Analphabetisme Et Consequences Cognitives-2

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Document de travail

L’analphabétisme et ses
conséquences cognitives
2014

Origine et objectifs de ce document de travail .................................................. 2


Le fonctionnement cognitif induit par la scolarisation ......................................... 3
Apprentissage formel et informel ................................................................... 4
La scolarisation : passer d’un registre de fonctionnement à l’autre ............................................4
Des évidences qui portent à conséquence ...........................................................................5
Le rapport à l’espace et au temps .................................................................. 6
Le rapport à l’espace ..................................................................................................6
Le rapport au temps .................................................................................................. 11
Utiliser des critères universels, ça s’apprend ................................................... 13
Le rapport au langage.............................................................................. 16
L’abstraction : distinguer la réalité de l’exemple ............................................................... 16
Quand l’affectif prend le pas sur le cognitif ...................................................................... 18
Construire des catégories universelles, différentes de l’expérience personnelle ............................ 19
Tableaux : combiner l’espace, le temps et l’écrit .............................................. 20
L’écrit comme gage de sécurité ................................................................... 22
Enseignements et pistes d’action tirés de ces réflexions .................................... 23
Prendre du recul sur nos évidences ............................................................... 23
Dépasser notre interprétation des erreurs par le dialogue ...................................................... 23
Comprendre … et repenser nos démarches pédagogiques ....................................................... 25
Mesurer l’ampleur de la tâche à effectuer....................................................... 27
Différences entre les enfants et les apprennants en alpha face à l’apprentissage .......................... 28
Récapitulatif des pistes et références à explorer............................................... 32
Apprendre à devenir élève .......................................................................................... 32
La gestion mentale ................................................................................................... 33
Les neurosciences..................................................................................................... 34
L’abstraction .......................................................................................................... 35
Les repères spatio-temporels ....................................................................................... 36
Analyses de l’illettrisme ............................................................................................. 38

Ce dossier se penche sur les difficultés des analphabètes liées au fait qu’ils n’ont pas suivi un
apprentissage formel à l’école et s’interroge sur l’impact de la non-scolarisation sur la
structuration de leur pensée et sur leur mode d’apprentissage . Il a pour objectif de mettre en
lumière ces évidences qui n’en sont pas, d’une part par divers apports théoriques, et d’autre
part par des exemples concrets tirés de la pratique, compilés par Patrick Michel. En fin de
dossier, quelques pistes et ressources bibliographiques vous permettront d’approfondir ce sujet.
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ORIGINE ET OBJECTIFS DE CE DOCUMENT DE TRAVAIL

« Les conséquences cognitives de l’analphabétisme » : vaste thématique, encore peu


explorée, que le présent document n’a pas pour objectif de traiter de fond en comble. Il se
présente plutôt sous forme de questionnements, de constats et de pistes de réflexion et
d’action à explorer et à s’approprier.

Plusieurs éléments sont à la base de ces réflexions. Le colloque organisé par le Collectif
Alpha pour ses 40 ans, en 2013 avait pour titre « L’alphabétisation, c’est apprendre et
changer ». Mais qu’est-ce qui change ? Anne Chevalier, secrétaire générale de la CGé et
prof de maths, explique dans son intervention la différence entre les apprentissages
formels et les apprentissages quotidiens. Ce modèle est repris un an plus tard par Patrick
Michel, lorsqu’on lui demande de présenter les différentes formes d’analphabétisme et
ses conséquences cognitives lors d’une journée d’étude de Mineurs en Exil : « Les mineurs
primo-arrivants analphabètes : Quelles pistes de travail au sein du système scolaire et
procédural ? ». Il affine encore d’avantage sa réflexion quelques mois plus tard, pour la
présenter aux autres formateurs du Collectif Alpha, dans le cadre d’une journée de travail
sur les questionnements que suscitent chez eux leurs apprenants. A cette occasion, le
Centre de documentation a recensé des ressources bibliographiques sur les caractéristiques
d’un public non-scolarisé, ainsi que sur le passage de l’oral à l’écrit. De plus, une
comparaison entre la famille « ronde » et l’école « carrée » y a été présentée par Danielle
Mouraux, sociologue et collaboratrice de la CGé. C’est une des pistes parmi d’autres à
approfondir, que nous mentionnerons dans ce dossier.

Le présent document est donc une présentation de ces constats et réflexions, ainsi que de
différentes pistes à explorer. Son objectif est de servir de point de départ à un travail de
terrain d’identification des pratiques et des pistes d’actions qui permettent de tenir
compte des caractéristiques cognitives des personnes non scolarisées durant leur
apprentissage.

Nous vous convions donc, vous formateurs, à vous en servir


pour porter un regard différent sur vos pratiques, pour vous interroger sur les blocages
rencontrés par vos apprenants en prenant de la distance avec votre manière de voir les choses,
vos évidences … qui n’en sont pas pour eux.
Et à nous faire part de vos expériences : [email protected]
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LE FONCTIONNEMENT COGNITIF INDUIT PAR LA SCOLARISATION

Etre analphabète, qu’est-ce que cela veut dire ? Même si des définitions plus nuancées
existent, tout le monde s’accorde sur le fait qu’on parle d’une personne qui ne sait ni lire
ni écrire, et que dans notre société basée sur l’écriture, cela constitue un réel handicap. Il
est cependant plus rare qu’on se penche sur l’impact réel de l’analphabétisme dans
diverses situations de la vie quotidienne, et plus spécifiquement dans l’apprentissage. En
effet, du point de vue cognitif, un analphabète et une personne scolarisée n’ont pas les
mêmes clés pour appréhender le monde. Ce qui ne veut pas dire que l’analphabète est
ignorant ou stupide ! C’est que les apprentissages qu’il a faits durant sa vie se sont
déroulés de manière différente, et lui ont donc donné une structure cognitive différente
de celle que l’on attend des adultes dans notre société.

On imagine généralement que les cours d’alphabétisation se limitent à apprendre à lire et


à écrire, et on compare les apprenants aux enfants de 6 ans qui rentrent en 1e primaire. On
se doute aussi que c’est plus compliqué pour les nombreux analphabètes qui ne parlent pas
le français, car ils doivent non seulement apprendre à lire et à écrire, mais aussi à parler
une nouvelle langue. On conçoit généralement l’apprentissage de la langue française, orale
et écrite, comme un acte technique, alors que le réel défi de la formation est de
permettre aux apprenants de s’approprier une nouvelle culture : la culture de
l’abstraction, de l’universel, de l’écrit… Cette culture à laquelle l’école nous forme, et
ce depuis la maternelle.

Malheureusement, peu de dispositifs pédagogiques se penchent suffisamment sur les


modifications cognitives à mettre en place pour s’approprier une nouvelle culture, et les
obstacles que cette différence culturelle et cognitive peut causer à l’apprentissage.
Cela demande en effet de prendre de la distance, de manière consciente, de certains
éléments profondément ancrés en toute personne scolarisée qui paraissent tellement
évidents qu’on ne s’imagine pas qu’il faille travailler dessus. Pourtant, les analphabètes
vont les considérer d’une toute autre façon, que qui peut générer bien des blocages et des
incompréhensions. Cela se marque notamment lors de l’utilisation de repères
spatiotemporels et du « langage scolaire ».
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Apprentissage formel et informel


Etre analphabète, c’est être passé par
des apprentissages informels adaptés à son contexte de vie.

Souvent, on définit les personnes analphabètes par rapport à ce qu’elles ne savent pas.
Pourtant, elles ne sont pas ignorantes, mais leur mode d’apprentissage était différent de
celui mis en place à l’école : il est généralement informel, lié à leur environnement
quotidien et adapté aux exigences de celui-ci1. C’est la prégnance de celui-ci lorsqu’ils
entament des cours formels qui pose problème.

LA SCOLARISATION : PASSER D’UN REGISTRE DE FONCTIONNEMENT A L’AUTRE

La scolarisation2, c’est passer…


de l’affectif  au cognitif
du particulier  à l’universel
du concret  à l’abstrait
de l’oral  à l’écrit
Le fait de passer par un système d’apprentissages formels structuré va exiger un autre
type de structuration de la pensée que les apprentissages informels réalisés auparavant
par les analphabètes.

Dans une société occidentale industrialisée comme la nôtre, passée par une centaine
d’années de scolarisation obligatoire, on considère comme naturel que, à partir de la
sortie de la petite enfance, la pensée sur le monde qui nous entoure, soit structurée :

- de façon cognitive (ce que je sais et non ce que je ressens par rapport aux choses),

- en reposant sur des catégories universelles (identiques pour tous, et non basées sur
mon expérience personnelle)

- permises par le recours à des langages abstraits (lettres, chiffres, notes,…)

- et soutenues par la possibilité de laisser des traces qui peuvent être traitées, qui
peuvent être objets d’opérations distanciées de l’immédiat, c’est l’écriture.

1
Dans la pratique, on constate cependant que bien des analphabètes ont eu des contacts à différents degrés avec un
apprentissage plus formel, que ce soit à l’école coranique ou en ayant suivi quelques années d’école primaire…
2
Typologie adaptée par Patrick Michel de celle présentée par Anne CHEVALIER, secrétaire générale de la CGé et prof
de math, au colloque du Collectif Alpha « L’alphabétisation, c’est apprendre et changer » : http://www.collectif-
alpha.be/article260.html
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DES EVIDENCES QUI PORTENT A CONSEQUENCE

C’est donc une évidence dans notre tête de personne scolarisée que l’on va fonctionner de
cette sorte. Cela s’est tellement ancré en nous durant nos années d’école et de
socialisation, qu’on ne s’interroge même plus sur la possibilité de concevoir différemment
certaines choses. Or, les analphabètes vont fonctionner autrement. Et cela, même pour
un formateur expérimenté en alphabétisation, cela demande encore et toujours un long
travail d’étonnement permanent…

En effet, entre scolarisé et non-scolarisé, il y a des différences fondamentales dans


l’organisation de la pensée parce qu’ils structurent de manière très différente les
rapports :

- À l’espace

- Au temps

- Au langage

« C’est notre imaginaire qui crée notre environnement, différent pour chacun,
d’où les conflits d’utilisation de l’espace et du temps. »3

Ces différences et le fait de ne pas en avoir conscience auront des


conséquences multiples au niveau de la scolarité, mais aussi des rapports avec les
administrations incontournables (commune, CPAS,…), et celles liées à la recherche
d’emploi (Actiris, Onem, etc.) ou à la régularisation (Office des étrangers…). Cela peut
avoir des répercussions dramatiques sur la vie des personnes (expulsion du pays, sanctions
financières lourdes…)

Dans les cours d’alphabétisation, les formateurs sont régulièrement confrontés à des
réactions inattendues. Les exemples concrets ci-dessous, concernant le rapport à l’espace,
au temps et au langage, ont été compilés par Patrick Michel, qui en propose une analyse à
l’aide du modèle présenté ci-dessus.

