Responsabilité Civile IMANE HILANI S3

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Université Hassan II

Faculté des Sciences Juridiques Economique et Sociales Casablanca

COURS DE DROIT CIVIL


LA RESPONSABILITE CIVILE

Imane HILANI
Professeur à la faculté de droit de Casablanca

A l'usage des étudiants de l’ensemble 1


Filière Droit privé section française -
(Semestre 3)

Responsabilité civile Pr.Hilani Imane Année 2020-2021


La responsabilité civile englobe tant la responsabilité civile contractuelle que la
responsabilité civile extracontractuelle. On préfère utiliser le qualificatif
“extracontractuel” au lieu de “délictuel” pour désigner la responsabilité qui se
situe en dehors d’une relation contractuelle. La responsabilité délictuelle, au
sens strict, renvoie aux délits, c'est-à-dire à des faits dommageables
intentionnels tels que prévus dans l’article 77 du DOC alors que cette rubrique
doit, normalement, englober une multitude de responsabilités différentes de
celle générée par la commission d’une faute volontaire et intentionnelle qui rend
son auteur responsable envers la victime ayant subi le dommage. Il suffit
d’évoquer la responsabilité issue du quasi-délit tel qu’il est prévu par l’article 78
du DOC pour que le qualificatif délictuel devienne impropre. Nous traiterons
des situations juridiques essentielles qui relèvent de la responsabilité civile
extracontractuelle à savoir :
 La responsabilité du fait personnel ;
 La responsabilité du fait d’autrui ;
 La responsabilité du fait des animaux ;
 La responsabilité du fait des bâtiments ;
 La responsabilité du fait des choses ;
 La responsabilité du fait des produits défectueux.
La responsabilité civile concerne également la sanction de l’inexécution
contractuelle. Si la loi a donné une force obligatoire au contrat, c’est que
nécessairement la loi a prévu aussi les instruments juridiques utiles pour faire
respecter les engagements volontairement pris ; c’est l’objet de la responsabilité
contractuelle qui prévoit la sanction de l’engagement qui n’a pas été respecté. Le
droit de la responsabilité contractuelle serait l’ensemble des règles et normes
tant légales que jurisprudentielles consacrant la force obligatoire du contrat et
les sanctions prévues en cas d’inexécution contractuelles.
Le créancier de l’obligation a le droit de contraindre le débiteur à respecter les
engagements qu’il a promis de respecter conformément à l’article 231 du DOC
qui prévoit que ces engagements qui résultent des stipulations contractuelles
doivent être exécutés de bonne foi ; le débiteur de ces obligations est tenu non
seulement par les termes du contrat, qui a une force obligatoire, mais également
par toutes les conséquences que la loi, l’usage ou l’équité donnent à ces
obligations contractuelles d’après leur nature. L’engagement du débiteur de
l’obligation et de façon générale, de toutes les parties contractantes, n’est que le
reflet de cette force obligatoire dont la loi a revêtu le contrat qui est promu au
rang d’une norme légale pour ses signataires. La convention valablement formée
fait loi entre les parties ; elle ne peut être révoquée unilatéralement que sous
certaines conditions 1.

1
Article 230 du DOC.

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LA RESPONSABILITÉ JURIDIQUE

RESPONSABILITE RESPONSABILITE RESPONSABILITE


PENALE CIVILE ADMINISTRATIVE

FAIT EN L’ABSENCE DE (Responsabilité


CONTRAT De la puissance publique)
LIEN CONCONTRACTUEL
INFRACTION PENALE

RESPONSABILITE RESPONSABILITE
SANCTION PENALE DELICTUELLE
CONTRACTUELLE
- Dommage
- Faute - Dommage
Contractuelle - Fait générateur
- Dommage - Lien de causalité
résultant de la entre fait et
faute dommage
contractuelle

ACTION CIVILE DEVANT


JURIDICTION PENALE

JURIDICTIONS JUDICIAIRES NON PENALES JURIDICTONS


JURIDICTONS PENALES
ADMINISTRATIVES

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CHAPITRE 1
La responsabilité contractuelle

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Nous analyserons la responsabilité civile contractuelle à travers les conditions de
cette responsabilité et les effets juridiques qu’elle génère.

Section 1
Conditions de la responsabilité contractuelle

La responsabilité est dite contractuelle parce que tout d’abord elle est liée à un contrat et
ensuite, elle est liée à une inexécution du contrat valablement formé entre les parties. Si la
relation contractuelle fait défaut, la responsabilité engagée serait qualifiée de responsabilité
2
extracontractuelle gouvernée par des règles spécifiques .

§1. L’inexécution du contrat

En vertu de l’article 263 du DOC « les dommages-intérêts sont dus, soit à raison de
l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, et encore
qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de la part du débiteur » ; mais pour appliquer
les sanctions prévues dans cet article, deux éléments essentiels doivent être
envisagés : il faut tout d’abord, qu’une relation contractuelle existe entre le
créancier et le débiteur de l’obligation (A) et il faut, ensuite, que cette obligation
soit inexécutée (B).

A- Existence d’un contrat valablement formé

La partie qui se plaint d’une inexécution contractuelle doit au préalable apporter


la preuve de l’existence d’un contrat.
La preuve de l’existence d’une obligation doit être apportée par la personne qui
s’en prévaut 3 ; la preuve incombe au demandeur. Si cette preuve est apportée, la
réparation du dommage par l’allocation de dommages intérêts revêt un aspect
contractuel dans la mesure où il s’agit d’une sanction de la violation d’un
contrat.
Certains faits juridiques ne peuvent être qualifiés de contrats ou de
conséquences découlant d’une relation contractuelle ; ainsi, le fait pour un client
d’un hôtel d’avoir perdu son véhicule stationné sur la voie publique ne peut être
considéré comme une inexécution contractuelle du contrat de dépôt et par
conséquent aucune responsabilité contractuelle n’est encourue.

B- Existence d’une inexécution contractuelle

Aux termes de l’article 263 du DOC « les dommages-intérêts sont dus, soit à raison de
l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, et encore
qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de la part du débiteur ». La responsabilité

2
Articles 77 et suivants du DOC.
3
Article 399 du DOC.

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contractuelle est déclenchée soit, suite à une inexécution totale du contrat, soit
en cas d’inexécution partielle de celui-ci par exemple, lorsque le contractant ne
remplit pas certains engagements découlant directement dudit contrat. Trois
points retiendront notre attention, la nécessité de l’existence d’une inexécution
contractuelle (1), l’inexécution doit être imputée au débiteur (2) et
l’interrogation faite sur le caractère fautif de l’inexécution (3).

1. la nécessité de l’existence d’une inexécution contractuelle

L’inexécution du contrat peut avoir une étendue très particulière en raison de


l’existence d’obligations spécifiques rattachées au contrat et qui rentrent dans le
cadre de la prestation assurée par le débiteur de l’obligation 4. L’avocat n’est-il
pas tenu par une obligation de conseil ? Le notaire n’est-il pas tenu de
recommander à son client les mesures juridiques adéquates avant d’entreprendre
un acte quelconque ? On pourrait poser les mêmes questions pour l’ensemble
des professionnels amenés à assurer des prestations revêtant une certaine
technicité et savoir-faire. C’est dire qu’à côté de ce que prévoient la loi et le
contrat, d’autres obligations viennent s’ajouter aux obligations contractuelles
telles l’obligation de sécurité, de mise en garde ou de renseignement.

2. La demeure du débiteur de l’obligation

La mise en demeure est une mesure qui a pour finalité non seulement de
permettre au créancier de justifier la demande des dommages intérêts pour le
préjudice subi 5, mais également elle pourrait être une preuve de l’inexécution du
contrat par le débiteur 6. Elle permet de justifier l’action en responsabilité
contractuelle intentée par le créancier ayant fait constater la faute du débiteur
consistant dans l’inexécution du contrat. L’interpellation du débiteur est une
preuve de la défaillance caractérisée du débiteur s’il ne s’exécute pas après qu’il
soit en demeure d’avoir à remplir ses engagements contractuels.

4
VINEY, Les sanctions de l'inexécution des obligations contractuelles, Études de droit
comparé, 2001, Bruylant/LGDJ, p. 113.
5
Article 259 du DOC.
6
Article 638 du DOC.

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L’inexécution du Contrat

CONTRATS AVEC OBLIGATIONS


TOUT CONTRAT
RECIPROQUES DES PARTIES

MISE EN DEMEURE

DEMANDER L’EXECUTION NE PAS EXECUTER SES


OBLIGATIONS CONTRACTURLLES
FORCEE EN JUSTICE
(temporairement)

DEMANDER LA RESOLUTION
DU CONTRAT EN JUSTICE +
DOMMAGES INTERETS

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EXEMPLE DE MISE EN DEMEURE

Monsieur BELHASSAN
RUE OASIS
RABAT
GARAGE DE LA PLACE
6, place du Marché
AGADIR
Lettre Recommandée avec A.R

RABAT, le 7 Juin 2020

Messieurs,

Par contrat daté du 12 avril 2020 vous vous êtes engagé à me livrer une
Peugeot 3008 neuve dont les caractéristiques sont mentionnées ci-après…

Or, à ce jour et malgré plusieurs appels téléphoniques de ma part, ladite


voiture n’a toujours pas été livrée, vous n’avez donc pas rempli votre obligation
contractuelle.

Dans des conditions, conformément aux articles 254 et 255 du D.O.C.


Marocain, je vous mets en demeure de me livrer la voiture correspondant aux
caractéristiques précitées dans un délai maximum de 15 jours à compter de ce
jour.

Sans réponse de votre part et à défaut de livraison dans le délai indiqué, je


me verrai dans l’obligation d’introduire à votre encontre une instance judiciaire
en vue de faire reconnaitre mes droits.

Veuillez agréer, messieurs, l’expression de mes sentiments distingués.

BELHASSAN

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3. La demeure du créancier

La demeure du créancier permet au débiteur de se dégager de certaines


obligations ; « le créancier est en demeure, lorsqu'il refuse, sans juste cause, de
recevoir la prestation que le débiteur, ou un tiers agissant en son nom, offre
d'accomplir de la manière déterminée par le titre constitutif ou par la nature de
l'obligation. Le silence ou l'absence du créancier, dans les cas où son concours
est nécessaire pour l'exécution de l'obligation, constitue un refus » 7.

4. les offres d’exécution et la consignation

La demeure du créancier seule ne suffit pas pour exonérer le débiteur de toute


responsabilité pour l’inexécution du contrat ; il faut que cette demeure soit
accompagnée d’offres réelles et en cas de refus du créancier d’une consignation
dans la caisse du tribunal. L’article 275 du DOC précise que « la demeure du
créancier ne suffit pas pour libérer le débiteur. Si l'objet de l'obligation est une
somme d'argent, le débiteur doit faire des offres réelles et, au refus du créancier
de les accepter, il se libère en consignant la somme offerte dans le dépôt indiqué
par le tribunal; si l'objet de l'obligation est une quantité de choses qui se
consomment par l'usage ou un corps déterminé par son individualité, le débiteur
doit inviter le créancier à le recevoir au lieu déterminé par le contrat ou par la
nature de l'obligation, et, faute par le créancier de le recevoir, il se libère en le
consignant dans le dépôt indiqué par le tribunal du lieu de l'exécution, lorsque la
chose est susceptible de consignation ».

5. les conséquences de la demeure du débiteur ou du créancier

La demeure du créancier ou du débiteur conditionne l’inexécution ; soit qu’elle


va anéantir la responsabilité contractuelle soit qu’elle va l’aggraver. L’article
335 du DOC prévoit que « l'obligation s'éteint lorsque, depuis qu'elle est née, la
prestation qui en fait l'objet est devenue impossible, naturellement ou
juridiquement, sans le fait ou la faute du débiteur et avant qu'il soit en
demeure ».

C- Imputation de l'inexécution

Le débiteur de l’obligation peut être déclaré responsable de l’inexécution


contractuelle non seulement parce que lui-même n’a pas exécuté le contrat mais
aussi parce qu’il doit répondre de l’inexécution du fait d’une autre personne
avec laquelle il entretient une relation juridique déterminée. Le créancier peut

7
Article 270 du DOC.

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agir comme il l’entend, soit intenter une action contre le débiteur seul soit
chercher une condamnation solidaire contre les deux, le débiteur et le tiers.
Le créancier peut chercher la responsabilité contractuelle du débiteur et la
personne qu’elle a engagée en vertu d’un contrat ou la personne avec laquelle le
débiteur a une relation contractuelle déterminée telle un sous-contractant ou un
porte-fort d’exécution. La faute commise par ces derniers va être répercutée sur
le débiteur lui-même et doit en répondre dans les mêmes conditions comme s’il
l’a lui-même commise.

D- Inexistence d’une cause étrangère

La notion de cause étrangère peut revêtir plusieurs formes ; il peut s’agir d’un fait de la nature
ou d’une cause ayant pour source un fait de l’homme ou un cas fortuit et qui rendent
l’exécution du contrat impossible ou difficile à exécuter comme dans le cas où il y a fait du
prince ou intervention de l’administration.
Il convient de rappeler la définition de la force majeure qui est donnée par
l’article 269 du DOC, « la force majeure est tout fait que l'homme ne peut
prévenir, tel que les phénomènes naturels (inondations, sécheresses, orages,
incendies, sauterelles), l'invasion ennemie, le fait du prince, et qui rend
impossible l'exécution de l'obligation » ; le même texte écarte certaines
situations de cette définition et ajoute « n'est point considérée comme force
majeure la cause qu'il était possible d'éviter, si le débiteur ne justifie qu'il a
déployé toute diligence pour s'en prémunir. N’est pas également considérée
comme force majeure la cause qui a été occasionnée par une faute précédente du
débiteur ».

1. Caractère extérieur de la force majeure

L’alinéa premier de l’article 269 du DOC permet de déceler l’extériorité de la


force majeure en évoquant des exemples comme les inondations, la sécheresse,
les orages, les incendies, les sauterelles, l’invasion, ennemie, le fait du
prince,…, ce sont des évènements qui sont extérieurs à la volonté des parties et
spécialement de celle du débiteur.

2. Caractère imprévisible de la force majeure

L’exigence des trois éléments de la force majeure est très discutée en droit
français et a abouti avec la réforme du droit des contrats le 10 février 2016 à
reconnaître à l’élément de l’imprévisibilité une certaine autonomie par rapport
aux autres éléments.. L’extériorité et l’imprévisibilité apparaissent comme deux

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éléments distincts 8 et entre l’imprévisibilité et l’irrésistibilité, il y a un certain
cumul 9.

3. Caractère irrésistible de la force majeure

L’article 269 du DOC ne précise pas que la force majeure a un caractère


irrésistible et se contente d’indiquer qu’elle rend impossible l’exécution de
l’obligation ; l’inexécution est alors une conséquence de l’irrésistibilité de cette
force invincible que le débiteur ne peut vaincre. Cela suppose que le débiteur, à
la base, ne doit commettre aucun fait ou faute susceptible d’engager sa
responsabilité contractuelle même en la présence d’un cas fortuit ou un cas de
force majeure.

