Dufour 1
Dufour 1
Dufour 1
THÈSE
par
Guillaume DUFOUR
v
vi
Remerciements
Ce travail a représenté pour moi un long engagement personnel, mais il a aussi impliqué
de nombreuses personnes sans qui le résultat aurait certainement été différent.
Je voudrais tout d’abord adresser mes remerciements les plus profonds et les plus
sincères à mes directeurs de thèse Jean-Bernard Cazalbou et Xavier Carbonneau. Je tiens
à témoigner de la confiance qu’ils m’ont accordée dès le début de la thèse, et du soutien
indéfectible qu’il m’ont apporté durant tout son déroulement.
En particulier, je remercie Xavier pour sa présence constante, qui m’a fait profiter de
sa rigueur et de son expérience scientifiques. Les discussions enrichissantes que nous avons
eues à chaque étape de ce travail m’ont toujours permis de remettre les choses dans leur
perspective globale, et d’apprécier les progrès effectués. D’un point de vue humain, j’ai
découvert quelqu’un de profondément honnête et généreux, qui m’a grandement aidé dans
les inévitables moments de doute.
Je voudrais particulièrement remercier Jean-Bernard pour sa disponibilité permanente
et sa patience. Ses qualités pédagogiques et la rigueur de ses analyses m’ont fait énormément
progresser. Je voudrais aussi lui témoigner ma reconnaissance pour son implication dans
la relecture du mémoire ; son sens de l’essentiel a grandement contribué à la rédaction du
manuscrit.
vii
Je tiens tout particulièrement à signifier ma gratitude aux rapporteurs, Gérard Bois
et Georges Gerolymos, pour avoir accepté d’accorder de leur temps à la lecture de mon
travail. Je dois souligner leur implication et la qualité des rapports, qui par leurs nom-
breuses remarques m’ont permis d’améliorer le manuscrit final. Je les remercie enfin pour
les critiques constructives et stimulantes qu’ils ont soulevées durant la soutenance.
C’est aussi l’occasion de remercier toute ma famille pour tant de choses que je ne
pourrais toutes les citer ici. Je voudrais dire à ma mère et à mon père tout l’amour que
j’ai pour eux, et combien le leur m’a permis d’arriver ici aujourd’hui.
Enfin, mon dernier mot pour finir ce que je n’ai réussi à dire lors de la soutenance :
Ema, ces dernières années n’auraient pu se faire sans toi. Je te remercie pour la patience
que tu as eue durant tout le temps qu’a durée cette thèse. Ton soutien m’a été plus que
précieux. Que tout mon amour puisse transparaı̂tre à travers ces quelques lignes . . .
viii
Table des matières
Introduction 3
1 Motivation et problématique 3
1.1 Contexte de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Enjeux industriels et scientifiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3 Démarche et organisation du mémoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2 Données générales 9
2.1 Le système de conditionnement d’air . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.2 Le compresseur centrifuge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3 Aérodynamique des compresseurs centrifuges . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.4 Notions d’acoustique pour les compresseurs centrifuges . . . . . . . . . . . 34
4 Influence du maillage 53
4.1 Influence des paramètres de définition du maillage . . . . . . . . . . . . . . 53
4.2 Quantification des erreurs numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
xi
II Performances : Travail sur les méthodes de conception 165
7 Règles et méthodes de conception 167
7.1 Synthèse de l’état de l’art . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
7.2 Application à l’optimisation d’un compresseur de référence . . . . . . . . . 190
Conclusion 267
11 Conclusions et perspectives 267
Bibliographie 272
Annexes 283
xii
Nomenclature
Symboles latins
xv
Qech , chaleur échangée
r , vecteur position radiale
r, θ, z , coordonnées polaires
R , constante des gaz parfaits
R , rayon
Rc , rayon de courbure
Re , nombre de Reynolds
Ric , nombre de Richardson–gradient de courbure
Ro , nombre de Rossby
R = Rij , tenseur des contraintes de Reynolds
s , abscisse curviligne
s , entropie spécifique
S , taux de cisaillement
S = Sij , tenseur des taux de déformation
tcl , taille du jeu
T , température
Tu , intensité du mouvement fluctuant
u = ui = [u, v, w] , vecteur fluctuation de vitesse
us , vecteurs unitaires du trièdre de Frénet
uτ , vitesse de frottement
U , vecteur vitesse de la pale
U , vitesse linéaire de la pale
Uφ , incertitude statistique relative à la quantité φ
V = Vi , vecteur vitesse absolue
V , norme de la vitesse absolue
W = Wi , vecteur vitesse relative
W , norme de la vitesse relative
Wech , travail échangé
W = Wij , tenseur de rotation absolue (objectif)
X = xi = [x, y, z] , vecteur position
Zp , nombre d’aubes
Z/B , hauteur relative dans le canal (0 au moyeu, 1 au carter)
Symboles grecques
xvi
β , angle de l’écoulement relatif
β , rapport entre taux de rotation et cisaillement
δ , épaisseur conventionnelle de couche limite
δφ , erreur relative à la quantité d’intérêt φ
∆y1 , taille de maille en paroi suivant la direction normale
∆x1 , taille de maille en paroi suivant la direction tangentielle
∆CFD/EXP , écart entre résultats numériques et expérimentaux
∆η , écart de rendement par rapport à un point de référence
, pseudo-dissipation de k
φ , quantité d’intérêt
φ , coefficient de débit
γ , rapport des chaleurs spécifiques
γ , paramètre de maillage (allongement des cellules au bord d’attaque)
γ∞ , point fixe du système dynamique (THI-Ω)
η , rendement
µ , viscosité dynamique
µt , viscosité tourbillonnaire dynamique
ω =∇×V , vorticité absolue
ω∗ = ∇ × W , vorticité relative
Ω , vecteur rotation du référentiel considéré
Ω , norme du vecteur rotation du référentiel considéré
π , taux de compression
Π1 , produit sans dimension (débit adimensionnel)
Π2 , produit sans dimension (nombre de Mach de rotation)
Π3 , produit sans dimension (nombre de Reynolds)
ρ , masse volumique
σ , angle entre les directions méridienne et axiale
τp , frottement pariétal
ψ , coefficient de charge
Indices et exposants
b , baseline
h, m , moyeu
is , référence isentropique
p , pale
R , rotor
S , stator
S, c , carter
s , quantité statique
xvii
s , spécification ou scaled
t , quantité totale
0 , entrée de l’étage (voir la figure 2.4)
1 , bord d’attaque de la roue
2 , bord de fuite de la roue
3 , bord d’attaque du diffuseur aubé
4 , bord de fuite du diffuseur aubé
8 , section de mesure en aval de la volute
∗, rel , dans le repère relatif
+ , normé en échelle interne de la couche limite
Abréviations
xviii
Introduction
Chapitre 1
Motivation et problématique
Sommaire
1.1 Contexte de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Enjeux industriels et scientifiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3 Démarche et organisation du mémoire . . . . . . . . . . . . . . 7
En tant que “systémier aéronautique”, LTS fournit directement aux avionneurs (ou
plus généralement aux acteurs du secteur des transports) des produits dont la vocation
est d’assurer une fonction complète, et que les constructeurs peuvent intégrer tels quels au
stade de l’assemblage. Ainsi, le pack de climatisation (figure 1.1 (a)), un système central
de la gamme de produits LTS, maintient la pression et la température en cabine. Cette
régulation est réalisée par deux éléments : une turbomachine, composée généralement d’un
compresseur, d’une turbine et d’un ventilateur ; et des échangeurs thermiques, refroidissant
l’air issu de l’étage compresseur. Si la turbine assure un rôle essentiel en fournissant la puis-
4 Motivation et problématique
(a) (b)
1
“Computational Fluid Dynamics”. Dans la suite du mémoire, cet acronyme désignera le calcul Navier-
Stokes 3D.
6 Motivation et problématique
comportements mathématiques aberrants, typiques des modèles corrigés quand ils sont
appliqués dans ce type de configuration (voir Hellsten (1998) pour un exemple de ces
problèmes). L’implantation de ce modèle dans le code de calcul en place chez l’industriel
représente donc un exemple des complémentarités entre recherches amont et appliquée.
Bien que l’application générale du principe de similitude semble être un exercice im-
posé pour les ouvrages traitant des turbomachines (Whitfield et Baines, 1990; Lakshmina-
1.3 Démarche et organisation du mémoire 7
rayana, 1996; Japikse, 1996), l’utilisation pratique de règles de similitude pour la conception
des turbomachines est beaucoup moins documentée. Ainsi, Baljé (1981) utilisa le premier
l’analyse dimensionnelle pour introduire la vitesse spécifique (ns ), qui est restée depuis un
paramètre populaire chez les concepteurs de compresseurs. À notre connaissance, les seuls
travaux traitant spécifiquement de l’élaboration de règles pratiques de similitude pour la
conception sont ceux de Sardar et George Jr. (2003a,b), qui traitent du cas restreint des
ventilateurs en régime incompressible. Nous verrons que l’introduction d’un formalisme
mathématique simple permet d’identifier les conditions nécessaires à la mise à l’échelle
d’un compresseur existant pour répondre à une nouvelle spécification.
Si le lien est direct entre les trois axes d’investigation discutés précédemment et les
besoins affichés par LTS, les interactions multiples entre ces thématiques méritent d’être
soulignées :
– L’amélioration et la qualification de l’outil CFD sont centrales dans l’augmentation de
la fiabilité de la conception, mais doivent aussi aboutir à une meilleure application des
critères de conception (car la CFD est essentielle dans le cycle de dimensionnement) et
donc contribuer à la réalisation de machines plus performantes. De plus, à terme, un
outil de prédiction fiable permettra d’envisager le remplissage de la base de données
d’une manière virtuelle, c’est-à-dire que des compresseurs aux caractéristiques cor-
respondant aux “trous” dans la gamme existante pourront être conçus par la seule
voie numérique, sans qu’il soit nécessaire de les valider expérimentalement.
– Au-delà d’une simple amélioration des performances, le travail sur les règles de
conception permet de tendre vers la standardisation des méthodes, dans un souci
de reproductibilité et donc de fiabilité. De plus, l’examen de ces règles au regard des
lois de similitude contribuera à identifier les critères de dimensionnement qui rendent
un étage plus propice à la déclinaison en famille (autant en termes de variations de
performances que de “potentiel de mise à l’échelle”).
– Enfin, l’application de lois de similitude à un étage existant a l’avantage de fiabiliser
les prédictions, car la méthode proposée utilise les données expérimentales disponibles
dès les premiers stades de la conception. De plus, elle contribue à l’amélioration
des performances moyennes de la gamme en capitalisant les succès obtenus sur les
meilleures machines existantes.
obtenus lors des deux premières étapes, puisqu’elle répercute sur toute une famille d’étages
les progrès réalisés sur un compresseur de référence.
Les données générales du chapitre 2 posent les bases de l’étude, et clôturent la partie
d’introduction. Le reste du mémoire s’organise en trois parties :
– Dans la première partie, un cadre de vérification et validation est donné à l’approche
numérique adoptée (chapitre 3). Les procédures ainsi identifiées permettent de me-
surer les deux principales contributions aux erreurs entachant une solution CFD : les
erreurs numériques (chapitre 4) et les erreurs dues aux modèles (chapitre 5). Plus par-
ticulièrement, le chapitre 5 évalue l’intérêt des corrections pour les effets de rotation
et courbure dans un contexte de modélisation au premier ordre. Enfin, le chapitre 6
apporte un regard synthétique sur la prédiction des performances des compresseurs
dans un contexte industriel, en insistant notamment sur les incertitudes inhérentes à
toute comparaison entre résultats numériques et expérimentaux.
– La deuxième partie se concentre sur les méthodes de dimensionnement, mettant à
profit une comparaison des règles proposées dans la littérature avec celles en place
chez l’industriel, pour aboutir à l’optimisation d’un étage de référence (chapitre 7).
Cet effort d’amélioration des performances est jugé dans le chapitre 8, grâce à l’ex-
ploitation de résultats d’essais industriels sur les deux configurations étudiées.
– Enfin, la troisième partie présente l’élaboration de lois de similitude pour répondre
à une nouvelle spécification par application d’un facteur d’échelle à une géométrie
existante (chapitre 9). Notamment, la méthode proposée permet de caractériser le
“potentiel de mise à l’échelle” d’un compresseur, et de le mettre en parallèle de
spécifications types. Finalement, le chapitre 10 examine les règles de conception
dégagées précédemment au regard des lois de similitudes élaborées.
Chapitre 2
Données générales
Sommaire
2.1 Le système de conditionnement d’air . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.1.1 Rôle du système . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.1.2 Fonctionnement global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.2 Le compresseur centrifuge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.2.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.2.2 La géométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.2.3 Approche thermodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.2.4 Performance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.3 Aérodynamique des compresseurs centrifuges . . . . . . . . . 21
2.3.1 L’écoulement principal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.3.2 L’écoulement secondaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.3.3 Les pertes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.4 Notions d’acoustique pour les compresseurs centrifuges . . . 34
2.4.1 Position du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.4.2 Rayonnement acoustique en champ lointain . . . . . . . . . . . . 34
2.4.3 Sources de bruit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Figure 2.1: Implantation du système de conditionnement d’air sur avion (Document LTS).
figure 1.1 (a). Les différents éléments qui le composent sont représentés sur la figure 2.2.
On y observe les échangeurs primaire (1) et principal (3) ; la turbomachine (2 et 6) ; le
condenseur (4) et l’extracteur d’eau (5).
Le synoptique de fonctionnement de la figure 2.3 précise le chemin de l’air à travers ces
éléments. Deux flux transitent dans le pack : le premier (en gris clair sur la figure) est celui
de l’air frais extérieur destiné à ventiler les échangeurs ; c’est la source froide du système.
En vol, ce flux est naturellement crée par la pression dynamique extérieure ; au sol, c’est le
ventilateur (7) qui assure ce rôle. L’air (chaud) prélevé sur les moteurs est le second flux.
Il passe d’abord par l’échangeur primaire (1), avant d’être comprimé par le compresseur
centrifuge (2). Il est ensuite refroidi par l’échangeur principal (3), puis déshumidifié par
le tandem condenseur–extracteur d’eau (4 et 5), afin d’éviter que du givre ne se forme
dans la turbine au risque de l’endommager. Le flux entre alors dans la turbine centripète
(6), et part finalement dans la chambre de mélange, où il sera régulé en température et
réhumidifié si nécessaire, pour pouvoir enfin alimenter la cabine. Notons que, du fait de
la faible circulation d’air en cabine, la pression totale (et non la pression statique) est la
variable d’intérêt.
La taille de l’échangeur principal (3) (et donc du système comme on l’observe sur
la figure 1.1 (a)) est conditionnée par l’augmentation de température à la traversée du
compresseur et dépend donc directement de la performance de celui-ci. Dans le domaine
du conditionnement d’air, le rôle fondamental du compresseur centrifuge est donc d’élever la
pression totale de l’écoulement à un niveau donné avec le minimum possible d’élévation de
température.
12 Données générales
2.2.1 Généralités
La première turbine à gaz à délivrer une puissance nette positive (11 hp) fut réalisée
par Aegidius Elling en 1903 (Bolland et Veer, 2003) ; elle était constituée de six étages
de compresseurs centrifuges, d’une chambre de combustion et d’une turbine radiale. Le
compresseur centrifuge avait auparavant été étudié par le Prof. Rateau (Mérigoux, 1999),
qui fournit un certain nombre de réalisations impressionnantes à l’Exposition Universelle
de 1900 (dont une turbine à vapeur avec aubages Pelton). Par la suite, en avance sur
son équivalent axial, le compresseur centrifuge atteint le premier une certaine maturité
opérationnelle, en témoigne son utilisation en 1939 dans le turboréacteur propulsant le
premier Jet, le HE78 de Heinkel.
En terme de spécificité, le compresseur radial se distingue de son homologue axial par
de plus forts taux de compression par étage, mais au prix d’un débit moindre ou d’un
encombrement radial plus important. La différence est moins tranchée en ce qui concerne
rendement. En effet, bien que les écoulements fortement tridimensionnels qui se développent
dans les conduits étroits et courbés des roues de compresseurs centrifuges soient sources de
pertes aérodynamiques importantes, la contribution des forces centrifuges permet d’obtenir
des rendements comparables dans les deux cas. Cet “effet centrifuge” est une caractéristique
des machines radiales (voir le paragraphe 2.2.3 sur l’approche thermodynamique).
Malgré une histoire déjà ancienne, le compresseur centrifuge reste un élément central
dans de nombreuses applications : la turbo-propulsion de faible poussée –de l’ordre de 5 à
100 daN (Mecachrome, Microturbo, Williams, AMT . . . ) ; la suralimentation automobile
(Honeywell-Garett, IHI) ; le conditionnement d’air (LTS, Hamilton Sundstrand, Honey-
well) ; les applications industrielles pour le gaz ou le pétrole (Solar Turbines, Dresser Rand,
Nuovo Pignone). . . D’un point de vue scientifique, les écoulements dans les compresseurs
centrifuges restent un sujet d’études variées, notamment sur :
– les aspects aérodynamiques vers les forts taux de compression (Higashimori et al.,
2004; Ibaraki et al., 2003) ;
– la compréhension (Ziegler, Gallus et Niehuis, 2003a; Shum, Tan et Cumpsty, 2000)
et la modélisation (Rochuon et Trébinjac, 2005) des interactions rotor/stator ;
– le design direct (Arnone et al., 2002; Came et Robinson, 1999), inverse (Zangeneh et
al., 2004; Passrucker et Van den Braembussche, 2000) et l’optimisation “mathéma-
tique” (Demeulenaere et Hirsch, 2005; Lee, Luo et Bein, 2001) ;
– l’augmentation de la plage de fonctionnement (Skoch, 2003; Wernet, Bright et Skoch,
2001) ;
– sans oublier les aspects acoustiques (Roger, 2004), aujourd’hui essentiels.
14 Données générales
2.2.2 La géométrie
La figure 2.4 présente une vue schématique d’un étage complet de compresseur centri-
fuge, c’est-à-dire la juxtaposition
– d’une partie amont ;
– d’une roue ;
– d’un diffuseur ;
– d’une volute.
Les numéros donnés sur la figure 2.4 correspondent à la convention de notation utilisée
dans la suite pour représenter les différentes stations de l’étage.
La partie amont Le rôle de la partie amont est d’amener l’écoulement jusqu’à la roue.
On classe sous la dénomination générale de partie amont des éléments aussi divers que : des
vannes de prérotation (cas de la figure 2.4) ; un canal de retour ; un plenum d’alimentation ;
ou un simple pavillon axial.
La roue La roue est l’élément fondamental du compresseur, car elle fournit la totalité
de l’échange de travail ; il s’agit en effet du seul élément mobile de l’étage. La roue de la
figure 2.4 comporte ce qu’on appelle une zone inductrice, c’est-à-dire que les pales com-
mencent dans la partie axiale de la veine méridienne ; on considère que les roues de ce type
ont des performances supérieures aux roues qualifiées de 2D, dont le bord d’attaque est
situé dans le virage axial–radial. La figure 2.5 (a) présente diverses morphologies de roues
de compresseurs centrifuges. On remarquera notamment les différences entres ces roues en
termes de nombre de pales, de hauteur des aubages et d’angle de couchage en sortie.
La complexité de ce type de géométrie pleinement tridimensionnelle nécessite l’intro-
duction de surfaces de référence, qui rendent l’analyse des écoulements plus accessible (Wu
Figure 2.4: Vue schématique d’un étage de compresseur centrifuge, d’après Baines (2005).
2.2 Le compresseur centrifuge 15
(a) (b)
Figure 2.5: Différentes roues (a) et diffuseurs (b) de compresseurs centrifuges, d’après Japikse et
Baines (1997).
Figure 2.6: Surfaces de référence dans un compresseur centrifuge : projection méridienne, plan aube-
à-aube et coupe orthogonale.
et Brown, 1951). La figure 2.6 présente ces surfaces : les surfaces méridiennes sont obtenues
par projection sur le plan r,z ; les surfaces aube-à-aube sont généralement représentées par
une transformation conforme dans le plan ds/r, dθ (où s est l’abscisse curviligne) ; et les
coupes orthogonales, qui peuvent être considérées comme quasi-planes. La figure 2.6 per-
met d’insister sur les courbures caractéristiques des canaux de compresseurs centrifuges :
le virage axial–radial (vue méridienne) et les courbures du plan aube-à-aube. On distingue
d’ailleurs plusieurs cas pour la sortie de roue, où les pales peuvent être purement radiales
ou couchées en arrière (cas de la figure 2.6), ce qui ajoute une courbure spécifique.
16 Données générales
Le triangle des vitesses de la figure 2.8 repose sur la composition des vitesses
V =W +U , (2.1)
Figure 2.8: Triangle des vitesses (les indices 1 et 2 se référent aux stations dans la roue, voir figure 2.4).