3
Le fil d’Ariane. Résumé des relations homme/environnement / LEROY Claude, site web de la Ligue Française de
Santé Mentale, 2005, p.33, point 5.4 : « La représentation de l’espace » ( http://www.lfsm.org/ariane/ )
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Le rapport à l’espace et au temps


Notre rapport à l’espace et au temps fait tellement partie de nous, de notre quotidien, de
notre inconscient, qu’on n’a plus conscience qu’il puisse y avoir d’autres modes de
fonctionnement que les nôtres… ce qui est à la base de bien des malentendus.
« Mais on explique quand même son chemin de la même manière en Belgique ou au Sénégal,
non ? », s’étonne une formatrice en alphabétisation, lorsqu’on lui explique que les difficultés
d’un cours sur l’itinéraire ne résident pas tant dans le nouveau vocabulaire à apprendre que
dans les différences culturelles dont il faut tenir compte.

LE RAPPORT A L’ESPACE

Exemples et analyse de représentations de l’espace par des personnes non scolarisées

Voici une carte de Marrakech réalisée par une


femme au foyer de 30 ans habitant Marrakech 4.

Qu’observe-t-on ? Elle a disposé sa maison, la


maison de sa sœur et d’une amie, ainsi que
l’hôpital et les bains publics, le tout entouré d’un
trait englobant figurant l’ensemble de la ville,
même si en réalité cela ne représente qu’un
quartier très restreint de la ville.

Que dit-elle ? Elle a mentionné ces places car elles sont les plus importantes pour elles,
c’est là où elle trouve l’amitié et les soins.

Analyse :

- Prévalence du particulier sur l’universel : elle indique les lieux importants pour elle

- Prévalence de l’affectif sur le cognitif : elle n’a mis que les lieux qui sont connotés
positivement d’un point de vue affectif, et non d’autres lieux du quotidien (le
marché…)

4
Les trois premiers exemples sont tirées de BOUGHA LI Mohamed; TILLION Germaine, La représentation de l'espace
chez le Marocain illettré, Afrique Orient, 1988.
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Cette carte de Ouarzazate est réalisée par un


ouvrier de 50 ans y habitant.

Qu’observe-t-on ? Un triangle avec une


maison à chaque angle, l’école à l’intérieur et
sa propre maison à l’extérieur. Or cet homme
habite et travaille au centre de la ville.

Que dit-il ?

- Les trois maisons sont celles de ses trois amis intimes et il a mis l’école à l’intérieur
car « elle forme mon fils qui deviendra quelqu’un ».

- Il n’a pas indiqué son lieu de travail car c’est un travail dur et il ne s’entend pas
avec son patron.

- Il a mis sa propre maison à l’extérieur car il n’aime pas les gens d’Ouarzazate et ne
se sent pas de cette ville.

Analyse : Cette représentation de l’espace est une construction mentale sans lien avec la
réalité géographique mais structurée par l’affectivité.

Cette carte du monde est dessinée par un


forgeron de Marrakech.
Qu’observe-t-on ? Le monde est entouré par
la mer, la ville de Ouarzazate est beaucoup
plus éloignée de l’Amérique que de
Marrakech,…

Que dit-il ? Il a mis ce qu’il connaît du monde


sur le pourtour. Il a placé sa ville plus ou
moins à mi-chemin entre Rabat et l’Amérique, parce que pour lui ce sont les deux lieux
qui représentent le bien-être : Rabat parce qu’il sait que ses confrères forgerons y font
de meilleures affaires que lui et l’Amérique parce qu’un touriste américain lui a dit, via un
interprète, qu’il ferait des affaires d’or aux USA avec de pareils objets.

Analyse : On serait tenté d’expliquer cette carte par une sorte de fantaisie ignorante du
forgeron, alors qu’ici aussi l’expérience personnelle et l’affectivité qui s’y attache
structurent sa représentation de l’espace.
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Il a été demandé de réaliser un dessin représentant la terre dans l’univers dans un cours
d’alphabétisation du Collectif Alpha, dans un groupe dit « fort » (des personnes qui parlent
correctement français et se débrouillent déjà pour lire et écrire des textes simples).

Malika a écrit correctement « la terre dans l’univers » ce qui


contraste d’autant avec la représentation qu’elle s’en fait : un
paysage avec un oiseau surmonté d’un ciel avec le soleil et les
étoiles. Il n’y a pas de décentration par rapport à l’expérience
personnelle : l’univers est vu du point de vue de l’habitante
occupant le paysage…

Dans ce même groupe, Hadi, jeune


primo-arrivant de 18 ans, venu avec
une scolarité coranique, réalise un
dessin qui présente déjà une sorte de
schématisation : la terre est ronde, c’est une entité,
circonscrite, et il y a la lune, le soleil et plein d’étoiles. Mais
Hadi est très grand et au centre de l’univers : c’est encore le
particulier et l’affectif qui prévalent.

Les conséquences (parfois dramatiques !) dans la vie courante


Cette façon de se représenter l’espace a évidemment des conséquences dans la vie
courante. Ces personnes ont beaucoup de mal à décrire un trajet connu. Elles
l’expliqueront en accompagnant la parole de gestes (« Tu vas par-là, puis par-là »), en
s’orientant par rapport à leur propre corps et non par rapport à des repères structurés
(lieux, noms de rues…).

Cependant, dans ce genre de situation, ces personnes trouvent d’autres solutions


(accompagner la personne qui demande le chemin, faire écrire l’adresse sur un bout de
papier et demander régulièrement son chemin…).

Par contre, dans d’autre cas cela peut présenter un réel handicap, avec des conséquences
très graves, comme par exemple lors de la défense d’un dossier de demande d’asile.
Pour vérifier l’exactitude des dires d’un demandeur d’asile lorsqu’il explique son parcours,
on va lui demander des informations géographiques : dessiner un plan ou expliquer un
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itinéraire. Mais une personne non scolarisée n’utilisera pas les mêmes repères que ceux
attendus par son interlocuteur. Lui demande des données géographiques universelles,
qu’il considère comme non falsifiables puisque, selon lui, elles sont identiques pour
tous. Mais le demandeur d’asile va répondre en se basant sur sa perception personnelle et
affective de la situation, et donc différente de celle d’autres personnes. Il pourra alors
être considéré comme un menteur, car manquant de « précision », et sa demande d’asile
risque de ne pas être acceptée.
Exemple de la jeune kenyane devant dessiner son village.
Lors de son audition pour obtenir l’asile, une fille mineure non accompagnée doit donner des
informations sur son village. On lui demande (peut-être dans l’idée de l’aider) de faire un
dessin de son village, de représenter sa maison et d’ensuite indiquer où se trouve la maison de
sa grand-mère. Désemparée face à cette feuille de papier, la petite finit par se lever et pointer le
doigt devant elle en disant : « C’est par là ! ».

Exemple d’Awa, une apprenante ivoirienne demandeuse d’asile.


Elle demande à son formateur de
l’aider à préparer son interview. Il
lui a donc demandé de lui raconter
comment elle était arrivée en
Belgique depuis la Côte d’Ivoire.
Elle explique qu’elle a quitté la
Côte d’Ivoire avec sa famille dans
un camion, qu’ils sont arrivés au
Libéria et puis qu’ils sont passés au
Burkina où elle a pu prendre un
avion.
Le formateur ramène une carte et lui dit que ce n’est pas possible de passer directement du
Libéria au Burkina. Elle dit alors : « Ah, je ne sais pas, au Libéria on a eu plein d’ennuis,
c’était horrible -je passe les détails-, on a dû s’enfuir la nuit et puis on a fini par arriver au
Burkina et je ne connais pas les pays qu’on a traversés. »
Que va penser un intervenant amené à examiner sa version des faits ? Si elle explique son
histoire ainsi il va penser qu’elle ment, que son récit n’est pas crédible. Alors : mensonge ou
prévalence de l’affectif et du particulier ? Un pays traversé la nuit n’existe pas… si on n’est pas
passé par un apprentissage formel et universaliste de la représentation du monde.

Importance du cadre de la demande et capacité de s’ajuster à différents cadres


Le cadre dans lequel est effectuée une demande influe sur la façon dont on l’interprètera.
La difficulté pour les personnes non-scolarisées est qu’elles n’ont pas la connaissance de ce
qui est sous-entendu lorsqu’on fait une demande dans un cadre scolaire ou officiel (ex. :
vérification de la véracité du récit d’un demandeur d’asile). Une personne scolarisée par
contre aura la possibilité de choisir ce qui s’adapte le mieux au cadre :
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- Dans un cadre formel, elle dessinera une représentation géographique de l’endroit,


avec des points de repères conventionnels et des codes universels.

- Dans un cadre artistique et urbanistique sur le rapport à l’espace urbain, elle peut
réaliser des « cartes mentales » dans lesquelles l’expérience personnelle et
l’affectif occupent une grande place.

Ci-dessous, des cartes mentales réalisées dans une activité des Ateliers Urbains5, où l’on
distingue clairement la grande variété des centres d’intérêts (parcs, écoles, bars, vélos…)
et des modes de représentations, plus ou moins éloignées de la réalité géographique.

Un dessin qui fait fi de toute organisation géographique,


plaçant la maison au centre. 

 Ce dessin fait référence à de nombreuses représentations


symboliques, du registre artistique, poétique, humoristique…

Cette carte reste plus attachée à la représentation géographique.

Notons que lorsqu’on est scolarisé, il est parfois difficile de


se défaire de l’influence d’un certain « formatage scolaire »,
lorsqu’on nous parle de carte et de ville.

 Pour aborder les rapports des individus (même scolarisés !) avec l’espace urbain, la
technique des cartes mentales, développée dans les années 60 par l’urbaniste
américain Kevin Lynch, est utilisée dans de nombreuses universités. Cette piste est
aussi préconisée Claude Leroy6, qui considère cette technique comme étant
« beaucoup plus efficace que la méthode des questionnaires et interviews, car elle
révèle des phénomènes plus profonds, plus inconscients que le langage ».

5
Explication du projet : http://www.ateliers-urbains.be/projet/cartes-mentales , autres exemples de cartes mentales :
http://expo.ateliers-urbains.be/index.php?/bruxxel/cartes -mentales/
6
Le fil d’Ariane. Résumé des relations homme/environnement / LEROY Claude, site web de la Ligue Française de
Santé Mentale, 2005. Disponible en ligne : http://www.lfsm.org/ariane/
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LE RAPPORT AU TEMPS

On constate également une prévalence du particulier et l’affectif dans le rapport au


temps.
Exemples et analyse de représentations de l’espace par des personnes non scolarisées

Lors de la découverte du patrimoine


bruxellois des années 1900, face au
sgraffite à cette façade bruxelloise
(l’hôtel Ciamberlani à Ixelles), un
apprenant s’exclame : « Ah, en
Belgique, en 1900, on n’avait pas de
vêtements. Les gens étaient nus
comme ce monsieur ».

Analyse : L’apprenant avait bien compris que cette maison avait été décorée en 1900 et il
en avait déduit, dans une logique du particulier où on ne se situe pas dans un système de
repères historiques, que le motif de la décoration représentait la réalité de l’époque.

 Notons l’importance du dialogue formateur-apprenant pour comprendre la manière


dont se déroule la construction du savoir de la personne.

Quelques autres exemples témoignant du rapport au temps :


Lors d’une activité sur l’histoire de la Grand Place on a remarqué une série de dates sur les
maisons : 1696, 97, 98. On s’est demandé ce qu’elles signifiaient en observant des peintures, en
écoutant des explications. Lorsqu’on demande aux apprenants de restituer ce qu’ils ont appris,
une guinéenne de 30 ans explique : « En 1965, les Français ont bombardé la Grand Place de
Bruxelles ». La date ne lui semble pas poser de problème. Ce n’est que lorsqu’un autre
apprenant lui dit « Moi je suis né en 1961, 4 ans avant » qu’elle se rend compte que ce n’est pas
possible.