E- Assimilation de l'inexécution à une faute ?

Faut-il voir dans l’inexécution contractuelle une faute sous-entendue du débiteur


de l’obligation ou faut-il envisager cette inexécution abstraction faite de toutes
autres considérations émanant de ce même débiteur. Il est certain que
l’inexécution peut avoir pour cause la survenance d’un évènement indépendant
de la volonté du débiteur comme dans le cas de force majeure ; l’inexécution
n’est pas nécessairement liée à une faute. Il n’est pas à exclure l’imputation
d’une faute à la charge du débiteur et qui a pour effet d’influer sur l’étendue de
la réparation du dommage subi par le créancier et qui justifie l’allocation de
dommages intérêts.

1. Division des obligations en fonction de leur étendue

La détermination de l’étendue des obligations du débiteur nous permettra de


préciser s’il s’agit d’une obligation de moyens ou d’une obligation de résultat et
par conséquent de fixer ce à quoi le débiteur est tenu.

 Obligations de moyens et obligations de résultat

Lorsque le contrat contient une obligation de moyens, le débiteur doit faire son
possible pour atteindre le résultat recherché par le créancier ; celui-ci ne peut
engager la responsabilité du débiteur qu’en démontrant que le débiteur n’a pas
déployé tous les moyens nécessaires et possibles pour réaliser le résultat
escompté.
Si l’obligation du débiteur est une obligation de résultat, celui-ci s’engage à un
résultat déterminé ; ainsi, le contrat de transport de personne renferme une
obligation de résultat de conduire le passager sain et sauf à destination ou par
8
Cass., ass. plén., 14 avr. 2006, n° 02-11.168 , RDC 2006. 1207.
9
Civ. 1ère , 30 oct. 2008, n° 07-17.134.

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exemple, un salarié, après la rupture du contrat de travail, s’engage à ne pas
concurrencer son ancien employeur pendant une certaine durée fixée de
commun accord entre les parties ; de même, dans le contrat de transport de
marchandises, le transporteur s’engage à ramener cette marchandise en bon état,
sans avarie ni perte et dans le temps convenu entre les contractants.

 Obligation de garantie

Dans les obligations de garantie, le débiteur garantit le résultat promis quelque


soit les circonstances qui entourent l’exécution de l’obligation. La survenance
d’un cas de force majeure n’exonère nullement le débiteur.
Une illustration qu’on donnera de l’obligation de garantie dans les contrats
commerciaux est le dépôt de fonds qui est une convention par laquelle « une
personne dépose des fonds auprès d'un établissement bancaire quel que soit le
procédé de dépôt et lui confère le droit d'en disposer pour son propre compte à
charge de les restituer dans les conditions prévues au contrat » 10 .

2. Degré de gravité de l’inexécution

La responsabilité contractuelle n’est pas conditionnée par la commission d’une


faute qualifiée par le débiteur de l’obligation. La simple faute provoquant
l’inexécution partielle ou totale du contrat suffit pour qu’il y ait condamnation
du débiteur au paiement des dommages intérêts et ce, abstraction faite de sa
gravité.
Le créancier peut avoir grand intérêt à prouver une faute plus grave imputable
au débiteur qui va avoir des répercussions très importantes sur le montant des
dommages intérêts qui seront prononcés à l’encontre du débiteur. Le Dahir des
obligations et contrats sanctionne la faute caractérisée, la faute dolosive, la faute
lourde, la faute qui peut revêtir en même temps un caractère pénal et de façon
générale tout comportement qui viole les conventions valablement formées entre
les parties et qui doivent être exécutées de bonne foi et selon les règles édictées
par la loi, les usages et l’équité.

 la faute intentionnelle ou dolosive

La faute intentionnelle ou dolosive constitue la faute qualifiée par excellence 11 ;


elle est le summum de l’inexécution contractuelle, c’est pourquoi le législateur
se montre très sévère quant il s’agit de réparer les conséquences dommageables
causé par une faute intentionnelle ou dolosive ; l’article 264 du DOC prévoit que

10
Article 509 du CC.
11
Civ. 2ème , 30 juin 2011, n° 10-23.004 , Bull. civ. II, n° 145.

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le juge, dans ce cas, évalue les dommages intérêts selon qu’il s’agit de la faute
du débiteur ou de son dol.

 la faute lourde

La plupart du temps, la faute lourde est liée au dol dans les causes d’aggravation
de la responsabilité pour inexécution contractuelle ; cette liaison est même
rencontrée en matière extracontractuelle 12 ; cette liaison entre les deux fautes ne
P1F P

traduit nullement une certaine similitude ; elles sont très différentes. La faute
lourde n’est pas une faute intentionnelle, elle revêt une certaine gravité dans la
mesure où elle relève d’une négligence très grave provoquant un dommage
important au créancier 13. P12F P

 la faute inexcusable

La faute inexcusable n’est pas mentionnée dans le texte du Dahir des obligations
et contrats, on la retrouve en droit des accidents du travail ; l’article 155 du
Dahir du 29 décembre 2014 relatif à la réparation des accidents du travail
permet au juge de diminuer la réparation du dommage si la preuve d’une faute
inexcusable est établie.

 la faute civile revêtant en même temps un caractère pénal

La faute civile peut parfois être qualifiée pénalement ; un chevauchement entre


deux procédures civile et pénale peut avoir lieu. Une inexécution contractuelle
peu être qualifiée en même temps comme une infraction pénale ; ainsi, l’article
551 du code pénal prévoit que « quiconque s'étant fait remettre des avances en
vue de l'exécution d'un contrat, refuse sans motif légitime, d'exécuter ce contrat
ou de rembourser ces avances, est puni de l'emprisonnement d'un à six mois et
d'une amende de 200 à 250 dirhams ».

§2. Existence d’un dommage


9T

Aux termes de l’article 264 du DOC « les dommages sont la perte effective que le
9T 9T

créancier a éprouvée et le gain dont il a été privé, et qui sont la conséquence


directe de l'inexécution de l'obligation. L'appréciation des circonstances
spéciales de chaque espèce est remise à la prudence du tribunal : il doit évaluer
différemment la mesure des dommages-intérêts, selon qu'il s'agit de la faute du

12 Article 80 du DOC : « Les agents de l'État et des municipalités sont personnellement


responsables des dommages causés par leur dol ou par des fautes lourdes dans l'exercice de
leurs fonctions. L'Etat et les municipalités ne peuvent être poursuivis à raison de ces
dommages qu'en cas d'insolvabilité des fonctionnaires responsables ».
13
Civ. 3ème , 3 févr. 1998, n° 96-14.337.

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débiteur ou de son dol » ; deux éléments importants sont à relever à travers cette
disposition légale : tout d’abord, la diversité des dommages subis à l’occasion de
l’inexécution du contrat (A) et, ensuite, la relation causale entre ces dommages
et l’inexécution de l’obligation (B).

A- Diversité des dommages

L’article 264 du DOC distingue la perte effective, subi par le créancier de


l’obligation suite à l’inexécution du contrat, des gains dont il a été privé suite à
cette inexécution.

1. Caractères certain et direct du dommage

Le dommage réparable doit être certain ; il peut être futur dans la mesure où sa
survenance est inéluctable 14.

2. Origine du dommage

L’article 263 DOC dispose expressément que : « les dommages-intérêts sont


dus, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit en raison du retard
dans l’exécution.. ».

 Le défaut d’exécution de l’obligation

Pour réparer le préjudice causé par le défaut d’exécution, le juge accorde


des dommages intérêts compensatoires.
Le créancier peut réclamer réparation du préjudice que lui cause une
inexécution totale, ou partielle ou encore une exécution défectueuse qui,
suivant son importance, sera assimilée à une inexécution totale ou partielle.

Exemple: la livraison de fraises pourries sera assimilée à l’inexécution


totale, alors que la livraison de fraises d’une qualité inférieure à la qualité
convenue sera assimilée à une inexécution partielle si l’ouvrage réalisé
n’est pas apte à l’usage auquel il était destiné , le juge fera comme s’il y
avait inexécution totale, par contre, si l’ouvrage réalisé est apte à l’usage
auquel il était destiné mais ne répond pas aux normes de qualité ou de
performances convenues, le juge procèdera comme s’il y avait exécution
partielle

14
Civ. 5 mars 1913, DP 1914. 1. 61.

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L’exécution défectueuse d’une obligation (par exemple, la livraison de
chemises sans manches, en parfaite violation de la commande la
livraison) engendre les mêmes conséquences qu’une obligation inexécutée.

 Le retard dans l’exécution de l’obligation

Les dommages intérêts moratoires assurent la réparation du retard apporte dans


l'exécution du contrat. Si 1’exécution a lieu tardivement, le créancier est en droit
de réclamer la réparation du dommage qu’il a subi du fait du retard.
L’obligation peut aussi être réalisée mais tardivement.tel est le cas du
fournisseur de tissus qui ne respecte pas l’échéance du terme contractuel et
livre avec deux mois de retard.
L’inexécution tardive peut, lorsqu’elle ne présente plus d’utilité pour le
créancier, être assimilée à une inexécution totale (robe de mariée livrée après
la cérémonie, musiciens charges d’animer une soirée qui arrivent au moment
où les invités prennent congé. Marchandises commandées pour une période
déterminée et livrées après : Moutons livrés après la fête du sacrifice…).

3. Consistance du préjudice

Selon l’article 264 D.O.C ... le préjudice consiste dans la « perte effective que le
créancier a éprouvée mais aussi dans le gain dont il a été privé».
Il peut s’agir d’un dommage matériel (c’est à dire non seulement la perte
éprouvée, mais aussi le gain dont le contractant a été privé)

Exemples : II y a perte effective pour le créancier quand celui-ci n’a


rien reçu en contrepartie du prix payé ou qu’il reçoit des marchandises ou
des services d’une qualité inférieure.
Il y a aussi perte pour le créancier quand en raison de l’inexécution, il se
trouve obligé d'engager des dépenses qui n’auraient pas eu lieu si le
contrat avait été correctement exécuté le voyageur blessé au cours d'un
transport ou bien le client d’un restaurant qui a été intoxiqué par un plat
doivent dépenser pour se faire soigner.
Le créancier sera fonde a réclamer le rebroussement des frais engagés et la
réparation des pertes subies du fait de 1’inexécution.

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Pour ce qui est du manque à gagner 15 l’inexécution du contrat peut placer le
créancier dans l’impossibilité provisoire ou durable d’exercer normalement
ses activités professionnelles ou de tenir ses propres engagements à 1’égard de
ses clients ou d'autres partenaires

Exemples: Le voyageur victime d’un accident en cours de transport devra


ainsi interrompre ou cesser ses activités professionnelles et sera privé de
ses revenus. De même, le retard apporté dans la fabrication de telles machines
aura pour effet de retarder la mise en fonctionnement de l'usine et donc de
priver 1'entreprise des profits qu’elle aurait pu réaliser.
La réparation se limitera au manque à gagner établi avec certitude et le juge ne
prendra pas en considération le manque à gagner simplement hypothétique

Il peut s’agir d’un dommage moral lorsqu’il y a atteinte aux sentiments et plus
généralement à la personnalité. (En cas de perte de chance, voyageur défiguré
par un accident etc.…) la jurisprudence n'hésite pas à en admettre la réparation.

B- Lien de causalité

Il n’y a lieu à responsabilité qu'autant que le dommage constitue «la


conséquence directe de l’inexécution de l’obligation » (article 264 D.O.C.). Entre
le fait générateur de responsabilité (inexécution) et le préjudice, il doit donc y
avoir une relation de cause à effet. Pour que le débiteur soit déclaré responsable,
il faut qu'une causalité existe entre l’inexécution et le préjudice subi par le
créancier.
La règle correspond à une exigence rationnelle et logique incontestable mais
elle soulève d'énormes difficultés pratiques (1) qui sont à l’origine d’une
importante controverse théorique (2).

1- Difficultés pratiques

 La première difficulté réside en ce que souvent le préjudice subi par le


15
La règle générale en droit de la responsabilité contractuelle, telle qu’elle ressort de l’article 264 du
DOC, est que la réparation doit englober également le gain dont il a été privé le créancier de
l’obligation. Les juges du fond disposent à cet effet d’un pouvoir appréciateur sous réserves de
motiver les décisions qui fixent le montant des réparations allouées au titre du gain manqué
conformément à l’article 50 du CPC qui prévoit que les décisions émanant de toutes les juridictions du
Royaume doivent toujours être motivées .

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créancier est dû non seulement au fait du débiteur mais aussi à un
concours de circonstances étrangères au débiteur. Se pose alors la
question de savoir s'il faut choisir et comment choisir parmi les différents
facteurs qui ont concouru à la réalisation du dommage ?
Exemple : une personne, qui souffre de difficultés respiratoires s'adresse à
un médecin qui diagnostique une bronchite et prescrit un traitement anodin. Le
malade rassuré s'en tient au traitement prescrit et ne réalise, que bien plus tard,
que son état se détériore. Trois mois plus tard, des examens médicaux
approfondis révèlent l’existence d'une tumeur maligne qui provoque la mort du
malade en l'espace de 4 mois.

Les héritiers du malade intentent un procès en responsabilité civile contre le


premier médecin. Le juge aura donc à se prononcer sur les conséquences de
l’imprudence ou de la légèreté du médecin et leurs limites. Il admettra sans doute
que l’imprudence du médecin a concouru à la perte du malade. Mais il conviendra
aussi que la mort du malade a d'autres causes : évolution rapide de la maladie,
conditions de vie et de travail du malade, antécédents familiaux, etc.

Devra-t-il alors mettre de côté tous ces facteurs pour ne retenir que la seule
faute du médecin ou devra-t-il mesurer le rôle causal de chaque facteur pour ne
retenir la responsabilité du médecin que pour la part qui lui revient.

 La seconde difficulté tient au fait que l’inexécution d’un contrat provoque


parfois, non pas un préjudice bien circonscrit, mais une cascade de
préjudices en chaine. Où faut-il alors arrêter la chaine ?

Exemple : un couturier chargé de confectionner une robe de mariée ne livre


pas à la date convenue. La cérémonie de mariage est annulée. Le marié fortement
contrarié par ce contretemps renonce au mariage. La mariée fait une dépression
nerveuse sévère qui la conduit au suicide. Ou faut-il arrêter la cascade des
malheurs dont le couturier doit répondre ? L’annulation de la cérémonie ? La
renonciation au mariage ? La dépression nerveuse ? Le suicide ?

Autre exemple : Un voyageur est blessé au cours d'un accident. II est


transporté à l’hôpital ou il subit plusieurs perfusions sanguines. Au cours de ces
perfusions, il est contaminé par le virus du Sida qui cause sa mort au bout de
quelques mois. Là encore où faut-il couper la chaine ? Quels sont les préjudices
dont le transporteur pourrait avoir à répondre ? Les blessures dues à l’accident

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? La contagion et la maladie ?Le décès ? ...