Notons que les composantes Vz en entrée et Vr en sortie sont directement reliées au débit
qui traverse le compresseur. Le paragraphe suivant présente l’équation d’Euler, qui nous
permettra de donner un sens aux projections tangentielles.
montre que le travail absorbé par le compresseur (Wech ) se traduit par une variation
d’enthalpie statique et d’énergie cinétique (Ec ). En notant que les conditions totales tra-
duisent l’intégration de l’équation (2.3) entre l’écoulement et un arrêt (Ec =0) isentro-
pique (donc adiabatique Qech = 0, et réversible Wech = 0), on introduit l’enthalpie totale
18 Données générales
ht 2 − ht 1 = U2 Vθ 2 − U1 Vθ 1 . (2.5)
Cette équation montre notamment que les composantes en Vθ du triangle des vitesses
déterminent le travail échangé à travers la roue.
La température totale étant définie par ht = Cp Tt , la relation précédente permet de
quantifier la variation de température totale à la traversée de la roue. À ce stade, la
variation de pression totale associée n’est accessible que si l’on suppose la transformation
γ
isentropique, auquel cas la loi de la Laplace peut s’appliquer : Pt2 /Pt1 = (Tt2 /Tt1 ) γ−1 . En
pratique, les pertes générées à la traversée de la machine entraı̂nent une diminution de la
pression totale récupérée.
En utilisant les relations mathématiques classiques dans les triangles, on peut récrire
l’équation (2.5) de la manière suivante :
1 2
ht2 − ht1 = (U2 − U12 ) − (W 2 − W 2 ) + (V 2 − V 2 ) . (2.6)
2 2 1 2 1
Effet centrifuge Diffusion dans le repère relatif Apport d’énergie cinétique
On vérifie que, pour un taux de compression imposé, le rendement sera d’autant meilleur
que l’augmentation de température sera faible (ou, plus exactement, proche de l’augmen-
tation correspondant au cas isentropique).
Enfin, l’augmentation de pression totale à travers la roue (évaluée par le taux de com-
pression πtt ) dépend du travail échangé par le biais du rendement :
γ−1
γ
Pech
πtt = 1 + ηis−tt , (2.10)
ṁCp Tt1
2.2.4 Performance
Le taux de compression (π) et le rendement (η) sont les principales mesures de la
performance d’une turbomachine, et doivent être présentés en fonction du point de fonc-
tionnement considéré. Celui-ci est défini par 7 grandeurs : le débit (ṁ) et la vitesse de
rotation de la roue (N) ; les conditions d’alimentation (pression et température totales Pt1
et Tt1 ) ; et la nature du gaz : R, γ et µ. L’analyse dimensionnelle aboutit notamment à
la définition de variables sans dimension qui permettent de généraliser les comparaisons
entre machines (Lakshminarayana, 1996). Nous ne nous étendrons pas sur ce point dans ce
chapitre, car il est largement traité dans le chapitre 9 traitant de la similitude. On retiendra
simplement que les variables adimensionnelles suivantes sont utilisées pour décrire le point
de fonctionnement √
ṁ RTt1 ND ND 2 Pt1
, √ , , γ . (2.11)
Pt1 D 2 γRTt1 µRTt1
Elles représentent, respectivement, le débit et la vitesse de rotation adimensionnels, le
nombre de Reynolds, complétés par le rapport des chaleurs spécifiques, qui caractérise
le gaz. Dans la pratique industrielle, il est courant de limiter la définition du point de
fonctionnement au débit et à la vitesse de rotation. Dans ce cas, on omet généralement le
diamètre et l’on ramène les conditions de pression et température aux conditions standards
Pref =101 325 Pa et Tref =288.15 K). Les variables ainsi obtenues
ṁ Tt1 /Tref N
ṁred = et Nred = , (2.12)
Pt1 /Pref Tt1 /Tref
Ces deux limites permettent d’introduire une autre mesure importante de la perfor-
mance : la plage de fonctionnement. Elle se définit comme
ṁblocage − ṁpompage
Plage = . (2.13)
ṁnominal
Le débit de blocage est parfois utilisé au dénominateur de cette expression. On notera que la
plage d’un compresseur diminue quand le taux de compression augmente. Les phénomènes
liés au pompage sont le sujet d’études à part entière, nous ne les aborderons que succinc-
tement dans ce mémoire.
Les pales, le moyeu et le carter d’une roue de compresseur centrifuge définissent des
canaux supposés guider l’écoulement. Cependant, certains phénomènes se produisent qui
empêchent le fluide d’être parfaitement canalisé. La qualification d’écoulement principal se
réfère alors à la fraction de l’écoulement qui suit la géométrie, par opposition à l’écoulement
secondaire, terme par lequel on désigne les composantes de l’écoulement dans des plans
orthogonaux à la direction principale.
L’analyse des forces crées par l’écoulement principal permet de comprendre l’établis-
sement des gradients de pression qui s’établissent dans un compresseur centrifuge. Nous
verrons dans le chapitre 7 que ces gradients sont une variable importante pour le concepteur.
Ils participent de plus à l’explication de la formation des écoulements secondaires, source
de perte importante dans les turbomachines.
22 Données générales
L’écriture des équations d’Euler dans le référentiel mobile (ou relatif) lié à la roue fait
apparaı̂tre les forces que subissent les particules fluides. Ce référentiel étant non-Galiléen,
les accélérations centrifuges et de Coriolis se manifestent comme des forces externes.
Mis à part le gradient de pression, quatre forces doivent être prises en compte, ex-
primées ici dans le repère lié à la particule (trièdre de Frenet) :
∂W
F inertie = −ρW us . (2.14)
∂s
La direction de cette force est donnée par la trajectoire, us représentant le vecteur
unitaire tangent à la trajectoire au point considéré. Dans un compresseur, les parti-
cules sont généralement ralenties sur la majeure partie de leur trajet, et donc ∂W/∂s
est souvent négatif ;
– la force centrifuge induite par la rotation de la roue (voir la figure 2.11 pour une
représentation en vue méridienne), qui s’écrit :
La direction de cette force, ur , est donc strictement liée à la référence fixe donnée
par l’axe de rotation ;
– la force de Coriolis due à la rotation de la roue :
Étant donné que la force de Coriolis est donnée par un produit vectoriel impliquant
la vitesse relative, sa direction dépend directement de la trajectoire de la particule
dans le référentiel de la roue (voir la figure 2.12 pour une représentation dans un plan
aube-à-aube) ;
– finalement, la trajectoire dans le référentiel relatif étant elle-même courbée, on intro-
duit la force centrifuge due aux courbures. Son expression est sensiblement analogue
à la force centrifuge due à la rotation :
Figure 2.11: Vue méridienne : représentation des forces projetées sur la normale à la trajectoire .
En se plaçant dans un plan méridien moyenné, i.e une surface où les quantités sont
obtenues par moyenne dans la direction azimutale, les forces précédentes se projettent de
la manière suivante (voir figure 2.11) :
– l’effort dû au gradient de pression dans la direction normale à la trajectoire est
−∂P/∂nm ;
– l’effort d’inertie dû à l’accélération de la particule est localement porté par la trajec-
toire ; sa projection sur la normale est donc nulle.
– si on note σ l’angle entre la tangente à la trajectoire et la direction axiale, la force
centrifuge due à la rotation se projette sur la normale comme −ρΩ2 r cos σ ;
24 Données générales
– à l’entrée de la roue, la force de Coriolis est portée par ur et n’intervient pas dans
le bilan aube-à-aube ; de même pour la force centrifuge due à la rotation, elle-aussi
portée par ur . On peut donc déduire de l’équation (2.20) qu’un gradient de pression
s’établit pour compenser la force centrifuge due à la courbure. Ce gradient est po-
sitif de l’extrados d’une pale vers l’intrados de la suivante. L’extrados et l’intrados
sont définis ici de manière géométrique (dessus/dessous). Ces termes, généralement
réservés à l’aérodynamique externe, ont l’avantage de ne pas être ambigus, contrai-
rement aux termes anglais de pressure side (PS) et suction side (SS) qui dépendent
du régime de fonctionnement (en effet si l’extrados est bien en dépression aux faibles
et moyens débits, il peut être en surpression aux forts débits). Toutefois, la notation
PS/SS sera conservée car plus explicite dans le contexte des turbomachines ;
– considérons un plan proche de la sortie de la roue, situation représentée figure 2.12.
Pour quantifier le gradient de pression aube-à-aube, la direction θ est examinée. La
force centrifuge due à la rotation étant portée par ur elle n’intervient pas dans ce
bilan. Trois termes restent donc à examiner : la force d’inertie de la particule sur
sa trajectoire, la force de Coriolis et la force centrifuge due à la courbure. La force
due à la variation de vitesse de la particule est orientée suivant −us, mais comme
dans un compresseur la particule est décélérée, la force a une projection négative sur
uθ . Il faut maintenant comparer la force centrifuge due à la courbure et la force de
Coriolis. Pour des pales purement radiales en sortie, l’effet de courbure est nul en
sortie. Pour des pales couchées en arrière, la force due à la courbure a une projection
positive suivant θ. Cependant, le rayon de courbure est généralement grand, et la
force centrifuge reste inférieure à la force de Coriolis. On conclut finalement que
l’équilibre des forces est dominée par la force de Coriolis : le gradient de pression
reste orienté vers de l’extrados vers l’intrados, et ce même pour des pales couchées
en arrière.
de l’extrados vers l’intrados. Sous les hypothèses de Prandtl, la trajectoire B (située dans
la couche limite) subit le même gradient pression. Or, si on se réfère à l’équation (2.20),
les forces sensées équilibrer ce gradient de pression sont insuffisantes pour maintenir la
particule sur la même trajectoire que la ligne A, à cause du déficit de vitesse dû à la couche
limite du moyeu. Pour cette raison, la particule est déviée vers l’extrados (figure 2.13 (a)).
Ceci donne naissance à des composantes de vitesse orthogonales à l’écoulement principal,
et plus généralement à l’écoulement secondaire (figure 2.13 (b)).
Le raisonnement précédent montre que l’écoulement secondaire est en fait une création
de vorticité longitudinale par réorientation de la vorticité transversale présente dans les
couches limites. Pour cette raison, une distinction particulière est faite en ce qui concerne
l’écoulement de jeu. Au sens large, le jeu entre le carter et l’extrémité des pales est bien
la cause d’un écoulement secondaire, mais l’origine est différente : l’écoulement de jeu se
développe du fait de la charge de la pale et de l’entraı̂nement du carter.
ω = rotV = ∇ × V . (2.21)
Ce paragraphe ne prétend pas présenter une dérivation complète des équations générales
gouvernant la vorticité (se référer par exemple à Lakshminarayana (1996) pour les équations
complètes, et à Lakshminarayana et Horlock (1973) pour une dérivation détaillée). Nous
allons présenter ici les équations simplifiées pour la composante longitudinale de vorticité,
le but étant de comprendre les mécanismes de création des écoulements secondaires, dans
un premier temps, puis de présenter les structures classiques que l’on peut attendre.
D’après Hawthorne (1974), l’équation pour la vorticité relative longitudinale (ωs∗ , com-
posante suivant us du vecteur ω ∗), peut s’écrire
∂ ωs∗ 2 1 ∂Pr Ω ∂Pr
= 2
+ , (2.22)
∂s W ρW Rn ∂b W ∂z
Courbure Rotation
Effet de courbure dans le plan méridien On évalue ici le premier terme de l’équa-
tion (2.22) dans le plan méridien. Le gradient de Pr s’écrit alors :
2 1 ∂Pr 2 ∂W 2
2
∼ ∼ , (2.25)
ρW Rn ∂b W Rm ∂b P S/SS Rm δM/C
2.3 Aérodynamique des compresseurs centrifuges 29
où Rm est la courbure dans le méridien. Cette fois, le gradient de W est dû aux couches
limites des pales. Ce terme traduit une création de vorticité longitudinale à proximité
des surfaces des pales, créant une composante d’écoulement du moyeu au carter. C’est le
“tourbillon dû à la courbure dans le plan méridien” de la figure 2.14.
∂ ∂
= sin σ . (2.26)
∂z ∂nm
Alors, si on écrit :
∂Pr ∂W 2 /2 ∂W
= sin σ = sin σW , (2.27)
∂z ∂nm ∂nm
et si on utilise la relation Wm = W cos β (voir figure 2.12), on obtient finalement :
Synthèse L’obtention de données locales sur la structure de l’écoulement dans les tur-
bomachines radiales a été notamment initiée par Senoo, Yamaguchi et Nishi (1968). Les
travaux de Eckardt (1975) ont ensuite représenté un progrès significatif. Maintenant, l’ob-
tention de données locales par vélocimétrie laser est relativement répandue (Hathaway et
al., 1993; Wernet, Bright et Skoch, 2001; Ziegler, Gallus et Niehuis, 2003a). Cependant,
l’identification des structures de l’écoulement secondaire est plus rare. Les expériences de
Krain (1981), Krain (1988) et Sipos (1990) rapportent l’observation expérimentale des
structures représentées sur la figure 2.15 : un tourbillon de passage se forme à l’entrée de
la roue (plan I) ; un peu plus avant, deux tourbillons contra-rotatifs occupent la totalité
du canal (plan II) ; vers la sortie, une structure complexe est obtenue où deux tourbillons
cohabitent dans des portions limitées du passage (plan V).
Ces structures ont été reproduites (au moins de manière qualitative) par de nombreuses
études CFD ; on peut notamment citer les études de Moore et Moore (1988); Sipos (1990);
Chen et al. (1996); Hirsch, Kang et Pointel (1996).
Figure 2.15: Structures tourbillonnaires : lignes d’écoulement secondaire sur des coupes orthogonales
à travers la roue de Krain (1988). Résultat de calculs RANS, d’après Hirsch, Kang et Pointel (1996).
Cas de l’écoulement de jeu de bout de pale Pour permettre la rotation des par-
ties mobiles de turbomachines sans flasque, il est indispensable de laisser un jeu entre
l’extrémité des pales et le carter. Inévitablement, cette zone est le siège d’un écoulement
allant d’un canal vers son voisin. La cause principale de ce “débit de fuite”, illustré fi-
gure 2.16 (a) est la différence de pression entre les deux faces d’une même pale (effet
non-visqueux). La condition d’adhérence sur la paroi du carter, combinée à la rotation, est
un effet supplémentaire de type visqueux qui, dans les compresseurs (contrairement aux
turbines), agit dans le même sens que la charge. La charge de la pale en tête et la hauteur
du jeu sont donc deux paramètres critiques pour l’influence de l’écoulement de jeu de bout
de pale.
La couche de vorticité ainsi engendrée rencontre une discontinuité angulaire lors de
son interaction avec l’écoulement principal. Dans le cas “idéal”, cette discontinuité mène
2.3 Aérodynamique des compresseurs centrifuges 31
(a) Débit de fuite de l’intrados vers l’extrados. (b) Formation du tourbillon de jeu
à la formation d’un tourbillon, illustré figure 2.16 (b). Ce tourbillon est ensuite convecté
dans le canal, participant ainsi à l’écoulement secondaire, et plus particulièrement à la
formation du jet/sillage (§ 2.3.2.4). La formation effective de ce tourbillon est conditionnée
par l’influence de paramètres tels que la diffusion visqueuse ou le niveau de turbulence. De
plus, l’écoulement secondaire s’oppose, voire domine (Lakshminarayana, 1996) l’écoulement
de jeu.
Les effets de jeu sont le sujet de nombreuses études expérimentales (Skoch et al., 1997;
Fagan et Fleeter, 1991; Ishida et Senoo, 1981). L’existence du tourbillon est en général bien
capturée par la simulation numérique (Papailiou et al., 1999; Skoch et al., 1997; Basson et
Lakshminarayana, 1993), mais son point d’apparition et son interaction avec l’écoulement
principal semblent poser plus de difficultés.
Nous allons maintenant examiner deux conséquences notables de la présence des écoule-
ments secondaires : le glissement et la configuration de jet/sillage.
2.3.2.3 Le glissement
La notion de glissement est à rapprocher de l’écart fluide–profil dans l’étude des ailes
en aérodynamique externe ; il traduit l’écart entre la direction de l’écoulement relatif β et
l’angle de la pale en sortie β2p . Ce phénomène a quatre origines :
– les écoulements secondaires ;
– la diminution soudaine de l’effet de blocage lorsque les particules dépassent le bord
de fuite ;
– le développement des couches limites sur les pales ;
– l’influence de l’accélération de Coriolis (figure 2.12), qui n’est plus compensée par la
charge des pales.
Le glissement a un impact négatif sur la performance d’un compresseur centrifuge. En
effet, d’après l’équation d’Euler (2.2), tout écart à la déviation maximale entraı̂ne une
diminution de la puissance délivrée. Ainsi, le coefficient de glissement est intimement lié
à la notion de rendement, ce qui pourrait expliquer la difficulté à trouver une corrélation
universelle pour ce terme.
32 Données générales
Les mesures par anémométrie laser de Eckardt (1976) ont permis de confirmer les
théories de Dean et Senoo (1960) et Dean (1971), qui supposent l’existence en sortie roue
d’une zone d’accumulation de fluide à faible quantité de mouvement, le sillage, co-existant
avec une zone à forte énergie, le jet. Ceci est illustré figure 2.17.
Figure 2.17: Jet/sillage en sortie roue : représentation schématique de la contribution des écoulements
secondaires et de jeu à la formation du sillage, d’après Eckardt (1976).
Eckardt (1976) proposa d’expliquer ce phénomène comme le résultat entre, d’une part,
l’interaction du décollement de la couche limite à l’extrados (en conséquence de la réduction
de turbulence sous l’effet de l’accélération de Coriolis – voir chapitre 5), et d’une séparation
au carter (sous l’effet de la courbure) d’autre part. Bien que la coexistence de zones de
décollement et de jet/sillage fut observée expérimentalement par Johnson et Moore (1983),
les expériences de Krain (1988) démontrèrent par la suite la possibilité de rencontrer la
structure de jet/sillage en l’absence de décollement significatif. L’explication communément
acceptée maintenant (Hirsch, Kang et Pointel, 1996; Hathaway et al., 1993) attribue le
jet/sillage au transport de fluide à faible quantité de mouvement dans les couches limites,
en interaction avec l’écoulement de jeu. Cette structure se révèle donc être le fruit de
l’interaction entre les écoulements secondaire et de jeu.
Les simulations numériques reproduisent généralement bien le jet/sillage : les calculs
de Casey, Dalbert et Roth (1990) restituent le développement progressif de la zone à
faible quantité de mouvement à travers la roue de Eckardt (1976) ; les résultats de Kang
et Hirsch (1999) reproduisent l’influence du débit sur la position du jet/sillage, observée
expérimentalement par Chriss, Hathaway et Wood (1996).
Cette catégorie est parfois nommée pertes par frottement, ou pertes de profil. Les
phénomènes qu’elle inclut sont
– les pertes par frottement sur les pales et le moyeu (les frottements au carter sont
généralement classés dans la catégorie des pertes par jeu), et particulièrement au
niveau des survitesses dues au contournement du bord d’attaque. C’est une action
directe du frottement visqueux à la paroi : il y a création d’entropie principalement
de la sous-couche visqueuse à la zone logarithmique (Denton, 1993) ;
– les pertes dues aux décollements éventuels. Lorsque la couche limite décolle, la partie
décrochée de la pale ne travaille pas, et la zone de recirculation est le siège d’une forte
création d’entropie. Cette perte pourrait être inclue dans les pertes par mélange, car
la zone à faible quantité de mouvement générée par le décollement doit se mélanger
à l’aval avec le flux primaire ;
– les pertes générées dans le sillage des bords de fuite épais sont généralement classées
dans cette catégorie, mais comme pour les pertes par décollement, elles tiennent
beaucoup aux pertes par mélange.
Cette catégorie assez large inclut toutes les configurations d’écoulement qui impliquent
le mélange de deux flux de vitesses différentes. Ce mélange est source d’entropie (Denton,
1993; Cumpsty, 1989). Par exemple, les pertes générées par une configuration de jet/sillage
ou l’écoulement de jeu, mais aussi, au sens large, l’homogénéisation de l’écoulement issu
de la roue entrent dans cette catégorie.
– une action indirecte : le jet créé par le jeu engendre des pertes par mélange en rencon-
trant le flux primaire. De plus, il participe à la tridimensionnalité de l’écoulement et
donc à la distorsion générée à l’aval de la roue, créant des conditions de désadaptation
sur le diffuseur.
Figure 2.18: Source acoustique sous l’hypothèse de champ libre et lointain : la zone centrale représente
la source de bruit aérodynamique, et la zone extérieure la propagation de l’onde acoustique, d’après
Bogey (2000).
On considère généralement que le bruit large bande domine le bruit de raies pour
un “nombre de Mach de rotation” (défini par la vitesse d’entraı̂nement en bout de pale)
inférieur à 0.8 . La figure 2.19 présente les résultats de mesures effectuées sur un compresseur
de référence LTS (le baseline). Cette figure montre que pour ce point de fonctionnement,
le niveau de pression3 du bruit large bande est inférieur de 10 à 30 dBA au bruit de raies,
et donc largement négligeable.