Lors d’une visite, on voit une photo avec un enfant de 8 ans dans une mine. On explique que
cette photo a été prise vers 1860, et qu’en 1886 une loi a interdit le travail des enfants. Le
formateur demande, curieux : « C’était il y a combien d’années à peu près ? » Une jeune
guinéenne de 19 ans, primo-arrivante, se concentre pour effectuer un calcul et répond : « 30
ans » C’est une éternité pour une femme de 20 ans ! Par contre des hommes du groupe, plus
âgés, résidant en Belgique depuis bien longtemps, disent : « Non, non… sûrement 100 ans ! »

Lorsqu’on pose la question « Quand as-tu commencé à venir au Collectif Alpha ? », on obtient
souvent des réponses du type : « C’était avant la naissance de mon cousin mais après le
mariage de ma sœur. »
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Les conséquences (parfois dramatiques !) dans la vie courante


Ici aussi, cette différence peut causer des sérieux problèmes dans les rapports avec
l’administration, notamment pour la recherche d’emploi ou la demande d’asile.
Par exemple, lors des entretiens de contrôle dans le cadre des mesures d’activation des
chômeurs, il faut présenter trois preuves de recherche d’emploi par mois. La notion de mois est
souvent abstraite pour une personne non-scolarisée. De plus, on attend d’elle qu’elle présente
ses preuves classées, c’est-à-dire ordonnées en fonction des dates indiquées sur celles-ci.
Certains participants ont effectué beaucoup de démarches de recherche d’emploi, mais faute de
pouvoir les présenter en utilisant le langage abstrait et universel du temps numérique, ils se font
traiter de menteur et de paresseux … et se voient parfois retirer les allocations de chômage !

Comme pour les repères géographiques, les repères temporels sont considérés comme des
« valeurs sûres », garants de la crédibilité du récit d’un demandeur d’emploi ou d’asile.
Mais lorsqu’il faut ordonner les événements de manière séquentielle en utilisant le langage
des heures, des dates, des mois, des années… ils n’y arrivent pas : leur récit est taxé de
non crédible et leur personne de menteuse.
Lors d’un entretien dans le cadre de sa demande d’asile, une jeune fille congolaise explique
son parcours, et raconte qu’elle est allée de Goma à Kinshasa en voiture. Pour vérifier la
crédibilité de son récit, on lui demande combien d’heures a duré le trajet. Mais cela n’évoque
rien chez elle, et elle donne donc une réponse au hasard, pour faire plaisir à son interlocuteur
dont la demande lui paraît saugrenue. Mais sa réponse, « 3 heures » (alors que les villes sont
distantes de plus de 1500 km à vol d’oiseau !), la fait passer pour une menteuse.
D’autre part, cette ignorance peut être mise à profit par des employeurs pour exploiter
ces personnes, en leur comptabilisant moins d’heures de travail que celles qu’ils prestent
par exemple.
Une apprenante travaille dans un magasin. Le formateur s’étonne de la voir travailler si
longuement et s’enquiert de son contrat de travail. Il y est stipulé qu’elle travaille 8 heures par
jour, alors que dans les faits, elle reste bien plus longtemps que cela, près de 10 heures par jour.
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Utiliser des critères universels, ça s’apprend

On perçoit tous les choses différemment


La perception du temps et de l’espace varient d’une personne à l’autre, en fonction de son
expérience, de la situation, de l’affectif, de la culture… et cela qu’on soit scolarisé ou
non !
Critères culturels : Visitant un ami vivant à une heure de route en voiture, un bruxellois (surtout
s’il doit quitter Bruxelles) dira que c’est loin, alors qu’un canadien dira que c’est tout près.
Critères affectifs : A durée égale, un moment ennuyeux nous semblera durer bien plus
longtemps qu’une activité passionnante.

D’autre part, outre notre culture, nous ne sommes pas tous identiques à la base. La
gestion mentale nous apprend que certaines personnes sont plus sensibles et à l’aise dans
un cadre spatial et d’autres dans un cadre temporel. Ceci qui influence largement leur
manière d’appréhender les choses : de percevoir, d’évoquer, de mémoriser, de
comprendre…7
Espace : Certaines personnes, bien qu’étant scolarisées, auront du mal à se repérer dans
l’espace, sur une carte et disent « je n’ai aucun sens de l’orientation ».
Temps : Mon professeur de latin était atterré par la question d’un de ses élèves, de 14 ans : « Et
vous monsieur, vous les avez bien connus les romains ? » Pourtant, étant scolarisé (qui plus est
en latines, réputées pour leurs « bons élèves »), il a bénéficié de cours d’histoire…

Les repères spatio-temporels sont des constructions de l’homme


C’est pour faciliter la communication malgré ces différences qu’on a fixé certains
repères. Leur utilité se vérifie par exemple dans les échanges commerciaux entre
différentes sociétés ou dans le cadre de la recherche scientifique. C’est d’autant plus
pertinent à l’heure de la mondialisation (quoique : le monde anglo-saxon calcule en miles
et en livres là où nous comptons en kilomètres et en kilogrammes).

Les unités de temps et d’espace sont des repères construits par l’homme. Ils doivent donc
être transmis : leur utilisation doit faire l’objet d’un apprentissage, ainsi que d’une
utilisation pratique régulière.

La connaissance des repères conventionnels nécessite un apprentissage


Patrick Michel explique que dans notre société, se situer dans le temps demande d’utiliser
des nombres et d’effectuer des opérations sur ceux-ci : il faut les classer, les ordonner,

7
La gestion mentale constitue une piste intéressante pour comprendre le fonctionnement cognitif lors des apprentissages,
mais nous ne la développerons pas dans ce document-ci. Plus d’infos : http://www.ifbelgique.be
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faire des calculs d’intervalles. Tout cela est impossible sans passer de l’affectif au cognitif,
du particulier à l’universel, du concret à l’abstrait… C’est ce qui s’apprend à l’école.
On peut évaluer des quantités par adaptation, par l’expérience et la pratique (ex.: différencier
beaucoup et peu, un tas de 4 et un tas de 8…) Mais pour évaluer par des nombres (ex.: 51 et 52)
on doit aller à l’école pour apprendre ces nombres8 .

 PISTE DIFFERENTE : Ce propos peut cependant être contrebalancé par les travaux de
Jean-Pierre Terrail dans son ouvrage « De l’oralité. Essai sur l’égalité des
intelligences » (La Dispute, 2009), qui cherche à dépasser une approche
scriptocentriste « qui consiste à imputer au langage et à la pensée des groupes non
ou peu lettrés les caractéristiques inverses de celles que l’on prête à la pensée
lettrée », de manière dichotomique. Il démontre que même en l’absence de la
moindre compétence en matière d’écriture, tout sujet parlant maîtrise
l’abstraction, le raisonnement logique et la réflexivité.
Quand on pense à ces élèves [qui sont censés avoir le moins de ressources linguistiques et culturelles],
on se demande ce qui leur manque, qui expliquerait leurs difficultés. Je me suis demandé pour ma part
ce qu’ils ont, que l’école pourrait utiliser pour les conduire au succès9 .

Sans entrer dans le débat sur la capacité d’abstraction des personnes non-scolarisées, on
peut cependant dire que :

- la connaissance des codes et conventions en vigueur dans une société requiert un


apprentissage spécifique ;

- une personne qui a grandi dans une société avec des règles différentes et/ou n’a pas
été scolarisée n’a pas eu l’occasion d’apprendre celles-ci par la pratique et/ou
formellement ;

- pour que cette personne puisse se débrouiller dans une autre société, il faut donc
qu’elle bénéficie d’un apprentissage formel de ces codes et de l’occasion de les
mettre en pratique.

 Cela demande aux formateurs de prendre conscience du fait qu’il existe différentes
manières d’envisager les choses et de prendre de la distance par rapport à ce qui leur
semble évident (les codes qu’ils ont appris ayant été complètement intégrés).

8
Extrait de la vidéo de la conférence de André Tricot « Apprentissages à l'école maternelle, incidents et formels. La place
du jeu », ESENESR, 2014. http://www.esen.education.fr/fr/ressources -par-type/conferences-en-ligne/detail-d-une-
conference/?idRessource=1519&cHash=729e7c5919&p =1
9
« Langage et égalité des intelligences », entretien avec Terrail : http://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article51
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 15 sur 38

L’utilisation des repères conventionnels varie en fonction du cadre


L’école nous donne des clés qui nous permettent de fonctionner dans notre société, même
avec des personnes qui ne sont pas proches de nous. Cela nous permet de traduire nos
repères particuliers et affectifs en chiffres universels, susceptibles d’être mieux compris
par notre interlocuteur. En effet, même en étant scolarisés, on ne réfléchit pas toujours
directement en unités de mesures, et on doit faire un effort de traduction.
Par exemple, lors d’un entretien : « J’ai changé de boulot … » [On réfléchit : « Après avoir eu
mon premier enfant, qui a maintenant 5 ans, donc c’était … 2014-5= »] « … en 2009. »

Cette traduction s’avèrera ou non pertinente en fonction du cadre, de l’interlocuteur.


C’est aussi un apprentissage d’estimer quels repères font sens pour quel interlocuteur.
Si on parle avec un proche de notre parcours professionnel, la référence à notre enfant qu’il
connaît bien lui parlera sans doute plus qu’une date.
Sinon, c’est à notre interlocuteur de faire la traduction avec des repères qui lui parlent…
s’il a les données nécessaires pour cela.
Lors de l’entretien, le responsable RH a besoin de connaître l’âge de votre enfant (donnée dont
il ne dispose pas) pour arriver à l’information qui importe pour lui : l’année d’entrée en
fonction dans votre dernier emploi.
Par contre, votre proche pourra se référer à son expérience personnelle avec votre enfant : « Ah,
je me souviens : c’était quand je suis venu garder ton bébé pendant que tu passais les
entretiens… »
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 16 sur 38

Le rapport au langage
Outre le rapport à l’espace et au temps, le rapport au langage des personnes non-
scolarisées est différent, structuré autour de l’oral et non de l’écrit. Dans une société
comme la nôtre, où l’écrit est omniprésent et considéré comme indispensable, cela
amène un autre lot de difficultés et de malentendus… En effet, il s’agit de développer non
seulement des compétences techniques (geste graphique, correspondance
graphophonétique, vocabulaire, grammaire, orthographe…), mais également d’acquérir
une nouvelle manière de structurer sa pensée, un nouveau rapport au langage 10.