2 - Débat théorique et solutions pratiques


I- Ces difficultés ont depuis longtemps préoccupé la doctrine. La question de la
causalité a donc suscité une abondante littérature et de gros efforts de
théorisation et de systématisation. Deux grandes thèses s’affrontent ici :

- Selon la théorie de l’équivalence des conditions, tous les facteurs qui ont
concouru à la réalisation du dommage et sans lesquels le dommage ne serait pas
produit ont une même valeur causale et doivent être retenus.

- Par contre, la théorie de la causalité adéquate considère que le juge doit


opérer une sélection parmi les facteurs qui ont contribué à la réalisation du
dommage pour ne retenir que ceux qui pouvaient rendre le dommage probable à
l’exclusion des autres.

- Il faut bien reconnaitre cependant que ces théories n’ont pas dissipé le
brouillard qui entoure la question de la causalité. C'est pourquoi le législateur
s’est gardé d’opter en faveur de telle ou telle thèse préférant se décharger sur le
bon sens du juge. Dans cette mission délicate, le juge peut néanmoins s'appuyer
sur quelques règles :

- La première règle est tirée, en France, de l’article 1150 du code civil.


Selon cet article, seules les suites prévisibles de l’inexécution du contrat peuvent
donner lieu à réparation et le débiteur n’a pas à répondre des suites imprévisibles
de l’inexécution.
Mais la règle comporte une importante exception énoncée par le même
article 1150, lorsque l’inexécution est imputable au dol du débiteur. Dans ce cas,
le débiteur sera condamné à réparer l'intégralité du préjudice car étant de
mauvaise foi, il se trouve déchu du bénéfice de la limitation de responsabilité.
La responsabilité civile déborde à nouveau sa fonction réparatrice pour exercer
une fonction sanctionnatrice.

La règle énoncée par l'article 1150 Code Civil français n'a pas son
équivalent dans le D.O.C. qui, à aucun moment ne fait allusion aux suites
prévisibles ou imprévisibles de l’inexécution. Par ailleurs, la jurisprudence
publiée ne parait pas avoir fait un quelconque usage de cette notion. Par contre,
de nombreuses décisions de justice insistent sur l’exigence d’une causalité

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directe conformément aux termes de l’article 264 D.O.C. Peut-on alors
considérer que le dommage direct couvre le dommage prévisible et que le
dommage indirect couvre le dommage imprévisible ?

- La seconde règle qui permet de circonscrire quelque peu le problème de la


causalité joue aussi bien en droit français qu'en droit marocain. En effet, si le
dommage est dû en partie à la faute du débiteur et en partie à la faute du
créancier, la réparation sera réduite de la part qui incombe au créancier. II y a
alors lieu à un partage de responsabilité et le débiteur n’aura à réparer que le
dommage du a sa faute. En revanche, la réparation n’aura pas lieu si
l'inexécution du contrat est imputable au fait exclusif du créancier.

Le créancier doit apporter la preuve de l’existence d’un lien de cause à effet


entre le dommage subi et l’inexécution 16. L’alinéa premier de l’article 264 du
DOC affirme cette règle en disposant que « les dommages sont la perte effective
que le créancier a éprouvée et le gain dont il a été privé, et qui sont la
conséquence directe de l'inexécution de l'obligation » 17.
Section 2
Effets de la responsabilité contractuelle

En principe, tout le dommage subi par le créancier doit être réparé suivant des
modalités déterminées ou par équivalent par l’allocation de dommages
intérêts (§1) ; les parties peuvent parfaitement prévoir dans le contrat, des
clauses aménageant la responsabilité contractuelle (§2).

§1. Réparation du dommage

Il existe des modes spécifiques et particuliers de réparation du dommage subi


par le créancier (A) à côté de la réparation par équivalent traduite par
l’attribution de dommages intérêts (B).

A- Modes de réparation

Au lieu d’accorder au créancier une réparation au créancier et si l’exécution de


l’obligation est possible, le juge peut contraindre le débiteur à une réparation en
nature ou à l’accomplissement forcé de l’objet de l’obligation.

1. Réparation en nature

16
Civ. 1ère , 18 nov. 1997, n° 95-19.516 , Bull. civ. I, n° 317.
17
Civ. 1ère , 4 févr. 2003, n° 00-15.572 , Bull. civ. I, n° 40.

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Autour de la classification des obligations en obligations de faire, de ne pas faire
et de donner, il est possible pour le créancier de contraindre le débiteur à
exécuter son obligation du moment qu’il est possible de le faire.

 L’exécution en relation avec une obligation de faire

Le débiteur d’une obligation de faire doit accomplir une certaine prestation ; si


elle a pour objet de mettre en œuvre un talent particulier, comme par exemple
peindre un tableau, l’exécution de cette obligation ne peut faire l’objet d’une
exécution forcée en cas de refus du débiteur de l’exécution en nature; le
créancier conserve la possibilité de demander des dommages intérêts en
compensation de la défaillance du débiteur 18.

 L’exécution en relation avec une obligation de ne pas faire

L’obligation de ne pas faire consiste pour le débiteur à s’abstenir de certains


actes par exemple, celui qui cède un fonds de commerce doit s’abstenir d’ouvrir
un commerce riverain à celui qu’il a cédé et de faire concurrence au cessionnaire
de ce fonds.

 L’exécution en relation avec une obligation de donner

L’obligation de donner consiste pour le débiteur à transférer la propriété de


l’objet de l’obligation et non à faire une donation ou à, tout simplement,
remettre une chose; elle ne doit pas être limitée seulement au changement dans
la qualité de propriétaire puisque le transfert se fait, dans les contrats
consensuels, par simple échange du consentement 19 .

2. Exécution d’une obligation de ne pas faire

L’obligation de ne pas faire consiste en une abstention de la part du débiteur de


l’obligation ; ainsi, par exemple si ce dernier s’est engagé à ne pas installer une
construction ou une édification quelconque, le créancier est en droit de le
contraindre à la démolir par la force d’une décision judiciaire.

3. Exécution par une autre personne que le débiteur

Le créancier de l’obligation peut obliger le débiteur à exécuter l’obligation dont


il est tenu ; s’il s’abstient et si cette obligation consiste en un fait dont

18
Philippe Malaurie, Laurent Aynès et Philippe Stoffel-Munck,op.cit., n° 2, p. 20.
19
Philippe Malaurie, Laurent Aynès et Philippe Stoffel-Munck,op.cit., n° 2, p. 20.

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l’exécution n’exige pas l’intervention personnelle du débiteur, le créancier peut
être autorisé à la faire exécuter lui-même aux dépens du débiteur 20 .

4. Réfaction du contrat

Le Dahir des obligations et contrats prévoit certains modes de réparation dus au


créancier en raison de l’inexécution du contrat par le débiteur de l’obligation ;
parmi ces modes l’on pourra évoquer la réfaction du contrat qui est une
diminution du prix par rapport au prix prévu dans un contrat. L’article 529 du
DOC prévoit que « si la chose a été vendue en bloc ou comme un corps
déterminé par son individualité, l'expression du poids, de la mesure ou de la
contenance ne donne lieu à aucun supplément de prix en faveur du vendeur, ni à
aucune réduction en faveur de l'acheteur, à moins que la différence de la quantité
ou mesure réelle à celle exprimée au contrat ne soit d'un vingtième en plus ou en
moins ».

B- Réparation par l’attribution des dommages intérêts

Il convient de distinguer les dommages intérêts compensatoires tendant à réparer


le dommage subi (1) des dommages intérêts moratoires qui ont pour but de
réparer le dommage subi en raison du retard dans l’exécution (2).

1. dommages intérêts compensatoires

Le dommage doit être réparé intégralement au jour du jugement définitif ;


l’indemnité accordée au créancier est productive d’intérêt jusqu’à l’exécution de
la décision judiciaire accordant cette réparation.

 Montant de la réparation

Le créancier de l’obligation est en droit de demander la réparation du dommage


que l’inexécution du contrat soit partielle ou totale 21. Cette disposition reflète
l’application du principe d'équivalence en vertu duquel « le juge doit accorder à
la victime une indemnité constituant l’équivalent exact de ce dont elle a été lésée
et la victime est libre d’en faire ce qu’elle veut. L’exercice est difficile ; mais le
juge ne pourrait refuser d’indemniser un préjudice dont il a reconnu la réalité
sous prétexte qu’aucun élément d’évaluation pertinent ne lui a été fourni. En
outre, l’érosion monétaire dont souffre la France depuis cent ans a eu des
conséquences sur la date d’évaluation du préjudice et la forme que prend

20
Article 261 du DOC.
21
Com. 17 mars 1987, n° 85-15.711 ; Civ. 18 mai 1915, S. 1917. 1. 38.

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l’indemnisation. Aussi, les juges du fond ont-ils un pouvoir souverain pour
évaluer le préjudice » 22.

 production d’intérêts

Les intérêts de droit visent à inciter la partie condamnée à exécuter la décision


judiciaire dans les plus brefs délais.

 Astreinte

L’astreinte est un moyen qui permet de forcer un débiteur à s’exécuter après sa


condamnation en vertu d’une décision judiciaire ; c’est une condamnation
pécuniaire par jour de retard.

2. Dommages et intérêts moratoires

Les dommages intérêts moratoires compensent le retard dans l’exécution d’une


obligation et plus spécialement lorsqu’il s’agit du paiement d’une somme
d’argent ; étant privé de ces paiements au jour fixé dans le contrat, le créancier
est en droit de réclamer une réparation pour le préjudice du fait de retard.

§2. Aménagements conventionnels des dommages et intérêts

Des clauses particulières peuvent être insérées dans le contrat et prévoir soit une
exonération de la responsabilité du débiteur soit une limitation de cette
responsabilité (A) ; les parties dans un contrat peuvent également fixer un forfait
de dommage intérêts à la charge du débiteur à travers les clauses pénales (B).

A- clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité

L’obligation convenue entre les parties peut renfermer des clauses contenant un
allégement de la responsabilité du débiteur en transformant par exemple une
obligation de résultat en obligation de moyens ; elle peut contenir aussi des
clauses excluant tout simplement la responsabilité du débiteur. La loi et le juge
interviennent pour limiter les effets négatifs des clauses exonératoires et
limitatives de responsabilité qui sont dans la plupart des cas des clauses
abusives.
On retiendra plusieurs illustrations dans la loi qui considèrent les clauses
exonératoires et limitatives de responsabilité comme nulles ; dans le contrat de
fourniture de produits, la responsabilité du producteur ou de l’importateur ne
peut être réduite ou exclue à l’égard de la victime par une clause limitative ou
22
Philippe Malaurie, Laurent Aynès et Philippe Stoffel-Munck, op.cit., n° 251, p. 147.

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exonératoire de responsabilité 23 ; de même, « le vendeur de mauvaise foi ne peut
opposer les moyens de prescription (…) ni toute autre clause limitant sa
garantie. Est de mauvaise foi tout vendeur qui aurait employé des manœuvres
dolosives pour créer ou dissimuler les vices de la chose vendue » 24.

B- Clauses pénales

La clause pénale peut généralement être définie comme étant la clause par
laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à
quelque chose en cas d’inexécution 25. Le deuxième alinéa de l’article 264 du DOC
prévoit que « les parties contractantes peuvent convenir des dommages-intérêts
dus au titre du préjudice que subirait le créancier en raison de l'inexécution
totale ou partielle de l'obligation initiale ou en raison du retard apporté à son
exécution ». Cette disposition du Dahir des obligations et contrats donne une
conception de la clause pénale très restrictive du moment qu’elle se limite
uniquement aux dommages intérêts. La clause pénale revêt un certain nombre de
caractères et est soumise au contrôle du juge.

1. caractères de la clause pénale

La clause pénale présente trois caractères : elle doit résulter d’un contrat, elle a
un aspect réparateur et elle est comminatoire 26.

 La clause pénale doit résulter d’un contrat

La clause pénale a un caractère contractuel dans la mesure où elle doit être issue
d’une relation contractuelle ; elle est accessoire au contrat ; si celui-ci est déclaré
nul, la clause n’est plus opérationnelle.

 La clause pénale a un caractère forfaitaire

Conformément à l’alinéa deux de l’article 264 du DOC, les parties peuvent


convenir de la réparation à envisager si le contrat serait inexécuté totalement ou
partiellement par l’une des parties ou s’il y a un retard dans son exécution. Si la
réparation envisagée par clause pénale est forfaitaire et fixée par les parties à
l’avance, il se peut que cette réparation soit en deçà ou au-delà du dommage
subi. La partie qui s’estime lésée peut parfaitement saisir le juge pour

23
Article 106-13 du DOC.
24
Article 574 DOC.
25
Définition donnée par l’ancien article 126 du CCF.
26
D. MAZEAUD, La notion de clause pénale, th. Paris XII, LGDJ, 1992, préf. Fr. Chabas ; F.
PASQUALINI, « La révision des clauses pénales », Defrénois 1995, art. 36106.

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revendiquer soit le complément de la réparation soit de diminuer la réparation si
la réparation prévue par clause pénale dépasse la valeur réelle du dommage subi.

 La clause pénale a un caractère comminatoire

La clause pénale constitue une menace constante pour le débiteur ; en cas


d’inexécution partielle ou totale du contrat ou en cas de retard dans l’exécution,
il sera de suite sanctionné sans prendre en considération une quelconque
justification ne rentrant pas dans le cadre de la cause étrangère

2. Pouvoir de révision de la clause pénale par le juge

Pendant très longtemps, il était impossible de modifier les clauses pénales


contenues dans un contrat valablement formé ; le principe de l’intangibilité de
cette clause interdisait au juge de s’immiscer dans la relation contractuelle
arrêtée de commun accord et librement entre les parties. Depuis la modification
de l’article 264 du DOC par le Dahir du 1er août 1995 27, le troisième alinéa de
cette disposition prévoit que « le tribunal peut réduire le montant des
dommages-intérêts convenu s'il est excessif ou augmenter sa valeur s'il est
minoré comme il peut réduire le montant des dommages-intérêts convenu,
compte tenu du profit que le créancier en aurait retiré du fait de l'exécution
partielle de l'obligation ».

27Dahir n°1-95-157 du 13 rabii I 1416 (1 août 1995); Bulletin Officiel n° 4323 du 10 rabii II
1416 (6 septembre 1995), p. 602.

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CHAPITRE 2
LA RESPONSABILITE DU FAIT PERSONEL

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Section 1
Les conditions de la responsabilité du fait personnel

La responsabilité du fait personnel suppose la réunion de trois éléments,


l’existence d’une faute, l’existence d’un dommage et l’existence d’une relation
causale entre la faute et le dommage.