10 dBA
Lp (dBA ref 20 µPa)
35 000 tr/min
30 000 tr/min
Bruit de fond
Figure 2.19: Spectre mesuré du niveau de pression acoustique rayonné par un compresseur LTS de
référence (le baseline). Le “bruit de fond” est mesuré lorsque la machine ne tourne pas. Les pics
représentent le bruit de raies, supérieur de 10 à 30 dBA au bruit large bande (donné par le niveau
moyen en excluant les pics).
D’après l’analyse menée par LTS, on identifie généralement les 4 sources de bruit de
raies suivantes :
– L’interaction des pales avec une distorsion amont.
Les effets de la géométrie d’alimentation peuvent entraı̂ner une distorsion azimutale
du champ de vitesse, supposée stationnaire dans le repère absolu. Dans le référentiel
lié à la pale, cette distorsion se manifeste comme une variation temporelle d’incidence,
mécanisme défini précédemment.
La taille de la distorsion conditionne alors le contenu fréquentiel associé à la fluc-
tuation : une distorsion azimutale de taille importante se manifeste dans le champ
fréquentiel comme un bruit basse fréquence. En revanche, une “petite” distorsion
se manifeste par une fréquence élevée, souvent considérée comme gênante pour le
3 2 2
Le niveau de pression est défini comme Lp = 10 log Pacous /Pref . Les dBA représentent l’application
d’un filtre comparable à celui de l’oreille humaine, c’est-à-dire que les niveaux de pression hors de la gamme
1000–5000 Hz sont atténués.
2.4 Notions d’acoustique pour les compresseurs centrifuges 37
confort auditif si elle se situe dans la gamme de la parole (1000 Hz–5000 Hz), les
limites de l’oreille humaine étant 20 Hz–20 000 Hz.
– Le bruit de charge stationnaire.
Sous l’effet de la rotation, la charge aérodynamique aube-à-aube est une source de
bruit. L’analyse de l’efficacité des sources autorise à considérer que cette source est
négligeable dans le cas des compresseurs LTS.
– L’interaction entre le sillage du rotor et le stator.
Le sillage généré en aval du rotor est vu comme une distorsion en mouvement (appelée
“rafale”) par le stator. L’interaction périodique de ce déficit de vitesse avec les pales
du diffuseurs est une source de bruit cohérente (bruit de raies). Notons que le terme
de sillage est entendu ici au sens large ; cette notion sera précisée au chapitre 5.
– L’interaction entre le bec de volute et l’écoulement.
De même que pour l’interaction précédente, le défilement des sillages du rotor peut
interagir avec le bec de la volute pour créer du bruit, en particulier dans le cas d’un
diffuseur lisse. Dans le cas où un diffuseur aubé est présent à l’aval de la roue, on
estime généralement cette source négligeable, du fait du mélange des inhomogénéités
à la traversée du stator. Notons que cet aspect aérodynamique est confirmé par les
résultats expérimentaux de Krain (1981), qui montrent une disparition des inho-
mogénéités (périodiques) dues à la roue après le col du diffuseur.
dans la suite de ce mémoire ont été menés par LTS sur la base des données aérodynamiques
extraites des calculs CFD réalisés dans le cadre de la thèse.
Par la suite, nous nous attacherons à traiter l’acoustique comme un contrainte supplémentaire
au dimensionnement des compresseurs centrifuges.
Synthèse
Ce chapitre a permis de donner les caractéristiques générales des compresseurs centri-
fuges. Nous verrons au chapitre 7 que des notions comme l’effet centrifuge ou le ralentis-
sement (équation (2.6)) ont des implications concrètes sur les principes de dimensionne-
ment des compresseurs. D’une manière générale, les différentes phénoménologies présentées
au paragraphe 2.3.2 (en particulier les figures 2.15, 2.16 et 2.17) participeront, au moins
d’un point de vue qualitatif, à la qualification des prédictions des modèles de turbulence
présentés au chapitre 5. Enfin, si la notion de similitude a été abordée succinctement ici,
nous verrons au chapitre 11 qu’elle mérite d’être développée dans le contexte de la concep-
tion d’une gamme d’étage.
Première partie
Sommaire
3.1 Introduction : qualité et confiance dans la CFD . . . . . . . . 42
3.2 Concepts et définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3.2.1 Présentation du concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3.2.2 Formalisme et classification des erreurs . . . . . . . . . . . . . . . 44
3.3 Procédures pour la vérification et la validation . . . . . . . . 47
3.3.1 Évaluation de l’erreur numérique : études de grille . . . . . . . . 47
3.3.2 Estimation des incertitudes aléatoires : étude de sensibilité . . . 49
3.3.3 Construction d’une métrique de validation . . . . . . . . . . . . . 50
Depuis son essor véritable vers la fin des années soixante, la CFD a évolué à un rythme
soutenu. Les progrès significatifs dans le domaine des méthodes numériques (schémas de
discrétisation spatiale et d’intégration temporelle, techniques de maillage) ont permis de
multiplier les applications de la simulation numérique : élargissement de la gamme de
nombre de Mach, prise en compte de la turbulence, complexification des géométries.
Parallèlement, l’amélioration continue des performances des ordinateurs a permis à
la CFD de trouver une place à part entière dans les cycles de conception, en réduisant
suffisamment les temps de calculs pour traiter des configurations représentatives de la
réalité industrielle.
La maturité des codes de calculs acquise dans la dernière décennie doit maintenant être
complétée par un questionnement sur la crédibilité qualitative et quantitative des résultats
numériques. En effet, l’une des principales qualités de la CFD est de permettre d’analyser
rapidement des options de conception, sans recourir à de longues et coûteuses campagnes
d’essais. Se dégage donc clairement la nécessité de quantifier la confiance dans les résultats
de simulations.
Les premières démarches rigoureuses sur ce sujet furent initiées dans des domaines où
l’enjeu des simulations est élevé car la validation expérimentale n’est pas possible, comme
c’est le cas pour les problèmes liés à l’énergie nucléaire ou à certains tests de missiles. Ainsi,
dès la fin des années soixante-dix, des organisations officielles (principalement aux USA),
comme la Society for Computer Simulation, développèrent des initiatives visant à maı̂triser
le processus des simulations et quantifier leurs erreurs. Dans les années quatre-vingt, la
Defense Modeling and Simulation Organisation du département de la défense américain
(DoD) débuta des efforts de normalisation sur ce thème : les termes de vérification et
validation sont introduits (DoD, 2003)1 .
P.J. Roache fut un des pionniers sur ce thème en participant notamment à la rédaction
de la “Politique éditoriale du Journal of Fluid Engineering (JFE ) : Déclaration sur le
contrôle de la précision numérique” (Roache, Ghia et White, 1986). Ce document stipule
que “tout résultat de simulation doit présenter une évaluation de l’erreur numérique par
l’utilisation de différentes résolutions de maillages pour être considéré comme publiable”.
L’ouvrage Roache (1998a) marque une étape sur la voie du consensus, et reste une référence
sur le sujet.
Dans les années quatre-vingt-dix, le comité des standards de l’American Institute of
Aeronautics and Astronautics (AIAA) publie un guide pour la vérification et la validation
(AIAA, 1999). Un numéro spécial de l’AIAA Journal (Mai 1998) est entièrement consacré
au thème “Crédibilité des simulations numériques en mécanique des fluides” (Mehta, 1998;
Barber, 1998; Roache, 1998b; Oberkampf et Blottner, 1998). L’AIAA continue depuis ses
efforts de standardisation (Cosner et al., 2005). Récemment, la mise-à-jour de la “Politique
éditoriale” du JFE (Celik, 2003) propose une méthode standard pour mener les études de
vérification, basée sur les travaux de Roache (Roache, 1993, 1998a).
1
Cette référence correspond à la dernière mise-à-jour du document par le DoD.
3.2 Concepts et définitions 43
Figure 3.1: Représentation synthétique des liens entre la réalité et les résultats de simulation.
À l’heure actuelle, certaines ambiguı̈tés persistent sur l’utilisation des termes vérification
et validation. Toutefois, l’objet de ce chapitre n’est pas de présenter exhaustivement les
différentes perspectives sur le sujet ou les débats qu’elles suscitent. Nous tenterons ici
d’apporter une vision du sujet unifiée et largement consensuelle, dans la mesure du pos-
sible. L’approche présentée reprend les points incontournables soulignés par P. Roache,
H. Coleman, W. Oberkampf et I. Celik.
et apparaı̂t comme la somme des contributions des erreurs numériques δNUM et de modé-
lisation δMOD .
2
Dans le guide AIAA (1999), la prédiction est définie comme “l’utilisation d’un modèle pour prédire
l’état d’un système physique en dehors des conditions pour lesquelles le modèle a été validé”. Nous ne
nous étendrons pas sur cette nuance.
3.2 Concepts et définitions 45
De manière similaire, un résultat expérimental φEXP contient aussi une erreur δEXP (due
à la précision des sondes, leur intrusivité, la répétabilité des essais . . . ) :
δNUM = δI + δT + δG + δA , (3.6)
où :
– δI est l’erreur due au processus itératif. Cette contribution devient négligeable, dans
la majorité des cas, après un “grand” nombre d’itérations ;
– δT est l’erreur due à la discrétisation temporelle pour un calcul instationnaire (i.e., le
choix du pas de temps). Cette erreur ne s’applique pas aux simulations stationnaires
traitées dans ce mémoire ;
– δG est l’erreur due à la discrétisation spatiale sur la grille de calcul. Nous verrons que
cette erreur est la plus significative dans notre cas. Nous y consacrons le chapitre 4 ;
– δA regroupe les autres causes d’erreurs possibles, principalement les erreurs de codage
et les arrondis machine. Dans le chapitre 5, la vérification de l’implantation des
corrections des modèles de turbulence vise à s’assurer que cette contribution est
négligeable.
3
En statistique, l’incertitude Uφ relative à la variable φ, est associée à l’erreur δφ , de sorte que l’intervalle
±Uφ contient la vraie valeur de l’erreur 95 fois sur 100. Pour une répartition gaussienne (loi normale), cet
intervalle correspond à deux fois l’écart-type.
46 Cadre de l’approche numérique : vérification et validation
En reprenant le formalisme précédent pour les erreurs, nous distinguons les grandeurs
φREALITE-SIM pour les équations (3.1) et (3.3) d’une part, et d’autre part φREALITE-EXP pour
l’équation (3.4). L’“erreur” associée aux paramètres incertains doit donc être introduite
dans l’équation (3.5), qui devient :
Notons que l’erreur δPI est intrinsèque à la comparaison CFD/EXP. C’est une erreur
associée à une incertitude aléatoire (ou non-déterministe) du point de vue statistique, par
opposition aux erreurs numériques, associées à des incertitudes déterministes. L’étape de
validation devra alors prendre cette incertitude en compte et sera basée sur l’équation (3.9).
Les différentes procédures utilisées pour évaluer les termes qui contribuent à l’équa-
tion (3.9) sont maintenant présentées.
3.3 Procédures pour la vérification et la validation 47
Dans le cadre de ce mémoire, les simulations instationnaires ne sont pas traitées, et nous
ne considérons donc pas la contribution du pas de temps δT . Pour minimiser l’erreur due
au processus itératif δI , les critères de convergence itérative suivants (Casey et Wintergerste,
2000) sont appliqués :
– diminution des résidus d’au moins 3 ordres de grandeur, et stabilisation ;
– écart entre le débit d’entrée et de sortie stabilisé, et inférieur à 0.1 % ;
– stabilisation des principales quantités globales d’intérêt (débit, taux de compression
et rendement).
L’erreur due aux autres paramètres δP ne peut être quantifiée séparément à l’issue
d’un calcul sans recourir à une solution analytique. En pratique, on supposera cette erreur
négligeable lors de l’évaluation de l’erreur numérique. La validité de cette hypothèse repose
sur deux points : (i) on estime que le code de calcul non modifié a subi les vérifications
nécessaires lors de sa conception et (ii) l’implantation des modifications apportées aux
modèles est vérifiée dans le chapitre 5.
où φNUM-G est la valeur de la variable sur la grille considérée ; n est le nombre de termes
retenus dans la série ; αi une fonction dépendant du maillage et de la grandeur φ considérée ;
h une mesure de la taille de maille ; et pi l’ordre de troncature du i-ème terme. Les termes
αi et pi sont des fonctions de combinaisons variées des différentes dérivées de φ par rapport
à h.
Le rang asymptotique est alors défini comme la gamme de taille de maille qui assure que
le terme dominant l’erreur est le terme de plus haut degré. Pour une solution dans le rang
48 Cadre de l’approche numérique : vérification et validation
δG = α hpobs , (3.11)
où pobs est l’ordre observé (effectif) du schéma pour le cas, le maillage et la variable φ
considérés. Ainsi, comme l’illustre la figure 3.2, dans une représentation en échelles loga-
rithmiques de l’erreur relative en fonction de la taille de maille, un schéma d’ordre 1 (resp.
2) se traduit par une pente 1 (resp. 2). Notons qu’en pratique, l’ordre observé pobs varie en
fonction de la proximité au rang asymptotique, comme le montrent les points figurés sur
la figure 3.2, tirés de solutions numérique de Roy, McWherter-Payne et Oberkampf (2000).
Ces résultats démontrent de plus que, pour un schéma mixte (schémas différents pour les
flux convectifs et visqueux), le terme d’ordre 2 domine sur les maillages grossiers, alors que
le terme d’ordre 1 domine dans le rang asymptotique.
Figure 3.2: Convergence en maillage théorique pour des schémas d’ordre 1 et 2, et comparaison avec
une solution calculée, d’après Roy, McWherter-Payne et Oberkampf (2000).
3.3 Procédures pour la vérification et la validation 49
φRE − φ1
δG-RE1 = , (3.13)
φRE
ln |ε32 /ε21 |
pobs = + q(p) , (3.14)
ln(r21 )
pobs
r21 −s ε32
avec q(p) = ln et s = 1 · signe , (3.15)
r32 − s
pobs
ε21
où φRE est la solution extrapolée, et δG-RE1 la valeur extrapolée de l’erreur associée à la
solution sur grille fine.
L’estimation des erreurs numériques est un sujet recevant beaucoup d’attention à l’heure
actuelle. Nous citerons notamment les travaux de Celik et al. (2004), qui proposent une
méthode de traitement statistique pour les résultats issus de plusieurs simulations, élaborée
spécifiquement pour les cas où la convergence est oscillatoire. Cette méthode n’est pas
encore répandue et sa généralité reste à démontrer. Eça et Hoekstra (2002) proposent une
“méthode des moindres carrés” pour évaluer l’incertitude numérique d’après un échantillon
de solutions obtenues sur un nombre de grilles supérieur à 3. Celik et Hu (2004) proposent
d’évaluer l’erreur en résolvant une équation aux dérivées partielles supplémentaire, qui
exprime “la création et le transport de l’erreur”.
et de simplicité de mise en œuvre. La solution adoptée sera de mener deux calculs (au
minimum) autour de la valeur moyenne supposée. Nous avons retenu la taille du jeu et
l’intensité de turbulence en entrée pour l’importance de leur influence (Weiß et al., 2003;
Huang, 1997), mais d’autres effets pourraient être pris en compte (comme la distorsion
amont par exemple).
Pour cela, l’équation (3.9) est utilisée pour définir l’incertitude totale de la comparaison
UTOT , associée aux erreurs que l’on peut évaluer, c’est-à-dire que l’incertitude due aux
modèles UMOD est omise :
2 2 2
UTOT = UNUM + UPI + UEXP , (3.16)
où UNUM , UPI et UEXP sont, respectivement, les incertitudes associées à la résolution
numérique, les incertitudes aléatoires et les incertitudes expérimentales. L’incertitude totale
UTOT représente en quelque sorte le “bruit” associé à la comparaison.
Dans les cas où : (i) les solutions numériques sont obtenues sur des grilles assurant
la convergence en maillage (UNUM = 0), (ii) les expériences sont entièrement maı̂trisées
(UPI = 0) et (iii) impliquent des erreurs négligeables (UEXP = 0), alors cette méthode
3.3 Procédures pour la vérification et la validation 51
est sans grand intérêt4 . Dans un contexte industriel, ces trois conditions sont rarement
réunies, et la méthode prend tout son intérêt. Concrètement, certains industriels (Cosner,
2004) utilisent cette approche et s’orientent vers ce qu’on a appelé le “management des
incertitudes” (Rubbert, 1998; Luckring, Hemsch et Morrison, 2003), mais ceci sort du cadre
de la thèse.
Finalement, en ce qui concerne l’incertitude associée aux modèles, remarquons que dans
le cas 1, UMOD ne peut être évaluée, mais on peut conclure qu’elle est d’un ordre de grandeur
inférieur ou comparable à UTOT . Dans le cas 2, en particulier si ∆CFD/EXP UTOT , on
peut conclure que UMOD ∆CFD/EXP .
Synthèse et conclusions
Les concepts développés dans ce chapitre peuvent apparaı̂tre fastidieux, mais ils ont
l’avantage de donner un cadre rigoureux à notre approche numérique. C’est peut-être quand
ce type de cadre fait défaut à certaines études dites de “validation” qu’une confusion
peut s’installer sur la portée des résultats de simulations. Il semblerait toutefois que la
démarche dite de vérification et validation tende à devenir un standard, en témoignent les
références citées dans le premier paragraphe de ce chapitre (§ 3.1) ainsi que les nombreuses
publications récentes sur le sujet.
4
C’est le cas dans une comparaison de résultats de simulations RANS avec des résultats obtenus par
DNS sur une configuration de plaque plane par exemple (alors considérés comme une référence pour la
validation, au même titre que des expériences très fines).
52 Cadre de l’approche numérique : vérification et validation
Chapitre 4
Influence du maillage
Sommaire
4.1 Influence des paramètres de définition du maillage . . . . . . 53
4.1.1 Méthode adoptée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
4.1.2 Performances globales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
4.1.3 Pertes par effets visqueux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
4.1.4 Pertes par effets de jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
4.2 Quantification des erreurs numériques . . . . . . . . . . . . . . 67
4.2.1 Maillage de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
4.2.2 Erreurs dues au processus itératif . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
4.2.3 Erreurs dues au maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
4.2.4 Influence du maillage sur la prédiction du bruit de raie . . . . . . 73
4.2.5 Proposition pour une approche industrielle de la prédiction CFD
des champs compresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
Le chapitre précédent a montré que l’évaluation des erreurs numériques est une étape
nécessaire pour l’utilisation de la CFD dans le cycle de conception. Pour atteindre cet objec-
tif, nous analysons dans un premier temps le maillage du point de vue des paramètres qui le
définissent. Le but de cette étape est de comprendre comment les différentes caractéristiques
d’un maillage influencent la prédiction des grandeurs d’intérêt dans l’écoulement. Cette
analyse permet d’introduire la notion d’“indépendance locale au maillage”, que nous ex-
ploitons pour établir des critères de convergence numérique pour la prédiction des effets
de jeu.
Dans la deuxième partie de ce chapitre, ces critères sont utilisés pour générer des grilles
représentant le meilleur compromis possible entre précision et nombre de points. Nous
évaluons alors les erreurs numériques associées aux maillages les plus raffinés, et utilisons
ces résultats pour quantifier les erreurs sur des maillages dégradés, plus représentatifs des
densités de mailles utilisées dans l’approche industrielle en place chez LTS.
de calcul relativement dégradées. L’objectif ici est donc de fournir des informations pour
générer des maillages représentant un compromis entre le nombre de points et la précision
requise pour l’application visée.
Pour cela, nous sélectionnons d’abord les paramètres les plus pertinents pour caractéri-
ser la génération d’un maillage. La méthode des plans d’expériences est ensuite utilisée pour
choisir les maillages à tester et mesurer leur influence sur la prédiction de l’écoulement.
Cette influence est envisagée au travers des catégories de pertes proposées au paragraphe
2.3.3. Ces résultats sont présentés dans la référence Dufour et al. (2004a). Enfin, les résultats
remarquables obtenus pour la prédiction des effets de jeu sont utilisés pour quantifier
l’erreur numérique sur le frottement au carter (Dufour et al., 2004b).
(a) Vue d’ensemble du maillage des parois : bloc principal (b) Vue de détail du jeu : blocs H-O.
(c) Vue de détail du bord d’attaque. (d) Vue de détail du bord de fuite.
3
nous conservons ici la notation y, habituellement utilisée en configuration de plaque plane, pour
désigner la direction normale à la paroi.
56 Influence du maillage
N α NJEU NC /N ∆y1 γ
Borne inférieure 33 pts 0.8 5 pts 0.25 0.5 µm 1
Borne supérieure 57 pts 1.8 21 pts 0.8 10 µm 10
Tableau 4.1: Gamme de variation des variables de l’étude sur les paramètres de maillage.