L’ABSTRACTION : DISTINGUER LA RÉALITÉ DE L’EXEMPLE

Dans le cadre scolaire, on fait fréquemment appel à des exemples. Ces exemples, bien
qu’ils puissent nous sembler concrets, sont en réalité abstraits. En effet, il ne s’agit pas
de situations réelles et existantes, mais d’exemples pédagogiques, détachés du quotidien
des apprenants. Même s’ils sont inspirés de leur quotidien, ils existent uniquement pour
l’exercice, et la résolution de l’exercice n’aura aucun lien ni impact sur les activités
quotidiennes des apprenants…
 André Tricot souligne que la particularité et la difficulté des apprentissages scolaires par
rapport aux apprentissages par la pratique est que la connaissance apprise ne colle pas
directement à ce qu’on fait, à l’activité. Lorsqu’on donne un problème à résoudre à l’école,
ce qui importe vraiment n’est pas de le résoudre mais d’identifier des informations et
procédures au travers de celui-ci. De plus, ces nouveaux savoirs ne sont pas destinés à être
utilisés tout de suite, mais serviront à construire d’autres connaissances11 .

Patrick Michel a remarqué, dans les exemples ci-dessous, que ce langage pédagogique
existant au sein de l’institution scolaire n’est pas appréhendé de la même manière par les
apprenants, non-scolarisées, que par le formateur.

10
Voir par exemple les travaux de Jack GOODY, entre autre dans Pouvoirs et savoirs de l'écrit , La Dispute, 2007.
11
André TRICOT, « Apprentissages à l'école maternelle, incidents et formels. La place du jeu », ESENESR, 2014 – vidéo
de la conférence : http://www.esen.education.fr/fr/ressources -par-type/conferences-en-ligne/detail-d-une-
conference/?idRessource=1519&cHash=729e7c5919&p =1
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Exemples et analyse de réponses à des exercices par des personnes non scolarisées

Cette fiche tirée d’un fichier de lecture Freinet 12 était utilisée


pour une évaluation du niveau de compréhension à la lecture.

La plupart des apprenants arrivaient à lire la fiche. Mais leurs


réponses étaient souvent étonnantes. Plusieurs cochaient le
samedi matin.

Lors de la phase d’entretien individuel, on constate que les


cases qu’ils ont cochées sont invariablement liées à la maison
communale qu’ils connaissaient : « Chez moi à Laeken, on
organise des mariages le samedi matin alors c’est ouvert ! » ou
« Je n’ai pas mis de croix pour samedi parce que je sais que la maison communale de
Molenbeek est fermée le samedi ! ». Les réponses, qu’elles soient correctes ou non, ne
sont donc pas liées au niveau de lecture. Sans entretien individuel, on risquerait de classer
les apprenants sur une base erronée.

 La plus grande difficulté de la personne non-scolarisée pour traiter ce type de document


est donc de faire abstraction de sa propre situation concrète.

Autre exemple tiré des fichiers


Freinet : cocher la phrase correcte
en reconnaissant le morceau de
phrase similaire, en s’aidant de
l’image.

Plusieurs apprenants ont coché


« La tortue nage. » Ont-ils mal lu ?
Pas du tout : « J’ai coché la tortue
nage parce qu’une tortue ne fait
jamais de ski mais elle va dans
l’eau ».

12
Fichiers de lecture édités par PEMF : http://www.pemf.fr/site/index.php?clef=PEM F_ARTICLE_ DETAIL&id =196
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Ici, certains n’ont rien coché en


disant : « Aucun animal ne porte des
bottes ! » Quelqu’un a coché « un
canard » en disant : « Une poule qui
porte des bottes n’est pas possible,
elle ne va pas dans l’eau. Le canard,
il a des pattes soudées, comme ça,
alors c’est un peu comme des bottes
pour aller dans l’eau, c’est pour ça
que j’ai coché le canard ».

 On voit à travers ces exemples qu’il y a une logique à l’œuvre. Sans questionner la
personne, on peut interpréter sa feuille en termes d’incompétence, d’ignorance… Alors
que la raison des erreurs se trouve ailleurs : dans une prévalence de l’expérience
personnelle concrète sur une certaine distance abstraite induite par le langage écrit
« scolaire ». En effet, dans une société scolarisée, les gens ont été habitués à traiter des
éléments écrits entre eux, et non en fonction d’une réalité extérieure concrète liée à
leur propre expérience.
Dans les fichiers Freinet, on nous demande de traiter un texte par rapport à un dessin (même
absurde) et non par rapport à notre propre connaissance de ce dont il est question dans le texte.

QUAND L’AFFECTIF PREND LE PAS SUR LE COGNITIF

Dans la même logique de déconnexion entre l’apprentissage scolaire et notre propre


réalité concrète, traiter le langage écrit nécessite aussi de passer de l’affectif au cognitif.

Pour l’apprenant qui découvre la grammaire, cela pose un certain nombre de problèmes,
comme le montrent les exemples ci-dessous, collectés et analysés par Patrick Michel.

Dictée : Ma sœurs vient en visite.


- Pourquoi as-tu mis un « s » à « sœur » ?
- J’ai deux sœurs donc je dois mettre « s ».

Juste ou pas juste : Les enfants sont méchant.


- Ce n’est pas juste.
- Ah et pourquoi ?
- Parce que les enfants ne sont pas méchants, ils sont gentils.
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Coche la bonne phrase :


o Je suis de la chance
o J’ai de la chance
L’apprenant ne coche rien.
- Pourquoi ?
- « Je suis de la chance » ça ne va pas et « j’ai de la chance » non plus parce que moi j’ai
jamais de chance dans la vie.
 On voit donc de nouveau que l’interprétation des erreurs selon notre catégorie de
pensée nous amènerait à dire que la personne ne maîtrise pas des règles de grammaire. Or,
si on prend de la distance de notre propre interprétation « naturelle » et qu’on se donne
la peine de l’interroger, on se rend compte que le problème est ailleurs.

CONSTRUIRE DES CATÉGORIES UNIVERSELLES, DIFFÉRENTES DE L’EXPÉRIENCE PERSONNELLE

L’écrit, c’est aussi aller du particulier à l’universel, de ma situation à une situation-type.


Cette situation-type n’étant reliée aucun expérience individuelle en particulier.

Patrick Michel a notamment remarqué cela dans les activités de construction de


catégories logiques.
Cherchez l’intrus : Café – Thé - Chocolat chaud – Sucre – Lait - Jus d’orange
- Du lait, parce que je ne mets jamais de lait dans mon café.
Attention, il ne s’agit pas que de l’écrit : la lecture d’image aussi contient des formes
symboliques et des situations-type, comme le montre l’exemple ci-dessous.

Exercice de compréhension à la lecture : une


phrase à apparier au bon dessin.

L’idée du formateur ? Vérifier si les apprenants


d’un groupe débutant traitent bien la négation
écrite au niveau du sens : se focalisent-ils sur
« content » ou le « pas contente » ?
Maman n’est pas contente
Une jeune femme analphabète de 20 ans, primo-
arrivante, apparie la phrase avec le premier dessin. Elle explique : « Maman n’est pas
contente, ça veut dire qu’elle est fâchée, alors je mes avec ce dessin-là. » « A quoi tu vois
qu’elle est fâchée ? » « Elle porte un gros sac sur la tête, c’est lourd et sa fille ne l’aide
pas. » Aucun problème donc du côté de la lecture, du vocabulaire, de la négation… Mais
intrigué, le formateur attire son attention sur les visages, dont l’expression, fortement
stylisée, lui semble pourtant parlante… mais pas pour l’apprenante ! Le langage des
smileys ne semble donc pas être universel…
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 20 sur 38

Tableaux : combiner l’espace, le temps et l’écrit


Dans notre société où les obligations administratives prennent de plus en plus de place,
nous sommes sans cesse confrontés à des tableaux à double entrée qui combinent espace,
temps et langage. Une triple difficulté pour des personnes non-scolarisées !

Exemples de tableaux à double entrée auxquels sont confrontés les apprenants

Voici par exemple le tableau que


la crèche demande aux
apprenants de compléter, en
cochant les plages horaires
durant lesquelles ils sont en
formation.13

Ils ont beaucoup de mal à remplir


correctement ce tableau. Le
formateur, afin de se rendre compte quelle est leur compréhension de ce tableau, leur
demande de mettre une croix sur « maintenant ». Voici quelques exemples de logiques
mises en œuvre par des apprenantes :

- Djennaba repère le vendredi 20,


entoure, puis fait une grande croix.
Après avoir compris « matin » et
« après-midi », elle met aussi une
croix sur matin. Elle ne comprend
donc pas le concept de double entrée.

- Fatiha cherche le mot « maintenant » et met une croix sur « matin » car c’est ce qui
ressemble le plus au mot « maintenant » dans ce tableau.

- Aissatou lit « lundi 9h », « mardi 10h », etc.

Les choses se compliquent encore plus lorsqu’on demande de mettre une croix sur demain
matin, sur hier matin, etc.

13
Ils ont parfois la possibilité de bénéficier d’une crèche pour leurs enfants afin de pouvoir suivre leur formation.
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 21 sur 38

Autre exemple : un tableau récapitulatif des frais de transports mensuels pour une
apprenante qui travaille comme nettoyeuse à domicile dans le cadre des titres service.
Bien que les astérisques donnent des informations supplémentaires censées le rendre plus
compréhensible, ce tableau est extrêmement complexe pour une personne non scolarisée.
Outre la compréhension du concept de double entrée, il requiert des opérations
mathématiques telles que le calcul d’intervalles, entre le chiffre au compteur avant et
après le trajet. Et cela se complique encore plus quand le travailleur doit déduire de cela
le trajet qui effectue pour conduire son enfant à l’école…

 Que ce soit pour lire un horaire de tram, remplir un horaire ou consulter un journal de
classe, ces tableaux sont omniprésents dans les actions les plus banales de la vie
quotidienne. Pour se débrouiller dans notre société, leur utilisation est une base
indispensable. En effet, notre société va toujours plus vers le cognitif, l’abstrait,
l’universel, l’écrit au détriment de l’affectif, du concret, du particulier et de l’oral.
Avant, si on voulait acheter un ticket de train, se renseigner sur un horaire, on allait au guichet.
Maintenant, tout nous pousse à utiliser des machines, qui demandent la maîtrise d’une foule
de connaissances au niveau du langage écrit, de l’espace et du temps.
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L’écrit comme gage de sécurité


Avec la multiplication de formalités administratives auxquels nous sommes sans cesse
soumis, on constate qu’à l’instar des unités de mesures de temps et d’espace, l’utilisation
de l’écrit, de catégories universelles, est vue comme un gage de sécurité : on est sûr de
garder une trace, on pense se prémunir des interprétations personnelles et affectives…
Et pourtant, si l’interlocuteur ne fonctionne pas sur les mêmes bases, c’est tout le
contraire qui risque de se passer !
Sur un chantier, on demande aux ouvriers de remplir une fiche récapitulative en fin de journée,
avec un espace réservé aux remarques. Ainsi, ils peuvent par exemple indiquer s’ils ont
constaté qu’une machine est défectueuse. Mais faiblement scolarisés, n’étant pas dans la culture
écrite, les ouvriers laissent généralement cette case vide… Un petit briefing de personne à
personne en fin de journée serait surement bien plus efficace pour pallier concrètement aux
problèmes rencontrés, même s’il n’en reste pas de trace écrite et archivable.