§1. L’existence d’une faute

La faute qui est protéiforme, doit être définie, classée sous différentes rubriques
er appréciée par les juges du fond.

A- Notion de faute

La faute est définie dans le Dahir des obligations et contrats à travers le dernier
alinéa de l’article 78 ; elle « consiste, soit à omettre ce qu'on était tenu de faire,
soit à faire ce dont on était tenu de s'abstenir, sans intention de causer un
dommage ». La faute peut alors être une omission ou une commission.

B- Diverses sortes de fautes

La faute civile extracontractuelle doit être distinguée de la faute pénale et en


même temps, au sein même de cette même faute civile, il convient de faire
plusieurs nuances.

1. Faute civile extracontractuelle et faute pénale

La faute pénale est nécessairement une infraction pénale et réprimée en tant que
telle par la loi pénale qui est dominée par le principe de la légalité, pas
d’infraction, pas de peine sans un texte de loi.

2. Faute intentionnelle et faute non intentionnelle

Le critère psychologique permet de distinguer la faute intentionnelle de la faute


non intentionnelle ; c’est ce critère qui permet de distinguer les délits des quasi-
délits. L’article 77 du DOC, faisant allusion aux obligations délictuelles, prévoit
que « tout fait quelconque, de l'homme qui, sans l'autorité de la loi, cause
sciemment et volontairement à autrui un dommage matériel ou moral, oblige son
auteur à réparer ledit dommage, lorsqu'il est établi que ce fait en est la cause
directe » tandis que l’article 78 du DOC traitant des obligations quasi-
délictuelles dispose que « chacun est responsable du dommage moral ou

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matériel qu'il a causé, non seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu'il est
établi que cette faute en est la cause directe » ; ce texte ne fait aucune référence à
la volonté de causer un dommage à autrui. L’absence d’intention ne fait pas
disparaitre le droit à la réparation du dommage reconnu à la victime mais influe
sur la réparation. L’article 98 du DOC fait obligation aux juges de déterminer la
réparation due à la victime en fonction de l’existence ou de l’inexistence de
l’intention caractérisée de l’auteur du dommage.

3. Faute simple et faute lourde

La faute lourde n’est pas une faute intentionnelle, elle consiste « en une
négligence grossière que l'homme le moins averti ne commettrait pas dans la
gestion de ses propres affaires » 28. Les articles 77 et 78 du DOC ne font pas
P27F P

référence à ce genre de faute ; on la retrouve dans l’article 80 du DOC se


rapportant à la responsabilité des agents de l’Etat et des municipalités que ce
texte déclare responsables personnellement des dommages causés par leur dol
ou par des fautes lourdes dans l'exercice de leurs fonctions.

4. Faute d’omission et faute de commission

L’on a déjà évoqué cette distinction à travers la définition de la faute donnée par
l’article 78 du DOC pour qui la faute « consiste, soit à omettre ce qu'on était
tenu de faire, soit à faire ce dont on était tenu de s'abstenir, sans intention de
causer un dommage ». La faute peut alors être une omission ou une
commission ; cette distinction s’attache à l’élément matériel, plus exactement à
la structure du comportement anormal. La faute de commission rend responsable
une personne qui a agi alors qu’elle aurait dû s’abstenir. La faute par omission
rend responsable une personne qui s’est abstenue alors qu’elle aurait dû agir.

C- Obstacles à l’existence d’une faute

Dans certaines situations, la responsabilité du fait personnel ne peut être mise en


œuvre en raison de circonstances particulières qui constituent un obstacle à
l’existence d’une faute.

1. Absence de discernement

Celui qui commet une faute doit être conscient de son agissement contraire à la
loi et du dommage qu’il cause à autrui du fait de cette faute. L’article 77 du
DOC précise bien que l’auteur de la faute doit l’avoir commise sciemment et

28
Cass. civ. 1re, 1er mars 1983, Bull. civ. I, no 82.

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volontairement. Il y a lieu de faire une distinction entre le fait de commettre la
faute volontairement et sciemment et entre le fait d’avoir la conscience de cet
agissement. On ne saurait déclarer une personne responsable d’un fait juridique
alors qu’elle n’en est pas consciente ; l’article 96 du DOC prévoit, dans ce sens,
que « le mineur, dépourvu de discernement, ne répond pas civilement du
dommage causé par son fait (…). Le mineur répond, au contraire, du dommage
causé par son fait, s'il possède le degré de discernement nécessaire pour apprécie
les conséquences de ses actes ».

2. Légitime défense

En vertu de l’article 95 du DOC, « il n'y a pas lieu à responsabilité civile dans le


cas de légitime défense, ou lorsque le dommage a été produit par une cause
purement fortuite ou de force majeure, qui n'a été ni précédée, ni accompagnée,
d'un fait imputable au défendeur. Le cas de légitime défense est celui où l'on est
contraint d'agir afin de repousser une agression imminente et injuste dirigée
contre la personne ou les biens de celui qui se défend ou d'une autre personne ».
Pour qu’il y ait exonération de l’auteur de la faute de l’obligation de réparer le
dommage pour raison de légitime défense, il faut que cette dernière satisfasse à
certaines conditions :
 La menace contre laquelle réagit l’auteur doit être actuelle et dirigée contre la
personne elle-même, ses proches ou contre leurs biens et qu’il n’y ait pas
d’autres alternatives possibles ;
 La menace exercée contre lui doit être illégitime ; la menace dictée par la loi
est légitime telle celle exercée par un agent de la force publique pour arrêter
un criminel.

3. Etat de nécessité

Le débat doctrinal se rapportant à cette question est très ancien et nourrit encore
la doctrine moderne qui refuse la nullité du contrat 29 si la demande en annulation
P28F P

du contrat est justifiée par des considérations et circonstances extérieures 30. La P29F P

doctrine moderne est du même avis et propose d’annuler l’engagement pris sous
l’emprise de la nécessité pour défaut de cause et d’indemniser l’autre partie sur
la base de l’enrichissement sans cause ou de la gestion d’affaires ou même en
retenant la notion de lésion 31 . P30F P

29
En droit français, l’article 1111 du code civil parle de nullité de l’acte.
30
Pallard, L’exception de nécessité en droit civil, thèse Poitiers, 1949.
31
Voir dans ce sens, Christian Larroumet, Droit civil, T. 3, Les Obligations, Le contrat, 3ème
édition, p. 328 ; Voir aussi, la présentation de ce débat doctrinal dans l’ouvrage des
professeurs Henri et Léon Mazeaud, Jean Mazeaud et François Chabas, op.cit., n° 203, p.
193.

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4. Commandement de la loi ou de l’autorité légitime

Si l’auteur du dommage agit sur instruction de la loi ou de sa hiérarchie relevant


de l’autorité légitime, sa responsabilité civile personnelle est dégagée. L’article
77 du DOC précise bien que le fait dommageable doit intervenir sans l’autorité
de la loi pour qu’il soit générateur de responsabilité du fait personnel. L’article
46 du DOC, même s’il se situe dans le cadre d’une relation contractuelle,
considère que la violence, à la formation du contrat, ne peut être sanctionnée que
si la contrainte est exercée sans l’autorité de la loi.

5. Existence d’une cause fortuite ou d’un cas de force majeure

La définition de la force majeure est donnée par l’article 269 du DOC qui
précise qu’elle « est tout fait que l'homme ne peut prévenir, tel que les
phénomènes naturels (inondations, sécheresses, orages, incendies, sauterelles),
l'invasion ennemie, le fait du prince, et qui rend impossible l'exécution de
l'obligation. N'est point considérée comme force majeure la cause qu'il était
possible d'éviter, si le débiteur ne justifie qu'il a déployé toute diligence pour
s'en prémunir. N’est pas également considérée comme force majeure la cause
qui a été occasionnée par une faute précédente du débiteur ». Le texte de l’article
269 du DOC est en concordance avec les dispositions de l’article 95 du DOC qui
exonère l’auteur du dommage s’il apporte la preuve de l’existence d’une cause
fortuite ou d’un cas de force majeure ; ce texte dispose qu’« il n'y a pas lieu à
responsabilité civile dans le cas de légitime défense, ou lorsque le dommage a
été produit par une cause purement fortuite ou de force majeure, qui n'a été ni
précédée, ni accompagnée, d'un fait imputable au défendeur ». Le défendeur,
dont la responsabilité est recherchée, doit faire la preuve de l’existence des trois
caractères de la force majeure ; elle doit s’agir d’un évènement imprévisible,
irrésistible et extérieur. La force majeure ou le cas fortuit s’ils sont la source de
l’agissement défectueux du défendeur vont en même temps donner à cet
agissement une certaine légitimité ; il va être perçu comme étant un
comportement normal.

§2. L’existence d’un préjudice

Généralement, l’existence d’un préjudice est un élément important pour le


déclenchement de la responsabilité extracontractuelle ; en jurisprudence, parfois,
on identifie le préjudice à la faute que ce soit en matière contractuelle ou
extracontractuelle. Nous passerons successivement en revue trois points
différents : la détermination de la notion de préjudice (A), les caractères du
préjudice (B) et la diversité du préjudice (C).

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A- Notion de préjudice

Pour certains auteurs il y a lieu de distinguer la notion de préjudice de celle du


dommage ; celui-ci « n’est pas en lui-même du domaine du droit et n’a aucune
signification juridique ; s’il est pris en considération par la norme, c’est
seulement comme condition d’existence soit d’un préjudice, soit d’une
réparation instituée objectivement par les textes. (…) Le dommage n’est pas,
contrairement au préjudice, une notion juridique : une perte, une lésion, une
détérioration sont du domaine du fait (…) » 32.

B- Caractères du préjudice

Pour que le préjudice puisse être réparable, il faut qu’il soit personnel (A),
certain (B) et légitime (C).

1. Préjudice personnel

La personnalité du préjudice signifie qu’il ne concerne que la personne qui a


personnellement eu une atteinte à son intégrité physique, moral ou à ses biens.
Les conséquences de ce préjudice peuvent s’étendre à d’autres personnes
comme elles peuvent concerner un collectif de personnes.

2. Le préjudice par ricochet

Le préjudice dont est victime la victime peut affecter d’autres personnes qui
subissent un dommage par contrecoup dit “préjudice par ricochet” ou “préjudice
médiat” par opposition au “préjudice immédiat” qui frappe la victime dans sa
personne et dans ses biens sans intermédiaire ; ainsi par exemple, lorsqu’une
personne décède dans un accident laissant derrière elle un conjoint et des enfants
en bas âge, il est évident que ces personnes vont subir inéluctablement un
préjudice matériel du fait de la perte d’une personne qui subvenait à leurs
besoins et par la même, un préjudice moral ou affectif à la perte d’un être cher.
Ces personnes doivent justifier de l’existence d’un lien juridique statutaire avec
la victime telle une filiation ou une relation de mariage.

3. Préjudice certain

Le préjudice doit être certain et non seulement hypothétique ; le demandeur doit


en apporter la preuve. Le préjudice qui n’a pas le caractère de la certitude et qui
est simplement éventuel, probable ou vraisemblable ne peut être réparé.

32
I. Poiro-Mazères, la notion de préjudice en droit administratif français, RDP 1997, p.521 et
523.

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Toutefois, le préjudice futur peut être réparé à condition que son existence soit
certaine ainsi par exemple si une personne est atteinte d’un taux d’incapacité
physique permanente de plus de 80 %, il est certain qu’elle aura besoin de
l’assistance d’une tierce personne.

4. Préjudice légitime

La victime d’un dommage ne peut demander la réparation que si sa demande


n’est pas en contrariété avec une règle impérative ou avec une règle d’ordre
public ou contraire aux bonnes mœurs. En droit marocain, une concubine, par
exemple, ne peut prétendre à la réparation d’un dommage suite au décès de son
concubin dans un accident régi par les règles de la responsabilité
extracontractuelle.

C- Diversité des préjudices


L’on a déjà évoqué quelques préjudices qui peuvent être réparés à l’occasion
d’une responsabilité extracontractuelle tels le préjudice direct ou médiat et le
préjudice médiat ou par ricochet, donc, on ne passera pas en revue ces
préjudices. Une liste de tous les préjudices n’est pas encore établie en droit
marocain ; toutefois on peut évoquer des variétés de dommages comme le
dommage matériel, patrimonial, moral, esthétique, assistance permanente par
une tierce personne, souffrances endurées, dommage d’agrément ou troubles de
la vie, frais divers, frais funéraires,…
§3. L’existence d’une relation causale entre la faute et le préjudice
L’existence d’une faute et d’un préjudice ne suffisent pas, il faut encore qu’il y
ait un lien de cause à effet entre ces deux éléments. Le fait dommageable doit
avoir été la cause du préjudice. La faute du défendeur doit être la cause de ce
préjudice 33 ; l demandeur doit apporter la preuve de l’existence de ce lien pour
P32F P

pouvoir prétendre à la réparation du préjudice.

A- Théories de la causalité

Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer les critères de la relation
causale ; l’on passera successivement en revue quatre théories : la théorie de la
proximité de la cause, la théorie de l’équivalence des conditions, la théorie de la
causalité adéquate et enfin la théorie de la causalité et l’implication.

33
H. et L. Maeaud, J.Mazeaud et F.Chabas, Leçons de droit civil, TT.II, 1er Volume,
Obligations, 1998, n° 560,p. 654. Voir les références citées par ces auteurs, P.Esmein, Le nez
de Cléopâtre ou les affres de la causalité, D. 1964, chr. 205 ; Aberkane, Du dommage causé
par une personne indéterminée dans un groupe déterminée de personnes, RTD civ.1958, p.
516.

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1. La théorie de la proximité de la cause

Cette théorie fait référence à une maxime très ancienne de Francis Bacon selon
laquelle “ne serait juridiquement causal que l'événement le plus proche du
dommage, le dernier en date” ; seule donc la cause la plus proche dans le temps sera admise.

2 – la théorie de l’équivalence des conditions


39T 2T39

Selon cette théorie, tous les évènements qui sont liés à la survenance du
dommage sont retenus sur un pied d’égalité, il n’y a ni distinction ni différence
ni hiérarchie entre les différents évènements.

3. la théorie de la causalité adéquate


2T

Cette théorie consiste à faire un choix entre les différents faits ayant participé
dans la survenance du dommage et ne retenir que celui ou ceux qui étaient
déterminants dans sa réalisation. La théorie de la causalité adéquate restreint le
nombre de responsables ; ainsi par exemple, si une personne laisse, par
négligence, les clefs de la voiture sur le contact et qu’un voleur, après avoir volé
le véhicule, heurte un piéton, faut-il considérer que seule la faute du voleur est
retenue ou au contraire retenir la faute de négligence ou d’imprudence du
propriétaire du véhicule comme cause de l’accident ? Pour les partisans de la
théorie de la causalité adéquate, seule la faute de conduite du voleur est retenue
comme étant une faute adéquate.

