Fasc. 505 CRÉDITS SYNDIQUÉS. - Syndication Directe
Fasc. 505 CRÉDITS SYNDIQUÉS. - Syndication Directe
Fasc. 505 CRÉDITS SYNDIQUÉS. - Syndication Directe
– Syndication directe
JurisClasseur Droit bancaire et financier
Mises à jour
Mise à jour du 01/02/2019 - §166. - Crédit syndiqué – Dette parallèle – Trustee – Agent fiduciaire – Validité – Ordre public international français – Agent des
sûretés
Mise à jour du 01/02/2019 - §168. - Le nouvel agent des sûretés français : une attrayante figure en clair-obscur
Mise à jour du 01/02/2019 - §170. - Crédit syndiqué – Dette parallèle – Trustee – Agent fiduciaire – Validité – Ordre public international français – Agent des
sûretés
Points-clés
Le partage du risque d'un crédit (syndication) peut être organisé dès l'origine (marché primaire) : c'est en ce sens que l'on parle de syndication directe ou
"immédiate". L'ensemble des banques signe la documentation contractuelle qui régit les rapports entre les banques et l'emprunteur, d'une part, et les
rapports des banques entre elles, d'autre part (V. n° 19 à 27 ).
La mise en place de l'opération de crédit et sa gestion sont dévolues aux deux acteurs clés de la syndication : l'arrangeur et l'agent. L'arrangeur n'est
pas le mandataire des banques, il agit pour le seul compte de l'emprunteur. La signature de la convention de crédit marque la fin de sa mission (V. n° 39
à 91 ).
La pratique des crédits syndiqués implique, par essence, l'absence de toute solidarité – qu'elle soit active ou passive – entre les prêteurs (V. n° 94 à 108
). En l'absence de stipulation manifestant l'intention des banques de convenir entre elles ou avec l'emprunteur d'une indivisibilité pour l'octroi du crédit ou
pour l'exercice de leurs droits, chaque banque peut exercer, en principe, toutes les prérogatives attachées à la qualité de prêteur (V. n° 109 à 143 ).
L'existence de relations contractuelles parallèles entre les banques et l'emprunteur tend cependant à s'estomper face à l'unicité économique de
l'opération et à son traitement collectif par les banques. La gestion du crédit requiert la centralisation de nombreuses décisions entre les mains de l'agent
du crédit (V. n° 145 à 188 ), sous le contrôle de la majorité, parfois, de l'unanimité des banques (V. n° 189 à 197 ).
La nature juridique des relations entre banques (contrat de syndicat) est controversée en jurisprudence et en doctrine. Deux thèses principales
s'affrontent, l'une partisane de la société en participation, l'autre, juridiquement plus juste et en tout cas plus réaliste, partisane d'une convention sui
generis (V. n° 199 à 217 ).
I. - Introduction
1. – Les crédits bancaires – par caisse ou par signature – peuvent être bilatéraux ou syndiqués, c'est-à-dire accordés par plusieurs banques réunies pour
l'occasion au sein d'une entité dépourvue de la personnalité juridique, dénommée syndicat, consortium, tour de table ou pool bancaire. Si cette démarche
collective des banques s'explique, souvent, par la dimension internationale du financement, elle permet également de réaliser bon nombre de financements sur le
seul marché français.
1° Historique
2. – Apparus en France dans les années trente (V. J.-M. Daunizeau, Banques et partage du risque de crédit : Banque et droit sept.-oct. 1998, p. 3), les crédits
syndiqués pourraient trouver leur origine aux États-Unis dans la pratique des banques américaines sur le marché domestique, bien qu'une partie de la doctrine
considère que cette pratique est née en Allemagne avant la première guerre mondiale (V. Ph. Wood, Law and practice of international finance : éd. Sweet &
Maxwell, 1980, p. 256). Limitées à la sphère nationale, les opérations syndiquées se sont progressivement étendues au-delà des frontières, notamment, lors de
la création de l'Union monétaire latine. La communauté bancaire internationale a dû répondre à la demande toujours croissante de financement, en partageant
les risques associés à l'acte de prêt en le syndiquant entre plusieurs membres. Il faudra attendre, toutefois, la seconde moitié du XXe siècle pour que cette
pratique connaisse un essor généralisé.
3. – Euro-crédits –
Les crédits syndiqués sont devenus un mode de financement phare à la fin des années soixante aux États-unis et à la fin des années soixante-dix en Europe, soit
à une époque où les euro-crédits – crédits accordés par plusieurs banques, plus rarement par une seule, autour du mécanisme de fonctionnement du marché
des dépôts en devises – ont investi la sphère financière internationale (V. J. Blaise, Ph. Fouchard, Ph. Kahn, Les euro-crédits, un instrument du système bancaire
pour le financement international : Université de Dijon, Institut de relations internationales, Travaux du centre de recherche sur le droit des marchés et des
investissements internationaux, vol. 8, éd. Librairies Techniques Paris 1981, p. 26). Pour autant, contrairement à une idée assez répandue, la syndication
bancaire n'est pas une invention de l'euromarché. Elle a permis, en revanche, l'expansion des euro-crédits en introduisant un certain élément de sécurité dans
l'environnement instable de l'euromarché.
4. – Sur le plan international, deux séries de contentieux ont mis en relief les risques de conflits entre banques inhérents à toute syndication. Le premier – connu
sous le nom de l'affaire Colocotronis – a débuté en 1976 et a donné lieu à un procès retentissant intenté par plusieurs banques régionales américaines contre
l'European American Banking Corporation (EABC), chef de file d'un euro-crédit consenti au groupe Colocotronis. En l'espèce, seule l'E.A.B.C. avait signé la
convention de crédit. Les banques sous-participantes lui reprochaient d'avoir procédé – pour les inciter à participer au crédit – à des déclarations mensongères et
trompeuses et d'avoir omis de leur révéler des faits essentiels sur l'opération projetée. Bien que ce conflit ait finalement été réglé par une transaction, il a permis
de mettre en relief certains problèmes issus de la mise en syndication et les risques encourus par la banque chef de file au stade de la fourniture d'informations
(V. In re Colocotronis Tanker Litigation : 420 F. Supp. 998 (JPML 1976) ; 449 F. Supp. 828 (SDNY 1978). V. également UBAF Ltd. V. European American
Banking Corporation : [1984] 1 Lloyd's Reg. 258). Ce contentieux a justifié par la suite l'insertion systématique dans la documentation contractuelle de clauses
limitatives ou exonératoires de responsabilité (V. infra n° 88-90).
5. – Le second conflit – connu sous le nom de l'affaire du gel des avoirs iraniens – a révélé les problèmes qui peuvent naître de la gestion du crédit (V. G. Berlioz,
La crise iranienne et les euro-crédits : Les euro-crédits : op. cit. p. 593. – The Iranian Crisis : The Implication for International Financial law : ICLFR mars 1980,
p. 17). Le contentieux s'articulait, en l'espèce, autour des conditions de mise en œuvre de la clause d'exigibilité anticipée. Le processus décisionnel faisant appel
à la majorité des banques – considérée alors comme un moyen démocratique de médiation – s'est révélé être une arme à double tranchant (V. infra n° 194-196).
Quant à la clause de partage des paiements, elle s'est révélée insuffisamment protectrice de l'intérêt des banques (V. infra n° 113-114).
6. – Marché primaire –
En dépit du risque de conflit entre banques mis clairement en évidence par la jurisprudence américaine dans les années soixante-dix, la syndication bancaire
internationale a suscité un nouveau regain d'intérêt au cours des années quatre-vingt-dix (V. E. Hagger, Why the market's dinosaurs are back in fashion ? :
Euromoney, août 1993, p. 65). Le nombre, le volume ainsi que la complexité des opérations allant croissant, les prêteurs se sont focalisés sur une répartition plus
prudente des risques. Cette technique s'est imposée comme un outil juridique indispensable pour réaliser certaines opérations sur le marché primaire telles que
les financements de projet, les financements d'actifs, les rachats d'entreprises (LBO) et les ouvertures de crédits à options multiples (MOFF).
7. – Marché secondaire –
Les banques de taille moyenne désireuses de participer à ces grandes syndications sont intervenues, quant à elles, en masse sur le marché dit secondaire des
crédits syndiqués (V. Europe warms to secondary market : Financial Times, 8 avr. 1997). Si les opérations réalisées sur ce marché ne présentent pas les mêmes
avantages que celles réalisées sur le marché primaire – en l'absence notamment de développement de relations de clientèle et d'opportunité d'entamer dans le
cadre de la syndication d'autres activités génératrices de commissions – les banques visent une rentabilité qui sera probablement, à terme, supérieure à celle
disponible sur le marché primaire (V. J. Terray, L'octroi conjoint de crédit – syndicat et sous-participation : JCP E 2002, n° 12, p. 512. – S. Stover, Cessions de
créances bancaires, un marché en développement : Banque févr. 1997, p. 64). On assiste, d'ailleurs, depuis quelques années à un véritable marché secondaire
des créances dégradées (V. J. Barratt, Distressed debt – the sale of loan assets : JIBL, 1998, 13 (2), 50-57).
8. – Pour se limiter à la sphère nationale, le financement de grands projets, notamment immobiliers – à moyen terme (entre 2 et 7 ans), à long terme (supérieur à
7 ans) et, plus rarement, à court terme – passe souvent par la mise en place d'une syndication. La crise du marché de l'immobilier dans les années quatre-vingt-
dix a, d'ailleurs, été l'occasion pour les juridictions françaises de se pencher plus avant sur cette technique bancaire et de dégager quelques règles prétoriennes,
jusqu'alors quasi-inexistantes, sur le régime juridique des syndicats et la responsabilité des différents acteurs de la syndication (V. Fasc. 506).
2° Cadre juridique
10. – Bien que “le régime des barèmes et des chefs de file fonctionnait avec la régularité d'une horlogerie” et que “la fonction de chef de file était toujours
recherchée pour l'argent (car elle donnait lieu à une rémunération spéciale) et, plus encore, pour la gloire” ce système a finalement été jugé trop lourd et
définitivement abandonné fin 1987. Certains ont soutenu du reste que “les banques avaient tendance à se concerter et à s'aligner sur les tarifs les plus élevés.
Elles constituaient, en quelque sorte, un mini-cartel” (sur l'aspect cartellaire des syndications, V. Ch. Bovet, La nature juridique des syndications de prêt et les
obligations des banques dirigeantes et gérantes : Travaux de la Faculté de droit suisse de l'université de Fribourg, éd. Universitaires de Fribourg Suisse, 1991,
p. 191).
14. – Dans ce cas de figure, le maintien de concours habituels au sein du syndicat et en dehors de celui-ci pouvait être décidé par la majorité des banques
représentant au moins 75 % du montant des crédits concernés et du nombre de banques participantes. Ces recommandations prévoyaient ainsi la possibilité de
geler la situation sur vote de la majorité de banques, y compris celles ne faisant pas partie du syndicat. Ceci fut vivement critiqué dès lors que cela pouvait
conduire “à faire gouverner par les banques majoritaires en volume dans les pools bancaires la position des banques minoritaires étrangères ou françaises” et
aboutir “à l'extrême à une nationalisation de fait du système bancaire resté privé”. Au mieux, elle ne pouvait que "décourager à l'avance tout banquier nationalisé
ou privé de maintenir un financement dans une entreprise en difficulté passagère, dès lors qu'il se verrait ultérieurement contraint de cristalliser durablement sa
position" (JOAN Q 4 juill. 1983, p. 2905). Par trop critiqué, ce projet fut finalement abandonné en 1987. Il est apparu "préférable de s'en tenir à une approche
pragmatique" (JOAN CR n° 45520, 15 avr. 1985, p. 1633). Cette approche caractérise encore aujourd'hui la syndication bancaire.
16. – L'AFB et l'AEDBF ont adapté le contrat-type "LMA Facility Agreement" afin de prendre en compte certaines spécificités du droit français (capitalisation des
intérêts, taux effectif global, mécanisme des sûretés, modalités juridiques de transfert de participation, clause de partage des paiements et clause de juridiction)
ainsi que certaines pratiques existant sur le marché français (V. LMA – Paris Présentation, 16 mai 2002 et "Supplemental users guide to the french law version of
LMA recommanded from of primary documents". Ce document a reçu l'aval de la LMA en mai 2002 et est déjà utilisé par de nombreuses banques de la place.
Cette déclinaison française ne peut que satisfaire à une partie de la communauté bancaire qui considère que le droit français apporte, à de nombreux égards, un
degré de sophistication équivalent au droit anglais (V. T. Bonneau, De l'adaptation des contrats bancaires et financiers types étrangers au droit français : RD
bancaire et financier janv. 2001, n° 1, Alerte, p. 1. – F. Vidal, Droit des affaires : les règles anglo-américaines s'imposent : Option Finance, n° 490, 9 mars 1998,
p. 20. – B. Berlioz-Houin, L'application de la loi française : RJ com., n° spéc. févr. 1984, p. 33).
18. – Ce phénomène de codification sur le marché primaire et secondaire des crédits syndiqués connaît un équivalent outre-Atlantique mais également en Asie
grâce aux travaux de la "Loan Syndication and Trading Association" et de "l'Asia Pacific Loan Market Association". Sous l'égide de la LMA, une tentative
d'harmonisation des pratiques bancaires préconisées par ces trois associations est actuellement à l'étude.
3° Typologie
19. – La diversité des pratiques bancaires ne permet pas de proposer une typologie exhaustive de la syndication. Celle-ci recouvre néanmoins, en substance,
deux réalités juridiques : soit le risque d'un crédit est partagé dès l'origine entre des banques toutes signataires de la documentation contractuelle (crédit dit alors
syndiqué), soit ce risque est transféré concomitamment ou ultérieurement par une banque, seule signataire de la convention de crédit (crédit bilatéral ou
syndiqué), à une ou plusieurs autres banques. Dans le premier cas, il y a syndication directe, dans le second, sous-participation (V. Fasc. n° 506), laquelle
peut intervenir dans le prolongement d'un crédit bilatéral (syndication indirecte) ou dans le prolongement d'une syndication directe (sous-syndication au premier
degré) (sur le partage du risque d'un crédit par le biais de l'accréditif et de la contre-garantie, V. J.-M. Daunizeau, op. cit., p. 3). On ajoutera que s'il existe
certaines différences entre la pratique internationale et la pratique domestique des crédits syndiqués, celles-ci demeurent résiduelles.
20. – Syndication directe : partage immédiat du risque de crédit sur le marché primaire –
Le partage du risque d'un crédit peut être organisé dès l'origine sur le marché primaire. C'est en ce sens que l'on parle de syndication directe ou "immédiate".
L'ensemble des banques signe la documentation contractuelle qui régit les rapports entre les banques et l'emprunteur, d'une part, et les rapports des banques
entre elles, d'autre part, en conférant à l'une d'elles, dite "agent du crédit", un rôle de centralisateur des opérations.
21. – Chaque membre du syndicat accorde directement un prêt à l'emprunteur à concurrence d'un montant exprimé en nominal ou en pourcentage du montant
global du crédit. Dans cette dernière hypothèse, ce pourcentage est alors complété normalement par l'expression d'un montant en capital qui constituera le
maximum de l'engagement de prêt de la banque (V. J.-M. Daunizeau, op. cit., p. 4).
22. – La rédaction de la convention de crédit – qui n'est autre qu'une addition de crédits bilatéraux consentis aux mêmes conditions – n'est pas postérieure à celle
du contrat de syndicat, mais lui est généralement concomitante. Les dispositions contractuelles régissant les relations de crédit et la relation de syndicat figurent
ainsi, en principe, dans un seul et même document. En d'autres termes, la syndication sera organisée dans le contrat de prêt lui-même (V. M. Hughes, Loans
Agreements – single bank and syndicated : Butterworths Journal of International Banking and Financial Law, avr. 2000, p. 115). Cette unicité fait qu'il est parfois
malaisé de dissocier véritablement ces deux relations, une même clause pouvant traiter des deux à la fois. Elle permet, toutefois, de soumettre la relation de
crédit et la relation syndicale à une loi unique et de faire accepter par l'emprunteur la structure et les règles de fonctionnement du syndicat bancaire. Cette
intégration sera également l'occasion pour toutes les parties “de connaître précisément, et au moment où elles s'engagent, la personnalité de leurs partenaires et
l'ensemble des conditions financières de l'opération” (V. J.-B. Blaise et Ph. Fouchard, La valeur juridique de la syndication : Les euro-crédits, op. cit., p. 176, n° 33)
.