 Pour aller plus loin concernant le développement de l’administratif (privilégiant


donc l’abstrait, le cognitif, l’universel et l’écrit) au détriment des relations
interpersonnelles, et son lien avec la diminution des risques :

CASTEL Robert, De la dangerosité au risque in Actes de la recherche en sciences


sociales, Vol. 47-48, juin 1983, Éducation et philosophie, pp. 119-127.
Disponible en ligne :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-
5322_1983_num_47_1_2192
Extrait, p.119, concernant la médecine : «L’examen du patient tend à devenir l’examen de ses
dossiers, tels qu’ils ont été établis dans des situations diverses par des professionnels différents
(différents spécialistes) qui n’ont aucun rapport entre eux, si ce n’est pas l’intermédiaire de
la circulation des dossiers. […] Le moment synthétique du diagnostic n’est plus la relation
concrète avec la personne malade, mais le rapport établi entre les différentes expertises qui
constituent son dossier. Il y a là un passage de la présence à une mémoire, du regard au
stockage objectif de données. […] L’expertise ponctuelle et démultipliée prend le pas sur la
relation concrète médecin-malade. »
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 23 sur 38

ENSEIGNEMENTS ET PISTES D’ACTION TIRÉS DE CES RÉFLEXIONS

En tant que formateurs en alphabétisation, quels enseignements pouvons-nous tirer de ces


constats ? Que faire concrètement dans le cadre des cours ?

Patrick Michel et d’autres travailleurs du Collectif Alpha vous proposent quelques pistes à
explorer, à essayer de transposer dans la pratique quotidienne, et à enrichir de
nouveaux constats et réflexions.

A VOUS DE JOUER ! Nous vous convions, vous formateurs, à participer


à cette démarche et à nous faire part de vos expériences et
réflexions : [email protected]

Prendre du recul sur nos évidences


Il faut adopter une attitude de recul par rapport à nos propres évidences. Ce qui est
évident pour nous, personnes scolarisées, doit être mis en doute constamment dès qu’on
est face à une personne non-scolarisée. Sinon, on risque d’interpréter de façon erronée ce
que fait ou dit la personne, avec des conséquences négatives, plus ou moins graves :

- Cela peut rendre inefficace notre action (enseignement, aide sociale…)

- Cela peut avoir des conséquences dramatiques pour la personne : à l’Onem, à


l’Office des étrangers, au travail…

DEPASSER NOTRE INTERPRETATION DES ERREURS PAR LE DIALOGUE

Nous avons vu dans ce dossier l’importance du dialogue avec les apprenants pour mieux
comprendre ce qui nous semble être, de prime abord, une réponse erronée ou incongrue.

Sur la thématique de l’erreur, il existe bien des textes dans le domaine


pédagogique 14. On sait qu’il est important de l’utiliser dans le cadre des
apprentissages… Mais où se situe réellement l’erreur ? Chez l’apprenant qui
ne donne pas la réponse attendue au formateur ou chez le formateur qui ne
s’est pas fait comprendre ? Ou dans le fait que chacun croit que l’autre à la même vision
des choses que lui ?

14
Voir les ouvrages référencés dans notre catalogue en ligne sous le mot -clé « erreur » : www.cdoc-alpha.be
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 24 sur 38

La première série d’actions du formateur peut se résumer en 3 étapes :

1. Distance = Se rendre compte du décalage entre sa vision et celle de l’apprenant.

2. Dialogue = Poser des questions à l’apprenant sur les raisons de sa réponse.

3. Analyse = Comprendre la logique qui sous-tend la vision des choses de l’apprenant.

Voici 2 exemples de modèles d’analyse qui permettent de garder un petit


clignotant constamment allumé pour nous rappeler de « changer de
lunettes ».

Différentes approches sont donc possibles : évitons donc de troquer une


paire de lunettes pour une autre et de nous en tenir là.
… Essayons, combinons, adaptons…

Passer de la maison à l’école, du rond au carré


Patrick Michel a utilisé une grille de lecture (voir p.4) pour analyser
le mode de pensée de la personne non-scolarisée. Elle présente
celui-ci comme étant articulé autour de la primauté de l’affectif sur
le cognitif, de l’expérience particulière sur les langages codés
universalistes, du concret sur l’abstrait et de l’oral sur l’écrit.

C’est une adaptation de celle présentée par Anne Chevalier, de la CGé 15, elle-même
inspiré par les travaux de Danielle Mouraux autour du passage de la logique familiale,
qu’elle qualifie de « ronde », à la logique scolaire, qu’elle qualifie de « carrée ».

Cette approche, basée sur les études réalisées avec des classes de l’école maternelle, ne
sera pas abordée plus en profondeur ici, mais vous pouvez lire ses écrits :

- « Entre rondes familles et école carrée », De Boeck, 2012.

- « Entre rondes familles et Ecole carrée : le choc ?! » in Impolitique du TRACeS


n°180, Changement pour l’Egalité. 16

- « Entre rondes familles et Ecole carrée : quelles pratiques enseignantes ? » 17

15
Dans son intervention au colloque du Collectif Alpha « L’alphabétisation, c’est apprendre et changer » :
http://www.collectif-alpha.be/article260.ht ml
16
http://www.changement-egalite.be/spip.php?article983#.VFog BhbOUwo
17
http://www.changement-egalite.be/IMG/pdf/Pratiques_enseignantes.pdf
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 25 sur 38

La gestion mentale et le dialogue pédagogique


Une autre grille de lecture peut être celle de la gestion mentale. C’est-à-
dire l’étude des gestes mentaux : les « gestes » que l’on accomplit dans
notre tête (attention, mémorisation, compréhension, réflexion et
imagination). Pour permettre autant au formateur qu’aux apprenants à
découvrir ces gestes mentaux, il faut pratiquer le dialogue pédagogique.
Personne d’autre que nous ne peut savoir ce qui se passe dans notre tête
si on ne le dit pas. De plus, nous-mêmes n’avons pas spécialement l’habitude de
décortiquer ce qui se passe à ce niveau-là : le dialogue nous accompagne dans ce travail.

La gestion mentale offre une analyse très élaborée des différents modes de
fonctionnement mentaux qui rentrent en jeu dans tout apprentissage. Et ce
indépendamment de la culture, de la scolarité ou de l’environnement social (bien que
ceux-ci puissent encourager ou restreindre l’un ou l’autre penchant naturel).

C’est une piste à explorer, mais qui ne sera pas abordée plus en profondeur ici. Cependant,
il existe une abondante littérature sur le sujet, ainsi que des formations18.

COMPRENDRE … ET REPENSER NOS DEMARCHES PEDAGOGIQUES

Mieux comprendre l’apprenant n’est pas suffisant. On comprend maintenant qu’il y a


une faille : le formateur d’un côté, l’apprenant de l’autre. Cela évite d’y tomber, mais
comment se rejoindre ?

Le formateur doit utiliser cette nouvelle connaissance pour adapter son cours afin de
travailler sur les éléments qui coincent.
Dans les exemples cités plus haut (Le rapport au langage, p.16), on voit que les apprenants
n’ont pas spécialement de problème avec la matière que le formateur désire travailler par ces
exercices (la lecture, le pluriel, la négation…) mais bien avec le sens qu’ils donnent à ceux-ci.

Que faire alors en tant que formateur ? Quelques questions se posent :

- Trouver une autre matière de travailler ces matières qui fasse plus sens pour eux ?
… Sans pour autant rester coincés dans le concret et l’affectif…

- Travailler sur les notions d’« exercices » et d’« exemples » (en tant que situations
pédagogiques détachées de la réalité concrète et immédiate), afin qu’ils arrivent à
résoudre des exercices de manière abstraite ?
… Sans couper tout lien entre l’exercice et la mise en pratique en situation réelle …

18
If Belgique propose des outils, bibliographies et formations sur le sujet : http://www.ifbelgique.be
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 26 sur 38

Il existe également des pistes qui pourraient apporter des réponses à ces questions, mais
elles restent à explorer, adapter et tester…

Le sportif de « l’équipe Compréhension »


Un outil qui pourrait servir à transmettre la notion d’exemple et d’exercice
a été imaginée par les formateurs du Collectif Alpha de Saint-Gilles à partir
du jeu de cartes « l’équipe Compréhension »19. Celui-ci personnifie les
gestes mentaux mis en œuvre lors de la lecture. Ils ont imaginé un membre
de plus à cette équipe : « le sportif ». Il est lié aux moments où l’on lit pour
s’entrainer afin d’acquérir une certaine fluidité, tel le sportif qui fait des
pompes et des tractions pour être plus efficace par la suite. Cela permet
aux formateurs d’aider plus facilement les apprenants à identifier quand ils font des
exercices dans lesquels il ne s’agit pas de chercher un sens concret: « Maintenant, on va
entrainer son sportif.»

Partir du terrain de l’apprenant sans y camper


C’est ce que proposait Anne Chevalier (CGé) dans son intervention lors du
colloque du Collectif Alpha : « L’alphabétisation, c’est apprendre et
changer »20. Elle aborde la différence entre les apprentissages formels et
ceux du quotidien, et s’appuie sur les maths pour expliquer comment entrer
dans un langage écrit et abstrait.

Elle définit les étapes de l’apprentissage :

- Partir du terrain de l’apprenant, de ce qu’il connaît, de ce qu’il sait bien faire, de


ses stratégies, de ses expériences

- Mais sans y camper, c’est-à-dire en s’appuyant sur ce qui est connu de l’apprenant
pour aborder des situations complexes et des stratégies nouvelles.

- Amener les apprenants, dans une démarche collective, à réaliser des observations,
contradictions, comparaisons, analyses… afin de dégager des invariants qui
transcendent l’expérience concrète, de définir des concepts universels. C’est cela
qui débouche sur la maîtrise des codes et des langages symboliques.

19
Jeu basé sur les principes de la gestion mentale, développé par le projet européen Signesetsens sur la compréhension en
lecture. Téléchargeable : http://www.ifbelgique.be/site/index.php?option=com_content&task=view&id=111&Itemid=62
20
La vidéo de l’intervention et les actes du colloque sont disponibles en ligne : http://www.collectif-
alpha.be/article260.html
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 27 sur 38

Elle attire l’attention sur des éléments indispensables à l’apprentissage :

- Les obstacles et les erreurs doivent être rencontrés et non évités dans les
séquences pédagogiques : c’est ce qui permet de les dépasser.

- Prendre du recul sur ce qu’on a fait pour s’interroger sur ce qu’on a appris.

- Et au-delà de ça, se pencher sur le processus : « Comment avons-nous appris ? »


Identifier, verbaliser, nommer les étapes, les difficultés et les accomplissements.

- Valoriser les acquis plutôt que sanctionner les manques.

« Il importe donc de pointer la science, l’abstrait, l’universel derrière chaque découverte


issue des expériences particulières et affectives des apprenants.»

Danielle Mouraux

Mesurer l’ampleur de la tâche à effectuer


La connaissance du mode de pensée d’une personne non scolarisée nous conduit à mesurer
l’ampleur de la tâche à effectuer quand on se trouve dans un contexte de formation ou
d’accompagnement.

Cela permet de prendre du recul par rapport à un discours qui nous guette tous : celui de
la culpabilisation de l’analphabète. « Il n’apprend pas », « Il ne fait pas d’effort », voire
« Il se fout de nous », « Il nous raconte des cracks », « Il nous ment »,… Autant de phrases
qui nient le problème fondamental : s’il n’apprend pas et que nous considérons qu’il
raconte des mensonges, c’est parce que nous ne nous rendons pas compte que nous ne
parlons pas le même langage, que nous évoluons dans des registres différents !

