Remfo 2022
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Résumé
Ce travail s’inscrit dans la logique des recherches sur les spécificités du management et de la gestion
des entreprises en Afrique subsaharienne en général et au Cameroun en particulier. Il aborde la
problématique de l’influence de la culture locale sur le choix des sources de financement. L’étude
s’appuie sur une enquête portant sur 725 entrepreneurs des petites entreprises des villes de Douala et
Yaoundé au Cameroun. Les résultats établissent un poids négatif de la culture (les facteurs esprit de
famille et esprit de partage) dans le choix des sources formelles et un impact positif pour les sources
informelles. Ainsi, dans le contexte camerounais, les institutions informelles contribuent mieux à
réduire les incertitudes et apportent plus de prévisibilité dans les relations entre les entrepreneurs et les
institutions de financement.
Mots-clés : Culture, Institutions informelles, Sources de financement, Entrepreneur, PME.
Abstract
This work is part of the logic of research on the specificities of management and business management
in sub-Saharan Africa in general and in Cameroon in particular. It addresses the issue of the influence
of local culture on the choice of funding sources. The study is based on a survey of 725 entrepreneurs
from small businesses in the cities of Douala and Yaoundé in Cameroon. The results establish a
negative weight of culture (the family and spirit of sharing factors) in the choice of a formal source of
funding and a positive impact for informal sources. Thus, in the Cameroonian context, informal
institutions better contribute to reducing uncertainties and bring more predictability in the relations
between entrepreneurs and financing institutions.
Keywords: Culture, Informal institutions, Sources of finance, Entrepreneur, SME.
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Introduction
Selon diverses sources littéraires, les difficultés d'accès aux financements sont le premier
obstacle au développement de l’entrepreneuriat en Afrique (GEM, 2014 ; Banque Mondiale,
2019) et particulièrement des petites entreprises (PE). L’entrepreneur et ses projets sont, en
effet, bloqués par l’insuffisance des ressources propres. Et les solutions de financement
externe ne sont pas acquises car, soumises à diverses réalités et contraintes :
La quasi virtualité des marchés financiers (Kauffmann (2005) ;
La très timide percée du crowdfunding (Abate et Fouda, 2020) ;
L'inadéquation du système bancaire (Derreumaux, 2009), réfractaire au risque PME
(Ngongang, 2015) et conséquemment en surliquidité (Doumbia, 2011) ;
Le changement de l’orientation des IMF qui ont abandonné leurs missions initiales
d’inclusion financière pour rapprocher leurs offres de celles des banques (Messomo,
2017) ;
Et les tontines malgré un encrage sociologique établi (Kemayou et al., 2011) n’ont pas
assez de ressources pour accompagner les entreprises (Kauffmann, 2005).
A côté de ces caractéristiques de l’offre de financement, il semble également qu’il y ait des
différences géographiques dans la demande et notamment la mobilisation des sources à
travers le monde (Pollin, 2010). Ainsi, selon Nahmias (2015), en 2009-2010, 70 % du
financement des entreprises de la zone euro est d’origine bancaire « de l’ordre de 45 % en
Autriche, de 35 % en Belgique, Allemagne et Pays-Bas et seulement de 20 % en France. Aux
États-Unis, à l’inverse, les entreprises se financent à 80 % auprès des marchés (sans
intermédiaire ». Et en Afrique, les entreprises de petites tailles préfèrent de loin recourir aux
sources de financement informel (tontine) et semi formelles (les IMF) (GEM, 2016). Ces
éléments permettent alors de conclure que, les personnes provenant de cultures différentes ont
des comportements différents face aux choix des outils de gestion.
En effet, si la culture est une programmation mentale (Hofstede 1991) qui conditionne la
façon dont les acteurs résolvent les problèmes communs à l’humanité (Schein, 2004) et si les
dimensions culturelles révélées dans divers travaux permettent d’établir les différences entre
les cultures, alors la localisation géographique est une dimension importance dans l’éclairage
de ces différences.