23. – Les raisons qui motivent les banques à se partager le risque d'un crédit sont très variées. Elles peuvent être d'ordre commercial, réglementaire ou quasi-
réglementaire.
26. – Ces ratios préoccupent les grands établissements de crédit, ils sont tout particulièrement contraignants pour les banques de taille moyenne désireuses de
financer des grands projets, notamment des projets immobiliers. Le recours à la syndication leur permettra de conserver leur clientèle tout en respectant les ratios
prudentiels.
27. – Au-delà de cet aspect purement réglementaire, l'accroissement du montant unitaire des emprunts suffit en soi à motiver les banques à se répartir à
plusieurs le risque y afférent. Enfin, s'imposent, parfois, aux banques les propres exigences de l'emprunteur.
une banque signataire d'une convention de crédit syndiqué, ce que nous appelons la sous-syndication au premier degré (ou syndication au deuxième
degré) ;
une banque signataire d'une convention de crédit bilatéral, qui agit alors en dehors de toute syndication préexistante, ce que nous appelons la
syndication indirecte (ou différée) également connue sous le vocable de "crédit en participation" ;
une banque qui a déjà pris en charge tout ou partie du risque d'un crédit bilatéral ou syndiqué et qui décide, à son tour, de transférer ce risque à une ou
plusieurs autres banques, ce que nous appelons la sous-syndication au deuxième degré.
40. – L'arrangeur n'est pas le mandataire des banques, il agit pour le seul compte de l'emprunteur. Il est responsable de la constitution du syndicat bancaire, de la
négociation et de l'établissement de la documentation contractuelle. La conclusion du contrat de crédit marque la fin de sa mission. Si la convention prend le soin
de mentionner son identité, ce n'est que pour satisfaire, semble-t-il, à des objectifs commerciaux sans qu'on puisse déduire à sa charge une quelconque
obligation contractuelle au titre de la gestion du crédit. Cette gestion est l'affaire de toutes les banques prises individuellement qui désignent, parmi elles, un agent
qui leur servira d'interlocuteur avec l'emprunteur pendant l'exécution de la convention de crédit. L'existence de plusieurs relations contractuelles parallèles entre
les banques et le crédité tend, cependant, comme on le verra, à s'estomper face à l'unicité économique de l'opération et à son traitement collectif par les banques.
41. – Deux phases caractérisent la mise en place de la syndication. Dans une phase initiale, l'emprunteur contacte plusieurs banques afin de les mettre en
concurrence sur les conditions d'un crédit qu'il souhaite obtenir d'un syndicat bancaire. La banque qui aura émis l'offre la plus satisfaisante, en réalité la plus
viable économiquement, se verra confier la mission de procéder, en sa qualité d'arrangeur, à la formation du syndicat.
1° Phase initiale de la syndication
a) Appel d'offres
42. – L'emprunteur commence par appeler plusieurs banques qui sont ses partenaires habituels ou bénéficient d'une certaine renommée sur le marché primaire
pour la qualité de leurs services et leur expérience bien établie en matière de crédit syndiqué. Cette première phase va lui donner un premier aperçu des
conditions d'un crédit qu'il peut obtenir des banques avant de confier à celle qui aura émis l'offre la plus convaincante la mission de monter l'opération de crédit
(V. R.-P. Donald, International syndicated loan : Euromoney, 1982. Cet auteur analyse en détail quatre types d'appel d'offre selon leur caractère ouvert ou fermé).
b) Offre de crédit
43. – Après avoir apprécié en interne l'opportunité d'assurer la direction d'un crédit, en fonction d'un certain nombre de critères dont ceux tirés de la rentabilité de
l'opération, de la disponibilité des fonds et du respect de certains ratios, les banques contactées présentent une offre de crédit à l'emprunteur. Pour qu'il y ait
juridiquement offre, celle-ci doit décrire les principales caractéristiques du contrat projeté. À défaut, l'offre s'analysera en une simple invitation à entrer en
pourparlers et ne pourra donc se transformer en un accord par le seul acquiescement de l'emprunteur. À ce stade, les banques doivent concilier les intérêts
souvent divergents entre l'emprunteur et les prêteurs potentiels. L'offre des banques devra être tout à la fois attractive pour l'emprunteur et suffisamment
séduisante pour les prêteurs afin de permettre la constitution d'un syndicat bancaire.
44. – Bien qu'une offre de contracter ne soit valable, selon la Cour de cassation, que pendant une durée raisonnable, les banques assortissent, le plus souvent,
leurs offres d'un délai. Les banques prennent également le soin de préciser la nature de leur engagement qui s'inscrit dans le concept dit "des exigences
comportementales". Il faut opérer, ici, une distinction entre quatre types d'engagement : l'engagement "ferme", connu sous le vocable anglo-américain de "fully
underwritten commitment", l'engagement de "faire ses meilleurs efforts", connu également sous le vocable américain de "best effort" ou anglais de "best
endeavours", auxquels il faut ajouter deux techniques hybrides.
46. – On précisera, toutefois, que pour parer aux conséquences de la volatilité du marché, il est d'usage d'insérer des clauses qui permettront aux banques
d'aménager, en tant que de besoin, leur engagement pendant la période de validité de l'offre. Par l'effet de ces clauses, les banques pourront, selon les cas, se
dégager purement et simplement de leurs engagements, modifier les termes et conditions de l'offre pour les mettre en adéquation avec les nouvelles conditions
du marché ou, plus simplement, renégocier la structure et le coût de l'opération. Certaines de ces clauses pourraient peut être receler une potestativité (V.
R. Gray, P. Holmes et K. Muzilla, Why banks should look at market flex and MAC clauses : IFLR, avr. 2003, p. 15).
47. – On ajoutera que lorsque l'opération porte sur des montants importants, les banques peuvent également choisir de partager les responsabilités issues de la
syndication, à plusieurs, en se réunissant au sein d'un syndicat dit "de garantie" qui assumera, éventuellement, l'échec de la syndication. Ce partage des
responsabilités implique un partage de la "commission d'engagement" qui donne lieu à la conclusion d'un acte séparé non communiqué à l'emprunteur.
48. – Si la technique de l'offre ferme suscite, à vrai dire, peu de problème spécifique, la situation devient juridiquement plus ambiguë lorsque les banques
s'engagent selon une autre formule, plus souple, qui ne comporte a priori aucune obligation de résultat.
50. – L'offre ne contient pas nécessairement tous les termes et conditions du prêt lesquels pourront être fixés plus tard au cours des discussions avec les
banques appelées à composer le syndicat. Les banques optent généralement pour cette forme d'engagement lorsque l'emprunteur ne bénéficie d'aucune
renommée particulière sur le marché. Elles y recourent systématiquement lorsqu'elles sont des banques d'affaires qui ne signent pas la convention de crédit.
51. – La qualification en droit français de l'obligation en obligation de moyen ou de résultat n'épuise assurément pas la variété des situations que l'on peut
rencontrer dans la pratique bancaire (V. J. Mestre, Des engagements fermement pris à ceux mollement souscrits : RTD civ. 1991, p. 330. – J. Mestre et B. Fages,
Start-up, start-down : de quelques protocoles préparatoires à la constitution de sociétés qui ne virent jamais le jour : RTD civ. 2001, p. 127). Il semble, toutefois,
que l'on puisse raisonnablement classer l'engagement de faire ses meilleurs efforts dans la catégorie des obligations de moyen (V. J. Ghestin, Une revue
juridique vue par un consultant : RTD civ. 2002, p. 720). La banque débitrice d'une obligation de faire ses meilleurs efforts sera présumée “vouloir sincèrement
tout mettre en œuvre afin de créer des effets de droit en matérialisant un accord que l'on croit possible” (V. J.-M. Loncle et J.-Y. Tronchon, La phase
précontractuelle dans les contrats internationaux : RD aff. int. 1/1997, p. 15. – U. Draetta and R. Lake, Letter of intent and precontractual liability : RD aff. int. 7
/1993, p. 844. – J. Schmidt, La sanction de la faute précontractuelle : RTD civ. 1974, p. 47).
52. – Plutôt que d'opter pour cette qualification, une partie de la doctrine assimile l'engagement de faire ses meilleurs efforts à un simple engagement sur
l'honneur. Si, en pratique, cet engagement est naturellement renforcé par les banques soucieuses d'être reconnues sur le marché primaire des crédits syndiqués,
il nous semble que cette approche conduit à faire de l'engagement de la banque "une promesse de pure forme, sans portée juridique réelle" (V. B. Oppetit,
L'engagement sur l'honneur : D. 1979, chron. p. 107).
53. – Techniques hybrides –
Les banques peuvent opter pour une troisième technique qui consiste à combiner une offre ferme et une offre de faire ses meilleurs efforts en ce sens qu'elles
s'engagent à prêter ferme pour un certain montant et s'engagent simplement à faire leurs meilleurs efforts pour collecter des fonds supplémentaires.
54. – Une quatrième technique consiste à faire coexister une obligation ferme et une obligation conditionnelle, les banques s'engageant, cette fois, pour un
montant ferme tout en se réservant la possibilité de modifier les conditions initialement fixées dans l'offre, dans l'hypothèse où le prêt ne pourrait être souscrit par
d'autres banques auxdites conditions.
55. – Seconde manifestation de volonté qui se joint à l'offre, la réponse de l'emprunteur à l'une des offres de crédit suffit, en principe, à la formation du contrat. De
même, cette réponse suffit également à confirmer l'existence d'un "mandat" – dont un modèle aura été le plus souvent annexé à l'offre de crédit – confié à la
banque pour monter la syndication. La banque ainsi sélectionnée devient "l'arrangeur".
56. – L'emprunteur peut lui confier la formation d'un syndicat bancaire sans autre précision. Dans ce cas, il se contente de contresigner l'offre de crédit.
L'emprunteur indique, parfois, le nombre et l'identité des banques qu'il souhaite voir participer à l'opération ainsi que la répartition des tâches entre les différents
intervenants.
57. – L'arrangeur accepte en principe de préparer un projet de contrat et d'en discuter les modalités avec l'emprunteur. Il accepte aussi d'établir un mémorandum
d'information en collaboration avec ce dernier, d'informer régulièrement l'emprunteur de l'identité des banques qui viennent composer le syndicat et du montant
qu'elles souscrivent dans le prêt, de prendre en considération les éventuelles modifications du projet proposées par ces dernières et enfin de préparer la
"cérémonie des signatures" et l'éventuelle publication d'un "tombstone" dans la presse spécialisée. Pour assurer cette fonction, l'arrangeur doit avoir acquis une
connaissance approfondie de l'emprunteur et, le cas échéant, de la loi de son pays. Il doit également avant d'accepter sa mission vérifier a minima la capacité
juridique de l'emprunteur ainsi que sa capacité économique et financière à emprunter.
58. – L'arrangeur approche les banques désignées par l'emprunteur ou celles qu'il souhaite voir faire partie du syndicat afin de placer le solde du crédit.
60. – Les banques actives sur le marché primaire des crédits syndiqués tiennent généralement des fichiers qui leur permettent de sélectionner rapidement et
efficacement les banques qui pourraient être intéressées à l'opération. L'arrangeur peut recourir à deux types de fichiers. Tout d'abord à un fichier dit "profil
banque" qui classe les banques selon leur champ d'activité géographique et le type d'opérations auxquelles elles participent habituellement. L'élaboration de ce
premier fichier se fait à l'aide de sources internes et externes à la banque. Ce fichier permettra d'opérer une première sélection lorsqu'un trop grand nombre de
banques est susceptible de participer à l'opération.
61. – Une seconde sélection peut être, ensuite, opérée à partir d'un fichier dit "réciprocité" qui sélectionne les banques, non plus à partir des relations qu'elles
entretiennent avec les emprunteurs, mais avec celles entretenues précédemment avec l'arrangeur (V. C. Dufloux et L. Margulici, La syndication : un mécanisme
essentiel de collecte de fonds et de répartition des risques : Banque juill.-août 1981, p. 824).
63. – Les banques approchées n'ont que quelques jours pour répondre aux offres de participation. Pour les guider dans leur choix et surtout les inciter à
participer, l'arrangeur rédige, le plus souvent, en collaboration avec l'emprunteur un mémorandum d'information.
64. – Un mémorandum d'information contient, pour les opérations complexes, une description relativement détaillée de l'emprunteur et du financement projeté
(modalités de l'opération et affectation éventuelle des fonds). Dans le cas d'emprunteur étatique, il contient également une série de renseignements sur le profil
économique du pays, son système monétaire, son commerce extérieur, sa balance des paiements, ses finances et la dette publique.
65. – Ce document est rédigé pour le compte de l'emprunteur et à ses frais, à partir des informations qu'il a fournies à l'arrangeur. La banque ne le signe pas, son
nom apparaissant simplement en en-tête. Une partie de la doctrine s'est toutefois interrogée sur le point de savoir si ce document est rédigé et diffusé pour le seul
compte de l'emprunteur ou s'il n'est pas plutôt communiqué aux banques pour le compte de l'arrangeur (V. R.P. Donald, op. cit., p. 294. – P. Gabriel, Legal
Aspects of Syndicated loans : Butterworths 1986, p. 128). Quelle que soit la réponse à cette question, ce document peut être générateur de responsabilité pour
l'arrangeur.
3° Responsabilité de l'arrangeur
66. – L'arrangeur engage sa responsabilité à l'égard de l'emprunteur, d'une part, et à l'égard des banques appelées à participer à l'opération, d'autre part, pour
toutes actions ou omissions au titre de sa mission (V. G. Bhattacharyya, The duties and liabilities of lead managers in syndicated loans : BJIBFL avr. 1995, p. 172)
.
a) À l'égard de l'emprunteur
67. – L'arrangeur, en tant qu'intermédiaire, est lié au titre d'un contrat avec l'emprunteur, donneur d'ordre. Sa responsabilité à son égard est donc de nature
contractuelle. Les clauses exonératoires de responsabilité insérées dans la documentation contractuelle sont dès lors valables, sauf dol ou faute lourde.
68. – Mandataire –
La pratique utilise volontiers le terme "mandate letter". S'il est vrai que les relations qui se nouent entre l'arrangeur et l'emprunteur dépassent le cadre d'un contrat
qui ne prévoit que l'exécution de tâches purement matérielles, pour se rapprocher d'un mandat, cette qualification ne saurait prospérer dans la mesure où la
prestation caractéristique de ce contrat est de conférer un pouvoir de représentation du mandant. L'arrangeur obtient-il un tel pouvoir de représentation de
l'emprunteur ? Rien ne permet de l'affirmer puisque l'arrangeur se limite, en définitive, à effectuer “des tâches intellectuelles et matérielles de préparation du
contrat et de collecte des renseignements” (V. J.-B. Blaise et Ph. Fouchard, Organisation bancaire : valeur juridique de la syndication : Les Euro-crédits, op. cit.,
p. 188, n° 53).
69. – Courtier –
Lorsque l'emprunteur laisse à la banque le soin de monter en toute liberté pour son compte l'opération de crédit, la mission de l'arrangeur s'apparente davantage
à du courtage. À l'instar du courtier, l'arrangeur est un intermédiaire mettant en rapport des personnes désireuses de contracter entre elles des opérations
commerciales. Son rôle se limite à faire connaître à chaque partie “les conditions de l'autre, à les conseiller et à tenter de concilier leurs intérêts souvent
divergents” (Rép. civ. Dalloz, V° p. 1). Cette fonction s'apparente certainement à la prestation de l'arrangeur au moment, notamment, de procéder à la fixation du
taux d'intérêt, des échéances et autres conditions essentielles à tout contrat de prêt. La mission de l'arrangeur correspond, d'ailleurs, à la fonction originaire du
courtage qui consistait à rapprocher des commerçants de nationalités différentes et à rédiger les contrats.
70. – Sa mission s'apparente également à celle d'un courtier qui a pour obligation essentielle de permettre, par ses démarches, la conclusion effective du contrat
pour lequel il s'entremet : l'arrangeur sert d'intermédiaire entre les parties au contrat de crédit syndiqué, reçoit des banques les modifications qu'elles souhaitent
apporter au contrat de crédit et assiste l'emprunteur dans ses négociations avec le syndicat, l'emprunteur lui versant une rémunération sous forme de
commissions pour les services rendus.
71. – Enfin, à l'instar du courtier, l'arrangeur n'a pas de pouvoir de représentation de l'emprunteur et ne représente pas plus les banques. Lorsqu'il agit au nom
des banques absentes, au moment de la signature du contrat, c'est exclusivement en vertu de pouvoirs spéciaux et non sur le fondement d'un mandat général.
On notera par ailleurs qu'à l'instar du courtier, l'arrangeur bénéficie d'une forme d'exclusivité, l'emprunteur ne confiant à aucune autre banque le soin de monter
l'opération de crédit.