4. la théorie de l’empreinte continue du mal

Cette théorie a été développée par le Professeur Noël Dejean de la Bâtie qui
retient la position selon laquelle un fait défectueux ne peut être considéré
comme cause du dommage que s’il réunit deux conditions :
 Le fait défectueux doit avoir joué un rôle dans la survenance du
dommage ;
 Le fait défectueux doit expliquer le dommage survenu.
Selon cette théorie, si une personne commet une faute, cette personne doit être
déclarée responsable de toutes les conséquences que peut provoquer ce mal en
se propageant d’où l’appellation de cette théorie.

B- Position du droit marocain

Il ressort de certaines dispositions légales que le législateur marocain est enclin à


appliquer la théorie de la causalité adéquate dans certaines situations précises. A
titre d’illustration, les articles 77 et 78 du DOC s’accordent dans l’exigence

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d’une relation directe entre le fait ou la faute du défendeur et le dommage dont
est victime le demandeur de la réparation. L’article 77 prévoit que « tout fait
quelconque, de l'homme qui, sans l'autorité de la loi, cause sciemment et
volontairement à autrui un dommage matériel ou moral, oblige son auteur à
réparer ledit dommage, lorsqu'il est établi que ce fait en est la cause directe » et
l’article 78 dispose que « chacun est responsable du dommage moral ou matériel
qu'il a causé, non seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu'il est établi
que cette faute en est la cause directe ».

C- Exonération de responsabilité

Le défendeur dans une action en responsabilité du fait personnel peut s’exonérer


de la responsabilité en apportant la preuve de l’existence soit d’une force
majeure soit de la faute de la victime soit enfin du fait d’un tiers.

1. Incidence de la force majeure

La force majeure est définie par l’article 269 du DOC comme étant « tout fait
que l'homme ne peut prévenir, tel que les phénomènes naturels (inondations,
sécheresses, orages, incendies, sauterelles), l'invasion ennemie, le fait du prince,
et qui rend impossible l'exécution de l'obligation. N'est point considérée comme
force majeure la cause qu'il était possible d'éviter, si le débiteur ne justifie qu'il a
déployé toute diligence pour s'en prémunir. N’est pas également considérée
comme force majeure la cause qui a été occasionnée par une faute précédente du
débiteur ».

 Distinction la force majeure du cas fortuit

Le droit marocain semble implicitement retenir la différence entre la force


majeure et le cas fortuit sans mettre en évidence cette distinction.
Le Dahir des obligations et contrats a défini la force majeure mais il n’a pas fait
la même chose pour le cas fortuit ; l’article 269 de ce code précise que « la force
majeure est tout fait que l'homme ne peut prévenir, tel que les phénomènes
naturels (inondations, sécheresses, orages, incendies, sauterelles), l'invasion
ennemie, le fait du prince, et qui rend impossible l'exécution de l'obligation.
N'est point considérée comme force majeure la cause qu'il était possible d'éviter,
si le débiteur ne justifie qu'il a déployé toute diligence pour s'en prémunir. N’est
pas également considérée comme force majeure la cause qui a été occasionnée
par une faute précédente du débiteur ».

 Caractères de la force majeure

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La force majeure revêt généralement trois caractères : c’est un évènement
imprévisible, irrésistible et extérieur. Une partie de la doctrine et même en
jurisprudence se contente de deux élément à savoir l'irrésistibilité et de
l'imprévisibilité de l’évènement.

 Effets de la force majeure

Le défendeur peut se dégager totalement de la responsabilité en prouvant


l’existence d’une force majeure comme il peut bénéficier d’une exonération
partielle en apportant la preuve de l’existence d’une faute commise par la
victime elle-même. Le défendeur est exonéré totalement de la responsabilité s’il
démontre que le dommage a pour cause unique un évènement de force majeure;
sa responsabilité n’est pas du tout mise en cause.

2. Incidence de la faute de la victime

Le défendeur peut être exonéré partiellement s’il démontre que la victime a elle-
même commis une faute ayant contribué dans la réalisation du dommage ;
généralement, cette faute consiste en une imprudence ou une négligence ; ainsi,
si cette faute est établie, les juges peuvent faire supporter à la victime une part
de la responsabilité encourue et par conséquent la réparation doit être réduite.

3. Incidence du fait d’un tiers


Il y a lieu de distinguer deux cas de figure différents : soit que le défendeur et le
tiers fautif ont concouru tous les deux dans la réalisation du dommage soit que la
faute incombe entièrement au tiers.
Lorsque la victime arrive à démontrer que le dommage a pour source une faute
commune commise par le défendeur et par le tiers, elle est en droit de
déclencher une action en responsabilité contre les deux responsables et de les
déclarer en même temps solidaires de la réparation du dommage sur le
fondement des articles 99 et 100 du DOC.

Section 2
Les effets de la responsabilité du fait personnel

Si la victime arrive à établir l’existence des trois conditions nécessaires au


déclenchement de la responsabilité du fait personnel et de façon générale de la
responsabilité extracontractuelle, une obligation va naître à son profit de
réparation du dommage subi.

§1. L’action en responsabilité civile

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L’action en responsabilité nous renvoie aux règles de procédure civile et
éventuellement de procédure pénale. On se contentera de passer brièvement en
revue trois points à savoir la détermination des règles de compétence, des règles
relatives à la procédure proprement dite et spécificités procédurales lorsqu’un
chevauchement existe entre l’action civile et l’action pénale.
Il convient de distinguer la compétence d’attribution de la compétence
territoriale.
La compétence d’attribution permet de déterminer quelle est la juridiction
compétente en raison de la matière et de déterminer de quel type d’affaires
peuvent connaitre les juridictions.
La compétence territoriale est gouvernée par la grande règle latine actor
sequitur forum rei, signifiant que celui qui plaide une affaire doit suivre le for du
défendeur. Cette règle est reprise dans l’article 27 du CPC.
L’action en réparation du dommage extracontractuelle doit être portée devant le
tribunal compétent et conformément à la procédure prévue par les textes de lois.
La victime doit saisir le tribunal par une requête et satisfaire aux conditions de
forme contenues dans les articles premier et 32 du CPC.
L’article premier prévoit que « ne peuvent ester en justice que ceux qui ont
qualité, capacité et intérêt pour faire valoir leurs droits. Le juge relève d'office le
défaut de qualité ou de capacité ou d'intérêt ou le défaut d'autorisation lorsque
celle-ci est exigée. Il met en demeure la partie de régulariser la situation dans un
délai qu'il fixe. Si la régularisation intervient, l'action est considérée comme
valablement engagée. Dans le cas contraire, le juge déclare l'action
irrecevable ». Ces conditions sont d’ordre public et peuvent être soulevées à tout
moment de la procédure et pour la première devant la cour de cassation 34.

§2. La réparation du dommage

Lorsque les conditions de la responsabilité extracontractuelle sont toutes réunies,


la victime est en droit d’exiger la réparation des conséquences dommageables
causées par le fait de celui qui en est l’auteur.

A- Réparation intégrale du dommage


Le préjudice découlant d’une responsabilité extracontractuelle doit être réparé
intégralement ; l’article 98 du DOC précise que « les dommages, dans le cas de
délit ou de quasi-délit, sont la perte effective éprouvée par le demandeur, les
dépenses nécessaires qu'il a dû ou devrait faire afin de réparer les suites de l'acte
commis à son préjudice, ainsi que les gains dont il est privé dans la mesure
normale en conséquence de cet acte », le même texte ajoute que « le tribunal

34
Cour suprême, 16 décembre 1980, n° 594, doss. n° 79076, revue jurisprudence de la cour
suprême n° 27, p. 88.

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doit d'ailleurs évaluer différemment les dommages, selon qu'il s'agit de la faute
du débiteur ou de son dol ».

B- Exception à la règle de réparation intégrale du dommage


La règle de la réparation intégrale du dommage ne constitue pas la règle
générale en droit de la responsabilité extracontractuelle ; le Dahir du 2 octobre
1984 sur la réparation des dommages corporels causés à des tiers par un
véhicule terrestre à moteur soumis à l'obligation d'assurance, dans les conditions
prévues au Dahir 20 octobre 1969 relatif à l'assurance obligatoire des véhicules
sur route 35, prévoit une réparation forfaitaire allouée à la victime et en cas de
décès à ses ayants droit 36. Ce texte fixe les bases d'évaluation de l'indemnisation
due à la victime pour incapacité physique permanente ou à ses ayants-droit pour
perte de ressources consécutive à son décès.

C- Prescription de l’action en réparation

La prescription, pendant le laps de temps fixé par la loi, éteint l'action naissant
d’un délit ou d’un quasi-délit et par la même, elle éteint l’action de la victime à
demander réparation du dommage qu’elle a subi 37. Les règles de la prescription
en matière extracontractuelle sont prévues par l’article 106 du DOC qui prévoit
que « l'action en indemnité du chef d'un délit ou quasi-délit se prescrit par cinq
ans, à l’exception des actions en réparation résultant des explosions des mines
qui se prescrivent par le délai de quinze années, ces délais commencent à courir
à partir du moment où la partie lésée a eu connaissance du dommage et de celui
qui est tenu d'en répondre. Elle se prescrit en tous les cas par vingt ans, à partir
du moment où le dommage a eu lieu » 38.

35
N° 1-69-100 du 8 chaabane 1389.
36
Les calculs retenus pour la détermination des indemnités dues à la victime ou à ses ayants
droits en cas de son décès, seront exposés à l’occasion de la réparation des dommages
causés par les véhicules terrestres à moteur dans le cadre de l’article 88 du DOC traitant de
la responsabilité du fait des choses.
37
Article 371 du DOC.
38
L’article 106 du DOC a été modifié en vertu de la loi n° 04-19 promulgué par
Dahir n° 14.19.1 du 2 joumada II 1440 (8 février 2019), BO, n° 6754 DU 21
février 2019, p. 843.

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Responsabilité civile Pr.Hilani Imane Année 2020-2021
Université Hassan II
Faculté des Sciences Juridiques Economique et Sociales Casablanca

COURS DE DROIT CIVIL


LA RESPONSABILITE CIVILE

Imane HILANI
Professeur à la faculté de droit de Casablanca

A l'usage des étudiants de l’ensemble 1


Filière Droit privé section française -
(Semestre 3)

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CHAPITRE 3
LA RESPONSABILITE DES PARENTS
DU FAIT DE LEURS ENFANTS MINEURS

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La responsabilité des pères et mère du fait de leurs enfants est prévue par
l’article 85 du DOC qui pose dans son premier alinéa la règle de la
responsabilité extracontractuelle du fait d’autrui, ce texte rappelle qu’« on est
responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais
encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre » et
dans le deuxième alinéa du même texte, on lit que « le père et la mère après le
décès du mari sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs
habitant avec eux ». Nous analyserons cette responsabilité à travers deux axes
différents, les conditions de la responsabilité des père et mère du fait de leurs
enfants mineurs et les effets de cette responsabilité.

Section 1
Conditions de la responsabilité des père et mère

Généralement, les auteurs retiennent trois conditions pour engager la


responsabilité des parents : Tout d’abord, il faut que l’enfant mineur cohabite
avec ses parents, ensuite, il faut qu’il soit mineur et enfin, il faut qu’il ait causé
un dommage portant préjudice à autrui.

§1. Insuffisance du critère de la cohabitation de l’enfant mineur avec ses


parents

La cohabitation signifie l’exercice par les parents d’un pouvoir de surveillance


et d’éducation effectif ; si l’enfant mineur habite seul, cette situation n’écarte
nullement la responsabilité des parents qui demeurent responsables du fait de
leur enfant. La surveillance et l’éducation doit s’exercer en tout temps et en
toute situation sauf si la garde de l’enfant est transférée à une autre personne.
§2. Prédominance du critère de l’autorité parentale

La détermination de la responsabilité des parents partant de la condition de la


cohabitation de l’enfant mineur avec eux s’est révélée très insuffisante et
imposait la recherche d’un nouveau fondement à cette responsabilité qui peut
être un critère objectif à savoir le critère de l’autorité parentale.

§3. Etat de minorité de l’enfant

L’appréciation de l’état de minorité de l’enfant doit être appréciée par rapport


aux règles établies dans le Dahir des obligations et contrats et dans le code de la
famille. L’article 85 du DOC se rapportant à la responsabilité des père et mère
du fait de leurs enfants mineurs concerne les personnes qui n’ont pas atteint

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l’âge de la majorité en application de l’article 209 du code de la famille qui
précise que l’âge de la majorité légale est fixé à dix-huit années grégoriennes
révolues. La responsabilité des parents est par conséquent engagée du moment
que le mineur n’a pas atteint cet âge.

§4. Existence d’un fait dommageable de l’enfant

La responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur est établie du seul que
le dommage a été causé par cet enfant mineur. Le deuxième alinéa de l’article
85 du DOC ne met pas en évidence une quelconque faute qui peut être commise
par l’enfant comme d’ailleurs le premier alinéa du même article qui prévoit
qu’« on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son
propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on
doit répondre ». Les éléments les plus importants, comme on l’a déjà relevé,
sont :
 Les parents doivent exercer une autorité parentale sur l’enfant mineur ;
 L’enfant mineur doit avoir commis par son fait un dommage à autrui.

Section 2
Nature de la responsabilité des père et mère
du fait de leurs enfants mineurs

La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs est une


responsabilité objective fondée sur une présomption de responsabilité (§1) et
que la jurisprudence a restreint sensiblement les causes d’exonération de cette
responsabilité ; le droit marocain à travers l’article 85 du DOC permet aux
parents de s’exonérer de la responsabilité en prouvant qu’ils n’ont pu empêcher
le fait qui donne lieu à cette responsabilité (B).
§1. Responsabilité présumée des parents
La jurisprudence au bout d’une longue évolution a pu instaurer une
responsabilité présumée à la charge des parents lorsque leurs enfants causent un
dommage à autrui ; cela veut dire que même s’ils rapportent la preuve qu’ils
n’ont commis aucune faute, ils ne peuvent échapper à l’obligation de réparer le
dommage à moins de rapporter la preuve qu’ils n’ont pu empêcher le dommage,
autrement dit, il faut apporter la preuve de l’existence d’une cause étrangère.
C’est ce qui ressort de l’article 85 du DOC ; le fait pour les parents qu’ils soient
dans l’impossibilité d’empêcher le dommage veut dire qu’il y a une force
majeure ou une faute de la victime à l’origine du dommage.

§2. Superposition de responsabilités entre parents et enfants mineurs

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La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs est fondée sur
l’idée de superposition de responsabilités et non de substitution de cette
responsabilité.
Au commencement de la responsabilité extracontractuelle, la faute personnelle
était prédominante qu’elle soit intentionnelle ou non intentionnelle. Le
développement s’est fait dans le sens de la réception de la responsabilité
objective faisant prévaloir plus la réparation du dommage subi par la victime
plus qu’autre chose ; l’idée de la personne civilement responsable à côté de la
personne ayant commis personnellement la faute a trouvé une place
prépondérante dans le droit de la responsabilité. Une personne est déclarée
responsable de la réparation du dommage non parce qu’elle a commis une faute
mais parce qu’elle a une relation juridique de filiation avec l’auteur du
dommage ; elle doit répondre civilement de ce dommage en vertu d’un jeu de
superposition de responsabilités offrant plus de chance à la victime de voir la
réparation du dommage réalisé.