Cependant, la littérature est dominée par la perspective théorique explicative qui considère
que les petites entreprises en Afrique font face à un marché du crédit formel qui est
globalement offreur (Cieply et Paranque, 1998) et dans lequel ils doivent simplement adhérer
aux conditions imposées par les institutions sinon, elles sont exclues. Toutefois, bien que
fournissant des repères importants pour la compréhension des causes de la désaffection des
instituions de financement formel pour les PME, cette approche semble incomplète.
En effet, à ce jour, elle n’a pas permis d’avoir une théorie universellement reconnue, capable
d’expliquer adéquatement les choix de financement dans les pratiques de gestion, d’autre part.
Il faut donc explorer de nouvelles grilles explicatives. Aussi, considérant qu’il n’est question
de financement que pour celui qui en exprime le besoin, « la première démarche à
entreprendre pour obtenir un crédit est de procéder à une demande » (Kenfack, 2016), Bita et
al. (2017) suggèrent alors que « les causes de ce blocage du financement peuvent également
être recherchées du côté de demandeurs de crédit eux-mêmes ». Aussi, nous postulons qu’on
ne peut mieux comprendre les préférences de financement de l’entrepreneur qu’en examinant
son point de vue sur le marché du crédit.
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Dans ce sens, dans le sillage des tenants des approches qui montrent que les valeurs
culturelles sont aptes à influencer la vie de l’entreprise en général (Granovetter 1973), divers
auteurs soutiennent que les actes et les comportements des entrepreneurs doivent être
expliqués en les situant dans leurs contextes spécifiques (Tounés, 2003). Ainsi, la culture
nationale est devenue un élément important pour expliquer et comprendre les comportements
(Hofstede, 1980). Brasseur (2008), dans cette logique, montre que les manières de gérer les
entreprises varient en fonction des particularités nationales. Cette logique a d’ailleurs produit
de nombreux résultats importants dans divers domaines des sciences de gestion (notamment
en marketing et en gestion des ressources humaines).
Aussi, étendre la réflexion en vue d’identifier des facteurs culturels favorables ou
défavorables aux choix des sources de financement, au sein des espaces socioculturels
africains, nous semble opportun. Notamment, parce que, la littérature insiste sur le fait que
l’une des difficultés des entreprises africaines et que les outils de gestion moderne, sources de
financement formelles, ne sont pas adaptés aux pratiques culturelles en vigueur dans ces
communautés. Or, si la notion de communauté au plan cultuel peut recouvrir diverses
dimensions notamment selon Srnka et al., (2006) : internationale, régionale, nationale, voir
ethnique. Dans le cadre de cette recherche c’est la communauté nationale qui a été retenue
comme unité culturelle d’analyse.
En effet, le lien entre la culture locale et le recours au marché financier, dans notre contexte
d’étude, est mis en évidence notamment par Tchapga Djeukui et Feudjo (2016). Ces auteurs
soutiennent que les modes de financement des entreprises camerounaises sont encore
fortement marqués par la culture locale et que cela est l’une des raisons pour lesquelles les
entreprises camerounaises sont dans la situation paradoxale d’être en carence de financement
alors qu’il y a une sous-utilisation de l’épargne qui est parfois oisive dans les comptes créant
pour les banques une situation de surliquidité. Tchapga Djeukui et Feudjo (2016) indiquent
que, les entrepreneurs camerounais préfèrent conserver un lien privilégié avec une banque de
proximité ou avec un réseau professionnel ou identitaire au détriment des marchés financiers
caractérisés par une exigence de transparence.
Au regard de cette littérature, il semble alors que dans le contexte africain, les facteurs
culturels sont un poids négatif pour le recours aux sources de financement formel et un
élément pertinent dans l’explication de la préférence pour les sources de financement
informel. Toutefois, il ressort que l’une des faiblesses relevées dans les approches
d’explication structurelle des caractéristiques culturelles des sources de financement est
l’absence d’une base large et solide de vérification empirique de leur validité. Aussi, nous
inscrivons cette étude dans la logique des contributions aux explications des spécificités
managériales africaines. Il s’agit d’une part, de mettre en évidence les facteurs de la culture
nationale (mécanismes ou moyens d’influence) et d’autre part, le sens (manière) de
l’influence (positive ou négative).