72. – En dépit de ces nombreuses similitudes, la mission de l'arrangeur doit être distinguée de celle d'un courtier, et ce pour trois raisons :
Tout d'abord, contrairement au courtier – simple intermédiaire qui se borne à mettre en rapport les parties qui ont recours à ses services, laissant ces dernières
contracter sans intervenir à l'acte – l'arrangeur est également signataire de la convention de crédit non pas, certes, en cette qualité, mais en sa qualité de prêteur.
Bien qu'aucune règle n'existe en la matière, la pratique veut que ce dernier s'engage avant de procéder à la formation du syndicat à souscrire une portion
substantielle du montant du crédit.
Ensuite, contrairement au courtier qui exerce son activité d'intermédiaire en toute indépendance, l'arrangeur peut être étroitement lié par les exigences de
l'emprunteur sur l'identité, notamment, des banques qui composeront le syndicat (V. supra n° 56 ).
Enfin, et surtout, alors que le courtier n'a pas pour mission, en principe, d'engager des marchés fermes au nom des personnes qui lui ont confié leurs intérêts et
qu'il n'est pas plus responsable de l'inexécution des marchés qu'il a proposés (CA Paris, 10 févr. 1933 : Gaz. Pal. 1933, 1, p. 834), l'arrangeur garantit
précisément à l'emprunteur la bonne fin de l'opération dans l'hypothèse où il lui a fait une offre ferme (V. supra n° 45-48). Peut-être faudrait-il en conclure dans
cette hypothèse à un courtage doublé d'une promesse de porte-fort. Cette promesse serait sans conséquence sur la situation des banques – puisque aussi bien il
ne saurait y avoir de promesse pour autrui – elle constituerait, en revanche, un engagement personnel de l'arrangeur. On notera, cependant, que dans ce cas le
bénéficiaire de la promesse ne pourra alors exiger de l'arrangeur en sa qualité de promettant l'exécution du contrat, il ne pourra exiger que des dommages et
intérêts.
73. – Entrepreneur –
En définitive, la mission de l'arrangeur s'apparente davantage à un contrat d'entreprise, contrat par lequel une personne, l'entrepreneur, s'engage moyennant
rémunération à accomplir de manière indépendante un travail au profit d'une autre personne, le maître de l'ouvrage, sans le représenter. À l'instar de
l'entrepreneur, l'arrangeur accomplit un travail pour l'emprunteur dont il prend la responsabilité et exécute des actes matériels sans représenter pour autant ce
dernier.
74. – Outre un certain nombre de fautes qu'il peut commettre dans le montage de l'opération pour avoir omis, notamment, de prendre les précautions les plus
élémentaires (V. Sumitomo Bank Ltd. vs Banques Bruxelles Lambert SA, op. cit., n° 39), l'arrangeur engagera sa responsabilité s'il n'a pas informé correctement
les banques appelées à venir participer à l'opération. Contrairement à la responsabilité qui pèse sur le chef de file dans le cadre d'une syndication indirecte ou
d'une sous-syndication, qui est de nature pré-contractuelle (V. Fasc. 506, n° 41 à 54), sa responsabilité est de nature délictuelle ou quasi-délictuelle. Celle-ci ne
saurait a priori trouver son fondement dans le contrat de prêt dans la mesure où, à supposer que l'arrangeur l'ait signé, c'est alors en sa qualité de prêteur qu'il
s'engage par cette signature.
77. – Celle-ci relève, en principe, de la lex loci delicti (V. Cass. civ., 25 mai 1948 : Rev. crit. DIP 1949, p. 89, note Batiffol ; JDI 1949, p. 38 ; D. 1948, jurispr.
p. 357, note Lerebours-Pigeonnière ; S. 1949, note Niboyet ; JCP G 1948, II, 4542, note M. Vasseur. – L'affaire Luccatoni, Cass. civ., 1er juin 1976 : JDI 1977,
p. 91, note B. Audit). Le rattachement de la responsabilité délictuelle à la loi du lieu du fait dommageable "en laissant de côté les difficultés que peut susciter la
dissociation du lieu de la faute et du lieu du dommage", constitue une des rares solutions qui soit admise sans discussion par la majorité des systèmes juridiques
(V. P. Bourel cité par J.-B. Sialelli : Problèmes actuels de responsabilité délictuelle : Travaux comité fr. DIP, 1964-1966, p. 61).
78. – La lex loci delicti permet de maintenir une certaine neutralité en ce sens que la loi de l'arrangeur n'a pas de raison a priori d'être choisie par préférence à la
loi de la banque victime de fausses déclarations et inversement. Toutefois, outre le caractère purement fortuit du lieu du fait dommageable, cette règle de conflit
implique de déterminer avec précision le lieu de commission du délit ce qui en matière syndication bancaire internationale peut poser de sérieuses difficultés,
dans l'hypothèse, notamment, où la faute de l'arrangeur résulte d'une abstention ou d'agissements difficilement localisables (V. M. Elland-Goldsmith, Le
fonctionnement du syndicat : Les euro-crédits, op. cit., p. 119, § 14. – Ph. Wood, International loans, bonds and securities regulations, op. cit., p. 331, § 17-39). À
l'évidence, la règle classique de conflits de lois apparaît, ici, par trop mécanique (V. J.-B. Sialelli, op. cit., p. 64).
79. – L'application de la loi de la banque victime de l'inexactitude de l'information fournie par le chef de file n'apparaît guère plus satisfaisante puisque aussi bien
dans l'hypothèse où plusieurs banques seraient victimes de la qualité de l'information il y aurait, alors, application de plusieurs lois pour les mêmes agissements.
Ceci pourrait être tout particulièrement dommageable dans l'hypothèse où une clause exonératoire de responsabilité de l'arrangeur serait déclarée valable à
l'égard d'un participant anglais et déclarée nulle et non avenue à l'égard d'une banque française, la prohibition des clauses exonératoires de la responsabilité
délictuelle étant d'ordre public en France (V. infra n° 89 ).
80. – Un courant d'origine essentiellement américain préconise à juste titre, nous semble-t-il, l'application dans certaines situations de la "proper law of the tort",
en d'autres termes l'application de la loi du pays où se trouve situé le "centre de gravité du délit" (V. E.F. Scoles et P. Hay, Conflict of Laws : West Publishing Co.
1984, p. 587, § § 21-17. 26 ; Babcock v. Jackson : 12 NY. 2d 473 ; 240 N.Y.S.. 2d 743 ; 191 N.E. 2d 279 (1963)). Ce centre de gravité résulte “de la concordance
du plus grand nombre des divers éléments de localisation impliqués, pondérés selon leur caractère plus ou moins significatif : lieu du délit, mais aussi nationalité
et domicile des auteurs, des victimes etc.” (V. P. Mayer, Droit international privé, 7e éd. Montchrestien, p. 458, § 679).
81. – En matière de syndication bancaire internationale, la "proper law of the tort" pourrait conduire à désigner la loi du pays de l'arrangeur. Ce rattachement
serait entièrement satisfaisant dès lors qu'il conduirait à appliquer un droit unique à l'ensemble des membres d'un syndicat, d'une part, et à donner compétence à
la loi de l'État qui, en raison de ses rapports avec les actes matériels et leur auteur, a le plus d'intérêts à résoudre les questions posées par le litige, d'autre part.
Si la méthode du groupement des points de contacts semble, en définitive, la meilleure solution, les juridictions françaises ne semblent pas, toutefois, encore
disposées à y recourir.
83. – Bien que la jurisprudence soit rare en la matière, on peut citer un arrêt récent de la Cour d'appel de Versailles qui a jugé qu'un arrangeur manque à son
devoir de loyauté et d'information et engage sa responsabilité envers les banques appelées à participer à l'opération lorsqu'il a assorti sa proposition de
renseignements erronés, de nature à induire en erreur les banques sur les éléments déterminants de l'opération, alors qu'il ne pouvait ignorer la dégradation de la
situation financière de l'emprunteur. En l'espèce, la lettre d'invitation attirait l'attention des banques “sur le caractère non risqué de l'opération de financement
litigieuse, puisqu'il y était mentionné que la facilité de crédit était consentie (...) pour une durée limitée à six mois et que le remboursement devrait intervenir à
l'échéance par l'entrée de partenaires financiers et industriels (...)”. Selon la Cour, “la référence, dans la télécopie susvisée, à des protocoles conclus avec
d'importants partenaires industriels et financiers était de nature à convaincre la banque intimée que l'opération à laquelle il lui était offert de participer était dénuée
de tout risque” (CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 5 déc. 2002, arrêt n° 555, RG n° 01/01203, SA Crédit Agricole Indosuez c/ SA BMCI : RJDA 4/2003, n° 417,
p. 381. – Confirmation T. com. Nanterre, 5 déc. 2000, inédit).
84. – La responsabilité de l'arrangeur a, bien évidemment, pour corollaire l'obligation de prudence et de vérification qui pèse sur chaque banque participante en
sa qualité d'établissement de crédit. En cette qualité, il leur appartient d'apprécier individuellement l'opportunité de participer à l'opération projetée et de se tenir
personnellement informée avant de décider, seule, de participer au financement. Il a ainsi été jugé successivement que :
En présence de bilans non certifiés par un commissaire aux comptes, alors qu'elles ne pouvaient ignorer le caractère de la mission légale de
surveillance qui lui était dévolue, les banques se devaient, dans le souci de ne pas accorder inconsidérément leur concours et prolonger la survie de
l'entreprise dont la situation était irrémédiablement compromise, soit de refuser leurs concours, soit d'exiger de procéder à un examen de la comptabilité (
CA Montpellier, 13 oct. 1983, Giraud ès qual. c/ BCT, Sté Marseillaise de Crédit, Crédit Lyonnais, BNP, Banque Populaire du Midi, Sté Bordelaise de
Crédit, Société Générale : Gaz. Pal., 1984, 1, p. 30 ; RTD com. 1984, p. 498, n° 7 ; D. 1983, somm. p. 331 obs. M. Vasseur ([4e esp.] ; JCP E 1985 II,
14524, note Vivant. – Confirmation T. com. Paris, 28 févr. 1977 et 24 mai 1982, inédits) ;
Si l'agent a l'obligation de fournir à son cocontractant les renseignements qu'il a en sa possession, en sa qualité de "professionnel en matière de
financement", il appartient à la banque participante, “si ces renseignements apparaissent incomplets, de s'enquérir de la consistance et de la valeur du
patrimoine”, ce que la banque avait omis de faire, en l'espèce, “préférant s'en tenir à de simples déclarations et donner son accord sans même attendre
la documentation juridique relative à l'opération prévue” (CA Paris, 25e ch., sect. A, 18 mai 1995, Banque Internationale de Commerce c/ Banque de la
Mutuelle Industrielle : Juris-Data n° 1995-022110. – Confirmation T. com. Paris, 2e ch., 29 juin 1993 : RD bancaire et bourse 1994, n° 41, pp. 34-35 ;
Juris-Data n° 1993 - 043663).
“Dans la mesure où le contentieux entre les parties se situe dans le cadre de relations entre professionnels de la même spécialité, l'existence d'un chef de file ne
dispensait pas les autres participants d'un devoir de discernement et de suivi du chef du risque du crédit partagé (...) la banque intimée ne démontre ni n'allègue
avoir, au cours du bref délai qui lui avait été accordé (...) pour prendre option sur la proposition qui lui a été faite, entrepris par ses propres moyens la moindre
démarche qui aurait permis de se renseigner sur la situation financière réelle de (l'emprunteur) et, en particulier, sur l'état de ses encours et de sa trésorerie” (CA
Versailles, 12e ch., 2e sect., 5 déc. 2002, op. cit., n° 83).
85. – Les banques participantes qui ont été négligentes ne peuvent s'en prendre qu'à elles-mêmes. Elles ne peuvent invoquer a posteriori leur crédulité et leur
propre négligence pour se soustraire à leurs engagements. L'exigence d'une information sincère et exhaustive apparaît tout aussi fondamentale que le jugement
que les banques porteront sur cette information.
86. – On ajoutera que le comportement de l'arrangeur doit s'apprécier à la date d'octroi du crédit. L'environnement économique du moment pourrait justifier, en
effet, que les banques n'étaient pas fondées, à l'époque, à exiger de l'arrangeur plus d'informations sur l'emprunteur. À cet égard, on citera une décision du
Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a fait état pour l'appréciation de la responsabilité de l'arrangeur “d'une période particulièrement favorable à la
réalisation d'opérations immobilières spéculatives”, en d'autres termes, d'une période au cours de laquelle les informations sur l'emprunteur avaient peu ou aucun
poids dans l'esprit des banques appelées à participer à l'opération : “En l'espèce, l'appréciation du dossier a été faite à partir d'informations sommaires portant
essentiellement sur la forte rentabilité attendue de l'opération immobilière financée qui se présentait sous la forme d'un achat suivi d'une revente spéculative sans
que les établissements participants ne se soient alors inquiétés de la valeur du patrimoine des cautions garantissant l'octroi du prêt” (T. com. Paris, 2e ch., 29 juin
1993, confirmé par CA Paris, 25e ch., sect. A, 18 mai 1995, op. cit., n° 84).
87. – Pour conclure, on indiquera que dans la mesure où coexistent une obligation d'information et une obligation de prudence, il pourra y avoir, éventuellement,
un partage de responsabilité entre les banques (V. en ce sens CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 5 déc. 2002, op. cit., n° 83 et 84. En l'espèce, la Cour d'appel a
jugé que les juges du fond avaient à bon droit apprécié que le défaut de diligence imputable à la banque participante avait contribué, dans une proportion évaluée
à 15 %, à la réalisation du dommage subi par cette dernière dans l'échec de l'opération de financement. – V. également Cass. com., 28 avr. 1975, Banque Italo-
Belge c/ Sté de Banque et de Crédit, arrêt n° 285, pourvoi n° 74-12.054 – rejetCA Paris, 5e ch., 15 févr. 1974, inédit).
89. – Bien que cela puisse paraître singulier au regard du droit comparé, il est un principe en droit français que toutes les clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité sont nulles en matière délictuelle, et ce quel que soit le fondement de cette responsabilité, à savoir responsabilité pour faute, du fait d'autrui ou du
fait des choses (V. notamment L. Aynès, Rapport français : les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en Europe : LGDJ 1991, p. 7. – Rodière,
Rép. civ. Dalloz, V° Responsabilité – En général, n° 61).
90. – Les clauses exonératoires de responsabilité de l'arrangeur sont-elles pour autant dénuées de tout effet devant les juridictions françaises ? Sans remettre en
cause la portée de cette interdiction d'ordre public, les juges français tiennent compte, comme on l'a vu (V. supra n° 84-86), de la pratique bancaire internationale
qui tempère l'étendue de la responsabilité de l'arrangeur par la reconnaissance d'une obligation pour les banques appelées à participer à l'opération d'agir avec
prudence et de se faire elles-mêmes une idée de la solvabilité de l'emprunteur. Ainsi, bien que déclarée inopposable en principe, une clause exonératoire de
responsabilité insérée dans un mémorandum d'information permettra, le cas échéant, de limiter la responsabilité de l'arrangeur puisque aussi bien elle sera
considérée comme ayant été un avertissement donné aux banques sur la valeur de l'information qui leur a été communiquée. Insérée dans le contrat de crédit,
une telle clause n'aura, en revanche, aucune efficacité dans la mesure où elle ne pourra plus, alors, être considérée comme ayant incité les banques à se faire
leur propre analyse de la situation financière de l'emprunteur avant de signer.
91. – Lorsqu'un accord s'est fait sur le texte de la convention, l'emprunteur et les banques signent la documentation contractuelle. La mission de l'arrangeur prend
fin. Le nouvel interlocuteur des banques devient l'agent du crédit. Comme le suggère l'article 25.3 du contrat type AFB-AEDBF "[...] the Arranger has no obligation
of any kind to any other Party under or in connection with any finance document".
92. – Les contrats de crédits syndiqués se caractérisent par un fort degré d'uniformité. Les similitudes entre les contrats ne sont pas uniquement structurelles,
mais s'étendent aussi à la rédaction de clauses que l'on retrouve sous une forme quasiment identique dans tous les contrats, et ce quel que soit le droit
applicable. Si les banques ont progressivement mis en place des mécanismes contractuels destinés a priori à écarter tout risque de différends entre elles, le
retour à des temps difficiles – illustrés par les conflits Euro-Disney et Euro-Tunnel – incite à cerner avec plus de précision le fonctionnement d'un syndicat
bancaire.