Afin d’évaluer l’influence des paramètres de maillage sur la prédiction des grandeurs de
l’écoulement, l’espace défini par les variables précédentes (4.6) doit être exploré. Pour cela,
nous devons choisir de manière optimale les combinaisons de ces variables pour réaliser
cette exploration en un minimum de calculs (“expériences” numériques), tout en retirant
le maximum d’information : c’est l’objet de la méthode dite de planification expérimentale
(voir Goupy (1988) par exemple).
Cette méthode est appliquée ici d’une manière simple et pragmatique : nous utili-
sons seulement les deux principales caractéristiques de cette approche i.e., l’optimisation
du choix des essais et l’analyse des résultats par le modèle obtenu. En effet, d’une part,
l’approche statistique qui sous-tend la planification expérimentale permet de positionner
idéalement les expériences dans l’espace des variables du problème. D’autre part, en utili-
sant une représentation au second ordre, la réponse φ considérée (i.e, un résultat de calcul
dans notre cas) est approchée par un polynôme d’ordre 2 sur le domaine d’étude :
6
6
6
6
φ = b0 + bi Xi + bii Xii2 + bki Xk Xi , (4.7)
i=1 i=1 i=1 k=i+1
où les Xi sont les 6 variables (4.6) caractérisant le maillage. Les 28 coefficients b de la fonc-
tion (4.7) représentent l’influence des paramètres de maillage sur la grandeur φ considérée,
et prennent en compte les effets linéaires (bi ), quadratiques (bij ), et leur interaction au
second ordre (bki ) ; b0 est la valeur au centre du domaine. Par la suite, ces coefficients
sont utilisés sous une forme normalisée : am = b2m / 27 2
i=0 bi . Les coefficients d’influence am
représentent donc le poids relatif des paramètres de maillage (et de leurs combinaisons) sur la
grandeur φ considérée.
Pour résoudre le problème du calcul des coefficient bm , 28 équations, et donc autant
de simulations, sont nécessaires. Les méthodes statistiques permettent d’optimiser le choix
de ces expériences au sein de l’espace défini précédemment. On effectue pour cela des
changements de variables ramenant les gammes de variation des paramètres de l’étude
entre -1 et +1. L’expérience associée à la valeur 0 pour chacune des 6 variables est appelée
“expérience au centre”, et fournit directement b0 . On définit alors autour de ce point central
4 niveaux de variation pour les 5 premières variables, et seulement 3 pour la sixième. Les
28 expériences définies par la méthode statistiques sont données dans le tableau 4.2, et les
paramètres de maillage équivalents dans le tableau 4.3.
58 Influence du maillage
X1 X2 X3 X4 X5 X6
1 0 0 0 0 0 0
2 0 0 0 0 0.866 -0.5
3 0 0 0 0 -0.866 -0.5
4 0 0 0 0.866 0 -0.5
5 0 0 0 -0.866 0 -0.5
6 0 0 0.866 0 0 -0.5
7 0 0 -0.866 0 0 -0.5
8 0 0.866 0 0 0 -0.5
9 0 -0.866 0 0 0 -0.5
10 0.866 0 0 0 0 -0.5
11 -0.866 0 0 0 0 -0.5
12 0.433 0.433 0.433 0.433 -0.433 0.25
13 -0.433 0.433 0.433 0.433 0.433 0.25
14 0.433 -0.433 0.433 0.433 0.433 0.25
15 -0.433 -0.433 0.433 0.433 -0.433 0.25
16 0.433 0.433 -0.433 0.433 0.433 0.25
17 -0.433 0.433 -0.433 0.433 -0.433 0.25
18 0.433 -0.433 -0.433 0.433 -0.433 0.25
19 -0.433 -0.433 -0.433 0.433 0.433 0.25
20 0.433 0.433 0.433 -0.433 0.433 0.25
21 -0.433 0.433 0.433 -0.433 -0.433 0.25
22 0.433 -0.433 0.433 -0.433 -0.433 0.25
23 -0.433 -0.433 0.433 -0.433 0.433 0.25
24 0.433 0.433 -0.433 -0.433 -0.433 0.25
25 -0.433 0.433 -0.433 -0.433 0.433 0.25
26 0.433 -0.433 -0.433 -0.433 0.433 0.25
27 -0.433 -0.433 -0.433 -0.433 -0.433 0.25
28 0 0 0 0 0 1
Tableau 4.2: Définition du plan d’expériences pour les variables transposées entre -1 et +1.
Le cas considéré pour cette étude est un compresseur de référence LTS, nous le dénom-
merons par la suite “baseline” (ce point sera développé dans le chapitre 7). Les principales
caractéristiques de la roue sont :
– diamètre de sortie : D2 = 202 mm ; hauteur de pale en sortie : b2 = 10 mm ;
– point de fonctionnement : ṁ = 0.632 kg/s, vitesse de rotation Ω = 38000 tr/min,
alimenté par de l’air avec Pt1 =41 129 Pa et Tt1 = 293 K ;
– le nombre de Reynolds global (équation (2.11)) résultant de ces caractéristiques est :
Re = 2.5 105 .
Dans le cadre de ce mémoire, nous nous positionnons en utilisateur du code de calcul
(Euranus), et pour cette raison ne nous étendrons pas sur la présentation des méthodes
numériques utilisées. Le code est présenté en détails dans Hirsch et al. (1991). Ici, les
équations RANS, fermées avec le modèle de turbulence de Spalart et Allmaras (1994), sont
résolues par une méthode d’avancement en temps. L’intégration temporelle est assurée par
un schéma de Runge-Kutta à 4 pas. L’utilisation d’un pas de temps local et de la technique
4.1 Influence des paramètres de définition du maillage 59
Tableau 4.3: Définition du plan d’expériences pour les paramètres de maillage, avec les nombres de
points correspondant.
Le cadre et la méthode de cette étude sur les liens entre paramètres de maillage et
prédiction des grandeurs de l’écoulement étant posés, nous allons maintenant examiner les
résultats des simulations menées pour les maillages définis par le plan d’expériences. Dans
un premier temps, la prédiction des performances globales est analysée. Ensuite, les pertes
par effets visqueux sont étudiées, et enfin, les pertes par effets de jeu.
60 Influence du maillage
Analyse des coefficients d’influence Les coefficients d’influence calculés par le mo-
dèle (4.7) du plan d’expériences montrent que les paramètres de maillage qui influencent
de manière significative la prédiction du taux de compression sont : (i) a1 , a11 et a2 , a22 ,
c’est-à-dire les effets linéaires et quadratiques de N et α, leur somme représentant 55 %
de l’influence totale du maillage ; (ii) a55 (effet quadratique de y1 ), a66 (effet quadratique
de γ) et a56 (effet couplé de y1 et γ), c’est-à-dire l’influence des discrétisations des couches
limites, de bord d’attaque et de bord de fuite. Leur somme représente 10 %.
Ces résultats sont cohérents avec les causes connues du glissement : les écoulements
secondaires, le développement des couches limites, la force de Coriolis et la diminution du
blocage après le bord de fuite. En effet, l’influence de la densité du maillage (N et α) reflète
la prédiction des écoulements secondaires, et en interprétant de manière globale l’influence
des paramètres y1 et γ, on peut raisonnablement supposer qu’ils reflètent l’influence de la
taille de maille au bord de fuite ∆xBF (équation (4.5)). Il est en revanche surprenant de
ne pas trouver une influence significative de la discrétisation des couches limites (a∆y1 =
4.1 Influence des paramètres de définition du maillage 61
100
99.9
99.8
99.7
πtt/πtt-max (%)
99.6
99.5
99.4
99.3
99.2
99.1
99
0 0.5 1 1.5
|β2-max - β2| (°)
Figure 4.3: Corrélation entre le taux de compression (normé par son maximum) et l’angle de sortie
(exprimé en écart par rapport à la déviation maximale).
a5 + a55 = 3.5 % et aNC /N ) = 0.1 %)5 . Ceci suggère que les effets visqueux ne contribuent pas
de manière dominante au glissement, ou qu’une description grossière de la couche limite suffit
à prédire cette contribution. Cette assertion est confirmée par la plupart des approches pour
la conception de correlations pour la prédiction du glissement (von Backström, 2006).
Le rendement isentropique total–total est calculé avec les valeurs moyennes (pondérées
masse) de température et pression totales extraites sur les plans de référence de la figure 4.2.
5
Par la suite, pour l’analyse des coefficients d’influence du modèle du plan d’expériences, nous utiliserons
la notation aparamètre pour représenter la somme des effets linéaires et quadratiques d’un paramètre donné,
dans un soucis de lisibilité.
62 Influence du maillage
Les pertes par effets visqueux directs (§ 2.3.3.1) sont principalement dues : au frottement
sur les surfaces des pales et du moyeu (le carter étant traité séparément dans les pertes par
jeu) ; au contournement du bord d’attaque ; et au sillage à l’aval du bord de fuite. Pour
analyser ces effets, un coefficient global de frottement sur les pales et le moyeu (Cf −PM ) est
2
obtenu en intégrant le coefficient local défini par Cf = 2τp /ρref Uref , avec ρref = 0.5 kg/m3
et Uref = 125 m/s, les masse-volumique et vitesse de référence associées à l’écoulement
amont.
4.1 Influence des paramètres de définition du maillage 63
Les principaux coefficients d’influence du modèle sont donnés dans le tableau 4.5, pour
90 % de l’effet total. La faible valeur des coefficients d’influence de la densité globale du
maillage (3 %) montre tout d’abord que la couche limite est très faiblement influencée par
la description de l’écoulement externe, ce qui est en accord avec les concepts utilisés pour
modéliser cette zone.
Le coefficient a56 est à analyser comme l’interaction entre ∆y1 et γ, c’est-à-dire la taille
des discrétisations de bord d’attaque et de fuite (∆xBA et ∆xBF ). La part importante de ce
coefficient reflète la contribution des pertes dues au contournement du bord d’attaque et
au sillage du bord de fuite. Les limites de notre choix de paramètres réduits apparaissent
ici, car les deux effets ne peuvent être dissociés.
L’influence de ∆y1 confirme les résultats classiques sur l’importance de la taille de
maille en paroi pour les simulations avec des modèles au premier ordre (voir Huang (1997) et
Thivet, Besbes et Knight (2000) pour des études détaillées sur ce sujet). Cette influence doit
être analysée en terme de distance à la paroi adimensionnée en échelles internes de la couche
limite : ∆y1+ = ∆y1 uτ /ν, où uτ est la “vitesse de frottement” définie par uτ = τp /ρ, avec
τp le frottement pariétal. Pour cela, nous examinons plus en détails la prédiction des profils
de vitesse.
+
– pour ∆y1 = 10 µm, la valeur moyenne sur le moyeu est ∆y1−moyen =8.6 ; la valeur
+
maximale est ∆y1−max =25 ; et plus de 50 % de la surface du moyeu est couverte par
des cellules avec ∆y1+ > 5 ;
La première caractéristique notable des profils de vitesse de la figure 4.5 est l’influence
dominante de ∆y1 , en accord avec les résultats du tableau 4.5 : pour une même valeur de
∆y1 , les trois courbes sont regroupées dans une bande étroite, distincte pour chaque famille
de profils.
La généralisation de ces résultats pour d’autres modèles de turbulence est à faire avec
précaution. En effet, Huang (1997), ainsi que Eça et Hoekstra (2003), montrent que la
convergence en maillage du calcul d’un coefficient de frottement dépend du type de modèle
de turbulence utilisé. Notamment, ces deux références montrent que le modèle de Spalart
& Allmaras converge plus rapidement que les modèles du type (k, ) ou (k, ω).
15
10
y1=0.5 µm
U+
y1=2.9 µm
y1=5.3 µm
5
y1=7.7 µm
y1=10 µm
+ +
U =y
Loi log.
0 -1 0 1 2 3
10 10 10 10 10
+
y
Figure 4.5: Profil de vitesse locale normé en échelles internes. 11 maillages seulement sont représentés.
4.1 Influence des paramètres de définition du maillage 65
100
90
Cf-Carter/Cf-Carter-MAX (%)
80
70
60
50
40
30
5 10 15 20
NJEU
Figure 4.6: Coefficient de frottement moyen au carter, normé par le maximum, en fonction du nombre
de points dans le jeu. Les 28 solutions du plan d’expériences sont représentées.
Les coefficients du modèle sont ici remarquables : aNJEU =99 %, tous les autres coeffi-
cients sont inférieurs à 1 %. Ceci montre que la valeur de Cf −Carter est entièrement fixée par
la discrétisation du jeu, indépendemment de la discrétisation du reste du canal.
Cette dépendance univoque à la discrétisation du jeu (rappelons que NJEU représente le
nombre de points en envergure et dans la direction azimutale) est visible sur la figure 4.6,
où tous les 28 cas du plan d’expériences sont représentés. D’un point de vue qualitatif (pour
l’instant), la discrétisation la plus fine (21 points) ne semble pas présenter un caractère
indépendant au maillage. Pour ce maillage à NJEU =21 points, la valeur moyenne de ∆y1+
est de 15 (pour une gamme de 4 à 22).
Nous allons donc maintenant tenter d’obtenir une solution localement indépendante au
maillage pour les effets de jeu ou, en d’autres termes, fournir un maillage tel que la prédiction
du coefficient de frottement soit numériquement convergée.
80
Benchmarks numériques
70 Calculs du plan d’expérience
2.5
60
Cf-CARTER-Moyen (x100)
2 50
δRE Cf-CARTER
40
1.5 30
20
10 20 30 40 40 35 30 25 20 15 10
∆y1
+
NJEU -moyen
(a) Coefficient de frottement moyen au carter. (b) Erreur numérique sur le frottement au carter.
Figure 4.7: Résultats des calculs du plan d’expériences et des benchmarks numériques. La solution
exacte estimée par l’extrapolation de Richardson est représentée par une asymptote (à gauche) et
utilisée pour estimer l’erreur numérique (à droite).
pour l’écoulement de jeu. En effet, étant donné que la prédiction du coefficient de frot-
tement au carter ne dépend que de la discrétisation du jeu, il suffit d’augmenter NJEU
indépendamment des autres paramètres, pour approcher d’une solution localement indé-
pendante au maillage. En d’autres termes, les ressources informatiques sont entièrement
dévouées à la prédiction des pertes par effets de jeu.
Pour cela, 4 maillages supplémentaires sont générés (les benchmarks numériques), pour
NJEU =25, 29, 33 et 37 points ; les autres paramètres sont calés sur l’expérience au centre.
Notons que sans cette approche particulière, un tel niveau de discrétisation pour le jeu
ne pourrait être atteint par des raffinements uniformes appliqués à l’expérience au centre
(il faudrait pour cela appliquer un raffinement de 37/132.8 dans la direction azimutale
et suivant l’envergure, et donc multiplier par 2.42 8 la taille du maillage No 1 dans le
tableau 4.3, ce qui porterait à 28 millions le nombre de points.)
Les valeurs calculées de Cf −Carter pour les benchmarks numériques sont portées sur la
figure 4.7 (a), avec les valeurs (moyennes) des résultats du plan d’expériences. L’extra-
polation de Richardson (équations (3.12) à (3.15)) permet d’estimer la solution “exacte”
d’après les calculs pour NJEU = 29, 33 et 37 points. Cette solution est représentée par une
asymptote sur la figure 4.7 (a) (elle correspond en théorie à un nombre de points infini).
La proximité entre la solution numérique pour 37 points et la solution asymptotique est
remarquable. Par ailleurs, cette estimation de la solution exacte permet de calculer l’erreur
numérique pour chacune des discrétisations du jeu (figure 4.7 (b)). Ainsi, la solution pour
NJEU =9 points présente une erreur de près de 50 %, et la solution pour NJEU =37 points une
erreur de 2.8 %. Au vu de la phénoménologie de l’écoulement de jeu, qui défie largement le
4.2 Quantification des erreurs numériques 67
domaine de calibration des modèles de turbulence au premier ordre, il est difficile de donner
une interprétation générale des ces résultats en termes de critères de maillage. L’hypothèse
la plus probable est que deux critères doivent être simultanément respectés : (i) hors de la zone
de jeu, la discrétisation de la couche limite du carter nécessite une taille de maille en paroi telle
que ∆y1+ 1 ; (ii) dans le jeu, nous avançons l’idée que le critère de convergence s’exprime
en nombres de points (37 points semblant alors un minimum pour s’approcher d’une solution
véritablement convergée).
Ce résultat contraste avec certaines pratiques dans la littérature, où des études pour
les effets de jeu dans les compresseurs centrifuges sont menées avec NJEU =15 points pour
des études “anciennes” (Basson et Lakshminarayana, 1993) ; mais aussi pour des études
récentes se concentrant sur la modélisation géométrique du bout de la pale (NJEU =12 points
pour Van Zante et al. (2000)). En revanche, la généralité de notre recommandation pour
un nombre de points élevé est confirmée par une étude de Gerolymos, Tsanga et Vallet
(1998) dans les compresseurs axiaux en régime transsonique.
Point M
5 points de fonctionnement étudiés. Le point M est S2
2.7
le point de référence (débit nominal) ; les points P1
et P2 correspondent à des faibles débits (vers le pom- 2.65
S1
page) ; les points S2 et S1 correspondent à des forts
2.6
débits (vers le blocage). C’est toutefois l’occasion de
1.8 1.9 2 2.1 2.2
rappeler que ce chapitre se concentre sur les erreurs m red
numériques, et que ces données expérimentales ne se- Figure 4.8: Définition des points
ront utilisées que pour la validation. de fonctionnement pour le compresseur
académique RADIVER.
68 Influence du maillage
N α NJEU NC /N ∆y1 γ
56 pts 1.9 et 1.6 41 pts 0.5 1.6 µm 10
Tableau 4.6: Caractéristiques du maillage de référence de 3 millions de points.
Richardson requière que les 3 maillages soient dans le rang asymptotique, diviser encore le
nombre de points par 8 n’est pas un choix approprié. Un maillage intermédiaire est donc
réalisé en tentant d’approcher un rapport de raffinement dans chaque direction de l’ordre
de 21/3 = 1.26 à partir du maillage de référence, de sorte que le nombre total de points
obtenus soit environ 1.5 millions. Enfin, un maillage de 200 000 points est obtenu à partir
de ce maillage en divisant le nombre de points dans chaque direction par 2. Ce dernier
maillage se veut représentatif des maillages utilisés dans une approche industrielle.
2 1.3 0.794
1.5
0.792
1.28
1
Résidu global (rms)
0.79
0.5
Débit (kg/s)
1.26
ηis-tt
0 0.788
1.24
-0.5
0.786
-1
1.22
0.784
-1.5
Entrée
Sortie
-2 1.2 0.782
0 500 1000 1500 2000 0 500 1000 1500 2000 0 500 1000 1500 2000
Nombre itérations Nombre itérations Nombre itérations
(a) Résidus moyennés sur tous les (b) Débit entrée/sortie. (c) Rendement.
blocs.
Figure 4.9: Évolutions des résidus et de la solution lors du processus itératif. Modèle SA, maillage
de 200 000 points.
0.925
2.95
0.92
2.9
0.915
2.85 0.91
ηis-tt
πtt
0.905
2.8
0.9
Figure 4.10: Champs obtenus pour les 4 maillages testés et pour la solution extrapolée.
Pour juger du degré de confiance que l’on peut accorder à la solution extrapolée, deux
critères sont utilisés (Celik, 2003) : la monotonie de la convergence et l’ordre observé
du schéma (résultat de l’extrapolation de Richardson, équation (3.14)). Ici, pour chaque
point, la convergence est bien monotone, c’est-à-dire que la variation de la solution diminue
à chaque raffinement. De plus, les ordres de convergence observés pour le rendement sont
situés entre 1.95 et 3, c’est-à-dire proches de l’ordre théorique du schéma (ordre 2). Ces
deux indicateurs nous donnent un bon degré de confiance dans la solution extrapolée :
celle-ci va pouvoir être utilisée pour estimer les erreurs numériques.
7
Un écart de 1 point correspond à un écart de 0.01 sur la valeur du rendement.
4.2 Quantification des erreurs numériques 71
2.5 2.5
Point P1 Point P1
2 Point P2 2 Point P2
Point M Point M
Point S2 Point S2
Point S1 Point S1
1 1
0.5 0.5
0 0
Figure 4.11: Erreurs numériques obtenues pour les 4 maillages testés. Les symboles correspondant
aux erreurs effectivement calculées sont reliés par des courbes de tendance.
En utilisant la solution extrapolée comme référence, les erreurs numériques sont cal-
culées pour le taux (erreur relative en %) et le rendement (erreur exprimée en points). La
figure 4.11 montre, pour chaque point de fonctionnement, l’évolution de l’erreur en fonc-
tion du nombre de points du maillage. L’usage d’une courbe de tendance se justifie par la
convergence en puissance de l’erreur numérique, donnée par l’équation (3.11). Cette figure
permet de juger de la convergence en maillage au fur et à mesure des raffinements.