Cet article est structuré en quatre sections. Dans la première, nous fixons le cadre de théorique
explicatif de notre recherche. Dans la deuxième on aborde les aspects méthodologiques. Dans
la troisième, nous présentons les résultats. Et enfin la quatrième, est consacrée à la discussion.
I. CADRE THEORIQUE
Au regard de la problématique retenue, notre cadre théorique repose sur deux concepts : la
culture nationale (1.1) et le système d’endettement dans le contexte africain (1.2).
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d’une société reflète la complexe interaction des valeurs, des attitudes et des comportements
de ses membres » (Adler, 1994, p. 17). De même, en comparant les dimensions de la culture
nationale de Hofstede (1990) entre les pays africains et les autres pays, nous remarquons que
les pays africains semblent avoir une homogénéité par rapport au score de la dimension
individualisme (IDV) qui est faible, traduisant la dimension communautaire des pays
africains. Contrairement, les pays occidentaux semblent plus orientés vers l’individualisme
avec un score élevé pour cette variable. Les autres dimensions ne montrent pas une
démarcation significative des pays africains.
Or, si la tradition communautaire est présentée comme l’une des caractéristiques primordiales
du fonctionnement des entreprises africaines (Simen et Ebene Nkoa, 2019) des c’est-à-dire,
les entreprises évoluant en Afrique et appartenant aux africaines (Cause et Fouda, 2020 ;
Koanda, 2005), d’autres auteurs pensent que la culture africaine n’est plus totalement
communautaire (Azon et al., 2010). Henry (2008) soutient « qu’une attention trop grande aux
aspects communautaires des sociétés africaines rend souvent invisible l’omniprésente du rôle
des individus et du poids de leurs intérêts » (p.7). Pour l’auteur, « contrairement à ce que peut
laisser croire l’image de la solidarité africaine, la pression communautaire n’implique pas un
effacement des individus et de leurs intérêts. ».
Il suggère alors que « l’idéal communautaire africain a été grossie » par une lecture
culturaliste européenne. Dans ce sens, prenant le contrepied de d’Iribarne (1993) qui soutient
que la « solidarité » vecteur de l’esprit communautaire et qui exige l’écrasement systématique
de l’individu au profit de la communauté, est « loin d’être ressentie par les intéressés comme
une « valeur », est vivement dénoncée par eux comme une charge communautaire peu
supportable, parfois qualifiée de « calvaire ». D’Iribarne (2000) révèle des formes très
poussées d’individualisme dans certaines communautés africaines. Kamdem (1999) va dans le
même sens en trouvant dans certaines ethnies un individualisme compétitif (réalisation de soi)
et Warnier (1993) parle de « solidarité au mérite »
Cependant, les empreintes culturelles communautaires africaines influencent elles la
structuration du système financier africain ?
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Le tableau ci-dessus montre que les théories culturelles permettent d’attabler des différences
entre les différences sources de financement étudiées dans ce travail.
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Primaire 93 13%
Secondaire 314 43%
Supérieur 294 41%
Total 725 100%
Agriculture 110 15%
Pêche 16 2%
Élevage 36 5%
Commerce 281 39%
Secteur d'activité
Service 163 22%
Artisanat 36 5%
Industrie 83 11%
Total 725 100%
Source : auteur
Cette recherche repose sur deux concepts majeurs, la culture d’une part et les sources de
financement d’autre part. Aussi, la collecte des informations notamment dans le choix des
thèmes du questionnaire recoupe ces concepts. Ainsi, pour ce qui est de la culture, les
questions ont porté principalement sur les aspects les plus généralement retenus dans la
littérature pour traduire le caractère communautaire africain : le sens du partages ou d’entraide
(Paul, 2017), l’esprit de famille (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Hernandez et Kamdem, 2007),
l’importance du groupe et de la collectivité (Warnier, 1993), l’attachement aux traditions,
l’esprit d’austérité (Warnier, 1993), l’importance de l’accumulation de la richesse, le désir
d’indépendance, etc. Pour les sources de financement, nous avons listé les principales sources
disponibles dans le contexte d’étude : les banques, les microfinances, les tontines, l’épargne,
les amis, la famille, le conjoint, etc.