93. – Fondamentalement, un crédit syndiqué se caractérise par une alternance entre “les manifestations de l'individualisme le plus strict et les nécessaires
concessions à la technique du groupement et à l'organisation collective minimum indispensable” (V. J. Terray, op. cit., p. 512). Insérés dans le contexte de nos
vieilles traditions juridiques, “ces éléments partiellement contradictoires qui caractérisent le contrat, peuvent suggérer des synthèses à la fois inattendues et
hardies” (V. A. Mazzoni, Les clauses d'exigibilité et de paiement tardif : M. Bellis, Les conventions d'euro-crédit : expériences continentales : Colloque de Tours
des 10, 11 et 12 juin 1981, FEDUCI 1982, p. 143).
94. – À de rares exceptions près – telle la matière des crédits acheteurs français bénéficiant de la garantie de la COFACE (V. supra n° 35 ) – la pratique des
crédits syndiqués implique, par essence, l'absence de toute solidarité, qu'elle soit active ou passive entre les prêteurs.
95. – Il ne s'agit nullement d'une obligation unique ayant plusieurs codébiteurs, mais de plusieurs dettes distinctes ayant chacune un débiteur commun.
Contrairement à ce qu'ont prétendu des cautions de l'emprunteur au soutien de leur action en nullité de leur engagement, “l'obligation conjointe pour cause de
pluralité de créanciers ne prive pas l'obligation d'objet mais entraîne seulement un fractionnement de l'obligation entre les créanciers sans porter atteinte à
l'engagement du débiteur qui est limité à ce qui est personnellement dû par lui” (Cass. 1re civ., 2 oct. 2002, BNP Paris, Banque Populaire de l'Ouest, Société de
Développement Régional de la Bretagne c/ Mme Billaud : Juris-Data n° 2002-015741. – Cassation CA Rennes, 1re ch., sect. B, 30 juin 2000 : Juris-Data n° 2000-
129096. – Infirmation TGI Rennes, 9 févr. 1999, inédit).
97. – La stipulation d'une solidarité active donnerait ainsi à chaque membre du syndicat le droit :
de réaliser, le cas échéant, les sûretés garantissant la totalité du prêt (V. infra n° 119 et 175 ) ;
de déclarer la créance en totalité au passif de la procédure collective de l'emprunteur (Cass. com., 20 mars 2001, M. Plantin c/ Société Générale et
Société Centrale de Banque : Bull. civ. IV, n° 61 ; JCP E 2001, p. 1674-1676, note M. Behar-Touchais ; RTD civ. 2002, p. 805-809, note J. Mestre et
B. Fages ; D. 2001, act. jurispr., p. 1245, obs. A. Lienhard. – rejet CA Grenoble, 4 févr. 1998, inédit. – V. cependant CA Aix-en-Provence, 8e ch., sect. A,
9 janv. 2002, Sté Entenial c/ M. Martinez : Juris-Data n° 2002-167582 qui a jugé que la stipulation d'une solidarité active ne dispense pas l'agent des
banques de justifier d'un pouvoir spécial. – V. infra n° 163 et 175 ).
tout acte interrompant la prescription à l'égard de l'une des banques profiterait alors aux autres banques (C. civ., art. 1199) ;
la mise en demeure de l'emprunteur par l'une des banques profiterait également à toutes (C. civ., art. 1199) ;
la demande d'intérêts moratoires faite par l'une des banques ferait aussi courir les intérêts au profit de tous les membres du syndicat (C. civ., art. 1207).
98. – Toutefois, et réciproquement, la stipulation d'une solidarité active permettra à l'emprunteur de rembourser la totalité du prêt entre les mains de n'importe
quelle banque de son choix – tant qu'il n'a pas été prévenu par les poursuites de l'une d'elles (C. civ., art. 1198) – et, partant de se libérer ainsi à l'égard des
autres. Ceci serait tout particulièrement dommageable si la banque qui a reçu les fonds devenait insolvable. Cependant, comme le relève très justement la
doctrine, “cet inconvénient n'est pas majeur dans la mesure où les contrats prévoient une clause qui doit s'analyser en une indication de paiement” (C. civ.,
art. 1277) aux termes de laquelle l'emprunteur est tenu de payer dans les mains de la banque agent et ne peut donc se libérer directement auprès des prêteurs.
Selon cette doctrine, cette clause doit être respectée par l'emprunteur, et ce que le prêt comporte ou non une stipulation de solidarité active (V. J. Bertran de
Balanda, Crédit syndiqué et sûretés : Banque et droit mars-avr. 1997, p. 3).
99. – Reste qu'en présence d'une solidarité active, la chose jugée à l'égard d'une banque pourrait s'imposer à toutes (V. Beudant et Lerebours-Pigeonnière :
Cours de droit civil français, 2e éd., t. VIII, par Lagarde, n° 815). En d'autres termes, les banques prennent ici le risque qu'une procédure judiciaire intentée par
l'une d'entre elles s'impose à toutes, quand bien même la solution serait favorable à l'emprunteur.
100. – Cette mise à l'écart volontaire du principe du fractionnement de l'obligation entre les créanciers n'est, à l'évidence, pas souhaitable dans la majorité des
cas. En pratique, les contrats habilitent rarement les banques à faire, à titre individuel, des actes de disposition de la créance commune à tous les membres du
syndicat. En l'absence de toute stipulation en ce sens, le principe reste donc celui de l'absence de solidarité active entre les prêteurs.
102. – Cette variante de sûreté personnelle n'est, à l'évidence, pas plus souhaitable dès lors que la défaillance d'une banque aura une incidence sur le quantum
des obligations des autres banques, et ce quel que soit leur pourcentage de participation dans le prêt.
103. – En pratique, les banques insèrent dans la convention de crédit une clause de non-solidarité aux termes de laquelle il est précisé que les obligations
qu'elles ont contractées sont conjointes et non solidaires. On rappellera, à cet égard, que si la solidarité passive est présumée en matière commerciale, elle cède
devant la convention ou l'usage contraire (sur l'usage en matière de crédit interne, V. Parère APB signé par M. Hottinguer le 12 nov. 1959, sur le fractionnement
des crédits consortiaux internes. – Ch. Gavalda et J. Stoufflet, Droit de la Banque : PUF Themis 1re éd. 1974, p. 32, n° 19). Une autre clause vient généralement
préciser qu'en l'absence de toute solidarité entre les banques, le défaut de participation d'une banque n'engage en aucune façon la responsabilité des autres
banques ni ne les libère de leurs obligations respectives. Aucune banque ne répond ainsi du manquement par les autres banques à l'une de ses obligations.
104. – Est-ce à dire que l'emprunteur n'a aucune garantie ? Certainement pas. Les conventions stipulent généralement des succédanés de la solidarité passive :
Une clause dite "d'effort de remplacement" prévoit ainsi qu'en cas de défaillance de l'une des banques, l'agent s'efforcera de trouver une ou plusieurs
banques remplaçantes ou de reprendre les participations à son compte ;
Une autre solution peut consister à remplacer la banque défaillante en augmentant les participations de tout ou partie des membres du syndicat ou en
cédant à une banque tierce les droits et obligations de la banque défaillante.
106. – Les tiers victimes de l'octroi abusif de crédits, tels des sous-traitants de la société emprunteuse, seront-ils en droit de réclamer à l'un quelconque des
membres du syndicat, y compris à l'agent en sa qualité de co-prêteur, la réparation de l'intégralité de leur préjudice ? La Cour d'appel d'Angers a répondu par
l'affirmative aux motifs que “en matière délictuelle, la victime est en droit de réclamer l'intégralité de son préjudice à l'une quelconque des personnes dont la
responsabilité est recherchée et que l'absence en la cause de l'ensemble des établissements formant le pool n'est donc pas de nature à entraîner l'irrecevabilité
des demandes” (CA Angers, 3e ch., 6 mars 1990, BNP, CEPME et a. c/ Sté SART et CCME : RD bancaire et bourse 1990, p. 163. – Infirmation T. com. Mans,
19 juillet 1988, inédit. – V. également l'arrêt de rejet Cass. com., 10 mars 1992, pourvoi n° 14663, arrêt n° 489, inédit). En l'espèce, seul l'agent avait été assigné
par les créanciers de l'emprunteur, non pas en cette qualité mais en sa qualité de co-prêteur
107. – Toutefois, à l'occasion d'un autre contentieux pour octroi abusif de crédits où seul l'agent des banques avait été assigné – cette fois, semble-t-il en cette
qualité – la Cour d'appel de Paris a jugé – plus justement nous semble-t-il – que lorsqu'il n'est pas le mandataire des autres banques, l'agent ne peut être
condamné à réparer le préjudice subi par des tiers victimes de l'octroi abusif de crédits qu'au prorata de sa participation dans le prêt : “la BNP n'était pas seule à
soutenir CIPA (...) d'autres banques du pool, non partie à cette instance ont accordé leur soutien financier à CIPA alors que la BNP n'était pas leur mandataire
pour décider seule des concours à apporter mais l'était seulement pour gérer les créances cédées (...) en conséquence, la BNP ne devra indemniser les consorts
Charpentier que de 40 % de leur préjudice, proportion correspondant à sa part dans le pool bancaire” (CA Paris, 3e ch., sect. C, 28 févr. 1997, BNP, Sté IDEX,
Sté Financière et Foncière c/ SA Charpentier et a. : Juris-Data n° 1997-020465. – Infirmation T. com. Corbeil-Essonnes, 16 avr. 1993, inédit).
108. – Bien que les juridictions françaises ne se soient pas encore véritablement prononcées sur l'existence d'une responsabilité contractuelle in solidum des
membres d'un syndicat bancaire, on peut se référer à deux décisions :
La première rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 20 juin 1984 qui a invité toutes les banques à exécuter leurs engagements dans la limite de
la clé de répartition du syndicat, sans faire de quelconque référence à une obligation in solidum entre banques (Ord. T. com. Paris, 20 juin 1984, Union
Industrielle et d'Entreprise et Mlle Meille et Guillemonat, ès qual. c/ Banque Worms et 17 autres banques : D. 1985, inf. rap. p. 331, obs M. Vasseur
(3e espèce)) ;
La seconde rendue par la Cour d'appel de Paris le 13 juin 1985 en ce qu'elle a jugé que la solidarité passive ne se présume pas : “la constitution entre
plusieurs banques d'un pool destiné seulement à permettre entre elles une coordination de leur politique de crédit à l'égard d'un client commun ne
saurait avoir pour effet, en l'absence d'engagements solidaires contractés avec ce dernier, d'étendre aux autres banques les obligations souscrites par
une ou plusieurs d'entre elles ou de faire supporter par toutes les conséquences d'une faute éventuellement commise par l'une ou plusieurs d'entre elles”
(CA Paris, 15e ch., sect. B, 13 juin 1985, Gilles c/ Banque de Bretagne, Société Générale, Crédit Lyonnais, BNP : Gaz. Pal. 1985, 1, somm. p. 395 ;
D. 1986, inf. rap., p. 315, obs. M. Vasseur ; D. 1987, somm. p. 290, obs. M. Vasseur ; RTD com. 1986, p. 130, obs. M.M. Cabrillac et Teyssié ; RJ com.
1986, p. 175, obs. D. Vidal. – Confirmation TGI Paris, 4e ch., 1re sect., 1er juin 1983, inédit).
111. – En l'absence de stipulation manifestant l'intention des banques de convenir entre elles ou avec l'emprunteur d'une indivisibilité pour l'octroi du crédit ou
pour l'exercice de leurs droits aux fins de remboursement, chaque banque peut exercer, en principe, toutes les prérogatives attachées à la qualité de prêteur, y
compris celle de dénoncer unilatéralement son concours, sauf à répondre, le cas échéant, de l'éclatement du syndicat qui pourrait en résulter (V. Cass. com.,
18 déc. 2001, Sté Aerel et R. Lyon c/ Banque Régionale de l'Ouest, arrêt n° 2160, pourvoi n° 99-20.207, inédit. – Rejet CA Orléans, 27 mai 1999, Lamyline).
113. – Avant 1979, les clauses de partage des paiements étaient insérées à la fin du contrat et ne préoccupaient guère les banquiers. Elles se limitaient à un
partage des paiements reçus directement de l'emprunteur en remboursement du crédit. Elles n'imposaient aucun partage des sommes recouvrées par le biais,
notamment, de l'exercice du droit de compensation ou à l'occasion d'un contentieux. Cette lacune est apparue des plus problématiques lors du gel des avoirs
iraniens en novembre 1979 (V. G. Berlioz, La crise iranienne et les euro-crédits : Les euro-crédits, op. cit., p. 612. – C. R. Brown, Sharing strains on Euromarket
syndicates : IFLR juin 1982, p. 4. – L. C. Buchheit, Lost innocence in the Euromarkets : IFLR nov. 1992, p. 7. – V. infra n° 194-196).
114. – Depuis, les clauses de partage des paiements stipulent que les banques qui obtiendraient de l'emprunteur un quelconque paiement au titre de leur
créance – anticipé ou non, qui serait supérieur au montant auquel elle a droit en vertu du prêt syndiqué, que ledit paiement soit volontaire ou involontaire, qu'il soit
imposé par la loi ou résulte d'une compensation ou autre – devront verser à l'agent du crédit le montant nécessaire pour que toutes les banques partagent
effectivement le paiement ainsi reçu au prorata des paiements qui leur sont dus. Il reviendra alors à l'agent du crédit de procéder, dans les meilleurs délais, aux
ajustements nécessaires pour que l'excédant soit réparti entre les participants au prorata des montants qui leur sont dus respectivement (V. L. Buchheit, How to
negociate the sharing clause : IFLR, juill. 1994, p. 36).
117. – Rejetant le pourvoi formé par l'emprunteur à l'encontre de cet arrêt, la Cour de cassation a réaffirmé, à cette occasion, qu'en l'absence de clause contraire,
le crédit syndiqué a pour caractéristique d'être divisible (Cass. com., 24 oct. 2000, arrêt n° 1730, pourvoi n° 98-11.562, inédit) :
Attendu que la société Delom et Mme Delom font grief à l'arrêt du rejet de leurs prétentions, alors, selon le pourvoi, que, dans l'indivisibilité conjointe active,
les créanciers doivent agir ensemble contre le débiteur ; qu'il est normal, dans une telle situation, que l'un des créanciers confère à l'autre des pouvoirs
limités relativement à la gestion de la créance, puisque, l'avantage que l'indivisibilité conjointe active présente pour les créanciers, c'est d'empêcher que l'un,
en prenant l'initiative d'agir seul en paiement, n'interdise à l'autre de se remplir de ses droits ; qu'en énonçant, pour exclure l'existence, dans l'espèce, d'une
indivisibilité conjointe active, que la société Centrale de Banque n'a conféré au Crédit naval que des pouvoirs limités, la cour d'appel a violé les articles 1197
et 1217 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir analysé la convention de prêt, la cour d'appel a pu en déduire qu'aucune stipulation ne manifestait l'intention des banques de
convenir entre elles ou avec l'emprunteur d'une indivisibilité pour l'octroi du crédit ou pour l'exercice de leurs droits aux fins de remboursement ; que le
moyen n'est pas fondé.
118. – Droit pour les banques de réaliser isolément les sûretés au prorata de leur créance –
À titre liminaire, on rappellera que contrairement à ce qu'ont tenté de soutenir certaines cautions, lorsque ces dernières garantissent tous les engagements d'un
emprunteur envers une banque, elles sont également censées garantir les crédits que cette banque lui consent dans le cadre d'un syndicat dont elle est membre
(V. Cass. com., 17 nov. 1992, M. Brochard c/ Crédit Lyonnais, arrêt n° 1733, pourvoi n° 89-15.114, inédit. – Rejet CA Aix-en-Provence, 26 oct. 1988, inédit. – V.
également Cass. 1re civ., 3 déc. 1991, M. Vaturi c/ Crédit Lyonnais, arrêt n° 1640, pourvoi n° 88-16.058, inédit. – Rejet CA Paris, 15e ch., sect. A, 17 mai 1988,
inédit. La solution inverse s'impose en matière de sous-participation : V. Fasc. n° 506, n° 24).