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CHAPITRE 4
LA RESPONSABILITE DES COMMETTANTS
DU FAIT DE LEURS PREPOSES

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L’alinéa 3 de l’article 85 du DOC prévoit que « les maîtres et les commettants
sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les
fonctions auxquelles ils les ont employés ». Cette responsabilité est envisagée
avec beaucoup de rigueur dans la mesure où l’article 85 du DOC ne prévoit
aucune cause pour l’exonération du commettant contrairement à la
responsabilité des père et mère et artisans ; ces derniers peuvent ne pas être
déclarés responsables s’ils rapportent la preuve qu’ils n’ont pu empêcher le
dommage qui donne lieu à cette responsabilité. C’est donc un régime de
responsabilité assez sévère (section 2) qui nécessite au préalable qu’un certain
nombre de conditions doivent être réunies pour déclencher cette responsabilité
(section 1).
Section 1
Conditions de la responsabilité des commettants
du fait de leurs préposés

Trois conditions doivent être réunies pour mettre en œuvre la responsabilité du


commettant : l’existence d’un lien de préposition (§1) et l’existence d’un fait
générateur (§2) qui doit avoir un lien avec les fonctions (§3).
§1. L’existence d’un lien de préposition
Un lien de préposition doit nécessairement exister entre le commettant et le
préposé pour pouvoir appliquer la responsabilité découlant de l’alinéa 3 de
l’article 85 du DOC. La notion de lien de préposition doit être entendue
extensivement ; elle englobe toutes les situations où une personne, le
commettant, dans l’exécution d’une prestation quelconque, exerce une certaine
autorité sur une autre personne, le préposé.

A- Notion de lien de préposition

La responsabilité du fait du préposé suppose chez le commettant le droit de


donner au préposé des ordres ou des instructions sur la manière de remplir les
fonctions auxquelles il est employé.

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B- Diversité des liens de préposition

La notion de lien de préposition est très vaste est englobe une multitude de
situations dans lesquelles le commettant peut être déclaré responsable du
dommage causé par son préposé.

1. Relations de travail
Très fréquemment, le lien de préposition nait de l’existence d’une relation de
travail découlant du contrat de travail tel qu’il est défini dans le code du travail.
Cette relation de travail renferme un élément très important qui est le critère de
cette relation à savoir le lien de subordination et qui est évoqué par le code de
travail soit sous cette même appellation 1 soit à travers les notions de direction 2
ou d’autorité 3.
2. Préposition occasionnelle

L’existence d’un lien de préposition occasionnelle suppose l’absence d’une


relation permanente de préposition comme dans le cas du contrat de travail ; ce
sont des situations où la préposition est éphémère entre le commettant et le
préposé pourtant la responsabilité du commettant est établie. La cour de
cassation française par un arrêt rendu par la chambre criminelle le 14 juin 1990
rend l’exploitant d’un restaurant responsable du fait d’une personne qui a
accepté de l’aider gratuitement en servant des clients et durant l’exécution de ce

1
Article 8 du code de travail.
2
Articles 6 et 24 du code de travail.
3 Article 21 du code de travail : « Le salarié est soumis à l'autorité de l'employeur dans le

cadre des dispositions législatives ou réglementaires, du contrat de travail, de la convention


collective du travail ou du règlement intérieur ».
Article 393 : « Il est interdit à tout responsable ayant autorité sur les salariés de revendre,
directement ou indirectement, avec bénéfice des denrées ou marchandises aux salariés de
l'entreprise où il est occupé. En cas de contestation, il appartient au vendeur de prouver que
les ventes sont faites sans aucun bénéfice ».
Article 548 : « Est pénalement responsable des infractions aux dispositions de la présente loi
et des textes réglementaires pris pour son application, tout employeur, directeur ou chef au
sens de l'article 7 ci-dessus ayant, dans l'établissement, par délégation de l'employeur, la
compétence et l'autorité suffisantes pour obtenir des salariés placés sous sa surveillance
l'obéissance nécessaire au respect des dispositions législatives et réglementaires.
L'employeur est civilement responsable des condamnations aux frais et dommages-intérêts
infligées à ses directeurs, gérants ou préposés ».

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service, elle agresse un client pour des raisons liées au règlement établi dans le
restaurant 4.

C- Situations incompatibles avec la qualité de préposé

Il convient de distinguer les situations où le lien de préposition existe des autres


situations où une personne conserve toute son autonomie et ne peut recevoir de
directive ou d’instruction de la part d’une autre personne ; il en est ainsi du
contrat d’entreprise où l’entrepreneur conserve toute son indépendance dans la
manière d’exécuter le travail, il ne reçoit pas de directive de celui qui lui a
confié le travail et s’engage uniquement à remettre un ouvrage déterminé. Un
garagiste mécanicien qui conduit la voiture de son client alors qu’elle était en
panne ne peut être considéré comme un préposé dans la mesure où il est lié par
son client par un contrat d’entreprise 5 .

§2. L’existence d’un fait générateur

Le troisième alinéa de l’article 85 du DOC se contente de préciser que les


commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés dans les
fonctions auxquelles ils les ont employés sans donner aucune autre indication
sur le fait devant être imputé au préposé ; l’engagement de la responsabilité du
commettant implique que le préposé ait commis un fait de nature à engager sa
propre responsabilité 6.

§3. Existence d’un lien avec les fonctions


Le texte de l’alinéa 3 de l’article 85 du DOC exige bien l’existence d’un lien
avec les fonctions pour que la responsabilité du commettant puisse être engagée.
Ce texte prévoit que les commettants sont responsables du dommage causé par
leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. Deux points
retiendront notre attention, le premier concerne les actes liés aux fonctions, le
second se rattache à l’absence de ce lien par un abus de fonctions commis par le
préposé.
A- Lien avec les fonctions

4 Cour de cassation, Chambre civile 2, du 27 novembre 1991, 90-17.969.


5
Crim., 28 juin 1934 — D.H., 1934, 432.
6
Stéphanie Porchy-Simon, Droit civil, 2ème année, les obligations, Dalloz, 6ème édition, 2010,
n° 745, p.47.

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Le fait du préposé doit se rattacher incontestablement à ses fonctions pour faire
jouer les règles de la responsabilité du fait d’autrui ; ainsi, un agent d’assurance,
en tant que commettant, a été jugé responsable de son préposé qui déclare de
faux sinistres et encaisse les indemnités correspondantes à ces faits fictifs dans
la mesure où il « avait agi au temps et au lieu de son travail, à l'occasion des
fonctions auxquelles il était employé et avec le matériel mis à sa disposition, ce
qui excluait qu'elle ait commis ces détournements en dehors de ses fonctions » 7.
B- Abus de fonctions
La cour de cassation en assemblée plénière par un arrêt célèbre rendu le 19 mai
1988, affirme que « le commettant s'exonère de sa responsabilité à la triple
condition que son préposé ait agi hors des fonctions auxquelles il était employé,
sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions. Par suite, une
compagnie d'assurances ne peut s'exonérer de sa responsabilité civile lorsque
l'un de ses inspecteurs, chargé de faire souscrire à un particulier des contrats de
capitalisation, a détourné des fonds qui lui avaient été remis dans l'exercice de
ses fonctions » 8. Les fonds en question ont été versés par des clients au préposé
qui les détourne à son profit ; celui-ci a été condamné pénalement.

Section 2
Régime de la responsabilité des commettants du fait
de leurs préposés

La responsabilité du commettant du fait des préposés est une responsabilité sans


faute. La victime, pour obtenir réparation du dommage, n’a pas à prouver la
faute du commettant ; la responsabilité de celui-ci est une responsabilité
objective.

§1. Action contre le commettant

La victime dans la plupart du temps choisit de faire une action en réparation


contre le commettant pour deux raisons : la première tient au régime de la
responsabilité du fait d’autrui fondé sur une présomption de faute, la seconde est
d’ordre matériel, le commettant est le plus souvent solvable que le préposé.

A- Nature de la responsabilité du commettant

7
Cass. civ. 2e, 19 juin 2003, Bull. civ. II, no 202.
8
Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 19 mai 1988, 87-82.654.

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La lecture du texte de l’article 85 du DOC nous permet de faire les observations
suivantes :
 Le Dahir des obligations et contrats fait une grande différence entre la
responsabilité des maîtres et commettants et celle des artisans et père et
mère ;
 L’article 85 du DOC permet aux artisans et aux père et mère de s’exonérer de
la responsabilité en apportant la preuve qu'ils n'ont pu empêcher le fait
qui donne lieu à cette responsabilité ;
 L’article 85 du DOC exclut les maitres et les commettants de cette possibilité
pour eux de rapporter la preuve qu’ils n’ont pu empêcher le dommage.
Le législateur a mis sur pied donc une responsabilité très sévère vis-à-vis du
commettant et les chances pour lui de s’exonérer de cette responsabilité restent
très minimes.

B- Causes d’exonération du commettant

Le commettant peut s’exonérer de la responsabilité dans des conditions très


particulières.

1. Absence des conditions de la responsabilité du commettant

Le commettant peut apporter la preuve de l’inexistence de l’une des conditions


de sa responsabilité à savoir soit l’absence d’un lien de préposition soit
l’absence d’un fait générateur soit l’inexistence d’un lien avec les fonctions.

2. Existence d’une cause étrangère

Le fait du préposé ne doit pas constituer pour le commettant une cause étrangère
en apportant la preuve qu’il n’a pu empêcher le dommage parce que dans ce cas,
on se placerait dans le cadre du régime de la responsabilité des artisans et des
père et mère qui, seuls, peuvent s’exonérer de la responsabilité en apportant une
telle preuve.

3. Existence d’un abus de fonctions

Nous rappelons l’arrêt célèbre rendu par la cour de cassation française en


assemblée plénière le 19 mai 1988 et dans lequel elle affirme que « le
commettant s'exonère de sa responsabilité à la triple condition que son préposé
ait agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des
fins étrangères à ses attributions. Par suite, une compagnie d'assurances ne peut

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s'exonérer de sa responsabilité civile lorsque l'un de ses inspecteurs, chargé de
faire souscrire à un particulier des contrats de capitalisation, a détourné des
fonds qui lui avaient été remis dans l'exercice de ses fonctions » 9. De ce fait, le
commettant a cette troisième possibilité pour s’exonérer de la responsabilité du
fait de son préposé en apportant la preuve de l’existence d’un abus de fonctions.

§2. Action contre le préposé

L’évolution de la jurisprudence en matière de responsabilité civile du


commettant s’est faite dans le sens de l’immunité civile du préposé dans le cadre
de l’exercice de son activité ; toutefois, des exceptions sont prévues à
l’immunité civile du préposé.

A- Apport de l’arrêt Costedoat

Lorsque le préposé exécute son activité sous l’autorité du commettant, seule la


responsabilité civile de celui-ci est retenue ; c’est l’apport fondamental de l’arrêt
costedoat rendu par l’assemblée plénière de la cour de cassation le 25 février
2000 10 qui considère que « n'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le
préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par
son commettant ».

B- Exceptions à l’immunité civile du préposé

L’on peut retenir trois situations dans lesquelles le préposé ne bénéficie pas
d’une immunité civile et doit par conséquent être déclaré personnellement
responsable.

1. Condamnation du préposé pour une faute pénale intentionnelle

Si le préposé est rendu coupable pour la commission d’une infraction pénale, sa


responsabilité civile personnelle est engagée surtout si la faute pénale commise
est intentionnelle.

2. Commission par le préposé d’une faute professionnelle

9
Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 19 mai 1988, 87-82.654.
10 Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 25 février 2000, 97-17.378 97-20.152.

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Le préposé bénéficiant d’un statut particulier peut se voir condamner
personnellement sur le plan civil si sa faute est établie ; ainsi, un médecin salarié
peut être déclaré responsable s’il commet une faute dans l’exercice de ses
fonctions ; la cour de cassation considère dans ce sens que « si l'établissement de
santé peut être déclaré responsable des fautes commises par un praticien salarié
à l'occasion d'actes médicaux d'investigation et de soins pratiqués sur un patient,
ce principe ne fait pas obstacle au recours de l'établissement de santé et de son
assureur en raison de l'indépendance professionnelle intangible dont bénéficie le
médecin, même salarié, dans l'exercice de son art » 11 .

§3. Recours du commettant contre son préposé

Le commettant qui indemnise la victime peut parfaitement exercer un recours


contre son préposé pour le recouvrement de ce qu’il a payé en lieu et place de ce
préposé. Cette hypothèse n’est pas possible si le dommage est causé par une
chose appartenant au commettant et utilisée par le préposé ; le commettant
demeure toujours gardien de cette chose et par conséquent, il est directement
responsable de la réparation du dommage causé.
Le commettant doit apporter la preuve de l’existence d’une faute lourde à la
charge du préposé ; il peut notamment, dans le cadre d’une relation de travail,
se baser sur les dispositions de l’article 20 du code de travail qui prévoit que « le
salarié est responsable dans le cadre de son travail de son acte, de sa négligence,
de son impéritie ou de son imprudence ». La faute du salarié doit être
caractérisée et d’une certaine gravité.

11 Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 13 novembre 2002, 00-22.432.

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CHAPITRE 5
LA RESPONSABILITE DES ARTISANS
DU FAIT DE LEURS APRENTIS

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Le 4ème alinéa de l’article 85 du DOC prévoit que les artisans sont responsables
du dommage causé par leurs apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur
surveillance. Le 5ème alinéa du même texte précise que les artisans peuvent
s’exonérer de cette responsabilité s’ils prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait
qui donne lieu à cette responsabilité. Nous verrons successivement les
conditions de cette responsabilité et le régime juridique qui a été consacré à la
responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis.

Section1
Conditions de la responsabilité des artisans
du fait de leurs apprentis

Le régime juridique de la responsabilité des artisans du fait de leurs préposés est


calqué sur celui des père et mère du fait de leurs enfants mineurs. Généralement
deux conditions sont requises pour mettre en mouvement la responsabilité de
l’artisan : l’existence d’une relation d’apprentissage et l’existence d’un acte
causal de l’apprenti.

§1. L’existence d’une relation d’apprentissage

Deux catégories d’apprentis existent : l’une relevant d’un mode classique


consistant à placer généralement l’enfant apprenti chez un artisan, l’autre plus
moderne se trouve soumise à des textes législatifs et réglementaires.

A- Le cadre classique de l’apprentissage

Historiquement, les enfants étaient placés chez des artisans pour apprendre un
métier manuel et pendant qu’ils sont sous leur autorité, ces artisans doivent
répondre de tous les faits engendrant un dommage à des tiers.