Cependant, d’autres facteurs ont souvent été retenus comme pertinents pour l’explication des
choix des sources d’endettement. Parmi ces facteurs il y a des facteurs d’activité de
l’entreprise comme : le secteur, la taille, les facteurs sociodémographiques de l’entrepreneur :
l’âge, le genre, le niveau d’instruction et la situation matrimoniale. Et le comportement
financier mesuré par le facteur de multibancarité. Dans le cadre de ce travail, ces facteurs
seront utilisés comme facteurs de contrôle.
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Tableau 3 : Les indices de la qualité d’ajustement pour l’AFC des facteurs culturels et sources
de financement
Sources de
Indices Valeurs Clefs Culture
financement
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χ2 106,76 18,91
χ2/ddl > 1 ˂ 5 (Gardes, 2018) 2,81 4,73
CFI > 0.9 ,95 ,97
NFI > 0.9 ,93 ,96
TLI > 0.8 ,92 ,88
ECVI ECVI du modèle < = ECVI du modèle ,250 < ,252 ,069 = ,069
Source : auteur
D’après le tableau (3) ci-dessus, les indices d’ajustement du modèle sont considérés comme
très satisfaisants : les CFI sont de 0,95 et 0,97 ; les NFI de 0,93 et 0,96 ; les TLI sont de 0,92
et 0,88; RMSEA = 0,05 et 0,07.
La structure factorielle de l’échelle ayant été vérifiée, il faut donc étudier la cohérence interne
et la fiabilité de construit des modèles.
Celles-ci ont été analysées par les indices du rhô de Jöreskog (pour ce qui est de la fiabilité de
construit) et l'alpha de Cronbach (pour la cohérence interne du construit) et des SMC qui
correspondent à la fiabilité individuelle de l'item (Bagozzi et al., 1988). Ce dernier indicateur,
selon Evrard et al. (2009), est acceptable s’il est supérieur ou égal à 0,30.
Selon Moussa (2008), la fiabilité exprimée en terme de cohérence interne des construits,
indique que les items qui sont censés mesurer le même phénomène ou les mêmes dimensions
d’un phénomène, sont suffisamment corrélés entre eux et qu’ils partagent ainsi une part
importante de l’information. Le coefficient alpha de Cronbach est sans doute la mesure de
fidélité la plus utilisée, mais aussi la plus abusée de toutes. (Laveault, 2012 ; Moussa, 2008).
Il est généralement satisfaisant à partir de 0,70. Mais, selon Evrard et al., (1997, p.292) ce
seuil n’est qu’un seuil empirique donné par l’expérience des études en psychométrie qui est
beaucoup plus subjectif que scientifique puisqu’il n’existait pas de distribution statistique
connue permettant de conclure si α est acceptable ou non. En effet, Cortina (1993) a démontré
que, le coefficient alpha est fortement influencé par le nombre d’items et lorsque le nombre
d’items est suffisamment élevé (de l’ordre de 40 items ou plus). Il indique alors qu’il est
relativement facile d’obtenir des valeurs acceptables du alpha (0,70 et plus) suggérant que
quand le nombre d’items est faible la valeur de alpha peut être plus faible que ce seuil.
Tableau 4 : Analyse en composantes principales des facteurs culturels
l'alpha de rhô de Contribution
Facteurs Items SMC
Cronbach Jöreskog factorielle
Importance des Les vivants doivent être unis à leurs ancêtres ,811 ,677
valeurs traditionnelles 0.554 0.712
et ancestrales
Respect de la tradition ,771 ,329
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Source : auteur
Au regard des tableaux 4 (ci-dessus) et 5 (ci-dessous), correspondants respectivement aux
données d’AFC du modèle culturel et des sources de financement, tous ces indices sont
satisfaisants. La cohérence interne de l’outil de mesure est établie.