Patrick Michel souligne qu’il est tout à fait illusoire de penser qu’en un an ou
deux on va permettre à des analphabètes de se mouvoir dans l’univers des
codes abstraits qui régissent la vie de notre société, alors que chacun de nous a
mis plus de dix ans à les maîtriser plus ou moins bien !

De plus, les personnes qui découvrent la culture scolaire et écrite à l’âge adulte font face
à d’autres difficultés que les enfants qui rentrent à l’école primaire.
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DIFFERENCES ENTRE LES ENFANTS ET LES APPRENNANTS EN ALPHA FACE A L’APPRENTISSAGE

Le processus de scolarisation formelle commence dès la première maternelle alors que


nous aurions tendance à penser que les cours d’alphabétisation s’apparentent ce qu’on
apprend en première primaire. C’est un « impensé de l’alpha », une évidence non remise
en cause, parce qu’elle n’est pas questionnée, parce qu’elle n’est pas « mise en pensée ».

C’est pourquoi nous allons passer en revue quelques différences entre les apprenants en
alphabétisation et les enfants face à l’apprentissage scolaire.

Les apprentissages scolaires, ça commence dès la maternelle


Lorsqu’ils rentrent en 1e primaire, bien des enfants ont déjà été scolarisés à l’école
maternelle. Contrairement à ce que laisse sous-entendre le terme « gardienne » parfois
encore utilisé à la place de « maternelle », il ne s’agit pas d’une « garderie » mais bien
d’un lieu d’apprentissage pour les tous petits enfants. C’est là qu’on leur apprend à « être
des élèves », qu’on les prépare aux concepts et processus utilisés à l’école, qu’ils vont
construire les attendus sociocognitifs de l’école.
En première maternelle, on habitue les enfants à utiliser des symboles : une image qui les
représente sur leur portemanteau, leur casier… Et on leur apprend à nommer ce concept, car
ils annoncent eux-mêmes : « Aujourd’hui, j’ai choisi mon symbole ! » (et pas « mon image » !).

Entre autres recherches sur les spécificités de l’apprentissage à l’école maternelle,


notons les rencontres « Pour que la maternelle fasse école », organisées depuis plus de 6
ans par le GFEN (Groupe Français d’Education Nouvelle), et dont les actes sont publiés
dans la revue Dialogue (n°154, 150, 134). Pour eux, il est important de travailler sur les
apprentissages de l’école maternelle, car « son rôle est fondamental pour faire accéder à
une posture d'élève, en particulier pour les enfants qui ne sont pas en connivence avec les
pratiques scolaires, ses modes de faire et de dire »21.

En Belgique, les registres de pensée mis en place par la scolarisation ont été étudiés par la
sociologue Danielle Mouraux. 22 Ses recherches mettent en évidence la différence entre le
fonctionnement de la famille, qu’elle qualifie de « ronde », et de l’école, « carrée », entre
l’ « enfant » et l’ « élève ». Ce modèle est utilisé dans l’analyse de sept séquences vidéo

21
http://www.gfen.asso.fr/actions/6e_rencontres_maternelle_2014
22
Voir les écrits de Danielle Mouraux : Entre rondes familles et école carrée, De Boeck, 2012 ; « Entre rondes familles
et Ecole carrée : le choc ?! » in Impolitique du TRACeS n°180, Changement pour l’Egalité : http://www.changement-
egalite.be/spip.php?article983#.VFogBhbOUwo et « Entre rondes familles et Ecole carrée : quelles pratiques
enseignantes ? » en annexe et http://www.changement-egalite.be/IMG/pdf/Pratiques_enseignantes.pdf
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 29 sur 38

de pratiques de classe, disponible en ligne sur le site de Changement pour l’Egalité


(CGé)23. Il y met en évidence que certaines pratiques favorisent l’entrée dans les
apprentissages scolaires, d’autres moins.

 Bien d’autres ouvrages et revues se penchent sur le sujet. Le secteur de


l’alphabétisation pourrait trouver là des pistes à explorer pour son travail avec des
adultes « qui ne sont pas en connivence avec les pratiques scolaires, ses modes
de faire et de dire ». Il faut cependant rester attentif aux différences entre un
petit enfant qui est en pleine construction de son rapport au monde et aux savoirs,
et un adulte qui a déjà construit ce rapport, mais de manière différente. En cours
d’alpha, il ne s’agit bien sûr pas de préparer l’apprenant à aller à l’école (bien
qu’on puisse le préparer à une formation qualifiante), mais plutôt lui donner
l’occasion d’acquérir des normes, concepts et modes de fonctionnement largement
utilisé dans la société où il vit, partagés par tous ceux qui ont été scolarisés.

L’utilisation des apprentissages hors du cadre scolaire


S’ils évoluent dans un milieu « lettré » (où l’écrit est utilisé quotidiennement), les enfants
sont déjà en contact permanent (depuis 6 ans !) avec l’écrit, l’abstrait, l’universel… ce
qui n’est souvent pas le cas des apprenants en alphabétisation.
Dans son ouvrage, « Entre rondes familles et école carrée » (De Boeck, 2012), où Danielle
Mouraux explique la différence entre le fonctionnement qui prévaut dans la famille (rond) et
dans l’école (carré), elle indique qu’il y a des familles avec plus d’éléments « carrés », dont les
enfants ont alors plus facile à appréhender le fonctionnement scolaire.

Le lien entre milieu social et école est également abordé dans les recherches du sociologue
Pierre Bourdieu. Il constate que les enfants de milieu aisé réussissent mieux que ceux de milieu
précaire, mais que ceux qui réussissent encore mieux à l’école sont les enfants de profs.

Le manque de pratique en dehors des cours d’alpha est un réel problème rencontré par
bien des apprenants. S’ils n’utilisent pas au quotidien les connaissances acquises, ils ne
progressent pas beaucoup. Nombre d’entre eux n’ont pas l’occasion de pratiquer, car ils ne
vivent pas dans un milieu « lettré ». Les seules interactions dans le domaine de l’écrit se
déroulent souvent lors de situations hautement stressantes et désagréables (démarches
administratives…), et non dans un cadre sécurisant et positif (famille, amis…).

23
http://www.changement-egalite.be/spip.php?article2720#.VFzsSBY086Y. Le document pdf de l’analyse contient les
liens vers les vidéos.
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 30 sur 38

Apprendre un nouveau mode de fonctionnement et prendre de la distance de l’ancien


Si les tous petits enfants apprennent énormément de choses en quelques années de vie,
c’est parce qu’on peut les comparer à une « page blanche » : ils mettent en place les
bases, en intégrant de nouvelles données, en créant des connexions.

 Ce principe de « connexions » se retrouve dans les neurosciences24, une autre piste


à explorer pour mieux comprendre les mécanismes de
l’apprentissage, au niveau biologique. En effet, du point de
vue neuroscientifique, l’acquisition d’une information se
matérialise par des modifications structurelles au sein des
réseaux cérébraux, par de nouvelles connexions entre les
neurones, ou par le renforcement de celles-ci.

Un adulte a donc déjà élaboré et renforcé de nombreuses connexions durant sa vie. Les
« défaire », les remettre en question n’est donc pas toujours évident.
En tant que formateur en alpha, on peut se rendre compte de la difficulté éprouvée pour prendre
de la distance de nos représentations lorsqu’on se retrouve face à la logique des apprenants.

Lorsque de nouveaux apprentissages contredisent les représentations ancrées chez une


personne, il se crée un conflit cognitif. La tension qui en résulte peut jouer un rôle
moteur dans l’élaboration de nouvelles structures cognitives, mais cela demande une
approche pédagogique qui tienne compte de l’expérience antérieure des apprenants et
mette l’accent sur la formalisation, la traduction en concepts généraux et universels…
[Les enfants] sont à l'âge où ils acquièrent ces catégories fondamentales du raisonnement.
Pour des adultes, il s'agit moins d'acquisition que de mise à jour, de renforcement et de
formalisation.25

Durant leur formation en alpha, les apprenants doivent donc non seulement acquérir une
nouvelle forme de structuration de la pensée mais aussi changer, prendre de la distance
avec leur mode de fonctionnement habituel. C’est là toute la difficulté de leur
apprentissage, qui demande un accompagnement pédagogique spécifique et réfléchi.

24
Lire plus au sujet des neurosciences : GAUSSEL Marie ; REVERDY Catherine, Neurosciences et éducation : la
bataille des cerveaux, Dossier veille de l’IFE n°86, sept. 2013. Téléchargeable sur : http://ife.ens-
lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=86&lang=fr
25
Calcul et raisonnement mathématique, CLAP, 1979, retranscrit et actualisé par le Groupe de Travail Maths de Lire et
Ecrire en Communauté Française, mars 2012, p.6
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 31 sur 38

Impact des contraintes de la vie d’adulte sur l’apprentissage


Une dernière différence, de taille, entre l’adulte et l’enfant face à l’apprentissage, c’est
leur disponibilité. Là où on ne demande à l’enfant que d’aller à l’école et jouer (ce qui est
une manière d’ancrer ses apprentissages), l’attention et l’énergie de l’adulte sont
accaparées par toute une série de contraintes (familiales, économiques, ménagères,
administratives…) Dans la situation précaire où vivent bon nombre d’apprenants en alpha,
le stress généré par celles-ci peut causer un véritable handicap à l’apprentissage. C’est
pourquoi certaines structures, comme le Collectif Alpha, ont mis en place des agents
d’accueil qui peuvent aider les apprenants à faire face aux difficultés rencontrées.

J’ai envie de faire un texte mais j’ai un peu de problèmes à la maison en ce moment. Donc
je ne peux pas faire bien en ce moment. Même écrire un bon texte, je crois que je ne peux
pas faire ça. Donc j’arrête là. (Un apprenant)
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 32 sur 38

Récapitulatif des pistes et références à explorer

Tout au long de ce dossier, différentes pistes à explorer ont été mentionnées, sans entrer
dans les détails (chacune d’elle mériterait un dossier complet). Voici un récapitulatif de
celles-ci, assorti de références bibliographiques.

Ce n’est pas une liste exhaustive : vous êtes libres d’y ajouter vos suggestions et de
nous en faire part : [email protected]

APPRENDRE A DEVENIR ELEVE

C’est à l’école maternelle que l’enfant apprend à devenir élève, c’est-à-dire à construire
les attendus sociocognitifs de l’école, à découvrir les concepts, processus et normes en
vigueur dans une société scolarisée.