B- Le cadre moderne de l’apprentissage

Trois textes fondamentaux doivent être évoqués en se référant à l’apprentissage


professionnel ; le régime juridique de la responsabilité du fait d’autrui lorsque le
dommage est causé par un apprenti a tendance à basculer de la responsabilité de
l’artisan vers la responsabilité des instituteurs formateurs. Le texte de base est le
Dahir du 19 mai 2000 portant institution et organisation de l'apprentissage 12 et

12
Loi n° 12-00 promulguée par le dahir n° 1-00-206 du 15 safar 1421 (19 mai 2000).

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le décret du 21 juin 2001 pris pour l’application de ce Dahir 13. Dans le secteur
privé, le Dahir du 19 mai 2000 est venu réglementer l’apprentissage lorsqu’il est
dispensé par un organisme privé 14.

§2. L’existence d’un acte causal de l’apprenti.

Pour déclencher la responsabilité de l’artisan du fait de son apprenti, il faut que


ce dernier ait commis un fait dommageable causant un dommage à un tiers. Un
lien de cause à effet doit impérativement exister entre le dommage subi et le fait
de l’apprenti. L’artisan doit alors, pour échapper à cette responsabilité, apporter
la preuve de l’absence de cette relation causale.

Section 2
Régime juridique de la responsabilité des artisans
du fait de leurs apprentis

La responsabilité de l’artisan du fait de son apprenti est fondée sur l’existence


d’une présomption de faute ; l’artisan ne peut s’y exonérer qu’en apportant la
preuve qu’il n’a pu empêcher le fait qui a donné lieu au dommage.

§1. Fondement de la responsabilité de l’artisan

La responsabilité de l’artisan est une responsabilité objective fondée sur une


présomption de faute ; elle est soumise aux mêmes règles adoptées pour la
responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants mineurs. La
responsabilité de l’artisan est également impactée par les attendus de l’arrêt
Bertrand rendu par la cour de cassation le 19 février 1997 qui considère que
« dès lors qu'une cour d'appel avait exactement énoncé que seule la force
majeure ou la faute de la victime pouvait exonérer un père de la responsabilité
de plein droit encourue du fait des dommages causés par son enfant mineur
habitant avec lui, elle n'avait pas à rechercher l'existence d'un défaut de
surveillance du père » 15.

§2. Causes d’exonération de l’artisan

13 Décret n° 2-00-1017 du 28 rabii I 1422 (21 juin 2001) pris pour l'application de la loi n° 12-
00 portant institution et organisation de l'apprentissage.
14
Dahir n° 1-00-207 du 15 safar 1421 (19 mai 2000) portant promulgation de la loi n° 13-00
portant statut de la formation professionnelle privée.
15 Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 19 février 1997, 94-21.111.

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Le 5ème alinéa de l’article 85 du DOC précise les conditions d’exonération de
l’artisan en prévoyant qu’il peut apporter la preuve qu’il n’a pu empêcher le
dommage. Cela revient à dire que les règles contenues dans l’arrêt Bertrand
doivent être retenues ; cette décision retient uniquement la force majeure ou la
faute de la victime comme causes d’exonération de l’artisan et ce par analogie
avec le régime juridique de la responsabilité des père et mère du fait de leurs
enfants mineurs. Les juges de fond n’ont pas à rechercher éventuellement si un
défaut de surveillance de l’artisan est à l’origine du dommage.

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CHAPITRE 6
LA RESPONSABILITE DU FAIT DES ALIENES

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L’article 85 du DOC trace le cadre juridique de la responsabilité du fait des
personnes aliénées mentales en prévoyant que « le père, la mère et les autres
parents ou conjoints répondent des dommages causés par les insensés et autres
infirmes d'esprit, même majeurs, habitant avec eux, s'ils ne prouvent :
1. Qu'ils ont exercé sur ces personnes toute la surveillance nécessaire;
2. Ou qu'ils ignoraient le caractère dangereux de la maladie de l'insensé;
3. Ou que l'accident a eu lieu par la faute de celui qui en a été la victime.
La même règle s'applique à ceux qui se chargent, par contrat, de l'entretien ou de
la surveillance de ces personnes ».

Section 1
Fondement de la responsabilité du fait
des personnes aliénées

Trois éléments doivent être traités à savoir la détermination des personnes


responsables, l’auteur du dommage doit être un aliéné mental et le fait de celui-
ci doit avoir été la cause du dommage.

§1. Les personnes responsables

Les dispositions de l’article 85 du DOC concernent non seulement les personnes


avec lesquelles l’aliéné a une relation de parenté mais également les personnes
qui s’engagent par contrat à assurer cette mission de surveillance qu’elle soit une
personne physique ou morale.

A- Les personnes parentes à l’aliéné

Concernant les personnes gardiennes, l’article 85 du DOC vise les personnes


suivantes :
 Le père ;
 La mère ;
 Les autres parents ;
 Le conjoint.
La personne souffrant de cet handicap mental doit cohabiter avec la personne
qui en a la garde. L’article 85 du DOC a élargi la liste des personnes qui peuvent
être déclarées responsables contrairement à ce qui a été prévu pour la
responsabilité du fait des enfants mineurs et ce dans un souci de protection des
victimes ; les dommages réalisés par les personnes aliénées mentales sont plus
fréquents que ceux causés par les enfants mineurs. Il convient de noter aussi que

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la plupart du temps ces dommages sont d’une certaine ampleur et concernent le
plus souvent des préjudices corporels.

B- Les personnes assurant la garde par contrat

La personne souffrant d’un handicap mental peut être internée dans un centre
hospitalier ou confiée à une personne par contrat pour en assurer la garde. Dans
ce cas, la responsabilité civile est supportée par ces personnes qui ont accepté
d’assurer cette garde.

§2. L’auteur du dommage doit être un aliéné mental

Plusieurs appellations sont utilisées pour désigner la personne souffrant de


troubles mentaux et psychiques.

 Dans le Dahir des obligations et contrats

Le texte de l’article 85 du DOC vise les personnes insensées et autres infirmes


d’esprit ; l’article 96 du même code prévoit que l’insensé ne répond pas
civilement du dommage causé par son fait quant aux actes accomplis pendant
qu'il est en état de démence.

 Dans le code de la famille

Le texte du code de la famille donne une définition du faible d’esprit qui selon
les dispositions de l’article 216 « qui est atteint d'un handicap mental
l'empêchant de maîtriser sa pensée et ses actes » ; mais en même temps le même
code ne semble pas faire de la faiblesse d’esprit un handicap majeur empêchant
l’individu de mesurer à l’absolu ses actes 16 et la distingue de la démence qui
affecte la personne qui a perdu la raison. On retrouve cette distinction entre le
faible d’esprit et le dément qui a perdu la raison dans les articles 220, 233 et 279
du code de la famille 17. L’article 217 du même code prive le dément et celui qui

16 Article 213 : « La capacité d'exercice est limitée dans les cas suivants :
1) l'enfant qui, ayant atteint l'âge de discernement, n'a pas atteint celui de la majorité;
2) le prodigue;
3) le faible d'esprit ».
17 Article 220 : « La personne qui a perdu la raison, le prodigue et le faible d'esprit sont

frappés d'interdiction par jugement du tribunal, à compter du moment où il est établi qu'ils
se sont trouvés dans cet état. L'interdiction est levée, conformément aux règles prévues au
présent Code, à compter de la date où les motifs qui l'ont justifiée ont cessé d'exister ».

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a perdu la raison de la capacité d’exercice pour dire que l’état de démence est le
stade où la personne ne peut être déclarée responsable et qu’elle doit être placée
sous la garde d’une autre personne qui doit supporter les conséquences de son
fait.

§3. L’existence d’un acte causal de l’aliéné

Le dommage doit résulter du fait de la personne aliénée mentale ; la victime doit


rapporter l’existence d’une relation causale entre le fait de l’aliéné et du
dommage qu’elle a subi.

Section 2
Le régime juridique de la responsabilité du fait
des personnes aliénées

Nous verrons successivement la nature de la responsabilité du fait des personnes


aliénées mentales et les conditions d’exonération des personnes qui en sont
gardiennes.

§1. Nature de la responsabilité du fait des aliénés mentaux

Les personnes qui ont la garde des aliénés mentaux doivent prendre les mesures
nécessaires pour que ces derniers ne causent par leur comportement un
dommage à des tiers victimes. La responsabilité résulte du fait qu’il y a une
défaillance dans la surveillance et dans le contrôle de ces personnes souffrant de
troubles psychiques. L’article 85 du DOC fait peser à la charge des personnes
gardiennes une véritable responsabilité fondée sur l’existence d’une présomption
de faute

§2. Conditions d’exonération des personnes gardiennes

Les conditions d’exonération des personnes qui ont la garde des aliénés mentaux
sont prévues par l’article 85 du DOC qui prévoit que « le père, la mère et les

Article 233 : « Le représentant légal exerce sa tutelle sur la personne et les biens du mineur,
jusqu'à ce que celui-ci atteigne l'âge de la majorité légale. Il l'exerce également sur la
personne qui a perdu la raison, jusqu'à la levée de son interdiction par un jugement. La
représentation légale, exercée sur le prodigue et le faible d'esprit, se limite à leurs biens,
jusqu'à la levée de l'interdiction par jugement ».
Article 279 : « Le testateur doit être majeur. Est valable le testament fait par le dément
durant un moment de lucidité, par le prodigue et le faible d'esprit ».

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autres parents ou conjoints répondent des dommages causés par les insensés et
autres infirmes d'esprit, même majeurs, habitant avec eux, s'ils ne prouvent :
 Qu'ils ont exercé sur ces personnes toute la surveillance nécessaire;
 Ou qu'ils ignoraient le caractère dangereux de la maladie de l'insensé;
 Ou que l'accident a eu lieu par la faute de celui qui en a été la victime.
La même règle s'applique à ceux qui se chargent, par contrat, de l'entretien ou de
la surveillance de ces personnes ».
Les deux premières causes d’exonération du gardien semblent très difficiles à
prouver dans la mesure où :
• Si la personne gardienne a exercé la surveillance nécessaire, le dommage
ne serait jamais produit ; cette condition nous rappelle celle qui est
prévue dans l’article 88 du DOC et qui permet, en plus d’autres
conditions, d’exonérer le gardien d’une chose ; cet article exige
l’établissement de la preuve que le gardien ait fait le nécessaire pour
éviter le dommage ;
• Le gardien de la personne insensée doit être en mesure de connaître cette
maladie parce que dans le cas contraire, l’ignorance est en soi une
négligence grave engageant de facto sa responsabilité ;
• La dernière cause d’exonération reste la plus plausible dans la mesure où
la faute de la victime peut être une excuse objectivement acceptable
permettant au gardien d’échapper à cette responsabilité. La faute de la
victime pourrait être par exemple le fait de provoquer la personne
malade ou dans la mettre dans une situation psychique intense de façon à
provoquer en elle une irritation l’amenant à causer le dommage.

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CHAPITRE 7
LA RESPONSABILITE DES INSTITUTEURS
DU FAIT DE LEURS ELEVES

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La responsabilité des instituteurs du fait des élèves qui sont sous leur garde est
prévue par les dispositions de l’article 85 bis du DOC 18. Ce texte concerne
également la responsabilité des fonctionnaires du service de la jeunesse et des
sports responsables des jeunes gens qui commettant des dommages pendant
qu’ils sont sous leur garde.

Section 1
Conditions de la responsabilité des instituteurs

Les conditions de cette responsabilité sont l’existence d’une faute dans la


surveillance et l’existence d’un lien causal entre la faute et le dommage.

§1. La faute

Conformément aux dispositions du premier et du deuxième alinéa de l’article


85 bis, les instituteurs sont responsables des fautes, imprudences ou négligences
invoquées contre eux, comme ayant causé le fait dommageable, et qui devront
être prouvées conformément au droit commun par le demandeur à l'instance.
Cette responsabilité s’exerce pendant le temps où les élèves sont sous leur
surveillance.

A- Faute de surveillance

La responsabilité de l’instituteur repose sur la faute, imprudences ou


négligences ; le texte de l’article impose à la victime d’apporter la preuve de
l’existence de ces fautes ; ce n’est pas donc une faute présumée.
B- Temps de la surveillance
L’article 85 bis précise que les instituteurs sont responsables du dommage causé
par les enfants pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance ; il en sera
ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un
but d'éducation morale ou physique non interdit par les règlements, les enfants
ou jeunes gens confiés ainsi audits agents se trouveront sous la surveillance de
ces derniers.

18
L’article 85 bis ci-dessus a été modifié en vertu de l’article premier du dahir 19 juillet 1937
(10 joumada 1356) modifiant et complétant le dahir du 12 août 1913 (9 ramadan 1351)
formant code des obligations et contrats; Bulletin officiel n° 1298 du 10 septembre 1937,
p.1222.

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§2. L’existence d’un lien causal
Le dommage doit avoir eu lieu par le fait de l’élève ; c’est ce qui résulte de
l’article 85 bis du DOC qui indique que la responsabilité de l’instituteur résulte
du dommage causé par les enfants pendant qu’ils sont sous sa surveillance. Si le
dommage résulte par exemple du fait de la victime ou du fait d’un tiers, la
responsabilité civile n’est pas encourue.

Section 2
Régime juridique de la responsabilité des instituteurs

Il convient de relever que la responsabilité civile des instituteurs contenue dans


l’article 85 bis du DOC opère une substitution dans cette responsabilité et que le
même texte a prévu des règles particulières qui doivent être observées.
§1. Substitution de la responsabilité de l’Etat

Une distinction doit être faite entre la responsabilité des établissements scolaires
publics et les écoles privées des dommages causés par les élèves qui sont sous la
garde et la surveillance des instituteurs ; si l’article 85 bis s’applique pour les
instituteurs du secteur public, dans l’enseignement privé, la victime peut
chercher soit la responsabilité personnelle de l’instituteur soit celle de son
commettant dans le cadre du 3ème alinéa de l’article 85 du DOC, l’instituteur est
considéré comme un préposé.
§2. Règles particulières relatives à la responsabilité des instituteurs

L’article 85 bis du DOC contient certaines règles particulières se rapportant à la


responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves qui sont sous leur
surveillance ; ainsi, conformément au 6ème alinéa de l’article 85 bis du DOC,
« dans l'action principale, les fonctionnaires contre lesquels l'Etat pourrait
éventuellement exercer l'action récursoire ne pourront être entendus comme
témoins » ; de même, l'action en responsabilité exercée par la victime, ses
parents ou ses ayants droit, intentée contre l'Etat ainsi responsable du dommage,
sera portée devant le tribunal de première instance du lieu où le dommage a été
causé 19.
L’article 85 bis du DOC tel qu’il a été modifié par le Dahir du 19 juillet 1937 a
écourté le délai de prescription en ce qui concerne la réparation des dommages
qui sera acquise par trois années à partir du jour où le fait dommageable a été
commis. Ce délai est différent par rapport à celui fixé par l’article 106 du DOC à
19
Alinéa 7 de l’article 85 bis du DOC.