La fiabilité de construit des facteurs est assurée niveau confirmatoire par le Rhô de Jöreskog
(ρ) (Fornell et Larcker 1981) dont le seuil empirique à partir duquel les facteurs de premier
ordre sont supposés fortement corrélés est atteint au seuil de 0,7 (Gardès, 2018). Nos résultats
sont tous supérieurs à 0,5 (cf. tableau 4). Mais, comme chaque facteur partage plus de
variance avec ses propres items de mesure qu'avec les autres facteurs, alors nous les jugeons
conformes à ces préconisations. Ces indices ont été calculés manuellement, puisque le logiciel
ne les fournit pas.
Tableau 5 : Analyse en composantes principales des facteurs relatifs de financement
l'alpha de Contribution
Facteurs Items SMC
Cronbach factorielle
Famille ,791 0.624
Source de financement
Amis 0.601 ,683 0.374
informelle
Tontines ,655 0.321
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considérant que les banques pour accorder leur financement s’appuient sur les indicateurs
objectifs notamment la performance, ces divers prélèvements effectués par l’entrepreneur tant
pour lui-même que pour son entourage réduisent la capacité de l’entreprise à rembourser son
emprunt, rendent ces institutions très prudentes dans leur décision d’octroi des crédits.
Finalement ce résultat montre que, si la plupart des petits entrepreneurs des TPE n'ont pas
accès au crédit bancaire, c’est en partie du fait de certaines pesanteurs culturelles qui
aggravent la structure de risque de leurs entreprises.
Tableau 6 : Déterminants du choix des sources de Financement formel
Genre (réf. Femmes)
0.295
Homme
(0.23)
Age (réf. Agés)
0.072
Jeunes
(0.24)
Niveau d’éducation (réf. Sans niveau)
0.085
Secondaire
(0.43)
0.125
Supérieur
(0.43)
Situation matrimoniale (réf. Célibataire)
0.139
Marié
(0.24)
Secteur d’activité (réf. Industrie)
-0.826
Agriculture
(1.78)
-0.110
Commerce
(0.43)
0.044
Services
(0.32)
Taille de l’entreprise
0.637**
Activite_avec_d’autres_personnes
(0.23)
Facteurs culturels
-0.283
Considération traditionnelle
(0.40)
-0.239
Considération communautaire
(0.25)
-0.524*
Considération familiale
(0.25)
-0.454*
Partage solidarité
(0.24)
Comportement financier (multibancarité)
-0.215
Obtention du crédit dans plusieurs tontines
(0.26)
0.266
Obtention du crédit dans plusieurs IMF
(0.25)
0.662**
Obtention du crédit dans plusieurs banques
(0.23)
-1.797
Constante
(1.79)
Pseudo R2 0.2168
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-0.336
Marié
(0.22)
Secteur d’activité (réf. Industrie)
-2.803
Agriculture
(1.72)
-0.788*
Commerce
(0.43)
-0.593*
Services
(0.32)
Taille de l’entreprise
-0.068
Activite_avec_d’autres_personnes
(0.21)
Facteurs culturels
0.571
Considération traditionnelle
(0.36)
0.386*
Considération communautaire
(0.22)
0.647**
Considération familiale
(0.22)
0.535**
Partage solidarité
(0.22)
Comportement financier (multibancarité)
0.099
Obtention du crédit dans plusieurs tontines
(0.24)
-0.156
Obtention du crédit dans plusieurs IMF
(0.22)
-0.209
Obtention du crédit dans plusieurs banques
(0.21)
4.025**
Constante
(1.77)
Nombre d’observations 740
Pseudo R2 0.1692
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Les résultats montrent également que par rapport aux femmes, les hommes recours moins aux
sources de financement informel. Ce résultat confirme, les travaux qui montrent que les
femmes sont plus associatives que les hommes, ont moins de biens à garantir que les hommes,
sont plus exclus du financement formel que les hommes (Akouwerabou, 2020). En effet, pour
accéder au crédit auprès des institutions financières, il faut nécessairement avoir des
hypothèques, or en Afrique, du fait du poids culturel, très peu de femmes disposent de biens
mobiliers et immobiliers. La femme en Afrique hérite des biens mobiliers mais pas des biens
immobiliers. Aussi, elles préfèrent prioritairement solliciter des emprunts au sein du cercle
familial et des associations d’épargne et de crédit encore appelées tontines.
