2019 06 06 Decision nxx005dcc Sva 19 Du 6 Juin 2019 Ext FR
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LA COUR CONSTITUTIONNELLE,
Saisie par requête, en date, à Brazzaville, du 24 avril 2019 et enregistrée le 08
mai 2019 à son secrétariat général sous le n° CC-SG 004, par laquelle mesdames
NGAMBIO Thérèse Lydie, KIKOUNOU Henriette et monsieur MALONGA
Léonard Hippolyte demandent à la Cour constitutionnelle de déclarer
inconstitutionnels les articles 3, 8, 10, 12, 13, 15, 18 alinéa 2, 22, 27, 28, 31, 33, 34,
36, 42, 43, 47, 48, 52, 53 et 54 de la loi n° 21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles
d’occupation et d’acquisition des terres et terrains ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi organique n° 28-2018 du 7 août 2018 portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle ;
Considérant que les requérants allèguent que les dispositions combinées des
articles 3, 8, 10, 12, 13, 15, 18 alinéa 2, 22, 27, 28, 31, 33, 34, 36, 42, 43, 47, 48, 52,
53 et 54 de la loi n° 21-2018 du 13 juin 2018 précitée violent les articles 16, 23, 27 de
la Constitution, 21 alinéas 1 et 2 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des
peuples du 27 juin 1981 et 29 alinéa 2 de la Déclaration universelle des droits de
l’Homme du 10 décembre 1948 ;
Que les dispositions en cause portent atteinte aux droits de propriété et de
succession des propriétaires fonciers coutumiers et à ceux de leurs acquéreurs en ce
qu’elles interdisent l’exercice desdits droits, les suppriment et dépossèdent d’office
leurs titulaires de leurs biens ; qu’elles portent, également, atteinte à la liberté
d’association ;
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II. SUR LA REGULARITE DE LA SAISINE
Considérant qu’aux termes de l’article 180 alinéa premier de la Constitution,
« Tout particulier peut, soit directement, soit par la procédure de l’exception
d’inconstitutionnalité invoquée devant une juridiction dans une affaire qui le
concerne, saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois et des
traités » ;
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IV. SUR LE FOND
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Que subordonner l’exercice du droit de propriété à la détention d’un titre de
propriété définitif équivaut à la violation flagrante de l’article 23 de la Constitution ;
Considérant, d’autre part, que les requérants allèguent que les articles 8, 10, 22
et 31 de la loi en cause obscurcissent les notions de propriété et de preuve en la
matière ; que l’ensemble des dispositions, ici, en cause contredisent les articles 5, 7
alinéa 1er, 18, 19, 20, 23, 24, 29, 30, 37 et 45 de la même loi qui reconnaissent, à côté
de la législation moderne, les droits fonciers coutumiers, le droit d’acquérir et de
transmettre les biens immeubles suivant les règles du code civil, du code de la famille
et par l’effet de la reconnaissance des terres coutumières ; que les secondes
dispositions étant conformes à l’article 23 de la Constitution, les premières devraient
être déclarées inconstitutionnelles ;
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de la manière la plus absolue, pourvu qu’il n’en soit pas fait un usage prohibé par les
lois et règlements ;
Considérant que l’article 125 alinéa 2 de la même loi fondamentale, en son
ème
14 tiret, dispose que « La loi fixe également les règles concernant le régime de la
propriété, des droits réels et des obligations civiles… » ; qu’aux termes du 18ème tiret
du même article 125 alinéa 2, « La loi fixe également le régime domanial et
foncier » ;
Considérant que le législateur, qui a reçu pouvoirs de la Constitution de fixer
les règles relatives au régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles
a, souverainement, déterminé non seulement les conditions d’accès à la terre mais
également d’exercice des droits y afférents ;
Qu’il a, à cet égard, prescrit que la détention ou la reconnaissance des terres
coutumières n’en permet que la jouissance et l’utilisation lorsqu’elles sont hors de
toute contestation ; que la détention ne saurait, donc, se confondre avec la propriété
qui, outre la jouissance, inclut la libre, exclusive et absolue disposition, savoir la
cession, l’échange… ; que les requérants sont, à cet égard, mal fondés à soutenir que
l’article 10 « obscurcit la notion de propriété » ;
Qu’à cet égard et hors les cas de prescription acquisitive, les requérants ne
sont, non plus, fondés à prétendre que « la détention des terres coutumières revient à
l’exercice du droit de propriété sur ces terres, sans titres, de succession en succession,
depuis avant la colonisation jusqu’à ce jour » ;
Considérant, de plus, que les requérants soutiennent que « la suspension de
l’exercice du droit de propriété à la détention d’un titre de propriété définitif viole, de
manière flagrante, les dispositions constitutionnelles précitées » alors que cela ne
ressort, nulle part, des deux dispositions critiquées des articles 8 et 10 ; que celles-ci
évoquent, plutôt, la reconnaissance des terres coutumières par l’Etat à la fois comme
condition pour en jouir et comme formalité préalable à l’acquisition de la qualité de
propriétaire terrien ; que les critiques articulées n’étant pas fondées, les articles 8 et
10 en cause sont, donc, conformes à l’article 23 de la Constitution ;
