement vers son jardin. Quant aux irrigants partageant l’eau
du bassin, ils viennent chacun leur tour récupérer leurs parts d’eau stockées en
effectuant une mesure de hauteur d’eau proportionnelle à leur nombre de khar-
rouba, définie par l’unité fixée en commun. L’enchaînement du retrait des parts
d’eau définie par le tour de rôle permet à chaque utilisateur de contrôler que celui
qui le précède n’a pas prélevé plus que sa part.
Le cas de Zenaga
La gestion de l’eau dans le ksar Zenaga est la plus documentée dans la biblio-
graphie [Madani, 2006 ; Bencherifa, Popp, 1992], or la situation topographique
de ce ksar impose une gestion de l’eau différente de celle des autres ksour. Zenaga
ne possède qu’une source, Tzaddert, celle qui a le plus important débit à Figuig
(80 l/s). L’importance de ce débit exclut de servir un seul ayant droit à la fois.
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8. La complexité de ce répartiteur réside dans la volonté ferme de maintenir une équité entre utilisa-
teurs. Chaque branche du répartiteur est connectée avec les quatre seguias de sortie de manière à pouvoir
effectuer une rotation des connexions et donc éviter toute contestation [Bencherifa, Popp, 1992].
9. La distribution des parts d’eau se fait en fonction de la disponibilité de l’eau et non en fonction des
besoins agricoles.
droit. Les droits d’eau sont vendus ou loués à la saison. Aujourd’hui, une khar-
rouba est vendue entre 40 000 et 45 000 dirhams 10 et louée pour 350 dirhams les
six mois. Le nombre de parts d’eau disponible par tour n’est pas extensible, cela
institue un marché limité en offre. Si un aiguadier est présent, il gère ce commerce
et décide à qui louer les parts d’eau. S’il n’y a pas d’aiguadier, les propriétaires
gèrent eux-mêmes la location de leurs parts ou bien, dans le cas des émigrés,
confient cette tâche à un membre de leur famille.
Cette marchandisation de la ressource en eau, surtout dans le cas d’une vente
de droits d’eau, favorise les propriétaires les plus riches, souvent ceux qui reçoi-
vent le soutien financier de parents émigrés, selon les personnes interrogées lors
de nos entretiens. Dans le cas des locations, le marché est financièrement plus
accessible, mais il suppose que le jardin puisse générer une production de rente
(datte le plus souvent) afin de couvrir ces frais. De plus, le nombre de parts mises
en location reste limité. L’accessibilité est alors souvent liée à la force du réseau
de relations de chacun.
Les modalités de redistribution des parts d’eau rendues nécessaires par les
mouvements démographiques décrits ci-dessus montrent le caractère déterminant
des informations qui permettent de mettre en œuvre les règles coutumières de
partage de l’eau : nombres d’ayants droit, droit d’eau détenu, calendrier des tours
d’eau, etc. En l’absence d’enregistrement explicite de celles-ci, le savoir n’est
porté que par certains acteurs (propriétaire, aiguadier) et non par l’ensemble de la
communauté d’irrigants. Quand une personne s’absente, c’est l’information indi-
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10. Soit entre 4 000 et 4 500 euros, somme considérée comme très importante par les irrigants
interrogés.
intensive des nappes souterraines des « extensions » 11. D’après Puigserver Cuerda
[2004], ces nappes sont beaucoup plus sensibles aux prélèvements que les sources
de l’oasis. En outre, le souci récent d’un rééquilibrage de l’action publique en
direction de l’Oriental marocain a également profité à ce projet. Ce barrage, situé
à 30 km au nord-ouest de l’oasis, a été achevé en 2010, mais il n’était toujours
pas mis en service en mai 2013. La gestion et les modalités liées à l’utilisation de
la « nouvelle eau » provenant du barrage seront confiées à des associations d’usa-
gers des eaux agricoles (AUEA).
La création des AUEA a été réalisée à Figuig comme dans l’ensemble du
Maroc à la fin des années 1990 à la demande de l’État et sous contrainte d’un
plan d’ajustement structurel. Ces associations ont pour fonction de représenter
les irrigants auprès des administrations publiques, d’organiser la gestion de l’eau
et de garantir l’efficacité et la pérennité des actions financées par l’État
[Romagny, Riaux, 2007]. À Figuig, une association a été créée pour chaque ksar,
en plus de celles dédiées aux extensions de la palmeraie. Les différentes AUEA
sont réunies au sein d’un conseil local de l’eau qui prend les décisions relatives
à l’ensemble de l’oasis (palmeraies traditionnelles et extensions). Elles se char-
gent pour l’instant principalement de décider et de planifier les travaux à entre-
prendre pour la restauration et l’entretien du réseau d’irrigation : canaux, foggaras
et bassins. Elles effectuent les demandes de financement auprès de la direction
provinciale de l’Agriculture. Elles n’interviennent généralement pas dans la dis-
tribution de l’eau. Depuis leur création, ces AUEA ont du mal à imposer leur
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Bien que le barrage n’ait toujours pas été mis en service, sa construction a
accru le rôle des AUEA. Elles seront chargées de la distribution et de la répar-
tition de cette « nouvelle » eau, selon des modalités qui ne sont pas encore entiè-
rement définies.