Entre rondes familles et école carrée ... l'enfant devient élève / MOURAUX Danielle, De
Boeck, 2012.
Cote : ENS SOC mour
Mots-clés : RELATION ECOLE ET FAMILLE ; SOCIOLOGIE ; MILIEU INSTITUTIONNEL ;
PSYCHOLOGIE DE L'APPRENTISSAGE
Des pistes et des outils destinés à éclairer les acteurs de l'éducation, professionnels et parents au sujet des
relations entre l'École et les Familles et à les aider à prendre conscience de ce qui s'y joue.
 Voir aussi, du même auteur, l'article dans l’Impolitique du TRACeS n°180 : Entre rondes familles et
Ecole carrée : le choc ?! http://www.changement-egalite.be/spip.php?article983#.VCJzbxbegwo
Et Entre rondes familles et Ecole carrée : quelles pratiques enseignantes ?
http://www.changement-egalite.be/IMG/pdf/Pratiques_enseignantes.pdf

Apprendre en maternelle – 2013. Dépasser la bienveillance / GROSJEAN Sandrine, CGé.


http://www.changement-egalite.be/spip.php?article2720#.VFzwORY086Z
« Les apprentissages en maternelles servent de fondation à toute la scolarité. C’est là que les enfants sortis
de leur univers familial se transforment en élèves apprenants. Pour ce faire, il est indispensable que les
adultes qui les encadrent soient conscients des passages nécessaires. Faute de quoi, les enfants dont les
familles sont éloignées de la culture scolaire risquent de passer à côté des attitudes indispensables pour
apprendre, creuset des inégalités scolaires.
Dans cette étude, nous avons tenté de mettre en lumière des pratiques de classe qui influencent ce pa ssage
de l’enfant à l’élève, au-delà de la bienveillance des institutrices. Sept séquences trouvées sur la toile ont
été analysées sous cet angle et ont permis de mettre en évidence que certaines pratiques favorisent l’entrée
dans les apprentissages scolaires, d’autres moins. »
 Voir aussi, du même auteur, l’intervention dans le colloque du Collectif Alpha « L’alphabétisation,
c’est apprendre et changer » : Partir du terrain de l’apprenant sans y camper (vidéo de
l’intervention et actes du colloque : http://www.collectif-alpha.be/article260.html
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 33 sur 38

Dialogue n°154, 150, 134 : « Pour que la Maternelle fasse école » / GFEN (Groupe
Français d’Education Nouvelle), oct. 2014, oct. 2013, oct. 2009.
Actes des colloques organisés par le GFEN. « Il est important de travailler sur les apprentissages de l’école
maternelle, car « son rôle est fondamental pour faire accéder à une posture d'élève, en particulier pour les
enfants qui ne sont pas en connivence avec les pratiques scolaires, ses modes de faire et de dire »

La maternelle. Première école. Premiers apprentissages / PASSERIEUX Christine,


Chronique sociale, 2009.
Cote : PEDA APPRT pass
Mots-clés : PHONETIQUE ; APPRENTISSAGE ; DEVELOPPEMENT COGNITIF ; VIE SCOLAIRE ;
LANGAGE ; MATHEMATIQUES ; SCIENCES ; FORMATION DES ENSEIGNANTS ; AUTO-SOCIO
CONSTRUCTION DU SAVOIR
Cet ouvrage intéressa le formateur alpha pour la réflexion et les propositions pratiques sur l'école comme lieu
d'apprentissage et lieu de socialisation. Il montre, entre autres, "que l'entrée dans le scolaire n'est ni
immédiate ni spontanée et nécessite un travail dans la durée mené par des professionnels, ayant eu une vraie
formation. Ce travail doit prendre en compte les enfants dans leur diversité tout en leur donnant les outils
nécessaires pour appréhender le milieu scolaire et ses particularités. Dans différents domaines
d'apprentissage, les propositions pédagogiques ouvrent des perspectives quant aux activités à mettre en
oeuvre dans l'affirmation d'une conception culturelle des apprentissages scolaires et d'une véritable ambition
pour tous."
 Voir aussi les autres ouvrages de notre rayon PEDA APPRT : Apprentissage(s)

Le français comme langue de scolarisation : Accompagner, enseigner, évaluer, se


former / KLEIN Catherine, Scérén, 2012.
Cote : O THEO klein
Mots-clés : FLE; PRIMO-ARRIVANT; ANALYSE DE PRATIQUES; BILINGUISME; ENSEIGNEMENT
DES LANGUES
Ce volume cherche à définir les usages spécifiques de la langue française à l’école. Loin de prétendre à
l’introduction d’une nouvelle discipline, l’appellation « français langue de scolarisation » (ou « FLSCO »)
rappelle qu’il existe des discours, des lexiques propres aux différentes disciplines, un langage des consignes,
ou encore un implicite des codes scolaires, dont la méconnaissance constitue pour un grand nombre d’élèves
un obstacle insurmontable sur la route de la réussite. Après une mise en place des « fondements et contextes
» de la discipline, une place de choix a été accordée à la question de la politique d’établissement, propre à
assurer la mise en place d’un continuum d’apprentissage du français pour « accompagner les élèves ». Le
cœur de l’ouvrage concerne la didactique de la discipline, « enseigner et évaluer », et la préparation au
métier d’enseignant, « se former ». Chacun, professeur, formateur ou simple usager de la langue française,
trouvera matière à apprendre, à actualiser ses connaissances, à innover dans s es pratiques pédagogiques.

LA GESTION MENTALE

L’étude des « gestes » que l’on accomplit dans notre tête, et qu’on ne fait pas tous selon
la même logique. La technique du dialogue pédagogique permet d’identifier les manière s
dont l’interlocuteur appréhende les choses.

If Belgique : http://www.ifbelgique.be/
Association qui propose des outils, bibliographies et formations sur le sujet.
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 34 sur 38

La gestion mentale : Un autre regard, une autre écoute en pédagogie / EVANO Chantal,
Nathan, 1999.
Cote : PEDA COGN eva
Mots-clés : GESTION MENTALE ; STRATEGIE D'APPRENTISSAGE
Téléchargeable (épuisé en librairie) : http://gestion-mentale.ch/?page_id=877
La gestion mentale constitue une approche efficace pour aider à rechercher l'origine des incompréhensions et
blocages vécus en classe. L'inventaire des habitudes mentales contractées par chacun depuis son enfance
permet de mieux se connaître, de prendre conscience de ses points forts et de ses limites et d'en tenir
compte. Cet ouvrage propose donc aux enseignants de découvrir leur propre " profil pédagogique " et d'aider
leurs élèves à faire de même, pour que tous apprennent à pleinement utiliser leurs potentialités.

L’équipe Compréhension / Signeetsens, IF Belgique


Cote : L PRAT
Mots-clés : GESTION MENTALE ; APPRENTISSAGE DE LA LECTURE
Téléchargeable :http://www.ifbelgique.be/site/index.php?option=com_content&task=view
&id=111&Itemid=62
Ce jeu de 7 cartes est un outil de gestion mentale sur les compétences essentielles pour faire du sens à partir d’un texte. Il a
été développé par le projet européen Signesetsens sur la compréhension en lecture (http://signesetsens.eu/ ).

LES NEUROSCIENCES

Dans l’étude des mécanismes d’apprentissage du point de vue neuroscientifique,


l’acquisition d’une information se matérialise par des modifications structurelles au sein
des réseaux cérébraux, par de nouvelles connexions entre les neurones, ou par le
renforcement de celles-ci.

Comprendre, apprendre, mémoriser. Les neurosciences au service de la pédagogie /


STORDEUR Joseph, De Boeck, 2014
Partir des connaissances en matière de neurosciences pour améliorer les pratiques pédagogiques au service
de l'apprenant: voici le défi ambitieux relevé par cet ouvrage. La première partie expose quelques données
de base à propos du fonctionnement neuronal et propose quelques règles de méthodologie élémentaire qui
en découlent. La seconde partie approfondit des domaines spécifiques comme la perception, les
représentations, le langage, la lecture, la numération, la motivation… La troisième partie propose quelques
démarches pédagogiques en cohérence avec les hypothèses dégagées et qui font la preuve de leur efficacité
dans les classes qui les pratiquent au jour le jour. Les neurosciences permettent de sélectionner des
pratiques pertinentes parce qu’elles correspondent aux processus utilisés pour comprendre, apprendre et
mémoriser (et notamment de percevoir la différence entre ces trois phénomènes). Elles permettent aussi
d’approcher les structures utilisées par notre cerveau pour stocker les compétences maitrisées aussi bien du
point de vue des savoirs que des savoir-faire.
 Voir aussi les formations données par l’auteur, orthopédagogue, notamment durant les Rencontres
Pédagogiques d’Eté de Changement pour l’égalité (CGé)

Neurosciences et éducation : la bataille des cerveaux / GAUSSEL Marie ; REVERDY


Catherine, Dossier veille de l’IFE n°86, sept. 2013. [Ressource virtuelle] Téléchargeable
Mots-clés : DEVELOPPEMENT COGNITIF ; APPRENTISSAGE
http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=86&lang=fr
Ce dossier aborde la manière dont les neurosciences appréhendent l'apprentissage, notamment à travers les
recherches qui portent sur le développement cognitif des enfants. Au cœur de domaines très divers comme la
biologie, la psychologie, la médecine, l'informatique, la sociologie ou la philosophie, les études sur le cerveau
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 35 sur 38

apportent des éléments de réponse aux mécanismes de construction des connaissances par les élèves, des
pistes de recherche sur l'origine de certains troubles de l'apprentissage et permettent d'envisager les enjeux
liés à la petite enfance sous un nouvel angle. Ce dossier évoque également les répercussions issues de la
fascination et du pouvoir « scientifique » qu'exerce la neuro-imagerie sur le public, les enseignants et les
décideurs, avec par exemple la volonté de certains neuroscientifiques de transférer les résultats de leurs
recherches en salle de classe et de former les enseignants aux méthodes pédagogiques les plus efficaces.
Cette « neurophilie » peut également être à l'origine de mauvaises interprétations des résultats de
recherche, appelées ici neuromythes.

L’ABSTRACTION

Les apprentissages scolaires demandent de passer du concret à l’abstrait, c’est-à-dire de


prendre du recul par rapport à la pratique effectuée pour en retirer des concepts et des
processus plus généraux et universels. C’est sur l’apprentissage de l’abstraction que Britt-
Mari Barth s’est penchée. Jean-Pierre Terrail quant à lui remet en cause la vision
scriptocentriste selon laquelle la faculté d’abstraction n’existerait pas dans les sociétés
basées sur l’oral.

L'apprentissage de l'abstraction : Méthodes pour une meilleure réussite de l'école /


BARTH Britt-Mari, RETZ, 2001,
Cote : PEDA COGN bart
Mots-clés : DEVELOPPEMENT COGNITIF ; STRATEGIE D'APPRENTISSAGE ; PENSEE LOGIQUE ;
ABSTRACTION ; CONCEPTUALISATION
" Ce ne sont pas les matières qu'on leur enseigne que les élèves ne comprennent pas, mais les leçons qu'on
leur donne. " Cette réflexion de Piaget est particulièrement vraie dans le domaine de l'abstraction, pourtant
à la base de la majorité des programmes scolaires et de notre vie professionnelle. En fait, les processus
cognitifs fondamentaux se développent très tôt chez l'enfant, avant même la scolarité. Encore faut-il que
l'école permette leur progression et leur épanouissement ; or, trop souvent, l'absence d'une pédagogie
appropriée aboutit à un blocage des potentialités intellectuelles de l'élève.
Le cadre conceptuel de cet ouvrage est issu de la psychologie cognitive, notamment des travaux et des
théories du grand psychologue Jérôme Bruner. Mais il s'appuie aussi sur d'autres disciplines :
neuropsychologie, linguistique, intelligence artificielle. Après des recherches et des enquêtes pédagogiques
auprès des élèves du primaire et du secondaire aux États -Unis et en France, l'auteur a expérimenté, en
classe, son " apprentissage de l'abstraction " ; puis elle a formé des groupes d'enseignants. Son ouvrage ne se
limite donc pas à un exposé théorique : de nombreuses pages sont consacrées à des cas réels et à des
exemples concrets.
La démarche proposée permet de rompre avec un enseignement magistral, qui souvent n'implique pas
intellectuellement l'élève, et ne lui apporte pas toujours un apprentissage significatif. Elle incite aussi les
pédagogues à mettre en œuvre des situations d'apprentissage variées qui permettent à un plus grand nombre
d'élèves de construire leur savoir eux-mêmes tout en leur donnant une formation au raisonnement.
Cet ouvrage s'adresse à des enseignants en poste, en formation initiale ou conti nue, aux formateurs
d'enseignants, aux orthophonistes et autres éducateurs spécialisés. Il intéressera quiconque désire mieux
comprendre les processus d'apprentissage - y compris les parents, ou les formateurs en alphabétisation.