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cinq années à partir du moment où la partie lésée a eu connaissance du
dommage et de celui qui est tenu d'en répondre.

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CHAPITRE 8
LA RESPONSABILITE DU FAIT DES ANIMAUX

53
Le Dahir des obligations réserve deux articles à la responsabilité du fait des
animaux :
 L’article 86 du DOC prévoit que « chacun doit répondre du dommage causé
par l'animal qu'il a sous sa garde, même si ce dernier s'est égaré ou échappé,
s’il ne prouve :
1. Qu'il a pris les précautions nécessaires pour l'empêcher de nuire ou pour le
surveiller;
2. Ou que l'accident provient d'un cas fortuit ou de force majeur, ou de la faute
de celui qui en a été victime » ;
 L’article 87 dispose que « le propriétaire, fermier ou possesseur du fonds
n'est pas responsable du dommage causé par les animaux sauvages ou non
sauvages provenant du fonds, s'il n'a rien fait pour les y attirer ou les y
maintenir.

Section 1
Conditions de la responsabilité du fait des animaux

Trois conditions sont exigées pour parler de la responsabilité du fait des


animaux : Il faut que le dommage soit causé par un animal domestique, il faut
que cet animal ait un gardien et il faut qu’il y ait un lien de causalité entre le fait
de l’animal et le dommage subi.

§1. Dommage causé par un animal

L’animal dont il est question dans l’article 86 du DOC est celui qui peut être
approprié par l’homme tels les animaux domestiques ou ceux qui sont exploités
dans une activité quelconque. Les animaux sauvages sont exclus du moment
qu’ils ne sont pas domestiqués.

A- Les animaux domestiques

Les animaux domestiques ne sont pas définis en droit marocain. Des arrêts très
anciens rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation française les
14 mars 1861 et 16 février 1895, définissent les animaux domestiques comme
étant des « êtres animés qui vivent, s'élèvent, sont nourris, se reproduisent sous
le toit de l'homme et par ses soins »1. En droit moderne, ces animaux
domestiques sont considérés comme étant de compagnie qui sont détenus ou
destinés à être détenus par l’homme pour son agrément 2.

1
Crim. 14 mars 1861, DP 1861. 1. 184.
2
Article L 214-6 Modifié par Ordonnance n°2015-1243 du 7 octobre 2015 - art. 1, (code rural
et de la pêche maritime).
54
B- Les animaux placés pour le service et l'exploitation d’un fonds

Certains animaux sont attachés au fonds et considérés comme faisant partie de


ce fonds, tels les lapins attachés à la culture ou les poissons vivant dans un
étang.

C- Les animaux sauvages apprivoisés.

Lorsque des animaux sauvages sont apprivoisés et ont un gardien, la


responsabilité incombe alors à celui qui en a la garde. Dans les accidents de
cirque, si l’animal sauvage cause un dommage à un spectateur, la responsabilité
dans ce cas, doit être placée sur le plan contractuel et non extracontractuel ;
mais, si l’animal s’échappe et blesse quelqu’un en dehors du cirque, la
responsabilité est extracontractuelle, l’article 86 du DOC trouve pleine
application.

§2. Les personnes responsables

La détermination de la personne responsable doit répondre à des critères bien


précis ; la notion de garde d’un animal doit répondre aux éléments exigés en
jurisprudence et notamment au célèbre arrêt Franck rendu par la cour de
cassation le 2 décembre 1941 à l’occasion de la garde d’une chose ; ainsi, « le
propriétaire d'une voiture automobile, privé de l'usage, de la direction et du
contrôle de son véhicule par l'effet d'un vol se trouve dans l'impossibilité
d'exercer sur ce véhicule aucune surveillance ; il n'en a plus la garde et n'est plus
dès lors soumis à la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384,
alinéa 1er, du Code civil »1.

§3. Lien de causalité entre le fait de l’animal et le dommage subi

Il doit y avoir une relation causale entre le fait de l’animal et le dommage subi
par la victime ; cette relation est réalisée lorsque l’animal intervient
matériellement dans la survenance de l’accident et aussi lorsqu’il joue un rôle
actif dans la réalisation du dommage.
Section 2
Régime juridique de la responsabilité du fait des animaux

La responsabilité du fait des animaux est une responsabilité sans faute ;


autrement dit, la faute du gardien est présumée et celui-ci ne peut s’exonérer de
cette responsabilité que dans les conditions prévues dans l’article 86 du DOC.
1
Cass., ch. réun., 2 déc. 1941, Franck, DC 1942. 25, note G. Ripert. – H. CAPITANT, F. TERRÉ,
Y. LEQUETTE et F. CHÉNEDÉ, op. cit. [supra, no 3], no 203.

55
§1. Faute présumée du gardien de l’animal

La responsabilité du gardien de l’animal est fondée sur une la faute présumée ;


cela veut dire qu’il n’est pas exigé de la victime de rapporter la preuve d’une
faute commise par le gardien et ce dernier ne peut s’exonérer de cette
responsabilité en établissant la preuve qu’il n’a pas commis de faute.

§2. Causes d’exonération du gardien de l’animal

L’article 86 du DOC permet au gardien de l’animal de s’exonérer de la


responsabilité s’il prouve :
 Qu'il a pris les précautions nécessaires pour l'empêcher de nuire ou pour
le surveiller;
 Ou que l'accident provient d'un cas fortuit ou de force majeur, ou de la
faute de celui qui en a été victime.
L’article 86 du DOC se montre très sévère vis-à-vis des gardiens des animaux ;
en plus de l’existence d’un régime juridique fondé sur la présomption de faute, il
est tenu de répondre des dommages causés par l’animal même si celui-ci s’est
échappé ou s’est égaré. La personne gardienne devrait prendre les précautions
nécessaires pour empêcher la fuite ou l’égarement de l’animal. En d’autres
termes, avant qu’il n’y ait eu survenance de l’accident, il y avait déjà une
défaillance dans la garde. Si le gardien fait preuve de vigilance et de prudence
préalables, le dommage ne se serait jamais produit d’où la sévérité de cette
responsabilité.

56
CHAPITRE 9
LA RESPONSABILITE DU FAIT DES BATIMENTS

57
Le Dahir des obligations et contrats consacrent deux articles à la responsabilité
du fait des bâtiments à savoir les articles 89 et 90. Le premier article prévoit que
« le propriétaire d'un édifice ou autre construction est responsable du dommage
causé par son écroulement ou par sa ruine partielle, lorsque l'un ou l'autre est
arrivé par suite de vétusté, par défaut d'entretien, ou par le vice de la
construction. Sa même règle s'applique au cas de chute ou ruine partielle de ce
qui fait partie d'un immeuble tel que les arbres, les machines incorporées à
l'édifice et autres accessoires réputés immeubles par destination. Cette
responsabilité pèse sur le propriétaire de la superficie, lorsque la propriété de
celle-ci est séparée de celle du sol. Lorsqu'un autre que le propriétaire est tenu
de pourvoir à entretien de l'édifice, soit en vertu d'un contrat, soit en vertu d'un
usufruit ou autre droit réel, c'est cette personne qui est responsable. Lorsqu’il y a
litige sur la propriété la responsabilité incombe au possesseur actuel de
l’héritage » ; l’article 90 dispose quant à lui que « le propriétaire d'un héritage,
qui a de justes raisons de craindre l'écroulement ou la ruine partielle d'un édifice
voisin, peut exiger du propriétaire de l'édifice, ou de celui qui serait tenu d'en
répondre, aux termes de l'article 89, qu'il prenne les mesures nécessaires afin de
prévenir la ruine ». Pour que la responsabilité du fait des bâtiments puisse être
déclenchée, des conditions doivent être réunies et qui permettent de dégager les
particularités du régime juridique réservé à ce type de responsabilité.

Section 1
Conditions de la responsabilité du fait des bâtiments

La mise en œuvre de ces dispositions légales qui se rapportent à la responsabilité


du fait des bâtiments suppose la réunion de trois éléments : il faut que le
dommage ait été causé par un bâtiment, qu’il résulte de sa ruine et du défaut
d’entretien ou d’un vice de construction.

§1. L’implication d’un bâtiment

Il convient de déterminer la notion de bâtiment qui suppose tout d’abord


l’existence d’une construction et il faut ensuite que cette construction soit
incorporée au sol ou un immeuble.

A- Exigence d’une construction

Une construction s’entend de tout assemblage de matériaux reliés


artificiellement de telle façon à réaliser une union durable et pérenne.

B- Construction incorporée au sol ou à un immeuble

58
La notion de bâtiment concerne l’édifice ou l’ouvrage formé d’un assemblage de
matériaux incorporés au sol.

§2. Ruine du bâtiment

Deux points retiendront notre attention : la détermination de la notion de ruine


du bâtiment et la prévention des ruines imminentes consistant en une menace
d’effondrement total ou partiel suite à une défaillance dans l’entretien ou à la
vétusté de l’édifice.

A- Détermination de la notion de ruine du bâtiment

Le dommage causé par le bâtiment doit résulter de sa ruine totale ou partielle. Si


cette condition fait défaut, l’on ne sera pas en face d’une responsabilité du fait
des bâtiments. La réparation du dommage doit être recherchée sur un fondement
légal autre que celui de l’article 89 du DOC. Les juges du fond doivent toujours
s’assurer de l’existence de cette condition avant de déclarer le propriétaire du
bâtiment responsable du dommage subi par une victime.
Il résulte de l’exigence de cette condition que si le dommage est réalisé par une
explosion d’une machine à l’intérieur du bâtiment ou par un incendie, l’article
89 du DOC n’est pas applicable. Un lien de cause à effet doit exister alors entre
le dommage causé et l’état de ruine de l’immeuble ; si ce lien fait défaut, la
victime peut être déboutée de son action en réparation sur le fondement de
l’article 89 du DOC.

B- Prévention de la ruine des bâtiments

Le droit marocain, en vertu de l’article 90 du DOC et contrairement au droit


français, permet d’agir préventivement contre le propriétaire d’un immeuble
voisin s’il y a de justes raisons de craindre l'écroulement ou la ruine partielle de
son édifice et de le forcer à prendre les mesures nécessaires afin de prévenir la
ruine. Ce texte est d’une importance capitale si le voisin propriétaire du bâtiment
se révèle négligent.
En plus de l’article 90 du DOC, le Dahir du 27 avril 2016 relatif aux bâtiments
menaçant ruine et à l’organisation des opérations de rénovation urbaine prévoit
un certain nombre d’obligations à la charge des propriétaires de ce genre de
bâtiments1.

§3. Existence d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction

1
Loi n° 94-12 promulguée par le Dahir n° 1-16-48 du 19 rejeb 1437 (27 avril 2016).
59
La victime doit faire la preuve de l’existence d’une relation causale entre le
dommage qu’elle a subi et le défaut d’entretien ou par le vice de construction.
Le demandeur doit apporter la preuve de l’existence de ce lien de cause à effet.

Section 2
Régime juridique de la responsabilité du fait des des bâtiments

Il convient de déterminer les personnes responsables avant d’analyser la nature


de la responsabilité instaurée dans le cadre de l’article 89 du DOC.

§1. Les personnes responsables

L’article 89 du DOC prévoit que la responsabilité du fait des bâtiments « pèse


sur le propriétaire de la superficie, lorsque la propriété de celle-ci est séparée de
celle du sol. Lorsqu'un autre que le propriétaire est tenu de pourvoir à entretien
de l'édifice, soit en vertu d'un contrat, soit en vertu d'un usufruit ou autre droit
réel, c'est cette personne qui est responsable. Lorsqu’il y a litige sur la propriété
la responsabilité incombe au possesseur actuel de l’héritage ». Généralement, les
personnes responsables sont celles qui bénéficient d’un droit réel immobilier sur
l’immeuble ou qui sont propriétaire de cet immeuble en indivision.

§2. Responsabilité objective du gardien du bâtiment

L’article 89 du DOC établit une responsabilité objective à la charge du gardien


du bâtiment ; par conséquent, il ne peut s’exonérer de cette responsabilité en
prouvant l’absence de faute ; il doit rapporter la preuve de l’existence d’une
cause étrangère.

A- Faute de la victime

La faute de la victime peut être une cause d’exonération du gardien du bâtiment


si cette faute est celle qui a déterminé le dommage. Si elle a juste contribué à la
réalisation du préjudice, les juges du fond peuvent procéder à un partage de la
responsabilité et par conséquent diminuer le montant de la réparation.

B- Cause étrangère

Il est possible pour le gardien du bâtiment de s’exonérer de la responsabilité en


apportant la preuve de l’existence d’une cause étrangère comme une force
majeure ou un cas fortuit.

60
§3. Recours du gardien ou du propriétaire du bâtiment

Si le gardien de l’immeuble est condamné à réparer les conséquences


dommageables subies par la victime, il est possible pour lui, si les conditions
sont réunies, de se retourner contres d’autres personnes si l’origine du dommage
est dû à leur faute ou à leur fait.

A- Recours contre les architectes, ingénieurs ou entrepreneurs

En vertu de l’article 769 du DOC, « l'architecte ou ingénieur et l'entrepreneur


chargés directement par le maître sont responsables lorsque, dans les dix années
à partir de l'achèvement de l'édifice ou autre ouvrage dont ils ont dirigé ou
exécuté les travaux, l'ouvrage s'écroule, en tout ou en partie, ou présente un
danger évident de s'écrouler, par défaut des matériaux, par le vice de la
construction ou par le vice du sol. L'architecte qui n'a pas dirigé les travaux ne
répond que des défauts de son plan. Le délai de dix ans commence à courir du
jour de la réception des travaux. L'action doit être intentée dans les trente jours à
partir du jour où s'est vérifié le fait qui donne lieu à la garantie ; elle n'est pas
recevable après ce délai »1.

B- Recours contre le vendeur ou l’entrepreneur

La personne déclarée responsable du fait du bâtiment peut également se


retourner contre le vendeur qui lui a vendu l’immeuble contenant des vices de
construction ou des vices cachés ayant causé un dommage à autrui. L’action
résultant des vices rédhibitoires, ou du défaut des qualités promises, doit être
intentée, à peine de déchéance pour les choses immobilières, dans les 365 jours
après la délivrance 2.

C- Recours contre la personne chargée d’entretenir l’immeuble

Il est possible d’envisager aussi un recours contre la personne, physique ou


morale, chargée d’entretenir l’immeuble. Si par convention, le propriétaire
confie cet entretien à un locataire qui accepte d’assurer les menues et grandes
réparations, il est évident que ce dernier doit assumer ses obligations découlant
du contrat.

1
Modifié par le Dahir du 3 décembre 1959 - 7 joumada II 1379.
2
Article 573 du DOC.
61

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