119. – S'agissant de la réalisation des sûretés garantissant le prêt syndiqué, on indiquera que la pratique donne sa préférence pour qu'un bien donné en garantie
réponde de l'intégralité du crédit, et ce au bénéfice de tous les membres du syndicat à égalité de rang. En l'absence de solidarité active (V. supra n° 97 ), bien
que les banques puissent a priori faire réaliser les sûretés à leur profit à hauteur de leur créance, encore faut-il alors que les sûretés soient par nature
susceptibles de division au sens de l'article 1217 du Code civil. Si elles ne le sont pas (ce qui est notamment le cas de l'hypothèque) ou si l'acte de constitution
stipule – comme le permet expressément l'article 1218 du Code civil – une indivisibilité, la réalisation ne devrait plus, en principe, être autorisée. Conformément
aux dispositions de l'article 815-3 du Code civil, les actes d'administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent, en effet, le consentement de tous
les indivisaires. Bien entendu, cette règle n'empêche pas que les banques mandatent l'agent pour réaliser les sûretés pour compte commun (sur le mandat
spécial que l'agent doit obtenir à cet effet, V. infra n° 171 à 174 ).
120. – On indiquera, cependant, que dans un crédit syndiqué, "il existe en réalité autant de sûretés – à égalité de rang – que de prêteurs puisque, d'une part,
chacun d'eux a une créance propre à l'encontre de l'emprunteur, et d'autre part, la sûreté est toujours accessoire à la créance. Dès lors peu importe que la sûreté
porte ou non sur un bien indivisible : chacun des prêteurs peut, en principe, réaliser le gage qui garantit sa propre créance" (V. B. de Balanda, Crédit syndiqué et
sûretés : Banque et droit mars-avr. 1997, p. 5). Reste que la banque qui déciderait de réaliser isolément le gage sera, alors, tenue par la clause de partage des
paiements (V. supra n° 112 à 115 ). En définitive, à l'image du principe italien de co-titularité du prêt, chaque membre du syndicat est libre de gérer et de disposer
de sa quote-part de la créance tant que l'exercice de ses pouvoirs ne porte pas atteinte aux droits de même nature revenant aux autres banques.
121. – En sus des prérogatives traditionnellement attachées à sa qualité de prêteur, un membre d'un syndicat pourra – dans la limite des clauses contractuelles –
céder sa participation dans le prêt à une ou plusieurs autres banques (V. L.C. Buchheit, How to negociate the assignment clause : IFLR févr. 1993, p. 34). On
rappellera, ici, que la liquidité des avoirs d'une banque est considérée, aujourd'hui, comme essentielle. Si on laisse de côté la technique de la novation, qui n'est
pas à proprement parler un transfert de risque du crédit mais une succession de rapports de droit, qui nécessite l'accord de toutes les parties en présence,
banques et emprunteur, le transfert de participation s'opère principalement selon deux techniques. Elle s'opère, tout d'abord, dans les limites des clauses
contractuelles, par le biais de la cession dite à forme civile (C. civ., art. 1689 et s. – V. infra n° 132 s. ), ensuite, de manière occulte, par le biais de la sous-
participation (V. Fasc. n° 506). On ajoutera que certains contrats contiennent des clauses réglant en détail les transferts de participation sans pour autant se
rattacher à une catégorie juridique du droit français ("Transferable Loan Certificate").
122. – Généralités –
Si le contrat est pour les banques générateur de droits (droit au remboursement en principal et intérêts), il est également générateur d'obligations (mise à
disposition à l'emprunteur des fonds). La cession d'une participation doit donc permettre à la banque cessionnaire d'acquérir, le cas échéant, ces deux qualités.
La cession de contrat – définie comme “l'opération par laquelle un tiers, nommé le cessionnaire, succède à un contractant, nommé le cédant, dans un contrat
ayant été conclu avec un autre contractant, nommé le cédé” (V. E. Jeuland, Cession de Contrat : Rép. civ. Dalloz, n° 3) – est la technique la plus à même de
satisfaire à cet objectif. Bien que l'accord du cédé soit ici requis, on rappellera que cette technique ne saurait être confondue avec la novation par changement de
créancier (V. infra n° 129 s. ) dès lors qu'il n'y a pas extinction du contrat originaire et naissance d'un nouveau contrat. Cette cession n'a donc pas d'effet extinctif
concernant les dettes nées antérieurement à la cession. En d'autres termes, la banque cédante restera créancière de l'emprunteur à concurrence des montants
mis à sa disposition antérieurement à la cession.
123. – La cession de dette (en l'occurrence l'obligation de prêter) n'est pas, pour l'heure, consacrée par le droit français. La cession par un débiteur de sa dette à
un tiers sans l'accord du créancier reste imparfaite car elle ne libère pas le débiteur cédant. La seule cession de dette parfaite est celle qui résulte d'un accord
cédant/cessionnaire/créancier. L'emprunteur doit donc intervenir pour que la banque cédante puisse être valablement libérée.
124. – La cession par une banque de sa participation selon les formes de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981, dite "loi Dailly" (aujourd'hui codifiée au Code
monétaire et financier sous les articles L. 313-23 à L. 313-34) semble inadaptée puisque l'article 1er de la loi réserve expressément cette cession aux seules
hypothèses dans lesquelles le cessionnaire consent un crédit. Or, dans le cas d'une cession de participation dans un prêt, la banque cessionnaire ne consent pas
un crédit à la banque cédante (V. cependant T. com. Paris, 13 janv. 1997, CIC c/ SNC Saint Jacques, Sté Frankim et autres : Juris-Data n° 1997-043921).
125. – La technique de la subrogation conventionnelle telle qu'elle résulte des articles 1249 et suivants du Code civil est parfaitement envisageable. Celle-ci
permet de substituer une banque à une autre en réalisant une transmission directe de l'obligation par changement de créancier. Elle demeure, toutefois, peu
usitée en pratique. Outre que le créancier subrogeant n'est pas tenu de garantir l'existence de la créance transmise, la banque subrogée n'a droit, en principe, au
bénéfice des sûretés attachées à la créance qu'après désintéressement complet du créancier subrogeant (V. C. civ., art 1252). Ce dernier prime, par ailleurs, la
banque subrogée en cas de paiement partiel.
126. – L'endos d'effets de commerce a été, pendant un temps, la technique de financement par excellence. Partant, le réescompte – défini comme étant "une
opération d'escompte au deuxième degré" – s'est imposé comme la principale technique de refinancement (V. Fasc. 490). Ce recours au droit cambiaire n'est
bien évidemment possible que dans l'hypothèse où il s'agit de mobiliser un crédit matérialisé par un effet de commerce.
127. – L'endossement permet de transférer pour toute la durée du crédit ou pour la durée d'un simple tirage tous les droits résultant de l'effet de commerce, la
banque endossataire bénéficiant, alors, des sûretés attachées à l'effet. En pratique, cette banque avance le montant des effets de commerce qui lui sont transmis
en propriété par endossement à son ordre par la banque escompteur desdits effets auprès de l'emprunteur. À défaut de clause contraire, la banque escompteur
des effets garantit à la banque endossataire l'acceptation et le paiement. Cette dernière pourra exercer, en outre, tous les droits dérivant de la lettre de change et
en poursuivre le recouvrement, l'emprunteur ne pouvant pas, en principe, lui opposer les exceptions fondées sur les rapports personnels avec la banque
signataire de la convention de crédit.
128. – De prime abord très efficace, cette technique comporte quelques inconvénients qu'on évoquera ici brièvement. Dans la mesure où un syndicat bancaire
est, le plus souvent, composé d'un nombre important de banques, il est pratiquement impossible qu'un effet de commerce puisse être remis individuellement à
chaque banque. En pratique, c'est l'agent qui reçoit les billets à ordre en remboursement de l'intégralité du prêt. En sus de cette première difficulté, les billets à
ordre souscrits par un emprunteur peuvent ne pas remplir les conditions posées par la législation cambiaire française. Outre que l'endossement partiel d'un effet
est nul, l'indication d'un taux d'intérêt variable est ainsi totalement incompatible en droit français avec l'obligation de mentionner une somme déterminée. La
clause sera cependant réputée simplement non écrite, la validité proprement dite de l'effet de commerce n'étant pas affectée. La stipulation d'échéances multiples
ou d'une exigibilité immédiate portera en revanche, quant à elle, atteinte à la validité même de l'effet de commerce.
129. – Novation –
La faculté de pouvoir substituer une banque à une autre banque dans tous ses droits et obligations est fréquemment recherchée par le biais de la novation. Un
nouveau contrat prend place entre l'emprunteur, la première banque (Banque A) et la nouvelle banque (banque B) aux termes duquel la banque A est remplacée
dans tous ses droits et obligations par la banque B selon les termes et conditions de la convention de crédit.
130. – La novation préserve la banque B contre tout risque d'insolvabilité de la banque A et contre l'exercice, par l'emprunteur, de son droit de compensation au
titre du premier rapport de droit. Cette technique permet également à la banque B d'exercer son droit de compensation contre l'emprunteur et de bénéficier des
clauses contractuelles dites de "sauvegarde". La novation permettra, en outre, à la banque A de s'assurer qu'elle n'aura pas à inscrire à son bilan cette créance,
cette dernière n'étant pas davantage comptabilisée dans son ratio de division des risques. Elle lui permettra, enfin, d'échapper – tout au moins en Angleterre – à
l'obligation de payer un droit de timbre, sous réserve d'une rédaction claire et non équivoque assurant que sous couvert d'une novation l'opération ne constitue
pas en réalité une cession.
131. – Toutefois – qu'elle soit réalisée ou non par le biais d'un certificat de transfert – dans la mesure où la novation entraîne extinction du premier rapport de
droit, les sûretés attachées à la créance primitive disparaissent sauf si le créancier les réserve en application de l'article 1278 du Code civil. À supposer, par
exemple, que la créance ancienne est garantie par une hypothèque grevant un immeuble, il faut garder à l'esprit que l'hypothèque est un accessoire de la
créance. “L'immeuble hypothéqué est affecté à l'acquittement d'une obligation. Que cette obligation disparaisse même en étant remplacée par une nouvelle, et
normalement l'hypothèque disparaîtra” (V. M. Dagot, La novation par changement de débiteur et le droit hypothécaire : JCP G 1975, I, n° 2693). Il faut donc
toujours s'assurer que les droits de la banque B seront garantis à l'identique. En marge de cette première difficulté, des problèmes de droits de préférence
peuvent interférer dans le bon déroulement de l'opération dans l'hypothèse où une garantie aura été octroyée par l'emprunteur en faveur d'autres établissements
bancaires après que l'emprunteur a fourni une garantie à la banque A, mais avant que la banque B n'entre en relation contractuelle avec l'emprunteur par la voie
de la novation.
les rapports entre le cédant et le cessionnaire qui sont soumis à la loi d'autonomie ;
les rapports entre le cédant et le débiteur cédé qui sont régis par la loi applicable à l'obligation originaire ;
les rapports entre le cessionnaire et le débiteur cédé (y compris l'opposabilité de la cession à ce dernier) qui sont régis par la loi de la créance cédée ;
les rapports avec les tiers, entendus comme ceux qui ont intérêt à ce que le cédant soit encore créancier (Cass. 1re civ., 4 déc. 1985 : Bull. civ. I, n° 336
; RTD civ. 1986, p. 750, obs. J. Mestre) qui sont régis par la loi du domicile du débiteur cédé.
133. – Ceci permet de mettre en lumière le rattachement dualiste entre l'opposabilité aux tiers qui est soumise à la loi du domicile du débiteur cédé, centre naturel
de publicité, et l'opposabilité au débiteur cédé qui est soumise à la loi du domicile de la créance cédée. C'est cette dernière loi qui déterminera si la simple
notification est suffisante pour engager l'emprunteur envers la banque cessionnaire et c'est la loi du domicile de l'emprunteur qui détermine si la simple
notification rend la cession opposable aux tiers.
134. – Ainsi, et pour prendre le seul exemple français, la cession par une banque étrangère à une autre banque étrangère, même effectuée en dehors des
frontières françaises, d'une créance contre un emprunteur français établi en France, ne produira d'effet à l'égard de ce dernier que si elle lui a été signifiée
conformément à l'article 1690 du Code civil (V. A. Sinay-Cytermann, Les conflits de lois concernant l'opposabilité des transferts de créance : Rev. crit. DIP 1992,
p. 36. – V. convention CNUDCI sur la cession de créances dans le commerce international adoptée en déc. 2001, www.cnudci.com. – G. Affaki, L'apport de la
Convention CNUDCI sur la cession de créances aux opérations de banque : Banque et droit, n° 90, juill.-août 2003, p. 3. – J. Stoufflet, L'apport au droit français
de la Convention des Nations Unies sur la cession de créances dans le commerce international : ibid, p. 37).
135. – À cet égard, on notera que si la cession n'est opposable à la caution que dans l'hypothèse où les formalités de l'article 1690 ont été respectées –
spécialement la signification du débiteur cédé (CA Paris, 22 oct. 1999 : Juris-Data n° 1999-112589) – cette exigence disparaîtra si la caution a, par ailleurs, eu
connaissance de la cession (V. Cass. com., 9 juin 1992 : D. 1994, somm. p. 323, obs. M. Vasseur ; Banque 1992, p. 950, obs. Rives-Lange). La Cour de
cassation a confirmé récemment cette solution en ces termes : “l'absence de signification de la cession de créance au débiteur principal n'affecte pas l'existence
de la dette, elle ne saurait avoir pour effet de libérer la caution solidaire qui elle-même a reçu signification de cette cession” (Cass. 1re civ., 4 mars 2003,
Moragues c/ Caisse Méditerranéenne de Financement : D. 2003, jurispr. p. 1562. – rejet CA Montpellier, 5e ch., sect. A, 20 nov. 2000, inédit).
136. – Délivrance et garantie –
Comme tout vendeur, la banque cédante doit à la banque cessionnaire délivrance et garantie. Conformément à l'article 1693 du Code civil, elle ne garantit,
toutefois, l'existence de la créance qu'au moment de la cession. Sa garantie ne s'étend donc pas aux faits qui viendraient par la suite affecter la créance ou
compromettre son paiement :
affecter, tout d'abord, la créance en ce sens que la banque cédante ne saurait voir sa responsabilité engagée au cas où les droits cédés viendraient à
disparaître par le fait, notamment, d'un changement de circonstance ;
affecter, ensuite, son paiement dès lors que – contrairement à l'endosseur d'un effet de commerce et au délégant – la banque cédante ne garantit pas,
en principe, la solvabilité de l'emprunteur, ni celle des débiteurs accessoires, telles que les cautions.
137. – On ajoutera que si la garantie légale porte sur le principal et sur les accessoires de la créance, la banque cédante ne garantit pas pour autant l'efficacité
des sûretés attachées à la créance. Toutefois, à partir du moment où elle garantit l'existence des accessoires de la créance, la banque cédante doit transmettre
une sûreté conforme à ce qu'elle a promis. Elle sera, ainsi, responsable lorsqu'une hypothèque annoncée comme première en date, est en réalité primée par
d'autres.
140. – Pour le reste, conformément à l'article 1692 du Code civil, “la vente ou cession d'une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution,
privilège et hypothèque”. Aucune formalité spécifique n'est donc requise pour l'opposabilité aux tiers du transfert du bénéfice des sûretés. Pour assurer
pleinement cette opposabilité, certaines formalités devront cependant être effectuées par les banques. Quatre exemples proposés par la doctrine (V. B. de
Balanda, Crédits consortiaux : quelle règle du jeu ? 2. Les sûretés : JCP E 1994, n° 51-52, p. 573) suffiront pour s'en convaincre :
141. – Cautionnement –
La banque cessionnaire doit, tout d'abord, s'assurer que le contrat de prêt ne comporte pas une clause de libération de la caution en cas de changement de
créancier. Elle doit s'assurer, ensuite, que la caution a été informée du changement de créancier. À défaut, cette dernière pourra se prévaloir des dispositions de l'
article 1240 du Code civil pour se libérer valablement entre les mains de la banque cédante.
Tout d'abord, les diverses notifications, notamment celle préalable à l'exercice de l'action résolutoire ou réalisée aux fins de purge, pourront être
valablement adressées à la banque cédante ;
Ensuite, en application d'une jurisprudence qui décide que lorsqu'une même créance inscrite a été cédée en totalité à deux cessionnaires différents,
préférence doit être donnée à celui qui, le premier, a fait mentionner sa subrogation au greffe, et ce quand bien même il n'aurait pas fait signifier sa
cession ; la date de la mention en marge sert ici à déterminer le rang des créanciers subrogés ;
Enfin, conformément à l'article 28 de la loi du 17 mars 1909, la banque cessionnaire ne pourra pas procéder au renouvellement de l'inscription dans le
délai de dix ans.