Les courbes d’erreur de la figure 4.11 (a) montrent qu’une précision inférieure à 1 %
est obtenue pour le taux de compression autour de 500 000 points. Au-delà de 2 millions
de points, l’erreur numérique sur le taux de compression est inférieure à 0.1 %, ce qui est
de l’ordre de la meilleure précision que l’on peut atteindre dans le domaine expérimental.
0.925
Rendement isentropiqe
0.92
0.915
de prédire le rendement en valeur absolue, la CFD prédit les ’delta’ de manière suffisam-
ment précise” (Casey (1994) par exemple). L’auteur n’a pas connaissance de justification
rigoureuse de cette assertion dans le cas des compresseurs centrifuges. Nous allons donc
tenter maintenant d’étayer cet argument du point de vue des erreurs numériques.
si on veut mesurer la capacité de la grille de 200 000 points à prédire les delta. Cette
quantité peut alors être formée pour chaque point du champ (à l’exception du point M,
puisqu’il sert de référence). Le tableau suivant présente les erreurs de delta ainsi calculées.
4.2 Quantification des erreurs numériques 73
Tableau 4.7: Erreur sur la prédiction des delta de rendement pour un maillage de 200 000 points.
Nous arrivons enfin à une conclusion favorable quant à l’utilisation de la CFD pour faire
des comparaisons de performances : un maillage de 200 000 points permet de discriminer des
écarts de performance avec une précision inférieure à 0.2 points.
Nombre de points 200 000 400 000 1 500 000 3 000 000 solution extrapolée
Puissance acoustique (dB) 120.5 120.3 119.9 119.7 119.4
Erreur estimée (%) 1.0 0.8 0.5 0.3 —
Tableau 4.8: Erreurs sur la prédiction de la puissance acoustique pour le point de fonctionnement M
(rayon d’extraction R = 1.1R2 ).
Malgré un impact significatif sur les performances globales, il apparaı̂t que le maillage
n’influence que faiblement la prédiction de la puissance acoustique. À titre de comparaison,
l’écart minimum observé lors de la comparaison de plusieurs roues durant l’optimisation
est de 1 dB. Ainsi, un maillage de 400 000 points présente une erreur négligeable dans le cadre
d’une comparaison entre les performances acoustiques de deux roues.
74 Influence du maillage
Dans une approche industrielle, il est avant tout primordial de pouvoir prédire les
tendances sur un champ compresseur. Mais il est aussi nécessaire de pouvoir “recaler”
le champ sur une valeur absolue. Par exemple, il est pratique courante de calculer des
caractéristiques rendement–débit en terme de tendance par des méthodes 1D (corrélations
de pertes), que l’on recale ensuite à partir de l’expérience disponible sur d’autres machines.
Nous proposons ici une méthode similaire pour obtenir un champ recalé en
valeur absolue pour tenir compte des erreurs numériques :
La généralisation de cette méthode est à faire avec précaution. Nous avançons l’hy-
pothèse que cette méthode peut s’appliquer au moins à des machines “proches” (la no-
tion de similitude abordée dans la troisième partie de ce mémoire permettra de préciser
ce point), une généralisation plus large nécessiterait l’application de la méthode de ce
deuxième paragraphe à des machines différentes, en particulier dans le régime transso-
nique où la prédiction du blocage est particulièrement difficile. Enfin, on insistera sur le
fait que même pour le maillage de 200 000 points, l’écart sur les débits d’entrée et de sortie
reste inférieur à 0.03 %, et ne biaise donc pas le recalage.
4.2 Quantification des erreurs numériques 75
Synthèse et conclusions
L’étude de sensibilité au maillage du premier paragraphe de ce chapitre a apporté une
meilleure compréhension des relations complexes entre caractéristiques de l’écoulement et
paramètres de maillage. Nous soulignerons en particulier deux résultats originaux comme
la démonstration de la faible contribution des effets visqueux au phénomène de glissement
et l’importance cruciale de la discrétisation des couches limites au carter pour la prédiction
des effets de jeu. La notion de solution localement indépendante au maillage proposée au
paragraphe 4.1.4 a permis d’obtenir des critères mesurables pour la convergence en maillage
de la prédiction du frottement au carter. Ainsi, à partir d’une approche locale, les résultats
du premier paragraphe ont permis de définir les contraintes nécessaires à la réalisation d’un
maillage de référence permettant de s’approcher de la convergence asymptotique pour la
prédiction des quantités globales.
Les résultats du deuxième paragraphe ont alors permis de quantifier les erreurs numéri-
ques dans les simulations pour les compresseurs centrifuges. Nous avons ainsi pu confirmer
l’idée que des maillages relativement dégradés permettent de capturer de manière satis-
faisante une tendance sur une isovitesse. En revanche, la prédiction d’une valeur absolue
de rendement nécessite l’utilisation de maillages nettement plus fins, et donc de ressources
conséquentes. Dans une optique d’application industrielle, nous avons finalement proposé
une méthode pour minimiser l’effort de calcul tout en essayant d’obtenir la meilleure qualité
de prédiction pour des ressources données.
L’estimation des erreurs numériques est la première étape pour atteindre le premier
objectif de la thèse : fiabiliser la conception par une démarche de qualification de l’outil
CFD. Ceci nous amène maintenant à considérer la deuxième source d’erreur : les modèles.
76 Influence du maillage
Chapitre 5
Sommaire
5.1 Position du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
5.2 Physique et modélisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
5.2.1 Effets de la rotation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
5.2.2 Effets de courbure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
5.2.3 Panorama des corrections existantes . . . . . . . . . . . . . . . . 88
5.2.4 Correction d’un modèle à une équation (Spalart et Shur, 1997) . 91
5.2.5 Correction d’un modèle à deux équations (Cazalbou et al., 2005) 96
5.3 Implantation des corrections . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
5.3.1 Stratégie d’implantation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
5.3.2 Vérification du codage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
5.3.3 Analyse de la consistance physique . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
5.4 Évaluation des modèles corrigés sur un compresseur académique117
5.4.1 Présentation du cas-test RADIVER . . . . . . . . . . . . . . . . 117
5.4.2 Mise en œuvre des calculs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
5.4.3 Comparaison avec les données expérimentales . . . . . . . . . . . 121
5.4.4 Analyse des simulations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
Bien que la physique et la modélisation des effets R/C soient examinées en détail
plus loin, nous pouvons déjà souligner le défaut inhérent aux modèles du premier ordre :
dans les équations pour les tensions de Reynolds, les termes impliquant la rotation sont
redistributifs, c’est-à-dire qu’ils apparaissent avec des signes opposés dans les équations des
tensions normales ; ils sont donc à trace nulle, et disparaissent du bilan d’énergie cinétique
de turbulence (k).
Notons que l’absence de ce défaut donne un avantage théorique à la modélisation au
second ordre, où les termes de rotation se manifestent de manière explicite. Toutefois, s’il
est nécessaire de développer des modèles qui peuvent être utilisés sur une base routinière
lorsque des ressources numériques importantes le permettent (SNECMA par exemple), il
est aussi important de proposer des solutions directement applicables dans un contexte
industriel sensiblement différent comme celui de LTS.
Quand un écoulement turbulent est soumis à une rotation d’ensemble, la présence des
accélérations de Coriolis entraı̂ne des modifications significatives du champ fluctuant. Les
deux mécanismes par lesquels la rotation opère sont l’instabilité de Coriolis en cisaillement
et l’inhibition du transfert spectral.
5.2 Physique et modélisation 79
L’instabilité de Coriolis en cisaillement1 (Tritton, 1992) peut se traduire par des phé-
nomènes d’amplification (déstabilisation) ou de réduction (stabilisation) de la turbulence, cette
réduction pouvant mener jusqu’à la relaminarisation de l’écoulement. En anticipant sur
le paragraphe 5.2.1.4, notons que ces deux effets peuvent cohabiter dans les canaux d’une
turbomachine radiale. Puisque cet effet n’apparaı̂t pas explicitement dans une modélisation
au premier ordre, il s’agit du premier phénomène important que devra reproduire une correction
pour les effets de la rotation.
Pour illustrer le mode d’action associé à cette instabilité, nous considérons ici une confi-
guration élémentaire : l’évolution temporelle d’une turbulence homogène uniformément ci-
saillée en rotation (THUC-Ω). Cette configuration, illustrée sur la figure 5.1 (a), permet
d’appréhender le mécanisme de base de l’instabilité de Coriolis en cisaillement car, dans
ce cas, la rotation influence directement le mouvement fluctuant sans avoir affecté le mou-
vement moyen au préalable.
En l’absence de rotation, la THUC est une situation instable (Rose, 1966) : l’énergie
cinétique de turbulence (k) et son taux de dissipation () augmentent continûment avec le
temps. Plus généralement, le caractère instable de la THUC-Ω correspondra à un taux de
croissance k1 dk
dt
positif.
Ω dW1
β= , où S = ,
S dy
définit entièrement le problème de stabilité. Nous considérons ici que S est positif, les
différents cas (stable ou instable) étant alors obtenus pour différentes valeurs de Ω.
À partir de la figure 5.1 (b), le raisonnement débute en déplaçant une particule fluide
du niveau A au niveau B, en partant d’une situation d’équilibre. Initialement à la vitesse
W1A < W1B , la particule déplacée a une vitesse W1A après déplacement. Pour les particules
non déplacées en B, la force de Coriolis −2ρΩW1B y est équilibrée par la force due au
gradient de pression. La force subie par la particule déplacée de A à B est donc le résultat
de la différence entre la force de Coriolis associée à la vitesse W1A et la force du gradient de
pression en B (cette dernière étant égale à 2ρΩW1B y pour assurer l’équilibre des particules
non déplacées en B). Ainsi, du signe de 2ρΩ(W1B − W1A )y, la force subie par la particule
déplacée, dépend la stabilité de l’écoulement : si cette force est positive, alors le déplacement
initial est amplifié et la situation est instable, et réciproquement.
1
“Shear-Coriolis Instability”
80 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
(a) (b)
Figure 5.1: Turbulence homogène uniformément cisaillée : (a) configuration ; (b) analyse par particule
déplacée, d’après Tritton (1992).
La variation de vitesse associée au déplacement de la particule, W1A − W1A , est obtenue
en intégrant l’équation de la quantité de mouvement suivant x entre A et B, i.e. :
A
W1 − W1 = 2Ωvdt = 2Ωd ,
A
où d = vdt est la distance entre A et B, avec v la vitesse du déplacement. Puisque, par
définition, W1B − W1A = Sd, on peut écrire :
2ρΩ(W1B − W1A ) = 2ρΩ (Sd − 2Ωd) = 2ρΩS(1 − 2β)d ,
dont le signe ne dépend que de ΩS(1 − 2β). En rappelant que S est positif par convention,
le signe de cette expression est identique à celui donné par le nombre sans dimension
β(1 − 2β). Nous pouvons alors identifier les trois cas suivants :
– si β < 0 ou β > 0.5, la particule est rappelée vers sa position initiale : la force de
Coriolis stabilise l’écoulement ;
– si 0 < β < 0.5, le déplacement initial est amplifié : la force de Coriolis déstabilise
l’écoulement ;
– si β = 0 ou β = 0.5 la particule reste en équilibre : la force de Coriolis n’affecte pas la
stabilité de l’écoulement.
Ceci amène naturellement à l’introduction du nombre sans dimension suivant :
Ω Ω
B R = −2 (1 − 2 ) = 2β(2β − 1) , (5.1)
S S
appelé nombre de Bradshaw-Richardson. L’action déstabilisante de la force de Coriolis
correspond alors simplement aux cas où B R < 0, et réciproquement.
Généralisation Si les bornes de la zone instable (0 ≤ β ≤ 0.5) sont confirmées par les
analyses de stabilité linéaire de Lezius et Johnston (1976), Cambon et al. (1994) et Speziale,
5.2 Physique et modélisation 81
Abid et Blaisdell (1996), les données physiques sont plus rares. On retiendra que : (i) les
résultats de simulation aux grandes échelles (LES) de Bardina, Ferziger et Reynolds (1983)
prédisent un écoulement instable pour β = 0 et 0.25, et en stabilité neutre pour β = 0.5 ;
(ii) les résultats de distorsion rapide (RDT) de Bertoglio (1982) donnent un écoulement
stable pour β −0.44 et instable pour β +0.44, avec un point de stabilité neutre obtenu
pour β −0.2. En l’absence de données plus précises, nous retiendrons que la zone instable
s’étend de β légèrement négatif jusqu’à β = 0.5. En rappelant qu’en l’absence de rotation
(β = 0), l’écoulement cisaillé est instable, il n’est pas surprenant que la zone instable
déborde vers β légèrement négatif.
Les expérience de Wigeland et Nagib (1978) et Jacquin et al. (1990) (ainsi que les
simulations de Rogallo (1981); Bardina, Ferziger et Reynolds (1983); Bardina, Ferziger et
Rogallo (1985); Dang et Roy (1985)) ont montré que dans le cas de la THI-Ω, la rotation
entraı̂ne une diminution du taux de décroissance énergétique ( k1 dk
dt
), et corrélativement, du
1 d
taux de décroissance de la dissipation ( dt ). En d’autres termes, une turbulence homogène
décroı̂t moins rapidement en présence de la rotation. C’est le deuxième phénomène important
que devra reproduire une modélisation au premier ordre.
Les expériences de Jacquin et al. (1990) ont par ailleurs mis en évidence le caractère
anisotrope de ce phénomène, qui affecte de manière privilégiée les échelles transversales
(i.e., dans le plan orthogonal à Ω). Un raisonnement par particule déplacée montre que
la rotation opère par un confinement de la taille des tourbillons dans le plan transverse.
Ce confinement agit à une échelle caractéristique LΩ = v/Ω (où v est représentative de la
fluctuation de vitesse dans le plan transverse), et n’affecte pas les échelles inférieures.
(a) Faible taux de rotation. (b) Régime intermédiaire. (c) Limite aux forts taux de rotation.
tions étaient dues à l’action explicite de la rotation sur les corrélations triples (terme non
linéaire de transfert dans l’équation de Lin). Dans une approche spectrale, l’anisotropie
et la diminution du taux de décroissance énergétique se traduisent pas une diminution du
transfert énergétique vers les grands nombres d’ondes (Rogallo, 1981). En d’autres termes,
l’énergie se maintient aux petits nombres d’ondes, et on observe une pente plus importante
que la pente en -5/3 du spectre de Kolmogorov (voir la figure 5.2 (c)). La valeur limite de
cette pente n’est pas encore unanimement reconnue : Okamoto (1995) obtient une pente
-11/3 ; Zeman (1994) propose une pente de -11/5 basée sur des considérations théoriques ;
mais l’analyse de Zhou (1995), les simulations LES de Domaradzki et Yang (2004) et les
expériences de Moisy, Morize et Rabaud (2004) conduisent à une pente -2.
L’idée développée précédemment d’un confinement opérant à une échelle LΩ ∝ 1/Ω
se transpose dans le domaine spectral par un nombre d’onde de coupure kΩ ∝ Ω. En
d’autres termes, la pente du spectre n’est modifiée que pour les nombres d’ondes compris
entre k0 et kΩ (avec k0 le nombre d’onde le plus énergétique), c’est le régime intermédiaire
de la figure 5.2 (b). Lorsque kΩ > kη (avec kη la micro échelle de Kolmogorov), tout le
spectre subit l’influence de la rotation, de sorte qu’augmenter encore la rotation ne modifie
plus significativement la structure de la turbulence. Ceci amène finalement à un point
important : au delà d’un certain seuil, les effets de la rotation saturent, c’est la notion de
“limite aux forts taux de rotation”. Ceci constitue la troisième contrainte que devra respecter
un modèle de turbulence sensibilisé pour les effets de la rotation.
de la vitesse de frottement sur les deux parois du canal), et Reτ le nombre de Reynolds
basé sur h et uτ . Cette équation permet de souligner un point important : ici, la rotation
n’influence le champ moyen que par le biais des tensions de Reynolds. En d’autres termes,
la simulation d’un écoulement de canal plan ne restituera le champ de vitesse correctement
que si elle est menée avec un modèle corrigé pour l’influence de la rotation sur la turbulence.
De plus, l’examen d’un bilan de quantité de mouvement suivant y (analyse similaire à
celle menée au paragraphe 2.3.1.3) montre que la force de Coriolis (orientée vers la paroi -h
de la figure 5.3) est équilibrée par un gradient de pression ∂P/∂y < 0. En d’autres termes,
la paroi −h est “en pression”.
Modification du profil de vitesse La figure 5.4 donne une vue schématique du profil
de vitesse débitante modifié par la rotation. De manière notable, le maximum de vitesse
est déplacé vers le côté en dépression du canal (Johnston, Halleen et Lezius, 1972). En
poursuivant l’analogie avec une roue de compresseur centrifuge, cet effet se traduit par une
modification de la charge aube-à-aube (que l’on exprime parfois en terme de différence de
vitesse et non de pression comme au paragraphe 2.3.1.3).
Dans la région centrale du profil, une zone linéaire de pente −2Ω est observée expérimen-
talement (Johnston, Halleen et Lezius, 1972). Ceci traduit le caractère de stabilité neutre
de l’écoulement dans cette zone (B R = 0, correspondant au cas où β = 1/2).
Au niveau de la paroi en pression, l’écoulement est déstabilisé par l’instabilité de Coriolis
en cisaillement, car B R y est positif. Corrélativement, le niveau de turbulence augmente,
le gradient de vitesse augmente, et surtout, le frottement augmente.
Au niveau de la paroi en dépression, l’écoulement est stabilisé par l’instabilité de Coriolis
en cisaillement, car B R y est négatif (∂W1 /∂y < 0, du fait de l’orientation du repère). Ainsi,
Figure 5.4: Influence de la rotation sur le profil de vitesse débitante en configuration de canal plan.
84 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
(a) Rotation nulle. (b) Régime intermédiaire. (c) Fort taux de rotation.
Figure 5.5: Influence de la rotation sur les structures de l’écoulement secondaire dans un canal
carré. Figures (a), (b) et (c) représentation schématique tirée de résultats expérimentaux. Figure (d),
influence du modèle de turbulence sur la prédiction.
5.2 Physique et modélisation 85
Figure 5.6: Influence de la rotation sur la formation du jet/sillage, d’après Baljé (1981).
En revenant sur le raisonnement mené au paragraphe 2.3.1.3, c’est bien dans la partie
radiale de la roue que la force de Coriolis a le plus d’intensité. Néanmoins, en entrée de
roue, la force n’est pas négligeable. En effet, en utilisant la composition des vitesses, elle
s’écrit :
F Coriolis = −2ρΩ × (V − U ) = 2ρΩUuz × uθ ,
avec uz, uθ et ur les vecteurs unitaires dans les direction axiale, tangentielle et radiale,
respectivement. Alors, en notant que U = rΩ et que uz × uθ = −ur , la force de Coriolis
en entrée peut s’écrire :
F Coriolis = −2ρΩ2 rur .
Elle est donc portée par la direction radiale, orientée du carter au moyeu, et dépend du
rayon. Ainsi, les raisonnements du paragraphe précédent permettent de soupçonner un effet
86 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
fortement stabilisant au carter et faiblement déstabilisant au moyeu (rCarter > rMoyeu ) pour
l’entrée de la roue.
Rc
Force de Pression
1
0
0
1
B
0
1
0
1
0 Force
1 A
0
1
00000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111
0
1
00000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111
Centrifuge
0
1
00000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111
0
1
00000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111
00000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111
00000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111
00000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111
00000000000000000000000000000000000
11111111111111111111111111111111111
Figure 5.7: Couche limite se développant sur une surface concave : analyse par particule déplacée.
Considérons la couche limite se développant sur une surface concave (figure 5.7). Pour
simplifier les notations, nous considérerons ici que V désigne la composante V1 de la vitesse
absolue. Dans toute la couche limite, les particules sont en équilibre sur leur trajectoire,
c’est-à-dire que la force centrifuge liée à la courbure (−ρVA2 /Rc y) est compensée par l’effort
dû au gradient de pression (−∂P/∂y y, avec ∂P/∂y < 0).
À un niveau donné A de la couche limite, supposons que les fluctuations entraı̂nent
une particule jusqu’en B, de sorte que la particule conserve sa vitesse VA . En B, cette
particule est soumise à une force centrifuge −ρVA2 /Rc y et à un effort de pression égal à
5.2 Physique et modélisation 87
+ρVB2 /Rc y (du fait de l’équilibre local en B). Comme VB > VA , le bilan des efforts subis
par la particule déplacée est déséquilibré : la résultante des efforts est orientée suivant y.
Ainsi, la force subie par la particule accentue le déplacement initial : la paroi concave est
bien déstabilisante. Un raisonnement identique permet d’illustrer le caractère stabilisant
d’une paroi convexe.