Les résultats ci-dessus valident l’effet prédicteur de la culture dans le choix de la source de
financement. En effet, la culture communautaire africaine est un prédicteur positif pour le
choix d’une source de financement informel. Cependant, cet effet prédicteur est parfois
atténué ou modéré et d’autres fois renforcés ou accélérés par certaines caractéristiques
sociodémographiques et de comportement financier de l’entrepreneur.
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Conclusion
La conjugaison, d’une part de la forte contribution théorique de la culture comme grille
explicative dans divers domaines du management et des sciences de gestion, et d’autre part, sa
faible mobilisation pour l’explication des choix des sources de financement, ouvrent un axe
nouveau d’exploration de la problématique de préférence des choix des sources de
financement dans le contexte africain marquée par une culture communautaire prégnante.
Cette recherche apporte une contribution majeure sur cette question en établissant que la
culture communautaire africaine est un poids négatif pour le choix des sources de financement
formelle et au contraire un catalyseur des sources de financement informel, validant ainsi les
valeurs sur lesquelles reposent les tontines. A savoir, l’entraide, la solidarité, la sociabilité et
surtout la préservation des liens de famille (Kemayou et al, 2011).
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Ce faisant, ce travail montre que quatre facteurs de la culture africaine ont un impact négatif
pour les sources de financement formel et positif pour les sources de financement informel :
l’esprit de famille, l’esprit de partage, la considération communautaire et l’attachement à la
tradition.
Pour ce faire, notre recherche suggère que l’offre des financements bancaires doit s’adapter
aux cultures locales et s’intégrer durablement dans les pratiques et comportement des acteurs.
Ce travail valide ainsi, la théorie culturelle comme ressource explicative des choix des sources
de financement et montrent que les outils de gestion et de management habituellement
efficaces dans un contexte donné, ne le sont pas toujours ailleurs et elles peuvent même
parfois être remises en cause (Hofstede, 1987 ; Naguib, 2006). Ainsi, les entreprises africaines
ne sont pas des organisations rebelles aux outils modernes de gestion, et au-delà, à toute
forme de rationalisation gestionnaire (Aubouin et al, 2012) mais préfèrent ceux qui sont
adaptés à leurs contraintes culturelles. Ce travail s’inscrit alors dans la logique des travaux de
l’approche Culturaliste de Hofstede (1987, 1993) et D’Iribarne (1989) qui établissent le lien
étroit et indéniable entre les pratiques managériales et la culture. Par, ailleurs, il donne un
écho particulier à la spécificité culturelle africaine qui selon la perspective de Granovother
(1973) est une culture de « liens forts » c’est-à-dire qui relient les individus à sa famille et ses
amis et dans lesquelles les relations sont fréquentes, à forte charge affective et émotionnelle et
fondées sur des logiques de réciprocité.
Cependant, cette recherche qui vise à explorer l’influence des variables communautaires
africaines sur le choix d’une source de financement présente les limites du terrain
d’application et de l’outil de collecte. En effet elle n’a été menée uniquement sur un pays sur
les 52 du continent. Les prochaines recherches pourraient donc élargir le champ de recherche
à la culture ethnique et d’autres adoptées une approche comparative avec les cultures d’autres
aires géographique. Par ailleurs, on pourrait intégrer d’une grille plus large de variables
culturelles dans le questionnaire.
Bibliographie
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