145. – L'existence de relations contractuelles parallèles entre les banques et le crédité tend à s'estomper face à l'unicité économique de l'opération et à son
traitement collectif par les banques. Si tous les membres d'un syndicat sont placés dans une même situation et connaissent une égalité de traitement quelle que
soit leur quote-part dans le prêt, ces derniers ne sont pas tous amenés à participer à la gestion du crédit. Celle-ci requiert une certaine rationalisation des moyens
et la centralisation des nombreuses décisions entre les mains de l'agent, sous le contrôle de la majorité, parfois de l'unanimité, des banques.
146. – Comme on l'a dit plus haut, l'agent n'est rien d'autre qu'un anglicisme correspondant au concept anglo-américain de "agency" décrivant les rapports de
représentation entre "agent" et "principal" et dont la traduction la plus fidèle pourrait être celle de mandataire (V. supra n° 38 ). Toutefois, outre que l'agent n'est
jamais le mandataire de l'emprunteur, il n'est pas non plus nécessairement le mandataire des banques.
148. – Les relations que l'agent entretient avec l'emprunteur laisseraient supposer, de prime abord, que ce dernier le représente également et non pas seulement,
le cas échéant, les membres du syndicat.
149. – Le paiement par l'emprunteur d'une commission d'agence ("agency fee") serait le premier indice d'un mandat, en ce sens que la cause de ce paiement
serait précisément l'existence d'un contrat de mandat (V. Ch. Bovet, op. cit., p. 175, § 877). Ce paiement ne constitue pas, toutefois et à proprement parler, une
rémunération s'il s'agit du remboursement forfaitaire des frais généraux d'administration engagés par l'agent dans l'exercice de ses fonctions, frais pris en charge
par l'emprunteur. On précisera ici que la charge par l'emprunteur de certains frais n'est nullement significative d'une relation juridique.
150. – Le fait que les tâches qu'effectue l'agent en temps ordinaire (V. infra n° 156-161) profitent tout autant aux membres du syndicat qu'à l'emprunteur pourrait
constituer un deuxième indice sérieux de représentation par l'agent de l'emprunteur. Cependant, l'agent ne saurait ni en droit ni en fait représenter à la fois les
banques et l'emprunteur. Les relations privilégiées qu'il entretient avec ce dernier sont tout simplement le pendant nécessaire de sa qualité d'agent du crédit voire
de mandataire des banques. Pour parer, toutefois, tout risque d'interprétation, il est d'usage de stipuler dans le contrat que l'agent n'assumera aucune relation
contractuelle envers l'emprunteur autre que celle liée à sa qualité de co-prêteur.
151. – D'autres clauses contractuelles viennent cependant accentuer les indices en faveur d'un contrat de mandat entre l'agent et l'emprunteur. La clause
exonératoire de responsabilité de l'agent est probablement à cet égard la clause la plus ambiguë. Elle est généralement rédigée comme suit : “Dans l'exercice de
ses fonctions [sans autre précision] l'agent n'encourra aucune responsabilité envers les participants ou l'emprunteur, sauf en raison de ses fautes lourdes ou
intentionnelles”. Cette volonté d'exclure dans le contrat la responsabilité de l'agent, tant vis-à-vis des membres du syndicat que vis-à-vis de l'emprunteur, pourrait
laisser entendre que l'agent est contractuellement tenu envers l'emprunteur. Cette clause est d'autant plus ambiguë qu'il est d'ordre public que les articles 1382 et
1383 du Code civil – a priori seuls alors applicables à la responsabilité de l'agent dans ses relations avec l'emprunteur (V. infra n° 179 ) – excluent toute
exonération conventionnelle de responsabilité.
152. – Si l'agent du crédit n'est pas le mandataire de l'emprunteur, est-il de jure le mandataire des banques ? Lorsque la mission de l'agent se limite à la gestion
administrative du crédit globalement consenti (V. infra n° 156-161), une réponse négative s'impose, le mandat ayant pour prestation caractéristique
l'accomplissement d'actes juridiques, et ce même si le mandataire est également amené à exécuter des tâches purement matérielles (V. J.-M. Daunizeau : op.
cit., p. 4).
153. – Cette qualité ne saurait ainsi être déduite du seul fait qu'une banque est désignée "agent" dans la convention de crédit. Celle-ci doit le charger
expressément ou implicitement d'un mandat. À cet égard, le Tribunal de commerce de Paris (T. com. Paris, 1re ch., 29 mai 1989 : D. 1991, somm. p. 36, obs.
M. Vasseur) a jugé que :
Si l'intervention du chef de file est nécessaire pour que les banques participantes se refinancent à un coût préférentiel et puissent ainsi pratiquer un taux plus
faible, le rôle du chef de file se limite à ces obligations administratives et n'en fait pas le mandataire des banques pour recouvrer les fonds prêtés en
s'assurant de l'encaissement du produit à l'exportation et en répartissant celui-ci entre les banques.
Confirmant cette décision, la Cour d'appel de Paris (CA Paris, 3e ch., sect. B, 21 nov. 1990, Republic National Bank of New York c/ Crédit Industriel et
Commercial de France : Juris-Data n° 1990-026087 ; D. 1991, inf. rap. p. 21 ; RTD com. 1991, p. 274, obs. M. Cabrillac ; RD bancaire et bourse mars-avr. 1991,
p. 65 ; JCP E 1991, pan. 136. – Confirmation T. com. Paris, 1re ch., 29 mai 1989 : op. cit.) a précisé que :
Les obligations d'un chef de file de pool bancaire ne peuvent être celles d'un mandataire que dans l'hypothèse où est démontrée l'existence d'une convention
le chargeant d'une telle mission. Lorsqu'un chef de file se borne à recueillir l'accord des banques pour un montant précis à une opération de préfinancement
dont il annonçait les modalités et qu'il s'engageait à mettre en place, il a ainsi rempli son rôle de centralisateur et gestionnaire de la partie administrative, la
matérialisation des droits à remboursement de chaque banque étant faite sous forme de billets à ordre que chacune d'entre elles pouvait présenter à
l'encaissement à leur échéance, au bénéficiaire du crédit de préfinancement.
154. – Lorsque les banques chargent l'agent d'effectuer de multiples opérations pour leur compte et en leurs noms, ce dernier apparaît, alors, fondamentalement
comme leur mandataire et non plus comme un simple loueur d'ouvrage.
155. – Mission –
Si le mécanisme mis en place par la charte française des crédits acheteurs concentre tous les pouvoirs entre les mains de la banque agent (V. supra n° 35 ), les
conventions de crédit ne lui laissent généralement qu'une très faible marge de manœuvre.
156. – Schématiquement, l'agent administre le prêt pour tout ce qui concerne les actes de gestion courante, son rôle consistant pour l'essentiel à gérer les flux
financiers entre les prêteurs et l'emprunteur et à servir d'intermédiaire dans les procédures de notification et d'avis entre les parties.
158. – Ces opérations n'appellent en soi aucun commentaire particulier. Il convient, toutefois, d'évoquer les conséquences de l'éventuelle ouverture d'une
procédure collective à l'encontre de l'agent. Si ce dernier a "déposé son bilan" entre la date à laquelle il a reçu de l'emprunteur les fonds correspondants aux
quotes-parts de chaque membre du syndicat et celle à laquelle il doit les restituer aux banques, ces dernières ne disposent, alors, d'aucun droit de revendication
faute de pouvoir invoquer un droit réel sur une somme en monnaie scripturale. Reléguées au rang de créanciers chirographaires, les banques entreront en
concours avec la masse des créanciers de l'agent.
159. – Ce risque, à vrai dire infime, fait que certaines banques imposent parfois – lorsque le droit applicable au contrat le permet – que l'agent soit désigné
"trustee" des sommes reçues pour leur compte. En leur qualité de bénéficiaires d'un trust, les banques primeront, alors, les autres créanciers de l'agent.
161. – Contrairement aux Règles et Usances Uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires (Publication n° 500) qui prévoient que la banque est tenue
de vérifier la simple régularité formelle de la documentation, aucune règle ne vient, ici, préciser la teneur de ce devoir de vérification. Les contrats stipulent ainsi,
généralement, que l'agent :
pourra recourir, le cas échéant, aux services d'avocats, experts-comptables et autres experts de son choix et se fier en toute bonne foi à leur avis et
conseil ;
pourra agir ou s'abstenir d'agir en se fiant aux déclarations de l'emprunteur et au contenu de tout avis, certificat ou autre document qu'il pourra
légitimement croire authentique et émanant d'une personne compétente ;
n'aura aucune obligation de procéder à des enquêtes ou à des vérifications sur le respect et l'exécution des obligations et engagements de l'emprunteur
ou sur sa situation financière ou juridique.
162. – En marge de ces premières fonctions dites "mécaniques", que l'on retrouve quasiment à l'identique dans tous les contrats, les banques peuvent charger
l'agent d'effectuer de multiples opérations pour leur compte et en leurs noms.
166. – Trust –
Lorsqu'une seule sûreté garantit ainsi à égalité de rang les créances de tous les membres du syndicat et que la loi applicable au contrat connaît l'institution du
trust, il peut être prévu que la sûreté sera constituée par un trust.
166 . - Crédit syndiqué – Dette parallèle – Trustee – Agent fiduciaire – Validité – Ordre public international français – Agent des sûretés
Si, aux termes de l'article 4, § 2, h) du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité et à ses effets, la loi de l'État d'ouverture
de la procédure collective détermine les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances, il appartient à la loi de la source de celles-ci
de définir la qualité de créancier. Le droit de l'État de New York applicable aux crédits syndiqués, en ce qu'il admet le principe d'une dette parallèle envers les
agents des sûretés, n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international, sous la réserve que les sociétés débitrices, libérées à due
concurrence par tout règlement ou autre mode d'extinction de la dette, ne soient pas exposées à un risque de double paiement et que toute création d'un passif
artificiel soit exclue. La conception de la cause des obligations contractuelles retenue par le droit français n'est pas, dans tous ses aspects, d'ordre public
international ; l'absence de constitution par certaines sociétés débitrices de sûretés réelles au profit des agents des sûretés ne fait pas nécessairement obstacle,
dans le cadre d'une opération globale de financement soumise à un droit étranger admettant l'existence d'une dette parallèle envers eux, à leur admission aux
passifs de ces sociétés qui sont personnellement garantes de l'exécution de l'ensemble des engagements ; dès lors le respect de l'ordre public international au
sens du droit international privé français est suffisamment assuré par le caractère chirographaire de l'admission des sociétés désignées comme agents des
sûretés aux passifs respectifs des sociétés garantes (Cass. com., 13 sept. 2011, n° 10-25.533, FS-P+B : JurisData n° 2011-018623 ; D. 2011, p. 2518, L. D'Avout
et N. Borga. – R. Dammann et A. Albertini, L'affaire Belvédère : la réception du Trust et de la Parallel debt en droit français : JCP E 2011, 1803 ; E. Fiszelson,
L'affaire Belvédère : la consécration du trust et de la dette parallèle : RD bancaire et fin. 2011, étude 32. – P. Durand-Barthez, Identifier les modes d'influence :
commoditization du droit, contrats-types et droit applicable : JCP G 2013, doctr. 485. – Dominique Legeais, Affaire Belvédère : validité du mécanisme du « parallel
debt » : RD bancaire et fin. 2011 comm. 201,).
L'arrêt Belvédère de la Cour de cassation du 13 septembre 2011 confirme la réception du Trust sans le requalifier de mandat et consacre la validité d'une parallel
debt soumise au droit new yorkais. Il met ainsi un terme à l'insécurité juridique, favorisant la mise en place d'emprunts internationaux en faveur des entreprises
françaises.
La Cour de cassation précise également les champs d'application respectifs de la loi de la faillite et de la loi du contrat comme loi de la source en estimant qu'un
Trustee peut être gestionnaire d'un emprunt obligataire et faire des déclarations de créances en tant que titulaire.
167. – La convention peut désigner, en qualité de "security trustee", la banque agent du crédit. Dans la mesure, toutefois, où il est totalement indifférent que le
"trustee" ait ou non la qualité de créancier, les banques désignent, parfois, un tiers au contrat. Celui-ci prendra, gèrera et réalisera les sûretés en son nom propre
pour le compte des membres du syndicat. Le recours à ce mécanisme facilite largement les formalités de constitution de la sûreté, sa réalisation ainsi que la prise
de mesures conservatoires. Aucune modification de la sûreté ne sera, par ailleurs, requise en cas de modification dans la composition du syndicat bancaire, à la
suite notamment d'une cession de participation. On ajoutera que dans l'hypothèse de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du "security trustee", “les
droits correspondant aux sûretés et les produits de leur réalisation ne pourront être appréhendés par les créanciers tiers de celui-ci” (V. J. Bertran de Balanda,
Crédit syndiqué et sûretés, op. cit., p. 7).
168. – Lorsque le contrat est soumis au droit français – en l'absence d'institution comparable au trust – les banques peuvent convenir que l'agent du crédit sera
bénéficiaire pour leur compte des sûretés garantissant le prêt. Chaque inscription, constitution, bordereau ou acte constatant une sûreté précisera, alors, que
l'agent bénéficie de la sûreté en sa qualité d'agent des sûretés pour compte commun des membres du syndicat (sur la stipulation d'une solidarité active et
l'utilisation d'un instrument cambiaire pour la prise des sûretés, V. J. Bertran de Balanda, Crédit syndiqué et sûretés, ibid., pp. 6-7).
168 . - Le nouvel agent des sûretés français : une attrayante figure en clair-obscur
La réforme de l'agent des sûretés a été réalisée par l'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2017 (Ord. n° 2017-748, 4
mai 2017 relative à l'agent des sûretés : JO 5 mai 2017, texte n° 91. “Cette réforme rendra-t-elle le droit français plus compétitif ? Le remplacement de l’elliptique
article 2328-1 du Code civil par des textes plus précis et traduisant des choix judicieux œuvre en ce sens. L’ordonnance reste cependant silencieuse sur
quelques sujets importants. Cela ne semble pas, pour autant, de nature à nuire sensiblement au nouvel agent des sûretés.” (D. Robine, Le nouvel agent des
sûretés français : une attrayante figure en clair-obscur : RD bancaire et fin. 2017, étude 12).
Loi Sapin II : l’esquisse d’un nouvel agent des sûretés
Depuis près de dix ans les spécialistes du droit du financement dénoncent les défauts de l'article 2328-1 du Code civil qui était pourtant censé doter le droit
français d'un agent des sûretés efficace et susceptible de concurrencer les techniques étrangères. La loi Sapin II (L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016 : JO 10 déc.2016,
texte n°2) a pris en compte ces critiques et habilite le Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance des mesures destinées à clarifier et moderniser le régime
défini par ce texte. Elle dresse de surcroît un cahier des charges prometteur et esquisse ainsi un agent des sûretés français attrayant (RD bancaire et fin. 2016,
étude 36, par D. Robine).
L’article 2328-1 du Code civil, qui avait, à l’origine, été créé par la loi du 19 février 2007 instituant la fiducie (L. n° 2007-211, 19 févr. 2007 : JO 21 févr. 2007, p.
3052, texte n° 3), a été abrogé par l’article 2 de l’ordonnance du 4 mai 2017 (Ord. n° 2017-748, 4 mai 2017 : JO 5 mai 2017, texte n° 91 ; D. Legeais, Agent des
sûretés : RD bancaire et fin. 2017, comm. 119 ; D. Legeais, Publication de l'ordonnance relative à l'agent des sûretés : JCP E 2017, act. 391 ; L.-J. Laisney,
Changement de régime pour l'agent des sûretés : AJ Contrat 2017, p. 273 ; S. Mondonneix et J. Moreau, Le régime de l'agent des sûretés après l'ordonnance du
4 mai 2017 : AJDI 2017, p. 660 ; Ch. Jacomin, Clarification et modernisation du régime juridique de l’agent des sûretés : Rev. Lamy dr. aff. juill. 2017, n° 128 ; G.
Piette, L'ordonnance du 4 mai 2017 sur l'agent des sûretés : entre précisions et oublis : La lettre juridique, Lexbase, éd. n° 701, 8 juin 2017).
Les dispositions de cet article ont été remplacées par le titre III du livre IV du Code civil, qui comprend les articles 2488-6 à 2488-12. Ceux-ci sont applicables aux
agents des sûretés depuis la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, soit le 1er octobre 2017.Le 28 juillet 2017, un projet de loi de ratification de l’ordonnance
du 4 mai 2017 a été déposé au Sénat et est resté lettre morte (www.senat.fr/leg/pjl16-691.html). L’article 71, XII du projet de loi relatif à la croissance et la
transformation des entreprises, dit « PACTE » (Projet de loi AN n° 1088, 19 juin 2018 : www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl1088.asp) propose de “réparer
cet oubli”. Ce dernier procède à l’extension des procédures d’insolvabilité dont peut faire l’objet un agent des sûretés, en y incluant :
la procédure de résolution bancaire (Ord. n° 2015-1024 du 20 août 2015 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union
européenne en matière financière : JO 21 août 2015, p. 14652, texte n° 19 ; JCP E 2015, act. 661 ; RD bancaire et fin. 2015, alerte 41 ; JCP G 2015, 913
).