De l'oralité : Essai sur l'égalité des intelligences/ TERRAIL Jean-Pierre, La Dispute, 2009.
Cote : DIV SC-HUM
Mots-clés : DISCRIMINATION EN EDUCATION ; RELATION ECOLE ET FAMILLE ; CULTURE DE
L'ECRIT ; PENSEE ; LINGUISTIQUE ; PSYCHOLOGIE DE L'APPRENTISSAGE ; SOCIOLOGIE DE
L'EDUCATION ; RELATION ORAL ECRIT
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 36 sur 38

Ce qui intéresse l’auteur, c’est tout ce dont la pensée humaine est capable quand elle ne dispose pas du
support de l’écriture. Il se propose d’examiner les ressources intellectuelles liées à l’oralité en positif et non,
comme c’est souvent le cas, en négatif par rapport à l’écriture, c’est-à-dire comme ne disposant pas des
pouvoirs conférés à la pensée par l’écrit. Outre la critique de l’ethnocentrisme et du scriptocentrisme, il
s’attaque à l’impensé de la « théorie du handicap socioculturel », principale légitimation des inégalités
scolaires. Il démontre que, même en l’absence de la moindre compétence en matière d’écriture, tout sujet
parlant maîtrise l’abstraction, le raisonnement logique et la réflexivité. Adoptant une démarche
pluridisciplinaire (recherches de terrain, ethnologie, histoire, sociologie, psychopédagogie, linguistique), il
défend l’égalité des intelligences et le principe du « tous capables ».

LES REPERES SPATIO-TEMPORELS

Les repères spatiotemporels universels et abstraits sont une construction de l’homme, et


résultent d’un choix délibéré de privilégier certaines unités de mesures, certaines
modalités de représentation plutôt que d’autres… C’est pourquoi leur utilisation nécessite
un apprentissage. D’autres manières de voir les choses sont possibles.

L’espace

Les illettrés et l'espace graphique / GIRODET Marie-Alix; FRAENKEL Béatrice, CEPI, 1989.
[Ressource électronique sur notre catalogue en ligne : www.cdoc-alpha.be ]
Mots-clés : SPATIALISATION; ECRITURE
Les illettrés éprouvent de grandes difficultés à appréhender les normes graphiques et l’organisation spatiale
des données fournies par de nombreux documents de la vie courante : tickets de caisse, plans, tableaux à
double entrée... Une hiérarchisation pédagogique des compétences des illettrés et des analphabètes est
possible sur le critère de maîtrise de l’espace graphique.

La représentation de l'espace chez le Marocain illettré / BOUGHALI Mohamed; TILLION


Germaine, Afrique Orient, 1988.
Cote : PEDA COGN boug
Mots-clés : SPATIALISATION; INTERCULTUREL; ETHNOLOGIE; MAROC; REPRESENTATION DE
L'APPRENTISSAGE
En se mettant à l’écoute de la mentalité traditionnelle marocaine, l’auteur veut dépasser une approche
culturocentriste de la société étudiée. Certains groupes utilisent en effet une voie autre que celle attendue
pour traduire leur conception du monde. Il s’attèle à discerner les mécanismes mentaux du marocain illettré,
notamment en démontrant l’importance que prend la dimension spatiale dans les comportements et les rites
de passage. Ensuite il fait une analyse psychosociale es représentations graphiques de l’espace. Il s’intéresse
également à la socialisation de l’enfant marocain, afin de découvrir les raisons des manifestations magiques
dans la représentation de l’espace chez le marocain illettré.

Le fil d’Ariane. Résumé des relations homme/environnement / LEROY Claude, site web
de la Ligue Française de Santé Mentale, 2005.
En ligne : http://www.lfsm.org/ariane/
Ce texte a pour ambition de présenter une vue synthétique des relations de l’homme avec son environnement
en développant les processus de la construction du réel par le sujet. C’est une étude d’éco -éthologie
humaine, discipline transversale qui a le mérite de pouvoir croiser de nombreuses connaissances sur le
« fonctionnement des hommes par rapport à leur milieu », enrichie d’une compilation de divers travaux de
référence de multiples auteurs d’autres spécialités. Une comparaison des comportements dans diverses
cultures permet d’affirmer que le fonctionnement de chaque homme est unique à travers des processus
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 37 sur 38

relationnels identiques pour tous. Ce sont ces processus qui sont décrits, et qui permettent à chacun de se
poser des questions sur ses connaissances. On ne trouvera dans ce travail aucune « recette de cuisine » mais
des ouvertures.

S'orienter dans le quartier : l'itinéraire et le plan/ Collectif Alpha, 2011.


Cote : T VPRAT MALLE
Mots-clés : SPATIALISATION
Téléchargeable : http://www.collectif-alpha.be/rubrique204.html
Cette mallette sur l'orientation a pour objectif de jeter un pont entre la façon personnelle dont l'apprenant
vit l'espace et les notions d'espace en vigueur dans la société où il vit. Les démarches présentées se limitent à
aborder l'orientation dans un environnement proche, ce qui permet de se focaliser sur les bases : d'une part
l'acquisition du vocabulaire spatial afin de pouvoir expliquer un itinéraire simple, et d'autre part la
représentation graphique de l'itinéraire, en dessinant, lisant et utilisant un plan, ce qui permet de se
familiariser avec la " vue d'en haut " et la schématisation.

Le temps

Elaboration-construction d'une ligne du temps. Introduction à la perception du temps


historique / Collectif Alpha, 2008
Cote : APEDA MALLE lign
Mots-clés : HISTOIRE; TEMPS(MESURE)
Téléchargeable : http://www.collectif-alpha.be/rubrique147.html
Aborder des problématiques en Histoire implique nécessairement une prise en compte des opinions et des
représentations des participants. En effet, notre vision à tous (y compris celle des formateurs) est forgée à
partir de croyances, histoires de vie, valeurs morales, habitudes sociales, traditions, etc., ce qui influence
inévitablement nos représentations de l'Histoire. De ce fait, notre rôle en formation est d'en faire prendre
conscience et d'amener les participants à mettre en contexte les questions abordées. Au cours de cet
apprentissage, nous serons particulièrement attentifs à la perception du temps hi storique de chacun ; une
conception qui varie d'un continent à un autre, d'une culture à une autre. En occident, on se représente
l'Histoire au moyen d'une ligne du temps sur laquelle défilent des dates par ordre chronologique. Dans
d'autres cultures, l'histoire s'inscrit dans un temps cyclique.
Dans cette mallette, les démarches pédagogiques introduisent les participants à la conception linéaire du
temps, une notion essentielle à la compréhension de notre société et de l'Histoire telle qu'elle est relatée en
Occident.

Calendrier et Fêtes / Collectif Alpha, 2006.


Cote : T MALLE cale
Mots-clés : LAICITE; RELIGIONS; TEMPS(MESURE); INTERCULTUREL
Téléchargeable : http://www.collectif-alpha.be/rubrique107.html
Nous avons choisi pour cette mallette le thème de la lecture du calendrier, en relation avec les fêtes
religieuses et laïques. Pourquoi ce choix ? Notre proposition : découvrir la perception de l'écoulement du
temps qui existe chez chacun, en affiner la représentation, fournir un thème de débat dans le cadre de
relations interculturelles et aborder la notion de laïcité. En effet, pour beaucoup d'entre nous, participants
comme formateurs, l'année est scandée par les fêtes et événements d'ordre privé, public, religieux. Pas
toujours les mêmes fêtes, pas toujours aux mêmes dates ! Nous pouvons donc, à partir de notre quotidien et
de nos expériences, aborder de multiples questionnements historiques, géographiques, scientifiques,
sociétaux….
L’analphabétisme et ses conséquences cognitives Page 38 sur 38

ANALYSES DE L’ILLETTRISME

Quelques analyses de l’illettrisme : une base pour aller plus loin…

Analyse cognitive et linguistique de l'illettrisme : bilan des études et implications pour


la formation / ESME Elsa, NANTES Nicolas, DELLIAUX Christine, INETOP, 2014. [Ressource
électronique, aussi en ligne sur : http://osp.revues.org/3516 ]
Mots-clés : DEVELOPPEMENT COGNITIF ; ALPHABETISATION ; LANGUE
L’objectif de cet article est de présenter un bilan des études qui ont porté sur l’analyse des capacités
cognitives et linguistiques associées aux difficultés de lecture des adultes illettrés fonctionnels, c’est-à-dire
des adultes qui n’ont pas réussi à apprendre à lire et à écrire malgré des années de scolarité. Trois questions
sont posées : 1) comment se caractérisent les difficultés d’accès à la langue écrite des adultes illettrés ? 2)
leurs difficultés à l’écrit sont-elles liées à des déficits cognitifs et/ou de langage oral susceptibles d’expliquer
l’échec de l’apprentissage ; 3) quelles sont les implications de ces évaluations pour la formation des adultes
illettrés en vue d’une insertion socio-professionnelle ?

Qui est illettré ? : Décrire et évaluer les difficultés à se servir de l'Ecrit / BESSE Jean-
Marie, PETIOT-POIRSON Karen, PETIT CHARLES Emanuèle, RETZ, 2003.
Cote : EVA PRAT bess
Mots-clés :
Trois parties à cet ouvrage de synthèse :
1. A la rencontre des personnes en difficulté sur l'écrit ;
2. Caractéristiques des personnes en difficulté sur l'écrit ;
3. Sortir de l'illettrisme et une importante bibliographie et liste de documents.
L'auteur y présente une méthode originale : le DMA : diagnostic des modes d'appropriation de l'écrit

BARRE-DE MINIAC Christine, LETE B. (INRP), L'illettrisme : De la prévention chez l'enfant


aux stratégies de formation chez l'adulte, De Boeck & Larcier, 1997.
Cote : APEDA THEO barr
Mots-clés :
Cet ouvrage propose une analyse théorique et scientifiquement fondée des situations d'illettrisme et des
actions de luttes et de prévention en s'appuyant sur les recherches les plus récentes. Articulant théorie et
pratique, il montre et explique la complexité des processus psychologiques et socio-culturels sous-jacents à
l'accès, à l'appropriation et à la mobilisation de l'écrit envisagé sous l'angle de la lecture, de l'écriture et du
calcul. Trois angles abordés : définition de l'illettrisme; prévention chez l'enfant; adultes illettrés .

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