V /Rc
Ric = 1 , (5.2)
2
∂V /∂y
où Rc est le rayon de courbure. Ce nombre mesure l’effet de la courbure par rapport au
taux principal de cisaillement. Il mesure aussi, par son signe, l’orientation de la paroi : en
effet, pour Ric > 0 la paroi est convexe, et elle est concave pour Ric < 0.
Figure 5.8: Analyse qualitative de l’influence de la courbure sur la turbulence (plan méridien).
88 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
µt = ρCµ fµ kT , (5.3)
∂k ∂k ∂Ui ∂ µt ∂k
ρ + ρUj = τij + µ+ − ρ , (5.4)
∂t ∂xj ∂xj ∂xj σk ∂xj
∂ ∂ 1 ∂Ui ∂ µt ∂ 1
ρ + ρUj = C1 f1 τij + µ+ − C2 ρ + E , (5.5)
∂t ∂xj T ∂xj ∂xj σ ∂xj T
2
avec τij = 2µt Sij − ρkδij , et
3
C1 = 1.44, C2 = 1.92, Cµ = 0.09, σk = 1.0 et σ = 1.3 .
Pour le modèle (k, ) de Yang et Shih (1993), noté YS par la suite, l’échelle de temps
turbulente T est écrite :
k ν 0.5
T = + ,
et l’équation pour la dissipation est complétée du terme
2 2
∂ U1
E = νµt .
∂y 2
5.2 Physique et modélisation 89
(modèle I)
Launder et al. (1977) Howard et al. (1980) 0 (1 − C B)
C2 Ω
2
modèle II : −2Ω(S − 2Ω) k2
2
modèle III : −2ΩS k2
Park et Chung (1989) Hellsten (1998) 0 (1 − C B)−1
C2 -|S-2Ω|(S-|S-2Ω|) k2
2
Ω
Tableau 5.1: Principales corrections pour les effets de courbure et leurs analogues pour les effets de
rotation/cisaillement.
La correction pour les effets de courbure proposée par Wilcox et Chambers (1977) pour
le modèle (k, ω) (dans la version de Wilcox et Traci (1976)) est transposée au modèle (k, )
par Howard, Patankar et Bordynuik (1980) (sous la dénomination “modèle I”) et adaptée
pour la rotation. Elle est utilisée pour simuler le cas-test du canal plan en rotation. Notons
que la transposition de la version (k, ) à la version (k, ω) induit l’apparition d’un terme
source dû à la rotation dans l’équation pour k. Ce terme s’écrit
PkΩ = 9Ωµt S .
Cette correction est la seule à introduire un terme dû à la rotation dans l’équation modèle
pour k (rappelons que la rotation n’intervient pas de manière explicite dans l’équation
exacte pour k).
Howard, Patankar et Bordynuik (1980) (ainsi que Chen et Guo (1990)) examinent une
seconde correction (sous la dénomination “modèle II”), dérivée de la correction de courbure
de Launder, Priddin et Sharma (1977).
Une correction de courbure plus récente, proposée par Park et Chung (1989), est trans-
posée aux effets de rotation par Hellsten (1998). Le nombre de rotation B utilisé est dérivé
d’une proposition de Khodak et Hirsch (1996).
90 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
De toutes les formulations pour le nombre de rotation B présentées dans le tableau 5.1,
2
seule la forme B = −2Ω(S −2Ω) k2 présente l’avantage de pouvoir être assimilée au nombre
de Bradshaw-Richardon B R dans une situation de THUC-Ω (mais dans une formulation
mixte, c’est-à-dire impliquant des échelles de temps des mouvements moyen et fluctuant).
Toutefois, la formulation de Khodak et Hirsch (1996) permet d’obtenir le même signe pour
B que pour B R sur toute la gamme de β.
Pour autant, il n’est pas immédiat de conclure que l’utilisation d’un nombre assi-
milable à B R garantit une restitution correcte de la branche instable de la situation
de THUC-Ω (rappelons que physiquement, l’instabilité correspond à β ∈ [0; 0.5] ou de
manière équivalente B R < 0). En effet, Cazalbou et al. (2005) montrent qu’une analyse
mathématique par la théorie des systèmes dynamiques est nécessaire pour identifier les
bornes de la zone instable prédite par un modèle (k, ) en THUC-Ω. Par cette approche,
une plage instable correspondant à β ∈ [−0.05; 0.55] est obtenue pour le “modèle II” de
Howard, Patankar et Bordynuik (1980). Pour le modèle de Hellsten (1998), cette plage
correspond à β ∈ [−0.04; 1.04]. Ceci amène à rejeter l’approche de Hellsten (1998).
Néanmoins, si la stabilité de l’écoulement semble bien restituée par l’approche de Ho-
ward, Patankar et Bordynuik (1980), Cazalbou et al. (2005) montrent que des problèmes
“d’explosion en temps fini” sont inhérents à la formulation mathématique retenue. Nous
revenons sur ce point dans le paragraphe 5.2.5.
Références C2 0
C2 Cnl ∞
C2
0 +C 1+0.1325|γ|
Aupoix, Cousteix et Liandrat (1983) C2 nl 1+0.6051|γ|+3.937γ 2 1.83 0.9 2.73
Bardina, Ferziger et Rogallo (1985) 0 + C |γ|−1
C2 1.83 0.15 +∞
nl
Park et Chung (1999) (m=4) C 0 + Cnl (1 + 4.3|γ|−3/2 )−1 1.7 0.7 2.4
2
Thangam, Wang et Zhou (1999) C20 2 + C (1 + 1.525γ 2 )−1 1.83 3.75 2.67
nl
Tableau 5.2: Corrections pour les effets non linéaires de la rotation. Le nombre γ = /(Ωk) traduit
∞ est la limite de C quand γ → ∞.
l’effet de la rotation. C2 2
Du fait de la généralité de l’équation (5.5) pour (modèles non linéaires, modèles algé-
briques aux contraintes de Reynolds, modèles de transport des contraintes de Reynolds),
de nombreuses corrections existent pour prendre en compte les effets non-linéaires de la
rotation sur l’évolution du taux de dissipation. Le tableau 5.2 présente une revue des
corrections existantes.
portent naturellement sur C2 (seul terme non nul de l’équation (5.5) dans cette situation).
On constate alors que, pour tous les modèles du tableau 5.2, l’effet de la rotation est de
diminuer la destruction du taux de dissipation (via une diminution de C2), dans le but
de diminuer le taux de décroissance de la turbulence. Ceci est conforme à la première
contrainte identifiée au paragraphe 5.2.1.2.
En revanche, ces modèles présentent des comportements différents aux forts taux de
rotation : pour les modèles de Bardina, Ferziger et Rogallo (1985) et Rubinstein et Zhou
(1996), la valeur de C2 tend vers l’infini quand la rotation augmente, alors qu’elle reste
finie dans les autres modèles. On peut montrer ainsi que ces deux modèles ne sont pas
en accord avec la notion de limite aux forts taux de rotation introduite précédemment
(troisième contrainte du paragraphe 5.2.1.2).
Enfin, notons que les modèles de Okamoto (1995), Park et Chung (1999) et Thangam,
Wang et Zhou (1999) sont obtenus par une approche spectrale permettant de caler la pente
limite du spectre de turbulence. Ainsi, pour le modèle de Park et Chung (1999), le nombre
m dans le tableau 5.2 désigne l’exposant de k dans l’expression du spectre dans la zone
des très gros tourbillons.
Il ressort donc de ce panorama qu’aucun des modèles corrigés disponibles ne resti-
tue pleinement la physique des effets de rotation/courbure, même sur des configurations
simples. Pour cette raison, nous étudions maintenant deux corrections récentes : la correc-
tion de Cazalbou et al. (2005), issue des travaux menés au laboratoire, et la correction de
(Spalart et Shur, 1997), retenue pour son approche originale de l’unification des effets de
rotation/courbure, et parce que le modèle SA est en passe de devenir un standard chez
LTS.
elle vaut dV2 /dx V /Rc . Ainsi, l’analogie est parfaite lorsqu’on compare les zones de
stabilisation/déstabilisation de B R et Ric (équations (5.1) et (5.2)).
(1981) par exemple). L’analogie est donc confirmée par les équations.
Enfin, dans le cas d’un écoulement de rotation pure en coordonnées polaire (Uθ = RΩ),
on voit aisément que courbure et rotation s’identifient parfaitement : dans le référentiel
absolu, l’écoulement subit une courbure Rc = R ; dans le référentiel tournant lié à la
particule, il subit une rotation pure Ω, égale à Uθ /R par définition. La turbulence étant
invariante par changement de repère, elle subit un effet identique.
Les contraintes imposées par Spalart et Shur (1997) pour dériver une telle mesure sont
les suivantes :
L’approche retenue est inspirée d’une idée de Knight et Saffman (1978). Elle part
du constat que c’est le signe de (u2 − v 2 ) qui définit le caractère stable ou instable,
d’après l’équation de transport pour uv. Pour un écoulement cisaillé mince bidimensionnel,
l’inégalité u2 > v 2 revient à dire que les axes principaux du tenseur des contraintes de Rey-
nolds (Rij ) sont en avance sur ceux du tenseur des taux de déformation (Sij ). En d’autres
termes, ces axes forment un angle θ > 0. À partir de là, le raisonnement de Spalart et Shur
s’appuie sur deux hypothèses :
1. la turbulence augmente quand les axes de Rij et Sij se confondent ;
2. le mouvement des axes de Sij répond instantanément à la géométrie (courbure) ou à
la rotation, tandis que les axes de Rij sont en retard.
Ainsi, courbure et rotation ont pour effet de réduire (resp. d’augmenter) l’angle θ entre les
axes de Rij et Sij ; c’est cela qui permet de détecter leur effet stabilisant (resp. déstabilisant).
Pour cette raison, l’évolution de θ permet de détecter intensité de l’effet R/C. Étant
donné que l’angle entre les axes de Rij et une référence est constant (hypothèse 2 énoncée
précédemment), Spalart et Shur (1997) mesurent l’évolution de l’angle α entre le premier
axe principal du tenseur des taux déformations et l’axe X du repère absolu (en effet,
2 2
u − v 2 > 0 dans la couche limite turbulent du fait du phénomène de blocage dû à la paroi.
5.2 Physique et modélisation 93
Dα/Dt −Dθ/Dt en conséquence directe de l’hypothèse 2). On peut alors montrer que
cette évolution vaut U/Rc dans le cas avec courbure, i.e. :
Dα
= U/Rc (mesure de courbure) ,
Dt
Étant donné que Dα/Dt est la dérivée particulaire d’une quantité invariante définie par
rapport à un repère absolu, elle est elle-même invariante par changement de repère (i.e.,
objective). On peut de plus montrer que Dα/Dt = Ω en THUC-Ω.
Il s’agit maintenant de distinguer les effets stabilisants des effets déstabilisants. Pour
cela, Spalart et Shur (1997) montrent que, en 2D, Dα/Dt doit être comparé à la vorticité
absolue, le signe résultant donnant alors la nature de l’effet. Ainsi, la quantité
Dα
e≡ signe(ωz∗ + 2Ω) (5.6)
Dt
est la mesure retenue en 2D pour quantifier de manière unifiée rotation et courbure.
En 3D, la rotation entre les axes principaux de Sij et Rij n’est plus un scalaire mais un
vecteur. Il en va de même pour la vorticité absolue ω. En conséquence, la généralisation
de la mesure (5.6) en 3D est plus complexe. Après plusieurs considérations de symétrie et
une certaine quantité d’algèbre, Spalart et Shur (1997) montrent qu’une généralisation de
e en 3D peut s’écrire :
2 DSij
e≡ Wik Sjk + Ωm (εimn Sjn + εjmn Sin ) , (5.7)
S̃ 2 Dt
où Wij est le tenseur objectif de rotation absolue, et Sij le tenseur des taux de déformation :
∂Ui ∂Uj
Wij = 0.5 − + 2εmji Ωm , (5.8)
∂xj ∂xi
∂Ui ∂Uj
Sij = 0.5 + , (5.9)
∂xj ∂xi
avec εijk le tenseur des permutations circulaires. Enfin,
Pour la modification du modèle de Spalart & Allmaras, e est utilisé sous la forme
adimensionnelle suivante :
S̃ 2
r̃ = e , (5.11)
(S̃ 2 + W̃ 2 )2
La quantité (S̃ 2 + W̃ 2 ) est alors notée D 2 par soucis de simplicité d’écriture.
94 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
En notant que : (i) DSij /Dt = 0 en THUC-Ω ; (ii) le seul terme non nul de l’expression
entre crochets est obtenu pour m = 3 car Ω = Ωz ; (iii) que les seuls termes non nuls de la
somme implicite sur i, j et k sont les triplets {i = 1; k = 2; j = 1} et {i = 2; k = 1; j = 2},
r̃ s’écrit :
2
r̃ = W S
12 12 Ω(ε S
13n 1n + ε S
13n 1n ) + W S
21 21 Ω(ε S
23n 2n + ε S
23n 2n ) .
D4
Soit finalement :
S2
r̃ = Ω(SΩ − S) ,
D4
et donc, en comparant cette expression à celle de B R (équation (5.1)), il vient que
S4
r̃ = BR .
2D 4
Ainsi, r̃ est bien un nombre adimensionnel qui restitue les zones de stabilisation et désta-
bilisation de la situation de THUC-Ω.
5.2.4.3 Modélisation
Modèle de base Le modèle SA (Spalart et Allmaras, 1994) calcule la viscosité tour-
billonnaire sous la forme
νt = ν̃fv1 ,
où ν̃ est une variable intermédiaire obtenue par la résolution de l’équation de transport
suivante :
2
Dν̃ 1 cb1 ν̃
= cb1 (1 − ft2 )ν̃ S̃ + ∇ · (ν + ν̃)∇ν̃ + cb2 (∇ν̃) − cw1 fw1 − 2 ft2
2
.
Dt σ
κ d
Production
Diffusion Destruction
(5.12)
La fonction d’amortissement
χ3 ν̃
fv1 = où χ = ,
χ3 + c3v1 ν
assure que la variable ν̃ se comporte de manière linéaire à travers toute la couche limite,
de sorte que la résolution de l’équation (5.12) en proche paroi est plus aisée (que pour une
variable comme la dissipation dans un modèle du type (k, ) par exemple). Ceci explique
5.2 Physique et modélisation 95
que le modèle SA converge plus rapidement vis-à-vis de la taille de maille en paroi (voir
chapitre précédent).
De manière analogue le terme de production du modèle est basé sur une expression
modifiée pour la norme de la vorticité relative :
ν̃ χ
S̃ = ω ∗ + fv2 avec fv2 = 1 − ,
κ2 d2 1 + χfv1
où fv2 est une fonction d’amortissement, κ=0.41 la constante de Von Karman, et d la dis-
tance à la paroi. Ici, ω ∗ est la norme de la vorticité relative définie comme ω ∗ = Wij∗ Wij∗ ,
∗ ∂Wj
avec Wij = 0.5 ∂xj − ∂xi . De plus, afin d’autoriser l’existence de zones laminaires dans
∂Wi
l’écoulement, la fonction
ft2 = ct3 exp(−ct4 χ2 )
est introduite dans le terme de production, de sorte que la solution ν̃ = 0 soit une solution
stable du système. Afin de préserver le comportement du modèle en proche paroi, un terme
similaire, mais de signe opposé, est introduit dans le terme de destruction.
Le terme de diffusion contient une contribution non-conservative du mouvement tur-
bulent (termes en ν̃) et une contribution conservative de la diffusion moléculaire (terme en
ν).
Enfin, la présence de la paroi est restituée par un terme de blocage non visqueux
(contrairement à la majorité des formulations bas Reynolds classiques pour le modèle
(k, )), basé sur le rapport entre la viscosité turbulente et la distance à la paroi. Ce terme
est complété par la fonction
1/6
1 + c6w3 ν̃
fw (r) = g , où g = r + cw2 (r 6 − r) et r = ,
g 6 + c6w3 S̃κ2 d2
qui réduit la décroissance du terme de destruction dans la zone externe de la couche limite,
afin de calibrer le frottement pariétal sur une configuration de plaque plane.
Les coefficients du modèle se résument ainsi :
κ = 0.41, cb1 = 0.1355, cb2 = 0.622, σ = 2/3, cv1 = 7.1, cw2 = 0.3, cw3 = 2, cw1 =
cb1 /κ2 + (1 + cb 2)/σ, ct3 = 1.1, ct4 = 2.
PSA = cb1 (1 − ft2 )S̃ ν̃ devient PSARC = fr1 PSA = fr1 cb1 (1 − ft2 )S̃ ν̃ , où
2r ∗
fr1 (r ∗ , r̃) = (1 + cr1 ) 1 − c r3 tan−1
(c r2 r̃) − cr1 . (5.13)
1 + r∗
Les termes sans dimension r ∗ et r̃ sont donnés par les relations suivantes (avec la
convention de sommation sur les indices répétés) :
S̃
r∗ = , (5.14)
W̃
96 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
2 DSij
r̃ = 4 Wik Sjk + (εimn Sjn + εjmn Sin )Ωm . (5.15)
D Dt
Les coefficients de la correction donnés dans Spalart et Shur (1997) sont :
L’analyse des situations de THUC-Ω et THI-Ω pour le modèle (k, ), par le biais de la
théorie des systèmes dynamiques (Speziale et Mac Giolla Mhuiris, 1989), va permettre de
se munir des outils nécessaires à l’évaluation de ces critères.
3
Notons bien ici qu’il ne s’agit pas d’un problème de stabilité lié à la résolution numérique du problème,
mais bien d’une propriété mathématique intrinsèque des équations du modèle.
5.2 Physique et modélisation 97
dk k2 2
= Cµ S − , (5.16)
dt
d 2
= Cµ C1 kS 2 − C2 . (5.17)
dt k
Les conditions initiales 0 et k0 et le paramètre β = Ω/S définissent entièrement le
problème. En introduisant la variable α = /Sk, le rapport entre les échelles de temps
des mouvements moyen et fluctuant, les équations précédentes permettent d’écrire
dα
∗
= Cµ (C1 − 1) − (C2 − 1) α2 ≡ Λ(α) , (5.18)
dt
avec t∗ = St. Pour α(0) = α0 = 0 /(Sk0) donné, ceci constitue un système dynamique
parfaitement défini pour la variable d’état α. Il admet autant de points fixes qu’il existe de
zéros de Λ(α). La stabilité d’un point fixe α∞ (à distinguer de la stabilité de l’écoulement),
correspond au cas où la relation f (α∞ ) < 1 est vérifiée, avec f (α) = α + Λ(α).
Lorsque le point fixe est unique et stable, il correspond à un état d’équilibre du système,
c’est-à-dire que, quelle que soit la condition initiale, le système évolue asymptotiquement
vers l’état défini par α∞ .
Une des particularités de l’approche de Cazalbou et al. (2005) est d’examiner la stabilité
de l’écoulement au voisinage du point fixe. Ainsi, en se plaçant à l’état d’équilibre, les trois
critères précédents peuvent alors être traduits de la manière suivante :
– critère 1 : Cazalbou et al. (2005) montrent que le problème d’explosion en temps fini
est susceptible d’apparaı̂tre dans le cas où le système dynamique n’admet pas de
point fixe (i.e., l’équation Λ(α) = 0 n’a pas de solution) ;
– critère 2 : La condition de vraisemblance de l’état d’équilibre uv≥ u2 v 2 impose
3
α∞ ≥ Cµ
2
– critère 3 : Enfin, la stabilité de l’écoulement peut être discutée en examinant le signe
des taux de croissance de l’énergie cinétique et de la dissipation, écrits sous la forme
1 dk Cµ − α 2
= , (5.19)
k dt∗ α
1 d Cµ C1 − C2α2
= . (5.20)
dt∗ α
2 2
Ainsi, l’écoulement est neutre pour α∞ = Cµ , stable pour α∞ > Cµ et instable pour
2
α∞ < Cµ . Pour toutes les corrections du tableau 5.1, C2 est fonction de β ; c’est alors
la valeur de α∞ en fonction de β qui permet de juger de l’accord avec les données
expérimentales disponibles.
98 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
∂k
= − , (5.21)
∂t
∂ 2
= −C2 . (5.22)
∂t k
Les conditions initiales 0 et k0 et le paramètre γ = / |Ωk| définissent entièrement le
problème. Les équations précédentes permettent d’écrire
dγ 0
= − (C2 − 1) γ 2 avec γ(0) = γ0 = , (5.23)
dt∗∗ |Ω| k0
où t∗∗ = |Ω| t. Si (C2 − 1) est non nul, le système dynamique (5.23) admet un point fixe
pour lequel γ = 0, correspondant au régime de forte rotation. D’autres points fixes peuvent
exister si C2 = 1, mais on peut montrer qu’ils sont en contradiction avec l’existence d’un
régime limite de forte rotation.
En situation de THI-Ω, on examine les points fixes du modèle aux forts taux de rotation.