169. – Si aucune règle n'interdit en France la constitution d'un contrat de sûreté par l'intermédiaire d'un mandataire, aucune règle légale ou jurisprudentielle ne
décrit avec précision le mécanisme de l'opposabilité aux tiers des sûretés prises pour compte commun. La prudence requiert, par conséquent, que les garanties
soient prises systématiquement au nom de chaque banque individuellement pour son montant de risque et que les contrats soient signés par chacune d'elles (V.
notamment J.-M. Daunizeau, ibid., p. 5).
170. – Un arrêt de la Cour d'appel de Toulouse – saisie sur renvoi après cassation – attirera ici l'attention en matière de cautionnement en ce qu'il a rejeté le
moyen des cautions qui invoquaient la nullité de leurs engagements en raison du défaut de capacité du syndicat bancaire. Selon la Cour, “chaque banque
membre du pool bancaire est précisément identifié dans les engagements de cautions et que sa capacité à agir en justice n'est nullement discutée ; que chaque
banque forme les demandes en paiement qui la concerne”. En l'espèce, les engagements de cautions souscrits comportaient la désignation précise des banques
bénéficiaires de l'engagement de caution et le fait que “la société Unicrédit était seulement chef de file de ce pool, c'est-à-dire qu'elle était seulement chargée de
manière informelle de la partie administrative de la gestion” (Cass. com., 6 déc. 1994 : Bull. civ. IV, n° 363, p. 300. – Cassation CA Agen, 8 oct. 1989, inédit. – CA
Toulouse, 2e ch., sect. 1, 29 avr. 1996, M. Ducler et a. c/ SA Unicrédit, BNP BFCE, Banque du Bâtiment et des travaux publics, Crédit Lyonnais et Société
Générale :Juris-Data n° 1996-041331).
170 . - Crédit syndiqué – Dette parallèle – Trustee – Agent fiduciaire – Validité – Ordre public international français – Agent des sûretés
Voir n° 166.
172. – À défaut de mandat d'ester en justice, l'action de l'agent sera déclarée purement et simplement irrecevable, étant précisé que l'intervention volontaire à
titre accessoire d'un membre du syndicat n'aura pas pour effet, alors, “de soumettre à la juridiction initialement saisie une prétention propre à elle-même” (CA
Versailles, 12e ch., sect. 2, 6 juin 1996, Bissonet c/ BNP et a. : Juris-Data n° 1996-043734 ; D. 1998, jurispr. p. 83, obs. E. Bergoin ; JCP E 1997, I, 635 ;
C. Champaud et D. Danet, RTD com. 1997, p. 279 s. ; D. 1996, inf. rap. p. 221. – Infirmation TGI Nanterre, 24 nov. 1993, inédit).
173. – En l'absence de mandat spécial, l'agent ne pourra utilement se référer au contrat de financement pour démontrer sa qualité à agir. Il ne pourra pas plus se
référer "aux usages de la profession" (Cass. com., 21 mars 2000, SA BNP c/ Bissonet : Juris-Data n° 2000-001276 ; Banque juin 2000, p. 76, obs. J.-L. Guillot. –
Cassation CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 6 juin 1996 : op. cit., n° 172) :
Mais attendu qu'un pool bancaire n'a pas la personnalité morale ; que la preuve du mandat donné au chef de file d'agir en justice pour recouvrer les sommes
dues aux autres créanciers ne peut, en l'absence de mandat écrit, résulter des seuls usages de la profession ; que l'arrêt retient que la BNP ne justifiait
d'aucun mandat pour ester en justice pour le compte de Paribas et ne pouvait utilement se référer, pour démontrer sa qualité à agir, au contrat de
financement qui limitait sa mission à la direction des opérations, au suivi et à la remise des fonds ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à
procéder à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé.
174. – On ajoutera que si l'agent doit obtenir un mandat spécial aux fins d'ester en justice pour le compte des membres du syndicat, son assignation doit
également contenir les mentions prescrites pour tous les actes d'huissier de justice par l'article 648 du Nouveau Code de procédure civile. À cet égard, la Cour
d'appel de Bourges a jugé nulles les assignations délivrées à la demande de la banque agent agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire
des autres membres du syndicat aux motifs “qu'il n'est nulle part indiqué dans les assignations qui représente légalement les sociétés, que, telles qu'elles étaient
libellées, elles ne permettaient pas de vérifier si les représentants légaux des membres du pool bancaire avaient qualité pour représenter les différents
établissements de crédit, et que ces défauts constituent un vice de fond qui entraîne la nullité des actes” (CA Bourges, ch. civ., 4 juill. 2000, inédit). Si la chambre
mixte de la Cour de cassation a cassé cet arrêt, c'est sous le seul visa de l'article 114, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile, le défaut de désignation de
l'organe représentant légalement une personne morale constituant un vice de forme et non un vice de fond. La nullité ne pouvait donc être prononcée qu'à charge
pour l'adversaire de prouver le grief que lui causait l'irrégularité (Cass. ch. mixte, 22 févr. 2002, n° 206 P, Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire
c/ Lebosse-Peluchonneau ès qual : Bull. civ. ch. mixte n° 1 ; RJDA 8-9/2002, n° 965 ; JCP 2002, IV, 1563 ; D. 2002, 1009 et 2083, note J. Racine).
175. – Pour conclure, on rappellera que la stipulation d'une solidarité active permettra à chacun des membres du syndicat, en ce compris l'agent – sans qu'il soit
besoin qu'il justifie d'un quelconque mandat – de déclarer la créance en totalité au passif de la procédure collective du débiteur (Cass. com., 20 mars 2001, op.
cit., n° 97). La solidarité active produit, ici, les effets d'un mandat tacite. Chacune des banques est censée avoir donné mandat aux autres de recouvrer et de
conserver la créance (V. cependant CA Aix-en-Provence, 8e ch., sect. A, 9 janv. 2002 qui a jugé que la stipulation d'une solidarité active ne dispense pas l'agent
des banques de justifier d'un pouvoir spécial : op. cit., n° 97).
177. – C'est en vain que les banques se retrancheraient derrière l'agent en faisant valoir qu'aucune faute ne peut leur être personnellement reprochée et que leur
seule participation au syndicat bancaire ne peut être génératrice de responsabilité. Il est constant en jurisprudence que la décision d'octroyer un crédit procède
d'une décision individuelle y compris lorsque l'opération est syndiquée. Après avoir rappelé que "l'existence d'un chef de file qui n'est ni leur mandataire ni leur
préposé n'est pas de nature à faire disparaître les liens de chacune d'elles en tant qu'organisme dispensateur de crédit", la Cour d'appel de Montpellier a ainsi
condamné l'ensemble des membres d'un syndicat qui avaient octroyé des crédits sur la base de comptes non visés par les commissaires aux comptes de la
société emprunteuse (CA Montpellier, 13 oct. 1983, op. cit., n° 84).
178. – Saisie sur renvoi après cassation, la Cour d'appel de Toulouse a confirmé cette solution et condamné solidairement les banques à payer au syndic des
dommages et intérêts pour avoir, par l'octroi de crédits inconsidérés, prolongé artificiellement l'activité de la société débitrice en contribuant ainsi à l'aggravation
de son passif (CA Toulouse, 26 juin 1989, inédit. – Renvoi après cassation Cass. com., 25 nov. 1986 : Bull. civ. IV, n° 220). Si l'Assemblée plénière de la Cour de
cassation a cassé et annulé cet arrêt c'est seulement en ce qu'il a déclaré recevables les créanciers dans la masse en leur action en réparation de leur préjudice
personnel (Cass. ass. plén., 9 juill. 1993 : Juris-Data n° 1993-001536 ; D. 1993, jurispr. p. 489, concl. M. Jeol. – V. également Cass. com., 7 mars 1989, Midland
Bank c/ M. Bosquet Albert et a., arrêt n° 367, pourvoi n° 86-17.569, inédit. – Rejet CA Douai, 10 juill. 1986, inédit).
181. – Dans le cadre de cette gestion, la Cour d'appel de Paris précise qu'il est tenu “d'une obligation générale de loyauté, de prudence et d'information”. La Cour
ajoute “qu'en tant que mandataire rémunéré, le chef de file doit exécuter son mandat avec diligence” (CA Paris, 15e ch., sect. B, 13 mars 1998, Banque
Intercontinentale Arabe c/ Banque Intercontinentale de Commerce : Juris-Data n° 1998-020488. – infirmation T. com. Paris, 1re ch., 11 déc. 1995, RG n° 1995
/50133. – pourvoi rejeté par Cass. com., 27 févr. 2001, arrêt n° 406, pourvoi n° 98-14.253, inédit).
182. – La responsabilité de l'agent sera bien évidemment fonction du contenu et de la force des obligations qui sont mises à sa charge par la convention. Comme
le résume très bien la Cour d'appel de Versailles, “dès lors que le contrat de prêt (...) limite strictement ses pouvoirs et ses droits qui ne vont pas au-delà du
mandat exprès défini à l'acte, qu'il ne l'autorise pas à accorder des moratoires ou à aménager des modalités de remboursement dans des conditions différentes
de celles qui ont été convenues à l'acte, il ne peut agir qu'en son nom personnel à défaut d'accord exprès du coprêteur” (CA Versailles, 13e ch., 11 déc. 1997 :
op. cit. n° 116).
183. – Un agent dont les pouvoirs sont limités et précisément énoncés dans la convention ne pourra donc pas arguer de cette seule qualité pour :
Accorder seul des délais de remboursement. Dans une espèce soumise à la Cour d'appel de Paris, un agent avait reçu un pouvoir à l'effet "de
consentir un crédit, d'en fixer les conditions et les modalités de remboursement et, en cas de difficulté, d'exercer toutes poursuites, contraintes et
diligences nécessaires jusqu'à l'obtention de l'exécution de tout jugement ou arrêt". Il estimait qu'il avait donc tout pouvoir pour prendre des dispositions
dans la gestion du crédit pour sauvegarder l'intérêt des membres du syndicat en ce compris la faculté d'accorder au débiteur des délais de
remboursement. Ce moyen fut toutefois rejeté par la Cour d'appel qui – après avoir rappelé que les banques avaient été exclues des négociations avant
la signature du protocole et n'avaient reçu aucune information sur ledit protocole – a jugé que l'agent n'avait ni mandat exprès ni mandat tacite d'agir
hors des limites de son pouvoir (CA Paris, 15e ch., sect. B, 3 juill. 1998, Sté White c/ Mme Axenfled, et a. : Juris-Data n° 1998-022345. – Confirmation
TGI Paris, 9e ch., sect. 1, 18 janv. 1995, RG n° 94/24300, inédit ; obs. J. Crédot et Y. Gérard, RD bancaire et bourse janv.-févr. 1999, p. 26) ;
“Prendre l'initiative d'une prorogation de prêt sans avoir recueilli préalablement l'accord de ses coparticipants et sans avoir agi en vertu d'une procuration
qui lui aurait été consentie (...)” et ce d'autant qu'il “n'ignorait pas que l'opération de financement en cause (...) avait en réalité servi pour une bonne part
à d'autres fins (en particulier à des remboursements de concours à court terme) que celles visées dans la note d'information” (CA Versailles, 12e ch.,
2e sect., 5 déc. 2002, op. cit., n° 83, 84 et 87).
l'intérêt commun du syndicat. – À cet égard, la Cour d'appel de Paris a jugé que l'agent “en acceptant une baisse du taux d'intérêt (...) a agi dans
l'intérêt bien compris de membres du pool bancaire qu'il avait constitué” (CA Paris, 15e ch. sect. B, 30 avr. 2002, SA Dexia Banque Privée France c/
Crédit Lyonnais : Juris-Data n° 2002-183097 ; RD bancaire et financier sept.-oct. 2002, n° 5, p. 252, n° 173. – Confirmation T. com. Paris, 16e ch.,
31 janv. 2000, RG n° 1998/50480, inédit).
la gestion d'affaires. – Dans l'espèce qui a donné lieu à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 3 juillet 1998, l'agent soutenait que les banques “s'étaient
engagées en vertu d'un mandat tacite dont est investi le chef de file d'un pool pour assurer la sauvegarde des intérêts de l'ensemble des membres de
celui-ci, agissant en vertu des dispositions des articles 1372 et 1375 du Code civil”. Ce moyen ne fut cependant pas accueilli par la Cour, l'agent n'ayant
pas démontré, en l'espèce, avoir “agi de façon désintéressée et au bénéfice du maître de l'affaire” et la Cour ajoute que de leur côté les banques “n'ont
jamais fait preuve de carence dans la gestion de leurs intérêts” (CA Paris, 15e ch., sect. B, 3 juill. 1998, op. cit., n° 183).
186. – Cette obligation impose, tout d'abord, aux banques de se renseigner elles-mêmes sur les évènements qui peuvent, pendant le cours du crédit, affecter
l'emprunteur. Elle leur impose également, le cas échéant, de prendre des initiatives propres pour faire valoir l'exigibilité anticipée du prêt, et ce quand bien même
celle-ci requiert l'accord unanime des autres banques (CA Paris, 15e ch., sect. B., 11 févr. 2000, op. cit., n° 157. – V. également CA Paris, 15e ch., sect. B,
13 mars 1998, op. cit., n° 181).
187. – On ajoutera que le silence des banques peut valoir acceptation tacite. A cet égard, la Cour d'appel de Paris a jugé que l'agent “a pu justement estimer
avoir reçu l'accord de son co-prêteur sur l'abaissement du taux d'intérêt à défaut de protestation à réception de l'avis donné en ce sens comme à la réception
sans réserve pendant plus d'une année du montant des intérêts calculés au nouveau taux”. Selon la Cour, le refus de la banque “devait être dénoncé
immédiatement par écrit et motivé”. C'est en vain que celle-ci faisait valoir, en l'espèce, que l'abaissement du taux d'intérêt avait entraîné des difficultés dans la
gestion de la sous-participation occulte qu'elle avait, par ailleurs, conclue avec une autre banque. En sa qualité de chef de file, la banque participante demeurait
“seule responsable des contradictions d'intérêts qui ont pu exister entre le pool et le sous-pool” (CA Paris, 15e ch., sect. A, 30 avr. 2002, op. cit., n° 184).
188. – Pour conclure, on indiquera que le peu de contentieux sur la responsabilité de l'agent s'explique par l'insertion systématique dans les conventions de
clauses exonératoires de responsabilité. Si la validité de ces clauses ne fait aucun doute, dès lors qu'elles réservent l'hypothèse du dol et de la faute lourde,
l'agent reste tenu, toutefois, d'un minimum d'obligations envers les membres du syndicat. Un juge n'hésitera pas ainsi à déclarer nulle une clause qui – sous
couvert de limiter la responsabilité de l'agent – supprime purement et simplement ses obligations fondamentales. Tel sera le cas si une clause stipule que l'agent
n'est pas responsable en cas de défaut de diligence dans la collecte ou la transmission des documents (V. J. Blaise et Ph. Fouchard, op. cit., p. 202, § 78).
189. – Le concept de la majorité des banques répond à un premier souci de facilité de gestion du crédit en évitant d'avoir recours systématiquement au
consentement de chaque membre du syndicat pour toutes les questions qui peuvent se poser au cours de la vie du crédit. Ce concept répond également à un
souci d'efficacité en ce sens que les situations de crise exigent un traitement rapide que la règle de l'unanimité des banques ne saurait satisfaire.