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parcellaire de traçabilité et à l’acte translatif de propriété, dûment établi par le
propriétaire originel » ;
Considérant que l’article 22 critiqué s’inscrit dans le cadre de la garantie
constitutionnelle de la propriété ;
Considérant, en effet, d’une part, que l’article 22 permet de prémunir contre le
phénomène de vente successive d’une même propriété foncière par une ou plusieurs
personnes à plusieurs autres ; que le législateur, à travers cette disposition, sanctionne
toute vente non régulièrement consentie par le propriétaire ;
Considérant, d’autre part, que cet article indique, à cet égard, les documents
servant de preuve, notamment en cas de litige qui requiert de déterminer parmi les
occupants ou les acquéreurs celui qui a régulièrement occupé les terres ou terrains en
premier ou celui qui les a acquis, en premier, auprès du propriétaire ;
Considérant que ces règles, qui poursuivent ainsi la garantie constitutionnelle
de la propriété, n’obscurcissent nullement cette notion de propriété encore moins
celle de preuve qui lui est indissociable ; que, dès lors, l’article 22 critiqué de la
loi n° 21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition des
terres et terrains est conforme à l’article 23 de la Constitution ;
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3-d) Sur l’inconstitutionnalité des articles 47 et 48
Considérant que l’article 47 prescrit :
« Les titres fonciers issus des occupations ou des acquisitions illégales portant
sur les terres du domaine rural ainsi que sur les terres ou terrains en zones
urbaine et périurbaine déclarés non constructibles délivrés aux personnes
physiques ou morales, postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la
présente loi, sont nuls et de nul effet.
« Avant le prononcé de la nullité, les titres fonciers y afférents sont
inopposables à l’Etat et aux tiers.
« La nullité est prononcée à la requête du ministre en charge des affaires
foncières ou de son représentant » ;
Considérant que l’article 48 énonce :
« L’occupation ou l’acquisition des terres du domaine rural, des terres ou
terrains en zones urbaine ou périurbaine déclarés non constructibles définis à
l’article 42 de la présente loi est réputée illégale, nulle et de nul effet, sous
réserve des dispositions de ses alinéas 3 et 4.
« L’occupant ou l’acquéreur illégal est soumis à la procédure de
déguerpissement prévue à l’article 33 de la présente loi » ;
Considérant que l’article 125 alinéa 2 de la Constitution, en son 14ème tiret,
dispose que « La loi fixe également les règles concernant le régime de la propriété,
des droits réels et des obligations civiles… » ; qu’aux termes du 18ème tiret du même
article 125 alinéa 2, « La loi fixe également le régime domanial et foncier » ;
Considérant qu’au regard du rôle et de la mission qui lui sont dévolus par la
Constitution, le législateur a, aux fins de sécurisation de l’accès à la terre et donc
objectivement pour des raisons d’intérêt général, interdit d’acquisition les terres et
terrains situés dans des zones dites « non constructibles » qui, par nature et donc à
l’évidence, sont incompatibles avec toute occupation ;
Considérant que l’acquisition des terres et terrains dans des conditions
régulières garantissant la sécurité des acquéreurs est indissociable de la garantie
constitutionnelle de la propriété qu’elle contribue à assurer ; que, dès lors, la critique
selon laquelle les articles 47 et 48 abolissent tous les titres précaires ainsi que les
titres fonciers portant sur les zones dites « non constructibles » n’est pas fondée car
l’occupation des terres et terrains, objet de ces titres, met en péril leurs occupants et
est préjudiciable, du fait des dégâts collatéraux qu’elle occasionne, aux tiers et à
l’Etat ;
Considérant, de plus, que l’article 47 vise, de façon explicite, en les frappant de
nullité, les titres fonciers issus des occupations ou des acquisitions illégales portant
sur les terres ou terrains situés dans des zones non constructibles délivrés
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postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi en examen et non, comme
l’indiquent les requérants, ceux délivrés antérieurement à la date d’entrée en vigueur
de ladite loi ; qu’en sanctionnant ces titres de nullité, le législateur n’a nullement
violé l’article 23 de la Constitution dès lors qu’il œuvre en faveur de la garantie
constitutionnelle de la propriété ; que les moyens n’étant pas fondés, les articles 47 et
48 sont, donc, conformes à cette disposition constitutionnelle ;
« - les emprises de l’océan, des fleuves, des rivières, des lacs, des
autoroutes, des routes nationales et départementales, des avenues et
des rues, des chemins de fer, des lignes de transport électrique à haute
et moyenne tension, des aéroports, des pipelines, des réserves
foncières de l’Etat, des espaces publics urbains, des forêts naturelles
et artificielles domaniales, des terres à vocation forestière, des
barrages hydroélectriques, des centrales électriques, du domaine
public de monument, du domaine public de défense nationale, des
unités industrielles, des établissements publics scolaires et
universitaires, des structures publiques de santé, des zones
économiques spéciales, des exploitations pétrolières on shore et
minières, des zones urbaines et périurbaines agropastorales et