Le coefficient C2 de la correction tend alors vers 1 quand t∗ → ∞, c’est-à-dire qu’il
5.2 Physique et modélisation 99
Figure 5.9: Diagramme des points fixes pour le modèle II de Howard, Patankar et Bordynuik (1980)
en situation de THUC-Ω. La courbe en trait épais représente le point fixe α∞ en fonction du régime
de rotation β. La zone grisée entre β5 = −0.05 et β6 = 0.55 correspond à un écoulement instable, en
accord avec les données expérimentales. Entre β3 = 0.03 et β1 = −0.05 d’une part, et β2 = −0.44
et β4 = 0.47 d’autre part, l’état d’équilibre n’est pas vraisemblable. Enfin, entre β1 et β2 le système
subit une explosion en temps fini.
existe des points fixes autres que γ∞ = 0. Cazalbou et al. (2005) montrent alors que le
comportement de k et à l’état d’équilibre peut s’écrire de la manière suivante :
Ainsi, l’existence même d’un état d’équilibre aux forts taux de rotation (au sens γ → 0) semble
compromise. De plus la décroissance de la turbulence lorsque Ω → ∞ est toujours influencée
par la rotation. Ceci est le deuxième défaut de cette correction, qui ne restitue pas la saturation
aux forts taux de rotation en THI-Ω.
Nous allons maintenant voir comment Cazalbou et al. (2005) modifient ce modèle pour
pallier les déficiences identifiées.
Ceci confirme que la saturation aux forts taux de rotation est bien assurée, puisque Ω
n’intervient plus.
Cazalbou retient le modèle de Park et Chung (1999) avec m=2. Dans une formulation
objective, la correction s’écrit
0
(C2 − 1) /C2
0
Fnl = 3/2 .
1+a α
|1/2 − β|
Notons que cette formulation objective dégénère bien en la version donnée dans la ta-
bleau 5.2 pour une situation de THI-Ω.
La fonction Fsc vise à reproduire les phénomènes associés à l’instabilité de Coriolis en
cisaillement. Afin de répondre aux objectifs énoncés plus haut, la formulation retenue est :
Csc
Fsc (θ, α) = tanh(bθ + c) − d . (5.25)
α
Cette formulation présente les qualités suivantes : (i) elle est inactive lorsque le cisaillement
disparaı̂t ; (ii) elle dégénère en la correction HPB au voisinage des points de stabilité neutre ;
(iii) elle assure l’existence d’un point fixe sur toute la gamme de β et (iv) ce point fixe est
toujours vraisemblable ; enfin (v) les bornes de la zone instable sont β = −0.04 et β = 0.52, en
accord satisfaisant avec les données expérimentales. La figure 5.10 illustre ces trois derniers
points, en présentant le diagramme des points fixes obtenu pour cette correction.
=
Ro , (5.26)
Ω̃k
R = − 2k DS ij
B Wik Sjk + Ωm (εimn Sjn + εjmn Sin ) , (5.27)
S̃ 3 Dt
5.2 Physique et modélisation 101
Figure 5.10: Diagramme des points fixes pour la correction de Cazalbou et al. (2005) en situation de
THUC-Ω. Le point fixe existe sur toute la gamme de β, et il est toujours vraisemblable (i.e., supérieur
à 3Cµ /2). Les bornes de la zone instable (β = −0.04 et β = 0.52), données par α∞ > Cµ , sont en
accord avec les données expérimentales.
où
Ω̃ = (Wij Wij /2)1/2 . (5.28)
dégénère en γ. En THUC-Ω, le cisaillement intervient sous la forme
En THI-Ω, Ro
Ro =
/k
, (5.29)
THUC−Ω |Ω − S/2|
Ceci traduit le fait que −S/2 caractérise la rotation de la particule fluide sur elle-même,
dans son évolution dans le repère relatif.
En THI-Ω, B R est singulier, mais ceci est compensé par l’utilisation d’une fonction en
tangente hyperbolique. En THUC-Ω, nous avons montré au paragraphe 5.2.4.2 (à un facteur
R est égal à θ (équation (5.24)), à la normalisation près.
multiplicatif près) que B
0
Avec les coefficients suivants : C2 = 1.83, Csc = 0.119, a = 4.3, b = 5.13, c = 0.453 et
d = 0.682.
Sans rentrer dans le détail du code de calcul, ce paragraphe fournit les informations
nécessaires à la compréhension de l’implantation des deux corrections.
Stockage des données Le stockage des variables réelles utilisées par le code est réalisé à
l’aide d’un vecteur unique, noté WORK. Chaque variable est rangée de manière ordonnée
Figure 5.11: Grille de calcul avec les conventions de numérotation pour les sommets et les cellules. Le
domaine intérieur est délimité par le cadre rouge, et est entouré de deux couches de cellules fantômes.
5.3 Implantation des corrections 103
pour tous les points de calcul4 . L’accès aux données est alors assuré par un pointeur associé
à chaque variable : il définit l’indice du début de la variable dans WORK. Ainsi, pour une
variable F quelconque, associée au pointeur IFP, WORK(IFP) correspond au premier point
de maillage (c’est-à-dire F(I=-1, J=-1, K=-1) en 3D). L’accès à un point quelconque du
maillage est alors assuré par un index : INDEXIJK =(I+1)+(J+1)*(NI+3)+(K+1)*(NI+3)*
(NJ+3) permet d’accéder à F(I,J,K) sous la forme WORK(IFP+INDEXIJK ).
Les modifications à apporter pour intégrer les deux corrections dans le code de calcul
EURANUS sont assez ciblées : elles n’interviennent que dans le calcul des termes sources
RC
des modèles. Il s’agit donc de calculer fr1 et C2 pour les modèles SARC et YSRC,
respectivement. Ainsi, pour chacun des deux modèles, seule la routine qui calcule les termes
sources est modifiée.
Au sein de ces routines, les modifications interviennent en deux temps :
1. Calcul préliminaire des termes utilisés par les corrections : i.e., les dérivées premières
et secondes (présentes dans le terme DSij /Dt) du champ de vitesse sont évaluées et
stockées dans WORK.
RC
2. Calculs des termes correctifs fr1 et C2 en chaque point du maillage (ils dépendent
des propriétés locales de l’écoulement).
Calcul des gradients En pratique, les gradients sont calculés par des routines pré-
existantes dans le code. Ces routines calculent aux sommets des cellules la valeur des
gradients d’une variable donnée aux centres de cellules.
L’objectif ici est de disposer des dérivées premières et secondes aux centres des cellules
du domaine intérieur. La procédure est la suivante :
1. Les dérivées premières aux sommets de toutes les cellules sont calculées.
2. Une boucle unique est effectuée sur les cellules intérieures et la première couche seule-
ment de cellules fantômes, c’est-à-dire sur les cellules I=0 à I=NI (c.f. figure 5.11).
Dans cette boucle, on (i) transfère les gradients des sommets aux centres des cel-
lules, et (ii) on stocke les gradients aux centres des cellules dans le tableau WORK.
On dispose donc des gradients aux centres sur tout le domaine intérieur plus la
première couche de cellules fantômes. Bien que le calcul de la correction dans le code
ne nécessite que les cellules intérieures, on a besoin des dérivées premières dans la
première couche de cellules fantômes pour pouvoir calculer les dérivées secondes dans
le domaine intérieur.
3. On calcule et stocke les dérivées secondes aux sommets, sur le domaine intérieur
seulement (i.e., de I=1 à I=NI-1).
4
La plupart des variables sont calculées aux centres des cellules ; toutefois, la viscosité tourbillonnaire
par exemple est calculée et stockée aux sommets.
104 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
4. On effectue alors une boucle unique sur les cellules intérieures (I=0 à I=NI-1), pour
transférer les dérivées secondes aux centres des cellules et stocker ces 27 termes dans
WORK.
En anticipant sur le fait que le calcul du facteur BR (commun aux deux corrections, à un
facteur multiplicatif près) implique une somme indicielle sur plusieurs indices, il convient
d’accorder une attention particulière à la manière dont sont stockées les dérivées premières
et secondes du champ de vitesse. Afin d’effectuer ce calcul à l’aide d’une boucle, les dérivées
sont stockées de la manière suivante :
– Le vecteur IVGRC1 contient les 9 pointeurs vers les 9 composantes des dérivées
premières du champ de vitesse calculées aux centres des cellules. La convention de
stockage adoptée est :
IVGRC1(1)=∂V1 /∂X1 , IVGRC1(2)=∂V1 /∂X2 , IVGRC1(3)=∂V1 /∂X3 ,
IVGRC1(4)=∂V2 /∂X1 , IVGRC1(5)=∂V2 /∂X2 , IVGRC1(6)=∂V2 /∂X3 ,
IVGRC1(7)=∂V2 /∂X1 , IVGRC1(8)=∂V3 /∂X2 , IVGRC1(9)=∂V3 /∂X3 ,
où les VI sont les 3 composantes du champ de vitesse dans les trois directions XI .
Ainsi, l’index INDMN=N+3*(M-1) permet d’accéder aux pointeurs vers les dérivées
premières. En effet, grâce à la convention de stockage de IVGRC1 la relation suivante
est vérifiée : IVGRC1(INDMN)=∂VM /∂XN .
– Le vecteur IVGRC2 contient les 27 pointeurs vers les 27 composantes des dérivées
secondes du champ de vitesse, calculées aux centres des cellules. En notant, par
exemple, VYZ la dérivée ∂V /∂Y ∂Z = ∂V2 /∂X2 ∂X3 , la convention de stockage sui-
vante est adoptée :
IVGRC2(1) = UXX IVGRC2(2) = UYX IVGRC2(3) = UZX
IVGRC2(4) = VXX IVGRC2(5) = VYX IVGRC2(6) = VZX
IVGRC2(7) = WXX IVGRC2(8) = WYX IVGRC2(9) = WZX
IVGRC2(10) = UXY IVGRC2(11) = UYY IVGRC2(12) = UZY
IVGRC2(13) = VXY IVGRC2(14) = VYY IVGRC2(15) = VZY
IVGRC2(16) = WXY IVGRC2(17) = WYY IVGRC2(18) = WZY
IVGRC2(19) = UXZ IVGRC2(20) = UYZ IVGRC2(21) = UZZ
IVGRC2(22) = VXZ IVGRC2(23) = VYZ IVGRC2(24) = VZZ
IVGRC2(25) = WXZ IVGRC2(26) = WYZ IVGRC2(27) = WZZ
Ainsi, l’index INDMNP=N+3*(M-1) + 9*(P-1), permet d’accéder à
IVGRC2(INDMNP)=∂UM /∂XN ∂XP .
À l’issue de cette étape préliminaire, on dispose finalement des dérivées premières et
secondes du champ de vitesse, aux centres des cellules, et stockées dans WORK. Par la
suite si, par exemple, la quantité ∂UM /∂XN ∂XP est requise au point de maillage M,N,P,
elle sera appelée sous la forme WORK(IVGRC2(INDMNP)+INDEXIJK ).
ensuite possible.
Afin d’expliciter les boucles pour le calcul de r̃ et BR (équations (5.11) et (5.27)), la
notation suivante est adoptée pour signifier le terme somme commun aux deux expressions :
DSij
SUM = Wik Sjk + Ωm (εimn Sjn + εjmn Sin ) . (5.31)
Dt
SUMkij SUMmnij
Le premier terme, noté SUMkij , ne dépend plus que de i et j après la somme sur k. Il en
va de même pour le terme entre crochets : (i) DSij /Dt ne dépend explicitement que de i
et j, et (ii) le terme noté SUMmnij signifie que la somme sur m et n a été effectuée.
Dans EURANUS, le vecteur rotation du système est nécessairement orienté suivant l’axe
z, et donc m peut être particularisé à 3 pour éviter une boucle inutile. Ainsi, la boucle
permettant de calculer SUM se résume de la manière suivante :
SUM = 0
DO i = 1,3
DO j = 1,3
Calcul de DSij /Dt
SUMkij = 0
DO k = 1,3
Calcul de Wik et Sjk
SUMkij = SUMkij + Wik *Sjk
SUMmnij =0
DO n = 1,3
SUMmnij = SUMmnij + Ω(εi3n Sjn + εj3n Sin )
sont considérés ici (c’est-à-dire que l’on ne vérifie pas l’implantation des modèles de base).
Cette procédure a été menée pour les deux corrections. Toutefois, par soucis de conci-
sion, seuls les résultats pour les termes du modèle SARC sont présentés.
Solution analytique Les caractéristiques des deux configurations étudiées sont les sui-
vantes :
– THI-Ω : U = U0 , V = W = 0, Ω = Ω0 z ;
– THUC-Ω : U = S0 y, V = W = 0, Ω = Ω0 z ;
On peut alors calculer analytiquement les termes suivants :
– THI-Ω : S̃=0, W̃ = 2Ω0 , r ∗ = 0, r̃ = 0 et fr1 = −cr1 ;
– THUC-Ω : S̃ = S0 , W̃ = |S0 − 2Ω0 |, r ∗ = S0 /|S0 − 2Ω0 |,
4Ω0 S02 |S0 − 2Ω0 |
r̃ = ;
(2S02 − 4S0 Ω0 + 4Ω20 )2
Figure 5.12: Vérification pour une configuration de cisaillement croissant : les contours de couleur
correspondent au champ de la variable SUM calculé par la macro de référence. Les isolignes corres-
pondent à la relation analytique calculée directement à partir du champ de vitesse. L’accord entre les
deux assure la vérification de la macro de référence.
108 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
Nous pouvons donc finalement conclure de ces comparaisons que le codage reproduit cor-
rectement les équations des corrections.
5.3 Implantation des corrections 109
Figure 5.13: Modèle SARC : comparaison résultats du solveur (à gauche)/résultats de la macro de
référence (à droite), pour le calcul de r̃ dans une vue méridienne.
Figure 5.14: Modèle SARC : comparaison résultats du solveur (à gauche)/résultats de la macro de
référence (à droite), pour le calcul de r̃ dans une vue aube-à-aube à mi-hauteur.
110 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
Figure 5.15: Modèle SARC : comparaison résultats du solveur (à gauche)/résultats de la macro de
référence (à droite), pour le calcul de fr1 dans une vue méridienne.
Figure 5.16: Modèle SARC : comparaison résultats du solveur (à gauche)/résultats de la macro de
référence (à droite), pour le calcul de fr1 dans une vue aube-à-aube à mi-hauteur.
5.3 Implantation des corrections 111
Figure 5.17: Modèle YSRC : comparaison résultats du solveur (à gauche)/résultats de la macro de
R dans une vue méridienne.
référence (à droite), pour le calcul de B
Figure 5.18: Modèle YSRC : comparaison résultats du solveur (à gauche)/résultats de la macro de
R dans une vue aube-à-aube à mi-hauteur.
référence (à droite), pour le calcul de B
112 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
Figure 5.19: Modèle YSRC : comparaison résultats du solveur (à gauche)/résultats de la macro de
référence (à droite), pour le calcul de C2 dans une vue méridienne.
Figure 5.20: Modèle YSRC : comparaison résultats du solveur (à gauche)/résultats de la macro de
référence (à droite), pour le calcul de C2 dans une vue aube-à-aube à mi-hauteur.
5.3 Implantation des corrections 113
La figure 5.23 illustre le comportement des deux corrections pour les champs de µt /µ
dans un plan aube-à-aube à mi-hauteur. Pour le modèle SARC (figure (b)), on note tout
d’abord que l’augmentation du niveau moyen de turbulence entre l’entrée et le bord d’at-
taque est liée à l’effet de la force de Coriolis identifié sur la figure précédente. Au niveau des
pales, le principal effet observé est celui de la force de Coriolis juste avant le bord de fuite
de la pale (zone notée D sur la figure (b)). Ainsi, la correction SARC rompt la symétrie
du champ obtenu avec le modèle SA, et l’apparition d’un pic de turbulence au niveau de
l’intrados (PS) est visible. Il est par contre difficile d’identifier l’effet de déstabilisation à
l’extrados.
Figure 5.21: Analyse théorique des effets de rotation et courbure dans un compresseur centrifuge
114 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
Figure 5.22: Effet des corrections rotation/courbure sur le champ de viscosité tourbillonnaire (normé
par la viscosité dynamique : µt /µ) : effet de courbure dans le plan méridien en moyenne azimutale
pondérée masse.
Pour le modèle YSRC, cet effet n’est pas visible sur la figure 5.23 (d). À l’aval du bord
de fuite, on observe surtout la trace de l’effet de courbure du plan méridien. La figure 5.24
présente un plan serré du bord de fuite de la pale en pied. Cette fois, la déstabilisation au
PS (intrados) induite par l’instabilité de Coriolis en cisaillement est visible. À l’extrados,
on peut observer un effet stabilisant, qui diminue la taille de la poche de turbulence avant
le bord de fuite.
5.3 Implantation des corrections 115
Figure 5.23: Effet des corrections rotation/courbure sur le champ de viscosité tourbillonnaire (normé
par la viscosité dynamique : µt /µ) : effet de courbure et rotation dans un plan aube-à-aube à mi-
hauteur (Z/B = 50 %).
Figure 5.24: Plan serré sur le bord de fuite en pied : effet de la rotation dans un plan aube-à-aube
en pied (Z/B = 10 %).
116 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
L’extraction des coefficients de frottement intégrés sur les pales et les surfaces moyeu et
carter confirme la consistance des prédictions. Les résultats du tableau 5.3 montrent que,
pour les deux corrections, le coefficient de frottement augmente à l’intrados et diminue
à l’extrados. Ceci traduit le fait que l’intrados est majoritairement concave, à quoi se
superpose l’instabilité de Coriolis en cisaillement (de manière analogue à la configuration
de canal plan). En revanche, les variations dues aux corrections au moyeu et au carter ne
s’accordent pas avec les considérations théoriques : l’augmentation de turbulence au moyeu
(due à l’effet de courbure) ne se traduit pas par une augmentation du frottement.
En conclusion, on pourra retenir que, d’un point de vue qualitatif, l’accord entre de simples
considérations théoriques et les modifications du champ turbulent par les modèles corrigés est
remarquable. Ainsi, les déstabilisations prévisibles au moyeu et à l’intrados sont parfaitement
restituées dans le cadre d’une modélisation au premier ordre, c’est-à-dire que la viscosité tour-
billonnaire prédite par le modèle est plus importante dans ces zones. Ceci permet de conclure
sur la consistance physique des corrections.
5.4 Évaluation des modèles corrigés sur un compresseur académique 117
Les détails du cas-test RADIVER sont donnés dans les références Ziegler, Gallus et
Niehuis (2003a,b) et Ziegler (2003). On se bornera ici à rappeler les données utiles à la va-
lidation, notamment au niveau de l’extraction des quantités physiques à partir des données
mesurées, et de leur utilisation dans les comparaisons expériences/calculs.
La figure 5.25 présente une vue d’ensemble du compresseur RADIVER muni de son dif-
fuseur aubé (à géométrie variable). Notons que l’objectif principal de ce cas-test est l’étude
instationnaire des interactions rotor-stator ; toutefois, seule les données stationnaires en
l’absence de diffuseur sont utilisées dans ce mémoire. Le tableau 5.4 donne les principales
caractéristiques du compresseur.
Le compresseur est placé dans un circuit d’air fermé, avec une chambre de tranquilisa-
tion en amont pour régler les conditions (totales) d’alimentation.
Mesures de pression totale par tube de Pitot À l’aval du rotor, la pression totale
est fournie sur un plan R=cste=138.1 mm (noté 2M, voir figure 5.26), elle est mesurée à
l’aide de sondes Pitot. 4 positions azimutales sont relevées successivement ; des traversées
118 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
Figure 5.26: Plans d’extraction des données expérimentales, d’après Ziegler, Gallus et Niehuis
(2003a) : plan 2M, tubes de Pitot ; plan 2M’ mesures L2F.
de sondes sont données pour 5 hauteurs relatives : Z/B=10%, 30%, 50%, 70% et 90%. 4
prises de pression pariétales, sur le moyeu et le carter, permettent d’acquérir les données
de pression pour Z/B=0% et 100%.
Pour une hauteur relative donnée, les profils de pression totale en moyenne azimutale en
sortie du rotor sont obtenus par une moyenne (arithmétique) des données pour les quatre
positions des Pitot afin de minimiser la distorsion de l’écoulement absolu délivré par la roue,
qui est liée aux instationnarités et au temps de réponse des sondes. Les profils dans le plan
2M ainsi obtenus sont considérés comme représentatifs de profils en moyenne azimutale
pondérée masse (note : il est difficile de fournir un argument théorique quant à la quantité
adéquate pour pondérer la moyenne délivrée par une sonde placée dans l’écoulement délivré
par le rotor). Pour le calcul des performances globales, une moyenne linéaire des données
de mesure pour les 7 hauteurs relatives entre le moyeu et le carter est effectuée pour obtenir
la pression moyenne en sortie.