L’étude menée en 2007 par un bureau d’étude 12 indépendant choisi par la direc-
tion provinciale de l’Agriculture proposait de distribuer l’eau du barrage au prorata
des surfaces des palmeraies et du nombre de palmiers par ksar, en complément de
l’eau des sources. Cette proposition visait à attribuer une partie de l’eau pour les
extensions, l’autre pour les ksour, dont une moitié de celle-ci, à Zenaga et l’autre
moitié aux six autres ksour. Cette répartition a été contestée par les associations
des autres ksour, arguant qu’elle se base sur d’anciennes mesures de surface des
ksour, datant de 1975 et non mises à jour. Face au refus des associations de valider
cette répartition, la direction provinciale de l’Agriculture leur a demandé de se
mettre d’accord pour effectuer la mesure des surfaces de chacune des palmeraies.
À la demande de deux des associations, nous avions utilisé en 2010 (dans le
cadre de notre coopération avec la municipalité de Figuig), un GPS pour calculer
la superficie de chaque palmeraie des ksour Loudaghir et Elmaïzen enregistrant
le trajet effectué à pied le long des limites de chacune et dessiner ainsi avec
précision leur délimitation. Un topographe de la municipalité a depuis été chargé
d’effectuer le même travail pour les autres ksour. Il a effectué le trajet en présence
de membres de chacun des ksour concernés afin d’avoir une évaluation contra-
dictoire des limites et un résultat transparent.
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ou ventes de parts d’eau, ce qui les mécontente, mais semble convenir à d’autres
Figuiguis. En particulier, l’eau du barrage pourrait bénéficier aux familles les plus
modestes, celles qui ont un peu de terre, mais peu ou pas de droits d’eau.
La mise en place de modalités de répartition de l’eau du barrage va conduire
chaque ksar à évaluer la capacité de son réseau et de ses bassins à accueillir de
nouvelles parts d’eau. Ils devront effectuer un recensement précis des droits d’eau
et du calendrier de leur distribution. Dans ce but, les ayants droit ainsi que les
aiguadiers devront mettre en commun les informations qu’ils détiennent, afin de
pouvoir profiter de l’eau du barrage 13.
Si les AUEA organisent le recensement et le partage de ces informations, elles
pourraient être acceptées comme cela a été le cas à Loudaghir. Là, le rôle de
l’AUEA a été reconnu, car cette forme d’association a permis la gestion d’un
nouvel élément avec la mise en place du pompage, sans pour autant remettre en
cause les relations et les pratiques sociales existantes. De même, dans le village
de Toufestel dans le Moyen Atlas marocain, l’AUEA s’est faite accepter long-
temps après sa création et seulement suite à la nécessité de mettre à jour et de
partager les informations de gestion des eaux en vue de modifier le calendrier des
tours d’eau [Bekkari, Yépez del Castillo, 2011].
En prenant en exemple d’autres sites où de tels équipements ont été réalisés
[Belarbi, 2004], de nombreuses incertitudes demeurent quant aux apports de ce
barrage. La plus grande interrogation réside dans la stabilité et la pérennité des
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Conclusion
G. Bédoucha [1976] rappelait à quel point, dans les sociétés oasiennes, c’est
l’eau qui raconte le mieux la société. C’est la maîtrise de l’eau, son partage et sa
gestion qui conditionnent l’existence d’une oasis. La maîtrise des éléments struc-
turant cette gestion détermine au quotidien son fonctionnement et ses capacités
d’adaptation aux différents changements temporels ou structurels.
Dans notre analyse, nous avons distingué trois types d’éléments structurant le
partage de l’eau du réseau d’irrigation : les règles coutumières qui fixent les modes
de gestion de la ressource en eau, les connaissances pratiques concernant le fonc-
tionnement du réseau, les informations qui permettent de mettre en œuvre les
13. Ce travail de recensement a déjà été commencé par quelques aiguadiers, mais il n’est pas encore
systématique.
règles coutumières : liste des ayants droit, droit d’eau détenu, calendrier des tours
d’eau, etc. Les savoirs, les techniques et les pratiques de gestion de l’eau qui
reposent sur ces éléments sont inscrits dans un temps long. Leurs mises en pratique
témoignent des capacités des oasiens à répartir au mieux une ressource hydrique
rare, en assurant une production agricole suffisante. Leurs adaptations aux varia-
tions saisonnières du débit des sources, à l’émigration des propriétaires et aux
changements apportés au réseau hydraulique montrent leur robustesse et leur rési-
lience en tant que pratiques sociales et culturelles oasiennes. L’analyse tend à
démontrer qu’il n’apparaît pas nécessaire de modifier ces techniques et pratiques
de gestion.
Il faut pour autant distinguer la pertinence de ces pratiques de gestion des
éléments qui en permettent la mise en œuvre. C’est une partie de ces derniers qui,
au fil des mouvements migratoires et des successions patrimoniales, tend à ne
plus être maîtrisée par tous. Les règles coutumières sont partagées et diffusées par
tous, ce qui contribue au maintien du système. Par contre, les pratiques de partage
et de distribution de l’eau, ainsi que la structure spatiale du réseau ne sont mémo-
risées que de manière sectorielle et ne sont donc pas détenues par l’ensemble du
groupe d’ayants droit. Pourtant, ces connaissances peuvent être apprises ou trans-
mises si besoin. Mais actuellement, les informations sur la propriété des parts
d’eau semblent lacunaires, ce qui conduit à une situation critique. Elles sont por-
tées uniquement par les mémoires individuelles. Dans le cas de bassins gérés par
un aiguadier, elles sont connues de lui-même, mais dans tous les cas, elles ne font
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14. Depuis 2008 une augmentation du débit des sources a été constatée par nos informateurs et des
sources taries ont rejailli.
Bibliographie