191. – Lorsqu'une clause subordonne une décision à la majorité, les banques doivent se considérer liées par celle-ci. L'article 25.7 (b) du contrat type AFB-
AEDBF stipule que "Unless a contrary indication appeers in a finance document, any instructions given by the majority lenders will be binding on all the finance
parties". Bien que les juges français aient eu très peu d'occasion pour se prononcer sur ce point, on peut se référer à trois décisions :
la première, rendue par le Tribunal de commerce de Paris qui a jugé qu'une banque participante avait l'obligation de suivre la politique définie en
commun et d'accepter les mesures conservatoires prises à la majorité aux motifs que : “Il ne peut être permis à un membre du pool de se désolidariser
de ses partenaires en refusant une solution réaliste adoptée par la majorité d'entre eux dans l'attente d'une amélioration du marché” (T. com. Paris,
2e ch., 29 juin 1993, confirmé par CA Paris, 25e ch., sect. A, 18 mai 1995, op. cit., n° 84 et 86).
la deuxième, rendue par la Cour d'appel de Paris, qui a jugé que dès lors qu'une clause de majorité subordonne "toute action et procédure" à l'accord de
la majorité des banques, un membre du syndicat qui exercerait isolément une action contre l'emprunteur doit être déclaré purement et simplement
irrecevable en son action. La clause de majorité a, selon la Cour, “des effets à la fois horizontaux entre les prêteurs, et verticaux, entre ceux-ci et
l'emprunteur” (CA Paris, 15e ch., sect. B, 7 nov. 2002, Caisse d'Épargne et de prévoyance Rhône Alpe Lyon c/ Maître bachelier ès qual. d'administrateur
judiciaire de la SA Unic Technologies : Juris-Data n° 194192. – Confirmation T. com. Paris, 10e ch., 2 oct. 1998, RG n° 1998/17654, inédit).
la troisième, enfin, rendue par la Cour de cassation, qui a approuvé une Cour d'appel d'avoir jugé qu'une banque ne peut faire une demande en
paiement au titre d'un cautionnement garantissant un prêt lorsque la mise en œuvre du cautionnement est soumise à une décision prise à la majorité
des banques participantes de déclarer l'emprunteur en défaut de paiement. C'est en vain que la banque faisait valoir, en l'espèce, que cette condition
était insérée dans le seul engagement de caution et que la procédure n'était pas prévue dans les actes de prêt eux-mêmes (Cass. com., 29 avr. 2003,
Banque Worms c/ Banque Nationale du Canada, arrêt n° 694, pourvoi n° 99-20.821, inédit. – Rejet CA Paris, 15e ch. sect. A, 14 sept. 1999, inédit. – V.
notamment la décision de la High Court of Justice du 11 décembre 2002 dans l'affaire Redwood Master Fund, Ltd. and Others vs TD Bank Europe
Limited and Others : 2002 WL 3167 697).
192. – Si la règle de l'unanimité des banques semble recueillir la préférence des banques françaises, la plupart des syndicats bancaires internationaux requièrent
pour toute décision importante la majorité des banques. La mise en œuvre de la clause d'exigibilité anticipée appartiendra, ainsi, généralement à celle-ci (V.
J. Gruber, Cross-default clauses in finance contracts : RD aff. int. 5/1997, p. 591).
193. – Le seul fait qu'un des cas de défaut se soit produit déclenche une situation de crise qui implique des choix difficiles. Cela est vrai aussi bien pour les
prêteurs, pris individuellement ou dans leur ensemble, que pour l'agent (V. L. C. Buchheit, Majority clauses may help to resolve debt crises : IFLR août 1998,
p. 13 ; IFLR juill. 1998, p. 17. – Making amends for amendments : IFLR févr. 1991, p. 11). La règle de la majorité serait pour certains la seule à même d'éviter un
abus de minorité inhérent à la règle de l'unanimité qui permet à chaque banque – fût-elle un membre détenant une participation résiduelle – de contrecarrer tout
rééchelonnement de la dette. Le calcul de la majorité étant fonction du pourcentage de participation dans le prêt et non par tête, le pouvoir décisionnel peut se
retrouver, toutefois, concentré entre les mains d'un petit groupe de banques.
194. – L'affaire du gel des avoirs iraniens illustre les conséquences de cette concentration éventuellement fâcheuse du pouvoir décisionnel. Cette affaire a été
issue d'une double série d'événements d'ordre politique et économique qui ont donné naissance à un véritable cauchemar financier et juridique (V. L. C. Buchheit,
Lost innocence in the euromarkets, IFLR, nov. 1992, p. 7. – P. Jackson et C. Montagu, The US - Iran Saga : IFLR juin 1982, p. 9).
195. – En réponse tout à la fois à la prise d'otage à l'ambassade américaine de Téhéran, mais surtout à l'annonce par Monsieur Bani Sadr de la possibilité pour
l'Iran de retirer ses fonds des banques américaines et de répudier les crédits réalisés sous le règne du Shah pour la part revenant aux banques américaines, le
Président Jimmy Carter avait – en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'International Emergency Economy Actde 1977 – arrêté le 14 novembre 1979 un
executive order, gelant les avoirs iraniens en compte dans des banques américaines. Au cours des six dernières années du régime du Shah, des euro-crédits
syndiqués de quelque 5 milliards de dollars avaient été mis en place en Iran. Ce pays présentait alors des garanties sérieuses de remboursement, les rating
attribués par les organismes traitant de l'étude des risques pays étant très favorables. Cette décision a eu pour conséquence directe que l'Iran n'a plus été en
mesure, en l'absence de possibilité de tout transfert de fonds, de rembourser ses dettes, en ce compris à un prêteur non américain. Cette mesure de rétorsion
avait donc une incidence directe sur l'ensemble des banques européennes. La suite logique consistait pour les grandes banques américaines – qui constituaient
bien souvent une majorité au sein d'un syndicat – à se prévaloir d'un état de cessation des paiements des emprunteurs iraniens aux fins de faire jouer les clauses
contractuelles de défaut de paiement et prélever ainsi les fonds dus directement sur les avoirs gelés, qui étaient nettement supérieurs à leurs encours. Ces avoirs
ont été estimés entre 14 et 15 milliards de dollars. Cette logique n'était pas celle de toutes les banques engagées dans les différentes opérations consortiales et a
provoqué une véritable scission entre, d'une part, les grandes banques américaines et, d'autre part, les petites banques régionales américaines, les banques
européennes, canadiennes et japonaises ; il faut dire que ces dernières avaient reçu moins de fonds en dépôt que prêté d'argent et ont adopté, en conséquence,
une attitude beaucoup plus conciliante à l'égard des emprunteurs iraniens.
196. – Ce conflit s'est finalement résolu par application de ces deux logiques opposant les différentes banques selon que la majorité des banques d'un syndicat
bancaire donné était représentative de l'un ou de l'autre des clans ainsi formés (V. G. Berlioz, The Iranian Crisis : The Implication for International Financial Law,
op. cit., p. 17).
197. – On citera, pour conclure, une décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris qui témoigne à elle seule des autres conséquences éventuellement
fâcheuses de la concentration de certains pouvoirs entre les mains de la majorité de banques et de certaines maladresses rédactionnelles. Dans l'espèce
soumise au tribunal, à la suite de difficultés rencontrées par l'emprunteur, certains membres d'un syndicat bancaire en ce compris l'agent, représentant 46 % des
engagements globaux, ont cédé leurs créances à une banque tierce qui les a recédées dès le lendemain à une société entièrement intégré à l'emprunteur. Cette
cession a eu non seulement pour effet de réduire à l'immobilisme le syndicat faute de la présence d'un agent mais également d'empêcher toute poursuite à
l'encontre de l'emprunteur puisque aussi bien le contrat de prêt stipulait que des poursuites ne pouvaient être engagées à son encontre que pour autant que
l'agent ait recueilli l'accord préalable d'un nombre d'établissements suffisant, représentant au minimum 75 % des engagements globaux du syndicat (T. com.
Paris, 1re ch., 18 oct. 1999, Société Dijon Finance, Crédit du Nord, Caisse d'Épargne Rhône-Alpes-Lyon, Caisse d'Épargne Loire-Drôme-Ardèche, Banque
Debaeque Beau, Société Repromedia System :Juris-Data n° 1999-111119). Le Tribunal a estimé qu'il n'avait d'autre choix, en l'espèce, que celui de prononcer la
dissolution du syndicat et de nommer un liquidateur amiable à l'effet de poursuivre l'exécution des mesures conservatoires à l'encontre du débiteur.
199. – Si on choisit d'adopter la thèse d'un ordre sociétaire, un syndicat bancaire serait – en l'absence de personnalité morale – une société en participation.
L'objet commercial de cette société entraînerait alors deux conséquences :
les relations entre les membres du syndicat seraient régies par les règles gouvernant les sociétés en nom collectif (C. civ., art. 1871-1), en sorte que les
banques “répondraient indéfiniment et solidairement des dettes sociales” (C. com., art. L. 221-1), ce qui à de rares exceptions près est à l'opposé même
de leurs volontés ; quant à l'agent, il aurait alors le rôle de gérant et pourrait, en cette qualité, “faire tous les actes de gestion dans l'intérêt de la société” (
C. com., art. L. 221-4), ce qui n'est pas, comme on l'a vu, nécessairement le cas (V. supra n° 156 et 183 ).
les relations avec les tiers, en ce compris l'emprunteur, seraient quant à elles régies par les dispositions de l'article 1872-1, alinéa 2 du Code civil, en
sorte que chaque membre d'un syndicat, s'il agit au vu et au su des tiers, sera tenu “à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en
cette qualité par l'un des autres, avec solidarité”, ce qui à l'évidence est un autre contresens sur la volonté des banques et l'organisation contractuelle de
leur relation.
200. – On ajoutera que toute cession par un membre du syndicat de sa participation serait également et automatiquement soumise à un droit d'enregistrement de
4,80 %, conformément à l'article 726 du Code Général des Impôts. Cela serait, cette fois, tout particulièrement dommageable pour le marché secondaire des
crédits syndiqués en France.
201. – Quelles que soient les critiques qui résultent de l'intention manifestement contraire des banques et bien qu'une certaine doctrine ait été particulièrement
séduite par cette qualification (V. A. Mazzoni, Les clauses d'exigibilité anticipée et de paiement tardif : M. Bellis Les conventions d'euro-crédits : op. cit., p. 143),
plus précisément par celle de société créée de fait "en raison d'un comportement analysé a posteriori" (V. Y. Zein, Les pools bancaires – aspects juridiques :
Economica, 1998, pp. 310-313), un examen, même rapide, des éléments constitutifs du contrat de société (C. civ., art. 1832), suffit à anéantir toute thèse d'un
ordre sociétaire.
203. – Les limitations apportées à l'autonomie individuelle résultent, en réalité, non pas de l'existence d'un intérêt collectif, mais tout simplement de la nécessité
d'une gestion efficace des intérêts de chaque banque prise individuellement.
204. – On ajoutera que loin de se comporter comme un gérant, l'agent des banques remplit, le plus souvent, les fonctions d'un secrétaire du groupement
“introduisant le dossier en vue de préparer la décision collective” (V. J. Terray, op. cit., p. 514).
206. – Pour conclure, on citera une autre doctrine qui résume assez bien, sous forme de question, les faiblesses de cette qualification : "suffirait-il que les
banques créditent directement l'emprunteur pour qu'il n'y ait plus de “mise en commun” et partant plus d'apport ?" (V. J. Terray, op. cit., p. 514).
208. – Si la douzième chambre de la Cour d'appel de Versailles a pu considérer, en premier, que la notion de syndicat s'analyse juridiquement comme une
société en participation régie par les articles 1871 et suivants du Code civil (CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 6 juin 1996, op. cit., n° 172), la treizième chambre a
ensuite opté pour une analyse de la syndication sous les seuls rapports contractuels expressément établis par les banques, sans faire une quelconque référence
à la notion de société (CA Versailles, 13e ch., 11 déc. 1997 : op. cit. n° 116 et 182).
209. – Sans prendre parti sur la nature juridique des syndicats bancaires, la jurisprudence la plus récente semble écarter la qualification de contrat de société.
Tout au plus, la jurisprudence fait-elle à présent référence au fait qu'il peut y avoir une certaine assimilation avec un ordre sociétaire en raison de “la coopération
manifestée par ces banques pour accorder un prêt” (V. CA Rouen, ch. réunies, 8 oct. 2002 : op. cit. n° 163).
une application pure et simple des dispositions contractuelles. Ainsi, c'est sous le seul visa des articles 1134 et 1147 du Code civil que la Cour d'appel
de Versailles a condamné un agent pour manquement à son devoir de loyauté et d'information (CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 5 déc. 2002 : op. cit.
n° 83, 84, 87 et 183) ;
une absence de référence à la qualité "d'associés" des membres du syndicat lorsqu'il était question d'apprécier leurs obligations. Ainsi, la Cour de
cassation a-t-elle fait état "d'obligation conjointe pour cause de pluralité de créanciers" (Cass. 1re civ., 2 oct. 2002, op. cit., n° 95) ;
une référence, en revanche, à la notion de mandat civil lorsqu'il s'est agi d'apprécier les pouvoirs de l'agent du crédit (Cass. ch. mixte, 22 févr. 2002, op.
cit., n° 174) ;
l'absence de référence à la société en participation mais une simple référence à un "groupement" entre banques (Cass. com., 22 janv. 2002, pourvoi
n° 99-14.357, arrêt n° 141 et Cass. com., 16 oct. 2001, op. cit., n° 163) ou à "un protocole interbancaire" (CA Paris, 15e ch., sect. A, 2 oct. 2001, BNP
Paribas c/ Banque San Paolo : Juris-Data n° 2001-161242 ; RJDA 1/2002, n° 85).
211. – On ajoutera que dans l'hypothèse où les banques ont stipulé une solidarité active, il est fait appel à la notion de "prêteurs solidaires" plutôt qu'à celle
"d'associés solidaires" (CA Aix-en-Provence, 8e ch., sect. A, 9 janv. 2002, op. cit., n° 97 et 175).
212. – Pour conclure, comme le souligne justement une partie de la doctrine, la qualification d'un syndicat bancaire en société en participation “serait un grave
contresens sur l'intention des banquiers actifs sur le marché international et sur les mécanismes mis en œuvre dans les crédits conjoints (...) leur souci est de se
comporter en titulaire individuel d'une créance qu'elles entendent gérer comme un actif financier” (V. J. Terray, op. cit., p. 513. – V. supra n° 33 ).
b) Coassurance
213. – De fait, la syndication directe se rapproche du mécanisme de la coassurance définie comme "l'opération par laquelle, pendant une même période et par
une même police d'assurance (“police unique” dite police collective), plusieurs assureurs garantissent un assuré, chacun d'eux proportionnellement à la part qu'il
accepte de prendre dans cette opération" (Sainrapt, Dictionnaire général de l'assurance, éd. Arcature, 1996). Les objectifs poursuivis sont similaires en ce sens
que comme en matière de financement, l'importance des capitaux à assurer dans les grands risques industriels impose la technique de la coassurance, soit une
répartition horizontale du risque entre plusieurs assureurs dont chacun n'accepte qu'une fraction des capitaux en fonction de sa capacité financière.
214. – À l'instar de l'agent du crédit, l'un des assureurs, appelé l'apériteur, reçoit un mandat des autres coassureurs. L'apériteur discute les conditions du contrat,
rédige la police et constitue l'interlocuteur normal de la coassurance auprès de l'assuré. Chaque assureur s'engage séparément avec l'assuré. Il n'y a pas de
solidarité entre eux et la résiliation d'un contrat n'entraîne pas, en principe, celle des autres. À l'image d'une addition de crédits individuels consentis aux mêmes
conditions, une pluralité de contrats distincts lie plusieurs assureurs à un client commun même assuré.
215. – Toutefois, outre que cette assimilation ne peut être faite que dans l'hypothèse d'un crédit par signature, il reste que la coassurance n'est pas, elle-même,
rattachée à une catégorie juridique précise.
216. – “En dehors du droit institutionnel et statutaire, le droit conventionnel peut sous-tendre des actions multiformes avec stabilité et cohérence” (V.
H. Lesguillons : préface à Les groupements d'entreprises pour les marchés internationaux, M. Dubisson : éd. Moniteur, 1979, p. II). Une partie plurale (le syndicat
bancaire) contracte avec une autre partie (l'emprunteur), les deux parties formant un contrat conjonctif au sens de l'analyse élaborée par Monsieur Cabrillac
(L'acte juridique conjonctif en droit privé français : LGDJ, 1990), chacun devant respecter les règles substantielles relatives à la formation et à l'exécution de tout
contrat consensuel (sur la notion de "partie plurale" V. également J. Mestre, Co... et Cie : RTD civ. 2002, p. 805).
217. – En définitive, le syndicat se caractérise par une simple adhésion contractuelle volontaire des banques à une organisation collective pour l'octroi de prêts
individuels consentis aux même conditions à un seul et même emprunteur (V. J. Terray, op. cit., p. 513). Quant au contrat de crédit syndiqué, il correspond tout
simplement à la définition du contrat donné par l'article 1101 du Code civil : “le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent,
envers une ou plusieurs autres, à faire ou ne pas faire quelque chose”. Les modalités particulières fixées dans chaque convention – qui peuvent s'apprécier au
regard des usages bancaires – règlent au cas par cas les droits et obligations de chacun des acteurs de la syndication.
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