Mesures de température totale La température totale est fournie sur un plan R =cste
= 335 mm (i.e., à l’aval du diffuseur lorsqu’il est présent), elle est mesurée à l’aide de sondes
5.4 Évaluation des modèles corrigés sur un compresseur académique 119
NTC (Negative Temperature Coefficient). Ziegler, Gallus et Niehuis (2003a) estiment qu’un
flux de chaleur significatif est transmis par le carter, et utilisent pour cette raison une
méthode particulière pour moyenner la température : la “méthode Hi3”. Cette méthode
consiste à relever la température totale pour 7 hauteurs et 25 positions azimutales, puis
d’utiliser une moyenne arithmétique des 3 valeurs les plus élevées, supposée représenter la
température totale en sortie du rotor6 en l’absence de flux de chaleur. Nous utilisons ici
cette moyenne telle qu’elle est fournie.
Mesures laser (L2F) dans la roue Dans la roue, sur le plan 2M’, voir la figure 5.26,
des mesures laser par la technique L2F sont disponibles. Ziegler, Gallus et Niehuis (2003b)
présentent en détails la technique utilisée, basée sur les travaux de Schodl (1977). Cette
technique permet de mesurer la norme et la direction des composantes de la vitesse absolue,
perpendiculairement au plan laser. Pour la configuration de diffuseur lisse, seul le point de
débit minimum (point P1 sur la figure 5.27) est mesuré.
Incertitudes expérimentales D’après Ziegler (2003), les incertitudes associées aux va-
leurs mesurées par les sondes de Pitot sont de l’ordre de 0.2 %. Une erreur supplémentaire
doit être considérée du fait de l’influence de la sonde sur le point de fonctionnement, mais
cette erreur n’a pas été chiffrée.
Pour la température totale, l’incertitude associée aux sondes NTC est de l’ordre de 0.3%.
Cependant, il est probable que la méthode “Hi3” ne compense pas de manière précise
l’erreur expérimentale due au flux de chaleur à travers le carter. Pour cette raison, il
conviendra de considérer avec prudence les valeurs absolues de rendement (pour ce cas,
une erreur de 1K sur la mesure de température équivaut à une variation de rendement
proche de 1 point).
Nous retiendrons les incertitudes expérimentales suivantes : UEXP = 0.2 % pour le taux de
compression et UEXP = 0.8 point pour le rendement.
D’après Ziegler, Gallus et Niehuis (2003b), les incertitudes associées aux mesures L2F
◦
sont de + +
− 1 à 2% pour la vitesse et − 1 à 3 pour les angles.
6
Le premier principe de la thermodynamique assure que la température totale est constante dans le
diffuseur pour un écoulement adiabatique.
120 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
2.85
P1
2.8
P2
2.75
Point M
Taux
2.7 S2
2.65
EXP S1
2.6
Figure 5.27: Illustration des configurations expérimentales étudiées sur le cas RADIVER, avec figu-
ration des noms associés aux points expérimentaux.
Dépouillement des calculs Une attention particulière a été portée à accorder les
méthodes de dépouillements CFD et expérimentales.
Pour l’extraction des performances globales, la pression totale moyenne utilisée en
entrée est celle imposée à l’entrée du domaine numérique. Ainsi, puisque la conduite entre
la chambre de tranquilisation amont et l’entrée de la roue n’est pas modélisée, la perte
de pression totale associée n’est pas prise en compte : il est attendu que les calculs sur-
estiment légèrement le taux (et donc le rendement). En sortie roue, la pression totale est
extraite dans le plan 2M de la même manière que dans les expériences : le calcul est d’abord
moyenné azimutalement en pondération masse, puis les 7 valeurs de pression totale (Z/B=
0%, 10%, 30%, 50%, 70%, 90% et 100%) sont extraites et moyennées linéairement.
Pour la température totale, il n’est pas possible de reproduire la méthode expérimentale,
car les parois sont supposées adiabatiques dans les calculs. Tt2 est obtenue par une moyenne
pondérée masse sur le plan 2M. En comparant les figures 4.10 (évaluation de la pression
totale en sortie par une moyenne pondérée masse sur toute la section de passage) et 5.28
(évaluation de la pression totale en sortie reproduisant la méthode expérimentale), on peut
noter que l’influence de la méthode de dépouillement est considérable, tant sur la valeur
absolue du rendement que sur la tendance.
Pour les comparaisons avec les mesures L2F, le plan 2M’ a été reproduit en accord avec
la figure 5.26. Plusieurs méthodes de moyenne des données expérimentales sont données
dans Ziegler (2003). Les données retenues pour les comparaisons sont celles obtenues par
une moyenne pondérée masse (notée VMK par Ziegler). Pour cette raison, les profils sont
extraits des calculs après une moyenne azimutale pondérée masse.
La figure 5.28 présente les champs CFD pour les quatre modèles. Pour le taux de
compression, figure 5.28 (b) la tendance est identique pour tous les modèles, en bon accord
avec les données expérimentales. La surestimation observée est en accord avec le fait que
l’amont du compresseur ne soit pas modélisé. Une estimation par modèle de perte de charge
en conduite (Idel’cik, 1960) conduit à une perte de pression totale de 1 % entre le plenum
2.9 0.915
0.91
2.85
0.905
2.8
0.9
ηis-tt 0.895
πtt
2.75
0.89
2.7
SARC
SA 0.885
SARC
YSRC
2.65 SA
YS 0.88
YSRC
EXP
YS
0.875 EXP
2.6
103
1
102
0.5
101
0
100
πtt/πtt-nom (%)
∆ηis-tt (pts)
-0.5
99
98 -1
97 SARC -1.5
SA
SARC
96 YSRC -2 SA
YS
YSRC
EXP
95 -2.5 YS
EXP
94
-3
1.8 1.9 2 2.1 2.2 1.8 1.9 2 2.1 2.2
mred mred
(c) Taux normé par la valeur au point M, avec barres d’erreurs (d) Delta de rendement par rapport au point M, avec barres d’er-
pour l’incertitude expérimentale. reurs pour l’incertitude expérimentale et pour l’erreur numérique.
Figure 5.28: Performance globales : comparaison des modèles SARC/SA et YSRC/YS avec les
données expérimentales. Maillage de 3Mpts pour SA/SARC, et pour YS/YSRC maillage de 1.5Mpts
recalé à 3Mpts suivant la méthode du chapitre 4.
5.4 Évaluation des modèles corrigés sur un compresseur académique 123
0.9
Jet
0.8
0.7
0.6
SARC
Z/B
0.5 SA
YSRC
0.4 YS
EXP
0.3
0.2
Sillage
0.1
0
100000 120000 140000 160000 180000
P t (Pa)
1 1
0.9 0.9
0.8 0.8
0.7 0.7
0.6 0.6
SARC SARC
Z/B
Z/B
0.5 SA 0.5 SA
YSRC YSRC
0.4 YS 0.4 YS
EXP EXP
0.3 0.3
0.2 0.2
0.1 0.1
0 0
100000 120000 140000 160000 180000 100000 120000 140000 160000 180000
P t (Pa) P t (Pa)
Figure 5.29: Profils de pression totale en moyenne azimutale à l’aval de la roue (plan 2M) : com-
paraison des modèles SARC/SA et YSRC/YS avec les données expérimentales pour les points de
fonctionnement M, P1 et S1. Maillage de 1.5Mpts.
5.4 Évaluation des modèles corrigés sur un compresseur académique 125
prédiction, en très bon accord avec les données expérimentales à la fois en valeur absolue
et en tendance. Il semble par ailleurs que tous les modèles, mais en particulier les modèles
SA et SARC, prédisent un mélange trop important, ce qui entraı̂ne une sous-estimation
des gradients, manifeste au niveau du point Z/B = 0.5.
Profils par mesures L2F Parmi les nombreuses mesures acquises par vélocimétrie laser,
nous retenons la norme de la vitesse absolue V et l’angle absolu d’écoulement α. Du fait de
la forme relativement plate (|β2 | = 35 ◦ ) du triangle des vitesses en sortie (voir figure 2.8
du chapitre 2), pour une erreur donnée sur la vitesse débitante Vm , la répercussion sur V
est plus importante que sur W . Pour cette raison, V est un révélateur plus sensible de la
qualité de la prédiction du jet/sillage. Notons que le déficit de vitesse relative associé au
sillage se manifeste par une vitesse absolue plus importante, du fait de la composition des
vitesses. L’angle absolu est retenu pour son importance sur la performance du diffuseur en
aval de la roue lorsqu’il est présent.
La figure 5.30 (a) montre que le maximum de vitesse absolue (le sillage) et le minimum
(le jet) sont sensiblement mieux prédits par les modèles corrigés. De plus les modèles
(k, ) sont en meilleur accord avec les données expérimentales, la meilleure prédiction étant
donnée par le modèle YSRC.
Pour tous les modèles, le déficit de vitesse présent à Z/B=0.5 n’est pas reproduit, ce
qui suggère que la cohabitation entre les deux zones à vitesses différentes est difficile à
reproduire par la simulation, qui prédit mal l’important gradient de vitesse entre les zones
de jet et de sillage.
La figure 5.30 (b) montre que cette tendance se retrouve pour les courbes pour l’angle
1 1
0.9 0.9
0.8 0.8
0.7 0.7
0.6 0.6
Z/B
Z/B
0.5 0.5
0.4 0.4
SARC
0.3 0.3 SA
SARC YSRC
0.2 SA 0.2 YS
YSRC EXP
0.1 YS 0.1
EXP
0 0
150 175 200 225 250 275 300 325 350 0 5 10 15 20 25 30
V (m/s) α (°)
Figure 5.30: Profils mesurés par L2F en moyenne azimutale en sortie roue (plan 2M’) : comparaison
des modèles SARC/SA et YSRC/YS avec les données expérimentales au point de fonctionnement P1.
Maillage de 1.5Mpts.
126 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
absolu (repéré ici par rapport à la direction tangentielle), bien que l’effet des corrections
y soit nettement moins marqué. La prédiction est bonne en tête, mais la déviation est
sous-estimée de 3◦ en pied. Notons toutefois que cet écart est de l’ordre de grandeur de
l’incertitude expérimentale.
En conclusion, les prédictions locales sont de l’ordre de l’incertitude expérimentale pour tous
les modèles. L’amélioration apportée par les corrections est sensible dans les deux cas. Dans
l’ensemble, la meilleure prédiction est obtenue pour le modèle YSRC.
De même qu’au chapitre précédent, nous examinons ici les prédictions de l’outil acous-
tique dans le cadre des erreurs de simulation. Les données des calculs pour les 4 modèles,
au point M et sur le maillage de 400 000 points, ont été exploitées par l’outil LTS. Les
puissances acoustiques obtenues sont présentées dans le tableau 5.6.
La figure 5.31 présente les contours de vitesse relative W sur le plan 2M’ pour les quatre
modèles. Cette figure montre que l’amélioration associée aux deux corrections RC est liée à
la prédiction d’une valeur plus basse pour le minimum de vitesse relative en tête, associée
à une zone de sillage plus étendue, ce qui est en accord avec les considérations théoriques
5.4 Évaluation des modèles corrigés sur un compresseur académique 127
Figure 5.31: Configuration de jet/sillage au plan 2M’ pour les 4 modèles au point de fonctionnement
P1. Maillage de 1.5Mpts. Les contours de couleur représentent la vitesse relative W en m/s. L’échelle
des calculs CFD, donnée entre les figures (a) et (b), est calée sur l’échelle des mesures (e).
de Baljé (1981) (voir la figure 5.6). En pied, la différence est liée à une prédiction d’une
zone de jet plus importante du côté de l’intrados (PS).
Les modèles (k, ) accentuent par ailleurs cet effet, avec des extremums de vitesse plus
importants que pour les modèles SA et SARC. De plus, l’extension du sillage vers l’extrados
(SS) est particulièrement plus marquée pour le modèle YSRC.
La comparaison des résultats CFD avec les mesures L2F montre un assez bon accord
qualitatif. En particulier, malgré l’étendue limitée des données à proximité des parois, les
mesures suggèrent que le sillage s’étend de manière significative vers l’extrados. Ceci est
en faveur de la prédiction obtenue par le modèle YSRC.
On notera que le caractère plus marqué des gradients de vitesse obtenus avec le modèle
YSRC est certainement l’explication du fait que l’écart sur la puissance acoustique calculée
entre YSRC et YS soit plus important qu’entre SA et SARC.
On retiendra que les modèles corrigés rendent les champs en sortie du rotor plus hétérogènes,
ce qui, d’un point de vue général, peut avoir un impact sur la performance aérodynamique des
étages éventuellement placés en aval.
Influence du jet/sillage sur le bruit de raie Dans le chapitre 2, le “sillage roue” res-
ponsable de la source diffuseur a été considéré de manière générique. Cette inhomogénéité
est généralement assimilée au sillage d’un profil isolé (voir Waitz et al. (1995) par exemple).
Étant donné le caractère spécifique du déficit de vitesse que représente le jet/sillage, nous
128 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
où c est la vitesse du son, N la vitesse de rotation (en tr/min) et ZpR le nombre de pales
de la roue. Tous calculs faits, dans le cas RADIVER, la longueur d’onde acoustique est
de 5 cm. L’analyse des calculs CFD permet d’estimer la taille du sillage : en aval de la
roue (rayon R0 = 138 mm), la sillage occupe environ 50 % de la section définie par l’arc
2πR0 /ZpR , ce qui donne une taille caractéristique de l’ordre de 3 cm, proche des 5 cm de
la longueur d’onde acoustique. En revanche, la taille du sillage des bords de fuite est de
l’ordre de 0.3 cm, donc d’un ordre de grandeur inférieur.
Sur la base des résultats de simulation disponibles, un autre argument qualitatif peut
être avancé en examinant la figure 5.32. La visualisation des contours de couleur pour le
Mach relatif montre que le sillage des bords de fuite (sillage au sens du profil isolé) subit
un mélange rapide en aval de la roue. Ainsi, au plan d’extraction utilisé pour les calculs
acoustiques (R = 1.1R2 ), il semble avoir disparu.
Figure 5.32: Sillage du bord de fuite : contours de couleur du Mach relatif sur un plan aube-à-aube
à 80 % de la hauteur de pale. Le deficit de vitesse a disparu à R = 1.1R2 .
Afin d’avancer des arguments quantitatifs, les données aérodynamiques utilisées pour
les calculs acoustiques ont été extraites sur un rayon R = R2 + 3 mm, afin d’obtenir
des profils de vitesse incluant les contributions des bords de fuite et du jet/sillage. Un
traitement particulier a été appliqué à ces profils, illustré sur la figure 5.33. Pour chacune
des composantes du champ de vitesse (Vr , Vt , Vz ), nous avons qualitativement séparé les
différentes contributions suivant l’exemple de la figure 5.33. Les calculs acoustiques ont
ensuite été menés sur le profil complet d’une part et sur les deux contributions d’autre
part.
Les résultats des calculs acoustiques sont les suivants : (i) profil complet : 126,4 dB ; (ii)
contribution du bord de fuite : 104,9 dB ; et (iii) contribution du jet/sillage : 126,2 dB. Ces
5.4 Évaluation des modèles corrigés sur un compresseur académique 129
Figure 5.33: Séparation des contributions des bords de fuite et du jet/sillage. Contours de couleur
sur un plan orthogonal à R = 1.1R2 et correspondance avec l’analyse du profil de vitesse pour Vr
extrait à 80 %.
résultats indiquent que le contenu fréquentiel du jet/sillage est nettement plus propice à
générer du bruit que le sillage des bords de fuite. Notons que ces calculs n’ont qu’une valeur
indicative, étant donné que les profils de vitesse utilisés ont été construits artificiellement,
et que l’influence de cette construction sur les calculs par transformées de Fourier n’a pas
été évaluée.
En somme, l’ensemble des indicateurs évoqués dans ce paragraphe tend à montrer que le
jet/sillage est bien la contribution principale à la génération de bruit de raies au bord d’attaque
du diffuseur. On peut donc conclure que lors d’une optimisation, réduire les inhomogénéités du
jet/sillage est bénéfique pour l’aérodynamique et l’acoustique.
Figure 5.35: Plans de coupes pour l’extraction des écoulements secondaires des calculs CFD.
turbulence, et cette conclusion n’est donc pas surprenante. Pour cette raison, la figure 5.37
compare les deux modèles corrigés seulement. La figure 5.36 est donnée en support des
commentaires qui suivent. Pour le modèle YSRC, elle représente les plans I, II, III et V,
dans une vue 3D de la roue, avec des lignes de courant à travers ces plans.
Jusqu’au plan II, les deux modèles prédisent un tourbillon de passage similaire, formé
par la migration de fluide dans les couches limites (i) du moyeu sous l’effet de la courbure
des pales, et (ii) des surfaces des pales sous l’effet de la courbure de la veine méridienne ; vers
la tête de pale, le mouvement relatif du carter contribue à cette structure tourbillonnaire.
À partir du plan III, la structure tourbillonnaire visible dans le cadran supérieur gauche
5.4 Évaluation des modèles corrigés sur un compresseur académique 131
(proche du carter au SS) est la trace de l’écoulement de jeu, qui apparaı̂t à ce plan du fait
de la charge croissante de la pale à travers la roue, comme le montre la ligne de courant
rouge de la figure 5.36. Cet effet est accentué par les tourbillons dûs à la courbure des pales
et du plan méridien (figure 2.14). Dans la partie supérieure droite du plan, l’orientation des
lignes de courant est due au tourbillon de jeu issu en amont, qui est convecté dans le canal
par l’écoulement principal, combinée aux tourbillons de passage et des pales à l’extrados
et au carter.
La différence entre les deux modèles se manifeste par le second tourbillon visible en pied
vers le centre du canal pour le modèle YSRC, qui est en fait la persistance de la structure
du plan précédent, au vu de la ligne de courant verte de la figure 5.36.
Peu de différences sont notables entre les deux modèles au niveau du plan IV, où la
trace de l’écoulement de jeu reste visible, mais plus localisée vers le coin carter/extrados,
du fait de la charge très importante de la pale en sortie de roue.
Au plan V, la principale différence entre les deux modèles est la présence d’un tour-
billon supplémentaire en pied au centre du canal pour le modèle YSRC. Ce tourbillon est
orienté du SS au PS, en contradiction avec les structures identifiées au chapitre 2. Il s’agit
probablement de ce que Lakshminarayana (1996) appelle “l’effet direct de la rotation” dans
le plan méridien, non pris en compte dans l’analyse du paragraphe 2.3.2. Ce tourbillon est
rarement observé expérimentalement du fait de son orientation opposée aux autres contri-
butions. Notons que ce tourbillon étant aussi observé avec le modèle YS, sa prédiction n’est
pas liée à la correction.
132 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
Figure 5.36: Lignes de courant à travers à les plans de coupes (le plan IV n’est pas figuré ici), illustrant
l’évolution des structures tourbillonnaires. La ligne de courant rouge représente la contribution de
l’écoulement de jeu. La ligne noire prend son origine au coeur du tourbillon du plan II. La ligne verte
traverse le coeur du tourbillon proche du moyeu au plan V. Modèle YSRC, maillage de 1.5Mpts.
5.4 Évaluation des modèles corrigés sur un compresseur académique 133
Figure 5.37: Lignes de courant des écoulements secondaires sur les plans orthogonaux de la fi-
gure 5.35, au point de fonctionnement P1. Modèle SARC à gauche et YSRC à droite. Maillage de
1.5Mpts.
134 Modèles de turbulence sensibilisés aux effets de rotation et courbure
Synthèse et conclusions
Les données physiques rappelées au début de ce chapitre ont souligné les effets signi-
ficatifs de la rotation et de la courbure sur la turbulence. L’influence de ces effets sur
des grandeurs physiques importantes comme le frottement pariétal, ou la charge dans un
canal plan, nous a fondé à examiner l’impact de leur modélisation sur la prédiction des
écoulements dans les compresseurs centrifuges.
Étant donnés les défauts des corrections existantes, nous avons examiné deux correc-
tions récentes visant à pallier ces déficiences : l’approche de Spalart et Shur (1997), basée
sur l’introduction d’une mesure originale des effets RC et appliquée au modèle SA ; et
la correction de Cazalbou et al. (2005), basée sur une approche (k, ) garantissant un
comportement mathématique et physique satisfaisant sur toute la gamme des régimes de
rotation. Ces deux corrections ont donc été implantées dans le code de calcul EURANUS
de NUMECA, en place chez LTS.
Les prédictions obtenues avec les modèles standards et leurs homologues corrigés ont été
évaluées sur un compresseur académique, le cas-test RADIVER. Cette étape de validation
amène un bilan nuancé sur les améliorations apportées par les corrections RC. En effet,
si l’impact des corrections est majeur sur les champs de viscosité tourbillonnaire (voir les
figures 5.22 à 5.24), il reste très limité sur les quantités globales et modéré sur les quantités
locales. Nous faisons donc la conclusion suivante : l’effet direct de la rotation et de la courbure
sur le champ moyen domine l’effet indirect via la turbulence.