aquacoles ou à vocation agropastorale et aquacole ;
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appartiennent, communément, à toutes leurs populations auxquelles elles doivent
bénéficier ; qu’il en résulte que, contrairement aux allégations des requérants, l’article
21 de la Charte précitée ne prévoit nullement, au détriment de l’Etat, un droit privatif
et individuel des populations à disposer des richesses et ressources naturelles du sol et
du sous-sol de leur propriété foncière ; que ce moyen est, par conséquent, mal fondé ;
que les articles 18 alinéa 2 et 53 critiqués sont, donc, conformes à l’article 21 de la
Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples ;
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d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du
bien-être général dans une société démocratique » ;
Considérant, d’une part, que l’article 27 critiqué se contente de faire, de
façon cohérente, le lien entre le domaine d’intervention de l’association, les intérêts
qu’elle défend et ceux qui peuvent en être membres ; que cette disposition ne fait que
tirer les conséquences de l’objet de toute association ; qu’il en résulte que les
conditions d’adhésion à une association ou de perte de la qualité de membre doivent
être définies au regard de son objet ;
Considérant, d’autre part, que l’article 16 de la Constitution dispose : « La loi
garantit et assure la promotion et la protection des droits des peuples
autochtones » ; que c’est tout le sens de la loi n° 5-2011 du 25 février 2011 portant
promotion et protection des droits des populations autochtones qui énonce à son
article 32 :
« L’Etat facilite la délimitation de ces terres sur la base de leur droit
foncier coutumier, en vue d’en garantir la connaissance.
« En l’absence de titres fonciers, les populations autochtones conservent
leurs droits fonciers coutumiers préexistants.
« Les droits des populations autochtones sur leurs terres sont
imprescriptibles et inaliénables, sauf en cas d’expropriation pour cause
d’utilité publique » ;
Considérant, à cet égard, qu’en raison de l’imprescriptibilité et de
l’inaliénabilité de leurs droits sur leurs terres, les populations autochtones intéressées
sont, de droit, membres des associations des propriétaires terriens ou des propriétaires
fonciers ; que cet acquis légal n’est nullement remis en cause par l’article 27 critiqué
de la loi n° 21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition
des terres et terrains ;
Considérant, en effet, que la loi n° 21-2018 du 13 juin 2018 précitée est un
texte de portée générale par rapport à la loi n° 5-2011 du 25 février 2011 portant
promotion et protection des droits des populations autochtones qui, au regard de
l’article 16 de la Constitution, est une loi spéciale et dérogatoire ; que, dans ces
conditions et en l’absence de toute disposition expresse, l’article 27 critiqué ne saurait
abroger les dispositions d’une loi spéciale et dérogatoire, notamment celles de
l’article 32 de la loi n° 5-2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des
droits des populations autochtones ;
Considérant qu’au regard des dispositions dérogatoires de l’article 32 de la loi
n° 5-2011 sus citée, opposables à l’article 27 critiqué, et contrairement aux
allégations des requérants, l’immatriculation n’est nullement une condition
d’adhésion desdites populations aux associations des propriétaires fonciers ; qu’ainsi,
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l’article 27 de la loi n° 21-2018 du 13 juin 2018 précitée n’empêche nullement les
populations autochtones de jouir de la liberté d’association ;
Considérant, en somme, qu’ayant édicté ainsi qu’il l’a fait l’article 27, le
législateur n’a en rien violé le principe de la liberté d’association ; que cet article est,
donc, conforme aux articles 27 de la Constitution et 29 alinéa 2 de la Déclaration
universelle des droits de l’Homme ;
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Considérant, en outre, que l’article 16 de la Constitution dont la violation est
invoquée ne consacre, nulle part, les droits des populations autochtones à disposer
des ressources et richesses du sol et du sous-sol de leurs terres et terrains ; que les
dispositions attaquées ne sauraient, donc, violer un droit non prévu par la
Constitution ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 16 de la
Constitution par l’ensemble des dispositions critiquées encourt rejet ;
DECIDE :
Article premier – La Cour constitutionnelle est compétente.
Article 2 – La saisine de la Cour constitutionnelle est régulière.
Article 3 – La requête de mesdames NGAMBIO Thérèse Lydie, KIKOUNOU
Henriette et monsieur MALONGA Léonard Hippolyte est recevable.
Article 4 – Les articles 8, 10, 18 alinéa 2, 22, 27, 33, 42, 47, 48 et 53 de la loi
n° 21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition des terres
et terrains ne sont pas contraires aux articles 16, 23 et 27 de la Constitution, 21
alinéas 1 et 2 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples et 29 alinéa
2 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
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Auguste ILOKI
Président
Pierre PASSI
Vice-président
Jacques BOMBETE
Membre
Norbert ELENGA
Membre
ESSAMY-NGATSE
Membre
Placide MOUDOUDOU
Membre
Antonin MOKOKO
Secrétaire général
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